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@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

"Tu vas monter sur scène avec Midas ?" Jo venait à peine d’arriver qu’on lui parlait déjà de Midas. Alors c’était fun d’être sollicitée comme elle l’était depuis un mois, vivant la vie qu’elle avait rêvé de mener dès qu’il lui avait été possible d’alimenter des désirs et des aspirations, que ce soit par les médias que par les admirateurs de son parcours récents, et elle se pliait à l’exercice presque sans rechigner. Mais c’était difficile d’éviter les questions au fur et à mesure que tout le monde autours tenait à avoir des explications sur cette vidéo de gifle qui avait fuité à la veille de la finale qui l’avait consacrée gagnante. Là en l’occurence, la gamine qui l’avait stoppée sur son chemin, à peine descendue du mini-van qui l’avait conduite avec son équipe jusqu’à la Scenic Rim, elle était mignonne comme tout, à lui quémander une accolade et un selfie en lui disant qu’elle avait hâte de la voir sur une scène comme celle-là, mais ça n’empêchait pas Jo d’avoir aussi envie de lui arracher les yeux pour les lui enfoncer loin dans la gorge histoire qu’elle cesse de sourire en s’excitant toute seule, pleine d’espoir, sur la possibilité que Jo et Midas se retrouvent sur scène.
Ça n’arriverait pas. Elle s’apprêtait à le lui dire Josephine, son regard roulant sous ses lunettes de soleil qu’elle rechaussa juste après avoir consenti à sourire pour la caméra frontale de son téléphone portable, cependant son attaché de presse intervint avant qu’elle ne puisse rouvrir la bouche "On a un planning serré Jo." Et ce n’était pas si mal d’avoir ses arrières assurés, ça lui donnait l’impression de ne pas être trop seule quand elle l’était plus que jamais en vérité.

Son premier festival en tant qu’artiste solo, c’était excitant et important à la fois. Seulement, c’était entaché par l’idée que ça lui était offert sur un plateau, et ce n’était pas agréable pour son ego qui avait besoin d’être sûr de valoir les honneurs par lui-même, pas taillée pour l’assistanat. Elle avait répété sa setlist dans un workshop réquisitionné pour l’occasion sur Brisbane, setlist composée de rien d’autre que de reprises des titres qu’elle avait chanté lors de ses passages remarqués à la télévision, ayant tout de même réussi à faire passer au moins titre de son ancien EP qui n’avait pas assez fonctionné pour qu’il fasse partie de sa discographie officielle, son album n’en étant qu’à l’état de discussion, la promotion de sa victoire ayant pris toute son attention ces derniers temps pour qu’elle réussisse à écrire vraiment bien qu’elle y pensait, et qu’on lui promettait l’intervention d’auteurs et de compositeurs qui sauraient répondre à ses attentes en la matière — ou plutôt celle de son label. Elle était heureuse d’être là, ça avait des airs d’histoires dont elle s’était abreuvée à certains moments de sa vie, intéressée par la vie en tournée, où le mini-van ou le tour-bus est une seconde maison, et où on ne vit que pour la musique. Elle appréciait l’état d’excitation dans lequel ça la mettait. Elle ne faisait pas semblant d’être satisfaite et honorée d’avoir été ajoutée à la dernière minute au line-up du festival, simplement comme tout depuis qu’elle avait l’étiquette gagnante d’un télé-crochet délicatement accolée à son nom, tout paraissait bizarre et sans saveur à partir du moment où elle remettait dans l’ordre les chapitres de son histoire qui n’était pas simple à envisager, surtout sur le dernier mois écoulé. Elle savait pourquoi, elle n’essayait même pas de prétendre qu’elle n’était pas le cliché de la nana qui venait de mettre à terme à une relation toute jeune. Jo était déjà un stéréotype, alors un peu plus un peu moins.

"On a déjà installé ton dressing pour la journée. Tu vas voir, ta loge est sympa." Elle l’était seulement parce que ça n’en était pas vraiment une. C’était davantage une tente bobo-chic dans laquelle ça sentait l’encens et les fruits frais, disposés sur une table-basses faite en bois recyclé où s’étalaient des pichets de différentes boissons sans alcool auxquels elle ne toucherait même pas, et où des guirlandes de lumières avaient été rassemblées pour former une constellation d’étoiles qui rendait l’endroit si chaleureux que ça la toucha un peu dans le fond, d’être traitée de cette façon. S’enfonçant au centre de la tente, Thomas sur ses talons Jo se perdit en-dessous des guirlandes de lumières avec un léger sourire sur le visage, ses lunettes reflétant l’éclat des lampions qu’elle regarda un moment avant d’entendre le bruit d’un froissement de tissu qui attira son attention.
Elle descendit sa monture sur le bout de son nez pour dire à Megan qui était posée pas loin du coin maquillage de la tente "J’ai pas le souvenir d’avoir demandé une lapdance pourtant." Elle n’avait pas non plus le souvenir de l’avoir vue depuis son escapade à Sydney pour lui rendre visite, et se vanter de s’être fait sauter par son MaRi. Si la surprise de sa présence, Jo la prit façon Carter, sans donner l’impression d’éprouver la moindre émotion, elle devait admettre que voir la blonde sur place, ça réchauffait quelque chose en elle autant que le traitement auquel elle avait droit en tant que tête d’affiche d'un festival comme celui-là. Faisant suivre le chemin inverse à ses lunettes de soleil, les glissant dans ses cheveux pour les dégager de son front, elle s’approcha d’elle en la toisant avec l’air insolent qui était le sien, qui manquait pourtant de conviction quand elle lui glissa dans la foulée, un sourcil arqué "T’aurais pas pu avoir l’air plus d’une poupée Barbie que maintenant." lui fit-elle remarquer en désignant sa tenue du menton. C’était sa façon bien à elle de lui dire qu’elle la trouvait jolie.

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

Oui, je suis magnifique, et Charlie a même remarqué qu’il y a un quelque chose de plus dans mon regard depuis quelques mois. Une lueur dans mes yeux, un quelque chose qui l’a même poussée à me demander si j’étais enceinte – dieu soit loué, non – et je l’ai bien vite démenti en buvant mon lot de cocktail le premier soir de ce festival auquel elle a été généreusement invitée, et pour lequel j’ai payé à prix d’or un billet VIP pour la totalité de l’événement, me moquant bien de savoir que je n’y passerai certainement que quelques jours avant que Damon ne me manque pour de vrai. La blonde ou rousse – selon ses humeurs ou envie – ne peut pas savoir que ce petit quelque chose que j’ai de plus, c’est un bonheur nouveau trouvé dans les bras de Damon. Non, officiellement et pour le reste du monde, j’ai trouvé ce bonheur là il y a un peu plus de deux ans dans les bras de celui qui est vite – trop pour certains – devenu mon mari. Jo sait, mais Jo est occupée à se préparer pour des interviews, à poser pour des magazines et à être l’une des têtes d’affiche de ce nouveau festival auquel elle n’a pas pensé à m’inviter moi.

C’est différent, un festival, quand on a plus l’insouciance et la liberté d’une célibataire. A l’époque de nos folles années, Charlie et moi aurions pris une seule chambre d’hôtel et aucun de nous deux n’y aurait de toute façon dormi, trop occupée à fréquenter celle d’un partenaire rencontré pour la soirée ou, au maximum, la durée du festival. Mais nous avons dépassé ce stade – moi en tout cas je l’ai fait – et cette fois, chacune a sa chambre. Elle aura le loisir d’y rentrer avec qui elle veut, puisque la jolie Charlie a été plaquée juste avant notre petit trip, et j’aurais tout le loisir de rentrer appeler Damon, le réveillant au beau milieu de la nuit ou au petit matin sans qu’il ne s’en plaigne ou ne me le reproche. C’est pratique finalement, de ne plus avoir de boulot depuis des mois. Les angoisses liées à ce constat ont été laissées derrière moi à Brisbane.

Rendre visite à Jo a toujours été au programme et j’entends bien profiter de mes relations pour passer en coulisse et me rendre dans les « loges » de la brune aussi souvent que l’envie m’en prendra – à savoir, à chaque fois que Charlie m’abandonnera pour passer l’après-midi, la soirée ou la nuit dans les bras d’un inconnu. Cette fois, je n’ai eu qu’à montrer ma frimousse pour être reconnue par l’une de ses assistance – une nourrice du programme télévisé qu’elle vient de remporter, si mes souvenirs sont bons, qui m’a déjà vue plusieurs fois dans les parages, assez pour savoir que je connais bel et bien Jo – pour me voir autorisée à rentrer l’attendre à l’intérieur. Je ne l’attends guère longtemps, la « J’ai pas le souvenir d’avoir demandé une lapdance pourtant. » En entenda nt le doux son de la voix de Joséphine, je me relève et lui adresse un grand sourire. « Tu peux expliquer à ta maquilleuse que travailler pour toi c’est presque comme travailler pour moi et que si je demande à ce qu’on me foute des paillettes partout sur le visage à moi aussi, il faut s’exécuter ? » Je bats des cils en rejetant ma chevelure blonde en arrière, avant de jeter un regard à l’intéressée qui s’est tournée les pouces alors qu’elle aurait pu se faire la main sur quelqu’un d’autre que Jo, et que j’aurais pu en bénéficier. « T’aurais pas pu avoir l’air plus d’une poupée Barbie que maintenant. » - « Merci. » Je claque une bise sur sa joue avant de me laisser retomber sur un des poufs géants et multicolores déposé de çà et là de la tente pour lui donner un aspect bohème résolument à la mode dans ce genre d’événements. « J’espère que t’as prévu de te changer. On t’a dit que le look total noir dans ce genre de truc, c’était proscrit ? » Que ce soit sa couleur signature ne change rien à mes yeux : allez, hop, un peu de joie et que ça saute. « On est arrivées hier avec Charlie. Tu sais, Charlie, à qui t’as glissé une invitation alors que j’ai dû payer mon billet VIP avec mon immense fortune ? » Je fais mine d’être vexée, mine de lui adresser un reproche alors que nous savons toutes les deux qu’il m’en faut plus pour prendre mal les choses. « Elle te passe le bonjour et elle est super reconnaissante. Enfin, un truc du genre, j’ai pas bien compris puisqu’elle avait sa langue dans la bouche d’un mec, quand on s’est quittées. »

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@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

Difficile de cerner les émotions de Jo, elle y veillait avec un soin qu’on ne pouvait pas lui reprocher. Pourtant, elle était sincèrement ravie de voir que Megan avait fait le déplacement, peut-être exprès pour la voir, peut-être pas, mais elle acceptait l’intention sans chercher à démêler les tenants et aboutissants de cette jolie apparition, même si elle faisait mine de ne pas être plus surprise que ça.
La toisant comme à son habitude, elle remarqua la présence d’une tierce personne que lorsque la jeune femme la mentionna. Jo la vit s’approcher d’elle en l’invitant à s’asseoir devant le miroir d’une coiffeuse faite de bois dépareillé, sombre sur la tablette, clair sur les côtés, les ampoules disposées autour rendant de toute façon le tout presque uniforme, sûrement pour la traiter avec toute la déférence qu’on avait pour elle désormais. C’était à peine si elle pouvait respirer sans qu’on ne l’applaudisse pour ça, et c’était flatteur bien sûr, ça nourrissait toute l’étendue de son ego plus gros que les montgolfières qu’on pouvait emprunter pour faire un tour aux alentours de la Scenic Rim, mais ça avait aussi tendance à lui rappeler que sa vie avait changé. Pour combien de temps, elle l’ignorait, elle évitait de se poser la question, consciente pourtant que rien ne durait jamais.
En roulant des yeux, Jo dit à sa maquilleuse "Ma base est déjà faite. Je suis pas une paysanne, je sais me laver le visage." Par contre Megan semblait bien décidée à profiter des à-côtés de la nouvelle vie de Jo qui fit à sa maquilleuse "Je peux attendre deux minutes. Occupe-toi d’elle plutôt, c’est ton boulot. Si elle veut des paillettes sur la gueule, fous-lui des paillettes sur la gueule." fit-elle, reprenant presque les mots de la blonde. En l’occurence, son boulot, c’était de s’occuper de Josephine Carter, pas de Barbie vient de se la raconter au Long Sunset Festival, mais elle comprendrait l’idée.

