face your damn reality

@Cade Grimes & Savannah Williams

Etais-je assez naïve de croire que nous pourrions échapper à certains sujets sensibles en nous retrouvant après tout ce que nous avions vécu? Je m'efforce pourtant de rester loin de toute notre histoire, d'être la plus neutre possible pour passer un moment en toute simplicité. Prendre les choses comme elles arrivent, sans se poser de question… La proposition de Cade vient briser cette dynamique. Aussi sincère soit-elle, j'éprouve ce sentiment étrange qui m'empêche de réellement m'en réjouir. Un besoin de protéger Mathis, et certainement ma propre personne. Je sais combien il tient à nous, et qu'il ne souhaite en aucun nous blesser, pour autant, involontairement, il l'a fait. Il a réduit à néant les espoirs que je pouvais avoir pour nous. Nous ne jouions pas sur la même longueur d'ondes, et après de nombreuses désillusions, j'avais été capable d'en prendre véritablement conscience et d'accepter qu'il n'était pas disposé à pouvoir m'offrir ce que je voulais. Un fait pour le moins déroutant, mais qu'il nous fallait accepter pour espérer aller de l'avant. Mais comment y parvenir en continuant de faire partie de la vie de l'autre, comme si nous reprenions à zéro? Je suis assez réaliste pour savoir le danger que cela représente. Cet homme n'est pas uniquement celui qui a partagé des moments de ferveur en ma compagnie, mais celui à qui je me suis probablement le plus ouverte au cours de mon existence, mon confident, l'épaule sur laquelle j'aimais me reposer lorsque je n'en avais plus la force, celui avec lequel je prenais plaisir à me chamailler, mais il représentait aussi la rupture la plus douloureuse que j'avais eu à supporter. Nous étions déjà passés par là auparavant, nos chemins s'étaient séparés à plusieurs reprises,et chaque fois, je m'étais retrouvée à finalement me réfugier dans ses bras, oubliant chacune des raisons qui m'en avaient initialement éloignées. Je ne veux plus céder, retourner dans mes travers en me laissant aveugler par une alchimie certaine, ne connaissant que trop bien ce chemin sans issue qu'il représente, et que je parviens à fuir depuis ce début d'année. Et je n'ai pas envie d'avoir à lui expliquer ce cheminement de mes pensées, n'ayant pas envie qu'il décèle une légère faille dans laquelle il serait capable de s'immiscer, se souciant peu de ce que j'ai pu lui dire lorsqu'il s'est montré hermétique à l'idée de partager notre quotidien. Il veut juste que nous soyons sa bouée de secours, celle à laquelle se raccrocher lorsqu'il n'est pas en mesure de retrouver le quai. Celle dont il a besoin uniquement lorsqu'il ne parvient plus à avancer, celle qui ne lui a jamais été indispensable finalement. La distance que je mets entre nous est réelle, et le prend certainement de cours face à ce manque de sensibilité. Pourtant, c'est bien là toute ma fragilité qui me pousse à refuser. Parce que c'est désormais Mathis, et moi même,que je cherche à préserver, faisant passer nos ressentiments en priorité. Quoi qui a pu être dit par le passé, il a toujours fini par fuir la vie que j'étais disposée à lui offrir, par passer cette porte comme un invité le ferait, laissant entrevoir l'idée qu'un jour, il ne la franchirait plus.

Mon regard bleuté se perd dans le sien, cherchant inlassablement dans mon esprit les raisons pour lesquelles il se trouve pourtant là ce soir. S'agit-il d'une pause dans ce chaos? Je n'ai pas envie de me poser les questions qui pourraient m'apporter la réponse. Et j'ai encore moins envie qu'il pense que cela me concerne. "J'avais besoin de l'revoir sourire, et j'savais qu'avec toi il ne f'rai pas semblant" Un fait. Il n'avait pas fallu longtemps pour que Mathis savoure ces retrouvailles dans son ensemble, se souciant peu de ce que ça pouvait impliquer ensuite. Il retrouve son innocence, et se comporte comme s'il s'agissait d'un ami qui lui est cher, et qu'il n'avait pas eu l'occasion de voir depuis longtemps. Ca me fait du bien, et me déchire pourtant à la fois, consciente de ce que cette rencontre entre les deux aura engendrée de part et d'autre, un attachement, qui s'apparente désormais à une vive blessure de devoir l'oublier. La cruauté de mes mots me torturent le palpitant, mais est grandement nécessaire pour le ramener à la réalité, celle dans laquelle il est impossible de jouer au portrait de famille parfait juste parce qu'il en éprouve le besoin toutes les quinzaines du mois. Et il réplique, usant de toutes les futilités possibles pour me faire céder, sachant très bien que derrière cette attitude légèrement sur la défensive se cache une femme bien plus sensible. Une torture à laquelle je riposte en détournant un moment le regard et en secouant la tête, cherchant à chasser cet état de torpeur dans lequel je m'enfonce. « J’vois pas c’qui nous empêcherait de se faire un après-midi comme celui-là de temps en temps. » Ma mâchoire se resserre, légèrement exaspérée face à tant d'insensibilité. Je prends une grande inspiration, trouvant le courage d'affronter ses yeux pour lui demander sans sourciller "Comme des amis le feraient?" S'il n'est pas en mesure de prendre conscience de la situation, je m'affaire à la lui rappeler. Est-il disposé à se comporter comme tel avec moi? A chasser les souvenirs passés pour se conformer à ce seul statut qui peut nous unir désormais? Lui qui n'a jamais eu à coeur de mettre un terme sur notre attachement est-il désormais capable de songer à ce que cela va impliquer? La réaction de Cade se lit sur son visage, tout comme l'hésitation d'apporter une réponse qui, sans plus attendre, délimitera certainement toutes ces règles qui ne trouvaient pas grâce à ses yeux auparavant. L'arrivée soudaine de Mathis auprès de nous empêchera d'en connaître la réponse, alors que je m'efforce de chasser cette discussion de mon esprit pour le bien du petit.

