ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
Un doux parfum embaumait la maison du 32 Parkland Boulevard tandis que raisonnait une mélodie fredonnée. Cela faisait bien longtemps que le lieu n'avait pas respiré autant le calme et la sérénité. L'endroit était resté terne et triste durant de longues semaines, assommé par la perte de l'enfant chéri, dépourvu du rayon de soleil qu'était Maria. Les habitants des lieux n'avaient été que l'ombre d'eux-même, la matriarche – surtout elle – passait son temps à errer comme une âme en peine dans cette bâtisse qu'elle ne supportait plus. Depuis quelques temps néanmoins, Maritza semblait avoir retrouvé un peu d'apaisement. Bien sûr il lui arrivait encore de s'effondrer dans son lit le soir, mais le reste du temps, elle arrivait à se changer les idées, à avancer. A petits pas, lentement mais dans la bonne direction.
Ce jour-là la mexicaine n'avait pas travaillé. Elle avait obtenu une journée de repos qu'elle avait mis au profit pour... Nettoyer sa propre maison. Où qu'elle se trouve, il semblerait qu'elle n'était bonne qu'à ça. Elle avait donc passé sa matinée à récurer la cuisine et la salle de bain, à passer l'aspirateur et la serpillière et à faire toutes les lessives en retard qu'elle avait. Cela l'avait occupée jusqu'au milieu de l'après-midi. Rien n'était venu perturber sa motivation, pas même Etna, la chienne de Sergio, qui semblait avoir compris que la cinquantenaire ne l'appréciait pas spécialement. Elle avait passé une bonne partie de la journée à gambader dans le jardin. Maritza était restée seule toute la journée et cela lui avait fait un bien fou. Alejandro était à l'école et le soir il allait dormir chez un ami. Elle l'avait autorisé à y aller, acceptant peu à peu de lâcher un peu de lest à son fils qui entrait désormais dans l'adolescence. Elle savait aussi que Sergio ne serait pas là le soir-même puisqu'il avait un rendez-vous d'affaires, enfin c'était ce qu'il lui avait dit mais avec son ancien mari elle ne pouvait jamais être sûre. Cesar ne semblait pas avoir l'intention de rentrer et Sara avait déménagé depuis quelques semaines. La mère se retrouvait donc seule un vendredi soir. Si d'ordinaire cela aurait été un soulagement pour elle, pas cette fois.
Une idée avait donc germé dans son esprit. Elle allait faire une surprise à Sara ! Depuis qu'elle était partie vivre dans sa coloc, la jeune femme n'avait toujours pas convié sa mère à lui rendre visite. Maritza allait réparer cette erreur, qui ne devait pas en être une. Elle avait donc passé l'après-midi à cuisiner un plat typiquement mexicain : Des enchiladas. Elle savait qu'en amenant à manger à sa fille cette dernière serait plus encline à la laisser entrer chez elle. Mari avait mis tout son cœur à l'ouvrage et avait pris plaisir à cuisiner. L'odeur qui s'échappait de la cuisine aurait d'ailleurs donné faim à n'importe qui. Toujours en chantonnant, la mère glissa le plat dans le four et fila dans la salle de bain prendre une douche. Ce soir, elle se ferait belle pour sa fille et rien que pour elle.
Il était environ 19h30 lorsque Maritza se gara devant chez Sara. Un immense sourire ornait son visage alors qu'elle s'apprêtait à sonner, son plat dans une main, une bouteille de vin dans l'autre. La mère resplendissait. Elle finit par appuyer sur la sonnette, et lorsque la porte s'ouvrit lança un : « Surprise ! » enjoué. Sa bouche resta néanmoins ouverte tandis que ses sourcils se fronçaient. Devant elle ne se trouvait pas Sara mais un homme. Un homme qui lui disait étrangement quelque chose. Soudainement tout lui revint avec force en tête. Surprise elle articula : « Jo ? » Le doute n'était pas permis, cet homme, c'était bien celui qui l'avait ramassée à la petite cuillère à l'hôpital lorsqu'elle avait fait sa crise. Que faisait-il ici ? Etait-il l'un des colocataires de sa fille ? Maritza sentit ses joues s'empourprer et s'empressa d'ajouter : « Je... Je viens voir Sara, elle est ici ? » Quelle idée de débarquer à l'improviste dans une colocation ! C'était parfaitement stupide.
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Il n’apprendra jamais. Il a dix pouces : cinq d’entre eux se sont brûlés, les cinq autres cherchent un moyen d’éteindre le feu qui enveloppe tout le fond de sa poêle. Il ressemble à un chaton coincé au milieu d’un incendie alors qu’il attrape n’importe quel objet qui lui passe sous la main. Une boîte de céréales ? Mauvaise idée. Une bouteille de jus d’orange ? Il a entendu quelque part qu’il ne fallait pas combattre le feu et l’huile avec un autre liquide. Une serviette ? Oui, une serviette, ça devrait le faire. D’un bond, il se dirige vers les toilettes pour arracher de son crochet la serviette violet de Stella. Tant pis, il lui en achètera une autre encore plus jolie et moelleuse, avec des marguerites à sa bordure. Lorsqu’il revient dans la cuisine, il constate que la flamme est tout aussi vorace : elle a gobé la peinture du mur derrière le four et une coulée noire pleine de petites bulles frétillantes en fend sa surface. Cette fois, il ne le retient pas, celui-là : « P’TAIN D’MEEEERDE ! » Il jette enfin la seule solution qu’il a trouvée (la serviette) sur la poêle et son épaisseur recouvre aisément tout le terrain hasardeux. Le feu s’éteint, de la fumée s’élève en volutes grises et recouvre le plafond de la cuisine, ainsi que le détecteur de fumée qui… ne détecte absolument rien. Voilà une technique infaillible pour déterminer si la batterie d’un tel appareil fonctionne toujours. La première chose qu’il fait après avoir retrouvé son souffle, c’est d’envoyer un message à la conversation de groupe de la colocation – à laquelle Dina ne répond qu’une fois sur dix.
Jo Le détecteur de fumée n’a plus de batteries, btw. On en a de rechange ?
Bon. Joseph ne mangera visiblement pas de poulet ce soir. Il devrait creuser dans plusieurs couches de calciné et il n’est pas certain d’avoir assez d’appétit pour s’aventurer dans cette direction. Laissant un jet d’eau tiède couler sur sa main endolorie, il contemple sa solitude, songeant à abandonner pour ce soir et à se contenter de céréales. Au moins, il aura fait des efforts. Ce n’est pas demain qu’il lancera sa carrière de chef. Dans toute cette malchance, il peut se réconforter : personne n’a été témoin de son petit numéro de cirque. Pas même les voisins qui se seraient certainement inquiétés s’ils avaient entendu une alarme se déclencher. Non, cet échec restera son petit secret. Il trouvera bien une excuse pour la serviette brunie de Stella.
On sonne. Les yeux de Joseph s’écarquillent. Il retire sa main du robinet et l’essuie avec délicatesse contre un papier de coton. Sa peau est rougie, boursoufflée, mais il ne croit pas avoir besoin de faire un tour aux urgences. Son corps a résisté à bien plus fatal que cette brûlure. « J’arrive ! » Qu’il hurle au milieu de la pièce, comme si la personne qui vient de sonner allait l’entendre à cette distance. Il lâche un dernier juron après avoir sondé la cuisine puis il se dirige vers la porte d’entrée qu’il ouvre d’un coup. « Surprise ! » Il reste bouche-bée de découvrir une femme qu’il reconnait aussitôt – sa mémoire est autant un cadeau empoisonné qu’une bénédiction. Ceci dit, il ne se souvient pas lui avoir dit où il habitait, et il pensait encore moins la revoir. « Jo ? » « Maritza ? » Qu’il répond en empruntant la même intonation, davantage par instinct que par moquerie. Non, il ne se moquerait pas d’elle. Il ne comprend tout simplement pas ce qu’elle peut bien faire sur son tapis d’entrée. « Je... Je viens voir Sara, elle est ici ? » Son œil balaie le contenant dans sa main droite puis la bouteille de vin dans sa gauche. Sa tête bascule sur le côté tandis qu’il tente de lier A et B. Nope. Il ne comprend pas ce qu’il se passe, mais il peut au moins répondre à sa question. « Non, elle est sortie ce soir. Cinéma ou un truc du genre, j’ai pas trop suivi. Elle ne reviendra pas avant 23h, qu’elle a dit. » Il la dévisage un peu plus, ouvre la bouche, la referme, hésite. « Qu’est-ce que… Vous faites ici ? Vous connaissez Sara ? » Une amie, peut-être. Loin de Joseph le réflexe d’envisager qu’il peut faire face à la mère de sa colocataire. Ça lui donnerait une énième raison de ne pas se trouver à sa place, dans cet appartement sans rides.
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
« Maritza ? » La matriarche s'empourpra en entendant son prénom. Qu'elle se souvienne du sien n'avait rien de surprenant, il était celui qui lui était venu en aide suite à sa crise de nerfs ou de folie – sans doute les deux – mais elle aurait souhaité qu'il oublie le sien. Cet événement ne faisait pas partie de ceux qu'elle souhaitait voir graver dans le marbre mais force était de constater que l'incident avait été assez marquant pour que Jo ne l'oublie pas. La mexicaine avait toujours les mains tendues alors qu'elle balbutiait maladroitement qu'elle cherchait Sara. Le regard du garçon passa d'une de ses mains à l'autre. Il ne semblait pas vraiment comprendre ce qu'elle faisait ici mais cela n'avait rien de surprenant. Qui débarquait à l'improviste de la sorte ? « Non, elle est sortie ce soir. Cinéma ou un truc du genre, j’ai pas trop suivi. Elle ne reviendra pas avant 23h, qu’elle a dit. » Mari se pinça les lèvres regrettant amèrement de ne pas avoir appelé sa fille avant. Faire une surprise semblait être une bonne idée sur le papier, mais en pratique cela se révélait être un parfait échec. Ses doigts se crispèrent un peu plus sur la bouteille et sur le plat alors qu'elle ne savait plus ce qu'elle devait faire. Le sourire éclatant qu'elle avait arboré en sonnant à la porte venait de laisser place à une moue gênée. La cinquantenaire ne savait plus où se mettre ni même comment faire marche arrière. Elle s'apprêtait à s'excuser et à rebrousser chemin lorsque Jo lui demanda : « Qu’est-ce que… Vous faites ici ? Vous connaissez Sara ? » L'un des sourcils de la brune se haussa alors qu'elle cherchait à voir s'il plaisantait, se moquait d'elle ou s'il était parfaitement sincère dans sa question. Quelques secondes lui suffirent pour qu'elle saisisse qu'il n'avait véritablement pas fait le lien entre les deux femmes. Maritza était un peu surprise, on lui avait souvent dit que sa fille lui ressemblait. Elle esquissa un léger sourire et répondit : « C'est l'une de mes filles. » Son bras qui tenait la bouteille de vin retrouva sa place le long de son corps tandis qu'elle poursuivait : « Je voulais la surprendre mais il faut croire que c'est l'inverse qui s'est produit... ». Penser que Sara se trouverait chez elle un vendredi soir était d'une naïveté sans nom. S'il s'était agi d'Alma, la probabilité de la trouver dans son appartement aurait été grande mais Sara... Sara était un oiseau de nuit, une véritable pile électrique. Elle avait toujours besoin de sortir, de s'amuser, de faire la fête.
