does she mouth fuck you forever?
@Ruben Hartfield (crédit gif/harley)

Finalement, son besoin constant d’épater la galerie lui venait de quelque part, et c’était bel et bien de ses gènes. Leon et Anka étaient des papillons sociaux qui pensaient que leur cercle restreint d’amis, de connaissances, et autres collègues se devaient, à intervalles réguliers, d’être rappelés à l’ordre quant à l’importance qu’ils avaient dans leur vie millimétrée à la seconde près. C’est pourquoi, chaque année, depuis aussi loin que Mavis se souvenait, avait lieu un barbecue à échelle petite bourgeoisie dans la splendide demeure familiale du couple qui ne lésinait pas à mettre les petits plats dans les grands. Chacun d’eux laissait au bon vouloir de leurs employés de maison l’organisation du buffet et du reste, et se contentait de donner les ordres en s’accordant à distribuer les blâmes s’il y avait un quelconque manquement dans leur volonté pathétique d’impressionner leurs convives avec leur statut social, et  par conséquent, avec leur argent. Pour autant, c’était eux qu’on félicitait à chaque fois parce qu’en effet, c’était eux qui régalaient, non ? Mavis roula des yeux, percluse dans la cuisine ostensiblement spacieuse de la maison qui avait accueillie son enfance. Là, à siroter un verre de limonade aux agrumes tout en entendant sa mère rire aux éclats de l’autre côté de la baie vitrée ouverte, à quelques mètres à peine d’elle, elle se demanda s’il n’était pas trop tôt pour s’en aller. Elle était là par principe, pas par envie : pas uniquement parce que le cirque autour de ça la rendait complice d’une farce qu’elle ne trouvait pas particulièrement drôle, mais parce qu’il y avait des invités qu’elle n’avait pas envie de voir aujourd’hui.

Se calant pile avec ses pensées, comme un aimant attiré par sa moitié, Ruben rentra dans son champ de vision. Au loin, il ne la verrait sans doute pas, de fait elle resta un moment à le fixer en espérant quelque part que son radar se mettrait en route pour qu’il ose enfin lui accorder une oeillade. Elle le détestait à un point qu’elle n’aurait jamais cru possible ; à un point qui brouillait la limite entre la haine et l’amour d’ailleurs, si tant était qu’elle ressentait de l’amour pour lui, mais qu’en savait-elle finalement ? Son estomac avait tendance à se nouer trop fort chaque fois qu’elle repensait à la manière dont s’était terminé leur dernière dispute, et ce que lui avait inspiré l’attitude du jeune homme à qui elle n’adressait quasiment plus la parole depuis. Elle ne comprenait pas pourquoi tout ça l’avait autant blessée. Il n’avait ni fait ni dit plus qu’il n’en avait l’habitude, néanmoins quelque chose avait cédé en elle quand elle avait compris qu’il la traitait sûrement aussi mal qu’il traitait Nina. Elle avait toujours su qu’elle n’était qu’une suppléante Mavis, elle n’avait jamais voulu être que ça, mais dans ce rôle-ci, elle voulait avoir l’exclusivité. Peut-être qu’elle était trop perspicace, sauf que les paroles du docteur lui avait fait réaliser que ce n’était certainement pas le cas. Les reins appuyés contre le comptoir derrière elle, les bras croisés sur sa poitrine subtilement enveloppée d’une traînée de satin brillant, son verre levé devant ses lèvres qu’elle roula l’une sur l’autre en continuant de fixer Ruben, elle se demanda un instant s’il ressentait la manque autant qu’elle le ressentait ; quand il tourna la tête dans sa direction pendant que cette pensée-ci la traversait, elle détourna le regard en prétendant reprendre une gorgée de son verre qu’elle avala par à-coup en se retournant, finissant par se décoller de son coin de cuisine et rejoindre le patio avec la nonchalance de ceux qui venaient de se faire prendre avec la main dans le pot de confiture. Ça ne l’empêcha pas de camper sur sa réflexion interne quand, s’avançant au milieu des convies, elle conclut qu’elle était sûre que oui, qu’elle lui manquait. Sinon pourquoi serait-il revenu vers elle pour lui proposer de participer à une conférence de neurochirurgie le mois prochain ? Elle se fourvoyait sans doute, mais il y avait sous cette manoeuvre quelque chose de sous-jacent qui ressemblait assez à une tentative désespérée d’attirer son attention. Et elle avait mordu à l’hameçon, parce que n’était-ce pas là la clause principale du contrat tacite qu’ils avaient passé l’année dernière ? Ce n’était pas une relation qu’elle avait voulu glaner en se rapprochant autant de Ruben, mais bel et bien des opportunités professionnelles privilégiées. Pour une fois, il respectait sa part du marché, à supposer qu’il y avait encore un marché entre eux puisque, par fierté, elle lui avait dit qu’il n’avait plus le droit de s’attendre à autre chose que de la collaboration — de la vraie — de sa part.