La scène puérile qui se déroule sous mes yeux me soutire un sourire, bien malgré moi. Je suis incapable de déceler lequel s'amuse le plus dans ces circonstances, mais l'aisance de l'ancien agent pourrait en rendre plus d'un envieux. L'enthousiasme du jeune garçon le pousse à s'éclipser à nouveau, à la recherche de la fameuse baguette magique, nous laissant retrouver une ambiance assez étrange suite à l'échange que nous avions partagé avant qu'il n'intervienne. C'est donc au travers d'une question pour le moins banale, mais pour laquelle j'accorde un intérêt particulier que je viens briser le calme de nouveau retrouvé. « Plutôt bien. C’est plus dans mes cordes que l’entrainement de types tout juste bons à être videurs en boites de nuit. » J'acquiesce, souriant légèrement pour lui faire partager une réaction satisfaite. "Tant mieux, j'suis persuadée que ta ténacité doit porter ses fruits dans ton travail". Son expérience en tant qu'agent du FBI devait probablement lui apporter bien des avantages pour réussir à mener une mission rapidement et avec efficacité. La silhouette frêle de Mathis se faufile jusqu'à nous, me poussant rapidement à réduire à néant ses espoirs face à la proposition que j'anticipe. Malheureusement, cet air pour le moins sérieux et ferme se voit bousculé par les propos de ce dernier. "Mais pourquoi? Cade doit pas se maquiller souvent!" Je ne peux que chercher à croiser le regard de Cade, qui manque instantanément de s'étouffer, de quoi alimenter encore plus mon amusement. Je me pince les lèvres, cherchant rapidement à reprendre en contenance pour ne pas me laisser distraire. "J'suis sûr qu'il f'rait un superbe papillon" Ok, il gagne. Qu'à cela ne tienne, Cade sera désormais le seul capable de le ramener à la raison, et sa position de faiblesse se devine dans son attitude, de quoi me pousser à tirer sur la corde pour la faire céder. " T'as p't'être raison" Et voilà que la persévérance du petit bonhomme se charge du reste. Je reste désormais silencieuse, passant un bras sous ma poitrine, alors que mon autre main se charge d'effleurer du bout des doigts mes lèvres, sur lesquelles flirte un sourire hilare. « Ca va, c’est ok ! » Il n'aura pas fallu longtemps pour qu'il ait gain de cause. Et rapidement, son caractère de petit meneur de troupe nous amène jusqu'au salon, lieu de grandes festivités visiblement. « Assieds toi là. Maman toi tu peux te mettre là ! » Je m'accapare un instant de la palette, jetant un coup d'œil aux différentes couleurs qu'elle recueille. « Aies pitié, vas-y doucement sur la couleur… » Je souris, ne pouvant que m'amuser de ses mots, qui pourraient bien évidemment se retourner contre lui , et prends place sur le canapé, face à Cade qui est disposé à se livrer à cette activité pour le moins loufoque pour un adulte. « Attends, une seconde ! » Lance t-il, alors que je réduis la distance afin de faciliter l'application et faire preuve d'une grande précision. "Détends-toi, ça part à l'eau…Enfin je crois" Je fronce les sourcils, et croise le regard malicieux de Mathis à qui j'adresse un clin d'oeil complice. Mes yeux bleus l'observent trouver le courage dans le fond de sa bouteille, qu'il finit par délaisser. « Vas-y, tu peux y aller ! » Je me racle la gorge, cherchant à rentrer dans mon rôle. Mon éponge vient immédiatement s'imprégner de la peinture bleu, que je dépose finalement sur la joue de Cade, mes iris observent ses paupières closes, avant de retrouver sa peau, que j'habille peu à peu. "Je trouve que le fuchsia se marierait super bien à ta peau", il ouvre un oeil, cherchant probablement à me réprimander, alors qu'un sourire innocent s'invite sur ma bouche rosée. "J'me contente d'un joli bleu, papillon. "Un surnom qui suffit à faire lâcher un rire étouffé à Mathis qui savoure le moment. "Okay. J'vais maintenant délimiter avec un contour noir tes p'tites ailes. Je compte sur toi pour tenir en place." Mathis brandit le pinceau "Tu l'fais avec le pinceau?" Je hoche d'un mouvement de tête avant de l'attraper, m'emparant rapidement de la texture pour venir tracer sur sa peau. Un geste plus fastidieux qui me pousse à accentuer la proximité, alors que sans m'en rendre compte, je viens pincer ma langue entre mes lèvres pour accompagner mes mouvements avec toute la concentration que ça demande. "Encore un petit peu là…Et voilà" lâchais-je. "Est-ce que j'ai l'droit de te proposer quelques paillettes pour te rendre encore plus magnifique?" Mathis se relève, cherchant à obtenir le meilleur angle possible pour admirer mon travail. "C'est trop beau Cade". Il est certainement trop jeune pour faire preuve de réalisme, mais le résultat reste acceptable. Je l'observe en souriant, profitant que l'attention de Mathis se porte sur le maquillage posé à mes côtés pour lancer à voix basse. "Pas facile de lui dire non hein?"

Alors que l’enthousiasme de Cade n’avait fait que grandir à mesure que le temps filait ce jour-là, Savannah venait de faire redescendre l’ascenseur de plusieurs étages. Il aurait pourtant bien cru que la jolie blonde allait lâcher un peu de lest sur le caractère strict de leur rupture, qu’elle allait peut-être lui permettre de les voir, Mathis et elle, autrement que par « obligation ». Mais une phrase vint le rendre muet en explicitant les limites qu’elle posait et qu’il redoutait. "Comme des amis le feraient?" Ils n’avaient jamais été amis. Ils ne pourraient certainement jamais l’être au vu des sentiments que Grimes éprouvait et qu’il aurait probablement toujours quand il croiserait les yeux bleus de Savannah ou qu’il repensait aux quelques années passées à ses côtés. Elle, cependant, semblait définitive sur cette façon dont ils devaient se comporter l’un envers l’autre à l’avenir. Et la déception se lisait sur le visage de l’ex agent fédéral quand Mathis arriva près d’eux pour la sauver d’un commentaire qui aurait sans doute prolongé la conversation, et de façon peu agréable.

Après avoir échangé quelques politesses concernant la situation professionnelle de Cade, tous les deux se tournèrent vers le petit garçon qui eut une drôle d’idée d’occupation. "J'suis sûr qu'il f'rait un superbe papillon" Oublié les pensées trop sérieuses, les yeux ronds de Grimes suffisaient à expliquer qu’il n’était pas forcément d’accord avec cette supposition loufoque, et avec l’activité qui semblait se profiler en impliquant la complicité, et le sadisme, de maman Savannah. " T'as p't'être raison" Il tenta de resister en hochant négativement de la tête et en esquivant les regard suppliants du petit monstre. "Dis oui s'te plaiiiiit" C’est qu’il était convaincant. Ou qu’il avait cette bouille d’ange qui reflétaient les traits de sa charmante mère. Même s’il ne portait pas son nom, Mathis possédait ce petit truc des Williams qui finissait par le faire céder malgré ses réticences. « Ca va, c’est ok ! » C’était fini. C’était trop tard. Il avait accepté, il ne pourrait plus revenir en arrière. "Détends-toi, ça part à l'eau…Enfin je crois" Cade s’était rapproché de sa maquilleuse d’un instant, certainement l’unique de sa vie d’ailleurs, et il venait d’engloutir une grande gorgée de bière pour se donner la force de subir cette métamorphose excentrique. « Vas-y, tu peux y aller ! ». Il s’obligea à fermer les paupières, plus pour ne pas voir l’expression euphorique sur les visages que pour éviter de se retrouver avec de la peinture dans les yeux. La sensation de l’éponge sur sa peau était plutôt agréable quoi qu’il en pense. Ca chatouillait légèrement ce qui lui valu de tirer quelques grimaces de temps en temps, mais Cade se força à garder ses traits tendus, histoire de ne pas être accusé d’avoir fait foirer le dessin. "Je trouve que le fuchsia se marierait super bien à ta peau" Il ouvre un œil, pour observer sa mine moqueuse et le referme. "J'me contente d'un joli bleu, papillon. " Mathis pouffa et Cade leva l’index sans bouger un autre muscle. « Chh. Je n’veux rien entendre. Interdit de se moquer ! » Il n’y échapperait certainement pas, mais cela faisait partie du jeu et il avait accepté de s’y soumettre, juste pour profiter un peu de l’instant. Le prolonger par peur qu’il ne se reproduise plus.

