« Celui-ci et hum… Celui-là ! » Evitant que son index ne touche la vitrine lustrée pour ne pas y laisser de traces, Cade pointait les sucreries après avoir hésité quelques instants, sous les yeux rieurs de la vendeuse. Le choix était difficile. La pression qu’il se mettait sur les épaules l’était tout autant. Ce festin n’était pas destiné à n’importe qui et il n’avait pas envie de se planter. Même si tout ce qui sortait de cette boulangerie pouvait satisfaire la gourmandise développée d’un enfant de six ans, Grimes avait à cœur de surprendre et surtout de faire plaisir au petit garçon qu’il allait retrouver. La vendeuse referma la boite en carton blanche sur les trois pâtisseries et il régla ce qu’il lui devait avant qu’elle ne lui lance un chaleureux « régalez-vous bien », comme si elle pouvait lire sur son visage son intention de gouter à l’un de ces délicieux mets. Il posa délicatement la boite sur le siège passager de la voiture et se dirigea vers Logan City et parc, spacieux et arboré.

Ce serait le théâtre de retrouvailles qu’il ne pensait pas se dérouler si tôt. Quelques mois étaient passés depuis que Savannah lui avait avoué son intention de continuer sans lui. Dans un premier temps, abattu, Cade avait tourné et retourné les faits en s’incriminant et en lui rejetant la faute à tour de rôle. Il avait bu, dormi, bossé et ce fut finalement un retour aux sources, aux Etats-Unis, qui lui avait permit de cesser d’y penser. La vérité lui faisait mal, le manque était tout aussi douloureux, alors il se privait de subir les assauts de ces images, de ces interrogations qui n’avaient plus de sens. Il s’interdisait de faiblir. Savannah avait pris sa décision et il en avait conclu qu’il était temps qu’elle soit heureuse.

Au-delà du lien particulier qui survivrait entre Savannah et lui et malgré les tumultes que leur histoire subissait, persistait cet attachement que Cade ressentait pour Mathis. Et à en croire ce merveilleux chef-d’œuvre qui ornait maintenant son petit frigo, en solitaire, le petit garçon ne l’avait pas oublié non plus. En regardant ces super-héros et leurs capes remplies de pouvoirs insoupçonnés, Grimes avait toujours le sourire, et ce regard nostalgique qu’il se devait de transformer rapidement pour ne pas flancher.  La Chevrolet noire se gara non loin de l’entrée. Sac de sport sur une épaule, boite en carton à la main, Cade pénétra dans l’enceinte du parc, quelque peu fébrile. Comment devait-il affronter le regard de Savannah ? Et Mathis ? Lui poserait il des questions auxquelles il ne saurait répondre ? L’atmosphère de ce rendez-vous était incertaine. Ce qui était sûr, en revanche, c’était que l’ex agent fédéral avait ce besoin inédit de revoir le sourire pur et innocent du petit garçon. Il s’arrêta près d’un banc, et y grimpa pour poser ses fesses sur le dossier. En sortant son téléphone portable, il constata avec soulagement que Savannah n’avait pas annulé l’après-midi, à la dernière minute.

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Assise sur l'accoudoir du canapé, le regard perdu sur l'écran de mon portable que je tiens faiblement entre mes mains, je me demande un instant si tout ça est bien raisonnable. Après plusieurs mois de silence, quelques échanges avaient trouvé leur place entre Cade et moi, initiés par une envie de lui souhaiter simplement son anniversaire. Contrairement à notre dernière rupture, la rancœur ne se devinait pas dans ces quelques messages, si brefs pouvaient-ils être. Ils auraient pu l'être davantage s'il n'y avait pas eu l'évocation de ce petit être dans nos vies. Mathis. Il avait cette capacité à souffler un vent de légèreté et de bonne humeur dès lors qu'il était concerné, et les rayonnements qu'il émettait avaient fini par ne pas échapper à l'ancien agent fédéral, qui avait pris le temps de construire un lien particulier avec mon fils. Un attachement mutuel que j'avais longtemps espéré, et qui pourtant, dans les conditions actuelles, rendait le quotidien plus difficile. En tant qu'adulte, il nous était plus facile de nous adapter, de prendre du recul, mais le petit garçon de six ans avait eu beaucoup de mal à se faire à l'idée que Cade ne viendrait plus arpenter cette maison. Les questions avaient été nombreuses, et je m'étais efforcée d' y répondre avec sincérité et toutes les précautions nécessaires, restant malgré tout évasive pour ne pas empiéter sur un terrain dangereux. Les histoires des grands sont compliquées, il en avait bien saisi le message, cela n'avait pas pour autant enlever cette déception qui avait persisté durant de longues semaines. Malgré tout, du haut de son jeune âge, j'avais pu entrevoir une certaine bienveillance de son côté, comme s'il avait perçu la tristesse que je partageais également, et qu'il ne voulait pas m'accabler davantage par différentes plaintes ou réclamations. Je l'avais constaté lorsqu'en voulant l'embrasser sur le front pendant son sommeil, j'avais aperçu ce petit bout de papier, dépassant d'un livre qui reposait sur sa table de chevet. Une photo de Cade et du petit bonhomme, sur laquelle ils exposaient tous les deux fièrement leurs muscles,levant les bras pour marquer le coup. Le regard rieur de Mathis en disait long alors qu'il observait son acolyte avec une pointe d'admiration, qu'il considérait presque comme un mentor, assez pour sentir mon coeur se comprimer durant un instant. Il finirait par s'y faire, tout comme moi.

"Maman il est où mon gant?" Je relève le regard sur Mathis qui a déjà revêtu sa plus belle tenue de sport pour l'occasion. "Hmm…Tu as regardé sur le bureau de ta chambre?" demandais-je en tentant de reprendre une attitude tout à fait naturelle, fronçant les sourcils pour me donner plus de contenance. Avant qu'il ne parvienne à quitter la pièce, je l'interpelle, l'arrêtant dans son élan alors qu'il fini par s'approcher moi, me permettant de pouvoir lui remettre correctement sa casquette sur la tête. "J'vois que t'as pensé à tout" Il me sourit, se demandant probablement si c'est la raison pour laquelle je souhaite avoir son attention, je suis donc forcée de reprendre rapidement, afin de ne pas le voir disparaître à nouveau. "Hé champion, tu préfèrerais pas que j'te dépose au parc afin que tu puisses l'avoir pour toi tout seul? J'te récupérerais après?" Un sourire pour accompagner cette proposition et la rendre plus attractive qu'il n'y paraît, malheureusement, la mine soudainement déçue de ce dernier vient casser mon entrain. "J'voulais qu'on soit ensemble moi, comme avant" Il tiraille mon palpitant avec une telle force que ma gorge se noue, m'empêchant un instant de pouvoir émettre le moindre son. A t-il seulement conscience que les choses ne sont plus comme avant, et qu'elles ne le seront plus jamais? Est-ce le moment idéal pour casser ses espoirs par une vérité qu'il s'affaire à vouloir oublier? Mon regard, tendre et admiratif à la fois se perd sur lui, alors qu'après quelques secondes, je réalise que j'en suis incapable. Incapable de briser cette joie qu'il se fait.  "Bien. Vas retrouver ton gant, on va finir par être en retard" Un sourire apparaît sur mes lèvres, cherchant à éveiller à nouveau le sien, alors qu'il ne tarde pas à retrouver cette euphorie du départ, comme si cette discussion n'avait jamais eu lieu, et qu'il avait à cœur de s'enfermer à nouveau dans sa bulle. Celle dans laquelle la vie lui offre tout ce dont il souhaite.

L'apparition de la chevrolet juste devant le parc suffit à faire monter la pression d'un cran. J'appréhende. Fortement. Peut-être que Nephtys avait raison, peut-être que ce n'était pas une bonne idée. Et peut-être aussi que c'était encore trop tôt pour moi. "Maman, y a sa voiture" Son petit doigt désigne celle-ci, comme si cette dernière m'avait échappé. Je ne tarde pas à me garer sur le bas-côté de la route, jetant un regard à Mathis depuis mon rétroviseur, qui ignore l'état de trouble dans lequel je me trouve, et qui, dans une certaine impatience, se charge de se détacher alors que je coupe le contact. Nous nous enfonçons dans le parc, observant autour de nous à la recherche du jeune homme. 'Il est là!' lance-t-il avant même que mon regard n'ait pu le trouver. Il se précipite vers lui, prêtant peu d'importance à savoir si je le suis ou pas. Mes pas à moi sont plus incertains, comme si j'avais encore l'occasion de pouvoir faire marche arrière. J'observe cette étreinte, dont Cade se soumet avec la pudeur que je lui connais, et c'est lorsqu'il s'en défait que j'arrive à sa hauteur, et parviens à retrouver les traits si familiers de son visage. Mes yeux bleus croisent les siens, et durant un bref instant, une certaine hésitation semble flotter au-dessus de nous, justifiée par ce passé commun et toutes les émotions qui en ont découlées. "Salut" lançais-je doucement, incapable de m'emparer d'une bonne humeur assumée, que je chercherais à lui balancer en plein visage. "Regarde le gant qu'on m'a offert" La voix du jeune garçon vient dissoudre tout trouble, et me pousser à me ressaisir afin d'adopter une attitude plus légère et naturelle. Je me dois d'être à la hauteur, pour moi, pour Cade, mais surtout pour Mathis. "J'te conseille de pas lui piquer, il risquerait de te mordre sans plus attendre" Mathis se tourne vers moi, perplexe, mais amusé à la fois, niant sans plus attendre mon accusation. "C'est pas vrai!" Je fronce les sourcils "C'est pas ce que t'essayais d'faire la dernière fois que j'ai voulu le retirer de ton lit pendant ton sommeil?" Son sourire illumine son visage alors qu'un rictus finit par s'échapper de ses lèvres. "Encore heureux qu'il te manque une dent, j'suis sûre que j'y aurais laissé des doigts!" En référence au joli trou qu'il arborait joyeusement depuis qu'une incisive centrale avait décidé de laisser la place à sa future remplaçante. Le rire de Mathis suffit à me faire céder à l'amusement de cette scène.

Tout s’était arrêté net. Soudainement. Trop subitement pour que Cade tourne la page d’un simple geste. Lorsque Savannah lui avait fait part de son souhait d’arrêter leur relation, il n’avait d’abord pas bien compris. Lui qui, à quarante ans passés, ne s’était jamais donné autant sur le plan sentimental, avait accusé le coup. Et bon sang, ce qu’il faisait mal ce coup ! Comme un uppercut en pleine face. Le goût amer persistait encore dans sa bouche. Il avait cru bien faire. Il avait pensé que c’était suffisant. Mais ce n’était pas le cas pour elle et il payait les conséquences de sa trop lente prise de conscience. Il avait perdu Savannah, sa confiance, son infinie douceur et cette bulle qui avait commencé à l’envelopper doucement et qui avait éclaté, percutée par leurs différences, encore envahissantes au goût de la jeune femme. Grimes avait à peine eu le temps de toucher au bonheur, d’en savourer les bienfaits. Il vivait depuis quelques mois avec des sentiments qui le blessaient chaque jour un peu plus quand il se penchait un peu trop dessus. Et avec l’idée qu’il n’était définitivement pas fait pour vivre ce genre de choses. Le genre d’histoire qui dure malgré les épreuves.

Alors quand il eut reçu ce message pour son anniversaire, Cade avait esquissé un léger sourire. Elle n’avait pas oublié sa date d’anniversaire et surtout, elle avait osé le contacter, sortant de ce mutisme glaçant qui les éloignait encore plus malgré tant d’années passées très proches l’un de l’autre. Son esprit lui avait hurlé de ne pas lui répondre pour se préserver. Son palpitant, lui… n’écoutait que lui. Son rythme s’était accéléré lors de cette courte conversation écrite. Après un petit soulagement, Grimes se réjouit immédiatement de revoir Mathis. Et Savannah par définition. Ces retrouvailles ne seraient pas dénuées d’une gêne, c’était certain, mais elles en valaient carrément la peine. Cade balayait les pensées négatives et parasites de sa caboche. Celles qui voulaient le tenir loin de la jolie blonde et de son fils pour se dispenser d’une souffrance ravivée. Après être passée chercher un goûter, il s’aperçut vite qu’il était le premier au rendez-vous fixé au parc. De quoi le faire ruminer encore un peu. Qu’est ce qu’il foutait là ?! Savannah avait été claire. C’était fini. Ils ne pourraient pas être ensemble sans que l’un ou l’autre n’endure des sacrifices.

Toutes ces pensées s’envolèrent quand Cade tourna la tête en entendant la voix de Mathis. « Il est là ! ». Le petit garçon courrait vers lui et l’ex agent fédéral vint à sa rencontre son l’ombre d’une hésitation. En posant un genou au sol, il se mit à sa hauteur et, étonné de tant de démonstration, il reçu cette étreinte percutante comme une décharge d’émotion aussi candide que généreuse.  « Hey bonhomme ! » Une décharge qui lui parcouru tout le corps alors que son sourire trahissait un trouble inédit. Il n’eut pas le temps de regarder le petit garçon que sa sublime maman arrivait jusqu’à eux. Cade se redressa en posant affectueusement sa main sur le crâne de Mathis. Et le voilà donc. Cet embarras qu’il haïssait pour être le témoin concret du problème qui les concernait. "Salut" Il rencontra brièvement ses yeux bleus. « Salut.. » Finit-il par répondre, ne sachant même pas comment engager une discussion. Finalement, tout était bien plus simple à travers un téléphone portable. "Regarde le gant qu'on m'a offert" Un enfant pouvait sauver d’une situation délicate. Dieu merci. Le visage de Cade se pencha sur l’équipement en question. « J’sais pas qui t’a offert ça mais… c’est un gant de champion, à coup sûr ! Tâches d’en être digne ! » Etait-ce le nouveau petit ami de sa mère qui lui avait fait ce cadeau ? Acheter un enfant en lui offrant ce qu’il aime pour faire valoir sa place…Répugnant. Peut-être était-ce son père qui avait eut cette brillante idée ?