"Attention !" La mise en garde arriva trop tard, les réflexes de Mavis aussi. Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas débarquer de nulle part un serveur avec son plateau, et se prit de plein fouet les reliefs de plusieurs verres sur le devant de sa robe en satin crème qui devint camel quand le liquide engorgea le tissu sans crier gare. Il colla soudainement à sa peau par-dessous "Merde." murmura-t-elle pour elle-même, sentant soudain les regards se poser sur elle, et l’humiliation cuisante d’un manque de vigilance qui ne lui ressemblait pas la frapper aussi fort que cet incident. Forcée de sourire, elle leva une main devant elle tandis qu’elle voyait sa mère se diriger vers elle pour lui demander si tout allait bien. Déportant sa main levée vers elle, elle l’arrêta en lui disant "C’est pas un drame." Mais c’était pénible, se forçant à sourire de nouveau, elle annonça aux curieux qui la scrutaient, le galbe de sa silhouette entretenue se révélant sous l’épaisseur relative de sa robe "Tout va bien, retournez à vos amuse-bouches." fit-elle en désespoir de cause, ajoutant à l’encontre de sa mère qui s’approchait plus près encore "Maman, c’est bon. Je vais essayer de trouver de quoi me changer." Ses bras s’écartant pour estimer les dégâts, Mavis toupilla doucement pour remonter ses pas — et tomba nez à nez avec Ruben vers qui elle leva la tête avec les yeux légèrement écarquillés, un pas en arrière fait, cette fois-ci, avec des réflexes impeccables. Sa seconde réaction, ses yeux rencontrant les siens de fornt après plusieurs semaines à les éviter, ce fût de lui dire "Tu peux me laisser passer ?" Puis de ne pas attendre qu’il le fasse, et de le contourner en nourrissant l’espoir secret qu’il la suive, tout en se parant de l’attitude farouche de ceux qui fuyaient.

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(c): summer (gif), luleaby (codage).

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Initialement, ce n’était pas dans ce cercle social là qu’évoluait Ruben; si ses parents étaient de bonnes personnes, ils n’avaient jamais appartenus à une quelconque haute société, et leur village n’était pas assez grand ou développé pour qu’ils puissent voir ce type de phénomène se créer de toutes façons. Et puis, de toutes façons, ils n’avaient jamais habitué Brisbane: ils ne se seraient donc jamais retrouvé dans le cercle privé de Leon et Anka. Ruben lui, en revanche, avait gagné sa place avec les années. Pas parce-qu’il avait le portefeuille qui allait avec les faux sourires placardés sur tous les visages - le sien était assez respectable, de sourire mais surtout de portefeuille, travaillant d’arrachepied et ayant choisi une spécialité qui avait le mérite de bien gagner -, mais parce-que justement son travail avait attiré l’attention de Leon et avait poussé ce dernier à le considérer comme son poulain, son protégé. Ainsi, Hartfield était devenu un élément constant de ce cercle restreint, dans lequel il trouvait le moyen de se sentir parfaitement à son aise et où il avait été parfaitement bien accepté. Le barbecue annuel des Barnes, il le connaissait donc et y avait déjà participé - il avait déjà croisé, à cette occasion ou pour une autre, les personnes présentes aujourd’hui et pouvait mettre un nom sur presque chaque visage. Celui qu’il n’avait encore croisé, pourtant arrivé sur place depuis plusieurs poignées de minutes, c’était celui de Mavis. Et c’était cette partie là de l’équation qui l’empêchait d’agrandir davantage son sourire, de se fondre comme il l’aurait naturellement fait dans la masse et les festivités. Il n’irait pas jusqu’à dire qu’il était venu ici aujourd’hui avec l’espoir de la croiser, mais peut-être que sa motivation était partiellement fondée sur ce ressenti là. Les choses étant loin d’être au beau fixe entre eux, alors il caressait secrètement l’espoir qu’une occasion d’apparence neutre comme le barbecue annuel chez les parents de la blonde permettrait qu’ils puissent au moins renouer un semblant de contact - un mot, un regard, qu’importe - là où ces derniers s’étaient montrés quasiment inexistants jusque ces dernières semaines. Puisque la seule fois où ils s’étaient adressés la parole, c’était via messages quand il lui avait fourni la possibilité de participer également au congrès auquel il se rendait le mois suivant à Sydney.