Accueillant la bise de Megan avec un froncement de nez comme la sale gosse qu’elle était, s’essuyant la joue juste après, Jo se détourna d’elle pour aller checker son apparence dans le miroir devant lequel elle avait refusé de s’installer, et puis elle se retourna pour poser ses reins dessus, se défaisant de la veste qu’elle portait sur le dos en la posant nonchalamment à ses côtés, ses yeux mi-clos posés sur Megan qui paraissait pleine d'un entrain qui faisait plaisir à voir. Avec un peu de chance, cet enthousiasme serait contagieux, et Jo consentirait à sortir de son personnage de salope de base pour prouver à quiconque l’approchait qu’elle était profondément heureuse d’être là : elle l’était, elle n’avait seulement pas besoin de le crier sur tous les toits.

"Ma culotte est rose, tu veux la voir ?" lui demanda-t-elle lorsqu’elle lui reprocha le monochrome de sa tenue, fait assez étonnant quand on savait que Jo n’était pas Jo si elle ne portait pas au moins une touche de rose et un soupçon de paillettes ; que ce soit visible ou non importait peu finalement, et alors qu’elle se décollait de la tablette de la coiffeuse, fière de sa rhétorique, un petit sourire mutin fendant son visage, elle finit par ajouter "J’ai pré-sélectionné des tenues, mais j’ai pas eu la foi de voyager en robe de soirée, tu m’excuseras." Passant à côté de Megan et la maquilleuse, elle alla s’asseoir près de la table-basse, se laissant tomber dans la méridienne confortable qu’elle investi de part en part, un long soupir lui échappant tant elle sentait la tension dans chaque parcelle de son corps qui s’était tendu au fur et à mesure que l’effet des calmants refourgués par son équipe s’était dissipé. Elle posa sa tête sur l’accoudoir, retira ses lunettes de soleil pour les balancer près des pichets de jus de fruits, et eut un rire entouré en entendant Megan se désoler d’avoir dû payer son billet pour assister au festival quand Charlie avait été invitée aux frais de la princesse. La princesse étant Jo, était-ce utile de le préciser ? "Elle est sympa avec moi depuis quelques temps. Tu sais ce qu’il te reste à faire si t’as envie de profiter des avantages de ma notoriété." Arrête d’être une garce, mais c’était comme demander à Jo de ne pas l’être : ce n’était possible que selon des conditions qui n’existaient pas. Et puis c’était ce que la chanteuse préférait chez Megan dans le fond, qu’elle lui rende la monnaie de sa pièce sans craindre de la froisser.
Grimaçant à ses paroles précédentes, Jo laissa un eww lui échapper en imaginant Charlie se faire lécher les amygdales par le premier cas social rencontré en backstage, et ajouta dans la foulée, ses chevilles se croisant pendant qu’elle fermait les yeux pour initier les prémices d’une sieste qu’elle ne ferait pas de toute façon "Elle a l’air de plutôt bien prendre sa rupture." C’était ironique. Entre ça et ses sous-entendus pas si sous-entendus que ça concernant le fait qu’elle n’en avait rien à foutre de se balader à poil depuis qu’elle était célibataire, y avait pas à dire : elle avait le rebond volage, la policière. Ça en faisait au moins une sur les deux, et grand bien lui faisait tant qu’elle ne chopait pas une saloperie au passage, elle était encore majeure et vaccinée. Laissant un court soupir lui échapper, Jo finit par rouvrir les yeux pour tourner la tête vers Megan, ses cils battant déjà la mesure lorsqu’elle lui demanda avec taquinerie, le son de sa voix devenant mielleux comme chaque fois qu’elle s’apprêtait à se fendre la poire au détriment de Damon — sa deuxième passion après la musique, c’était certain "Il est pas là ton mari ?"

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« Ma base est déjà faite. Je suis pas une paysanne, je sais me laver le visage. » Jo entre dans l’arène, Jo mène tout le monde à la baguette sans que cela ne surprenne qui que ce soit et certainement pas son équipe puisque Sandy, Pamela ou Jessica a l’air pétrifiée à l’instant où elle croit détecter un soupçon de mauvaise humeur chez la brune incendiaire. Moi, je la connais mieux que ça. Ce que la maquilleuse ignore, c’est que les vacheries sont notre de mode de communication par défaut, à Jo et moi. « Je peux attendre deux minutes. Occupe-toi d’elle plutôt, c’est ton boulot. Si elle veut des paillettes sur la gueule, fous-lui des paillettes sur la gueule. » Un sourire triomphant sur les lèvres, je me laisser tomber aussi gracieusement qu’une princesse – ou une barbie donc – dans le fauteuil placée face à l’imposante console de maquillage. « Mon liner est impeccable, pas touche. Par contre, mélange les strass holographiques et le mélange rose là, et réparti ça comme des taches de rousseur. » Je ne laisse pas une énorme liberté artistique à la jeune femme : j’ai toujours su ce que je voulais, dans la vie. « Oh, ce rouge à lèvre est grave mignon. Mets m’en aussi, tu seras un ange. » Jo dirige son petit monde à l’aide de crises de colère et de violence verbale. Moi, j’amadoue la jeune femme avec une voix doucereuse, un sourire façon pub pour dentifrice, et un battement de cils. Chacune sa méthode.

« Ma culotte est rose, tu veux la voir ? » - « Pour la millième fois depuis qu’on se connaît, non Jo, je veux pas voir tes sous-vêtement et, avant que tu demandes, j’enlèverai pas les miens. » Les mains adroites de la sbire de Jo s’activent sur mon joli minois, et j’adresse à cette dernière un sourire insolent au travers du reflet du miroir face auquel je suis confortablement installée. « J’ai pré-sélectionné des tenues, mais j’ai pas eu la foi de voyager en robe de soirée, tu m’excuseras. » - « On te laisse encore faire ce genre de chose toute seule comme une grande ? T’as pas une armée de stylistes à ton service ? » J’aurais pensé que chaque détail était étudié pour renvoyer exactement l’image que les financiers à la con ont envie qu’elle renvoie. Je ne suis pas naïve : je sais que lorsqu’on vient de percer dans ce genre d’univers et lorsqu’on sort d’une émission comme celle qu’elle a remporté, on ne peut pas mettre le monde à ses pieds comme si on était Beyonce. « C’est sympa en tout cas, le style bohème-chic. Vous dormez sur place où ils vous ont foutu dans un hôtel bourré de pleins aux as ? » Celui dans lequel nous dormons Charlie et moi coûte déjà les yeux de la tête, mais je suis presque sûre qu’elle a un jacuzzi privé dans le sien. La yourte bohème, on s’en lasse plus vite qu’on ne le croît.

« Elle est sympa avec moi depuis quelques temps. Tu sais ce qu’il te reste à faire si t’as envie de profiter des avantages de ma notoriété. » - « Elle est toujours sympa quand elle vient de se faire larguer. » Elle se souvient de l’existence de ses copines et complices de coup fourrés, quand elle ne batifole pas avec un unijambiste. « Moi je suis une peau de vache tout le temps, mais au moins t’as pas à douter de mon authenticité. » Dans les faits, Charlie n’est pas en reste non plus. Mais si j’adore les deux jeunes femmes et si je suis à l’origine de leur rencontre, je me suis toujours bien gardée d’essayer de m’immiscer dans leur relation tordue et beaucoup trop compliquée pour ce qu’elle pourrait être. « Elle a l’air de plutôt bien prendre sa rupture. » Crystal termine mon maquillage tandis que, moi, je me contente de hausser les épaules. « Je te dirais ça à la fin de la semaine. J’assisterai pas au défilé de prétendants vu qu’on a pris deux chambres séparées - » Ah, le mariage vous change une femme. « - mais on dort à côté, les murs sont fins et elle est pas aussi silencieuse qu’elle le prétend. » Je mentirais si je prétendais que je ne me suis pas déjà plainte à Damon la première nuit, alors que je venais de le tirer d’un sommeil profond. « Il est pas là ton mari ? » - « Il bosse. » Je ne suis pas une femme entretenue par choix – je travaillais avant la mort de ma mère, même si j’étais loin de ramener autant d’argent à la maison que lui. « Tout le monde peut pas vivre une vie de glamour et de paillettes. » Un clin d’œil à la maquilleuse, et j’ajoute. « Merci ma caille. C’est magnifique. »

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@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

Voir Megan adhérer aux privilèges de Jo, ça la faisait rire. Lors de sa première expérience il y avait maintenant plus de six ans de ça, elle n’avait pas eu l’occasion de faire profiter qui que ce soit des petits avantages qu’elle avait eu en tant que sortante d’un télé-crochet. Il y en avait eu quelques-uns mine de rien, pas assez significatifs pour qu’ils comptent, bien moins prestigieux que ceux auxquels elle avait droit aujourd’hui, et parce que sa solitude avait été réelle, ne pas repousser l’idée qu’elle pouvait en faire profiter son entourage aujourd’hui, ça lui paraissait honnête. Megan n’était pas la dernière à la faire rentrer dans son monde qui plus est, ça l’incitait à lui rendre la pareille sans se poser trop de questions, bien moins ingrate avec elle qu’elle ne l’était parfois avec les autres. Ça, et le fait qu’elle ne se sentait probablement pas aussi digne d’être traitée comme une souveraine alors elle se déculpabilisait en se montrant généreuse. Encore que sur ce sujet, elle prétendrait évidemment valoir l’équipe personnelle, le luxe, et la déférence.
Quelque part, c’était le cas, c’était son dû, mais quelque part seulement. En attendant, participer à ce festival, elle n’en ferait pas une corvée comme les interviews qu’elle avait subi ces derniers temps. C’était son élément, et si elle venait seulement d’arriver, elle comptait bien se rancarder rapidement de ses prérogatives en la matière. Thomas avait veillé à lui rentrer dans la tête qu’elle aurait deux gros sets les deux premières semaines, ceux pour lesquels elle avait travaillé comme une forcenée sans en avoir l’air, et que le reste du festival, elle enchaînerait les sessions acoustiques pour les radios des environs, toutes sur place pour l’occasion. C’était ça précisément qui la motivait le plus dans l’action d’être ici : pouvoir poser sa voix brute sur des instrumentaux qui l’étaient tout autant. Du reste, elle ferait ce qu’on lui demanderait de faire non sans émettre petits ordres et critiques, ne comptant pas changer son comportement sous le prétexte qu’elle était émerveillée par le cadre et l’opportunité.

À côté de ça, elle était vraiment reconnaissante d’être là parce que c’était ce à quoi elle avait rêvé toute sa vie. L’espace d’un instant, elle pensa à envoyer un texto mi-figue mi-raisin à Midas pour lui dire merci, mais c’était certainement trop mesquin, même pour elle qui maîtrisait le domaine aussi bien que les vocalises.
Pour l’heure, elle s’allongea sur la méridienne de sa loge, son regard tourné en direction de Megan qui se faisait tartiner la gueule de rose et de paillettes "Tu sais pas ce que tu manques, c’est tout ce que je dirais." rétorqua-t-elle lorsqu’elles parlèrent de leurs sous-vêtements, sa tête se calant sur le bras du fauteuil "J’ai le droit de choisir moi-même mes tenues. J’ai une image depuis la fin de l’émission. Les gens s’attendent à ce que je sois relativement pareille qu’à la télé, ce serait pas dans mon intérêt de devenir quelqu’un d’autre maintenant." Pour l’instant. Mais elle n’était pas stupide Jo, elle savait que cette concession là partait de l’envie de son équipe de ne pas déroger au schéma qu’elle avait emprunté durant toute la durée de l’émission. Ils ne pouvaient plus la faire ressembler à une lolita quand elle avait marchandé avec la production de l’époque pour avoir accès à un trousseau plus fidèle à ce qu’elle était vraiment, encore que ça ne jurait guère avec le fantasme de base de la petite nana qui fait tourner les têtes en un battements de cils, mais ça paraissait moins forcé en tout cas. Lorsque son album serait en boîte, sans doute qu’il y aurait des discussions autour de ça, de la ligne de conduite à adopter pour former un univers bien défini autour d’elle. Mais dans l’immédiat, elle jouissait d’une certaine liberté. Encore que tout était relatif, Jo n’était libre de rien en vérité, et elle le savait très bien sans réussir à en parler "J’en sais rien, je m’occupe pas de ça. Je suis pas là pour dormir, je suis là pour chanter." fit-elle à Megan quand elle la questionna sur l’endroit où elle resterait durant le festival. Elle en avait sa claque des chambres d’hôtel si elle devait être honnête, ça avait tendance à la rendre nostalgique d’un passé beaucoup trop proche pour que sa gorge ne se serre pas en y pensant. Néanmoins, elle ne ferait pas la fine bouche si on lui disait que la sienne était un penthouse avec un service d’étage privé.