Un soupir glissa hors des lèvres de Maritza qui commençait à faire un pas en arrière lorsqu'elle sentit une odeur de brûlé. Elle fronça les sourcils et hésitante lui dit : « Je crois que votre nourriture est en train de brûler. » Elle ne cherchait pas à se moquer ou à le mettre face à ses échecs mais plutôt à l'encourager à vite retourner dans la cuisine. Son arrivée impromptue avait dû perturber ses plans et Jo avait sans doute oublié qu'il était en train de faire à manger. Les yeux de Maritza descendirent finalement le long des bras du garçon et un petit cri lui échappa en remarquant sa main rouge et boursouflée : « Vous vous êtes brûlé ! » Sans vraiment réfléchir, elle posa la bouteille et le plat à leurs pieds et avec délicatesse prit la main du jeune homme entre ses doigts fins. Elle passa avec douceur le bout de son index sur la blessure et instantanément elle sentit la pulpe de sa peau se réchauffer. « Venez, on va arranger ça. » proposa-t-elle sa main toujours entre les siennes. Son regard doux accrocha le sien et à cet instant-là elle se rendit compte qu'elle dépassait sans doute les bornes. Elle laissa retomber mollement la main de Jo et sentit que son visage rosissait de nouveau. Si un doute pouvait peut-être subsister à la fin de leur première rencontre c'était désormais sûr : il devait penser qu'elle était totalement folle.
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La surprise est réciproque. Si Joseph avait eu à parier sur le visage qu’il découvrirait en ouvrant la porte, il aurait misé aucun dollar sur celui de Maritza qui se décrit pourtant tout en douceur à la lueur des dernières lumières de la journée. Il paraît abasourdi pendant un moment, mais c’est parce qu’il n’arrive pas à comprendre comment ses pas ont pu le mener jusqu’à lui. Enfin ; il se doute qu’elle ne s’attendait pas non plus à tomber sur lui en frappant à cette porte. Quel genre d’adulte comme lui se retrouve en collocation avec des jeunes qui viennent à peine de terminer les études ? « C'est l'une de mes filles. » Alors il vit avec la fille de cet étrange personnage qui s’est effondré en larmes devant lui à l’hôpital. Quelles avaient été les chances ? Il pensait qu’elle aurait fait partie de ces gens qu’il ne croisera qu’une seule fois dans sa vie. « Je voulais la surprendre mais il faut croire que c'est l'inverse qui s'est produit... » Un gloussement secoue sa poitrine tandis qu’il acquiesce. « Effectivement. » Que lui dire, maintenant que la déception est tombée ? Sara n’est pas là ce soir et Joseph ne pense pas qu’elle reviendra de sitôt. Il ne pourra pas répondre à ses besoins, alors il s’apprête à lui souhaiter une bonne soirée mais elle l’interrompt avant qu’il n’ait le temps de tirer un autre mot. « Oh. La fumée. » Il grimace en regardant autour de lui. Il s’était habitué à l’odeur et à la sensation de brûlure dans ses yeux qu’il avait presque oublié son précédent accident dans la cuisine. « J’crois qu’il est trop tard pour s’inquiéter. C’est déjà brulé. Le poulet s’est transformé en gros tas de charbon. » Qu’il admet avec embarras, se passant la main dans la barbe. Ce n’est pas en lui racontant cette mésaventure qu’il arrivera vraiment à l’impressionner - mais pourquoi chercherait-il à l’impressionner, de toute façon ? « Vous vous êtes brûlé ! » Il avait oublié, ça aussi. C’est fou comme un événement inattendu peut complètement casser le fil des pensées. « C’est rien, ça n'fait pas mal. » Il s’attelle à la rassurer, mais la voilà à tendre les doigts pour lui attraper la main, tandis qu’il se mord la lèvre inférieure pour dissimuler son étonnement. Pendant un moment qui semble éternelle, un silence apaisant flotte au-dessus de leur tête ; il est interrompu par le léger rictus que tire Joseph lorsque le doigt de Maritza effleure la boursoufflure brûlante qui déforme sa paume. « Venez, on va arranger ça. » Leurs regards se croisent et, si l’espagnole semble intimidée, lui, il s’empêche d’émettre le moindre commentaire. Même son visage est tendre et invitant, parce qu’il ne veut pas qu’elle se sente mal d’avoir laissé parler son instinct maternel. Ça lui réchauffe le cœur de constater qu’elle s’inquiète pour lui alors qu’il survivra à cette blessure comme à toutes les autres avant. « Ouais, d’accord. » Qu’il lance sans la laisser s’enfoncer dans sa gêne plus longtemps. Si ça peut lui faire plaisir de prendre soin de lui, qui serait-il pour l’en empêcher ? Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas senti ce genre d’attention rivée sur lui. Se poussant sur le côté, il ouvre un peu plus le battant de la porte pour la laisser entrer dans cet appartement qu’elle devrait déjà connaître. « N’oubliez pas votre plat et la bouteille sur la véranda. On dirait une bonne cuvée. » Des paroles lancées en l’air au hasard : il n’y connait rien en vin et il se contente d’avaler ce qui lui fait pétiller la cervelle, sans s’assurer de la qualité du produit. Marchant à reculons vers les toilettes, où se trouve la trousse de premiers soins, il pointe son plat en vitre avec intérêt : « Qu’est-ce que c’est ? » Du poulet qui n’est pas complètement brûlé ?
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
Si Maritza était mortifiée à l'idée d'avoir débarqué à l'improviste chez Jo, ce dernier semblait plutôt amusé par la situation comme le prouvait le gloussement qu'il laissa échapper lorsqu'elle lui dit que c'était elle qui était surprise et non sa fille. Le sourire du garçon détendit quelque peu la mère qui se rendait peu à peu compte que tout son corps entier était crispé. Ses muscles retrouvèrent néanmoins leur réflexe de se contracter lorsqu'elle sentit l'odeur de cramé qui embaumait les lieux. Ce fut néanmoins au tour de Maritza de rire lorsqu'il lui expliqua : « J’crois qu’il est trop tard pour s’inquiéter. C’est déjà brulé. Le poulet s’est transformé en gros tas de charbon. » Elle se mordit la lèvre, retenant un rire plus franc. Elle ne voulait pas qu'il le prenne mal ou qu'il ait l'impression qu'elle se moquait de lui. Elle appréciait juste sa franchise quant au fait que le plat était raté. « Ce ne peut pas être si terrible que cela » murmura-t-elle persuadée qu'il exagérait la situation. Peut-être que la peau du poulet serait un peu trop noire mais il lui suffirait de l'enlever.
Le moment d'apaisement et de futilité fut vite interrompu lorsque la mexicaine remarqua la main brûlée du jeune homme. Ses réflexes de mère, mais surtout de femme protectrice – sans doute trop – reprirent le-dessus. Elle n'avait pas pu s'empêcher d'attraper sa main. Pourtant l'homme qui se trouvait face à elle n'était plus un enfant, loin de là. Ils ne se connaissaient pas assez pour qu'elle se permette ce genre de gestes, qu'elle s’immisce ainsi dans sa sphère privée. Alors qu'elle se décomposait peu à peu et qu'elle s'apprêtait à prendre ses jambes à son cou, il la prit au dépourvu en acceptant : « Ouais, d’accord. » Un sourire ravi et rassuré éclaira alors le visage de la brune qui était soulagée de savoir qu'elle allait pouvoir lui prodiguer quelques soins, même les plus élémentaires soient-ils. Finalement il se décala sur le côté, l'invitant à entrer. Elle hésita quelques secondes. Que dirait Sara lorsqu'elle apprendrait que sa mère s'était rendue chez elle alors qu'elle était absente ? Mari n'avait jamais mis un seul orteil dans les lieux et voilà que la première fois où elle allait le faire, elle se trouvait avec un presque inconnu qui se trouvait être le colocataire de sa fille. Elle était persuadée que Sara ne la croirait jamais. A tous les coups sa fille allait s'imaginer qu'elle avait agi ainsi pour fouiner un peu plus dans sa vie. « N’oubliez pas votre plat et la bouteille sur la véranda. On dirait une bonne cuvée. » Son regard se baissa sur ce qu'elle avait apporté et sans plus réfléchir, elle prit le tout dans ses mains. Elle haussa les épaules et gênée marmonna : « En fait je n'en suis pas sûre... Je n'y connais strictement rien en vin. » Si elle était une très bonne cuisinière elle ignorait tout des vignobles et des cépages. Elle savait juste qu'elle aimait le vin.
Maritza finit par passer le seul de l'entrée et observa Jo qui s'éloignait. Plantée dans l'entrée elle n'osait aller plus loin. Elle ne connaissait absolument pas les lieux et craignait de commettre un impair. « Qu’est-ce que c’est ? » Elle lui offrit un large sourire et répondit : « En effet. Des enchiladas au poulet et au bœuf. » Elle marqua une courte pause et précisa : « C'est un plat mexicain. ». Se sentant bien stupide plantée de la sorte, elle décida d'avancer un peu plus. L'odeur de brûlé et la fumée persistante lui indiquèrent le chemin à suivre pour déposer son plat et sa bouteille. Lorsqu'elle entra dans la cuisine elle se stoppa nette. « Oh ! » lâcha-t-elle les yeux quelque peu écarquillés. Le poulet était bel et bien mort, aucun doute n'était permis. La matriarche n'avait même pas besoin de jeter un coup d'oeil au plat pour en avoir la certitude. Elle s'approcha doucement, posa ce qu'elle avait entre les mains sur le plan de travail et observa le mur noirci par les flammes. Elle se mordit la lèvre, tourna la tête vers Jo et murmura : « Vous ne vous êtes pas loupé. » Pour la main, pour le plat, pour les dégâts. Elle lui montra d'un geste de la tête une chaise haute et l'invita à s'asseoir : « On réglera le problème des murs plus tard, d'abord votre main. » Maritza était une femme directive mais la voix douce et gentille qu'elle employait montrait bien qu'elle était là pour aider et pour rien d'autre. Et il était clair que Jo avait besoin d'un petit coup de main. « Montrez-moi ce que vous avez dans votre trousse » lui dit-elle en tendant sa main dans sa direction afin de récupérer le dit objet.
