« À sa place je me serais pas contentée de te jeter un coussin. » Diego n’arrivait pas à retenir son rire en repensant à la situation. Certes, Cesar devait le détester, mais il passerait probablement à autre chose très vite. Et puis, il y’avait Tulum, il serait obligé de lui reparler s’il voulait des nouvelles du chien. Ils avaient rapidement changé de sujet et Diego commençait à se lasser des blagues incessantes de Sara. « Ça, ça veut dire que tu voulais la prendre... » Il avait haussé les épaules avant de se remettre au travail et, après s’être séparé d’elle pendant quelques minutes, Diego avait crié. Une petite vengeance sans conséquence, d’un grand frère à sa petite soeur dont l’arrogance était l’un des traits de caractère les plus prononcés. Surtout avec lui. C’était ce que Diego s’était dit en l’alertant comme s’il venait de trouver un trésor et le visage désespéré de Sara avait suffi à le faire rire. « Plus que la tienne, » avait-elle rétorqué et il était ravi que ses yeux ne pouvaient pas tirer à ce moment-là sinon il n’y avait plus aucun doute, il ne serait pas rentré vivant. La colère de sa soeur n’avait pas suffi à lui laisser accepter son sort facilement et Diego avait ajouté un énième commentaire lorsque celle-ci l’avait chargé de tresser les lianes, ce qui assurerait l’étanchéité de la bâtisse. Si, déjà, celle-ci réussissait à tenir plus de trente secondes sans s’effondrer et qu’elle permettait au duo de se tenir debout, la victoire serait déjà assez belle. Alors travailler sur un élément leur évitant la pluie était peut-être ambitieux, pourtant, il s’était mis à la tâche et, pour une fois, semblait plutôt bon dans ce qu’il faisait. Diego retrouvait peu à peu un peu confiance en lui et se voyait déjà construire un château alors il s’était levé, triomphant, avec ses tresses dans les mains pour finalement se retourner et se prendre une grande branche de bois dans la figure. « Mais t'es sur le chemin ! » « Quand on fait mal à quelqu’un en général on dit pardon, on l’engueule pas en prime… » avait-il répondu sur un ton aussi élevé que celui de Sara tout en frottant son front. Sa bonne volonté l’avait une nouvelle fois quitté et il n’avait retrouvé un peu de bonne humeur qu’en voyant sa soeur trébucher à plusieurs reprises en amenant le bois jusqu’à l’endroit où ils devaient construire leur cabane.  « Bon je crois que c'est le bois de cette forêt qui fait chier en fait. »  Il avait levé les yeux au ciel. « Ah quand c’est toi qui galère c’est la faute du bois mais quand c’est moi c’est juste moi le problème. Je vois. » Il n’avait pas pu s’empêcher de lancer cette remarque, encore agacé par la douleur qu’il ressentait après s’être pris la bûche dans la tête. « Je t'aide à finir les tresses et on fait la structure ? » Il avait haussé les épaules et avait terminé avec elle les quelques tresses - combien exactement en fallait-il ? L’exercice était interminable mais en regardant autour de lui après avoir tressé les dernières lianes, le tas de végétation et de bois semblait maintenant suffisant pour commencer à construire. Diego s’y était mis, en tentant d’utiliser les morceaux de bois les plus imposants pour former une structure en forme de grand tipi. « T’en penses quoi ? Ça me parait être le plus simple. » Et également similaire à ce que Jeremy leur avait montré. « Passe moi les derniers bouts de liane, je vais essayer d’accrocher ça… » avait-il demandé en tendant la main et en récupérant ce qui servirait de corde.