Elle laissa de nouveau un petit rire filer en entendant Megan se définir comme une peau de vache "Une peau de vache qui brille de mille feux. Dans une comédie romantique, tu serais la méchante petite peste qui veut la couronne au bal de promo." lui fit-elle, se concentrant rapidement sur Charlie et sa tendance à éponger sa déception de s’être fait larguer par un camé. Elle s’extirpa de la méridienne sous le son de la voix traînante de Megan, et se dirigea vers le nécessaire de maquillage de sa maquilleuse pour s’emparer d’un feutre eye-liner qu’elle déboucha dans la foulée pour s’en tracer un parfait, aussi acéré d’une lame de poignard, d’abord à l’oeil droit, ensuite à l’oeil gauche en se penchant sur le miroir qu’elle avait en face d’elle "Dommage, j’aurais bien voulu établir un classement de ceux qu’elle se tapera pendant ce weekend." Les filles pouvaient être aussi primitives que les garçons. Elles étaient jeunes, qui leur reprocherait ? "Du genre qui sera le plus susceptible de lui refiler l’herpès ou de lui faire un gosse. C’est le genre de distraction à laquelle je dis pas non tant que j’ai pas à l’entendre gueuler comme une truie à l’abattoir." S’il y avait un doute quant à l’idée que Jo avait changé au cours des dernières semaines, c’était la preuve que ce n’était pas le cas — pas tout à fait en tout cas.
Appréciant le rendu de son eye-liner, sa langue pointa dans l’espace qu’il y avait entre ses deux dents de devant pour marquer l’idée qu’elle se trouvait pas mal, avant de se retourner en rebouchant son feutre, ses yeux se posant d’eux-mêmes sur Megan "C’est toujours l’amour fou, ou tu t’en lasses déjà ? Sur une échelle allant du divorce à prépare-toi à te faire appeler tatie, on en est où depuis janvier ?" Elle personnellement, elle n’en était nulle part, mais ce n’était peut-être pas nécessaire de le dire. Sans délicatesse, elle balança son feutre sur la tablette, gardant la même posture, ses reins posés dessus, ses yeux roulant déjà dans leurs orbites tant elle se jugeait elle-même d’entamer ce sujet "Allez raconte-moi ta merveilleuse vie de couple Meg, j’en crève d’envie." Pas du tout. Ça lui donnait déjà envie de se tirer une balle dans la bouche de se prendre le bonheur de quelqu’un d’autre en pleine gueule. Mais quitte à détourner l’attention de la sienne, c’était le fardeau qu’elle était prête à subir en bonne maso qu’elle était.

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« Tu sais pas ce que tu manques, c’est tout ce que je dirais. » Ma seule réaction est évidemment de lever les yeux au ciel – enfin, pas trop haut puisque la jeune maquilleuse s’affaire à présent autour de mes paupières. Evidemment, je ne peux m’empêcher de lui glisser une ou deux consignes ou avertissement lorsque je considère que les choses ne ressemblent pas extactement à ce que j’ai envisagé. « J’ai le droit de choisir moi-même mes tenues. J’ai une image depuis la fin de l’émission. Les gens s’attendent à ce que je sois relativement pareille qu’à la télé, ce serait pas dans mon intérêt de devenir quelqu’un d’autre maintenant. » - « T’as gagné en étant relativement toi-même non ? » Je ne compte plus les scandales qui ont, je l’ai cru, bien failli signer la fin de son aventure. Bon, j’exagère peut-être un peu : mais qui pouvait imaginer que la femme qui a dû tourner des excuses filmées remporterait l’émission devant la star chérie du pays ? Pas moi, même si j’ai toujours été derrière elle et l’un de ses plus grands soutient. « J’en sais rien, je m’occupe pas de ça. Je suis pas là pour dormir, je suis là pour chanter. » - « J’ai regardé la programmation, tu restes deux semaines dans le coin, tu vas bien devoir dormir quelque part, ailleurs qu’ici sur le sol, je veux dire. » A moins qu’elle ait prévu de ne pas s’attarder et de faire l’aller-retour à chaque fois. Ce serait une façon regrettable de vivre son premier festival de l’autre côté mais je suis certaine qu’après tout, son emploi du temps doit être particulièrement chargé.

« Une peau de vache qui brille de mille feux. Dans une comédie romantique, tu serais la méchante petite peste qui veut la couronne au bal de promo. » - « Dans une comédie romantique, je serais la méchante petite peste qui obtient la couronne au bal de promo, tu m’as regardée ? » Pouvoir aujourd’hui prétendre que j’exulte de confiance en moi, c’est le genre de privilège auquel j’ai le droit quand, à l’époque du lycée, je n’ai au contraire jamais été populaire. Et encore moins au point de me présenter à ce genre de réjouissance ou d’avoir la moindre chance de l’emporter. Oh j’étais belle, assurément. Mais j’étais aussi l’enfant bizarre qui change de famille toutes les semaines et qu’on traite comme si elle avait la gale.

« Dommage, j’aurais bien voulu établir un classement de ceux qu’elle se tapera pendant ce weekend. » - « Faut être rapide si tu veux pouvoir voir leur visage. » Je n’ai pas besoin de lui faire un dessin ou de m’adonner à des mimes pour lui faire comprendre que, dès qu’elle a mis le grappin sur quelqu’un, le visage de Charlie a la fâcheuse tendance à fusionner avec celui de sa cible. « Du genre qui sera le plus susceptible de lui refiler l’herpès ou de lui faire un gosse. C’est le genre de distraction à laquelle je dis pas non tant que j’ai pas à l’entendre gueuler comme une truie à l’abattoir. » J’éclate de rire, exaspérant certainement Pamela au passage, avant de secouer la tête. « Laisse-là profiter. J’ai pas eu le droit à l’histoire dans les détails, mais ce type a l’air de l’avoir particulièrement traitée comme une merde. » Est-ce que Jo elle a eu ce privilège ? Se sont-elles retrouvées comme deux âmes en peine pour discuter de toutes les raisons qui font qu’elles haïssent la gente masculine ? Cela ne m’étonnerait qu’à moitié de leur part puisqu’en ce moment, elles semblent avoir décidé de ne pas tenter de s’étriper pendant plusieurs semaines d’affilée. « C’est toujours l’amour fou, ou tu t’en lasses déjà ? Sur une échelle allant du divorce à prépare-toi à te faire appeler tatie, on en est où depuis janvier ? » Je ne me lasse de rien du tout et Jo se foutrait certainement de ma gueule si elle apprenait qu’au bout de moins de vingt-quatre heure, j’ai déjà eu le temps d’appeler Damon une fois en rentrant dans ma chambre d’hôtel au milieu de la nuit, et que cela n’a rien eu d’une corvée, que j’en avais simplement envie. « Allez raconte-moi ta merveilleuse vie de couple Meg, j’en crève d’envie. » - « On va bien. » Je suis bien trop pudique pour répéter ses termes et qualifier ma relation d’amour mais, aux côtés de Damon, je suis heureuse. « Mais tu risques pas de te faire appeler tatie avant un moment. La dernière fois que j’ai évoqué la possibilité de tomber enceinte – et je plaisantais – j’ai cru qu’il allait s’étouffer, faire un arrêt cardiaque ou les deux à la fois. » Et moi, je me dis simplement que nous ne sommes pas ensemble depuis assez longtemps pour envisager sérieusement d’avoir des enfants. Mais dois-je comprendre que Damon n’en veut pas ? Qu’est-ce que je ressens exactement, à cette idée ? « Mais je suis pas assez idiote pour savoir que tu détourne la conversation. On a déjà assez parlé de mes amours, ces dix-huit derniers mois. » Ma vie sentimentale ou, au moins, maritale, ayant été l’objet d’une saga particulièrement passionnante aux yeux de Joséphine. « Ca m’intéresse moins d’avoir ton avis sur Damon ou sur l’ex de Charlie que de savoir ce qu’il s’est passé avec le tiens. » J’ai d’ailleurs remarqué qu’il était aussi à la programmation. Les deux chanteurs seront certainement amenés à se croiser, comment se sent-elle à cette idée ?

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@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

T’as gagné en étant relativement toi-même, non ? Cette réflexion là, elle enfonça Jo dans le mutisme le temps d’une longue minute, celle qu’il lui fallut pour faire le point sur son visage au travers du miroir dans lequel elle se regardait. Jo, elle n’était pas seulement piégée par le fait que sa pseudo-victoire devait rester secrète dans la sphère professionnelle, elle l’était aussi parce qu’elle devait le rester dans la sphère privée. Elle n’en savait rien en vérité. Est-ce que ce serait si mal d’en parler à quelqu’un de confiance ? Sûrement, sinon Midas n’aurait pas mis autant de coeur à ne même pas en parler à sa propre soeur. Elle refusait de lui parler, au jeune homme, ça ne voulait pas dire qu’elle ne s’en remettait pas à ce que lui avait décidé de faire après sa propre victoire sans pour autant établir que c’était la bonne méthode à adopter compte tenu de la solitude dans laquelle ça l’avait enfoncé.
Quelle autre option avait-elle ? Si elle mettait Megan dans la confidence, il pouvait se passer tant de choses que ça lui donnait le tournis ; elle pourrait décider de n’en parler à personne, le lui promettant sur la base de la confiance qu’elles s’accordaient mutuellement, comme elle pourrait décider d’agir sur le coup de l’impulsion en faisant jouer ses anciens contacts de paparazzi pour sortir l’info, non pas que sa décision de ne rien lui dire partait du constat qu’elle était capable de le faire, mais elle était loyale, la blonde. Si elle comprenait combien ça faisait du mal à Jo, elle savait qu’elle pourrait faire ce qu’elle, elle ferait si Damon lui faisait du mal : lui en faire à la hauteur de ce que sa copine ressentait, rien de moins.

Sortant brusquement de son silence, Jo reprit contact avec la réalité pour se raccrocher aux yeux de Megan qu’elle se prenait en ricochet au travers du miroir dans lequel sa perception s’était perdue pendant un moment donné. Pour noyer le poisson, elle bascula vers l’ironie, évitant éhontément de s’attarder sur le sujet pour lui rétorquer "T’es mon agent maintenant ? Mon attaché de presse recherche quelqu’un pour l’assister tu sais. Si jamais tu t’ennuies dans ton monde de femme trophée, postule, t’as grave tes chances." A la vue de son inquiétude à propos de l’endroit où dormirait Jo, à la vue du soin qu’elle mettait à s’assurer que son confort soit respecté, ça lui irait comme un gant de mettre le nez dans ses affaires pour assurer ses arrières, assurément. Mais ce serait du gâchis, Megan n’était pas faite pour travailler dans l’ombre, et si elle dégageait une aura de méchante de comédie romantique pour ados qui obtiendrait la couronner au bal de promo, Jo roula des yeux pour faire mine d’être agacée par son assurance quand en vérité, elle était faite de la même étoffe.