"J'te conseille de pas lui piquer, il risquerait de te mordre sans plus attendre" Ils devaient en passer par là. Parler de Mathis, contourner le sujet, faire comme si tout était simple. Cade s’y soumettait. Pour elle et pour le petit. Alors que ce dernier protestait, Savannah reprit avec un sourire lumineux qu’il n’avait certainement pas oublié. "C'est pas ce que t'essayais d'faire la dernière fois que j'ai voulu le retirer de ton lit pendant ton sommeil?" Grimes se tourna vers Mathis. « J’ai déjà dormi avec ma casquette fétiche mais j’n’ai jamais croqué les doigts de ma mère. T’es un p’tit sauvage Mathis, ne recommence pas ! les mains d’une maman sont bien trop précieuses ! » Il pencha légèrement la tête, d’un air hésitant. « Les cheveux en revanche…. » Ne pas inspirer de connerie. Ne pas mettre d’idées dans la tête de ce garçon. Trop tard. A son contact, Cade ne pouvait se contenir. « J’ai quelque chose pour toi ! » Son sac de sport, et surtout, la boite en carton se trouvaient encore sur le banc, derrière lui. Il les récupéra et se baissa pour que Mathis ait le nez directement sur la boite qu’il ouvrait comme une malle au trésor, renfermant des pièces, bijoux et autres ornements dorés et précieux. « J’ai pris trois parfums…j’te laisse choisir ton préféré ! » A l’intérieur, il y avait trois donuts. Mathis en attrapa un et quand il se redressa, un grand sourire enfantin sur les lèvres, Cade fit face au visage faussement irrité de Savannah. « Oh… et j’ai ça aussi. » Il sortit de sa poche une pomme bien verte qu’il lança et qu’il rattrapa d’une main, fièrement. « C’est pour le côté "équilibré". »  

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Cette rupture survenue plusieurs mois auparavant avait été l'un des choix les plus difficiles que j'avais eu à faire dans ma vie, mais pourtant à ce stade, elle était apparue comme inévitable. Mon arrestation soudaine, pour différents chefs d'accusation liée à l'activité de la société Campbell, avait bouleversé une partie de mon existence. Je m'étais sentie oppressée, noyée dans un étang d'insécurité, luttant pour ne pas me laisser engloutir par les méthodes douteuses des agents fédéraux. Ma libération avait été un véritable soulagement, pour autant, la pression que j'avais pu subir durant de longues heures m'avait poussé à songer à la vie que je menais jusqu'alors. Une vie qui aurait pu m'échapper d'un moment à l'autre, et que je me devais de vivre pleinement, de croquer à pleine dents. Une vie remplie de possibilités qu'il me fallait saisir, ayant désormais conscience du caractère précieux qu'elle abrite. Et contre toute attente, c'est ma relation avec Cade qui avait été mise au premier plan. Cette histoire, forte, sincère, authentique, méritait selon moi bien plus de moyens pour la rendre parfaite. J'avais besoin de sentir que je pouvais compter sur lui, qu'il voyait les choses de la même façon que moi. J'avais besoin de m'assurer qu'il était prêt à avancer, sa main liée à la mienne. Je le voulais à mes côtés, toujours, partageant le même toit, et qu'il éprouve lui aussi ce besoin de renforcer notre lien, de se projeter dans de nouveaux projets, qu'il ne voit pas l'avenir sans moi. Malheureusement, mon entrain avait été rapidement stoppé par son côté terre à terre et ses peurs. J'avais souvent fait preuve de compréhension et de patience durant cette relation, mais nos différences ont fini par nous rattraper au moment où j'avais besoin de savoir de mon côté que je pouvais compter sur lui. Une grande désillusion dont je ne pouvais lui en vouloir, mais qui ne pouvait que nous amener à cette terrible issue. Mes sentiments pour lui n'étaient plus à prouver, malheureusement, à ce stade, ils n'étaient plus suffisants. Je m'étais souvent battue pour cette relation, et la seule chose qui en ressortait était finalement que ce n'était pas assez. Je ne veux pas faire de concession, pas plus que lui en imposer, et une histoire digne de ce nom ne devrait pas avoir à supporter de tel sacrifice. Tout ça devrait être naturel, et partagé. Une chose qui paraît désormais nous échapper. Nous sommes à la croisée de nos chemins, et ces derniers nous mènent vers des directions différentes. J'avais tout donné pour cet homme, tout donné cette pour relation sur laquelle j'avais tout misé, et aujourd'hui, je prenais conscience que je devais me séparer de lui pour pouvoir être qui je suis réellement, pour pouvoir grandir.

Les premières semaines avaient été particulièrement éprouvantes, le moral au plus bas. Mêlé à ça la chute de la société Campbell, et la perte imminente de mon emploi, j'avais été forcée de me battre pour parvenir à sauver la seule chose qui pouvait encore l'être. De quoi parvenir à m'occuper l'esprit, et refaire naître l'espoir, au moment où je pensais avoir tout perdu. Depuis, je m'efforce d'écrire l'histoire de ma vie, je cherche à oublier ces souvenirs qui me lient à lui, espérant que je puisse un jour les affronter sans ressentir la moindre émotion. Il aura suffit d'un simple message pour qu'il parvienne à s'immiscer dans ce quotidien dans lequel il n'était pas apparu depuis longtemps. Je m'étais affairée à couper les ponts avec lui, parce que c'était tout ce que nous pouvions faire pour parvenir à nous reconstruire sans l'autre, et me voilà pourtant à proposer une rencontre supposée banale au sein de ce parc. La possible euphorie du moment me donnait pourtant la sensation que c'était juste, et sensée. L'apparition de sa voiture sur le trajet bouscule mon esprit, je prends cependant conscience de l'insouciance dont je fais preuve, et qui met à mal les arguments jusqu'alors recevables. Qu'essayais de me prouver? Avais-je besoin de savoir que je ne l'avais pas brisé? De combler le manque qu'il a pu laisser par quelques minutes volées? De me prouver que j'étais désormais sortie de ce terrible tourment qui m'avait paru insurmontable durant les premiers temps? Je n'en ai pas la moindre idée, mes propres motivations m'échappent alors que je n'ai d'autres choix que de suivre la cadence de Mathis, qui ne ressent pas un seul instant cette appréhension qui s'impose à moi. Ce dernier, aux aguets, ne tarde pas à trouver l'auteur de cette impatience qui émerge en lui depuis plusieurs secondes. Je subis la scène comme un choc, consciente de l'impact qu'une telle rencontre a pu émerger entre eux. Impuissante, mais à la fois rassurée de ressentir cette réciprocité dans leurs échanges, de quoi satisfaire le jeune garçon, qui s'attarde un instant sur ces retrouvailles qu'il pensait pourtant impossibles. « Hey bonhomme ! » Ma gorge se noue, probablement pour diverses raisons, alors que je reste un peu en retrait, cherchant à leur accorder ce moment qu'il leur appartient, et qui était la raison première de ce rendez-vous. Mon regard ne s'attarde que brièvement sur les traits du jeune homme, comme si cette simple observation ne m'appartenait plus, que je n'étais plus disposée à m'y soumettre. « Salut.. » Un malaise des plus marquants, mais qui ne pouvait s'effacer par quelques messages envoyés en toute insouciance. Fort heureusement, Mathis se charge de briser la glace avec une certaine innocence. « J’sais pas qui t’a offert ça mais… c’est un gant de champion, à coup sûr ! Tâches d’en être digne ! » Les bras croisés contre ma poitrine, je réalise que ce genre de détail ne lui aurait pas échappé dans d'autres circonstances. Je ne suis cependant pas là pour refaire le passé, mais pour améliorer un présent pour le moins maussade que cette rupture avait entraîné chez mon fils. A défaut d'avoir pris en considération la dangerosité de telles retrouvailles, je me dois désormais de les assumer, et de chercher à ce qu'elles soient agréables pour tous."J'te conseille de pas lui piquer, il risquerait de te mordre sans plus attendre" Une réplique pour le moins surprenante, mais qui nous permettra avec un peu de chance de donner le change. Ca semble en tout cas fonctionner sur Mathis, qui ne sait pas s'il doit en rire ou chercher à se défendre face à l'absurdité de mes accusations. "C'est pas ce que t'essayais d'faire la dernière fois que j'ai voulu le retirer de ton lit pendant ton sommeil?" Je relève le regard, cherchant à faire parler l'enfant par toutes les mimiques de son visage. « J’ai déjà dormi avec ma casquette fétiche mais j’n’ai jamais croqué les doigts de ma mère. T’es un p’tit sauvage Mathis, ne recommence pas ! les mains d’une maman sont bien trop précieuses ! » Il se pince les lèvres, se demandant comment s'innocenter des faits qui lui sont reprochés, et sont pourtant bel et bien exagérés. Les paroles de Cade semblent aller dans mon sens, de quoi étirer légèrement ce sourire que j'esquisse « Les cheveux en revanche…. » Me voilà à froncer les sourcils en regardant Cade, une perplexité qui ne peut lui échapper. "C'est pas tellement c'que t'es sensé…" Je n'ai pas le temps de poursuivre que Mathis vient à me couper, visiblement troublé par une tactique qu'il ne paraît pas saisir à en voir l'incompréhension lisible sur son visage. "J'dois mordre ses cheveux?!" Son sérieux me dépasse, bien trop, pour que je ressente le besoin de croiser le regard de l'ancien agent pour voir s'il partage mon hilarité du moment. Un rire s'extirpe de mes lèvres . "Reste loin de mes cheveux vilain Gremlins:" Je plisse les yeux pour croiser ceux de Mathis, qui sourit de toutes ses dents.

« J’ai quelque chose pour toi ! » Le regard émerveillé de ce dernier se pose sur la boîte que tient Cade entre ses mains, sans même deviner un seul instant ce qu'elle peut contenir. « J’ai pris trois parfums…j’te laisse choisir ton préféré ! » Pas vraiment surprise, je remarque que le jeune homme éprouve toujours le besoin de contrer l'hygiène de vie que je tente d'imposer, et pour laquelle je l'avais pourtant mise en garde lors de nos derniers échanges. De quoi ravir le fils, un peu moins la mère. Il se redresse, subissant un regard réprobateur de ma part alors qu'il ne tarde pas à se rattraper. « Oh… et j’ai ça aussi. » Bien joué. Une provocation qui brille par sa réussite et qui me sourire un sourire, bien malgré moi, d'autant plus lorsqu'il s'amuse à l'exposer de la sorte. « C’est pour le côté "équilibré". » Je cherche à la lui attraper à la volée, manquant presque de la faire tomber au sol. "Tu es donc parvenu à trouver le rayon fruits et légumes du supermarché, incroyable." Un air moqueur qu'il ne pouvait que mérité après tant de désinvolture. "Mais faut quand même commencer par les bases." Je la soulève du bout des doigts, m'assurant qu'il l'est bien dans son champ de vision. "On appelle ça communément une pomme. Ça se cueille sur un arbre, et figure-toi que c'est riche en vitamines." Digne d'une vieille publicité, je vante les mérites de ce fruit comme s'il le rencontrait pour la première fois. "Ca peut aussi rentrer dans certaines recettes de cuisine, notamment pour faire des tartes aux pommes…Mais c'est pas tellement ce qu'il faut retenir" Ce mince sourire trahit mon sérieux, je prends la peine de me perdre un peu plus longtemps dans son regard, et de me souvenir que c'est ça, c'est là, ce besoin de donner la réplique à l'autre. Un automatisme qui ne changera visiblement jamais.. Mon regard se détourne finalement pour observer Mathis qui savoure pleinement le donut qu'il a pris le temps de choisir sans se préoccuper un seul instant de nous " Ca a l'air bon Mathis" Ce dernier se contente de fermer les paupières et de lever le pouce en guise de réponse, comme si je troublais sa dégustation. "J'ai le droit d'en prendre un aussi, ou je dois me contenter de cette magnifique pomme?"

Cade avait beaucoup apprit sur les relations amoureuses ces quelques dernières années. Mais il avait encore beaucoup à apprendre, au grand désespoir de la jolie blonde qui avait souffert de ces lacunes. Jamais, avant elle, l’ex agent fédéral n’avait eut à se poser de véritables questions au sujet de son avenir sentimental. Jamais l’occasion de se poser, de partager la vie d’une jeune femme, sous le même toit et d’adopter alors son passé et son futur ne s’était présentée à lui, jusqu’à Savannah Williams. La passion qu’il avait vécu avec Joan, et surtout le temps et les évènements, ne leurs avaient pas permis d’en venir à ces interrogations. Et avant Joan, il n’y avait pas eu à réfléchir bien longtemps. Grimes avait fui tous les vents qui pouvaient le conduire à quelque chose de sérieux, de durable et surtout à une histoire qui pouvait compter, et donc, l’affecter. Il avait accepté avec Savannah de s’ouvrir un peu plus. De briser cette carapace et de partager bien plus qu’une paire de draps et qu’une série de rendez-vous dans un bar du coin. Les mois passés à ses côtés avait bel et bien fait naitre des sentiments forts, qu’il n’avait plus réussi à dissimuler sous une robe de Dom Juan infatigable. Il avait pourtant semblé que sa façon de lui prouver son attachement n’avait pas été suffisante…Il en était là aujourd’hui. Il était seul avec ce qu’il ressentait. La déception et la colère étaient venue se greffer à tout ça. Pourtant, Cade ne lui en voulait pas. Il ne le pouvait tout simplement pas.

