dancing with our hands tied
Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« Y a que toi qui veux le baiser ton mec, détends-toi. » - « Y’a pas à dire. Tu sais t’y prendre pour être certaine de pas passer pour une connasse. » L’ironie est palpable dans mon ton tout comme dans mes mots. Si toutefois elle avait besoin d’une preuve de plus que je pense exactement l’inverse de ce que je dis, elle pourrait se fier au rictus sur mon visage, alors que je prononce cette phrase, à ma mâchoire un peu plus serrée qu’elle ne l’est habituellement, qu’elle devrait l’être lors d’un moment sympa entre copines.

L’avantage de pas réussir à garder un mec Jo, c’est que c’est sûr qu’aucune de tes copines aura envie de le baiser.

Je retiens la pique acide qui me brûle la langue avec peine. De toute façon, ce n’est même pas vrai : Charlie eu le temps de se le faire, son précieux Midas, et ça même alors que leur relation a été plus qu’éphémère. J’aime la brune de tout mon cœur, quand elle se conduit comme elle est en train de se conduire – comme si le fait d’être blessée lui donnait tous les droits du monde dont celui de traiter les autres comme de la merde – j’ai besoin de faire des efforts pour me rappeler que nous sommes amies et que, par conséquent, je ne suis pas censée lui sauter à la gorge. Du reste, je suis réellement attristée pour elle et sa détresse – elle suinte par tous les pores de sa peau – me saute à la gorge et m’oppresse moi aussi, dans un sens. C’est d’autant plus marquant que je n’ai jamais vu Jo comme ça. « C’est pas ce qu’il a fait qui me fait du mal, c’est le fait qu’il m’a menti quasiment tout le temps depuis qu’on se connait. J’ai l’impression de plus pouvoir lui faire confiance, et je suis censée vouloir construire quelque chose avec lui en ressentant ça ? » Je pousse un soupir désolé, tourne sept fois ma langue dans ma bouche avant de lui répondre et, lorsque je le fais, c’est en baissant les yeux. « Damon a réussi. A me refaire confiance. » L’an dernier, après avoir découvert que je n’étais pas la petite marionnette, la victime de Saül pour laquelle je voulais me faire passer mais que j’avais bel et bien accepté son marché pour les avantages que j’y voyais pour moi-même, il m’a traitée avec une froideur sans nom pendant des mois. Il a refusé de faire plus que ne serait-ce que jouer la comédie – en a résulté mon anniversaire, nous savons toutes les deux comment cette soirée s’est finie – mais, au final, il m’a pardonnée. Il s’est ouvert à moi à nouveau et même bien plus qu’avant. Moi, je suis douée pour la rancune, je ne suis pas la meilleure personne pour conseille Jo. Mais Damon a beau ne pas avoir ses faveurs, il serait bien mieux placé pour la conseiller que moi. « Il répondrait bien mieux que moi à tes questions. » Celles qu’elle se pose plus à elle-même, certainement.

« Si je te dis ce qui s’est passé, tu vas vouloir me convaincre que c’est pas grave parce que ça l’est pas au fond. Mais je me sens trahie, j’arrive pas à passer au-dessus de ça. » Elle ne m’aide pas. Plus elle m’en dit, plus tout me semble confus et je n’arrive pas à comprendre comment quelque chose d’aussi grave à ses yeux la laisse penser que, de mon côté, je trouverais ça plus mignon que grave ou qu’une traîtrise. Qui essaie-t-elle de convaincre, elle ou moi ? Pourquoi se justifie-t-elle comme elle le fait ? Je pousse un long soupir, consciente comme elle doit l’être que sans plus de détail je n’arriverai pas à l’aider. Je ne suis pas philosophe : j’ai besoin de concret pour donner ces fameux conseils que je n’applique jamais moi-même. « Pour quelqu’un qui a l’air déterminé à le détester, tu répètes beaucoup qu’aux yeux du reste du monde ce qu’il a fait ne serait pas grave. » Le pense-t-elle au fond d’elle ? Essaie t’elle de s’en convaincre. Légèrement penchée en avant, les avant-bras posés sur mes cuisses, je joins mes deux mains. « Ecoute ton cœur. Ouais je sais, on est pas dans Barbie fairytopia, mais n’empêche que tu m’as l’air de te faire bien trop de nœud au cerveau et au ventre plutôt que d’écouter tes tripes. » Elle a envie de le revoir, non ? Moi, c’est ce que je lis en tout cas. Je suis plutôt satisfaite : je me dis que c’est le genre de conseil que j’aurais voulu que Damon reçoive. Peut-être que je manque donc un tantinet d’objectivité.

« Tu restes avec moi aujourd’hui ? » Jo a un pouvoir bien à elle : celui de vous traiter comme de la merde et de vous donner malgré tout envie de tout faire pour rester à ses côtés. Un magnétisme bien à elle, un quelque chose qui vous donne envie de dire encore et si ce n’est pas forcément très sain, je n’ai jamais combattu ce sentiment. « Je serai sympa, et tu pourras te faire passer pour ma choriste si tu veux voir l’envers du décor. S’il te plaît ? » Je pousse un soupir et hoche la tête. Je laisse un rire discret passer la barrière de mes lèvres. « Ouais bien sûr. » Je rejoindrai Charlie plus tard. Quelque chose me dit qu’elle se passera très bien de moi. « Mais je veux être une bonnasse dans un de tes clips. Pas une putain de choriste, je suis trop bien pour ça. » Une choriste, et puis quoi encore. Est-ce que j’ai la gueule d’une choriste ?