Peu importait sur l’instant. Charlie occupait un pan entier de la conversation qu’elles menaient l’air de rien, cliché parfait là encore de la comédie romantique pour ados qui s’inquiètent de l’état d’une copine après une rupture. Elles en viendraient sûrement bientôt à comploter une attaque vile pour briser la vie de celui qui avait fait du mal à Charlie "J’ai pas besoin de voir leur visage." Ça pouvait se jouer sur une paire de fesses moulées dans un jean, Jo saurait se contenter de ce qu’on lui donne pour établir un classement relativement objectif sur les prétendants de leur amie "Je compte pas l’empêcher de profiter. Je pense juste qu’elle mérite mieux que des baises médiocres avec le premier venu pour oublier." Elle pourrait suivre la ligne de conduite de la blonde, faire le tour de ses options pour gagner dix minutes à tout casser de paix relative, tout en sachant que ce serait éphémère si elle réussissait à la trouver, trop consciente de combler un vide : mais elle méritait beaucoup mieux que des baises médiocres avec le premier venu, elle aussi.
Elle haussa les épaules dans la foulée, ses lèvres suivant le mouvement de sa pensée fugace sur le sujet du bonhomme qui avait brisé le coeur de Charlie "Elle s’en remettra. Je crois pas que c’était aussi sérieux que ça, mais elle s’est fait avoir dans les grandes largeurs sur ce coup-là." Elle avait eu droit aux détails de l’histoire, oui. Elle espérait qu’à un moment où un autre, on finirait par retrouver son gars refroidit dans une chambre d’hôtel, une aiguille dans le bras — Jo ne jouait pas avec sa loyauté, elle jouait encore moins avec sa rancune, et puisque Charlie avait l’air de souffrir, des voeux de mort, c'était tout ce qu'elle avait à offrir à Devon — Brighton ? Cameron ? Whatever "On va lui rappeler ce qu’elle vaut pendant ce festival, et elle l’oubliera vite ce connard. Elle a pas besoin de lui."

Elle en revanche, elle avait besoin de penser à autre chose, et putain que ça lui donnait envie de crever de statuer sur sa seule opportunité en la matière, à savoir s’intéresser à la vie de couple de Megan "Mais non, je suis trop déçue." Que Megan et Damon ne veuillent pas gratifier le monde de leur progéniture blonde et parfaite ? C’était presque un mensonge puisqu’elle ajouta avec une candeur relativement authentique "J’étais déjà prête à lui apprendre les pires gros mots à votre gamin." Au moins, elle rentabiliserait les heures qu’elle avait passé à préparer avec enthousiasme le moment où elle apprendrait à Posy à dire maman est une traînée. D’accord, elle ne l’aurait jamais fait, pas quand Midas avait insisté sur l’idée que les rapports avec la mère de la gamine se devait d’être sereins pour son bien, mais elle y avait pensé beaucoup trop de fois, elle l’admettait "En même temps, vu la famille de laquelle il vient, il a peut-être la trouille de créer un monstre." C’était une justification qu’elle était prête à accorder à Ken, et c’était bien la première fois qu’elle consentait à lui laisser le bénéfice du doute. Elle devenait trop tendre, c’était clair.

Mais jamais pour très longtemps, puisque déjà, la ligne vers laquelle Megan bifurqua lui fit lâcher une profonde expiration, s'étant attendue à se revoir un revers parce qu’elle n’apprenait jamais de ses erreurs, merde. Ses yeux roulèrent, son corps se tendit, et sa tête se pencha sur le côté pendant que ses traits se plissèrent pour marquer son refus physique de dire quoi que ce soit — ou du moins, selon son point de vue, étant donné qu’elle rétorqua "Tu sais ce que dirait Charlie ? Que je suis une garce, et que c’était inévitable. C’est sans doute vrai, c’est pas un drame." Bien sûr que ça l’était comme le prouvait le changement relatif d’intonation dans sa voix.
Son regard glissa brièvement vers la maquilleuse qui avait terminé son oeuvre sur la jeune femme, et elle la congédia d’un arc de sourcil pour qu’elle ne laisse pas ses oreilles traîner si jamais quelque chose lui échappait malgré son obstination à ne rien laisser filtrer ; reviens dans un quart d’heure, c’est ce que disait son regard qu’elle finit par reposer sur Megan pour mieux éviter le sien "Je vais bien. J’ai pas besoin d’en parler." Elle lui avait dit le contraire par textos, mais Jo ne craignait pas de passer pour quelqu’un de lunatique : elle l’était. Megan ne s’étonnerait pas de l’entendre changer d’avis maintenant qu’elles se retrouvaient face à face, qu’elle pouvait se rendre compte de combien ça la touchait. Pinçant ses lèvres l’une sur l’autre, elle attendit que Pamela soit sortit de son espèce de yourte à la con, et balaya sa rangée de dents du haut d’un coup de langue en se détournant d’elle tout en lui disant "Je t’empêcherais pas d’aller l’applaudir. Il reste le meilleur vendeur de disques du pays, t’aurais tort de passer à côté." On s’attendrait à ce que Jo veuille dégueuler toute la bile qu’elle gardait en elle en faisant passer Midas pour un diable à maudire, sauf qu’elle préférait encore camper sur ses propres failles et sur l’image qu’elle avait plutôt que de nuire à la sienne. C’était peut-être trop délicat, c’était peut-être tout ce qu’il ne méritait pas non plus, pas après avoir enchaîné les mensonges et les maladresses, c’était peut-être complètement stupide aussi, mais c’était comme ça.

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« J’ai pas besoin de voir leur visage. » Mon visage esquisse une grimace de dégoût et mes lèvres forment un ew silencieux. Charlie est le genre de fille qui a la rupture frivole et qui rebondit toujours - et retrouve confiance en elle - dans les bras de personnes dont elle aura oublié le prénom le lendemain. Moi, je n’ai pas envie de penser à quoi que ce soit concernant les potentiels partenaires qu’elle aura durant toute la semaine, tant qu’aucun d’entre eux ne lui refile quoi que ce soit. « Je compte pas l’empêcher de profiter. Je pense juste qu’elle mérite mieux que des baises médiocres avec le premier venu pour oublier. » - « C’est comme ça qu’elle fonctionne, elle est libre de se remettre à sa façon. » J’ai depuis longtemps désacralisé le sexe, que je considère autant comme quelque chose de merveilleux dans les situations qui s’y prêtent que comme un levier pour contrôler la gente masculine et ou une façon de se sentir aimée et désirée. Jo est de nous trois qui a le plus des allures de trainée - c’est peut-être volontaire - mais si on creuse et regarde sous la surface, elle est la plus proche d’une vraie sainte nitouche. « Elle s’en remettra. Je crois pas que c’était aussi sérieux que ça, mais elle s’est fait avoir dans les grandes largeurs sur ce coup-là. » - « C’est certainement pas la première fois et ce sera pas la dernière. » Pendant des années, la blonde et moi avons été habituées à des histoires foireuses avec des types qui cherchaient tous la même chose. Ce n’est pas pour rien qu’elle est la détentrice de l’un de mes plus honteux et douloureux secret et que Jo n’a jamais été mise dans la confidence : j’ai toujours eu peur qu’une part d’elle me juge. Lui confier que mon mariage n’est que le résultat d’un chantage maladroit ? Aucun problème. Lui apprendre que j’ai vécu un avortement ? Il s’agit d’une autre paire de manches. « On va lui rappeler ce qu’elle vaut pendant ce festival, et elle l’oubliera vite ce connard. Elle a pas besoin de lui. » - « Qu’est-ce qu’elle foutait avec un unijambiste à la base déjà… Elle a genre un kink bizarre ou quoi ? » N’est-ce pas le deuxième homme avec lequel elle sort - ou quelque chose du genre en tout cas - qui possède ce genre de… tare ? (à défaut d’un mot qui soit légèrement plus politiquement correct.) « Je crois pas qu’elle ait besoin de notre aide pour l’oublier, en tout cas. Surtout si c’était une question d’égo. » Et nous en avons toutes les trois à revendre ; Jo n’est pas en reste, si j’en crois sa façon de se refermer comme une huître dès qu’il est question de la sienne, de pseudo relation.

« Mais non, je suis trop déçue. J’étais déjà prête à lui apprendre les pires gros mots à votre gamin. » - « Va falloir que t’attendre encore un moment, j’ai l’impression. Et que tu fasses la queue dès aujourd’hui si tu veux être la tatie cool. » Ce sont mes amies qui tiendront ce rôle, je n’ai pas le moindre doute à ce sujet : ma soeur, celle qui partage mon sang, n’aura plus jamais le droit d’avoir une quelconque place dans ma vie, alors encore moins dans celle de ces hypothétiques enfants. « En même temps, vu la famille de laquelle il vient, il a peut-être la trouille de créer un monstre. » Je fronce les sourcils, m’interrogeant sans réellement le contrôler ou en être maîtresse d’une quelconque façon. « Tu crois que c’est ça ? » Au contraire, si je devais avoir peur d’une partie de nos gènes à tous les deux, ce serait des miens : on ne peut pas vraiment dire que la vitrine qu’offre ma famille soit réellement très reluisante. Damon lui peut au moins se rassurer en se rappelant que Saül n’est pas son père biologique. « Je vois même pas comment ça pourrait être possible. » Que quoi que ce soit qui vienne du jeune homme soit autre chose qu’un ange.

« Tu sais ce que dirait Charlie ? Que je suis une garce, et que c’était inévitable. C’est sans doute vrai, c’est pas un drame. » - « Mouais. Et c’est ce que t’as été, une garce ? » L’était-ce vraiment, inévitable ? Est-ce sa faute comme elle tente de le sous-entendre ? J’ai du mal à y croire : Jo blessée ne ressemble pas à la plupart des gens dans sa situation, mais je commence à savoir un peu le reconnaître. « Je vais bien. J’ai pas besoin d’en parler. » - « C’est pas l’impression que tu m’as donnée par message. » Elle repousse les gens Jo, et c’est certainement exactement ce qu’elle est en train d’essayer de faire en ce moment avec moi. Elle me repousse parce qu’elle n’a pas envie de parler de sa pseudo relation, quelle que soit la forme qu’elle a réellement prise. Et je n’insisterai pas si elle résiste, mais je m’en voudrais si je ne tentais pas au moins un peu de la pousser à arrêter de faire semblant que tout va bien, pour une fois. « Je t’empêcherais pas d’aller l’applaudir. Il reste le meilleur vendeur de disques du pays, t’aurais tort de passer à côté. » Charlie et moi n’avons pas de réel programme mais ma curiosité me pousse de toute façon à aller voir quel genre de créature peut rendre Jo Carter vulnérable. C’est assez inédit pour être noté, après tout. « C’était quoi le bail, vous étiez ensemble, pour de vrai ? » Ou bien était-ce ce genre de relation aux limites floues voire jamais établies ? Est-il allé voir ailleurs ? Il ne serait pas le premier représentant de la gente masculine à n’être qu’un putain d’infidèle. « T’as pas vraiment l’attitude de quelqu’un qui a merdé. Donc c’est lui. » Je tire mes conclusions toute seule, puisqu’elle a du mal à s’ouvrir. « C’est grave à quel point ? Il a pas su garder sa braguette fermée cinq secondes ? » N’est-ce pas le fléau de ces superstars auxquelles les femmes accordent bien trop d’attention ? Je crois que je deviendrais folle, si Damon était entouré de soupirantes.

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@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

J’ai pas dit le contraire, c’est que Jo aurait répondu à Megan si elle n’en avait pas eu rien à foutre dans le fond de qui elle se tapait, Charlie. Elle lui semblait bien sur la défensive la blonde, mais comme elle n’était pas d’humeur à le lui faire remarquer, ayant d’autres problèmes à gérer, elle rongea son frein. Au final, qui ça regardait d’autre que la principale intéressée ? "J’en sais rien. Peut-être que c’est des bons coups. Ils doivent compenser, c’est une troisième jambe pour certains types à ce qu’on dit, c’est une bonne excuse pour tout donner." Très, très brièvement, Jo resta un moment tête penchée, regard perdu quelque part entre ses songes et la réalité, à visualiser un truc qui ne méritait pas d’être décrit, avant de secouer la tête pour se remettre les idées en place, et décider, avec une volonté ferme et indiscutable, se détournant aussi bien du miroir devant lequel elle était que de Megan dont elle sentait le regard posé sur elle, qu’elle ne voulait pas en parler davantage "Mais tu sais quoi, j’ai même pas envie de savoir." Ce que Charlie trouvait aux unijambistes. Ça aussi, ça la regardait.