Si entre eux, c’était compliqué, avec Mathis les choses paraissaient couler de source. Quand il vit le petit garçon courir dans sa direction, la chaleur lui envahit immédiatement le cœur. Ça, au moins, ça n’avait pas changé. Etait-il seulement au courant de la séparation ? C’était à élucider avec sa maman. Mais pour l’instant, Cade profita de cette étreinte innocente et pour laquelle il n’y avait pas besoin de masques. Le premier contact avec Savannah fut bien plus inconfortable, même si ces yeux alimentaient toujours grandement l’affection qu’il avait pour elle. "J'te conseille de pas lui piquer, il risquerait de te mordre sans plus attendre" Le gant que tenait Mathis n’était pas un objet particulièrement inédit mais il avait l’avantage de susciter des émotions chez le garçonnet, et de sortir Cade et Savannah d’un premier échange tendu. « J’ai déjà dormi avec ma casquette fétiche mais j’n’ai jamais croqué les doigts de ma mère. T’es un p’tit sauvage Mathis, ne recommence pas ! les mains d’une maman sont bien trop précieuses ! » Cette casquette qui, d’ailleurs, ne quittait jamais sa table de chevet. « Les cheveux en revanche…. » La jeune femme ne semblait pas si adepte de cette idée. "J'dois mordre ses cheveux?!" Grimes ne pu s’empêcher de rire face à l’esprit trop droit de cet enfant. « C’est pas comme ça que j’ferai moi… » Il observa Mathis, le portrait de sa mère, encore plus depuis qu’il ne les voyaient plus quasi quotidiennement, tous les deux. "Reste loin de mes cheveux vilain Gremlins."

Cade dégaina alors sa surprise. La boite renfermait vraiment un trésor, du moins, aux yeux gourmands de l’ex agent fédéral qui, pour une fois, accepta de laisser Mathis choisir son parfum. Avec d’autres, une guerre aurait probablement eu lieue, pendant laquelle il se serait jeté sur le glaçage au sucre, ne laissant aucune chance à son ennemi. Pour ne pas aller à contresens des consignes alimentaires de Savannah, il sortit un fruit dont il ne vanta pas les qualités auprès du petit garçon, mais plutôt auprès de sa maman. "Tu es donc parvenu à trouver le rayon fruits et légumes du supermarché, incroyable." Les voilà. Savannah. Et cette ironie qu’il lui connaissait bien pour lui clouer le bec. Il en souriait à l’intérieur. Ca, ça n’avait pas changé. "Mais faut quand même commencer par les bases. On appelle ça communément une pomme. Ça se cueille sur un arbre, et figure-toi que c'est riche en vitamines. » Cade prit un air faussement blasé et il tourna la tête vers Mathis à qui il lança un haussement de sourcils expressif. Lui aussi devait connaitre ce discours.. "Ca peut aussi rentrer dans certaines recettes de cuisine, notamment pour faire des tartes aux pommes…Mais c'est pas tellement ce qu'il faut retenir" L’exemple n’était pas le meilleur et il étira les lèvres de Grimes qui en rajouta un peu. « Ou des donuts aux pommes… ! » Fier de sa réplique, il hocha positivement de la tête et finit par rencontrer le regard désabusé de Savannah. Son sourire s’évanouit alors petit à petit. "J'ai le droit d'en prendre un aussi, ou je dois me contenter de cette magnifique pomme?" Mathis semble apprécier et la jolie blonde se risque aussi à faire une entorse à son équilibre alimentaire. S’il y avait trois gâteaux dans cette boite, ce n’était certainement pas pour faire risquer la crise de foie au petit. Il lui tendit alors la boite en carton. « Régales toi Blanche Neige ! » La référence était toute trouvée, même si cette pomme verte n’avait rien d’un fruit empoisonné. Il se saisit ensuite du dernier donut et jeta la boite vide dans la poubelle la plus proche. « J’crois avoir vu un p’tit coin d’herbe tranquille par là-bas…peut-être que tu pourrais me montrer c’que tu sais faire avec ce gant quand tu auras fini ? » Le petit bonhomme avait levé la tête vers lui, le tour de sa bouche était coloré à l’image de son donut, déjà bien entamé. Il prit ensuite les devants et Cade ne tarda pas à le suivre après avoir déposé l’anse de son sac de sport sur son épaule. Savannah se tenait à ses côtés, les yeux fixés vers son fils. Hésitant, Grimes regarda d’abord ses pieds et puis… « Vous avez l’air en forme… » Un petit sourire soucieux vint ponctuer ses mots quand il redressa ses yeux sur elle.

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@Cade Grimes & Savannah Williams

Nos retrouvailles dans ce parc sont aussi surprenantes qu'incertaines. Nous en avions fait du chemin depuis notre rencontre, et à aucun moment je n'aurais pu songer que nous puissions partager autant de choses ensemble, qu'il puisse avoir un tel impact sur ma vie. Pourtant ça avait été le cas. La vie avait su me surprendre au moment où je m'y attendais le moins,mais surtout avec une personne qui n'avait pas le profil requis pour remplir les critères. J'avais éprouvé ce besoin de creuser le mystère qu'il représentait, cette envie irrépressible d'en savoir plus sur lui, et cette insatisfaction de n'en avoir jamais assez au final. Il était parvenu à éveiller de nombreuses émotions en moi, s'était montré d'un soutien infaillible lorsque j'en avais eu besoin, alors que de mon côté, je m'étais offerte à lui, sans aucune retenue, lui ouvrant mon coeur de la façon la plus sincère et authentique possible, oubliant la possibilité que je puisse me retrouver complètement démunie s'il venait à devoir s'éloigner. Mes craintes du départ s'étaient malheureusement affirmées avec le temps, soulevant le fait que nous étions probablement bien trop différents pour faire coïncider nos vies comme nous le voulions. Nous n'avions pas les mêmes aspirations. Je voulais plus, et il n'était pas disposé à pouvoir me l'offrir. Dans une autre vie, nul doute que nous serions parvenus à mener celle à laquelle j'ai si souvent cherché à le soumettre, mais pas dans celle-ci. Quand bien même Cade Grimes aura su marquer cette dernière à tout jamais, je me dois désormais d'avancer sans sa présence à mes côtés. Les premiers pas sont étranges, presque intimidants dans de telles circonstances, mais témoignent de l'authenticité d'une relation qu'il sera probablement difficile à effacer. Fort heureusement, la raison de notre présence dans ce parc est la solution à ce malaise. Mathis parvient par quelques mots à me ramener à la raison, me poussant à prendre sur moi pour chasser des souvenirs passés pour me concentrer sur le présent, et ce qu'il est prêt à lui offrir. « Les cheveux en revanche…. » Un haussement de sourcils qui cherche d'une certaine façon à le mettre en garde s'il venait à vouloir poursuivre dans ses plans douteux. Fort heureusement, l'innocence et l'incompréhension du petit garçon parviennent à casser notre élan à tous les deux, suscitant sans plus attendre un rire spontané de toute part. « C’est pas comme ça que j’ferai moi… » Je secoue la tête. "Oui et bien ne lui souffle pas de mauvaises idées toi…" lâchais-je avec une méfiance parsemée d'un léger amusement alors que mon regard se pose sur Mathis, qui cherche indubitablement à deviner où l'ancien agent voulait en venir.. J'empêche le processus sans plus attendre en lâchant  "Reste loin de mes cheveux vilain Gremlins."

La boîte à gâteaux ouverte, me voilà à perdre toute crédibilité face à un enfant qui ne prend même pas la peine d'obtenir mon accord pour s'emparer de l'une des gourmandises apportées par le jeune homme. Si nous étions dans un dessin animé, nul doute que je jouerais le petit ange par-dessus son épaule, alors que Grimes se chargerait de le pousser dans le vice un peu plus à chaque fois qu'il en aurait l'occasion. Ce n'est pourtant pas un trident qu'il brandit pour tenter de m'impressionner mais bel et bien une pomme, qu'il agite avec toute l'espièglerie que je lui connais, parvenant à satisfaire une partie de moi. J'apprécie bien trop ce genre de jeu et je ne perds pas de temps à riposter comme il se doit pour basculer la tendance  "Tu es donc parvenu à trouver le rayon fruits et légumes du supermarché, incroyable." Je ne m'arrête cependant pas là, prenant le temps de lui en apprendre un peu plus sur l'étrangeté de ce fruit. L'échange de regard, entre le garçon et le supposé "adulte", qui se déroule sous mes yeux n'indique cependant rien de bon alors qu'une sorte de solidarité se crée naturellement entre eux, comme ça avait été si souvent le cas dès lors que j'avais cherché à rappeler les règles d'hygiène de vie que je tenais à mettre en place par le passé, et qu'aucun d'eux ne semblaient apprécier. "Ca peut aussi rentrer dans certaines recettes de cuisine, notamment pour faire des tartes aux pommes…Mais c'est pas tellement ce qu'il faut retenir" avouais-je après coup. « Ou des donuts aux pommes… ! » Mon air blasé rencontre le sien, qui s'amuse bien plus de cette référence, et qui provoque sans plus attendre un léger rire en arrière-plan. "C'est bon les donuts aux pommes" Merci Cade. "Vous avez gagné. J'abandonne" soufflais-je finalement. Vanter les mérites de ce fruit n'allait malheureusement suffire à nous faire profiter de ses bienfaits, et elle allait sans doute finir dans l'obscurité du sac de Cade, dans le même état qu'elle y avait été glissée. Avec un peu de chance, elle n'y serait pas oublié. Ou alors elle y finirait complètement pourrie. Je suis donc le mouvement de cette rébellion culinaire, prête à abuser de cet excès de sucre avec la même insouciance que Mathis. "J'ai le droit d'en prendre un aussi, ou je dois me contenter de cette magnifique pomme?" Allait-il profiter de l'occasion pour me réprimander avec mes belles paroles précédemment citées? Il tend la boîte dans ma direction « Régales toi Blanche Neige ! » Restant tout d'abord méfiante, j'observe la boîte avec une pointe d'hésitation. Ce n'est que lorsque je me retrouve avec le donut dans la main que je sais qu'il ne pourra rebrousser chemin pour me le faire payer.  Je croque une bouchée, forcée de reconnaître que ça apporte bien plus de satisfaction et de réconfort qu'une malheureuse pomme. « J’crois avoir vu un p’tit coin d’herbe tranquille par là-bas…peut-être que tu pourrais me montrer c’que tu sais faire avec ce gant quand tu auras fini ? » Mes yeux bleus se perdent sur mon fils,qui a visiblement apprécié le goûter à en juger son état, ce qui ne tarde pas à me faire retrousser les lèvres. Pourtant, son impatience, un trait de caractère que nous partageons sans aucun doute, le pousse à prendre les devants et à quitter le banc avec entrain.

J'avance donc aux côtés du jeune homme, avec une intimité presque fragile justifiée par l'absence de Mathis qui a pris de l'avance, et sur lequel mon regard protecteur persiste. « Vous avez l’air en forme… » Cette simple remarque se résume t-elle à une déduction après plusieurs minutes passées en notre compagnie, ou s'agit t-il d'un moyen de s'en assurer par une question qui n'en est pas une? Cade avait fait partie de ces personnes face auxquelles je n'éprouvais aucune difficulté à exprimer une émotion, un état d'esprit du moment. Je n'avais pas cherché à tricher, ou à m'accaparer de faux semblants pour dissimuler ce qui pouvait se passer en moi, j'étais juste moi-même auprès de lui, sans avoir peur de subir un quelconque jugement par des aveux ou une façon de penser que beaucoup ne partagerait pas. Cependant à cet instant, ce droit que je lui avais donné par une certaine confiance ne lui appartient plus, comme si j'avais besoin de forger une carapace pour me protéger et l'éloigner de la vérité, de ma fragilité Nul doute qu'il rencontre l'une de mes grandes facettes, capable de dissiper tout trouble ou toute contrariété par une attitude somme toute banale. Aujourd'hui, ça me semblerait déplacé de lui confier mes états d'âme alors que j'en étais la grande responsable. Et je ne chercherais pas à savoir ce qu'il en est pour lui, ayant trop peur de deviner les cicatrices que j'aurais pu laisser dans sa vie, mais aussi d'éveiller une culpabilité en moi capable de troubler cette quiétude que je cherche à retrouver depuis notre rupture, et qui est difficilement saisissable. "Pour dire vrai, les choses sont assez compliquées pour Mathis" avouais-je, prenant finalement quelques secondes pour croiser son regard afin de poursuivre. "Avec l'arrestation, on peut dire que mes rapports avec James se sont clairement détériorés… Il s'méfie de moi et cherche à protéger son fils de mes agissements. J'ai malheureusement bien peur que tout ça n'échappe pas à Mathis, et qu'il se retrouve un peu coincé dans nos histoires" Une légère grimace pour appuyer mes mots. Chacun de nous s'efforce pourtant à l'épargner, mais la tension se fait bel et bien ressentir, malgré notre volonté. "Mais tu le connais, il parvient à faire comme si de rien n'était pour préserver tout le monde". Ca me torpille le palpitant de le reconnaître à voix haute, il avait une force considérable pour un bonhomme de six ans, une bienveillance innée envers les autres, alors que moi, j'étais venue en ajouter une couche supplémentaire en le privant de Cade. Je prends une grande inspiration pour lâcher "Il était fou à l'idée de te voir, j'pense qu'il avait vraiment besoin d'passer un moment comme celui-là, au delà de toutes ces histoires d'adultes qu'il subit." Mon regard vient croiser le sien, laissant entrevoir la sincérité de mes mots à travers ces iris bleus. "Merci de faire ça pour lui". Ca. Le revoir lui, mais aussi subir les démons de notre relation encore bien présents et cette souffrance qu'ils pouvaient amener au passage. Je savais ce que ça devait lui demander comme effort, parce que j'éprouvais la même chose, à la seule différence, c'est que Cade ne nous devait plus rien, et qu'il avait probablement plus important à gérer que les tumultes de la vie d'un fils qui n'est pas le sien.