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« Ce ne peut pas être si terrible que cela » Elle le surestime. C’est flatteur, mais Joseph n’est pas plein d’espoir comme elle. Son manque d’expérience n’a d’égal que l’épaisseur de brûlé sur la chair de son poulet manqué. Il a pensé pouvoir chronométrer le temps de cuisson en utilisant seulement sa tête mais il s’est perdu dans l’exploration du second tome de Flowers in the Attic alors les minutes se sont écoulées à la même vitesse que les secondes. C’est l’odeur de fumé qui l’a enfin sorti de sa bulle, tandis que le piaf s’était transformé en un feu de la joie depuis au moins deux pages de lecture. « J’apprécie votre gentillesse, mais j’vous assure qu’il est si terrible que ça. » Il répond finalement en se pinçant les lèvres, calquant son envie de rire sur la sienne, aucunement humilié dans cette situation qui pourrait gêner ceux qui aspirent à devenir de grands chefs. Lui, ça n’avait jamais été sa voie et ce ne le sera toujours pas. Il a bien trop la tête dans les nuages pour aspirer améliorer sa méthode en cuisine. Il ne pense pas à ce qu’il fait ; il pense à ce qu’il fera après, emmêlant les étapes.
Il ne pensait pas qu’elle remarquait la boursoufflure rougie à sa main aussi rapidement. Il n’a pas l’habitude des observateurs. Il y a bien sa sœur qui s’inquiétait jadis, mais elle a rapidement réalisé qu’il collectionnait les blessures comme un collectionne les coquillages. Il a cessé de s’en faire. Alors quelle surprise, de voir la surprise dans les yeux maternels de Maritza. Ça le désoriente autant que ça apaise son petit cœur malade. Il ne laisse pas l’inconnu poser une barrière entre lui et elle : il accepte les soins qu’elle veut lui octroyer. Si ça peut lui faire plaisir... « En fait je n'en suis pas sûre... Je n'y connais strictement rien en vin. » Il laisse un gloussement soulever sa poitrine quand elle se confie sur son manque de connaissances en vin : « Moi non plus. J’disais ça comme ça, mais tous les vins ont le même goût selon moi. » À force de se brûler les papilles à coup d’alcool forts, il a du mal à distinguer les saveurs plus délicates. C’est sans compter la cigarette qui lui brûle la bouche tous les jours. En fin de compte, il pourrait peut-être le manger, le poulet, sans se rendre compte de la couche de brûlé ; ceci-dit, les enchiladas de Maritza semblent bien plus appétissants. « C'est un plat mexicain. » Ne connaissant pas vraiment les étiquettes de politesse, il a oublié de l’inviter à le suivre, ou à se départir de ses chaussures, ou qu’importe. Pour lui, elle peut faire tout ce qu’elle veut dans cet appartement auquel il n’a aucune attache. Ce sont des murs, des meubles et des objets inanimés qui l’entourent, rien qu’une visiteuse n’a pas le droit de toucher. « Z'êtes mexicaine alors ? » Qu’il ose essayer en lui faisant enfin signe de le rejoindre à la cuisine. Il n’est pas bien cultivé, Joseph, alors il prendra tous les indices qu’on lui tend pour ne pas faire une bêtise en lui inventant une nationalité. Maintenant qu’elle peut constater les dégâts dans la cuisine, il laisse s’échapper un rire franc pour lui montrer l’exemple : elle peut se moquer de lui, ça ne le dérangera pas. Il a repeint le mur en noir, elle a bien le droit de lui passer la remarque. « On réglera le problème des murs plus tard, d'abord votre main. » Comme un gamin obéissant (ce qu’il n’a jamais été), il se hisse sur la chaise que la cheffe désigne après avoir récupéré la trousse de soins au-dessus du lavabo. Ce doit être la nervosité qui agit sur lui ; il retrouve certains de ses tics, du grattage des poignets aux ongles grugés. La dernière fois qu’on a pris soin de lui, c’était pour tout autre chose. Une infection, là où il avait glissé une aiguille souillée. Rien de bien glorieux qu’il n’aimerait pas oublier. « J’vais la découvrir en même temps qu’vous, la trousse. » Il admet d’un ricanement, ouvrant la boîte blanche. Ce n’est pas la sienne. Elle était là avant son arrivée, c’était certainement Stella qui l’avait montée. « D’la crème, des pansements, un rouleau d’bandage, une paire de minuscules ciseaux... » Il énumère à voix-haute, son cœur s’agitant un peu en voyait ces objets aussi familiers que détestés. Quand il pose sa main sur le comptoir pour laisser Maritza observer la brûlure, il réalise qu’il dévoile aussi l’intérieur de son bras, pointillé de cicatrices ressemblant à des constellations. Mal à l’aise, il change aussitôt la position pour que ce soit l’extérieur de son bras qui s’expose. Mais elle n’est pas bien pratique, cette position, puisqu’elle cache la plus récente des blessures qui nécessite l’attention de son invitée inattendue. « J’crois qu’avec un peu d’crème magique, le problème s’ra réglé. » Il ne cherche qu’à raccourcir le moment pour que la page se tourne. « Et des enchalisdas. » Même si ce n’est pas comme ça que ça s’appelle.
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Elle avait souri lorsqu'il lui avait avoué à son tour : « Moi non plus. J’disais ça comme ça, mais tous les vins ont le même goût selon moi. » mais n'avait rien répondu de plus. Ils semblaient tous les deux être des novices dans le domaine du vin même si Maritza avait sans doute un peu plus d'expérience puisqu'elle se rendait bien compte que chaque vin avait un goût différent. Elle aurait aimé en apprendre plus, avait envisagé durant une période de sa vie de prendre des cours d'oenologie mais l'idée s'était évaporée aussi vite qu'elle avait traversé son esprit. Le manque d'argent, la barrière de la langue et de ses nuances, la peur d'être ridicule avaient tiré d'eux-mêmes une croix sur son projet. Elle se contentait donc de boire du vin et d'en apprécier le goût dès qu'il franchissait la barrière de ses lèvres.
Mari avait fini par entrer dans l'appartement, observant les murs, les tableaux, les plantes et tapis, son regard cherchant à détailler de manière discrète le lieu où sa fille vivait. Cela faisait des semaines que Sara s'était installée dans sa coloc pourtant sa mère n'avait jamais été conviée. Elle comprenait désormais que sa fille avait besoin d'espace, de prendre son envol et de vivre sa propre vie mais dire que cela ne faisait pas de peine à la matriarche serait mentir. Ses enfants, c'était tout ce qui comptait et importait pour elle. Maritza ne respirait que pour eux alors lorsque l'un des oisillons quittait son nid, elle avait comme l'impression qu'il emportait avec lui un peu de son oxygène. Jo l'avait tiré de ses pensées en lui demandant au loin : « Z'êtes mexicaine alors ? » Elle avait une nouvelle fois souri avec un brin de nostalgie avant de confirmer : « Oui, je suis née à Acapulco. Je vis en Australie depuis presque trente ans maintenant » qu'elle avait anticipé avant qu'il ne lui pose la question. Elle n'avait jamais remis les pieds sur sa terre natale et cela la rongeait parfois. Dans ses rêves les plus fous, elle se voyait prendre sa valise, foncer à l'aéroport et rejoindre les siens qui ne la reconnaîtraient sans doute plus, mais ce n'étaient que des rêves. En parlant elle avait avancé et avait débarqué sur les lieux du drame. La cuisine était dans un piteux état et la mexicaine n'avait pas su cacher sa surprise et son étonnement. Lorsqu'elle entendit l'homme rire à quelques pas d'elle elle fut rassurée de constater qu'elle ne l'avait pas blessé. Au contraire, son visage semblait avoir retrouvé quelques couleurs. Finalement son regard avait quitté le mur noirci afin de se poser à nouveau sur le visage de cet inconnu qui n'en était plus un. Sans opposer la moindre résistance il lui obéit et s'installa sur la chaise. Une fraction de seconde la brune fut surprise. Elle n'avait pas l'habitude qu'on fasse ce qu'elle dise après une première demande et surtout sans ronchonner. Ses enfants étaient tous faits sur le même moule : aussi têtus que leur père et que leur mère.
Elle s'approcha de lui, nota rapidement l'inconfort dans lequel il semblait se trouver. Si par ses paroles il donnait l'impression d'être détaché de la situation, parfaitement à l'aise avec l'idée qu'elle l'aide, dans les faits cela semblait différent. L'oeil avisé de la mexicaine avait vite repéré sa manière de se gratter les poignets, de se triturer les ongles. Les lèvres pincées elle se retint de lui dire qu'il n'avait pas à être gêné ou à se sentir honteux de quoi que ce soit. Ce n'était pas lui qui était entré dans une pleine crise d'hystérie au milieu d'une chambre d'hôpital, c'était elle. Si quelqu'un devait se sentir gêné, c'était bien elle, pas lui qui l'avait ramassée à la petite cuillère avec une bienveillance inattendue mais salvatrice. « J’vais la découvrir en même temps qu’vous, la trousse. » Les prunelles de Mari se posèrent sur la trousse de premiers secours et observèrent son contenu en même temps que Jo déballait le tout, tout en énumérant ce qu'il découvrait. Rapidement son esprit assembla les éléments, oui, elle pourrait faire quelque chose avec tout cela, aucun doute. Un soupir rassuré glissa hors de ses lèvres alors qu'elle s'apprêtait à prendre la crème. Jo tendit son bras et ce fut à cet instant-là qu'elle remarqua les stigmates de son passé. Elle ne dit rien, laissant ses yeux glisser le long de cet avant-bras qui semblait avoir souffert par le passé. Elle allait tendre sa main pour prendre la sienne mais il tourna son bras pour dissimuler ce qui devait être l'un de ses fardeaux. « J’crois qu’avec un peu d’crème magique, le problème s’ra réglé. » Elle esquissa un léger sourire, hochant la tête pour confirmer ses dires et se mit à rire lorsqu'il poursuivit : « Et des enchalisdas. » Elle releva la tête et taquine osa : « Pour les enchalisdas je ne sais pas mais par contre... pour les enchiladas je pense qu'en effet ça devrait fonctionner. » Elle se moquait gentiment et la délicatesse avec laquelle elle saisit son bras le montrait bien. Elle essaya d'appliquer la crème sur la blessure mais la position dans laquelle le bras se trouvait ne l'aidait pas. Elle hésita quelques secondes et puis finalement tourna le bras du garçon. Les marques apparurent alors une nouvelle fois. Maritza prit la crème et commença à badigeonner avec douceur le brûlure du garçon. Elle massa quelques secondes s'assurant que la crème imprégnait bien la peau. Lorsque ce fut fait, elle garda sa main entre la sienne un peu plus longtemps. Ses doigts libres glissèrent doucement sur les marques de Jo et elle murmura sans le regarder : « On a tous notre vécu, notre passé. Il n'y a aucune honte à avoir. » Elle ne le jugeait pas, ne lui poserait pas de questions à propos d'un sujet qu'il semblait vouloir voir disparaître, elle voulait juste qu'il comprenne qu'à ses côtés, il ne devait avoir peur ou honte de rien. Finalement elle laissa le bras de Jo retomber sur le comptoir, prit le rouleau, coupa une bande et commença à enrouler le tout autour de sa main. Après quelques manipulations, le pansement était fait. « Tadam ! » s'exclama-t-elle avec un sourire satisfait. Elle prit l'initiative de s'asseoir sur le tabouret qui se trouvait à côté du sien et son regard à nouveau planté dans le sien elle lui dit : « Pour pouvoir goûter à mon plat, il nous faut d'abord un verre. » Elle aurait pu lui demander s'il voulait manger avec elle, s'il était d'accord avec le fait qu'elle reste un peu plus longtemps avec lui mais sa façon de parler un peu plus tôt de son plat lui avait laissé entendre que l'idée le tentait. Mari ne savait pas pourquoi elle ne partait pas, pourquoi elle préférait passer sa soirée avec cet homme bien étrange qu'elle ne connaissait pas vraiment mais avec qui elle se sentait étrangement à l'aise. Pour une fois elle avait envie de faire taire son cerveau qui réfléchissait trop. Vivre l'instant présent c'était bien aussi. « Jo' c'est le diminutif de quoi ? Jonathan ? Joseph ? Joshua ? » questionna-t-elle sans préambule. A son tour d'être un peu curieuse.