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Se prendre un tronc d’arbre dans la tête n’était qu’un ajout de plus à une liste d’imprévue et de blessures qui ne cessait de s’allonger. « Oui bon pardon. » Il avait fait un mouvement de tête pour signifier que ses excuses n’arrivaient pas trop tôt. Et le karma avait été assez rapide à intervenir dans l’équation, Diego ayant tout le loisir d’observer sa petite soeur trébucher et avoir tous les maux du monde à porter le bois qui restait. Il avait osé une remarque. « En attendant moi j’en ai rapporté, » Sara avait toujours eu de l’aplomb et cela ravissait le grand frère protecteur qu’il était parce qu’il savait qu’elle n’avait absolument besoin de personne pour remettre à leur place ceux qui osaient l’importuner. Pourtant, c’est également parce qu’il avait ce rôle que le ton qu’elle prenait avec elle était parfois difficile à accepter mais aujourd’hui, au milieu de la forêt et dans l’adversité, il avait pris cela avec humour et s’était même aventuré jusqu’à lui tirer la langue. La maturité était totale. Malgré leurs enfantillages, ces deux-là avaient finalement réussi à amener assez de bois pour construire une structure qu’ils pourraient ensuite pailler grâce aux jolies tresses qu’ils avaient réussi à faire. « Si besoin d’un coiffeur, hésite pas » Et ils avaient échangé un sourire pour la toute première fois depuis que l’épreuve avait commencé. Revigoré, Diego avait tenté de commencer à construire quelque chose de décent avant de demander l’avis de sa petite soeur, qui s’était montrée bien plus douée que lui, il devait l’admettre.  « Ouais ça passe. » Alors il s’était executé et avait échappé de justesse au bois qui s’était écroulé lamentablement. « Attends je vais essayer. » Il avait haussé les épaules, que pouvait-il bien arriver de pire ?  Et la petite brune s’était affairée, assemble les longs morceaux de bois sans ciller ni appeler à l’aide, les tient fermement jusqu’à réussir à les nouer ensemble. Prêt à constater le désastre au moment où elle s’éloignait de la structure lentement, Diego n’avait pas su dire s’il avait été soulagé ou déçu. « Admire un peu ce beau tipi ! » Voila ce qu’il pouvait arriver de pire. Se faire humilier par ce petit bout de femme qu’était sa soeur et qui venait de lui montrer qu’elle pouvait réussir là où il échouait. « Hé, on tient même debout en-dessous ! » « Oui ben t’es bricoleuse ok j’admets mais je peux pas être bon en tout, Sara. » Et il avait passé une main dans ses cheveux avec un air exagérément fier. « En tout cas, t’as raté ta vocation, t’es vachement manuelle. » Sans réaliser la portée de ses mots, il l’avait rejoint en-dessous en se courbant et la situation était ridicule. « Peut-être que si je surélève un peu là ce sera assez grand pour nous deux… »

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Diego faisait de son mieux pour insuffler rien qu’un tout petit peu de complicité dans ce moment qui devenait un calvaire pour tous les deux. Il avait vécu la même chose avec Maritza précédemment, mais il n’avait rien à prouver à sa mère contrairement à sa petite soeur qui plus elle pestait contre lui, plus elle s’en éloignait et ce n’était pas un risque qu’il était prêt à prendre. Pas pour un stupide stage. « Promis, je penserai à toi. » Ils avaient échangé un rire et s'étaient concentrés sur la construction de la cabane. Petit à petit, après bien des énervements et même quelques blessures, le tout semblait prendre forme. Ce n’était pas un château, mais cela serait suffisant pour valider le stage. « C'est clair, j'aurais dû faire maçon comme Cesar ! » Diego avait dissimulé la grimace qui s’était dessinée sur son visage - il espérait mieux pour Cesar, il en était de même pour Sara. Elle devait continuer ses études et réussir, c’était une certitude, pourtant, avec sa nouvelle vision de son travail, il savait aussi l’importance qu’avait le fait de faire un métier qui nous passionnait réellement. Ce n’était pas le sujet de la discussion, il n’avait aucune envie d’entamer des confidences avec sa petite soeur au milieu de rondins de bois beaucoup trop bancales. Il avait alors entreprit de remettre un peu d’ordre dans l’édifice qu’avait réussi à construire Sara, voulant au minimum pouvoir se tenir