"Okay. J'vais maintenant délimiter avec un contour noir tes p'tites ailes. Je compte sur toi pour tenir en place." Des ailes ?! Cade avait donc des ailes peintres sur la tronche ! Seigneur ! Il haussa les sourcils en sentant la peinture lui tirer la peau. « Bien Madame ! » Mathis lui tendit l’objet du supplice qui ne tarda pas à glisser sur sa joue. Les minutes défilèrent et avec elles s’envolèrent le peu de dignité qu’il restait à l’ex agent fédéral. Bien au-delà de son image qu’il s’obstinait à garder intacte, Cade profitait largement de ce tableau qui ressemblait en tout point à un tableau de famille. "Encore un petit peu là…Et voilà" Il rouvre les yeux pour rencontrer leurs deux regards. L’admiratif de Mathis et l’amusé de Savannah. "Est-ce que j'ai l'droit de te proposer quelques paillettes pour te rendre encore plus magnifique ?" Des quoi ? Il sourit faussement nerveux de cette nouvelle et brillante idée. « On va s’en tenir là. J’suis pas un papillon du pays des bisounours ! » Bien qu’il se doutait que les couleurs choisies ne le classait pas dans la catégories insectes redoutables et redoutés. "C'est trop beau Cade" Cet excès de joie suffit à le faire sourire. Il se tourna vers le garçonnet. « J’en suis sûr ! Il me reste plus qu’à aller voir ça de plus près…». Il s’apprêtait à se lever pour contempler l’œuvre de Savannah quand il rencontra son regard. "Pas facile de lui dire non hein?" Son esprit pouvait dire pareil la concernant. Et il s’apercevait effectivement qu’il avait autant de mal à résister à son fils. Cette conclusion définissait son attachement pour eux deux et confrontait directement l’avenir proche qui les attendait. « Avec cette tête, j’aurais trop peu de crédit de toute façon. » Il haussa les épaules, baissa les yeux comme prit par une sorte de crainte quant au nombre de fois où il allait pouvoir céder aux demandes de Mathis. Cade se dirigea donc vers le premier miroir qu’il croisa. Son reflet était…inhabituel, et il s’observa sous toutes les coutures en tournant la tête de droite à gauche, en levant le menton et en se pinçant les lèvres. « Oh c’est… c’est pas si mal ! » Fit-il avec ironie en continuant de s’examiner avec précision. « Un vrai petit habitant de la forêt enchantée ! » C’était peu dire. Et encore…il avait évité les paillettes ! « Ta maman a un vrai talent caché Mathis !  Je m’sens…transformé ! » Il osa poser doucement son doigt sur la peinture bleue en grimaçant.

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C'est étrange, cet effet contradictoire qui s'invite dans nos retrouvailles. Une partie de moi ne peut s'empêcher de se montrer réaliste sur le caractère désormais impossible de notre histoire. Nous avions vécu bien trop de choses ensemble, les sentiments avaient été bien trop fort, la rupture avait été particulièrement douloureuse, et difficile à accepter. Ces mois sans croiser le regard de l'autre, sans entendre le son de sa voix, nous avaient probablement permis de prendre du recul, d'effacer les maux qu'avaient occasionné cet échec sentimental que nous avions à notre actif, ou du moins de les apaiser par la distance. Mais comment pourrions nous prétendre devenir amis malgré tout? Comment y parvenir? Se pensait-il capable de prendre ce chemin, sans avoir ce réflexe de vouloir effleurer mes lèvres, ou de se perdre dans le bleu de mes yeux? S'engageait-il à se comporter comme tel, et à ignorer toutes les choses qui pouvaient sensiblement le faire chavirer dès que nous étions ensemble? La méfiance que j'éprouve désormais à son égard n'est pas factuelle, elle est là, au plus profond de moi, et recouvre ce cœur qui a été brisé et que je me dois de préserver. D'autre part, il y a aussi cette petite chose, aussi surprenante que précieuse, qui malgré tous les tourments et la souffrance éprouvée persiste. Une alchimie qui survit au travers du chaos que nous avons semé. Un respect pour l'autre, et une bienveillance à toute épreuve. Qu'importe ce que nous avons été ou ce que nous serions capable d'être, l'authenticité de nos rapports n'est plus à prouver, elle n'est pas surjouée et ne demande pas tellement d'efforts, surtout lorsque la présence de Mathis souffle un vent d'innocence dans les échanges, et nous force à oublier les désaccords que nous avons pu rencontrer; pour nous recentrer sur les moments simples que la vie pouvait encore nous offrir, dans la complexité des relations.

C'est donc au travers d'un magnifique maquillage que nous nous apprêtons à réitérer l'expérience. Une activité sur laquelle je n'aurais pas misé une seule seconde, mais qui semble rendre le jeune garçon particulièrement enthousiaste. Un sentiment pas tellement partagé par Cade, qui est bien loin de toute la virilité qu'il cherche à imposer naturellement. De quoi me pousser à aller à contre sens et nourrir les supplications d'un gamin qui s'est particulièrement s'y prendre, et je sais de quoi je parle!  « Ca va, c’est ok ! » Les dés sont jetés, impossible de faire marche arrière désormais, et rapidement, je m'affaire à lancer une réplique capable de le rendre plus craintif. Désormais installés dans le salon, j'observe quelques instants le matériel avant de me lancer, optant pour une improvisation du modèle. La langue parfois pincée entre les dents, signe d'une concentration extrême, je m'affaire à recouvrir son visage; prenant vite conscience de la simplicité qu'offre un visage d'adulte à celle d'un enfant, même si la barbe naissante de ce cher Grimes ne rend pas toujours la tâche facile. « Je trouve que le fuchsia se marierait super bien à ta peau » C'est faux, mais devoir récolter un regard réprobateur est bien trop tentant, surtout s'il parvient à distraire le seul spectateur de cette scène pour le moins surprenante. Un rire qui ne tarde pas à passer ses lèvres, et qu'il tente de dissimuler maladroitement entre ses mains « Chh. Je n’veux rien entendre. Interdit de se moquer ! » Il lève les mains, ignorant le fait que Cade puisse échapper à ses frasques théâtrales, alors qu'elles recueillent pour ma part toute mon attention « C'est pas moi » Il est donc lui aussi un piètre menteur. « Okay. J'vais maintenant délimiter avec un contour noir tes p'tites ailes. Je compte sur toi pour tenir en place.» La précision est de mise, et je sais d'avance que créer ce contour pourrait rapidement venir gâcher tout mon travail. Mais je n'aurais qu'à prétexter qu'il en est responsable. « Bien Madame ! » Le pinceau parcours sa peau et les traits qui le caractérisent, que j'avais souvent eu le sentiment d'oublier avec le temps, et qui sur l'instant, me paraissent pourtant toujours aussi familiers « Encore un petit peu là…Et voilà ». Je me pince les lèvres, me redressant pour pouvoir mieux observer le résultat, alors que l'ouverture de ses paupières suffit à rendre la vision de lui bien plus amusante que je ne l'avais imaginé.  «Est-ce que j'ai l'droit de te proposer quelques paillettes pour te rendre encore plus magnifique ?» Je penche légèrement mon visage par-dessus mon épaule, cherchant à le faire douter par cette fausse générosité. « On va s’en tenir là. J’suis pas un papillon du pays des bisounours ! » Je relève les sourcils, peu surprise par cette réponse qui me soutire malgré tout un sourire. «C 'est quoi des bisounours?» Le choc des générations. « Hmm…Tu vois Cade? » …Mauvais départ… « Eh bien c'est tout l'inverse » Je me pince les lèvres, forcée de reconnaître que ça manque de précision. « Dans ce pays là, il n'y a pas de méchant à abattre, tout n'est que douceur, nuage et arc-en-ciel dans un monde bien coloré » Il détourne son attention pour la reporter sur son mentor du moment « C'est trop beau Cade » .Je lâche un léger rictus face à cette réaction, et repose finalement mon regard dans celui du jeune papillon. "Pas facile de lui dire non hein?" Il ne pouvait que partager ce sentiment d'impuissance sur le moment. « Avec cette tête, j’aurais trop peu de crédit de toute façon. » Je me lève, rangeant les différents éléments, lorsque Cade se charge de découvrir le rendu depuis le miroir dans le hall d'entrée.  Sa voix s'élève, me soutirant un certain amusement. « Un vrai petit habitant de la forêt enchantée ! » Mathis laisse échapper un léger rire, alors que les quelques acrobaties auxquelles se livre Mathis sur le canapé persistent un petit instant « Ta maman a un vrai talent caché Mathis !  Je m’sens…transformé ! » « Là t'en fais un peu trop » Je cherche la confirmation auprès du petit bonhomme, que je surprends bouche grande ouverte, dans un bâillement qui semble interminable. «Okay p'tit monstre… C'est l'heure d'aller se coucher » Il fronce les sourcils, cessant un instant une sorte de figure du poirier raté pour pouvoir riposter. « Mais j'suis pas fatigué » J'arque un sourcil, un sourire malicieux sur les lèvres, alors que cette simple moue suffit  à le convaincre « Brossage des dents et pyjama » Il lâche un soupir et finit par se glisser sur ses deux pieds pour obtempérer, d'un air plus ou moins las. « J'te laisse finir ta bière, j'vais m'assurer qu'il suive mes indications» lançais-je en passant à hauteur de Cade.