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You don't have to say, what you did, I already know, I found out from him Now there's just no chance, for you and me, there'll never be
Puisque c’est la première fois que Joseph invite quelqu’un chez lui, n’ayant créché que dans des recoins qui ne lui appartenaient pas toute sa vie, il ne reconnait pas encore les étiquettes et c’est tout à fait naturellement qu’il se promène à droite, à gauche, en pensant que son invitée surprise comprendra qu’elle a le droit de le suivre. Le garçon ne connait pas le concept d’intimité et il n’a rien à cacher ici, plus depuis deux ans en tout cas. Ses parents n’avaient pas suivi les règles de la callipédie avant de le concevoir et sa liste de défauts se déroule jusqu’en Nouvelle-Zélande, mais il s’améliore. Son sac ne renferme rien d’inégal, ni poudre à canon ou poudre magique pour lui faire franchir les limites de la loi. Seulement une cuisine, dont il a brûlé les murs parce qu’il n’a pas encore la patte d’un cuisiner – il ne l’aura jamais, d’ailleurs. C’est normal pour lui de bombarder la jeune femme de question maintenant qu’ils partagent le même cocon, et aussi parce qu’en l’interrogeant elle pourra faire abstraction au désastre qui a eu lieu. « Oui, je suis née à Acapulco. Je vis en Australie depuis presque trente ans maintenant » Elle a deviné sa prochaine question avant qu’il ne la pose ; elle devait avoir l’habitude de cette succession logique. Suspendu au-dessus du comptoir, trouvant appui sur ses coudes, il suspend ses yeux à ses lèvres lorsqu’il demande : « Et ça te manque ? » Lui, il n’a jamais quitté ces terres australiennes qui l’ont accueilli mais l’idée de partir lui traverse souvent l’esprit. C’est son manque de ressources qui l’emprisonne à Brisbane, comme l’a fait la prison en 2016. La seule différence, c’est qu’il n’y a plus que des barreaux imaginaires qui restreignent ses mouvements. Il pourrait disparaître sur un coup de tête. Plusieurs l’ont fait dans le passé. Il trouverait un moyen de ne pas mourir, c’est ce qu’il fait de mieux ; mais il y a encore son sang qui le retient ici. Il se sent invincible depuis que même l’Enfer n’a pas voulu de lui cette fois où il a imposé à sa veine une trop importante dose de cocaïne. D’ailleurs, la cicatrice saille toujours au même endroit, semblable à une étoile faisant partie d’une constellation. Tandis qu’il expose son avant-bras sur la céramique, il est bien obligé de dévoiler cette erreur de parcours aux yeux de Maritza, dont l’expression change à peine. Il préfère changer de sujet pour empêcher la suite logique des événements. « Pour les enchalisdas je ne sais pas mais par contre... pour les enchiladas je pense qu'en effet ça devrait fonctionner. » Fronçant les sourcils, il hésite un instant, à moitié conscient de ce qu’il a dit. C’est un nouveau mot pour lui et son cerveau devra l’assimiler. Une fois qu’il aura goûté la saveur de ce plat méconnu, il saura certainement le reconnaître sans tracas. « Enchiladas. » Il répète d’un murmure en accrochant ses yeux à ceux de Maritza pour qu’elle approuve cette nouvelle prononciation. La situation, la trousse de premiers soins, cette leçon d’espagnol, il a l’impression de plonger dans un vieux souvenir d’enfance. Il a à nouveau huit ans, et il ne sait pas encore ce que la vie lui réserve. Cette innocence lui manque.
Il se crispe un peu lorsque la jeune femme retourne son bras pour améliorer la position. Il n’émet pas de de résistance, ne se permettrait pas de lui manquer de respect. Ce serait pire, s’il traitait ces cicatrices comme des secrets. Maritza pourrait s’imaginer des histoires bien pires qu’elles le sont (il y a toujours pire, dans la tête de celui qui a touché à tout). « On a tous notre vécu, notre passé. Il n'y a aucune honte à avoir. » Il se pince les lèvres en fixant le ruban de bandage qu’elle enroule autour de sa main meurtrie. La crème, récemment appliquée, prodigue à sa peau une sensation de picotement agréable. Il n’a pas l’intention de répondre parce qu’il ne veut pas que ce soit le tout premier portrait qu’elle se fasse de lui, dans sa mémoire. Certes, leur rencontre a été des plus uniques, mais il préfère qu’elle se souvienne de la présence dont il a pu faire preuve lorsqu’elle s’est effondrée au plus bas, pas des années d’addiction qui entachent la vie de Joseph. « Tadam ! » Il reprend sa main et frotte le bandage pour tester sa solidité. Elle savait comment s’y prendre. Elle avait fait ça avec une main d’infirmière. « Merci, on n’aura pas b’soin d’amputer grâce à toi ! » Son ton n’est pas moqueur. Il est plaisantin. « Pour pouvoir goûter à mon plat, il nous faut d'abord un verre. » Il s’apprête à pointer l’armoire de verres avec son doigt mais un doute le retient à la dernière seconde. Il se frotte l’arrière du crâne avec embarras. : « Tu crois pas que Sara va nous en vouloir si je mange sa portion ? » Il ne manquerait plus qu’elle se mette sa colocataire à dos. Déjà qu’il n’a pas fait la meilleure impression avec Stella, qui lui reproche tant de choses alors qu’il ne fait que respirer. Ce doit être écrit dans son front : élément perturbateur.
Partir à la recherche de coupes de vin est une aventure en soit. Il n’en utilise jamais. Elles trainent dans le fond de l’armoire, et il doit se tendre comme le cou d’une girafe pour les atteindre. Elles trouvent le chemin du comptoir après avoir zigzagué entre tous les autres verres fragiles. « Jo' c'est le diminutif de quoi ? Jonathan ? Joseph ? Joshua ? » Quelle surprise ! La majorité ne pense pas si aisément à son prénom. Il n’est plus aussi répandu qu’avant ; quoique, Maritza est plus vieille que lui (il croit) alors elle a dû en connaître d’autres. « Bien joué. C’est Joseph. » Il marque une pause, le temps de cherche un ouvre-bouteille dans le tiroir à ustensiles. « Pas très originaux, les parents, à l’époque. » Il se moque d’un ricanement en extrayant le bouchon de liège du goulot. Un pop annonçant le bon temps retentit. Il verse deux quantités égales dans les coupes. « Mais j’préfère que t’retires l’information d’ta tête. Appelle-moi Jo. Joseph et moi on s’entend plus trop. » La remarque est d’apparence innocente. Elle est même accompagnée d’une grimace clownesque. Tout pour prétendre être une nouvelle personne.
Trinquant avec Maritza, il avale enfin une gorgée du rouge. Il n’a pas besoin de prendre son temps pour en analyser la robe, la texture, la saveur… il a le même goût que tous les autres. « Il est bon. » Parce que tous les alcools coulent bien sur sa langue. À son tour de recueillir un peu plus d’œufs du panier de son invitée : « As-tu d’autres enfants avec qui tu aurais pu partager ces… Encha… Enchiladas ? » Ouf, de justesse.
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
Lorsqu'elle avait évoqué le Mexique, Jo lui avait tout naturellement demandé si cela lui manquait. Son regard s'était voilé de nostalgie alors qu'elle revoyait les plages de son pays, les terres de ses ancêtres, qu'elle revoyait ses parents, ses frères et sœurs, sa famille. Oui bien sûr que cela lui manquait. Terriblement même. Elle lui avait dit avec un doux sourire sans entrer plus dans les détails. Si elle pensait trop à cela, elle risquait de s'enfoncer dans les méandres du passé et ce soir elle n'en avait pas envie. Ce soir elle voulait juste profiter du moment, de cet échange imprévu, de ce rendez-vous qui n'en était pas un, de ce tête-à-tête qu'aucun des deux n'avait anticipé. Alors elle lui avait souri, une nouvelle fois, et puis elle s'était occupée de sa blessure avec toute la douceur qu'elle possédait. Ses gestes avaient été mesurés, précis, alors qu'elle prenait garde à ne pas lui faire davantage mal. Elle avait ri avec sa prononciation des enchiladas mais avait apprécié lorsqu'il avait répété une seconde fois en se corrigeant. Elle avait capté son regard qui cherchait son approbation et elle le lui avait donné avec un petit hochement de tête.
A la vue de ses cicatrices, Maritza avait compris que Jo n'avait pas eu une vie simple. Qui pouvait se targuer d'en avoir une ? Elle l'avait senti se crisper sous ses doigts, détourner le regard. Elle refusait qu'il se sente mal à l'aise chez lui, qu'il se sente gêné en sa compagnie. Elle n'avait donc pas hésité à le rassurer – ou du moins à essayer de le faire – en lui laissant entendre qu'elle n'était personne pour le juger. Une part d'elle aurait voulu savoir ce qui s'était passé mais la part la plus importante refusait de poser la moindre question. Elle ne supportait pas qu'on s’immisce dans sa vie, qu'on la questionne, qu'on fouille, qu'on cherche à creuser. C'était son jardin secret, un moment de sa vie qu'il n'avait pas envie de partager et Maritza ne le comprenait que trop bien. Elle ne s'était donc pas attardée sur le sujet, en avait profité pour terminer les soins en affichant un immense sourire dès que le bandage fut fini. « Merci, on n’aura pas b’soin d’amputer grâce à toi ! » Elle fit une petite grimace et haussa les épaules sous-entendant que rien n'était moins sûr. Néanmoins, le coin de sa bouche qui se soulevait en un petit rictus montrait bien qu'elle plaisantait.