Elle se remettrait bien vite de la déception de ne pas faire partie de la queue d’office pour le titre de tatie cool à dire vrai. Dans la liste des choses que Megan et Damon faisaient à l’envers, il faudrait sans doute compter aussi sur l’action d’avoir des enfants, une problématique qui était à des années lumières de celles de Jo. Elles avaient une vision différente des choses, c’était certainement pour ça qu’elles s’entendaient bien, elle ne se posait plus la question. Jo avait appris à comprendre un peu mieux Megan depuis que sa mère était morte, la réciproque n’était pas forcément vraie étant donné que la chanteuse se livrait au compte-gouttes et qu’elle s’obstinait à ne pas partager des choses qu’elle jugeait inutile à sa survie ; pouponner, ça en faisait partie, comme tout un tas de choses qui partait d’un constat de faiblesse qu’elle ne voulait donner à personne parce qu’elle préférait rester forte et digne, maîtresse de son image.
Haussant les épaules en entendant Megan lui demander si elle le pensait vraiment, que Damon ne voulait pas d’enfants à cause de sa famille, Jo lui dit "Je le connais pas assez. Par contre, je sais ce que c’est de traîner les casseroles de sa famille et de les projeter sur n’importe qui." Megan aussi au demeurant, ça devait être quelque chose qui lui parlait à un certain niveau. Laissant une expiration semblable à un rire lui échapper, elle ajouta à ce qu’elle-même avait dit, menant Jo à penser qu’encore aujourd’hui, Barbie avait tendance à prendre Ken pour un ange. Il en avait la gueule, personne ne pouvait le remettre en doute, même pas Jo qui lui dit pourtant "Tout est possible. Y a des gens que tu soupçonnerais pas d’être des connards et pourtant." De là à dire qu’elle savait de quoi elle parlait, c’était à la nuance près.

"Charlie a son numéro, t’as qu’à lui demander." La réplique n’était même pas cinglante, elle avait tourné cette page-là, en ayant d’autres à traiter qui valaient davantage le sceau de trahison que cette histoire de partie — au pluriel ou au singulier, elle n’en avait jamais rien su, elle ne voulait rien en savoir — de jambes en l’air "Mais il me dit souvent que je suis une casse-couilles, et on sait toi et moi qu’il a pas tort." Celle-là en revanche elle était prononcée sur le ton de la lassitude, celle engrangée par ses semaines de questions posées à propos de ce qui s’était passé entre elle et Midas. Pas que, il y avait aussi sa propre volonté à garder les choses pour elle, à ne rien laisser filtrer parce qu’à défaut d’être instruite, Jo avait tout de même un sens de la loyauté qui frôlait la bêtise parfois. Elle avait aussi sa propre détresse à traiter, ayant la certitude qu’elle avait d’avoir été totalement berné par son manque d’objectivité concernant Midas. Entre autre. Au point qu’elle se demandait ce qu’elle apprendrait de plus si elle décidait de passer l’éponge ; plus rien selon le jeune homme. Sauf qu’il avait perdu sa confiance, de fait elle remettait sa parole en doute, et il l’avait bien cherché après tout.
Se remettant à soupirer, Jo rétorqua à l'adresse de Megan, ses bras s’écartant légèrement en même temps que sa tête se secouait "J’ai dormi depuis. Fais attention, y a ton côté paparazzi qui refait surface, et ça colle pas aux paillettes que t’as sur la gueule." Pour de bon, Jo se détourna de Megan, puis elle s’avança vers la table basse où des pichets de jus fruits frais étaient proposés. Elle s’en servit un verre au hasard, juste pour noyer la boule qu’elle avait dans la gorge en entendant les questions de la jeune femme qu’elle regarda d’un mauvais oeil par-dessus le bord de son verre qu’elle finit d’une traite sans qu’elle ne ressente aucun soulagement au contraire. Elle avait la gerbe en réalité, les fruits étaient trop sucrés, le jus beaucoup trop froid pour sa gorge qui devait être préservée, et le fait qu’elle refusait de manger plus d’un repas par jour commençait à jouer sur sa capacité à garder ce qu’elle ingurgitait par obligation — et les questions de Megan s’enchaînaient avec un ton qu’elle ne pourrait lui reprocher parce qu’il avait été le sien longtemps, tandis qu’elle tournait en dérision plus souvent qu’à son tour les chapitres de la vie de couple de la blonde.

Vous étiez ensemble pour de vrai ? Jo le sentit, qu’elle allait se mettre à pleurer. Elle réussit à se contenir uniquement à cause du mouvement qu’elle fit pour reposer son verre sur la table, détournant sa propre attention de l’étau formé par ses émotions lorsqu’elle s’inclina beaucoup trop longtemps pour le placer symétriquement au reste des pichets et des verres. Elle aurait pu dévaler un mensonge facile, celui du coup de pub le temps de l’émission, mais elle en voulait à Midas, ça ne voulait pas dire pour autant qu’elle regrettait ce qui s’était passé entre eux bien au contraire. Si c’était le cas, la page aurait été tourné sans qu’elle ne se rende malade à ce sujet, sans qu’elle ne considère non plus qu’il était probablement la personne avec les meilleures intentions du monde qui l’avait le plus blessée jusqu’à aujourd’hui, et quand on savait combien de fois elle avait été lâché au cours de celle-ci, ça voulait dire quelque chose.
"Meg." En guise de s’il te plaît pénible à dire, elle prononça la version écourtée de son prénom alors qu’elle continuait à l’interroger, à insister. Jo en donnait si peu qu’elle n’avait même jamais parlé de lui avec Megan, pas ouvertement en tout cas ; et qu’elle ne se sentait pas apte à le faire, pas maintenant que tout était terminé, qu’elle ne réussissait pas réaliser très bien ce que ça voulait dire, et combien ça la touchait — assez pour qu’elle s’entende pleurer avant même de sentir ses yeux se remplir de larmes, son corps se redressant pour mettre un stop physique à la jeune femme qui pourrait être tentée de venir vers elle à ce moment-là, alors qu’elle sentait les larmes lui couler sur les joues et perçut sa voix pleine de larmes lui dire "T’as pas compris quoi quand je t’ai dit que j’avais pas besoin d’en parler, putain ?" Entre besoin et envie, la ligne était souvent floue, et elle l’était d’autant plus là qu’elle craquait après avoir refusé pendant des semaines de le faire pour de bon.

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« J’en sais rien. Peut-être que c’est des bons coups. Ils doivent compenser, c’est une troisième jambe pour certains types à ce qu’on dit, c’est une bonne excuse pour tout donner. Mais tu sais quoi, j’ai même pas envie de savoir. » Je ne la reconnais pas là, Jo. Charlie est certes une amie, mais jusque-là cela ne nous a jamais empêchées de passer des heures à commérer sur la vie privée des unes et des autres sans jamais dépasser le stade de ce que nous considérons comme de l’irrespect. Alors oui, la limite est un peu plus loin dans notre cas à nous mais, quoi qu’il en soit, je n’ai pas l’impression de ne pas l’avoir franchie mais soit : je parlerai de la vie amoureuse – le terme est peut-être exagéré – de Charlie avec quelqu’un d’autre, quelqu’un qui semblera de meilleur poil que la brune. « Oui, moi j’avoue que ça m’intrigue. » Pas réellement, mais assez pour m’amuser. J’ai un sourire sur les lèvres et un fou rire que je retiens en essayant d’imaginer les choses comme décrites par Jo alors que je me relève et fais comme chez moi : je me sers dans le mini frigo branché dans un coin et jette mon dévolu sur un genre de thé glacé fancy à la con. J’observe la bouteille en plastique, avant de la brandir en direction de Jo. « Whaou. Je vois que y’en a qui s’emmerdent pas. » Il n’y a jamais eu la moindre gène entre nous, et je l’illustre en me laissant tomber sur un canapé qui traine dans le coin.

« Je le connais pas assez. Par contre, je sais ce que c’est de traîner les casseroles de sa famille et de les projeter sur n’importe qui. » Elle n’a pas tort Jo, et moi aussi, je sais ce que sait. De mon côté, j’en ai tiré l’envie de faire mieux, d’offrir mieux à une potentielle descendance que ce qui m’a été donné à moi. Mais je ne suis pas idiote et suis consciente d’avoir toujours eu l’esprit un peu trop étriqué. Et si d’autres à ma place, comme Damon, désiraient simplement arrêter la plaisanterie là ? « C’est ton cas à toi ? Tu veux pas d’enfant à cause de ça ? » Inutile de préciser qu’il s’agit du genre de sujet que nous n’avons jamais pris la peine d’aborder : ce n’est pas notre genre. Je sais tout des plans d’avenir de Shiloh – qui en contiennent des tas de mômes – mais Jo et moi n’avons pas ce genre de relation là. « Tout est possible. Y a des gens que tu soupçonnerais pas d’être des connards et pourtant. » - « S’il te plait. Si Damon était un connard, je crois qu’en deux ans j’aurais fini par m’en rendre compte. » Et il est tout l’opposé de ce nom d’oiseau. Elle changera d’avis sur mon époux un jour Jo, je suis prête à donner ma parole qu’elle le fera quand elle daignera lui laisser une chance.

« Charlie a son numéro, t’as qu’à lui demander. » Je fronce les sourcils, et le temps que j’intègre l’information Jo est déjà passée à la suivante. « Mais il me dit souvent que je suis une casse-couilles, et on sait toi et moi qu’il a pas tort. » - « Whoo attend doucement là. Petite un, pourquoi Charlie a son numéro ? » Suspicieuse, je lève un sourcil et j’embraye sur la suite. « Et petit deux, la Jo nonchalante ça prend pas avec moi. » Elle a beau donner l’impression qu’elle s’en moque, qu’elle est peut-être responsable ou peut-être pas mais que cela ne change rien à sa vie, je la connais un peu mieux que ça. Son masque s’est fêlée l’autre jour, lorsque nous échangions des messages. J’ai senti qu’elle était plus touchée que ce que je m’attendais à qu’elle l’admette, et c’était ça la vérité, j’en suis persuadée. « J’ai dormi depuis. Fais attention, y a ton côté paparazzi qui refait surface, et ça colle pas aux paillettes que t’as sur la gueule. » Je lève les yeux au ciel, agacée de n’arriver à rien et de voir Jo se refermer comme une huitre, sans même avoir pris la peine de donner l’impression qu’elle était prête à entrouvrir la porte. « C’est vraiment dur d’être ton amie, t’en as conscience ? Je suis pas là pour te juger ou pour aller crier sur tous les toits que tu t’es tapé Midas Sterling. Tout le monde le sait et tout le monde se fout de ce que j’ai à dire sur le sujet. » Peut-être pas, mais n’ai-je pas prouvé que j’étais digne de sa confiance ? Que je ne trainais pas avec elle par intérêt mais parce que je l’appréciais sincèrement ?

Je ne suis pas de celles qui lâchent l’affaire facilement. Je suis un petit chien hargneux, le genre qui s’accroche jusqu’à avoir ce qu’il est venu trouver et lorsque Jo m’interpelle par mon prénom, je m’attends déjà à être repoussée et renvoyée dans mes buts une fois de plus. « Meg. » Je lève déjà les yeux au ciel, et m’apprête à lui dire d’aller se faire foutre, quand je pose mon regard sur elle et assiste à un bien triste spectacle. Elle se décompose Jo. Pire, ses yeux se remplissent de larmes et les miens s’arrondissent comme deux énormes billes. De mémoire d’homme, jamais je n’ai vu Jo pleurer. Elle est encore plus dure que je ne le suis moi-même, et je ne sais pas réellement comment réagir alors qu’elle les laisse rouler sur ses joues, ses putains de larmes. « T’as pas compris quoi quand je t’ai dit que j’avais pas besoin d’en parler, putain ? » Prudemment, je me lève et fait quelques pas dans sa direction. Je m’arrête à une distance raisonnable, une qui permet de ne pas la brusquer. « C’est pas l’impression que tu donnes, Jo. » Au contraire, entre la triste scène à laquelle j’assiste et la vidéo qui fait le tour du net depuis plusieurs semaines, celle où elle gifle celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, elle me donne plutôt l’impression de perdre pied. « On est là pour toi. Je suis là pour toi en tout cas. T’as pas besoin de me tenir à l’écart. » N’est-ce pas ça, être amies ? M’a-t-elle jugée plus durement après avoir réalisé que moi aussi j’étais vulnérable, lorsqu’elle m’a trouvé dans l’appartement de ma mère ? « Mais si je peux te donner un conseil c’est de t’ouvrir aux gens qui se font du souci pour toi. Parce que t’arriveras pas à gérer sa seule beaucoup plus longtemps. » Et que je doute qu’elle ait envie de s’effondrer en pleine interview et que la vidéo soit ensuite visionnée par des dizaines de milliers de personnes qui elles seront tout sauf bienveillante à son égard.