"Vous avez gagné. J'abandonne" Cette capitulation et le visage déconfit de Savannah, seuls, pouvaient aisément faire oublier le contexte dans lequel ils baignaient tous les trois. La jolie blonde était toujours aussi réceptive aux répliques de l’ex agent fédéral qui, comme auparavant, se faisait le complice du petit garçon en lui proposant une pâtisserie sucrée plutôt qu’un fruit sain mais insipide. Pour le plus grand bonheur de sa mère, Mathis n’avait pas oublié les bonnes leçons que Grimes lui avait enseigné en matière de malbouffe et au fond, il en était fier. Le peu de temps qu’ils avaient été proches n’aura pas été vain et l’idée que Mathis garde quelque chose de leurs moments le touchait profondément. Un immense sourire s’était logé sur la tronche de Cade quand, en duo, ils parvinrent à faire céder Savannah. Elle opta elle aussi pour la gourmandise et Cade lui tendit la boite dans laquelle il restait un donut. « Régales toi Blanche Neige ! »

« J’crois avoir vu un p’tit coin d’herbe tranquille par là-bas…peut-être que tu pourrais me montrer c’que tu sais faire avec ce gant quand tu auras fini ? » Les étoiles dans les yeux du garçon se mirent à scintiller de milles feux. Gant déjà prêt, il ouvrit la marche en essayant de repérer le meilleur endroit pour s’exercer. Son impatience était belle à voir, si bien qu’en marchant aux côtés de Savannah, Cade l’observa avec une nostalgie qui lui renvoyait sa rupture en pleine face. « Vous avez l’air en forme… » Osa-t-il finalement lancer en craignant pourtant la réponse qu’elle allait lui apporter. Aucune ne le satisferait, de toute façon. Bien qu’il préférait les savoir tous les deux en bonne santé, et heureux, l’idée qu’ils puissent reprendre le cours de leur vie sans qu’il n’en fasse partie le triturait de l’intérieur. Le pire restant qu’elle lui annonce une mauvaise nouvelle sur laquelle il ne pourrait pas agir maintenant qu’ils faisaient chemins à part ; un déménagement, une rencontre… "Pour dire vrai, les choses sont assez compliquées pour Mathis" Cade baissa la tête, culpabilisant déjà alors que Savannah commençait à peine à s’expliquer. Il s’imaginait qu’il avait été compliqué pour elle de mettre des mots sur leur séparation auprès de son fils, et que sa réaction avait été également difficile à encaisser. Grimes avait beaucoup songé aux ressentis de Mathis, et il lui avait fallu vite prendre une autre gorgée de son verre pour supporter les quelques images et souvenirs qui lui venaient à l’esprit. Les chasser, rapidement, et se remettre à travailler. Se conditionner à un quotidien où son lâcher prise ne résiderait pas dans les bras de Savannah ou dans les rires du petit garçon. . "Avec l'arrestation, on peut dire que mes rapports avec James se sont clairement détériorés… Il s'méfie de moi et cherche à protéger son fils de mes agissements. J'ai malheureusement bien peur que tout ça n'échappe pas à Mathis, et qu'il se retrouve un peu coincé dans nos histoires" Pour illustrer ces propos, Cade jeta un œil au dos de Mathis. Ce devait être le bordel dans sa petite vie et sa mère s’en voulait clairement d’en faire une victime collatérale de ses problèmes avec la justice. Quant à James, sans le connaitre, il ne doutait plus de sa ténacité. La jeune femme lui avait parfois parlé de lui et de sa volonté de protéger son fils envers et contre tout. C’était ce qu’un père était supposé faire et Cade n’émettait jamais de jugement là-dessus, malgré les ennuis que cela pouvait causer à Savannah. "Mais tu le connais, il parvient à faire comme si de rien n'était pour préserver tout le monde" Les épreuves qu’il connaissait depuis tout petit n’avaient pas encore le dessus sur l’enthousiasme de Mathis. Du moins, pas en apparence. « Ton fils est intelligent. Il sait qu’ce sont des problèmes d’adultes. » Grimes le savait aussi mais pris au piège dans l’ambition excessive de son paternel, il avait fini par craquer et malheureusement, personne n’avait su l’empêcher de grandir trop vite. « Maintiens le encore un peu dans l’enfance. Ne le laisse pas t’échapper. Tout ça va finir par se tasser... » Il l’espérait vivement, même si cela devait signifier que le lien qu’il avait réussi à ériger avec Mathis devait s’en tenir à de simples sorties mensuelles.

"Il était fou à l'idée de te voir, j'pense qu'il avait vraiment besoin d'passer un moment comme celui-là, au-delà de toutes ces histoires d'adultes qu'il subit." Une pointe dans le cœur. Une chaleur agréable ou un regret amer qui prenait la forme d’un coup de poignard ? Sans doute un peu des deux. Quoi qu’il arrive, Cade serait toujours là s’il avait besoin. "Merci de faire ça pour lui" Et cela était aussi valable pour Savannah. Il tourna la tête vers la jolie blonde et esquissa un mince sourire. Les expulser de sa vie était impensable. Ses sentiments, son attachement, le lui interdisaient. Et même s’il fallait s’infliger cette distance qui le coupait de toute marque d’affection pour Savannah, il s’y accommoderait. « Faut bien que quelqu’un s’occupe de son éducation culinaire ! » Lança t-il pour détendre l’atmosphère. Il aurait pu répondre qu’il ne faisait pas ça que pour Mathis, qu’il était là aussi pour lui. Pour combler un manque. Pour redonner du souffle à des jours maussades et démotivant. Il redevint sérieux quelques secondes après, jugeant nécessaire de se montrer honnête avec elle sur un point. « J’serai là quoi qu’il arrive si vous avez besoin. Toi, comme lui… » La petite voix de Mathis raisonna un peu plus loin. « Ici, c’est bien ici ? » Il pointait une petite aire de pelouse juste à droite, vide de tout promeneur. Cade le regarda, excité comme une puce, qui envahissait déjà le terrain et il ne tarda pas à le rejoindre en posant son sac de sport par terre. « C’est parfait alors… bois un peu d’eau. » Il s’accroupit, sortit une petite bouteille qu’il lui tendit ainsi que trois balles. Après avoir fait quelques pas un peu plus loin, l’ex agent fédéral laissa tomber deux balles à ses pieds et en garda une en main. « Ok, place toi face à moi. Maintenant recule un peu. » Il fallait quelques mètres entre Mathis et Cade pour que le lancer ait un impact suffisant. Quand tout le monde fut bien positionné, ils purent débuter sous les yeux de Savannah. « T’es prêt ?! Penche-toi un peu et fixe bien la balle. Ne regarde qu’elle ! Concentre toi ! » Premier lancer, Mathis s’étendit mais la balle passa bien au -dessus de sa tête.

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Ce moment, dans un premier temps plutôt gênant, parvient à gagner en légèreté après quelques minutes. Cela aura probablement demandé un certain effort, de part et d'autre, pour faire abstraction de ce que nous avions traversé, et qui, malgré les mois qui se sont écoulés depuis, n'en reste pas moins douloureux à mes yeux. C'est le sourire de Mathis qui me laisse à penser que j'ai prit la bonne décision, et c'est donc dans son intérêt que je m'affaire à garder une attitude somme toute détendue et insouciante en présence de cet homme qui aura laissé une marque certaine dans ma vie. Il y a pourtant ce vieux réflexe qui persiste, celui qui me pousse involontairement dans une bataille de sarcasme , une de celles auxquelles nous nous prêtions si souvent par le passé. Un jeu dans lequel je sais que trouverais indubitablement un adversaire de taille en la personne de Cade. Malgré une fausse exaspération qui s'empare de mes traits, j'apprécie pourtant le lien qui prend forme sous mes yeux, ce duo face auquel je perdais si souvent en crédibilité, particulièrement lorsqu'il s'agissait de nourriture. Partant finalement à l'assaut d'un autre endroit, capable de pouvoir apporter plus d'espace pour l'activité à venir, je me retrouve finalement seule auprès de Cade. Marchant l'un à côté de l'autre, les regards qui pourraient s'attarder un instant sur nous ne devineront à aucun moment le passé qui nous lie, comme si nous n'étions devenus que de simples amis en pleine balade. Plus aucune sorte de proximité, ni même un regard qui pourrait trahir des pensées bien trop secrètes. S'y ajoute une réplique pour le moins banal de l'ex-agent fédéral, qui est autant appréciée que redoutée sur le moment. Cherche t-il simplement à faire la discussion pour nous éviter un silence des plus gênants? Ou veut-il s'assurer que la décision que j'ai pu lui imposer parvient encore à faire son effet sur moi, sans me plonger dans une grande forme d'indifférence? Quelques secondes que je suis forcée de m'accorder pour choisir le chemin que je souhaite emprunter, n'ayant pourtant pas envie d'écorcher ce semblant de bonne humeur entre nous par une discussion qui n'a, à mes yeux, plus sa place dans nos échanges. Je me refuse d'en parler, je n'ai pas envie de partager avec lui mes états d'âme ou ces moments de souffrance que j'ai pu rencontrer, et qui pourraient peut-être le rassurer par une possible réciprocité. Dans son intérêt, il est préférable qu'il n'en ait pas écho.

C'est donc une fois de plus Mathis qui va me servir de bouée de sauvetage, et nourrir une fois de plus la discussion par un contexte pour le moins bien concret. "Pour dire vrai, les choses sont assez compliquées pour Mathis" Rien d'inventer ou d'exagérer pour capter son attention. Une vérité aussi dure que cruelle que le petit bonhomme parvient régulièrement à réprimer par des sourires de façade. Au-delà de cette séparation qu'il n'avait eu d'autres choix que de subir, les conséquences de cette arrestation qui concernait la société Campbell et dont avait découlé une méfiance accrue auprès de James. Je ne peux la lui reprocher, puisque celle-ci n'est autre qu'un moyen de préserver cet être qui nous est si cher. D'autre part, je me dois de prouver quotidiennement l'amour et la bienveillance que j'apporte à Mathis, en ayant pourtant l'impression que rien ne puisse permettre d'effacer cette ardoise, pour le moins imposante, que je trimbale depuis l'abandon que je leur ai imposé plusieurs années auparavant. Et si je cherche avant tout à me montrer pacifique dans mes approches, je dois avouer qu'il est parfois difficile de rester de marbre à chaque remarque désobligeante ou subtilement placée que je récolte pour mes erreurs, qui sont pour le moins futiles depuis ce début d'année.. Tout est sujet à reproche. En parallèle, j'ai cette peur grandissante qu'il veuille m'ôter la seule chose capable de m'apporter bonheur et stabilité dans un quotidien déprimant. Un acte cruel que je serais incapable de subir sans riposter, ca me serait définitivement impossible. "Avec l'arrestation, on peut dire que mes rapports avec James se sont clairement détériorés… Il s'méfie de moi et cherche à protéger son fils de mes agissements. J'ai malheureusement bien peur que tout ça n'échappe pas à Mathis, et qu'il se retrouve un peu coincé dans nos histoires" Je me livre plus que je ne l'aurais imaginé, mais il est le plus apte à comprendre la situation. Il l'a toujours été. « Ton fils est intelligent. Il sait qu’ce sont des problèmes d’adultes. » Je soupire légèrement. "Justement. Il est là le problème, il ne devrait pas avoir à supporter ce genre de choses" Et je me déteste pour ça. "La seule chose qui devrait l'inquiéter c'est de savoir si son tee-shirt favori sera bien dans son armoire pour l'embarquer chez son père et s'il pourra fêter son anniversaire avec ses copains" Je secoue la tête pour moi-même, finissant par me pincer les lèvres pour chasser ses pensées qui pourraient de nouveau m'amener vers une forme de culpabilité soudaine. Un terrain que je me dois d'éviter pour ne pas sombrer et garder la tête haute « Maintiens le encore un peu dans l’enfance. Ne le laisse pas t’échapper. Tout ça va finir par se tasser... » Mon regard croise le sien, devinant le caractère sincère de ses mots. Inévitablement, cela m'amène à l'enfance difficile qu'avait pu vivre le jeune homme, et qui à l'heure d'aujourd'hui, malgré tous les efforts possibles, l'empêchait toujours plus de vouloir avancer et de chasser un passé bien trop imposant. J'acquiesce finalement , cherchant à trouver le courage dans ce conseil que je me dois de garder en tête quoiqu'il arrive. "Ouais" Mes yeux se reposent sur l'enfant dont émane toujours une certaine innocence, malgré ce qu'il traverse actuellement.

Cherchant à souffler des notes plus positives, je me dois d'apporter une petite précision. "Il était fou à l'idée de te voir, j'pense qu'il avait vraiment besoin d'passer un moment comme celui-là, au-delà de toutes ces histoires d'adultes qu'il subit." C'est un fait. Malgré le temps qu'il leur avait fallu pour s'apprivoiser et se connaître, le lien qui unissait Mathis et Cade semblait à l'heure d'aujourd'hui inébranlable, limpide. Je veux lui rappeler qu'il avait tenu une place particulière dans la vie du jeune garçon, et que les choses n'avaient pas changé sur ce point. "Merci de faire ça pour lui" Parce que même si l'enfant éprouvait sûrement le désir de ne pas rompre le contact, les choses pouvaient être plus difficiles pour Cade, par manque d'aisance dans un tel contexte, mais aussi vis-à-vis de moi.Il ne nous doit rien, encore moins maintenant.« Faut bien que quelqu’un s’occupe de son éducation culinaire ! » Je laisse échapper un léger rire. "Contente-toi de gérer la partie sportive et super-héros, je me charge de ses apports nutritifs!" Je secoue la tête en souriant, observant sans but précis autour de moi pendant les secondes qui suivent. « J’serai là quoi qu’il arrive si vous avez besoin. Toi, comme lui… » Héstante, j'éprouve pourtant le besoin de chercher dans ses yeux toute l'authenticité dont il fait preuve à travers ces mots. Une vague de chaleur enveloppe mon palpitant, rassurée de savoir que les souvenirs de cette histoire ne se limitent pas uniquement à de la souffrance et des regrets, et que derrière, persistait un lien inébranlable. "Merci" me contentais-je de lâcher faiblement. Mes lèvres s'entrouvrent, prêtes à poursuivre sur la lancée. Mais la voix fluette de Mathis m'en empêche. « Ici, c’est bien ici ? » Je prends une direction différente, venant m'installer sur le banc le plus proche afin de pouvoir les observer. . « Ok, place toi face à moi. Maintenant recule un peu. » J'observe avec attention le garçon qui suit scrupuleusement les indications de Cade, soucieux de donner le meilleur de lui pour ce qui va suivre. Le premier lancer est un échec, mais ce dernier ne paraît pas abattre Mathis, qui s'affaire à encaisser avec courage. "Allez Mathis!" Ma voix s'élève avant que le deuxième coup soit lancé, ne voulant pas entraver toute la concentration dont il fait preuve. Mes mains se frottent l'une contre l'autre, gardant l'espoir qu'il y parvienne.