« Tu vas me chercher une autre coupe mon grand ? » Au surnom lui parvenant aux oreilles, instinctivement Ben était sorti de ses pensées et son visage s’était tourné vers Leon. Mon grand, un surnom qu’il n’utilisait même pas pour son propre fils mais bien qu’il réservait à son prodige lorsqu’ils n’étaient pas au sein de l’hôpital. Rapidement, le brun hocha la tête. Il n’avait même pas vu que la coupe en question de Leon n’était même pas terminée; ce dernier avait du s’apercevoir que le jeune homme n’était en rien concentré sur la conversation, et avait surement préféré l’envoyer remplir une mission qui ne serait ni utile ni importante, plutôt que de le laisser perdu de la sorte dans un monde parallèle. « Je te rapporte ça. » Et initialement, ce n’était pas un mensonge de sa part: il avait réellement prévu de ramener une nouvelle coupe comme demandé à celui qu’il estimait le plus dans cette résidence. Il l’aurait réellement fait si son attention n’avait pas été accaparée par un bruit émanant de la cuisine - le bruit d’un plateau qui s’effondre sur le sol accidentellement. Détournant son regard et son attention, ses pas le menèrent comme par instinct jusque l’endroit où le drame semblait s’être produit. Oh, il n’aurait pu avoir meilleur instinct en cet instant. « Tout va bien, retournez à vos amuse-bouches. » Puisque la personne vaticine - voire même responsable - de l’accident en question n’était personne d’autre que Mavis, qu'il avait secrètement cherché du regard sans réussir à attraper son ombre tout le temps où il avait été présent sur place. Peut-être qu’un soupire de soulagement de savoir qu'elle était effectivement présente échappa à ses lèvres - il roula ces dernières l’une sur l'autre pour ne pas que son geste réflexe se fasse attraper par qui que ce soit. « Maman, c’est bon. Je vais essayer de trouver de quoi me changer. » Anka, elle, semblait bien déterminée à porter secours à sa petite - ils savaient tous que c’était pour pallier aux dégâts et tenter de sauver les apparences plus que pour autre chose, mais ce n’était en rien un problème pour Ben en cet instant.