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@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

Jo arqua un sourcil. Ses mains se levèrent devant elle dans une posture défensive, et peut-être même un peu effrayée par la question de la blonde, elle lui répondit "On se calme, j’ai que 27 ans." Comme si c’était l’argument ultime à amener à ce genre de questions. Surtout qu’elle avait décidé d’avoir 27 ans jusqu’à la fin de sa vie, alors à ce train-là, elle devrait se trouver un autre argument, les décennies défilant sans qu’aucune n’ait de rôle à jouer sur sa jeunesse. Tout le monde savait ce que Jo pensait des enfants. Elle disait que ce n’était pas son truc simplement parce qu’elle ne savait pas comment agir avec eux, trop rustre pour s’attendrir devant un visage gribouillé de confiture ou de fluides bien dégueus. Il s’avérait qu’elle n’était pas si incapable que ça en leur présence, qu’elle réussissait même à en trouver certains mignons. Après tout, elle s’occupait d’une vieille dame, c’était du pareil au même, mais démontrer qu’elle savait y faire, ça nuirait à sa marque toute personnelle, de fait elle préférait faire croire à qui voulait bien l’entendre que ça la dégoûtait au plus haut point d’en être réduite à côtoyer des petits humains.
Est-ce qu’elle redoutait de refiler ses névroses à ses gamins si jamais elle en avait un jour ? Comme tout le monde, non ? Elle craignait encore plus d’avoir le même genre de comportement que son propre père envers eux, pas connue pour sa patience "En vrai, j’y ai jamais réfléchi." finit-elle par admettre sans pour autant chercher à en dire plus. Elle se félicitait plus souvent que nécessaire d’avoir une contraception depuis ses 14 ans, ça devait être un signe évident que c’était quelque chose qui la faisait flipper dans le fond. Mais comme pour à peu près tout ce qui formait un potentiel aveu de faiblesse, Jo préférait tourner tout ça en dérision — et à partir du moment où la personne avec qui vous êtes a déjà des enfants, ça retardait ce genre de discussion pressurisante, surtout quand ça n’avait duré que trois mois à tout casser "J’ai compris que je pouvais plus bitcher sur lui depuis qu’il a fait sauter le verrou de sa ceinture de chasteté, c’est bon." reprit-elle à propos de l’ange Damon. Jo savait qu’il allait tremper son petit orteil dans d’autre étendue d’eau avant qu’il ne se rende compte qu’il avait une piscine de luxe à proximité avec les jouets gonflables en bonus cadeau, mais Megan comprendrait où elle voulait en venir.

Surprise sans l’être, elle lui demanda "Elle t’en a pas parlé ?" Charlie, de son truc avec Midas ? Preuve encore une fois que le fait qu’elle le fasse avec Jo n’avait été qu’un moyen bien tordu de lui faire de la peine étant donné que, d’ordinaire, elle passait son temps à faire l’inventaire  à la blonde de ce qui foulait son terrain de jeu. C’était étonnant de sa part de ne pas lui avoir parlé de la seule baise de sa vie qui aurait valu la vantardise, mais passons. Jo haussa les épaules "Ils ont couché ensemble. Genre l’année dernière, et avant que tu me poses la question, il a ses deux jambes." La précision se valait "Elle doit aussi avoir un truc pour les musiciens." Elle ne la jugerait pas, elle connaissait les avantages d’avoir les faveurs d’un guitariste.
Soufflant à la suite de ce que Megan ajouta, Jo fit de même "Je t’ai rien demandé sinon, tu sais où se trouve la porte." Elle ne forçait personne à être son amie, elle ne forçait personne à l’aimer non plus. C’était un point commun que Megan avait avec Midas, ils aimaient bien lui rappeler que c’était une corvée d’être proche d’elle, qu’elle était compliquée, tellement difficile à cerner, à aimer encore plus, qu’ils revenaient en trottinant pour qu’elle leur redonne l’heure. Bande d’hypocrites, qu’ils aillent se faire foutre, voilà ce qu’elle pensa en ne rebondissant pas sur la suite des mots de la blonde, sentant déjà le vent tourner et ses émotions remonter à la surface.

Et pas de la façon la plus jolie qui était. Elle détestait pleurer, elle détestait être si sensible qu’elle n’était plus capable de se retenir, et elle détestait le faire devant quelqu’un. Elle qui comptait que sur les doigts d’une main les moments où elle flanchait vraiment, depuis qu’elle avait accepté de participer à ce Revival pourri, elle passait son temps à chouiner pour un oui ou pour un non. Elle incombait ça à Midas, le seul devant qui elle osait craquer sans se sentir stupide de le faire, comme elle se sentit stupide de le faire là, confrontée aux questions de Megan qui n’avait pas de mauvaises intentions, qui remuait tout de même des choses dont elle n’avait pas envie de parler puisqu’elle ne savait pas comment le faire.
La voyant s’approcher, Jo ne bougea pas, aussi bien pour lui échapper que pour aller à sa rencontre. Elle posa ses doigts repliés sur ses paupières pour essayer de cacher le tableau qu’elle offrait à son amie, le pire d’elle qu’elle avait jamais vu. L’humiliation était certaine à ce moment-là parce qu’elle ne faisait pas que pleurer. Elle s’entendait hoqueter comme une petite-fille qui vient de vivre le pire chagrin de sa petite histoire, et c’était dégradant. Fermant fort les yeux lorsqu’elle baissa ses mains, Jo sentit sa nuque se raidir comme elle retenait ses sanglots, et les muscles de sa gorge se contracter pendant qu’elle ravalait le sel de ses larmes, son ventre tordu sous le tissu de ce qu’elle portait sur le dos, sa poitrine brûlant sous la force qu’elle mettait à ne pas vouloir pleurer plus fort. La voix de Megan la ramena sur le moment, et elle rouvrit les yeux dans une profonde inspiration pour faire le point sur ce qu’elle croyait qu’elle pensait d’elle à ce moment-là ; qu’elle était dramatique comme d’habitude, qu’elle réagissait à la hauteur de sa tendance à en faire des caisses, qu’elle était le cliché que Charlie refusait d’être en se faisant tringler par le premier qui passe après sa rupture, alors qu’elle, elle refusait de bouffer, de dormir, de parler et qu’elle se gavait de tranquillisants tout ça parce qu’elle avait la trouille d’ouvrir trop grand sa gueule.

Se passant les paumes sur le visage pour les sécher au moins un peu, elle répondit à Megan qui essayait de la réconforter "J’y arrive pas. Je sais pas ce que j’ai le droit de dire ou pas, et je veux pas qu’on pense que c’est pas quelqu’un de bien." Il était quelqu’un de bien, sans doute plus qu’elle. Elle se laissa asseoir sur la méridienne derrière elle, réussissant à dire entre deux sanglots "Et je sais que si je dis quoi que ce soit à qui que ce soit, on va m’accuser d’en faire des tonnes pour pas grand-chose et me dire que je suis qu’une connasse d’ingrate et que je mérite pas ce qu'il a fait pour moi. C’est certainement le cas, mais j’en ai rien à foutre, je veux pas qu’on m’enlève le droit de le détester au moins un peu en me martelant que c’est pas si grave et qu’il avait pas de mauvaises intentions." Surtout Megan qui était la plus à même de considérer ce genre de gestes comme un gage d’amour inconditionnel. Elle ne voulait pas qu’elle la mette face à l’idée qu’il s’était mis en danger pour elle tout en omettant celle qu’il lui avait menti pas seulement ces derniers mois, mais bien avant ça, en lui laissant indirectement croire que sa tendance à être difficile à aimer avait été la cause de sa défaite quand ce n’était pas le cas en réalité. Megan ne devait rien y comprendre, mais elle s’en cognait ; et Jo essaya de se calmer, prenant une autre inspiration profonde en se passant les mains sur le visage encore une fois, et en lui demandant précipitamment "Raconte pas à Charlie que j’ai pleuré, elle va se foutre de ma gueule. Elle le fait tout le temps quand il est concerné, j’ai pas besoin de ça maintenant."

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« On se calme, j’ai que 27 ans. » Je lève les yeux au ciel, avant de secouer la tête et de renchérir. « Je te demande pas si tu veux des gosses maintenant, je te demande si t’en veux un jour. » Bien sûr qu’elle est encore jeune, qu’elle a encore le temps, pour qui me prend-t-elle ? Le genre de matriarche gênante qui met la pression aux repas de familles ? « Moi aussi je suis encore bien trop jeune. » J’étais honnête avec Damon lorsque je lui ai dit qu’il pouvait se tranquilliser puisque tout ça n’était qu’une plaisanterie. En plus de mon âge, nous avons beau être mariés depuis un an et demi, nous formons réellement un couple depuis six mois à peine. « En vrai, j’y ai jamais réfléchi. » Je hoche la tête : personne n’exige d’elle qu’elle donne une réponse définitive, j’étais simplement curieuse. « C’est drôle. Tu viens d’une famille nombreuse, généralement, les gens dans ton cas sont toujours assez tranché pour un côté ou l’autre. » Soit ils tiennent absolument à reproduire le modèle qu’ils ont connu, soit au contraire ils veulent à tout prix éviter de devenir leurs parents. Ceux qui, comme moi, on grandi avec un modèle parfaitement dysfonctionnels hésitent souvent, incapable d’avoir assez confiance en eux pour estimer qu’ils feraient de bons parents. « J’ai compris que je pouvais plus bitcher sur lui depuis qu’il a fait sauter le verrou de sa ceinture de chasteté, c’est bon. » - « Fais pas ta garce. Je l’apprécie beaucoup. » Je n’ai encore jamais parlé d’amour, et Jo ne sera certainement pas la première avec qui je le ferai, le jour venu. Le principal intéressé méritera de l’entendre en premier.

« Elle t’en a pas parlé ? » Je secoue la tête, de plus en plus intéressée par le sujet puisque je sens que j’ai déniché quelque chose de croustillant. « Je m’en souviendrais si elle l’avait fait. » Parce si Charlie s’était vantée d’avoir le numéro d’une célébrité de cette envergure dans son répertoire, la paparazzi que je suis – étais – l’aurait noté dans un coin de sa tête. « Ils ont couché ensemble. Genre l’année dernière, et avant que tu me poses la question, il a ses deux jambes. » Mes yeux s’écarquillent pour devenir deux billes bleues. « Elle doit aussi avoir un truc pour les musiciens. » - « Attends attends. » Jo enchaîne comme si tout ça n’était rien, alors que je suis encore sonnée d’apprendre que non seulement Charlie a eu une aventure avec le sweetheart de Jo, que cette dernière le sait, et qu’en plus de ça l’homme en question est une célébrité au calibre international. « T’es en train de me dire que vous avez couché avec le même mec ? » Et que s’est-il passé après ça ? Elles ont continué à faire comme si de rien n’était ou bien était-ce la raison iNcOnNUe qui les a poussé à se tirer la gueule pendant des mois sans que personne ne m’explique ce qu’il était arrivé ? « Je… Comment tu l’as pris ? » J’avance à tâtons et cela se voit. Mon ton est plus délicat, plus timide presque.

« Je t’ai rien demandé sinon, tu sais où se trouve la porte. »
« Tu peux me foutre dehors, mais ça te rendra pas service de t’entourer que de gens qui te brossent dans le sens du poil et te disent ce que tu veux entendre. »

Parce qu’au moins, moi, je ne formulerai jamais la vérité autrement, allant jusqu’à l’altérer, pour ses beaux yeux de diva. J’aime Jo de tout mon cœur mais elle est loin d’être parfaite et, si ses amis, les plus proches, les vrais, ne pointent pas du doigt ses comportement les plus dysfonctionnels, qui le fera ? Certainement pas son armée de fan aux yeux desquels elle chie des diamants.