debout en-dessous. « Fais gaffe, » « Fais moi confiance, hermanita ! » Et son ton avait beau avoir l’air confiant, lui l’était beaucoup moins et il avait expiré profondément en réalisant qu’il avait réussi à faire ce qu’il voulait sans que la structure ne s’écroule totalement. « Nickel ! » Son sourire était fier, enfin ils réussissaient à s’entendre et il chassait de son esprit les noms d’oiseaux qui auraient pu voler dans le cas inverse. « On essaie de faire le sol ? » Diego avait tapé dans ses mains pour acquiescer, galvanisé par cette infime petite victoire qui était la sienne. « Jeremy a dit qu'il fallait de grandes feuilles... » Il avait suivi le regard de sa soeur alors qu’elle cherchait un arbre aux feuilles assez solides pour faire le sol. « Celui-là ? » « Ca ressemble assez aux feuilles d’un palmier, ça me parait bien si on veut quelque chose d’imperméable. » Attrapant les feuilles et commençant à les arracher pour les étaler par terre, il s’était arrêté pour regarder Sara, l’air inquiet. « Attends, attends, ils nous demandent pas de passer une nuit là-dedans, hin ? » avait-il vérifié parce qu’il se sentait peut-être un peu trop impliqué pour une cabane qui n’avait d’autre destin que d’être détruite juste après. Malgré ses doutes, il continuait à entasser les feuilles à ses pieds avant de les amener sous le tipi, les alignant pour faire un sol digne de ce nom.

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Le travail d’équipe aurait effectivement du renforcer les liens mais cela n’aurait été possible que dans un scénario où tout se passait comme ils l’espéraient. A l’inverse, ils enchaînaient les échecs et les déconvenues et l’opération cabane devenait une véritable torture. Alors Diego tentait de dissimuler son agacement et de tout mettre en œuvre pour faire du moment un souvenir avec sa sœur Sara. « J’en sais rien… J’espère pas. » avait-elle répondu, une mine déconfite sur le visage à l’idée de passer la nuit dans la cabane. Il était clair que même eux deux, avec leurs petits égos, ne s’autoriseraient pas à flatter ce tipi mal construit. Ce n’était qu’une idée en passant, que Diego avait lancé pour alimenter la discussion plutôt qu’une réelle question. « Faudra qu’on demande, » Il avait grimacé. « Ou alors on dit rien et on se sauve en courant, pas qu’on leur donne des idées avec notre question… » Et il continuait d’amasser les feuilles pour faire un sol digne de ce nom mais, évidemment, parce qu’un problème n’arrivait jamais seul, il s’était coupé. « Ça va ? » s’était tout de suite inquiétée Sara en voyant le sang perler à la pointe de son doigt. « Putain mais t’es vraiment pas doué, » La douleur, courte mais intense, avait au moins évité à l’aîné de répondre spontanément à cette remarque. « Ça a pas l’air profond, si ? Ça te fait mal ? » Ce n’était rien, la feuille était assez tranchante pour couper la peau de son doigt mais rien d’alarmant. Son cri était plutôt celui de quelqu’un de désespéré, qui en avait assez d’enchaîner les échecs - pour la construction de cette cabane ou au travail, avec ses patients. Comme si Diego avait eu l’occasion de crier toute sa frustration et l’avait saisie, quitte à désarçonner sa cadette. « Non ça va, c’est rien, c’est qu’une coupure de feuille mais… j’en ai marre, je crois. » avait-il dit en adoucissant instantanément le son de sa voix. « J’ai de l’eau pour nettoyer si tu veux. » Elle était douce, Sara, et un sourire avait gagné son visage en l’imaginant prendre ainsi soin de son petit frère.  Ce n’était pas le moment idéal, ce n’était pas quelque chose qu’ils auraient eux-mêmes planifié, et pourtant, pendant une seconde, Diego avait apprécié ce moment seul avec elle. « On aurait dû faire un atelier Barbie... » « On aurait surtout dû éviter d’écouter Mamà… » avait-il lancé en secouant la tête et en rinçant sa petite coupure avant de boire une gorgée d’eau. « Lui répète pas, hin. » Parce qu’écouter sa mère semblait être la solution à absolument tout selon Maritza mais force était de constater que leur apprendre à survivre dans la jungle semblait être un conseil un tantinet excessif. Diego avait repris l’assemblage des feuilles pour finalement terminer le sol et, en faisant quelques pas, il avait pu constater que la cabane était terminée.