Parce-que pour la première fois depuis des semaines, le regard de Mavis croisa le sien, s’y attarda un instant, et ce n’était pas dans ses habitudes mais il était content que ce soit le cas. Oh, une partie de son esprit enregistra qu’elle eut un pas de recul également en cet instant - il ne sut pas si c’était parce-que c’était lui qui se tenait devant elle ou si elle aurait réagi de cette sorte devant n'importe quelle autre personne également, mais de toutes façons c’était le cadet de ses soucis en cet instant. « Tu peux me laisser passer ? » Il aurait plutôt eu envie d’ouvrir ses bras à lui pour ne pas la laisser passer, mais il savait parfaitement que ce n’était pas la réaction qui était attendue de sa part. Et Mavis n’attendit pas qu’il ait la moindre réaction, en réalité, puisqu’elle le contourna rapidement pour fuir la scène de crime. Le regard de Ruben resta un instant dans le vague, avant qu’il ne tournas silhouette pour suivre des yeux celle de Mavis qui disparaissait au fil des pas qu’elle faisait à travers la maison. Anka était trop occupée à demander aux autres de s’occuper des dégâts qui étaient présents sur le sol de la cuisine, ajoutant ici et là un petit soupire exaspéré et bien sur exagéré. Leon était porté disparu quelque part à l’extérieur de la demeure, et n’avait pas eu vent de ce qu’il se passait dans la cuisine. Les autres invités avaient déjà détourné leur attention de la jeune Barnes s’enfuyant vers ils ne savaient trop où - ils étaient bien trop occupés à réagir en faveur de la maitresse de maison plutôt que d’accorder un autre regard à sa progéniture. Alors, Ruben saisit l’occasion comme sa fenêtre de tir; parce-que dans tout ce qui venait de se passer, sa seule préoccupation à lui était de savoir si Mavis allait bien. Il n’en avait rien à faire des coupes de champagne à il ne savait combien l’unité qui avaient fini en fracas sur le sol, ou tout autre détail concernant il ne savait trop quoi encore sur quoi les autres allaient pouvoir s’attarder. Alors, après un petit temps de latence, il fit quelques pas en arrière pour suivre le sillage de la blonde et suivre Mavis là où il supposait qu’elle allait se rendre. Oh, il connaissait la maison des Barnes par coeur - il y avait quand même de fortes chances pour que la jeune femme se dirige vers ce qui était sa chambre lorsqu’elle habitait encore ici, et qu’elle ait peut-être besoin d’utiliser la salle de bain attenante, étant donné la quantité de liquide qui était venu se déverser sur sa robe; il avait tout remarqué du coince l’oeil, Ben, il mettait simplement un instant de plus comparé à l’ordinaire pour assembler les morceaux du puzzle.

Accélérant le pas - elle allait drôlement vite pour quelqu’un de perchée sur des talons -, il grimpa à son tour quatre à quatre les escaliers qui menaient à l’étage, la main accroché à la rampe pour ne pas glisser dans ses gestes un brin précipités. Longeant le mur, il prit le couloir qu’il savait menant à la chambre de Mavis, s’arrêtant devant cette dernière lorsqu’il l’atteignit. La main à hauteur de visage, prête à cogner quelques coups contre le bois pour indiquer sa présence, il prit un instant de réflexion qui parait toute réaction instinctive qu’il avait eu jusque maintenant. Elle lui avait explicitement précisé qu’elle ne voulait plus l’avoir dans son entourage, qu’elle ne désirait pas lui adresser la parole - et si elle avait changé d’avis depuis la dernière fois, elle aurait pu le chercher dans la foule aujourd’hui en sachant pertinemment qu’il participerait aux festivités. Mais elle avait précisé tout cela parce-que les raisons que Ruben avait avancé pour justifier son comportement n’étaient pas les bonnes - aujourd’hui, ses intentions étaient louables, alors elle n’allait pas l’envoyer paitre comme ça avait été le cas jusque maintenant, non ? Il souhaitait juste s’assurer qu’elle allait bien. Il souhaitait juste savoir s’il pouvait se montrer d’une quelconque utilité - et ce serait tout, il rebrousserait chemin une fois qu’il aurait sa réponse. Il avait promis silencieusement et entre les lignes qu’il serait docile désormais, qu’il se plierait à sa volonté, et il s’accrochait pour agir de la sorte. Aujourd’hui, il dépassait un brin la ligne mais promis, ce n’était pas dans l’optique d’agir en sombre abruti comme il avait pu le faire jusque maintenant. Alors, il cogna contre le bois de la porte à trois reprises. « Mav ? C’est Ben. » Un regard en coin dans le couloir indiquait de toutes façons qu’ils étaient seuls à l’étage et qu’il pouvait se permettre ce type de familiarité. « Ca va ? T’as besoin d’un coup de main ? » Comme si elle avait besoin de lui, en réalité.

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Mavis ne rêvait que d’une chose, et c’était d’attirer l’attention de ses parents. Là, elle y était allée trop fort, et ce n’était même pas voulu. En plus de ça, Anka ne lui avait même pas accordé de câlin de réconfort, de geste tendre, ou d’oeillade inquiète lorsqu’elle était venue à sa rencontre pour la sauver d’une déroute provoquée par son manque de vigilance, mais bel et bien pour estimer les dégâts qu’elle avait causés et qui s’élevaient à quelques dollars dont la disparition imminente s’observerait à peine sur le compte en banque bien fourni des Barnes. L’incident qui venait d’avoir lieu, c’était l’illustration parfaite du fonctionnement de sa famille, dynastie qui préférait prendre soin de leur carrière que de leur hérédité, et c’était blessant autant que ça la laissait froide au fond, Mavis, grande habituée du fait.