En la voyant fondre en larmes – et pas des jolies larmes, le genre de bons gros sanglots que mes anciens congénères seraient ravis de prendre en photo pour les publier dans je ne sais quelle feuille de chou – je me demande si je n’y suis pas allée un peu fort. Sauf que je comprends bien vite que ce n’est pas ma réflexion qui a ce genre d’effet sur elle, cette dernière lui est entrée par une oreille et ressortie par l’autre, sans l’ombre d’un doute – mais simplement cette situation dont elle n’a soi-disant pas besoin de parler. A d’autres. Sa réaction prouve que sa séparation a tout d’un chagrin d’amour. « J’y arrive pas. Je sais pas ce que j’ai le droit de dire ou pas, et je veux pas qu’on pense que c’est pas quelqu’un de bien. » Je pousse un soupir et, sans faire le moindre geste brusque, je la guide jusqu’au sofa derrière nous. Je m’y laisse tomber et je l’écoute, parce que je sais le faire contrairement à ce qu’on peut penser et parce qu’elle n’a pas l’air d’avoir fini de vider son sac. « Et je sais que si je dis quoi que ce soit à qui que ce soit, on va m’accuser d’en faire des tonnes pour pas grand-chose et me dire que je suis qu’une connasse d’ingrate et que je mérite pas ce qu'il a fait pour moi. C’est certainement le cas, mais j’en ai rien à foutre, je veux pas qu’on m’enlève le droit de le détester au moins un peu en me martelant que c’est pas si grave et qu’il avait pas de mauvaises intentions. » Sans connaître les détails – ou même la situation dans son ensemble puisque Jo est aussi bavarde à ce sujet qu’une porte de prison, je ne peux pas faire grand-chose d’autre que l’écouter et donner des conseils qui seront peut-être un coup d’épée dans l’eau. « Raconte pas à Charlie que j’ai pleuré, elle va se foutre de ma gueule. Elle le fait tout le temps quand il est concerné, j’ai pas besoin de ça maintenant. » - « C’est notre secret. L’autre espèce d’asperge a pas besoin de le savoir. » Certainement pas alors qu’il y a conflit d’intérêt, chose que je viens d’apprendre et digère toujours. « Déjà, on s’en fout que je pense que c’est un connard même si c’est pas le cas. C’est pas comme si on allait devenir pote un jour ou l’autre ou si j’allais ne serait-ce que le rencontrer. Je suis ta copine, alors si ça te fait du bien de dire les pires crasses sur lui et qu’on le déteste, on le déteste. » Elle n’est pas en train de parler de quelqu’un de ma famille ou qui m’est cher et ne devrait pas avoir à se soucier de l’image qu’elle peut donnner de lui, surtout pas alors qu’il lui a de toute évidence brisé le cœur. « De toute façon je sais qu’il s’est conduit en connard, t’as pas besoin de me le dire. Tu l’as giflé, et malgré toutes les conneries que j’ai pu dire et faire, tu m’as jamais giflée, alors si ça c’est pas une preuve. » Je tente d’alléger la situation, j’ajoute même un sourire doux qui a tout d’authentique. « Est-ce qu’il te manque ? Est-ce que tu tiens à lui ? Je vais pas te forcer à me dire ce qu’il a fait si tu veux pas, je veux juste savoir ça. »

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@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

J’en sais rien. Voilà la réponse-type de Jo à propos des enfants. Elle ne la donna pas à Megan, elle doutait dans le fond que ce soit l’image qu’elle voulait vraiment avoir d’elle ; celle de la petite nana qui reproduit le schéma de ses parents en démoulant des marmots année par année, espérant battre des records, et qui pouponnait en s’oubliant et en faisant comme si c’était le plus beau cadeau de l’univers, de ne pas avoir assez de temps pour prendre une douche et sortir se mêler à ses congénères pour parler d’autre chose que de couches et de remèdes pour faciliter la percée des dents — tout comme Jo n’aurait pas voulu avoir l’image de Megan qu’elle avait eu lorsqu’elle l’avait trouvée défaite suite à la mort de sa mère d’ailleurs, mais force était de constater qu’on n’a pas toujours ce qu’on veut. Elles avaient des névroses, elles savaient qu’elles en avaient, c’était bien suffisant comme ça, inutile de se lancer dans ce genre de conversations.
Pas maintenant en tout cas. Elles pouvaient partager leurs plus grosses conneries, ça c’était envisageable sans problème, mais leurs trucs plus intimes, qui les rendaient vulnérables ? Ce n’était même pas la peine d’y penser, et pour Jo du moins, ce n’était même pas par peur d’être jugée. C’était juste que ça ne faisait pas partie de sa façon d’être. Plus tard peut-être, quand elle redescendrait de son piédestal, qu’elle apprendrait à accepter l’idée d’avoir le droit d’être un peu fragile, chose qui arriverait bien plus tôt qu’elle ne l’imaginait, et ça commençait même maintenant, alors que Megan la questionnait sur Charlie et Midas.

Elle souffla, fort "T’es con, ou t’as vraiment besoin que je te fasse un dessin ?" Parce qu’à moins d’être demeurée, à partir du moment où Jo lui avait dit que Charlie avait couché avec Midas, ça paraissait assez évident qu’elle s’était tapé le même mec. Megan pouvait être d’une intelligence à la limite du génie, mais parfois, ses réflexions, elles reflétaient sa couleur de cheveux, loin d’être le lampadaire le plus éclairé du comté "Comment tu l’aurais pris si l’une d’entre nous avait couché avec Damon pendant qu’il accomplissait pas son devoir conjugal ?" Comment tu l’aurais pris en plus si on était venu te le dire avec l’intention de te faire du mal ? Ça elle ne le rajouta pas, se contentant de tourner la tête dans sa direction pour jauger sa réaction. Étant donné qu’elle connaissait assez Megan qui, ne sacralisait certes pas la bagatelle, qui avait l’envie inattaquable d’être le centre du monde des mecs qu’elle avait dans son sillage, elle pouvait très bien se figurer que sa réaction aurait sans doute été moins vindicative que la sienne, mais pas moins vengeresse, c’est pourquoi en devinant qu’elle l’aurait mal pris, elle aussi, elle ajouta "C’est bien ce que je pensais."

Elle passa outre l’intention de Megan de la faire redescendre de son petit poney, même si une part d’elle avait envie de lui faire remarquer que ce qu’elle lui disait là, c’était exactement ce qu’elle lui avait reproché quand elles s’étaient brouillés il y avait quelques mois, mais disons que dans la liste de ses problèmes immédiats, la mauvaise foi de Megan n’était pas en top priorité. Son chagrin d’amour en revanche, il l’était, et alors qu’elle ne la questionnait même pas plus que ça finalement, elle se mit à chialer tout son soule sans même avoir le temps de se dire que ce serait une mauvaise idée, et que ses larmes appelleraient davantage de questions. Megan avait toutefois la loyauté aussi marquée que la sienne, et c’était une bonne chose dans la présente. Au moins ça la soulagerait d’avoir quelqu’un à qui parler, elle qui n’avait jamais vraiment eu personne.
Assise à ses côtés, tachant de se remettre de la secousse provoquée par le barrage qui venait de céder pour laisser ses larmes couler, elle se sentit épuisée, constatant par la même à quel point elle l’était depuis qu’elle avait appris la tricherie de Midas à laquelle s’était ajoutée les révélations concernant leur participation de 2016. Laissant son dos épouser le moelleux de la méridienne sur laquelle elle s’était assise, elle ferma fort les paupières le temps de quelques secondes avant de les rouvrir pour regarder en l’air et prendre la mesure de ce qu’elle venait de débiter, se donnant l’impression de parler en putains de codes quand il suffirait de dégueuler la vérité sans que Megan ne pense un seul instant à l’interrompre. Mais à la juger oui, à juger Midas aussi, c’était un risque qu’elle ne voulait pas prendre parce qu’elle cherchait de tout son coeur à réussir à en vouloir au chanteur et qu’elle ne voulait pas qu’elle lui dise qu’il n’y avait pas de quoi ; ou peut-être qu’elle se trompait, peut-être que la Megan gorgée de l’envie de se sortir du cercle vieux qu’avait été sa vie lorsqu’elle avait été petite réussirait à comprendre pourquoi Jo prenait aussi mal qu’on complote pour sa réussite en lui ôtant le droit de revendiquer que c’était grâce à elle, et à elle seule. Elle n’en savait rien, et elle ne voulait pas le savoir, les secrets de Midas n’ayant jamais été aussi saufs qu’avec elle, quelle putain d’ironie.

En prenant sa respiration, cette dernière se hachura, et si ça la rassura de savoir que Megan ne dirait rien à Charlie, ça ne la rendait pas moins honteuse d’être dans l’état dans lequel elle se trouvait maintenant "Je t’ai jamais giflée parce que je sais que tu me giflerais aussi fort. C’est pas une faveur que je te fais, c’est juste que j’ai pas envie que t’abîmes mon visage." Ça, c’était pour donner l’impression qu’elle gérait bien la situation quand elle sentait une multitude de fourmillements dans son corps, et qu’elle savait qu’elle devait avoir la tronche d’Amy Winehouse à la sortie d’un club, son eye-liner s’étant fait la malle, son mascara dégorgeant sous ses yeux. On ne pouvait pas lui retirer cette force qu’elle avait de vouloir toujours garder la tête haute néanmoins, même quand sa dignité était remisée au sous-sol. Elle reprit une inspiration, ne s’arrêtant pas vraiment pour répondre aux questions suivantes de Megan, se montrant même brutalement honnête avec ses réponses "Pourquoi tu crois que je pleure là ? Parce que ça va me donner un meilleur glow ?" Franchement, ça aurait pu se tenir, parce qu’en dehors du mascara, son glow était impeccable après avoir chouiné comme ça. Ce n’était pas ça l’important, mais la suite, celle qu’elle lui donna le menton tremblotant, ses yeux se fermant, et ses mains se tendant pour mettre l’emphase sur ce qu’elle avait à dire "J’ai attendu six ans, c’est pas comme toi avec Damon. C’est pas une question d’affection, c’est autre chose que j’ai même pas besoin de comprendre parce que ça a toujours été là." Quelque chose qu’elle ne citerait parce que quand même, mollo sur les bons sentiments  en présence des copines "Je l’ai idéalisé. J’ai été assez conne pour ça. J’ai toujours cru qu’il pensait absolument tout ce qu’il disait à propos de moi. Je sais ce que tu vas me dire, que ça c’est à cause de mon ego, et je vais pas te répondre le contraire. Ça devait m’arranger de savoir qu’il m’admirait à en crever, mais même si c’était pas toujours objectif et que je le savais à des moments donnés, je restais quand même persuadée qu’il était honnête, qu’on était sur un pied d’égalité. En fait non, c’est juste un baratineur qui veut garder le contrôle sur ce qui m’arrive." Et ce schéma en particulier était trop semblable à un autre pour que ça ne lui fasse pas du mal de comprendre qu’elle était retombée dedans sans même s’en rendre compte.

Se rendant compte combien ses explications étaient puériles, que son ton l’était encore plus, tantôt geignard, tantôt vindicatif, elle se reprit vite Jo, ne laissant pas le temps à son visage de se contorsionner de nouveau pour permettre à ses larmes de s’échapper de ses yeux. Elle se leva dans la foulée pour les chasser avec ses paumes pendant qu’elle secouait la tête pour se la remettre à l’endroit et reprendre sur elle, ses bras finissant par se secouer eux aussi, ses épaules roulant sur elles-mêmes "C’est pas grave. Je vais m’en remettre. Je suis pas là pour m’apitoyer sur mon sort, et toi non plus d’ailleurs." lui fit-elle comme rappel, l’invitant à se lever alors qu’elle se redressait de toute sa petite taille pour se donner les moyens de redevenir au moins un peu celle qu’elle était vraiment malgré les coulées de maquillage sur sa figure.