Cade appréhendait ce rendez-vous, autant qu’il l’attendait. Au fil du temps, ce lien qu’il avait tissé avec le petit garçon était devenu important et devoir se résoudre à l’abandonner à cause de sa rupture avec Savannah lui était difficilement supportable. Il se réjouissait que Mathis ressente la même chose de son côté, car visiblement, il était à l’origine de ces retrouvailles. Son immense sourire, sur son visage juvénile, faisait naitre en Grimes une chaleur inexplicable. C’était un peu comme si rien n’avait changé, comme s’ils étaient encore tous les deux avachis sur le canapé du salon avec du pop-corn, en train de mater un bon vieux dessin animé datant d’au moins deux décennies, et qu’ils riaient ensemble lorsque le méchant se faisait avoir comme un bleu. Cette relation inédite pour Cade l’avait conforté toujours plus d’un jour à l’autre sur la possibilité qu’il puisse construire sa propre famille, qu’il en était capable, malgré la piètre image que reflétait la sienne. Mais tout ça avait volé en éclat lorsque Savannah avait décidé de continuer seule. Aujourd’hui, alors même que se retrouver à côté d’elle lui apportait un réconfort familier, une tension s’était installée entre eux, sans qu’il ne puisse rien y faire. Leur complicité passée était enfouie sous des sourires gênés et une conversation qui, même si elle se voulait franche et personnelle, se trouvait bien loin de l’intimité qui les réunissaient quelques mois auparavant.

"Justement. Il est là le problème, il ne devrait pas avoir à supporter ce genre de choses" Cade ne pourrait dire le contraire. Ayant été victime des préoccupations de son paternel et se trouvant au cœur des soucis qui incombaient à sa famille, il ne pouvait qu’approuver le fait qu’un gosse ne devait pas avoir à subir les situations qui concernaient les adultes de son foyer. "La seule chose qui devrait l'inquiéter c'est de savoir si son tee-shirt favori sera bien dans son armoire pour l'embarquer chez son père et s'il pourra fêter son anniversaire avec ses copains" Ou de savoir quelle couleur utiliser pour colorier la cape du superhéros qui occupait une feuille entière. Elle avait raison. Et c’était bien la preuve que malgré elle, Savannah savait comment élever son enfant. Cade tenta quelques conseils par des mots qu’il voulait rassurants. Sa position face aux confidences de la jolie blonde était délicate puisqu’il ignorait si, désormais exclu de leur petit cocon, il pouvait se permettre de donner son avis sur leur futur proche. Les réponses de Sav lui indiquèrent cependant que si elle avait fait le choix de se passer de sa présence auprès d’elle, elle accueillait quand même ses recommandations. Cela révélait-il des prémices d’une amitié qu’ils n’étaient jamais parvenus à maintenir par le passé ?

"Merci de faire ça pour lui" Ils avançaient côte à côte dans ce parc baigné de soleil et Cade reposa ses yeux sur le petit garçon. Jamais il ne refuserait de le voir, peu importait la nature de sa relation avec sa mère. Il n’y avait rien qu’il ne pourrait pas faire pour lui, et il en était de même pour Savannah, trop attaché à eux qu’il demeurait. En dépit de tout ce qui s’était passé, et de tout ce qu’ils pourraient se dire, Grimes songerait toujours à leur bien-être, même si cela devait effacer le sien. "Contente-toi de gérer la partie sportive et super-héros, je me charge de ses apports nutritifs!" Un petit sourire amusé étira ses lèvres. « Va pour cette répartition des tâches ! » Le baseball et les super pouvoirs, y’avait pas à la contredire, c’était son domaine ! Et il était fier que Mathis prenne la relève sur ces plans. Il resterait peut-être un peu de lui dans ce petit bonhomme qui deviendra grand. « Ici, c’est bien ici ? » Un endroit idéal. Personne à l’horizon, hormis quelques promeneurs qui suivaient le chemin tracé du parc, et du gazon sur plusieurs mètres carrés. Après quelques instructions, Mathis et Cade était prêt à entamer le premier entrainement de la saison ! La premier lancer ne fut pas un franc succès. Mais le deuxième recevait les encouragements de maman qui observait depuis le banc. "Allez Mathis!" Cade saisit la balle et la montra au jeune garçon. « Ne la lâche pas des yeux. T’es prêt ? » L’ex agent fédéral, accoutumé au jeu d’un niveau plus confirmé, revit la trajectoire de son lancer pour que Mathis puisse commencer à s’approprier les bons gestes à faire avec son gant. Cette fois encore, c’était loupé. Mais de peu. Ils continuèrent donc pendant plusieurs minutes sans que l’apprenti ne désespère.

Mathis parvint finalement à rattraper la balle plusieurs fois d’affilées, et Grimes reculait de quelques pas au fur et à mesure, intensifiant la puissance des lancers. « Un vrai champion ! Continue comme ça !!! » Souriant et complètement comblé par ce moment, Cade ne fit pas tout de suite le rapprochement avec un de ses souvenirs. Lui non plus n’avait pas appris le baseball avec son propre père. C’était sans aucun doute pour ça que ce sport lui avait tellement plu, il était à des millénaire de l’univers que Mr. Grimes avait concocté pour son ainé. Profitant de l’aisance de Mathis, il lança un peu plus haut et le petit garçon fut obligé de se retourner pour poursuivre la balle. Se prenant les pieds dans un trou, son corps rencontra le sol brutalement alors que la balle roula à plusieurs mètres de là. Grimes resta sur place, attendant de voir sa réaction. Il fronça les sourcils. « Mat, tout va bien ? » Il fit quelques pas vers lui et arriva à sa hauteur quand il le vit grimacer. « Sacrée cascade ! » Fit-il en s’accroupissant pour l’aider à s’asseoir sur ses fesses. Le sourire que Cade affichait devait amoindrir le caractère douloureux de l’accident. Le petit garçon releva son pantalon sur un genou où une égratignure témoignait de sa récente chute. « Ssss Ouh la la… c’est pas beau du tout ça. J’crois bien qu’il va falloir couper cette jambe Mathis. » L’air faussement grave de Cade n’inquiéta cependant pas le bonhomme qui rétorqua « J’ai pas mal… » Mais l’ex agent fédéral ne souhaitait pas en rester là. « Oh si si, tu as très mal ! Y’a pas le choix, je suis vraiment désolé… » Il se redressa en attrapant Mathis qu’il colla sur son épaule comme un sac de patate. « Ta carrière est malheureusement terminée ! Mais tu pourra sans doute devenir un grand écrivain ou… un professionnel de spectacles de marionnettes… » Il se dirigea vers Savannah et déposa Mathis sur le banc.

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@Cade Grimes & Savannah Williams

Cet étrange sentiment de retrouver l'espace d'un instant ce lien qui nous unit me laisse sur la réserve. Une partie de moi reprend ses vieilles habitudes, cette attitude puérile et peu sérieuse, comme s'il s'agissait d'une sorte de mécanisme qui se mettait en route dès lors qu'il se trouvait à mes côtés. Ce genre d'échange dans lesquels j'éprouve toujours un malin plaisir à répliquer. Et puis il y a l'autre, celle qui témoigne de l'entièreté de mon âme, et qui érige une barrière suffisamment haute pour pouvoir me protéger. Si l'on peut penser au vu de la situation que je suis la responsable de cette rupture, il n'en reste pas moins qu'elle a été tout aussi douloureuse, et qu'elle a laissé quelques traces indélébiles sur moi. Des traces qu'il m'est difficile d'oublier, bien trop ancrées sur cette peau qui à première vue ne laisse rien paraître. Je sais qu'il ne cherchera pas à me blesser, mais je sais aussi que la seule douleur que je puisse ressentir à un moment donné reste celle d'un regret, celui d'une vie commune qui réside dans le passé. La possibilité que toutes ces choses qui m'avaient si souvent torturé le palpitant refassent surface en le retrouvant ont fait naître une certaine appréhension en moi. J'étais tout bonnement incapable de savoir ce qui pouvait m'attendre, mais j'ai pourtant fait le choix de prendre ce risque, de mettre en danger ma vulnérabilité pour le bien de Mathis. Le voir avec ce sourire sur le visage me conforte dans la décision que j'ai pu prendre, qu'importe les efforts que cela peut demander pour me tenir aux côtés de cet homme. Et je profite d'un moment pour me confier sur le quotidien quelque peu tumultueux que peut subir mon fils auprès de Cade, qui connaît mieux que quiconque la situation qui me lie à James. Je ne cherche pas à me plaindre, ni à rejeter la faute sur l'autre. La seule chose que je fais c'est exprimer des pensées dont je suis finalement peu fière, ayant un rôle majeur dans toute cette histoire et ses tourments. Le dire à voix haute, rend tout ça si réel que c'est d'autant plus douloureux. Si Cade cherche à minimiser les faits et à voir les choses de façon plus positive, je ne peux m'empêcher de relier l'histoire de Mathis à la sienne, et aux conséquences que ça a pu engendrer sur ce petit garçon devenu un homme, et qui aujourd'hui encore, paie le prix d'une insouciance parentale.

"Contente-toi de gérer la partie sportive et super-héros, je me charge de ses apports nutritifs!" m'amusais-je. « Va pour cette répartition des tâches ! » Mon sourire persiste quelques instants, songeant à l'idée que tout ça pourrait être aussi simple avec James si nous nous en donnions la peine. Je leur laisse l'espace nécessaire, m'installant un peu plus loin pour pouvoir apprécier la scène sous le meilleur angle. Si les premiers pas restent pour le moins compliqués, le jeune garçon prend peu à peu confiance en lui, lui permettant d'apprivoiser la balle avec plus de facilité par la suite. Je l'encourage régulièrement, ressentant la chaleur qui embaume mon cœur face à son évolution, que j'ai pu suivre depuis plusieurs années. Nous en avions fait du chemin ensemble, et quand bien même j'avais de nombreuses erreurs à ma charge, avoir pris la décision de prendre ce vol pour le retrouver alors qu'il n'avait pas encore fêté ses deux ans fût la meilleure décision de ma vie. Aujourd'hui, je n'imagine pas un seul instant cette dernière sans lui, et je me félicite chaque jour d'avoir eu le courage de combattre tout ça pour me retrouver à ses côtés, particulièrement dans un moment comme celui-ci. « Un vrai champion ! Continue comme ça !!! » Mon regard se porte un instant sur l'ancien agent. Lui qui avait exprimé dès le départ son incapacité à échanger avec des enfants se trouve être particulièrement à l'aise. Lui aussi en avait fait du chemin, il n'avait cependant peut-être pas conscience du potentiel qui somnolait en lui quand à sa fibre paternelle. La chute de Mathis ne tarde pas à raidir mon corps, observant avec attention la moindre réaction qui pourrait me pousser à le rejoindre pour constater l'ampleur des dégâts. Une réaction partagée par Cade, qui s'assure de son état par sa proximité. « Mat, tout va bien ? » Il s'en approche, alors que je m'attèle à rester à l'écart, prête à intervenir si je sens que ma présence est nécessaire. Je n'entends pas leur échange, mais perçois rapidement l'amusement chez les deux sportifs du moment, qui reviennent après quelques secondes auprès de moi, dans une posture capable de faire rire l'enfant, perché sur l'épaule du jeune homme. « Ta carrière est malheureusement terminée ! Mais tu pourra sans doute devenir un grand écrivain ou… un professionnel de spectacles de marionnettes… » Je laisse échapper un rictus, avant de m'emparer d'un faux air outré. "Bien sûr que non, c'est un dur! Il sera prêt dès demain pour sa prochaine cascade!" Mathis se retrouve à mes côtés, alors que j'observe rapidement la blessure, qui reste légère. "Tous ces efforts nécessitent que tu r'prennes des forces" lâchais-je en me redressant. "Tu r'mercies Cade pour ce moment." L'incompréhension prend possession des traits du petit monstre, qui prend quelques secondes avant de lâcher avec naturel. "Pourquoi il viendrait pas manger avec nous?" Je relève les sourcils. Devais-je réellement exposer les raisons, ou l'enfant profitait t-il de la situation pour tirer davantage sur la corde, avec une innocence sans doute surjouée? "Eh bien…Peut-être parce qu'il a des projets!" Mes yeux s'écarquillent pour souligner mes mots, avant que je trouve le courage de croiser le regard émeraude de Cade, qui s'amuse visiblement de l'embarras dont seul un enfant est capable de nous enfoncer. "Allez s'te plait maman!J'suis sûr qu'il meurt de faim aussi! Lui aussi il a fait du sport" Et contre toute attente, il accepte pourtant l'invitation du jeune garçon, s'assurant avec précaution que cela ne m'incombe pas pour autant. "Non, bien sûr que non…T'es le bienvenue." lachais-je, avec sincérité. "On comptait manger un hamburger…j'pense que ça ne devrait pas enfreindre tes règles alimentaires." La commissure de mes lèvres s'étirent alors que nous nous éloignons ensemble.