Après plusieurs minutes, Mathis se précipite dans son lit, ne tardant pas à élever la voix pour être sûr d'être entendu depuis le rez-de chaussé «CADE? Tu viens me dire bonne nuit? » J'allume la veilleuse, l'esprit vagabondant l'espace de quelques secondes sur ce rituel qui avait parfois eu lieu par le passé. Les pas lourds sur l'escalier en bois se font entendre, alors qu'assise sur le rebord du lit, je viens déposer un baiser sur le front de mon fils. «Fais de beaux rêves trésor» Une voix bienfaisante, bien plus douce, pour amorcer sa phase d'endormissement. La silhouette de l'ancien agent apparaît dans l'encadrement de la porte, je la devine alors que le regard du jeune garçon se faufile par-dessus mon épaule. Je libère la place, alors qu'une sorte de sourire mi-gêné s'installe sur mon visage en passant aux côtés du jeune homme, témoignant de la culpabilité à lui imposer ce genre de moment, autant appréciable que cruel, sans aucun doute « Tu seras là demain matin?» S'empresse de demander l'enfant, alors que mon regard bleuté se baisse un instant sur le parquet de sa chambre. Je retiens mon souffle, prenant conscience des conséquences que ces retrouvailles vont impliquer. Je viens croiser les bras sur ma poitrine, observant avec la distance nécessaire cet échange, presque douloureux à mes yeux, alors que ma tempe vient se caler sur le cadre de la porte.

Le tableau qui se dessinait ce soir était inédit malgré les liens toujours plus forts que l’ex agent fédéral avait noués avec le petit garçon. Il était question, là, d’une scène aux allures de soirée familiale. Jamais Cade ne s’était laissé peinturlurer le visage par une jeune femme qui, il y avait encore quelques mois, partageait son quotidien alors qu’il n’en était plus rien. Jamais il n’avait cédé à la demande d’un monstre de cinq ans, surtout quand il s’agissait de se faire maquiller pour ressembler à un spécimen aux couleurs vives, tout droit sorti d’un dessin animé dramatiquement féérique. Décidément, plus rien n’était comme avant, si ce n’était le plaisir innommable que Cade ressentait lorsqu’il passait de tels moments auprès de Savannah et de son fils. Il ne regardait pas l’heure, il ne voyait plus rien qui pourrait l’empêcher de profiter. Ah si, la peur que cela pourrait ne jamais se reproduire ! La jolie blonde et lui avait bien eu ce début de discussion avant que Mathis ne débarque pour leur faire part de son idée farfelue. Et ses mots planaient au-dessus d’eux malgré les sourires qu’ils s’échangeaient en voyant le dessin évoluer sur la figure de Grimes. La peinture dont Savannah se servait commençait à lui tirailler les pores de la peau, séchant doucement et le transformant en un papillon ridiculement bien réussi.

«C 'est quoi des bisounours?» Les nounours avaient-il raccroché leur tablier ? « Hmm…Tu vois Cade? » Savannah entreprit une réponse dont la suite allait forcément être mesquin. « Eh bien c'est tout l'inverse » Les yeux verts de Cade se posèrent lourdement sur sa maquilleuse. « Dans ce pays là, il n'y a pas de méchant à abattre, tout n'est que douceur, nuage et arc-en-ciel dans un monde bien coloré » C’était pourtant une très bonne définition. Quelqu’un avait-il déjà vu un bisounours se battre contre un affreux nounours influencé par les forces du mal ? « Adorable. » lança Grimes en retenant le sourire qui allait avec cette ironie. S’il bougeait, il ferait forcément foirer tout le dessin et Savannah n’hésiterait pas à le faire remarquer à Mathis. D’ailleurs, celui-ci semblait émerveillé quand sa mère en eut terminé. « C'est trop beau Cade » Un peu trop d’enthousiasme que Cade ne partagea qu’en façade, pour ne pas les décevoir, son imagination d’enfant et lui. « Ta maman a un vrai talent caché Mathis !  Je m’sens…transformé ! » Il se regardait, méconnaissable. Adieu la crédibilité et Au Revoir toute forme de sérieux pour les prochaines minutes. « Là t'en fais un peu trop ». Sans aucun doute.

«Okay p'tit monstre… C'est l'heure d'aller se coucher » Le temps avait filé. Cade avait rejoint mère et fils qui parlementaient sur le coucher alors que le désenchantement prenait lentement place dans son esprit. La journée touchait à sa fin et il devrait bientôt s’en retourner chez lui, en les laissant tous les deux derrière lui, plutôt que de poursuivre un peu la soirée avec Savannah et finir par la retrouver dans sa chambre. La séparation était imminente. « Brossage des dents et pyjama » Elle insistait auprès d’un Mathis las et certainement aussi déçu que Grimes. « Allez Mat’. Fais c’que ta maman te demande. Il est tard… » Le petit bonhomme passa à côté de lui et Cade le gratifia d’une caresse dans les cheveux ajouté à un sourire forcé et résigné. « J'te laisse finir ta bière, j'vais m'assurer qu'il suive mes indications». L’ex agent hocha de la tête. Il s’efforça de ne pas les regarder monter à l’étage pour ne pas se rendre nostalgique des fois où, pour motiver Mathis, il le prenait sur son épaule comme un sac et l’entrainait dans la salle de bain. Cade se laissa tomber sur le canapé en soupirant et attrapa sa bière. Coudes plantés dans ses cuisses, il porta le goulot à ses lèvres et, pensivement il avala une grande gorgée qui la vida presque entièrement.