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« T’es con, ou t’as vraiment besoin que je te fasse un dessin ? » Ta gueule Jo. Ne voit-elle pas que je suis de son côté ? Que si je lui fais répéter et pose des questions idiotes, c’est parce que je n’en reviens pas de ce qu’elle me confie ? « Attends attends, c’est pour ça que vous vous parliez plus en fin d’année dernière ? » En ce pendant plusieurs mois. De mon côté, je suis habituée à leur jeu du chat et de la souris, je n’ai donc même pas posé de question. Elle me fatiguent autant l’une que l’autre à s’aimer un jour et de détester le suivant, mais j’ai arrêté de tenter de me mêler de leur relation il y a des années. Je fréquente Charlie et je fréquente Jo, et nous ne nous retrouvons à trois que lorsqu’elles décident de s’apprécier, c’est aussi simple que ça. Du reste, l’envie de sauter à la gorge de la brune parce qu’elle me traite comme une demeurée m’effleure l’esprit et, si je prends sur moi, ce n’est qu’au regard de ce qu’elle semble traverser. Cela lui pend au nez, cependant. Un jour, j’en aurais marre qu’elle passe ses nerfs sur moi que je l’ai mérité ou non. Jo a depuis longtemps dépassé le stade où son agressivité aurait dû être adressée à un spécialiste – un psy, donc. « Comment tu l’aurais pris si l’une d’entre nous avait couché avec Damon pendant qu’il accomplissait pas son devoir conjugal ? » Ma mâchoire se contracte, et je dévisage la brune avec aigreur. « C’est bien ce que je pensais. » - « Je suis de ton côté au cas où tu l’aurais pas remarqué. Alors la prochaine fois que t’as envie de parler de baiser mon mari, tu fermes ta gueule. » Avoir de l’empathie pour ce qu’elle traverse ne sous-entend pas d’accepte toutes ses sautes d’humeur et ses piques qui ont depuis longtemps dépassé le stade de l’amour vache. Du reste, elle a fait la remarque de trop, celle qui me donne envie de lui jeter ses quatre vérités à la gueule. « Je suis de ton côté alors que tu donnes vraiment pas envie de l’être. » Parce que Charlie ne m’a jamais traitée comme une merde, elle. « Alors tu te calmes et tu m’épargnes toute ta colère et ta frustration ou je vais vraiment me casser. » Et aller profiter de ma soirée en l’abandonnant à sa tristesse et sa fierté. Elle l’empoisonne, cette dernière. Réalise-t-elle que plutôt que d’admettre qu’elle est triste et malheureuse, elle se comporte comme une conne ? Qu’elle dépasse les limites et que, même si sa récente rupture lui offre des passe-droits, elle ne peut pas tout faire et dire sous prétexte qu’elle va mal ?

Dire que ses larmes ne m’adoucissent pas serait mentir et pour cause : je sais que ce n’est pas une tentative de m’amadouer ou d’endormir ma colère. Ce n’est pas le genre de la maison, Jo n’a même jamais pleuré devant moi tant elle s’efforce d’être un exemple de force et de solidité. Elle en devient dure, trop dure et sans doute qu’un jour cela lui causera du tort, mais je ne peux décemment pas l’abandonner maintenant qu’elle est agitée par des sanglots. Au contraire, je m’approche d’elle et je la rassure et lui montre que je l’aime à ma façon. « Je t’ai jamais giflée parce que je sais que tu me giflerais aussi fort. C’est pas une faveur que je te fais, c’est juste que j’ai pas envie que t’abîmes mon visage. » Un sourire étire mes lèvres. « Et tu fais bien. Parce que je démolirais ton joli minois. » Je suis une battante, sous mes airs de princesse. J’ai une batte de baseball à la maison qui meurt d’envie de le rappeler à quiconque m’attaquant sans me prendre de surprise. « Pourquoi tu crois que je pleure là ? Parce que ça va me donner un meilleur glow ? » - « Si c’est le cas, arrête. T’es horrible. » Elle ne comprend que ce genre d’affection, Jo. Elle ne réagit bien qu’à l’amour vache et je sais le parler. Alors même si, de mon côté je tente de faire des efforts et de devenir quelqu’un de plus Aimable avec un grand A, je gère la situation de la meilleure des façons ou, en tout cas, celle que j’estime l’être. « J’ai attendu six ans, c’est pas comme toi avec Damon. C’est pas une question d’affection, c’est autre chose que j’ai même pas besoin de comprendre parce que ça a toujours été là. » Je hoche la tête. « Et ce qu’il a fait, c’est assez grave pour tirer un trait sur ce que tu ressens, justement ? » Elle ne parle pas d’amour, peut-être parce que, comme moi, elle ne sait pas le reconnaître. Mais je ne suis pas dupe : le fait qu’elle semble dévastée me prouve qu’elle ne s’était pas juste amourachée de la star de la musique Australienne. Elle semble bien plus que juste mordue et je ne l’ai jamais vue dans cet état pour un mec. Charlie, si. Moi également. Mais Jo, oh non, Jo préfèrerait se damner que de laisser un pauvre type la faire pleurer. « Je l’ai idéalisé. J’ai été assez conne pour ça. J’ai toujours cru qu’il pensait absolument tout ce qu’il disait à propos de moi. Je sais ce que tu vas me dire, que ça c’est à cause de mon ego, et je vais pas te répondre le contraire. Ça devait m’arranger de savoir qu’il m’admirait à en crever, mais même si c’était pas toujours objectif et que je le savais à des moments donnés, je restais quand même persuadée qu’il était honnête, qu’on était sur un pied d’égalité. En fait non, c’est juste un baratineur qui veut garder le contrôle sur ce qui m’arrive. » Je tente de suite son histoire mais, sans tous les détails, j’ai du mal à trouver les mots qui pourraient l’aider à aller mieux, l’aiguiller dans sa réflexion. « C’est pas grave. Je vais m’en remettre. Je suis pas là pour m’apitoyer sur mon sort, et toi non plus d’ailleurs. » Du bout des doigts, j’effleure son dos. Elle n’est pas faite pour les embrassades alors je tente de la réconforter d’une façon qu’elle sera à même d’accepter et de respecter. « Je sais pas ce qu’il s’est passé. Je peux pas te dire si c’est de l’égo ou pas, mais si c’en est… » S’il n’est question que de fierté. « Alors je peux te dire que ça vaut pas la peine de tout foutre en l’air. C’est pas ta fierté qui te réchauffera l’hiver ou que tu réconforteras quand tu vas mal. » La solitude me terrifie, ce discours n’est donc guère surprenant de ma part. « Si tu penses vraiment que c’est qu’un baratineur, alors qu’il aille se faire foutre, t’es bien mieux sans lui. » J’en ai trop fréquenté, des types comme ça. « Mais si c’est ton égo qui parle, réfléchis avant de tout foutre en l’air. » Parce qu’elle mérite de trouver quelqu’un qui l’apaisera Jo, quelqu’un qui représentera ce que Damon est pour moi.

dancing with our hands tied
@Megan Williams ☆ crédit/ssoveia

"Ouais. Elle est venue un jour me dire qu’il était un bon coup." Tout en se foutant de sa gueule face à sa réaction qu’elle avait provoquée, arguant qu’elle avait l’air ridicule à se comporter comme s’il lui appartenait quand il ne se passait visiblement rien entre eux. Expliquer à Charlie que ça dépassait le stade du coup rapide après une soirée arrosée, c’était exclu à l’époque parce qu’elle n'avait pas son pareil pour emmagasiner les détails histoire de le lui ressortir au mauvais moment pour lui faire de la peine — et sur ça, Jo resterait campée parce qu’elle l’avait vu dans son regard, qu’elle avait soulevé cette anecdote pour la blesser, et pas seulement pour connaître la mythologie autour du duo qu’elle formait avec Midas. A partir de là, elle avait estimé être en droit de lui en vouloir pendant des mois, qu’importent ce que les autres en pensaient "J’ai craché dans son milk-shake, elle me l’a renvoyé à la gueule sans le boire, c’était un bon moment entre copines." Si Megan voulait qu’elle aille dans les détails, elle le ferait. Elle était aussi friande de ce genre d’histoire qu’elle l’était, elles n’étaient pas amies pour rien.

Elle ne l’était encore moins qu’elles avaient le même genre de réaction parfois, et que celle que Megan lui adressa lorsqu’elle osa mentionner la possibilité d’une partie de jambes en l’air entre son époux et l’une de ses copines, Barbie monta dans les tours en devenant soudainement hideuse tant elle était jalouse. Franchement, si elle l’était autant quand elle, elle l’était, elle ferait en sorte de l’être un peu moins parce que putain, ce n’était vraiment pas beau à voir d’un point de vue extérieur.
Grimaçant en lui répondant, Jo roula des yeux pour faire bonne mesure "Y a que toi qui veux le baiser ton mec, détends-toi." Encore qu’elle ne miserait pas grand-chose sur Charlie à ce sujet-là, mais elle ne lui dirait pas qu’elle la croyait capable de trahir ses copines pour gagner la satisfaction de rajouter un nom à son tableau de chasse. Promis, elle l’aimait beaucoup Charlie. Comme elle aimait beaucoup Megan alors pour le coup, elle évita de lui dire ce qu’elle avait sur le coeur quand de nouveau, elle lui fit remarquer qu’elle était chiante et indéfendable et qui disait un truc du type  : change de disque Meg. Je t’ai pas demandée d’être là ni même d’être de mon côté. T’es une femme-libre, barre-toi si t’en as envie et lâche-moi cinq minutes.

Non, elle préféra chialer sa vie parce qu’elle avait perdu la seule personne qui avait assez d’importance pour elle pour qu’elle se rende malade d’être incapable de réagir et d’agir comme tout le monde en pardonnant et en tournant la page. Même si Megan essayait de saupoudrer leur échange d’un peu d’amour vache, ça prenait à peine sur l’instant "C’est pas ce qu’il a fait qui me fait du mal, c’est le fait qu’il m’a menti quasiment tout le temps depuis qu’on se connait. J’ai l’impression de plus pouvoir lui faire confiance, et je suis censée vouloir construire quelque chose avec lui en ressentant ça ?" Si elle faisait les comptes, et même si elle était franchement mauvaise en maths Jo, elle savait que c’était la vérité, qu’en faisant la somme des moments qu’ils avaient passé ensemble, passés et présents, Midas en avait passé bonne partie à la regarder droit dans les yeux en connaissant les tenants et les aboutissants de leur destin. Il s’était amusé un nombre de fois incalculables de la possibilité de gagner contre elle à l’époque tout en sachant qu’elle n’avait aucune chance en réalité, la laissant faire des plans sur la comète en l’écoutant lui raconter comment elle envisageait son plan de carrière, et elle ne parlait même pas de son insistance à la faire revenir sur le devant de la scène en arguant que le public n’attendait qu’elle quand elle avait maintenant l’impression qu’il tenait à l’imposer parce qu’il en avait le pouvoir, remettant en perspective la possibilité de se croire plus talentueuse qu’elle ne l’était tout en lui faisant comprendre pour de bon qu’elle était particulièrement difficile à admirer tant elle était inaccessible à cause de son caractère.
Elle pinça fort les lèvres, secouant la tête en fermant les yeux en avouant à Megan "Si je te dis ce qui s’est passé, tu vas vouloir me convaincre que c’est pas grave parce que ça l’est pas au fond. Mais je me sens trahie, j’arrive pas à passer au-dessus de ça." Au moins c’était dit plus ou moins clairement cette fois, et alors qu’elle ravalait ses larmes, elle posa son regard sur la blonde pour assimiler son discours et se demander comment une gamine comme elle, qui avait vécu tant de mauvaises choses pouvaient se montrer aussi terre-à-terre quand elle, elle n’avait pas la moitié de son pragmatisme alors qu’elle n’avait qu’été la victime — elle détestait ce terme, ça la rendait accessible à la pitié des autres et ça lui donner envie de défoncer des murs — de son père, et pas du système tout entier.

Elle prit une profonde inspiration avant de réaliser qu’elle ne savait pas quoi lui répondre, la manière dont ses bras s’écartèrent quand elle chercha ses mots étant la preuve physique qu’elle était confondue par tout ça. Ça la fit se rasseoir à ses côtés et marquer une longue pause silencieuse dont elle eut besoin pour sa calmer d’abord, pour réfléchir ensuite, ses poignets venant trouver la bosse de ses genoux, son dos s’inclinant pendant qu’elle baissait la tête pour essayer d’y mettre un peu d’ordre quand tout était entremêlé si serré qu’elle ne réussissait même plus à vraiment se situer, ou à penser droit ; c’était le genre de dilemme dont elle se passerait bien. Brusquement, elle se redressa en rengorgeant ses poumons d’une profonde colonne d’air, son dos retrouvant le dossier de la méridienne, et sa main cherchant celle de Megan pour la serrer fort dans la sienne "Tu restes avec moi aujourd’hui ?" Même si elle était chiante et indéfendable, est-ce qu’elle voudrait bien lui faire cette faveur quand même ? "Je serai sympa, et tu pourras te faire passer pour ma choriste si tu veux voir l’envers du décor." Sentant sa gorge lui resserrer de nouveau, elle ajouta sans faire de simagrée, juste en espérant que Megan veuille bien accepter  de ne pas la laisser seule "S’il te plaît ?"