Après plus d'une heure, je passe la porte de la maison, rapidement rejointe par Cade et Mathis, qui auront fait le choix de voyager ensemble dans la chevrolet. L'air enthousiaste du jeune garçon aura, une fois de plus, eu raison de nous, alors que les retrouvailles se poursuivent jusqu'à chez moi. Je dépose les clés sur le meuble, prenant conscience que la dernière fois que Cade avait passé cette porte, nous étions encore ensemble. Rien ne semble avoir changé pour autant. "J'vais chercher mon épée, faut trop que j'te la montre!" Mathis disparaît en courant, ayant sûrement trop peur de perdre un seul instant un moment avec Cade. "Si on t'pose la question, tu pourras dire que j'suis une mère exemplaire, qui a le dessus sur son fils?" Je me tourne vers lui, souriant face à cette réplique qui témoigne de la faiblesse qu'éveille ce petit bonhomme en moi, notamment lorsqu'il me fait une légère moue pour obtenir ce qu'il veut de moi. En témoigne la présence de Cade dans la demeure familiale "J'peux t'offrir quelque chose? Un verre d'eau? Une bière?...Un whisky?" Un regard malicieux qui s'élève jusqu'à lui alors que j'ouvre la porte du frigo.

S’il doutait de sa capacité à faire un bon père, Cade n’avait plus aucune difficulté à alimenter le lien qui l’unissait à Mathis. Malgré les tumultes qui régissaient sa relation avec Savannah, les deux garçons avaient su se rapprocher avec le temps, pour finir par réclamer la présence de l’autre. Il l’admettait. Le petit bonhomme lui manquait. Ses sourires, ses répliques bourrés d’innocence, son petit monde loin de tous les ennuis du quotidien. Et aussi cette façon de le regarder comme si Grimes était important à ses yeux. L’ex agent fédéral ne se serait pas cru capable de ressentir un tel attachement pour un gamin, et pour cause. Jusqu’à présent, il n’avait pas tellement été confronté à des enfants et n’en connaissait que peu de choses. Lui-même ayant été propulsé au rang d’adulte très tôt, il ignorait tout de cette connexion, sur tous les plans possibles et il avait appris, allant de surprise en surprise avant que la rupture ne vienne briser cette ascension. Du jour au lendemain, plus de moment télé-pop corn-bonbons. Plus de jeté dans le lit avant daller se coucher. Plus de repas où la sauce tomate recouvrait plus la table que les spaghettis. Cade avait perdu bien plus que son couple en ne parvenant pas à hisser les voiles du navire. Cet après-midi au parc lui donnait donc une grande claque dans la figure, autant qu’il lui faisait un bien fou. Un plaisir réel, et une souffrance non négligeable qui persisterait quand il serait seul chez lui le soir même. Puis le lendemain.

Il ne devait cependant rien montrer. Face à Mathis qui arborait fièrement son gant trop grand pour lui, il joua la carte du « tout est comme avant » et l’incita à repousser toujours plus ses limites après plusieurs lancers récupérés. Avec Savannah, en revanche, cette carte était inutile. Injouable. Et même s’il s’évertuait à paraitre le plus naturel possible, Cade devait admettre que ces sentiments et leur histoire commune avait raison de son intérieur. Il avait devant lui une jeune femme célibataire qui ne lui devait plus rien, mais pour qui il ressentait encore beaucoup. Se dire qu’ils ne seraient désormais plus qu’amis était encore compliqué à encaisser. Alors Grimes se tourna bien vite vers Mathis et les échanges furent moins compliqués. Enfin, si on omettait cette cascade qui laissa le petit garçon étendu sur le gazon. « Mat, tout va bien ? » Tout allait pour le mieux. Quand il s’était approché, soucieux, Cade avait vite remarqué le sourire amusé de Mathis. Et il en profita pour le ramener auprès de sa mère avec ironie.

"Tous ces efforts nécessitent que tu r'prennes des forces" Cade était d’accord. Mathis avait les joues roses de s’être tant donné physiquement. "Tu r'mercies Cade pour ce moment." Cela avait été court. Mais tellement agréable. Grimes en aurait presque montré autant de déception que la petit à cet instant s’il n’avait pas repris sa casquette d’adulte responsable. « Allez Mathis. Il est l’heure de rentrer. » Fit-il posément en posant une main sur la tignasse du garçon. Mais vraisemblablement, Mathis n’était pas du même avis. "Pourquoi il viendrait pas manger avec nous?" Cade s’imaginait que cette sortie était née suite à l’une de ces questions complètement candides. Le malaise se mêla à la satisfaction de voir cet entrain dans le cœur du petit garçon et il sourit naïvement. "Eh bien…Peut-être parce qu'il a des projets!" En rencontrant le regard de Savannah, il comprit que l’idée ne tentait pas la jolie blonde. L’ascenseur émotionnel, on appelait ça. L’ex agent se mordit la lèvre et baissa la tête pour fermer son sac de sport. « Une prochaine fois Mat… » Laissa t-il échapper, peu convaincant. C’était sans compter la ténacité de Mathis que Cade reconnaissait bien comme étant une caractéristique héréditaire. Et l’argument l’amusa beaucoup. Après un bref échange de regards avec le petit, il décida d’affronter Savannah. « C’est vrai que j’me sens un peu mou…mais si ça dérange ta maman… » Deux contre une. Elle n’avait donc plus le choix. "Non, bien sûr que non…T'es le bienvenue. On comptait manger un hamburger…j'pense que ça ne devrait pas enfreindre tes règles alimentaires." Après avoir levé son sac de sport pour le mettre sur son épaule, Cade esquissa un large sourire, comblé. « C’est parfait ! ».

Le repas avait été à la hauteur des espérances de Mathis. Et de Cade ! Savannah avait même rit lorsqu’il avaient comparés la taille de la trace de morsure laissée sur leurs burgers respectifs, après avoir ouvert grand le bec comme deux affamés. Toujours très admiratif, le petit bonhomme avait voulu faire le chemin jusqu’à chez lui dans la Chevrolet. Grimes avait prit soin de mettre un petit rock à fond pour l’emmener dans son univers le temps de quelques kilomètres. Une fois arrivés chez Savannah, il passa cette porte avec un nœud dans la gorge. Ses murs avaient presque été son chez lui. Et la situation était tellement différente… "J'vais chercher mon épée, faut trop que j'te la montre!" Mathis monte les marches quatre à quatre sans même attendre l’autorisation de sa mère. « Fais gaffe dans les escaliers ! » Cria Cade en levant la tête avant de faire quelques pas timides dans le salon. "Si on t'pose la question, tu pourras dire que j'suis une mère exemplaire, qui a le dessus sur son fils?" Cette question étira ses lèvres. « Ça s’appelle faire une fausse déclaration ! Mais si tu y tiens, j’oublierai volontairement que tu as cédé pour la version XL de son burger ! » Non, il n’oubliera pas qu’elle avait accepté qu’ils mangent ensemble parce qu’elle avait alors donné son accord pour prolonger ce bon moment à ses côtés. Tout ça éloignait une rancœur qu’il craignait tant. "J'peux t'offrir quelque chose? Un verre d'eau? Une bière?...Un whisky?" C’était clairement une invitation à rester un peu. « Une bière, ça m’suffira ce soir. » Alors qu’elle lui sortait une bouteille et qu’elle se chargea de la décapsuler, un bruit sourd se fit entendre à l’étage. « Prépare-toi à devoir ranger sa chambre… » Mathis devait probablement retourner ses caisses pour trouver cette épée, ce qui laissa Cade et Savannah seuls pendant plusieurs minutes. L’ex agent attrapa sa bière. « J’ai pas mal de boulot en ce moment mais si jamais il veut améliorer ses récupérations… je me rendrai disponible. » C’était sa façon à lui de dire qu’il remettrait bien ça. A condition bien sûr que Savannah accepte de s’y soumettre elle aussi. Depuis leur séparation, il ne savait rien de son ressenti, ni même si elle prenait d’autres habitudes avec quelqu’un d’autre. Mais il connaissait sa franchise et en avait même besoin. Si ces sorties la dérangeait, nul doute qu’elle saurait y mettre un terme, peu importait les supplications de Mathis.

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Mes paumes de main reposent sur le dossier du banc, à la peinture défraîchie, sur lequel j'ai décidé de m'asseoir. Le soleil parvient à m'éblouir, me poussant à plisser légèrement les yeux pour mieux apprécier la scène qui se déroule un peu plus loin. Un sourire persiste sur mon visage, relatant probablement la satisfaction d'une scène pour le moins irréaliste. Revoir ce duo se reformer l'espace de quelques heures me parait tellement improbable, pour autant, je ressens ce lien indéfectible qui les unis encore à ce jour. Un lien sur lequel je n'aurais pas misé une seule seconde quelques années auparavant, mais qui aujourd'hui, semble être au coeur d'une légère souffrance et d'un manque certain chez les différents protagonistes. Je les observe, et j'éprouve sans plus attendre une certaine culpabilité qui s'empare de moi, mais que je ne parviens pas à définir malgré tout. S'agit-il de remords de les avoir fait se rencontrer, d'avoir tant tenu à les voir se rapprocher sans avoir pris en considération que mes plans pourraient échouer, ou le regret d'une complicité que je leur ai d'une certaine façon arrachée par une décision qui me concernait avant tout? Tout parait si simple à travers ce tableau que je savoure, non sans une certaine émotion, et dont émane une innocence et sincérité à toute épreuve. Les difficultés que nous avons rencontrées, et les blessures engendrées sont cependant encore bien présentes, flottant au-dessus de nous pour nous rappeler combien nous avions défailli. Nous n'avions pas été capable de nous accorder, par des envies sommes toutes différentes, et des chemins qui se devaient de se séparer par la force des choses. Éprouvais-je cependant la moindre rancœur à l'égard de l'ancien agent? Pas le moins du monde. Si ce choix fût comme inévitable, il résulte surtout de deux raisonnements différents. Nous n'aspirions pas à la même chose, et la seule chose que je pouvais lui souhaiter était de trouver le bonheur, qu'importe sous quelle forme il se présentait. Cela n'empêchait pas d'oublier le passif qui nous lié, et dont émanait un lien pour le moins particulier.

Chassant mes idées par la chute improvisée que nous offre Mathis, ils me retrouvent assez rapidement. Les couleurs qui dessinent les pommettes du jeune garçon et le souffle court qui émane de ses lèvres suffit à me faire fondre. Une admiration qui se lit à travers mes iris bleus alors que je suis forcée de le ramener à la réalité, celle qu'il lui sera peut-être difficile de retrouver, mais à laquelle nous ne pouvons échapper. Une parenthèse moins évidente pour moi, qui tente de m'y retrouver à travers toutes ces émotions et pensées qu'elle aura éveillé le temps de ses retrouvailles.  "Tu r'mercies Cade pour ce moment." Un moment qu'il avait certainement autant redouté que moi, et qui pourrait peut-être le tourmenter par la force des choses. Regrettait-il cependant un seul instant de s'y être soumis? Ces retrouvailles avec Mathis suffiront t-elles à chasser les échanges fragiles auxquels nous nous sommes livrés? « Allez Mathis. Il est l’heure de rentrer. » Le regard insatisfait de Mathis croise celui de Cade, qui emprunte la même voix de la raison que moi. "Pourquoi il viendrait pas manger avec nous?" L'innocence et la perspicacité du garçonnet n'étaient plus à prouver, et parvenaient toujours à me prendre de cours, surtout lorsqu'elle incluait une tierce personne dans sa course. N'ayant pas envie d'imposer notre présence à Cade, je m'affaire à lui trouver une excuse, une aubaine pour pouvoir s'échapper face à un moment qu'il pourrait redouter. Pour autant, mon regard s'attèle à croiser le sien, comme pour m'assurer qu'il soit en mesure de prendre ce chemin s'il en éprouvait le besoin, et qu'il ne devait pas culpabiliser de lui faire faux-bond pour autant. Je ne connaissais que trop les supplications d'un enfant, et celles-ci peuvent rapidement se montrer envahissantes et hors de contrôle lorsqu'elles ne sont pas arrêtées dès les prémisses. « Une prochaine fois Mat… » Je croise le regard de Mathis, et lui adresse un sourire de circonstances qui me donne finalement raison, et le pousse à devoir se rendre à l'évidence. J'en oublie cependant l'adversaire de taille que j'ai face à moi, et qui ne lâche rien pour autant. Je secoue la tête face à tant de répartie pour son jeune âge et découvre l'amusement qui semble lié les deux garçons. « C’est vrai que j’me sens un peu mou…mais si ça dérange ta maman… » Je soupire légèrement, subissant bien vite l'assaut d'une armée de soldats venus pour me prendre à partie. Peut-être que cette petite heure n'avait pas suffit à les satisfaire, et que je devais me montrer plus clémente à ce sujet. Je reprends donc rapidement "Non, bien sûr que non…T'es le bienvenue. On comptait manger un hamburger…j'pense que ça ne devrait pas enfreindre tes règles alimentaires." Le sourire que je retrouve sur les deux visages est presque contagieux, alors qu'il laisse entrevoir un bonheur partagé. « C’est parfait ! » J'acquiesce d'un seul hochement de tête, n'étant pas en mesure de me demander si tous les aspects pouvaient être si agréables à ses yeux.