«CADE? Tu viens me dire bonne nuit? » Un sourire s’immisce sur le visage maquillé de Cade. Il savoura égoïstement l’impatience du jeune garçon plusieurs secondes avant de finir sa bouteille et de la poser sur la table basse. «Fais de beaux rêves trésor» . La douce voix de Savannah sortait de la chambre de Mathis quand il arriva sans bruit, sur le seuil de la porte. D’un pas lent, il entra et s’approcha du lit où le petit garçon s’était confortablement installé et avait déjà rabattu sa couette jusqu’à son menton. Cade s’assit à côté de lui et lui tendit une main pour checker à leur façon. « C’était une chouette journée ! » Il sourit, voulant à tout prix dissimuler la mélancolie qui le saisissait à cet instant. Mathis tapa dans sa main, en lui rendant cette joie par un grand rictus. « Tu seras là demain matin?» Wouaw. Comme cette question faisait mal ! Un coup de poignard en pleine poitrine. Une balle de 38 dans le bras. Cade perdit de l’enthousiasme et chercha le regard de Savannah pour un peu de soutien. Cet échange, lourd, pesant et des plus compliqué ne l’aida pas du tout. Pourtant, il connaissait la réponse. Il regarda Mathis de nouveau et finit par ouvrir la bouche. « J’ai beaucoup de travail demain... » Ça n’expliquait qu’à moitié son absence du lendemain. Mais était-il le mieux placé pour décrire la situation ? « On se reverra bientôt ! » Il faillis ajouter un « C’est promis » qui n’était pas de mise. Car la suite des choses, il n’était pas le seul à en décider. La déception ne pouvait que se lire sur le visage du petit garçon. Cade tenta de le rassurer un peu. « Tu me montrera tes progrès au lancer ! » S’il n’était pas déjà à la tête d’une équipe du championnat d’ici là. Il lui adressa un sourire et déposa un baiser furtif sur son front. « Bonne nuit Mat’ » Après ça, Cade se leva, et il à défaut de se passer la main sur le visage pour se remettre les idées en place, il se frotta la nuque en sortant de la chambre. Mathis lui, semblait déjà lui en vouloir.

Sans un mot, et digérant cette fin de journée un peu spéciale, il descendit les escaliers et se retrouva au salon. Sa veste n’était pas loin, il s’en empara pour l’enfiler en se tournant vers Savannah. Là, il marqua une pause. Que dire désormais ? Maintenant que l’innocence du petit garçon ne pourrait plus venir interrompre une conversation d’adulte ? « Désolé…j’savais pas quoi lui répondre. » Il avait laissé le soin à Savannah de donner une explication plus sincère sur l’absence de Grimes à son fils. L’atmosphère n’était plus à la fête malgré le maquillage qui ornait toujours ses joues.

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@Cade Grimes & Savannah Williams

Assise face à lui, je me prête au jeu de ce maquillage tout à fait ridicule que je lui impose, oubliant bien vite cette discussion sérieuse à laquelle nous avions finalement échappé quelques minutes plus tôt dans la cuisine. Tout semble si normal, si naturel au travers de ce trio. L'espace d'un instant, je parviens à me convaincre que peut-être nous sommes en mesure d'y arriver. Peut-être qu'oublier le passé pour tenter de construire un nouveau lien est à portée de main, un lien qui n’inclura aucune attente de l'autre, aucune déception possible, un lien dans lequel il sera juste possible de profiter de quelques moments éphémère comme celui-ci, et ainsi pouvoir se retrouver sans qu'il n'y ait aucune souffrance à la clé. Ou peut-être que je me laisse simplement emportée par l'instant, pourtant aussi fragile et précieux que ceux que nous avions pu partagé? Nous en avions fait du chemin ensemble, connu de grands moments qui aujourd'hui encore hantent mon esprit, et voilà qu'un caractère platonique s'invite dans nos échanges. S'agit-il simplement d'un leurre, dans lequel mon esprit se convainc de l'innocence de ses retrouvailles? Le rire de Mathis résonne comme une douce mélodie dans laquelle je prends tellement plaisir à me perdre, et Cade en est la raison première ce soir. Je sais combien il tient à cœur à l'ancien agent de le satisfaire, preuve en est alors qu'il arbore un magnifique maquillage sur le visage, lui faisant perdre une grande partie de sa virilité. «C 'est quoi des bisounours?» L'évidence échappe à Mathis, et je m'efforce de lui apporter quelques exemples dans ma réponse. Inévitablement, il est question de mettre en confrontation ce mode de douceur écœurant, et celui bien plus sauvage qui est plutôt du goût de ce cher Grimes. Il m'y avait associé par le passé, et cette affiliation n'avait bien évidemment rien de positif dans le fond, ça sonnait même plutôt comme un reproche, révélant la naïveté dont je peux faire preuve, et les nombreux idéaux bien ancrés dans ma tête. Lui, préférait de loin se tenir dans la noirceur de son monde. Contre toute attente, c'est ce qui avait fini par avoir raison de nous. Quelle ironie.


«Okay p'tit monstre… C'est l'heure d'aller se coucher » La journée a été particulièrement chargée, et les premiers signe de faiblesse du petit bonhomme ne font que gagner du terrain, me poussant à mettre un terme à ces retrouvailles.Je sens la déception de Mathis, qui s'évertue à me contredire en relevant les sourcils, tâchant de rester crédible quelques secondes. « Brossage des dents et pyjama » Qu'importe le déroulement, la séparation est inévitable, et il finira à un moment ou un autre, par tomber dans les bras de Morphée, pour finalement subir la frustration de ne plus avoir son compère à ses côtés lors de son réveil. Fort heureusement, le jeune homme cherche à m'appuyer par quelques encouragements « Allez Mat’. Fais c’que ta maman te demande. Il est tard… » Grâce à lui, je peux peut-être échapper au statut de "méchante de service" pour avoir pris la décision d'interrompre ce moment de distraction « J'te laisse finir ta bière, j'vais m'assurer qu'il suive mes indications» L'étrange sensation de le ramener au statut d'invité, alors que plusieurs mois auparavant, il lui arrivait de participer avec entrain aux rituels du coucher. Un souvenir qui n'échappe probablement pas à Mathis, qui s'empresse de lui rappeler sa place, dans une gêne que je m'efforce de dissimuler face à lui. «Fais de beaux rêves trésor» Me voilà à céder ma place, acceptant d'être relayée au second plan pour l'occasion. Un moment qui leur appartient, je décide de rester spectatrice en m'éloignant et en prenant place dans l'ouverture de la porte.« C’était une chouette journée ! » Un léger sourire s'invite sur mes lèvres, d'une bienveillance et infinie tendresse, alors que je les observe silencieusement. La voix pourtant innocente du petit garçon se charge de troubler cette parfaite harmonie. « Tu seras là demain matin?» Mon coeur se resserre, aussi vite que la douceur qui illuminait mes traits s'évapore. Nous avions eu cet échange à deux reprises, dans lequel je m'étais assurée que le petit garçon comprenne le côté exceptionnel de la situation. Il savait que ce moment en sa compagnie avait une date de péremption, et qu'après ça, les choses redeviendraient comme avant, dans un quotidien dans lequel Cade n'avait plus sa place . La prolongation de ce moment jusqu'à la maison avait-elle suffit à faire naître en lui l'espoir d'un changement de dernière minute, qui pourrait, une fois encore, lui être bénéfique? Mes mâchoires se resserrent l'espace de quelques secondes. Il m'est impossible de savoir si je dois le corriger, et lui rappeler les conditions de ces retrouvailles, ou si je dois faire preuve de tolérance et ignorer ses dires pour qu'au réveil, il constate par lui-même que le plan a été respecté Mon regard croise finalement celui de de l'ancien agent, à qui je laisse le soin d'apporter une réponse, sachant très bien que les mauvaises nouvelles passeront sûrement bien mieux si c'est lui qui les lui annonce. « J’ai beaucoup de travail demain... On se reverra bientôt ! » Ca n'exprimait pas tellement les souhaits que j'avais soufflés lors de notre discussion dans la cuisine. Cherchait-il à faire naître l'espoir dans les yeux clairs du garçonnet, ou était-ce un moyen de s'en convaincre lui-même? « Tu me montrera tes progrès au lancer ! » La désagréable impression d'être responsable de ce chaos revient de plus belle, suffisamment pour que je m'efforce de me détacher de cette scène, et que je fasse quelques pas sur le pallier en cherchant à maîtriser ce soupire qui passe mes lèvres, à l'abri de leur regard. Cade me rejoint assez rapidement, visiblement tout aussi perplexe face à la gêne occasionnée. Je préfère une fois encore feindre l'indifférence, et me contente de rejoindre le rez-de-chaussé, consciente du froid que l'enfant sera parvenu à balancer avant de nous laisser livrés à nous-même dans cette maison. Le silence est éloquent, et chacun de nous lutte sans aucun doute pour tenter d'y échapper. Du coin de l'oeil, je perçois Cade enfiler sa veste, signe d'un départ imminent. « Désolé…j’savais pas quoi lui répondre. » Je secoue la tête, m'y prenant à deux fois pour oser planter mon regard dans le sien. «Tu n'as pas à l'être…Il savait parfaitement à quoi s'attendre» déclarais-je, notifiant d'une certaine façon le discours que j'avais pu avoir avec Mathis avant même que nous croisions son chemin dans le parc. «Il a probablement pensé à un moment que rien n'avait changé» Une supposition qui m'avait moi aussi effleuré l'esprit, mais qui me paraît pourtant désormais bien loin, et presque ridicule. Tout a changé. Il n'est plus question de se perdre dans les bras de l'autre, ou de se confier sur sa journée éprouvante et de façon nonchalante sur le canapé. La place vacante dans mon lit restera inoccupée. «Ne t'en fais pour lui, ça lui passera» Il lui faudra peut-être un petit temps pour l'accepter, mais je refuse que Cade porte le poids de la culpabilité.