Spoiler:

L’idée de fuir était extrêmement tentante. La faim et la soif venaient compléter la longue liste des points qui augmentaient l’agacement de Diego face à cette épreuve peut-être encore plus inadaptée à sa personne que les autres. « Je sais pas si on aura notre diplôme, si on fait ça. » S’il n’était pas compétiteur et borné, il aurait abandonné, n’ayant aucun intérêt à gagner un diplôme en survie lorsque son diplôme de médecine trônait déjà fièrement dans son bureau de l’hôpital. Mais ils étaient là, ils avaient commencé et se devaient de finir, ne serait-ce que pour tenter d’être un exemple auprès d’une Sara dont il n’était plus sûr de comprendre réellement l’ambition. « C'est naze de construire une cabane, » Un rire nerveux s’était échappé de ses lèvres et pour confirmer, il n’avait pas hésité à juger les choix d’activité de sa mère. « Promis. » Ils n’étaient pas d’accord sur tout, ne l’étaient même sur pratiquement rien, mais s’il y avait une chose sur laquelle ils réussissaient à s’entendre, c’était sur la façon dont ils faisaient de leur mieux pour ménager leur mère. Même elle regretterait probablement de les avoir traînés là quand elle récupérerait sa progéniture affaiblie, énervée et blessée de différentes manières. La cabane maintenant terminée et presque potable, Diego avait tenté de contacter le camp de base sans succès. « Joder, » Il avait soupiré, lassé que les choses s’empirent toujours un peu plus au fur et à mesure de la journée. Mais s’ils ne pouvaient pas contacter le staff, alors ils marcheraient jusqu’au point de rencontre et ce serait le dernier effort qu’il ferait de la journée. « Pourquoi ils nous filent ces conneries si ça marche pas ? » Il avait haussé les épaules. « Je me le demande bien, soit on est malchanceux soit ça servait seulement à nous rassurer et penser qu’on pouvait les joindre en cas de problème. » Un stage en survie extrêmement sûr pour ses participants, donc. « C'était par où le camp ? » « Si tu comptes sur moi et mon sens de l’orientation inexistant… » Il y avait de fortes chances pour qu’ils ne réussissent jamais à rentrer à bon port. Mais il semblait n’y avoir aucune autre option, l’organisation de l’événement semblant de plus en plus bancale. Diego s’était passé une main dans les cheveux pour réfléchir un instant avant d’apercevoir quelque chose. « Non mais Sara il y a des panneaux avec des flèches qui indiquent comment rentrer ! » Il suffisait simplement de les suivre et le mexicain espérait grandement que cela soit l’assurance d’une porte de sortie et que, au même titre que les talkie walkie, ces flèches n’étaient pas sabotées. Après plusieurs kilomètres - quelques centaines de mètre seulement à vrai dire - de marche, le frère et la soeur avaient retrouvé le camp et avaient pu valider cette étape qui leur servirait à obtenir le précieux diplôme. « Bien joué hermanita. » avait-il lancé en levant sa main pour qu’elle vienne taper dedans, un sourire se dessinant sur son visage à l’idée de ce moment de complicité presque inespéré compte tenu du ton de la journée. Sur ce point, l’aventure avait finalement été une réussite.