Nous passons la porte de la maison, et rapidement, ces sortes de mécanismes reprennent leur place. Lâcher les clés sur le meuble dans l'entrée, me débarrasser de ma veste , alimenter une lampe sur pied… Une façon de m'épargner une possible réaction sur le visage de Cade, qui retrouve les lieux pour la première fois depuis notre séparation. Lieu qui avait été le témoin de ce dernier échange qui avait scellé notre relation, et qui ne présentait à ce jour, plus le moindre signe d'une présence masculine sous ce toit. La seule photo de nous deux que j'avais eu à cœur d'exposer dans le salon est désormais introuvable, perdue dans les décombres, amassée dans un seul carton, que je n'avais pas trouvé le courage de lui rendre, et qui se trouvait probablement sur une étagère dans le garage. "J'vais chercher mon épée, faut trop que j'te la montre!" L'agitation du garçon ne me surprend plus alors qu'il disparaît assez rapidement dans les escaliers, ayant trop peur de subir un départ précipité du jeune homme. « Fais gaffe dans les escaliers ! » Un conseil probablement inutile, mais que j'avais pour habitude de répéter bien trop souvent. "Si on t'pose la question, tu pourras dire que j'suis une mère exemplaire, qui a le dessus sur son fils?" Je m'en amuse, les preuves sont pourtant nombreuses contre moi, écorchant sans plus attendre certains principes auxquels je me devouais. La persuasion du jeune garçon avait malheureusement bien trop d'impact, et je me retrouvais rapidement tourmentée par mes décisions ensuite. « Ça s’appelle faire une fausse déclaration ! Mais si tu y tiens, j’oublierai volontairement que tu as cédé pour la version XL de son burger ! » Je fronce les sourcils, feignant l'innocence. "J'ai fais ça moi?" Je penche légèrement le visage. "J'aurais pourtant juré que j'avais été laissé pour compte lors de la commande" m'amusais-je, tâchant de lui rappeler que leur enthousiasme commun m'avait empêché de pouvoir réellement intervenir auprès de la serveuse. N'ayant pas envie de lui faire subir l'attente de Mathis, je lui propose finalement quelque chose à boire, n'ayant aucun mal à mettre le doigt sur ce qui pourrait possiblement le tenter.  « Une bière, ça m’suffira ce soir. » Il en restait quelques-unes, ces dernières trônant dans le frigidaire depuis plusieurs mois sans trouver preneur, vraisemblablement oubliées. Le bruit qui provient de l'étage suffit à me faire resserrer la mâchoire, ayant une idée bien précise de ce qu'il peut se passer en haut. « Prépare-toi à devoir ranger sa chambre… » Je bois une gorgée de mon verre d'eau, balançant finalement la tête de droite à gauche pour contester ses dires. "Il la rangera lui-même. J'apprends à le responsabiliser, il est en âge de comprendre ça…"J'acquièce, tâchant d'être convaincante. "C'est en tout cas ce que dit la page 18 du Australian Women’s Weekly " Je lâche un léger rictus, que je dissimule assez rapidement dans un pincement de lèvres. "J'imagine que j'me retrouverais après 5 minutes à l'aider malgré tout". Mes lacunes de mère n'étaient pas à prouver, mais je savais les reconnaître, j'avais encore beaucoup à apprendre. « J’ai pas mal de boulot en ce moment mais si jamais il veut améliorer ses récupérations… je me rendrai disponible. »  Mes yeux bleus croisent un instant les siens, cherchant à deviner le réel but de cette proposition. Quelques secondes avant de lâcher finalement. "T'es pas obligé de faire ça Cade" Je savais combien il souhaitait le bonheur du jeune garçon, et les quelques aveux que j'avais pu lui faire sur son quotidien l'amenaient peut-être à éprouver une certaine pitié. Je refusais pourtant qu'il en prenne parti, n'ayant pas envie d'instaurer des habitudes, qui pourraient apparaître comme dramatiques si elles venaient soudainement à disparaître d'un quotidien qu'il s'évertuait à mener. "Tu me dois rien, et tu lui dois rien à lui aussi" rappelais-je, tentant de lui extirper toute culpabilité qu'il pourrait éprouver. "J'ai pas envie d'le ramasser à la petite cuillère un jour parce que t'auras trouvé d'autres priorités." Mes mots sont francs, voir maladroits, et je tente de les noyer en rangeant la bouteille d'eau dans le frigo, espérant qu'ils puissent être entendus, mais qui ne laisseront pas apparaître un silence gênant, chose que nous étions parvenus à chasser au fil des minutes depuis notre premier regard dans ce parc. Je ne savais pas ce qui animait la vie du jeune homme à l'heure d'aujourd'hui, et je n'avais pas envie de le savoir. En attendant, j'étais assez réaliste pour deviner que certains événements allaient d'une manière ou d'une autre nous éloigner l'un de l'autre, et je refusais que ces derniers impactent sur les espoirs de mon fils. N'émettant aucun jugement sur une suite qui serait des plus logiques, je tiens avant tout à protéger ma progéniture. Mais n'essayais-je pas de me protéger moi aussi au passage?

Le repas avait été savouré dans une atmosphère plutôt sereine. La scène ayant très bien pu se dérouler dans un passé proche, les habitudes ne s’étaient pas perdues en chemin. Mathis et Cade s’étaient fait quelques blagues sous le nez vaincu de Savannah, et ils avaient dévorés comme si ces donuts, au goûter, n’avaient jamais existés. Le petit garçon avait un appétit incroyable, ou peut-être était-ce ce hamburger dégoulinant de sauce qui le réjouissait tellement qu’il n’en sentait pas sa faim s’atténuer ? Grimes se reconnaissait un peu dans cette bouille pleine d’entrain mais qui se trouvait pourtant au cœur d’histoires d’adulte. Ces histoires qui ne devaient pas parasiter ses soucis d’enfant. C’était trop tard pour Cade. Rien n’était joué pour Mathis. Et l’ex agent fédéral veillait à ce qu’il reste dans l’insouciance à chaque fois qu’ils se voyaient. Ça leur faisait du bien, à tous les deux.

Remettre les pieds dans cette maison plusieurs mois après leur séparation n’était pas une chose futile. Savannah et Cade y avaient passés de bons moments. De mauvais aussi. Des instants passionnés, et des quarts d’heures plus tempétueux. Il revoyait la jolie blonde s’extasier devant ce chantier, grand sourire sur les lèvres, en imaginant comment elle allait l’aménager, où elle allait positionner son canapé et sa table de salon. Combien de fois avait-il frapper à cette porte, n’osant pas entrer comme s’il s’agissait de son chez lui malgré les commentaires de Savannah ? Cela avait d’ailleurs été l’un des sujets de leur dernière conversation de couple. L’hésitation qui avait prit possession du visage de Cade lorsqu’elle lui avait concrètement demandé de laisser son appartement, et d’emménager pour de bon ici, avait certainement fait penché la balance en sa défaveur. Les larmes calées dans le bas de ses yeux bleus, Savannah n’avaient écouté que sa raison. Celle qui lui dictait qu’il était temps d’avancer, et tant pis si lui ne faisait pas un pas de plus.

Cade entra presque timidement. Quelques pas qu’il craignait comme étant de trop. Encore une fois, la candeur de Mathis aura raison de cette gêne, ainsi que le ton léger de Savannah qui lui rappelait qu’elle cédait à son fils à de trop nombreuses reprises. Elle lui proposa un verre, montrant dés lors qu’elle ne le mettait pas à la porte illico-presto et cette bière fut accueillit comme la clé vers la suite de la soirée. « Prépare-toi à devoir ranger sa chambre… » Elle devait être bien cachée, cette épée ! Ou bien Mathis préparait une armée d’autres nouveaux jouets à exposer aux yeux admiratifs de l’ex agent fédéral. "Il la rangera lui-même. J'apprends à le responsabiliser, il est en âge de comprendre ça…" Grimes hocha de la tête. "C'est en tout cas ce que dit la page 18 du Australian Women’s Weekly " Les yeux de Cade se relève, peu étonné de cette réplique qui reprenait le peu de confiance que Savannah avait en elle en ce qui concernait son rôle de maman. Il esquissa un sourire. " Pas très loin derrière l’article ‘ Réveillez l’animal qui est en vous : Faites-le grimper au rideau à tous les coups ! ‘ ?" Ses lèvres s’étirèrent un peu plus avec ce cliché des magazines féminins. Et encore, il passait sur les tests loufoques dans le style ‘ Quel secret ta meilleure amie te cache-t-elle ? ‘. "J'imagine que j'me retrouverais après 5 minutes à l'aider malgré tout" C’était déjà plus réaliste.

Quitte à être seuls encore quelques minutes, Cade se força à parler ouvertement. Néanmoins, sa maladresse dans ce genre de moment n’était plus à prouver. Ce qui devait être l’expression de l’envie de repasser une journée avec elle et Mathis n’était pas passé comme telle auprès de Savannah. "T'es pas obligé de faire ça Cade" Il ne s’y obligeait pas. Il le voulait. "Tu me dois rien, et tu lui dois rien à lui aussi " Ces quelques mots le firent redescendre. Cette négation qu’il prenait au sens stricte traduisait sans doute le fait qu’elle préférait désormais garder ses distances. Avait-elle seulement compris qu’il lui était essentiel de les voir, d’avoir de leurs nouvelles ? Il serra les dents, et baissa la tête sur sa bouteille de bière. « C’est pas une torture, bien au contraire. » Non, c’était bienfaiteur. Ça le réconfortait. Ça lui réchauffait le cœur et certes, ça réanimait tout ce qu’il y avait dans ce palpitant. Mais c’était bien plus fort que lui. "J'ai pas envie d'le ramasser à la petite cuillère un jour parce que t'auras trouvé d'autres priorités." Alors c’était comme ça qu’elle le voyait ? Un homme dont les sentiments et l’attachement n’étaient pas dignes de confiance ? Quelqu’un qui rangeait tout dans un tiroir pour passer à autre chose sans scrupules ? Savannah ne mesurait pas encore l’importance que tous les deux avaient pris ? Il avait certes loupé certaines choses dans leur relation, mais il ne lui semblait pas avoir manqué de lui dire combien elle et le petit comptaient pour lui. Ou bien se protégeait-elle, elle-même, en prenant soin de l’éviter dans le futur ? « Alors pourquoi avoir accepté…pour aujourd’hui ? » Ses yeux se posèrent sur elle, il ne comprenait plus tellement le cheminement de ses idées. Il reprit.  « J’le décevrai pas, si c’est ce que tu crains... ». Et les voilà sans doute repartis dans une discussion douloureuse qui leur rappellerait là où ils avaient échoué. Cade n’avait pas tellement envie de voir cette belle journée se finir sur une mauvaise note qu’il ruminerait une bonne partie de la nuit. Il soupira et s’avança de quelques pas vers Savannah en relâchant la pression qui tentait de s’installer. « Sav… on fera comme tu veux. Ok ? Mais vous me manquez. Tous les deux. J’vois pas c’qui nous empêcherait de se faire un après-midi comme celui-là de temps en temps. » Si elle avait quelqu’un, c’était une bonne excuse. Si elle voulait tourner la page une fois pour toute, s’en était une aussi. Il rencontra son regard, il aurait juré que son esprit était plein à ras bord de réflexions complexes. Heureusement, Mathis déboula dans l’escalier et arriva jusqu’à eux, encore tout excité. « Regarde Cade !!! » Grimes fléchit les genoux pour voir ça de plus près. « Woaw, ça c’est une sacrée épée ! Dis-moi que t’en a une autre pour moi et qu’on va pouvoir faire un vrai duel de chevalier ?! »

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@Cade Grimes & Savannah Williams

Le voir passer cette porte me file un sentiment étrange. Il m'avait paru évident que je ne le retrouverais plus à arpenter les lieux depuis son dernier passage, et pourtant, le voici, s'avançant timidement comme s'il s'agissait d'un fantôme du passé. Une partie de moi trouve ça presque naturel, alors que l'autre décèle une sorte de faiblesse poignante, une faille dans les décisions sensées prises plusieurs mois auparavant. Suis-je en train d'enfreindre mes propres règles et mettre à bas tout ce que je m'évertuais à m'imposer ? Je cherche à me convaincre du contraire, et à croire en l'innocence de sa présence, je viens pourtant à imaginer le regard réprobateur de Neph' sur moi, prête à me ramener à la raison par des arguments bien trop recevables. Je tente de dissimuler mon trouble en m'occupant par différents gestes banals, n'ayant pas envie qu'il en soit témoin, alors que Mathis nous laisse livré à nous-même assez rapidement. Ces moments tous les deux me semblent plus compliqués à gérer. D'une fragilité infinie, comme si nous étions tous les deux conscients qu'un moindre mot de travers ou geste déplacé pourrait venir mettre un terme à cette quiétude que nous nous acharnons à mettre en place depuis nos retrouvailles dans ce parc. Croiser le moins possible son regard, un stratagème qui me permettra sans plus attendre de garder une certaine distance. C'est cependant par une réplique lancée sous le ton de l'humour que j'en viens à chasser toutes ces pensées envahissantes. "C'est en tout cas ce que dit la page 18 du Australian Women’s Weekly " Quand bien même je doutais souvent de ma légitimité dans mon rôle de mère, ce n'est pas tellement dans ce genre de magazine que je trouvais mon inspiration. Le feeling restait à mes yeux primordiales, et je faisais en sorte de me remettre en question et prendre du recul lorsqu'une situation plus compliquée se présentait. " Pas très loin derrière l’article ‘ Réveillez l’animal qui est en vous : Faites-le grimper au rideau à tous les coups ! ‘ ?" Je fronce les sourcils, faussement offusquée par cette hypothèse. "Bien sûr que non…Ca c'était le numéro de janvier." Mes lèvres se retroussent avant de venir se poser sur le rebord de mon verre pour savourer une gorgée de cette eau fraîche.