« Allez Mat’. Fais c’que ta maman te demande. Il est tard… » Cade n’avait pas la prétention de vouloir prendre la place du père de Mathis. Mais il se surprenait parfois à montrer un semblant d’autorité parentale lorsque la situation n’était pas aisée pour Savannah. Le jeune garçon grandissait, son caractère s’affirmait. Il usait quelques fois de la patience de sa maman et il était arrivé que Grimes vienne en renfort sur ce terrain. Durant ces mois de relation, il n’avait pas fait que rester devant la télévision ou jouer au bon copain avec Mathis. Petit à petit, il avait ouvert la porte à un nouveau rôle, un habit qu’il redoutait de porter et qui au final, s’était lentement et logiquement imposé à lui de façon bénéfique et plaisante. L’heure du coucher, Cade l’avait partagé avec Savannah et son fils plusieurs fois. Il s’était souvent tenu dans l’encadrement de la porte de chambre en attendant d’embrasser le petit garçon pour lui souhaiter une bonne nuit. Il avait même occasionnellement soulevé le matelas pour montrer à Mathis qu’il n’y avait pas de monstre sous son lit, ou pour retrouver il ne savait quelle peluche qui manquait à l’appel. Et plus d’une fois, avant de rejoindre Savannah, il avait passé la tête dans l’entrebâillement de la porte pour vérifier que Morphée avait fait son boulot, et que la sérénité avait envahit la pièce pour plusieurs heures. « J'te laisse finir ta bière, j'vais m'assurer qu'il suive mes indications » Aujourd’hui, il était relégué au salon comme si tout ça n’avait jamais existé. Son cœur s’était serré jusqu’à ce que la voix de Mathis résonne depuis l’étage.

Sans hésiter, l’ex agent fédéral qui d’habitude se faisait attendre, grimpa l’escalier avec un petit sourire qu’il tenta de dissimuler en arrivant sur les dernières marches. Savannah lui laissa sa place et bien qu’ils se voyaient moins ces derniers temps, la scène lui paraissait familière et bienfaisante. .« C’était une chouette journée ! » Comme il pensait ces mots ! Bien que les prémices de sa conversation avec la jolie blonde sur le futur proche de leur relation avaient créés un bémol, Cade avait apprécier chaque moment. Du cours de lancer au parc, jusqu’à cette séance maquillage qui avait illuminé les yeux innocents de Mathis. « Tu seras là demain matin?» Comment, un enfant si jeune pouvait faire naitre autant de sentiment différent en une seule journée ? Le regret l’envahit. L’hésitation se lisait le visage de Cade alors qu’il cherchait vainement du soutien dans le regard qu’il échangeait avec Savannah. C’était insupportable. Sans trouver de meilleure réponse, et avec l’intention de demeurer passif sur la façon dont il apprendrait la vérité, il prétexta devoir travailler et il tenta de le rassurer en esquissant un sourire timide et quelque peu désorienté. « Tu me montrera tes progrès au lancer ! » C’était s’avancer. Grimes ignorait même s’ils allaient se revoir sous peu mais l’idée de décevoir Mathis était trop insoutenable. Au fond, peut-être voulait-il y croire positivement lui aussi. Après lui avoir souhaité une belle nuit, Cade passa près de Savannah et, sans un mot, il descendit au salon.

Mathis n’étant plus de la fête, Cade en déduit que la journée touchait à sa fin. Il s’empara de sa veste qui donnerait forcément un air plus sérieux au joli papillon qu’il était encore. « Désolé…j’savais pas quoi lui répondre. » La jolie blonde l’avait rejoint. Sans doute pour le mener jusqu’à la porte d’entrée et refermer derrière lui bien qu’il connaisse le chemin par cœur pour l’avoir maintes fois emprunté. «Tu n'as pas à l'être…Il savait parfaitement à quoi s'attendre» Vraiment ? S’en était que plus accablant. Alors donc ils avaient eu une discussion sur sa disparition de leur quotidien ? En ajustant sa veste sur ses épaules, Grimes haussa les sourcils. «Il a probablement pensé à un moment que rien n'avait changé». Ces mots venaient renforcer la réalité de leur séparation. Mais tout avait-il vraiment changé ? S’efforçait-elle de le penser ou laissait-elle encore la place aux sentiments qui les animaient ? A ce lien qu’ils avaient fait naitre toutes ces années ? « Ouais…c’est pas le seul. » Commença-t-il avant de relever ses yeux sur elle. Une explication… ? « Sav… » Mais elle le coupa, sans doute involontairement. «Ne t'en fais pour lui, ça lui passera. » Cade ne la lâcha pas du regard, se risquant à chercher des indices sur ce qu’elle-même ressentait à propos de tout ça, de cette décision de rompre tout contact et de cette rupture qu’il continuait de subir de son côté. « C’est ce que tu te dis, toi aussi ? » Son sérieux remplit l’atmosphère d’un seul coup, alors même que son visage coloré reflétait la rigolade. « C’est fini, clap de fin. Sourions et le temps fera son boulot ? » L’ironie prenait sa place, ses sentiments hurlaient en lui. « Je n’suis pas une machine, j’arrive pas à faire comme si rien n’sétait passé parce que trop de choses se sont passées ! » Ses yeux verts restèrent figés sur la jolie blonde pendant que cette vague d’émotions lui tirait ses mots. « J’suis trop attaché à toi et au p’tit pour encaisser sagement que tu veuilles m’éliminer de votre vie aussi rapidement… » Il serra les dents, voyant qu’elle restait silencieuse et sans doute pensive, et il manqua un soupir en baissant la tête. « J’imagine qu’il devra trouver un autre entraineur… » S’en était donc terminé de ces après-midis au parc à enchainer les lancers avec Mathis ? Leur histoire s'arrêtait-elle là, malgré les obstacles qu'ils avaient déjà connus ? Résigné, ou presque, Cade s’approcha doucement de la sortie en sortant ses clés de voiture de sa poche.