L'ambiance s'était à nouveau détendue et Maritza en avait profité pour réclamer un verre de vin. Jo s'apprêtait à aller en chercher un lorsqu'il s'arrêta et lui demanda : « Tu crois pas que Sara va nous en vouloir si je mange sa portion ? » Elle haussa un sourcil et l'observa quelques instants. Sara se fichait bien du fait qu'il mange sa part, elle n'était d'ailleurs pas au courant que sa mère lui avait préparé un dîner. Par contre ce qui risquait de la contrarier c'était d'apprendre que sa mère avait passé la soirée chez elle, sans la prévenir, et surtout avec l'un de ses colocataires. A tous les coups elle allait l'accuser d'avoir voulu soutirer des informations à Jo sur sa vie privée alors que ça n'était absolument pas le cas. La matriarche haussa les épaules et répondit : « Mais non ! Elle n'avait qu'à être là. Et puis, mes enchiladas elle les connaît par cœur. » Le sourire encourageant et rassurant qu'elle lui adressa convainquit Jo d'aller leur chercher des verres. Alors qu'il semblait parti en pleine expédition, la Gutiérrez se permit de le questionner sur son prénom. Un sourire victorieux barra son visage lorsqu'il lui dit qu'il s'appelait en effet Joseph. « Pas très originaux, les parents, à l’époque. » Elle rit doucement et ajouta : « Oh tu sais l'originalité parfois... C'est pas ce qu'il y a de mieux. » Elle avait nommé son premier fils : Roderick. Quand elle y pensait, ils avaient sérieusement merdé avec Sergio. Pas étonnant que l'aîné de la fratrie ait toujours préféré qu'on l'appelle « Rudy ».
Bientôt un verre se trouva sous son nez et instinctivement elle sentit le bouquet qui s'en dégageait. « Mais j’préfère que t’retires l’information d’ta tête. Appelle-moi Jo. Joseph et moi on s’entend plus trop. » Elle releva la tête, croisa son regard et esquissa un sourire discret. Ce Jo était bien mystérieux, elle devait bien l'admettre. Elle pencha la tête sur le côté et murmura : « Très bien, ce sera Jo dans ce cas. » Elle n'était pas contrariante Mari, surtout que du peu qu'elle le connaissait, elle l'appréciait beaucoup. Il avait été d'un secours indéniable et elle n'avait aucune envie d'entacher ce lien qui était en train de se créer. Elle tendit son verre pour trinquer avec lui. Alors que Jo buvait sa première gorgée et commentait le vin, elle prit son temps pour sentir les aromates, but une gorgée et acquiesça à son tour. « As-tu d’autres enfants avec qui tu aurais pu partager ces… Encha… Enchiladas ? » Elle reposa son verre, sourit face à cette question qui ne l'étonnait guère. Comment allait-il réagir en apprenant qu'elle avait de nombreux enfants ? Elle ne répondit pas tout de suite, se leva, alluma le four sans demander l'autorisation et remit le plat dedans. Il fallait les réchauffer un peu afin d'en apprécier la véritable saveur. Elle retourna sur son tabouret haut, but une nouvelle gorgée puis tendit la main afin que Jo lui donne la sienne. Elle la prit entre ses doigts fins, et leva le pouce de Jo : « Il y a Rudy, mais il est parti, nous ne sommes plus en contact. » son regard s'était assombri, signe qu'elle n'avait pas envie de parler de lui. Elle souleva son indexe : « Il y a Diego, mais il est de garde à l'hôpital », elle continua la liste, en soulevant à chaque fois l'un de ses doigts. Au final elle les énuméra tous : Alma, Sara, Cesar, Alejandro. Elle s'arrêta, garda sa main au creux de la sienne. Sans lever le regard vers lui, son doigts dessina machinalement dans la paume de sa main et elle murmura : « Et puis il y avait Maria. » Ses doigts se resserrèrent autour des siens. Elle finit par rompre le contact et porta une nouvelle fois son verre jusqu'à ses lèvres. Il lui fallut un certain temps avant de pouvoir le regarder une nouvelle fois dans les yeux. Lorsqu'elle y parvint cependant, elle lui offrit un sourire sincère et ajouta : « Mais je crois que je n'aurais pas pu espérer meilleure compagnie pour goûter ce plat. » Elle le pensait, véritablement. Ca lui faisait un bien fou de sortir de sa zone de confort, de rencontrer de nouvelles personnes. D'être Maritza, juste Maritza et non pas la mère de famille nombreuse, débordée par les tracas de la vie. Elle hésita quelques instants puis demanda : « Et toi ? Des enfants ? Une petite amie ? ». Elle ne l'avait pas quitté des yeux, comme si sa réponse pouvait venir tout chambouler, comme si elle avait véritablement besoin de savoir. Elle ne savait même pas pourquoi elle tenait tant à entendre ce qu'il allait lui dire. Sa réponse changerait-elle le cours de ce repas ? Elle l'ignorait. L'odeur du plat qui réchauffait vint chatouiller ses narines. Elle murmura : « Je crois qu'on va bientôt pouvoir manger... ». Elle se sentait étrangement apaisée en sa présence, il y avait chez lui quelque chose d’envoûtant sans qu'elle ne sache vraiment ce que c'était. Dans tous les cas, Mari passait un agréable moment et son sourire qui n'avait de cesse de se dévoiler en était la preuve.
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Je suis vraiment désolée pour le retard J'ai absolument pas su gérer Marley ET Maritza pendant les battles N'hésite pas à me dire si je n'ai pas assez relancé le sujet
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« Mais non ! Elle n'avait qu'à être là. Et puis, mes enchiladas elle les connaît par cœur. » C’est vrai, ça. C’est son problème, à force de disparaître tous les soirs pour faire on-ne-sait-quoi ; que pense Joseph, comme s’il avait le droit de la traiter comme sa fille alors que ce n’est pas du tout le cas. Il se demande quel genre de père il ferait. Il n’avait jamais pris le temps de se poser la question, bien trop occupé à courir dans tous les sens pour assurer sa survie dans un monde qui l’avait autant accueilli que rejeté. Non, Joseph n’avait pas encore trouvé sa place et il ne savait pas encore quand le temps viendrait. En attendant, il peut seulement rire du passé, ainsi que de son prénom, qu’il n’a jamais aimé puisqu’il représente quelque chose en quoi il n’a jamais cru. « Oh tu sais l'originalité parfois... C'est pas ce qu'il y a de mieux. » Il y avait des limites à respecter, certes, mais le meilleur était : « Un juste milieu, c’est parfait. » Dans tous les cas, même si Maritza connait maintenant son prénom sur toute sa longueur, il s’empresse de préciser qu’il préférerait qu’elle s’en tienne à Jo. Il se sent bien plus près de cette identité-là parce que c’est lui qui l’a choisie quand il a commencé à se présenter lorsqu’il avait enfin laissé son passé derrière lui. Le jour où il a fait un trait sur ses parents, il a aussi gommé son prénom de sa tête.
Comme le garçon n’a jamais aimé parler de lui – il n’a rien de coloré à raconter – il préfère porter toute son attention sur celle qui le nourri ce soir avec des enchiladas qui ne seront partagés qu’entre eux. Il est curieux de savoir si Sara est son unique fille ou si elle est mère d’une grande famille. Une lueur curieuse traverse les yeux de son interlocutrice et il fronce les sourcils, les lèvres entrouvertes, souhaitant lui voler l’information avant qu’elle ne s’écoule d’elle-même. Docile, il la laisse accaparer sa main et se fait porter par son petit jeu improvisé. Il s’attend à un décompte long puisqu’elle a besoin de ses cinq doigts… Et peut-être plus ? « Il y a Rudy, mais il est parti, nous ne sommes plus en contact. » Oh, il y a tant d’histoires qu’il n’entendra jamais, il le sent. L’énumération commence à peine, mais ça ne l’empêche pas de se perdre à travers tous ces prénoms qu’elle lui offre pour lui partager un morceau de sa vie. « Il y a Diego, mais il est de garde à l'hôpital » Le même hôpital dans lequel ils se sont rencontrés, Joseph et Maritza ? Il ne peut pas demander qu’elle continue d’étendre la liste de ses enfants qui ne paraît pas vouloir terminer. Il devait y avoir beaucoup de cadeaux sous le sapin durant le temps des fêtes ; s’il s’agit d’une tradition qu’ils fêtent dans leur culture. Joseph n’en sait rien. « Et puis il y avait Maria. » Son regard surpris laisse place à la tendresse. Il se pince les lèvres et acquiesce silencieusement. Ils n’ont pas besoin de parler de cette petite dernière qui n’a pas eu de chance. Même lorsqu’elle lâche ses doigts, il a l’impression de sentir son étreinte chaude se prolonger sur son épiderme. Il prend sa propre main pour emprisonner ce contact invisible pour se réconforter et le garder à tout jamais de façon égoïste. « Mais je crois que je n'aurais pas pu espérer meilleure compagnie pour goûter ce plat. » Il en doute fortement, mais il n’en tirera pas un mot. Il n’a pas besoin de se faire réconforter, Joseph. Il n’est plus un enfant. « Tu vas m’endoctriner, et j’aurai envie de goûter toutes les autres spécialités qu’tu sais préparer. » Il se retient de justesse à lui dire qu’il serait heureux de pouvoir rencontrer tous ses enfants, mais il se doute que ce ne serait pas vraiment approprié. S’il y a sept enfants, il y a un père quelque part. Il fait tache dans l’équation, il se doute bien. De toute façon, il ne laisse pas ses idées dévier vers une éventualité interdite. Il n’a plus l’âge de la drague et des regrets le lendemain.
« Et toi ? Des enfants ? Une petite amie ? » Cette façon qu’elle a de le fixer de peur de le voir disparaître l’intrigue. Il ne va pas s’enfuir si elle tourne le regard un instant – pourtant, il se sent précieux, même s’il peine à y croire. Personne ne l’avait regardé de cette façon depuis l’éternité. Que se passe-t-il ? Reprenant ses esprits, il secoue la tête. « Eum, non, rien de tout ça malheureusement. » Il aurait dû taire ce dernier mot mais il fait maintenant partie de son vocabulaire. Il avale une gorgée de vin qui a le même goût que tous les vins afin de s’éclaircir la gorge. « J’ai pas été très chanceux à c’niveau-là. » Il est tombé amoureux plusieurs fois mais ça n’a jamais fonctionné. Il a enchainé les peines de cœur comme des petits pains chauds, puis s’est convaincu que ce n’était pas un univers qui l’accueillerait de toute façon. Il est cassé et préfère éviter de devenir un fardeau pour quiconque. C’est son boulot, de recoller les morceaux.