L'échange pourtant léger se retrouve compromis par une proposition de l'ancien agent. Je perçois ce besoin de vouloir bien faire, d'apaiser les maux que peut ressentir Mathis ces derniers temps. Mais contre toute attente, je suis incapable de la recevoir comme telle, bien trop consciente du caractère dangereux qu'elle représente, pour chacun de nous. "T'es pas obligé de faire ça Cade" Aucune culpabilité à ressentir pour une absence que je lui ai moi-même imposée en scellant notre relation. "Tu me dois rien, et tu lui dois rien à lui aussi " Qu'importe le lien qui pouvait les unir, Mathis était capable de comprendre que les choses étaient compliquées, et qu'il fallait parfois accepter d'aller de l'avant pour ne pas regarder en arrière. Mes mots peuvent paraître crus, témoignant d'un plan défensif dans lequel il m'est plus facile de trouver ma place, mais il n'en est rien. « C’est pas une torture, bien au contraire. » Mes yeux bleus se posent brièvement sur les traits de son visage avant de secouer la tête, comme si je réfutais la simple idée que cela puisse être possible "J'ai pas envie d'le ramasser à la petite cuillère un jour parce que t'auras trouvé d'autres priorités." Qu'importe seront-elles, personnelles ou professionnelles, je reste persuadée qu'à un moment ou un autre, l'innocence du petit ne suffira plus à le ramener à lui, il tournera finalement la page, piégé dans un chapitre qu'il souhaitera finalement clôturer pour de bon, et la déception n'en sera que plus forte pour Mathis, abandonné sans avoir la capacité d'en comprendre les raisons après tout ce temps. « Alors pourquoi avoir accepté…pour aujourd’hui ? » Mes yeux croisent les siens, dans lesquels il doit probablement deviner toute la complexité qu'entraîne cette simple question. J'aimerais pouvoir lui apporter une réponse, je suis pourtant incapable de la trouver sur le moment. Un simple besoin de redonner l'espace de quelques heures un sourire radieux au jeune garçon, de m'assurer que les tourments de cette relation sont désormais derrière moi, que je suis parvenue à tourner la page, et que mes déclarations à ce sujet ne sont aujourd'hui que plus vraies, ou alors un besoin de répit dans cette lutte que je mène à moi-même depuis plusieurs mois? Je me pince finalement les lèvres avant de relever les épaules. "J'avais besoin de l'revoir sourire, et j'savais qu'avec toi il ne f'rai pas semblant" Etait-ce cependant une raison pour faire perdurer des retrouvailles qui ne seront que éphémères et qui n'en feront que plus mal ensuite? « J’le décevrai pas, si c’est ce que tu crains... » Alors quoi? Il allait devoir se contenter des moments que Cade était prédisposé à lui offrir quand bon lui semblait? L'air impassible, presque dur sur mon visage exprime un avis non partagé. La déception aurait probablement été de mise chez Mathis aussi s'il avait su que Cade avait préféré sa solitude à nous. S'il avait compris qu'il était plus facile à l'agent de mener une vie sans nous à ses côtés plutôt que d'avoir à supporter un quotidien qui mêlait une vie de famille bien trop rangée et imposante. Et quand bien même cet échange ne lui sera jamais partagé, j'éprouve le besoin capital de le protéger d'une déception que j'ai moi-même éprouvée par le passé. Il ne peut pas trop en attendre de lui, à la même échelle que j'avais été assez naïve de croire que peut-être je parviendrais à faire évoluer les choses. "J'suis pas certaine de vouloir prendre le risque" Avouais-je avec une légère méfiance, et une certaine vulnérabilité à laquelle il ne pourra échapper. La souffrance que je m'étais imposée avait été conséquente, mais je ne pouvais qu'en être responsable, je ne parviens cependant pas à concevoir être à l'origine de celle que Mathis pourrait éprouver par un possible faux pas en arrière de Cade. Contrairement à moi, à ce jour, le jeune garçon était toujours dans l'espoir de pouvoir obtenir plus en ce qui concerne l'ancien agent. « Sav…» L'écho de ce surnom entre ses lèvres s'apparente à un vieux souvenir, qui sans plus attendre contracte mon corps tout entier. «.. on fera comme tu veux. Ok ? Mais vous me manquez. Tous les deux.» Ma gorge se noue, sans pour autant chercher le sens qu'il peut donner à ces mots. Attendait-il de nous des moments comme nous venions de partager, dans une relation des plus platoniques, ou était-ce un aveu d'une relation passée qui manquait à sa vie et dont il se souvenait encore très bien ? "Fais pas ça…" Une sorte de supplication alors que je fuis son regard en baissant quelques secondes mon visage. Il n'avait pas le droit de me balancer ça. Pas après ce que nous avions vécu, pas après des mois de silence dans lequel je m'étais affairée à me raisonner sur un avenir impossible. Je soupire doucement, trouvant le courage de relever le regard. « J’vois pas c’qui nous empêcherait de se faire un après-midi comme celui-là de temps en temps. » Mes yeux bleus s'attardent un peu plus longtemps dans les siens, y cherchant certainement des réponses."Comme des amis le feraient?" Pouvions-nous seulement espérer le devenir?

L'arrivée soudaine de Mathis auprès de nous me permet de pouvoir reprendre mon souffle, je me frotte nerveusement le front, cherchant à passer outre cette discussion éprouvante. « Regarde Cade !!! » Mes mains reposent un instant sur le plan de travail, observant la scène « Woaw, ça c’est une sacrée épée ! Dis-moi que t’en a une autre pour moi et qu’on va pouvoir faire un vrai duel de chevalier ?! » Le garçon se tourne vers moi, comme si j'étais la plus à même de m'en souvenir. Je relève les épaules. "J'pense que je l'ai cassé" L'air terriblement désolé dont il s'empare me fait esquisser un sourire attendrissant. "Si j'retrouve la baguette d'Harry Potter on pourra peut-être faire semblant?" Sa bouche qu'il glisse sur le côté lui donne un air terriblement craquant, alors qu'il se dirige vers le salon. N'ayant pas envie de nous terrer dans un silence gênant, je prends rapidement la parole. "Comment se passe ton nouveau boulot?" Lors de notre dernier échange, il s'apprêtait seulement à franchir le pas. Les bruits de pas de Mathis me poussent à observer ce dernier revenir auprès de nous, et c'est avec un sourire victorieux qu'il lève les mains, brandissant la palette de maquillage pour enfant que j'avais pourtant prit le soin de dissimuler dans un tiroir. "Oh non non… Hors de question qu'on fasse ça maintenant." Il fronce les sourcils, perplexe. "Mais pourquoi? Cade doit pas se maquiller souvent!" Une réplique qui me pousse perdre cet air confiant, et à croiser le regard émeraude du principal concerné en laissant échapper un rire. Je me racle la gorge, cherchant à reprendre mon sérieux en croisant les bras sur ma poitrine. "Eh bien je suppose que non effectivement. Je…"Je n'ai pas le temps de finir qu'il affiche son plus beau sourire. "J'suis sûr qu'il f'rait un superbe papillon".J'arque un sourcil, prenant sur moi pour ne pas rire à cette proposition finalement peu virile. Je lève finalement les mains, cherchant à faire savoir que je baissais les armes face à une discussion qui m'amuse bien trop pour que je vienne à rester sur mes positions. Pire, je me range de son côté." T'as p't'être raison" avouais-je, prête à mettre Cade dans une posture délicate. "T'en fais pas, maman fait les meilleurs maquillage qui soient." Son air angélique pourrait avoir raison de quiconque. "Dis oui s'te plaiiiiit"

Grimes n’émettait absolument aucun doute sur la façon dont Savannah élevait Mathis. Si elle n’avait pas confiance en elle sur ce point, elle avait tort. Jamais il ne l’avait vu prendre de mauvaises décisions le concernant et bien que les ennuis guettent souvent le quotidien de la jolie blonde et la mine quant à la bonne éducation qu’elle donnerait à son fils, ses efforts n’étaient pas vains. Il n’y avait qu’à le voir ce petit. Plein de vie. Une imagination débordante et un entrain qui en fatiguerait plus d’un. Malgré les déboires que sa courte vie avait connus, il paraissait être épanouit et le plus important, en bonne santé. Et bien que Savannah ne partageait ses jours que depuis peu, elle pouvait se sentir fière de ce qu’il était. Ce n’était pas les magazines qui lui avaient enseigné tout ça, comme elle le disait avec humour, mais bien l’amour qu’elle lui vouait. "Bien sûr que non…Ca c'était le numéro de janvier." Hum, Cade n’était pas certains non plus qu’elle était du genre à faire les tests des magazines féminins pour savoir si elle « était un bon coup » ou pour « connaitre sa position sexuelle préférée ». Mais l’anecdote lui tira un sourire sincère.

Ils profitèrent de la disparition de Mathis pour se désaltérer. Mais Cade s’appropria rapidement l’instant pour faire savoir qu’il était disponible pour se refaire une sortie avec le petit et sa mère, qu’il en avait vraiment envie aussi. Cette coupure si immédiate qui les avait éloignés depuis la séparation était compliquée à gérer même s’il ne l’avouait pas directement à Savannah. Avec eux, il retrouvait ce sentiment d’être important, de faire partie d’un tout. Il laissait bien volontiers de côté le boulot, les soucis familiaux et autres sources d’ennuis pour profiter de quelques heures de partage, de sourires et d’affection. Nom de Dieu que ça lui manquait. Leur affection, ces murs tout autour de lui qui l’avaient abrité si innocemment, ce regard qu’elle posait sur lui avant de lui lancer une de ses répliques, pareil à aucun autre. "J'ai pas envie d'le ramasser à la petite cuillère un jour parce que t'auras trouvé d'autres priorités." La conversation ne prenait pas un tournant très positif et la proposition de Cade n’était visiblement pas la bienvenue. Son enthousiasme retombait doucement. « Alors pourquoi avoir accepté…pour aujourd’hui ? » Si elle avait décidé de tourner la page, pourquoi ne le faisait-elle pas de manière radicale ? "J'avais besoin de l'revoir sourire, et j'savais qu'avec toi il ne f'rai pas semblant" Sa raison, c’était le bien-être de son fils. Qu’à cela ne tienne, Grimes était prêt à avancer dans ce sens pour maintenir le lien. C’était ce qu’il voulait. Il y avait désormais bien trop de connexions pour qu’il laisse tomber aussi facilement. Et il y avait bien trop de sentiments pour qu’il ne puisse pas supporter le mal que ça lui ferait de voir Savannah sans pouvoir être avec elle. "J'suis pas certaine de vouloir prendre le risque" C’était un réel coup dur. En affirmant cela, elle rayait ses espoirs de continuer à exister auprès d’eux. Cade baissa la tête, peinant à encaisser que finalement, sa rupture avec la jolie blonde était actée et qu’aucune alternative à cette relation n’était possible. Il insista cependant en osant aller plus loin et en mettant des mots sur son manque. Il regarde Savannah, ajoutant du poids à cette affirmation qui semblait n’être que souffrance. "Fais pas ça…" Et finalement, ses yeux rencontrent les siens. Dedans, il y lit le combat qu’elle menait contre elle-même. Après toutes ces années, elle ne parvenait plus à lui mentir. Leur échange s’éternise et atteint son apogée à la question de la jeune femme. "Comme des amis le feraient?" Une question qui en sous-entend beaucoup d’autres. Une question qui portait sur l’avenir, sur la définition de ce qu’ils étaient et de ce qu’ils seraient. Des amis ? Ils n’avaient jamais su l’être et ne le seraient probablement jamais. Mais l’aspect fataliste de la réponse faisait si peur à Cade qu’il préféra rester muet et il plongea ses yeux ronds de surprise et d’amertume dans ses iris bleues.

« Regarde Cade !!! » Mathis les sauva encore une fois de cette situation sensible. Pour le bien du petit garçon, et pour la bonne continuité de la soirée, Cade s’évertua à prendre un air fasciné par le jouet qu’il lui tendait avec fierté. Il le provoqua même en duel à la condition qu’il ne se batte pas à mains nues et que Mathis réussisse à trouver de quoi égaler cette épée toute droit sortie d’un champ de bataille. "Si j'retrouve la baguette d'Harry Potter on pourra peut-être faire semblant?" Cade ne pu retenir un léger rire en voyant la moue de Mathis. « Va pour la baguette magique ! » A peine eut-il accepté l’offre que le garçonnet avait déjà disparu au salon. Sourire encore logé sur le visage, Grimes porte sa bouteille de bière à sa bouche pour en prendre une gorgée. "Comment se passe ton nouveau boulot?" Le sujet de la discussion précédente s’était déjà dissimulé derrière des interrogations basiques et moins dangereuses. D’abord hésitant, Cade décida de rester sur ce sage chemin. « Plutôt bien. C’est plus dans mes cordes que l’entrainement de types tout juste bons à être videurs en boites de nuit. » Il en avait vu passer des abrutis qui pensent que la gonflette était la clé pour devenir le meilleur agent de sécurité du pays ! Il  n’eut pas le temps de lui retourner la question que Mathis débarqua avec une idée en tête.

"Oh non non… Hors de question qu'on fasse ça maintenant." L’ex agent fédéral se mordit la lèvre inférieure en regardant mère et fils. Il ignorait encore l’objet de cette discorde, était-ce…de la peinture que Mathis tenait entre ses petits doigts ? "Mais pourquoi? Cade doit pas se maquiller souvent!" Cette fois, Cade manque de s’étouffer avec la mousse de sa bière. Il écarte doucement le goulot de la bouteille en verre de ses lèvres pour en laisser tomber le moins possible. Se maquiller ?!! Savannah tente de venir à son secours, elle balbutie. Non ! "J'suis sûr qu'il f'rait un superbe papillon" Bouche ouverte, s’apprêtant à répliquer sans que rien ne vienne, il croise le regard amusé de Savannah, puis celui du petit garçon, excité comme une puce. Refuser était malvenu. Mais…un papillon !!! " T'as p't'être raison" Oh merde, il n’avait plus le soutien de la jolie blonde et devait, dés lors, déclarer forfait. Ses yeux verts roulent vers le haut. "T'en fais pas, maman fait les meilleurs maquillage qui soient." Oh, ça, il en était persuadé. "Dis oui s'te plaiiiiit" Faussement sérieux, Cade regarde Mathis en le laissant presque douter. Puis, il soupire. « Ca va, c’est ok ! » A peine eut-il accepté que le garçon le prit par la main et l’entraina vers le salon. Là, il déposa sa palette sur l a table basse et approcha un petit tabouret rembourré du canapé. « Assieds toi là. Maman toi tu peux te mettre là ! ». Guidé par Mathis, Cade plia ses jambes et posa ses fesses sur le tabouret qui lui sembla atrocement bas. « Aies pitié, vas-y doucement sur la couleur… » Il s‘adressait à Savannah qui devait tenir compte de cet incontestable sacrifice humain. Elle prit place face à lui et Mathis ne pourrait pas en rater une miette, a genoux devant la table d’opération, paré pour endosser le rôle de l’assistant. « Attends, une seconde ! » Il recula la tête et engloutit plusieurs gorgées de bières pour s’apprêter à se métamorphoser comme jamais. Après un souffle exagéré, c’était parti. « Vas-y, tu peux y aller ! » Il ferma les yeux instinctivement et sa mâchoire se serra.