face your damn reality

@Cade Grimes & Savannah Williams

Si la journée s'est passée sans encombre, révélant une bonne entente inédite dans de telles circonstances, nous faisant presque oublier nos différents désaccords,Mathis est parvenu par une simple question à redistribuer les cartes et mettre le doigt sur toutes les choses auxquelles nous avions failli. D'un regard échangé s'impose le souvenir de nos erreurs, et peut-être même celle que nous avions délibérément provoquée par ces retrouvailles, sous estimant probablement l'impact que cela pourrait représenter aux yeux du jeune garçon. Nous ne sommes pas amis, et même si nous nous efforçons à le devenir, Mathis sera toujours là pour nous rappeler ce passé qui nous unis tous les trois, un passé dans lequel nous aurions parfois tendance à nous perdre, un passé difficile à oublier. Derrière cette volonté de satisfaire le jeune garçon, ne risquons-nous pas d'enfoncer un couteau dans la plaie? Cette plaie saigne lorsque Cade croise mon regard pour tenter d'obtenir mon aide. Comment parvenir à panser une douleur dont je suis partiellement responsable? Comment trouver les mots réconfortants alors que je suis moi même soumise à ce vide béant qu'il a laissé par son absence dans mon quotidien? La gorge nouée, les pensées fusent dans mon esprit, et tout se fait plus trouble, remettant en question cette volonté d'arrondir les angles de part et d'autre. Je retrouve le rez-de-chaussé, et l'ambiance se fait pesante auprès de l'ancien agent. Est-ce par la maladresse que nous a imposé mon fils avant de s'endormir, ou par son absence? Sans aucun doute un peu des deux. C'est probablement ce qui pousse Cade a vouloir s'approcher du hall d'entrée, cherchant probablement à fuir cette atmosphère malaisante, alors que je suis ses pas, tentant d'effacer ce souvenir qui passe en boucle dans mon esprit et alimente ce sentiment de culpabilité.

« Désolé…j’savais pas quoi lui répondre. » L'authenticité d'un enfant pouvait être encore plus redoutable qu'un échange complexe entre adultes. Pas de faux semblant pour donner le change, pas de perception des émotions qu'ils peuvent innocemment provoquer chez l'autre. La question de savoir quel comportement adopter dans ces circonstances m'échappe cependant encore régulièrement. Devions faire nous preuve de sincérité, de les amener en douceur sur le chemin de la réalité pour qu'ils puissent en comprendre chaque maux, ou devions nous nous efforcer de les protéger, quitte à nous engager sur le vaste chemin du mensonge? «Tu n'as pas à l'être…Il savait parfaitement à quoi s'attendre» C'est le choix que j'ai fait. Ca ne rend pas les choses plus faciles pour autant, mais ça permet de garder une certaine maîtrise sur la situation et de pouvoir ainsi gérer les possibles débordements ensuite, d'appréhender sa frustration. En posant mon regard sur le visage de Cade, je décèle un air surpris à cet aveu. Peut-être aurait-il préféré que je laisse un semblant d'espoir persister dans les yeux clairs de mon fils, celui qui s'est pourtant retrouvé du jour au lendemain privé de cet être cher à ses côtés, sans en connaître les réelles raisons. Il ne mesure peut-être pas un seul instant combien il peut-être difficile de déceler toute la déception sur son visage. Par un besoin de justifier cette maladresse, je me laisse aller à une confession, qui sans plus attendre, fait naître une certaine mélancolie en moi «Il a probablement pensé à un moment que rien n'avait changé». Parce que c'est le sentiment que j'avais moi aussi ressenti un bref instant. Sentiment qui s'est rapidement dilapidé au sein de cette chambre, et qui à cet instant me parait complètement dérisoire. Mon regard fuyant exprime à lui seul ce terrain miné sur lequel je n'ai pas envie de m'engager. « Ouais…c’est pas le seul. » Je n'ai pas envie d'entendre ses mots. Je ne suis pas en mesure de les recevoir et il est plus facile d'en ignorer la signification, qu'importe si je m'étais moi-même laissé prendre au jeu. « Sav… » Je connais par cœur le chemin qu'il souhaite prendre. Chaque fois que mon prénom passe ses lèvres, s'ensuit une annonce capable d'altérer ma façon de penser. Alors instinctivement, dans une sorte de réflexe, je viens le couper sur sa lancée  « Ne t'en fais pour lui, ça lui passera » Il ne devait pas s'arrêter sur l'insatisfaction d'un enfant de six ans, j'y étais quotidiennement exposée, et même si ce n'était pas toujours facile à affronter, ça n'était pas insurmontable.  « C’est ce que tu te dis, toi aussi ? » Mon regard s'agite nerveusement dans la pièce, alors que ma poitrine se gonfle au travers d'une longue inspiration. Pourquoi fait-il ça? Toutes les blessures que nous nous étions infligées n'étaient-elles pas suffisantes à supporter? « C’est fini, clap de fin. Sourions et le temps fera son boulot ? » Mes lèvres se pincent l'une contre l'autre, cherchant à  se soumettre à ce silence indispensable, lorsque mes iris bleus prennent le chemin des siennes, y devenant des accusations recevables. Le maquillage ridicule qu'il arbore ne suffit pas à rendre cette scène plus légère, bien malheureusement. « Je n’suis pas une machine, j’arrive pas à faire comme si rien n’sétait passé parce que trop de choses se sont passées ! » Devais-je lui rappeler que j'étais dans le même bateau que lui, et que c'était tout aussi pénible à mes yeux, voire insupportable? La souffrance torture mon palpitant alors que mon regard se balade dans ses yeux, parvenant à y lire toutes les blessures que j'avais pu lui infliger par cette rupture. « J’suis trop attaché à toi et au p’tit pour encaisser sagement que tu veuilles m’éliminer de votre vie aussi rapidement… » Mon regard se baisse sur le sol face à la sévérité de ses mots.Je peine à déglutir, encaissant des mots qui n'ont rien de bienfaisant, pas dans ces circonstances. J'aurais pourtant tellement aimé que ce soit suffisant. A ses yeux, je reste la coupable de ce chaos, et j'hurle intérieurement pour ne pas me soumettre à ce besoin de lui rappeler les faits. . « J’imagine qu’il devra trouver un autre entraineur… » Je ferme les paupières, remarquant du coin de l'oeil son départ. Me soumettre au silence est insupportable, et je me résigne finalement à y parvenir.