« Je crois qu'on va bientôt pouvoir manger... » Se redressant sur son tabouret, il se frotte les mains ensemble pour exprimer son impatience. Il est prêt à mordre dans ces enchiladas et à découvrir la saveur du paradis sur Terre. Il laisse Maritza dégarnir le plat du papier d’aluminium et part chercher deux assiettes et des couverts qu’il pose sur la table. Il hésite entre une grande cuillère et des pinces pour servir les rouleaux et, dans le doute, il apporte les deux. Il la laisse s’occuper du transfert dans les assiettes car il craindrait de ne pas s’y prendre de la bonne façon. Une fois tous les deux installés à table, ils peuvent commencer la dégustation. Bien sûr, dès la première bouchée, Joseph est conquis. Il en faut peu pour impressionner ses papilles gustatives habituées aux sandwichs de supermarchés préemballés, mais il est certain de manger un plat d’origine divine. « C’est encore meilleur que c’que j’croyais qu’ça allait être. » Grammaire et syntaxe à revoir, mais pas ce soir. « Il va falloir qu’tu m’donnes la recette. Sauf si Sara la connait déjà ! » Elle aurait caché ce secret à toute la collocation pour ne pas avoir à faire le diner tous les jours ? Fort possible. « Ce s'rait sûrement mieux si c'tait l'cas, vu comment mon poulet a fini tantôt... »
Il veut en savoir plus sur elle, mais se refuse de poser la question qui vole pourtant librement dans son esprit depuis qu’il sait que Maritza est la mère d’une immense brochette d’enfants. « Qu’est-c’qu’tu fais dans la vie, alors ? T’as le temps d’bosser malgré tout ? » Malgré tous ces gamins, oui.
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
« Un juste milieu, c’est parfait. » Elle avait souri, parfaitement d'accord avec lui mais en se disant qu'elle ne savait pas faire. Être modérée ne faisait pas partie de ses attribues. Maritza était toujours dans les extrêmes qu'ils soient positifs ou négatifs. Lorsqu'elle était tombée amoureuse de Sergio, elle l'avait instantanément aimé avec passion. Lorsqu'elle s'était sentie trahie, elle l'avait détesté de toute son âme. Lorsqu'elle avait appris que Sara avait fait un tour par la case commissariat, elle était entrée dans une rage folle, n'hésitant pas à la faire partir de son travail plus tôt afin de régler ses comptes. Lorsqu'elle avait perdu Maria, elle était entrée dans une profonde dépression. Lorsqu'elle avait rencontré Joseph... Elle avait fait une crise d'hystérie et de folie, confondant une fillette innocente avec sa fille décédée. Non, Maritza n'avait pas de demi-mesure, ne savait pas ce qu'était le juste milieu. Preuve en était qu'au lieu de simplement écrire à sa fille pour lui demander si elle pouvait venir la voir, elle avait préféré débarquer, une bouteille à la main, un plat dans l'autre, se souciant peu de savoir si sa visite lui ferait plaisir ou non. Maritza était impulsive parfois même irréfléchie mais elle agissait toujours avec le cœur.
Vint le moment où elle lui présenta sa « petite famille », là non plus il n'y avait pas de demie mesure. Les Gutiérrez étaient nombreux et alors que la majorité des familles choisissait de n'avoir que deux ou trois enfants, Mari avait poussé le vice jusqu'à en avoir sept. Elle jouait avec ses doigts lorsqu'elle lui énumérait un à un les prénoms de ses enfants, son regard navigant entre sa peau et le regard de Jo posé sur elle. La mexicaine se demandait ce qui pouvait bien lui traverser l'esprit. Le garçon ne disait rien, semblait concentré sur ce qu'elle lui racontait, pendu à ses lèvres, à moins qu'il ne soit trop sous le choc pour dire quoi que ce soit. Dans tous les cas, Maritza jouait carte sur table. Elle n'avait plus vingt ans et n'avait pas l'intention de mentir sur sa vie ou sur les siens. On l'appréciait telle qu'elle était ou l'on passait sa route. C'était quelque chose qu'elle avait enfin compris et accepté en vieillissant. Elle n'avait plus de temps à perdre avec des faux-semblants, la vie pouvait bien trop rapidement basculer d'un côté comme de l'autre. Elle finit par lui rendre sa main, laissant la sienne retomber sur le plan de travail. « Tu vas m’endoctriner, et j’aurai envie de goûter toutes les autres spécialités qu’tu sais préparer. » Un sourire ravi glissa sur son visage alors qu'elle le mettait en garde : « Attends de goûter avant... » peut-être qu'il n'aimerait pas les plats mexicains. Après tout, elle était une excellente cuisinière mais les goûts et les couleurs de chacun variaient inlassablement, c'était toute la beauté de l'être humain. Elle pencha la tête sur le côté, cherchant à sonder son âme, à lire derrière ce regard qui la calmait tant. Finalement la curiosité lui brûla les lèvres et elle ne put s'empêcher de demander. Elle voulait savoir, en avait besoin. Elle n'aurait su dire pourquoi mais Mari voulait savoir si quelqu'un partageait la vie de l'homme qui était assis non loin d'elle. Le temps qui s'écoula entre sa question et sa réponse lui parut durer une éternité si bien qu'elle regretta presque de s'être montrée si intrusive. « Eum, non, rien de tout ça malheureusement. » La lèvre supérieure de la matriarche frémit quelque peu. Tout se bouscule en elle alors que ses pensées s'entrechoquent. Deux pôles s'affrontent : celui satisfait et heureux de savoir qu'aucune femme ne partageait sa vie et celui attristé de voir que cette situation sans famille le peine. Elle ne sut pas quoi dire, eut envie de glisser sa main dans la sienne pour la lui caresser avec tendresse mais ne fit rien. Elle ne voulait pas qu'elle pense qu'elle avait de la pitié pour lui. Ce n'était pas ça, de la compassion tout au plus mais surtout de la compréhension. Elle ne savait pas ce qu'elle aurait été si tous ses enfants n'avaient pas couru à ses côtés. Elle le laissa boire une gorgée de vin en silence sans jamais le quitter du regard. Il poursuivit : « J’ai pas été très chanceux à c’niveau-là. » Elle comprit alors qu'il y avait eu des histoires ou au moins une, et qu'elles ne s'étaient pas bien terminées. Elle aurait voulu lui remonter le moral, trouver les bons mots mais elle savait qu'il n'y en avait aucun dans cette situation. Elle aussi avait senti son monde s'écrouler lorsque Sergio avait mis les voiles, et aucune des paroles qu'on avait pu lui dire à l'époque n'avait su lui redonner le sourire. Au contraire, cela l'avait remplie de rage et d'amertume, qu'ils s'occupent tous de leurs affaires et qu'ils la laissent gérer sa vie, ses sentiments et ses émotions comme elle l'entendait.
Incapable de dire quoi que ce soit, elle lui sourit simplement puis finit par se lever afin d'aller chercher le plat dans le four. Alors qu'elle se penchait pour récupérer le repas, elle le vit se lever et dresse la table. Ce petit geste la fit sourire. Ils ne se connaissaient pas depuis très longtemps pourtant tout paraissait si simple et si naturel. Si quelqu'un était entré dans la cuisine à ce moment-là, sans doute aurait-il pensé assister à une scène du quotidien. Elle posa le plat sur un dessous de plat sur la table – afin de ne pas y mettre le feu – et prit une pince amenée par Jo. Elle leur remplit à chacun leur assiette puis à l'aide de la cuillère versa de la sauce par-dessus. Elle s'installa en face du garçon, et planta sa fourchette dans son assiette, soufflant dessus afin de ne pas se brûler la langue. Alors qu'elle faisait ce geste, elle ne put s'empêcher d'observer Jo. Elle avait hâte qu'il prenne une première bouchée, hâte de voir sa réaction. Celle-ci ne tarda pas puisque déjà il croquait dans les enchiladas. Sans s'en rendre vraiment compte, la mexicaine retint sa respiration, inquiète que le plat ne lui plaise pas. Nerveusement, elle haussa un sourcil pour lui demander ce qu'il pensait : « C’est encore meilleur que c’que j’croyais qu’ça allait être. » De soulagement elle expulsa l'air qu'elle avait bloqué dans ses poumons et finit par manger à son tour. Ses joues venaient légèrement de s'empourprer alors que pour la première fois depuis un bon moment, elle détournait le regard. « Il va falloir qu’tu m’donnes la recette. Sauf si Sara la connait déjà ! » Elle rit doucement à cette remarque et lui dit en souriant : « Oh elle te dira qu'elle ne sait pas les faire pour ne pas avoir à cuisiner mais crois-moi... Elle sait. » Les plats de Sara n'étaient peut-être pas aussi bons que les siens mais cela ne les empêchait pas d'être fortement appréciables. « Ce s'rait sûrement mieux si c'tait l'cas, vu comment mon poulet a fini tantôt... » Elle faillit s'étouffer avec sa nouvelle bouchée en l'entendant et but une gorgée de vin pour faire passer le tout. Elle regarda par-dessus son épaule pour constater une nouvelle fois les dégâts sur le mur auparavant blanc. « Je t'aiderai à nettoyer avant de partir... » Elle n'avait pas envie de penser à son départ, pas dans l'immédiat en tout cas, mais elle savait comment enlever ces tâches brunâtres.
« Qu’est-c’qu’tu fais dans la vie, alors ? T’as le temps d’bosser malgré tout ? » Comme bien souvent lorsqu'on lui pose la question, Maritza baissa la tête et fixa son assiette. Machinalement elle joua avec sa fourchette et les aliments qui s'y trouvaient. Parler de son métier était paradoxal. Elle avait à la fois honte d'être ce qu'elle était mais elle était aussi très fière de pouvoir dire qu'elle parvenait à subvenir aux besoins de sa famille. Elle but une nouvelle gorgée de vin comme pour se donner du courage et répondit : « Des ménages... La cuisine... Le repassage... De la garde d'enfants. Je suis un peu la bonniche du coin » souffla-t-elle. Elle releva le visage, se pinça les lèvres et admit : « C'est sexy hein ? » Elle plaisantait, comme pour détendre l'atmosphère, ne prenant absolument pas garde à la portée de ses propos, aux sous-entendus qui pouvaient s'y glisser. Elle reprit une bouchée d'enchiladas et demanda à son tour : « Et toi ? Tu es concierge à l’hôpital non ? Pourtant... » Elle le revoyait penché par-dessus le lit de la petite fille, elle le revoyait faire le robot, faire rire aux éclats cette enfant malade... « Pourtant tu as un don pour rendre le sourire aux gens. Et pas seulement aux enfants... » le geste accompagnant la parole, elle lui offrit un sourire sincère, reconnaissant et d'une douceur inouïe. « T'es un rayon de soleil Jo » confessa-t-elle, sentant une nouvelle fois ses joues s'empourprer.