« T'as pas le droit de faire ça » lançais-je en m'approchant de lui pour tenter de l'arrêter. Les coups à l'intérieur de ma poitrine se font plus violents, alors que j'observe sa silhouette figée devant cette porte, qu'il n'a pas eu le temps d'ouvrir et qu'il semble désormais hésité à vouloir passer. « J't'ai demandé de venir partager notre vie , et t'as dis non» Il ne l'avait pas dit comme tel, mais son hésitation avait parlé pour lui, et mis en évidence la défaillance d'une relation à sens unique. « Tu m'as r'poussé quand tout ce que je voulais, c'était être avec toi » Comme il l'avait déjà fait en me proposant une relation sans attache, en m'accablant lorsque la possibilité de devenir père avait été de mise, en ignorant volontairement ma volonté de le voir passer cette porte à l'aide de cette clé, et de se complaire dans ce premier rôle que je lui attribuais. Un rôle qui n'avait trouvé grâce à ses yeux. Ressent-il désormais ce sentiment de rejet, auquel il m'avait soumise à plusieurs reprises par le passé? « J'me voyais vieillir auprès d' toi Cade, et toi t'as continué de nous voir comme du provisoir » L'incertitude de sa réponse pour emménager ici en était la preuve, il continuait de douter de nous en tant que couple, et de ce que nous étions capable de construire ensemble. « Tu veux faire preuve de transparence envers Mathis?» Je relève les sourcils, désignant d'un signe de la main l'étage, dans lequel le petit a probablement trouvé le sommeil. « Monte.  Va donc lui expliquer pourquoi tu préfères choisir ton indépendance à lui. » Je balance toutes ces pensées, mais ça ne suffit pas à soulager ce poids en moi. Je prends quelques secondes pour me ressaisir et reprendre, avec un ton plus calme « Ta place était auprès de nous… Et tu t'es défilé» Je me pince les lèvres. «Ne viens pas m'dire comment j'suis censée vivre cette situation»

C’était difficile de devoir souhaiter une bonne nuit à ce petit bonhomme sans même savoir quand il allait le revoir. Cade avait même eu du mal à lui mentir au sujet de son absence du lendemain matin. Du travail ? Bien sûr qu’il en avait, mais il l’aurait volontiers repoussé de quelques heures s’il avait pu partager le petit déjeuner avec Savannah et Mathis. Cette excuse fut la seule qu’il trouva sur l’instant et malgré une mine renfrognée, le petit garçon s’en contenta et fort heureusement, il ne posa pas plus de questions. Sans doute avait-il déjà eu cette discussion avec sa maman un peu plus tôt dans la journée, mais l’enthousiasme de la journée aura eu raison de son envie de vouloir essayer quand même… «Il a probablement pensé à un moment que rien n'avait changé» De retour au salon et se préparant au départ, Cade fit dramatiquement face à l’aspect le moins drôle de la soirée. Et cette fois, Mathis n’était pas là pour venir détendre l’atmosphère de sa voix fluette et légère. Tentant une dernière fois d’ouvrir la bouche pour lui faire entendre que cette situation n’était pas ce qu’il voulait, Grimes n’eut pas le temps d’en dire plus. « Ne t'en fais pour lui, ça lui passera » Savannah intervint comme si elle redoutait ce qui pouvait suivre. Les volontés du garçonnet étaient une chose qu’elle pouvait encore affronter et maitriser. Seulement, qu’en était-il de ses propres envies ? Etaient-elle persuadée, comme pour Mathis, que le temps ferait son effet ? Pour l’instant, Cade rejetait cette possibilité de son côté et la manière dont elle se forçait à tourner la page l’anéantissait de telle sorte qu’il ne pouvait plus se taire. « C’est ce que tu te dis, toi aussi ? C’est fini, clap de fin. Sourions et le temps fera son boulot ? » Elle ne pouvait tout de même pas agir si sévèrement après plusieurs années qui n’avaient fait que confirmer leurs sentiments respectifs en transformant une simple coucherie d’un soir à une relation de couple passionnelle. Grimes tenait bien trop à elle. « Je n’suis pas une machine, j’arrive pas à faire comme si rien n’sétait passé parce que trop de choses se sont passées ! » Il se livrait, désemparé face aux décisions de Savannah. « J’suis trop attaché à toi et au p’tit pour encaisser sagement que tu veuilles m’éliminer de votre vie aussi rapidement… »

Ses yeux ancrés dans les siens, Cade essayait d’entrevoir sa sensibilité. Cette brèche qui pourra les délivrer d’une rupture douloureuse pour tous les deux. Mais elle resta cruellement silencieuse, confirmant qu’elle ne reviendrait pas en arrière. L’ex agent fédéral réalisa, sans doute pour la première fois, qu’il les avait perdu. « J’imagine qu’il devra trouver un autre entraineur… » Il se tourna et s’apprêta à attraper la poignée de la porte. « T'as pas le droit de faire ça » Ses pas s’arrêtèrent immédiatement mais il ne se retourna pas tout de suite, priant pour que la suite lui soit favorable. « J't'ai demandé de venir partager notre vie , et t'as dis non» Ca partait mal et pourtant il daigna tourner la tête. Ils allaient donc revivre cette scène ? Celle où elle l’accablait de reproches au sujet de son possible emménagement ? « Tu m'as r'poussé quand tout ce que je voulais, c'était être avec toi » Chacun de ses mots semblaient l’atteindre comme des flèches au milieu d’une cible malgré la redondance de ce sujet de discorde. Il aurait pu rétorquer que sa réponse n’avait pas été aussi radicale. Ca n’avait pas été un « non » ferme, mais plutôt une hésitation qui s’expliquait par des craintes que Grimes avait peut-être omit de lui mentionner. « Je n’t’ai pas repoussé… » Fit-il faiblement en sachant que ses mots n’auraient pas d’impact dans cette tornade qu’il venait de déclencher. Savannah était touchée et sa capacité à monter dans les tours révélait sans doute la profondeur de ses blessures. « J'me voyais vieillir auprès d' toi Cade, et toi t'as continué de nous voir comme du provisoire » C’était faux. Bon Dieu leur présence était bien plus qu’éphémère dans sa vie ! Abattu par de telles déclarations, il resta figé, les yeux posés sur elle. « Tu veux faire preuve de transparence envers Mathis? Monte.  Va donc lui expliquer pourquoi tu préfères choisir ton indépendance à lui. » Il serre les dents, l’émotion l’envahit à un tel point qu’un nœud lui nouait la gorge. Mathis était incapable de comprendre, mais sa mère l’aurait pu s’il avait consenti à se donner un peu plus à elle. « Ta place était auprès de nous… Et tu t'es défilé» Elle avait raison. Sa place était bien là, dans cette maison. Mais l’impatience de Savannah avait été importante et l’avait écrasé comme une feuille tremblante sous une pierre. «Ne viens pas m'dire comment j'suis censée vivre cette situation» .

Ce silence qui s’en suivit était pesant. Cade ne su détourner son regard des yeux brillants de Savannah. Toute sa peine et sa déception lui arrivaient en pleine tronche et il s’en voulait. Lui faire du mal était la dernière chose qu’il voulait et malgré lui, c’était tout ce qu’il parvenait à lui apporter. « J'voulais juste prendre le temps… » Sa voix était posée et il se sentait plus vulnérable que jamais. « Ça n’a jamais rien remis en question. » Il baissa les yeux. Il était temps pour lui de s’en aller car les effets de cette conversation commençaient largement à se faire ressentir. En saisissant la poignée de la porte, il se retourna une dernière fois. « Je t’aime Sav. Ça c’est pas du provisoire. » Sans attendre une réponse à cet aveu, il ouvrit et franchit le seuil, clé de voiture en main, pour ne plus s’arrêter.