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Quelle drôle sensation, que de parler du passé comme si Joseph avait eu la chance d’en avoir un similaire à Maritza. Il ne s’était jamais trop posé la question. À quel point la normalité aurait pu lui manquer ? Il a vécu sa vie sans s’arrêter dans les recoins du « et si ? ». Il n’a jamais eu la chance de penser à son futur, était condamné à seulement espérer que son cœur continue de battre le lendemain matin. Alors, l’idée d’une famille, d’une femme et d’enfants à élever lui a traversé l’esprit seulement quand la drogue ne l’embrouillait plus. Devenir lucide était une sorte de cadeau empoisonné. Certes, il ne se bousillait plus la santé, mais parfois il se surprenait à laisser s’étendre ses réflexions dans le dédale de l’infinité. Chaque point d’interrogation en apporte un autre. Il commence à comprendre pourquoi certaines personnes ont besoin de croire en quelque chose pour ne pas virer fou.
Ce soir, il peut se permettre d’oublier ce que c’est, de trop réfléchir. La simple présence de la maman dans sa cuisine arrive à combler les trous qui perforent le fil de ses pensées. La conversion se déroule dorénavant comme un ruban à la surface parfaitement lisse, et ça lui plaît, de se perdre dans le regard d’une femme sans craindre de lui apporter la misère. La conversation est légère. Personne ne perdra un œil ou la chance de voir une journée de plus. Même, Joseph offre à ses papilles gustatives le luxe d’un plat jamais goûté auparavant. Il n’a jamais été bien difficile en termes de saveurs. Il s’est toujours contenté des miettes, mais ce qui réchauffe sa langue en ce moment, ce n’est pas de simples miettes. Un éventail de parfum mexicains, d’épices jamais testées, la sauce tomate qui n’a pas seulement été versée d’une conserve. Maritza sait cuisiner, comme Deborah certes, mais l’inspiration n’est pas cherchée au même endroit. « Oh elle te dira qu'elle ne sait pas les faire pour ne pas avoir à cuisiner mais crois-moi... Elle sait. » Ricanant, Joseph opine du chef, tel le colocataire conscient qu’il est. Rares sont les occasions ou un plat est préparé en grand, pour nourrir tout l’appartement. C’est souvent chacun pour soi. De toute façon, avec les horaires distordus de Joseph, ce serait impossible de faire autrement. « Je t'aiderai à nettoyer avant de partir... » Oh, elle n’est pas obligée. Il doit bien apprendre à nettoyer son bordel pour enfin sortir de l’adolescence. Mais… Elle l’a proposé si gentiment. « C’est gentil, merci. Avec un peu d'chance, personne saura que j'ai foutu le feu. »
Le reste de la conversation est guidé par le naturel d’un repas partagé. Curieux, Joseph a envie de savoir ce qu’une maman aux cent enfants arrive à faire quand elle n’a pas de bouches à nourrir ou de conseils à partager. « Des ménages... La cuisine... Le repassage... De la garde d'enfants. Je suis un peu la bonniche du coin » Aucun jugement dans le regard de celui qui a testé tout un tas d’emplois moins bien vus par la société. Il n’en fait pas partie, de cette société pleine de jugements. « C'est sexy hein ? » Il pouffe. « Tu poses la question à quelqu’un qui passe sa journée à nettoyer des vomis. Ya pas d’sous-métier. Bien sûr que c'est sexy. » Ils nettoient derrière les autres, tous les deux. Joseph ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème. Il trouvera toujours le positif, même dans une mare remplie de fluides humains peu hygiéniques. Peut-être qu’il sent de mauvaises odeurs, mais au moins il respire encore. « Et toi ? Tu es concierge à l’hôpital non ? Pourtant... » Il hausse un sourcil curieux en appréhendant la suite. « Pourtant tu as un don pour rendre le sourire aux gens. Et pas seulement aux enfants... » Observant ses yeux un à un, il semble un peu perdu. Ce n’est pas le genre de caractéristique qu’on lui attribue généralement. Joseph le rayon de soleil ? Oh, non, pas du tout. Il se considère plus proche du météore qui percute des planètes plutôt que l’immobile soleil qui réchauffe tous ses mondes. « Oh… » Il bredouille devant la confession de Maritza, observateur de ses joues rouge cerise. Il rougirait certainement lui aussi s’il n’avait pas le teint aussi naturellement blafard. Il a posé sa fourchette pour mieux penser. Qu’est-ce que cette vague de compliments signifie ? Il ne faut pas lui en vouloir, de ne pas comprendre, il ne vient pas d’un univers où le charme se fait de manière aussi subtile. Il a eu l’habitude des approches osées, des mains à sa ceinture sans consentement, des regrets qui viennent ensuite, s’il n’a pas complètement oublié la nuit passée à crier à l’amour faux. Il va chercher son vin pour avaler une longue gorgée. « J’essaye tout simplement d’faire d’mon mieux. » Pour éponger une dette, ou pour faire la paix avec son enfance cauchemardesque. Un peu des deux. « Excuse-moi, j’ai pas l’habitude mais… » Il déglutit, se frotte la barbe, légèrement mal à l’aise de devoir poser cette question. « Est-ce que tu… complimentes tout l’monde comme ça ? » Voit-il des signaux où il ne devrait pas en voir ? Ou tente-t-elle d’explicitement initier des rapprochements ?
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Contrairement à ce qu'elle avait pensé, Joseph ne repoussa pas sa proposition pour l'aider à nettoyer le mur et cela fit plaisir à Maritza. Elle ne l'aurait pas laissé seul avec les dégâts qu'il avait causés et n'avait aucune envie de devoir marchander ou négocier durant des heures avant qu'enfin il n'accepte son aide. « C’est gentil, merci. Avec un peu d'chance, personne saura que j'ai foutu le feu. » Elle avait souri en affirmant : « Ils n'y verront que du feu. » et fière de son petit jeu de mots elle avait gloussé. Elle n'était pas certaine de pouvoir rendre au mur sa couleur d'origine mais elle savait qu'elle pourrait faire disparaître les taches. Il y avait peu de chance que l'un de ses colocataires remarque l'incident, en tout cas Sara ne le verrait sans doute pas. Sa fille était bien trop active et speed pour se rendre compte d'un changement minime au niveau d'un mur. Elle n'était pas certaine que la jeune Gutiérrez se soit ne serait-ce qu'un minimum investie dans la décoration de cet appartement. Ce qu'elle voulait, c'était quitter le nid familial, rien de plus.
La conversation continua, chacun se confiant naturellement à l'autre sans cacher quoi que ce soit. Maritza eut un peu de mal à reconnaître qu'elle n'était qu'une simple femme de ménage, elle se sentait parfaitement ridicule pourtant la réaction de Jo l'apaisa. Il se mit à pouffer et à lui faire remarquer qu'il n'était pas la personne la plus appropriée pour juger ou critiquer quoi que ce soit : « Tu poses la question à quelqu’un qui passe sa journée à nettoyer des vomis. Ya pas d’sous-métier. Bien sûr que c'est sexy. » Elle avait à son tour souri. Il ne faisait pas que cela. Bien sûr il avait été engagé pour effectuer ces tâches ingrates pourtant il faisait bien plus, elle l'avait vu à l'oeuvre, elle avait observé la magie fonctionner. Il avait illuminé le visage de cette enfant malade, avait réussi à la sortir de sa maladie l'espace de quelques minutes. Par la suite il avait réussi à la calmer, elle qui était en pleine crise de nerfs. Il ne se rendait sans doute pas compte que sa présence et sa façon de faire allégeaient sans l'ombre d'un doute le quotidien de tout le personnel soignant de l’hôpital. Naturellement alors Maritza appuya sur ses points en les soulignant. Elle vit bien qu'il était surpris, qu'il ne voyait vraiment pas de quoi elle parlait. Devant sa mine gênée et surprise, la mexicaine ne sut pas vraiment comment réagir. Elle termina une bouchée et but une longue gorgée de vin lui laissant ainsi le temps d’emmagasiner ce qu'elle venait de lui dire. Après un temps qui lui parut durer une éternité, il concéda : « J’essaye tout simplement d’faire d’mon mieux. » Ca elle n'en doutait pas. Elle regrettait simplement le fait qu'il ne se considère pas à sa juste valeur, mais qui était-elle pour le lui dire ? Une parfaite inconnue qui avait débarqué par deux fois de manière impromptue dans sa vie. Rien de plus.
La discussion prit une tournure bien différente lorsqu'il lui dit après avoir bu son verre de vin : « Excuse-moi, j’ai pas l’habitude mais… » Le fait qu'il s'arrête, qu'il se frotte la barbe de manière gênée interpella Maritza. Quel faux pas venait-elle de faire ? « Est-ce que tu… complimentes tout l’monde comme ça ? » Une nouvelle vague de chaleur glissa jusqu'au visage de la matriarche qui, prise au dépourvu venait de donner un coup dans son verre. « Mierda » jura-t-elle en espagnol avant de se lever pour aller chercher une éponge. Qu'est-ce qu'elle pouvait être idiote par moments. Elle nettoya la table alors que ses pensées se bousculaient, qu'était-elle en train de faire ? Une fois qu'elle eut terminé, elle remit l'éponge dans l'évier et se rapprocha de la table. Elle planta son regard dans celui de Jo et murmura : « Je ne complimente que ceux qui le méritent... ». Quelque chose l'attirait chez cet homme, c'était indéniable. Elle n'aurait su dire si c'était son naturel avec elle, sa façon de la regarder ou bien sa gentillesse mais elle se sentait à l'aise en sa présence. Tout lui paraissait simple. En parfaite opposition avec Sergio. Etait-ce pour cela qu'elle agissait de la sorte ? Elle murmura une nouvelle fois : « Je suis désolée si je t'ai mis mal à l'aise. » et finit par baisser le regard. Cherchant à s'occuper et à combler le silence qui pour la première fois depuis qu'elle était en sa compagnie, Mari commença à débarrasser la table. Elle empila les assiettes et les couverts et se dirigea jusqu'à l'évier. Elle commença à faire couler l'eau chaude et en profita pour s'adresser à Jo, dos tourné à lui. « Je ne sais pas ce que je fais Jo. Je suis perdue ces derniers temps... » Elle marqua une courte pause, nettoya les couverts qu'elle posa dans l'égouttoir et acheva : « … Je sais juste que j'aime passer du temps avec toi. » Une confession qui lui brûlait les lèvres, qui n'engageait à rien de particulier mais qui faisait battre son cœur un peu plus vite. Elle ne savait pas ce qu'elle cherchait avec lui, ne savait pas pourquoi elle agissait ainsi, elle savait juste qu'il avait réussi à la rendre heureuse ce soir.
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Les problèmes ont été remis à plus tard. Et, chanceux qu’il est, Joseph aura même un peu d’aide pour nettoyer cette pagaille qu’il a faite dans la cuisine en tentant de faire cuire un poulet. Ça lui apprendra à vouloir économiser en n’achetant pas la volaille précuite au marché. Il aura perdu les sept dollars dépensés sur ce poulet entier ayant terminé sa vie à la poubelle. Le pauvre. « Ils n'y verront que du feu. » Le pouffement qu’il lâche est on-ne-peut plus vrai. Il était obligé d’admettre que c’était le genre de jeu de mot ridicule qui le faisait rire.
Si on lui avait demandé de tenter de prévoir quelle couleur aurait sa soirée, il aurait misé tout faux. Il s’était attendu à une fin de journée solo avec un poulet cuit à la perfection dans son assiette ; il s’était retrouvé avec des enchiladas et d’un peu de compagnie. De Sara, Maritza avait hérité des yeux (ou c’était le contraire, plutôt…) mais leur personnalité étaient complètement opposées. Le saut des générations, ou un père absolument différent de sa femme. Joseph aimerait bien soulever la question du papa mais il craint semer le doute en emmenant la discussion dans cette direction. Il n’a pas l’intention de se montrer intéressé par cette femme apparue à l’improviste chez lui. Il la trouve belle, comme il trouve belle toutes les femmes de son âge, parce qu’il n’a jamais été très exigeant. De toute façon, il est souvent aveugle au physique. Il cherche la lumière cachée dans la poitrine des autres, ne se fie pas aux apparences. Ce serait hypocrite de sa part de le faire. Lui-même n’affiche pas le plus beau portrait. Abimé par la vie, les épreuves. Sa toile n’est qu’un douloureux souvenir des étapes qu’il a franchies de peine et de misère. Mais il s’est toujours relevé, peu importe ce qu’on disait de lui. Il a dû prendre des décisions difficiles. Elles sont si nombreuses qu’elles ponctuent son agenda au même titre que son horaire de travail. C’est devenu une habitude de sacrifier un peu de bon pour mieux. Ainsi, il a cessé de prendre des nouvelles de sa sœur qui a, de toute façon, pris elle aussi une décision. La famille n’existe plus. Dans leurs veines coulent encore le même sang, mais l’un n’est plus vivant dans les yeux de l’autre. Un sacrifice qu’il a fait, encore, pour considérer les enfants de sa sœur avant lui-même. Ils ont un avenir grand ouvert devant eux. Lui, il commence à apercevoir le périmètre de sa pierre tombale à quelques kilomètres de là. Alors non, il se fiche bien du physique, parce que à la fin c’est le cœur battant qui compte.
Du côté de Maritza, Joseph jurerait qu’elle est en train de semer quelques indices pour qu’il les attrape avec son filet. Il ne faut pas lui en vouloir de ne pas le comprendre aisément. La drague ne fait plus partie de son petit manuel d’instruction. Il doit poser la question sans passer par des détours. Il veut connaître les intentions de la mexicaine parce qu’il n’a plus de temps à perdre avec les malentendus et les conversations de sourds. Sa franchise la surprend et son coude percute le verre d’alcool qui se répand sur les napperons. « Mierda » Lèvres pincées, il l’observe s’empourprer et activer sa productivité, la rassurant : « C’est rien. » Il n’en a rien à faire de la saleté et des taches. Le liquide coulera où il doit couler. Mais Maritza n’est pas du même avis. Elle a sûrement l’habitude de nettoyer après tous ses enfants. Ce n’est pas un réflexe que Joseph peut avoir. Cependant, par respect, il l’aide en s’activant à son tour. Il laisse les émotions retomber et repose un regard sans pression sur la femme quand elle reprend là où la conversation s’était abruptement interrompue : « Je ne complimente que ceux qui le méritent... » Il se retiendra de dire qu’il ne pense pas le mériter ; il a appris à taire ce genre de pensées. Ça ennuie les gens. Personne ne veut le croire. Mais, lui, il sait, même s’il ne convaincra personne. Se posant contre le comptoir, il l’écoute sans s’offusquer. « Je suis désolée si je t'ai mis mal à l'aise. » Cette fois, il lâche un petit rire. Pas pour se moquer d’elle, au contraire. « C’est pas possible d’me mettre mal à l’aise. » Si ça peut la rassurer, il mettra l’emphase sur ce fait. Un type qui n’a jamais eu d’intimité n’apprend pas à devenir pudique. Il la suit du regard tandis qu’elle se met à ramasser la table pour balayer sa nervosité. Elle fait des vas-et-viens dans la cuisine, l’étourdit. « Je ne sais pas ce que je fais Jo. Je suis perdue ces derniers temps... » Son œil suit attentivement le mouvement des mains de Maritza quand elle enfonce l’éponge dans un verre. La mousse est abondante. Se rend-t-elle compte qu’elle a mis beaucoup trop de savon ? « … Je sais juste que j'aime passer du temps avec toi. » Il relève le nez et la couvre d’un sourire taquin. « Et c’est pas grave, tu sais. C’pas ça, l’important ? De faire les trucs qu’on aime faire quand on en a l’opportunité ? » Il hausse les épaules, ne cherchant pas à compliquer cet instant si simple. Cependant, il y a un détail qu’il ne peut s’empêcher de soulever maintenant que les cœurs ont été levés. La question du père. Elle semble flotter au-dessus d’eux, les observe, juge les choix qui pourraient prendre Maritza.
« Est-c’que t’es aussi nerveuse parc’que t’as l’impression d’être en train d’trahir quelqu’un ? »
Et, si c’est le cas, il la laissera choisir sans intervenir. C’est sa responsabilité. Elle sait ce qui est bon pour elle. Lui, il n’est qu’un pion dans l’échiquier de la reine.
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La légèreté s'était envolée depuis quelques minutes désormais. Le poulet brûlé ainsi que la tache noirâtre qui brunissait le mur semblaient être des discussions bien lointaines. Maritza s'était laissée portée par le vent, par les battements de son cœur et par les mots de Jo. Pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité, elle n'avait rien anticipé, n'avait rien calculé, n'avait pas cherché à analyser quoi que ce soit, elle s'était laissée vivre sans prendre le temps de penser aux éventuelles conséquences. Jo l'avait ramenée sur terre, mettant des mots sur son comportement qui laissait entendre qu'il y avait sans doute plus. Cela l'avait prise au dépourvu, elle qui n'avait plus été séduite par un homme depuis longtemps. Or, devant les assiettes qu'elle frottait désormais avec une concentration optimale, elle se rendait bien compte de ce que son cœur un peu trop emballé voulait lui dire : Jo lui plaisait, plus qu'il ne l'aurait dû. La mexicaine tentait de garder la face mais la mousse qui commençait presque à déborder de l'évier prouvait bien qu'il ne s'agissait que d'une illusion. Elle était tout simplement perdue et craignait d'avoir fait n'importe quoi. La situation lui échappait totalement et elle peinait à remettre de l'ordre dans ses pensées. Ca elle pouvait le lui dire, et ce fut ce qu'elle fit sans jamais plus le regarder. Jo ne tarda pas à lui répondre, cherchant sans doute à la rassurer : « Et c’est pas grave, tu sais. C’pas ça, l’important ? De faire les trucs qu’on aime faire quand on en a l’opportunité ? » Elle avait suspendu son geste, laissant l'eau couler entre ses doigts fins alors que son regard perdu balayait ce qui se trouvait dans le fond de l'évier. Sans doute avait-il raison mais cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas agi de la sorte, avec désinvolture, avec une certaine liberté. Si elle avait été une jeune femme fougueuse, intrépide et irréfléchie, cela faisait des années que cette partie de sa personnalité s'était éteinte. A moins qu'elle ne se soit simplement mis au repos ? Navigant dans ses pensées qui s'entrechoquaient, Maritza n'eut pas le temps de lui répondre que déjà il la questionnait à nouveau : « Est-c’que t’es aussi nerveuse parc’que t’as l’impression d’être en train d’trahir quelqu’un ? » Ses doigts se crispèrent sur l'éponge alors qu'elle avait de plus en plus de mal à déglutir. Il lui fallut quelques secondes avant d'enfin pouvoir lâcher ce qu'elle tenait.
Lentement la matriarche se retourna pour faire face à Jo. Le dos collé à l'évier, ses mains dans son dos afin de pouvoir s'accrocher à quelque chose, elle observa son visage de longues secondes avant de se pincer les lèvres et de répondre : « On n'est plus ensemble. Depuis des années mais... » elle marqua une pause, avala sa salive et puis reprit : « … ce sera jamais vraiment terminé avec lui. » Lorsqu'elle entendit sa voix prononcer ces paroles, elle eut l'impression qu'une pierre tombait dans le fond de son estomac. Elle s'était voilée la face durant des années concernant Sergio mais la vérité était là : elle l'aimerait toujours, quoi qu'il fasse, quoi qu'il se passe entre eux. Ca la rendait malade de ressentir ce genre de sentiments, ça la rendait folle de ne pas parvenir à passer à autre chose, de ne pas pouvoir tirer un trait sur leur histoire bien trop chaotique pour pouvoir être véritablement saine. Décidant que Jo méritait mieux que cela, qu'il méritait qu'elle lui dise ce qu'elle ressentait réellement, elle lui dit sans prendre de détour : « J'ai envie de t'embrasser. » Son regard n'avait pas quitté le sien à cet instant-là alors que les pulsations de son cœur avaient drastiquement augmenté. Elle ne rougissait plus désormais comme si avouer ce qu'elle pensait l'avait libérée. Elle poursuivit : « J'ai envie de t'embrasser mais ça ne serait pas juste si je le faisais. Pas juste parce que demain je ne serai plus là. » Si Jo lui avait dit qu'il fallait profiter de chaque opportunité, faire les choses dont on avait envie, elle ne pouvait pas faire ça. Il ne méritait pas qu'elle lui vole un baiser, qu'elle prenne sa tendresse pour au final ne plus revenir. Il n'était pas un objet dont elle pouvait se servir à sa guise. C'était un homme bien qui méritait plus de respect qu'une vulgaire cinquantenaire qui après cette soirée retomberait inlassablement dans les bras de son ancien mari. Les secondes s'égrainèrent avant que Mari ne poursuive : « Du bicarbonate et du vinaigre blanc » en faisant un signe de tête en direction du mur taché. Avec ce mélange, il y avait de grandes chances que Jo vienne à bout des traces noires qui recouvraient le haut de la gazinière. Finalement la brune souffla dans un murmure : « Je devrais y aller. » parce qu'il était évident que sa présence était désormais encombrante. Les non-dits n'existaient plus entre eux et Maritza avait du mal à voir comment ils pourraient rester dans la même pièce maintenant qu'elle avait fait ses aveux.
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Toutes mes excuses pour ce retard
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