Ça laissait froide oui, plus que le regard qu’elle échangea avec Ruben juste après en tout cas. Elle le fuit pourtant, gardant avec elle son envie d’explicitement lui demander de la suivre ne serait-ce pour qu’il l’accompagne et qu’il lui propose de s’en aller d’ici pour aller ailleurs, là où il voudrait bien l’emmener, là où elle n’aurait pas l’impression de subir quelque chose simplement parce que c’était ce qu’elle devait faire. Elle s’en voulut la seconde suivante, d’avoir ce genre de pensées dirigée vers lui quand elle lui avait explicitement demandé d’arrêter de vouloir faire partie de sa vie et de rester à sa place. Il lui manquait, elle pouvait au moins se l’avouer, même si ça l’ennuyait de déterminer qu’au fil du temps, il avait pris tellement d’importance dans sa vie, dans son quotidien, que ne plus le voir en dehors du cadre strict du travail constituait un regret qu’elle alimentait simplement parce qu’il lui avait ravi le droit de contrôler un tant soi peu ce qu’elle avait enclenché il y avait des mois de ça. Elle secoua la tête, le bruit de ses talons sur le carrelage impeccable l’aidant à se remettre les idées à l’endroit, et regarda brièvement la tache qu’elle avait sur le devant de sa robe en satin.
Elle s’en fichait de cette robe, elle en avait d’autres. Elle traversa la cuisine de la maison de sa famille, elle traversa le long corridor pour rejoindre l’escalier en tirant, grimaçante, le tissu humide qui lui collait au ventre, et grimpa les marches en accélérant un peu la cadence, constatant que personne ne la suivait, pas même Tina, la gouvernante. Elle n’était pas certaine qu’elle trouverait de quoi se changer dans son ancienne chambre, mais ça lui importait bien peu ; si elle ne trouvait rien, elle irait piquer quelque chose dans le dressing de sa mère, quelque chose de cher qu’elle ne lui rendrait jamais, qu’elle jetterait, qu’elle brûlerait même, puisque apparement, ce qui comptait le plus à ses yeux, c’était ses possessions qu’elle avait obtenu grâce à son talent pour l’analyse de ses condisciples. Mavis eut un rire sarcastique, suivant le couloir de l’étage pour rejoindre son ancienne chambre, s’y engouffrer et refermer la porte derrière elle sans demander son reste.

Et elle resta là, adossée à cette dernière en fermant fort les yeux, et en refoulant quelque chose proche d’une tristesse qu’elle n’avait pas vue venir, mais qui gonflait de part en part à l’intérieur d’elle quand elle se rendit compte qu’elle était seule, complètement seule. Dans ces moments-là, elle en venait à regretter l’absence de sa soeur ; et dans ces moments-là, elle pensait tout de suite à Dan qui n’avait pas pu se libérer pour venir, et dont elle avait besoin pour mieux supporter l’idée qu’elle ne serait jamais vraiment désirée dans cette maison de toute façon.
Et puis brusquement, elle entendit cogner à trois reprises contre le panneau de la porte. Aussi vite, sa tête s’en décolla, ses yeux se rouvrirent dans la foulée, réalisant en même temps qui était de l’autre côté. J’ai pas besoin de toi, ça aurait pu être la manière dont elle aurait renvoyé Ruben si elle n’avait pas senti un frisson dans son ventre qui la mit sur la piste du bien que ça lui faisait qu’il soit là, à s’inquiéter qu’elle aille bien. Elle se trouva idiote sur l’instant, à toujours être dans sa robe tachée, et mit un peu de temps avant de remuer pour enfin, après avoir retiré ses chaussures à talons d’un coup de pied, filer à grandes enjambées feutrées pour ouvrir son ancienne penderie où il n’y avait pas grand-chose à première vue, juste un peignoir duveteux qu’elle déplia rapidement en faisait plusieurs choses à la fois. Elle baissa les très fines bretelles de sa robe, découvrant une poitrine dépourvue de soutien-gorge, la roula jusqu’à ses hanches, et la laissa là, comme une jupe le temps d’enfiler son peignoir ; et puis elle serra fort, certainement trop, la ceinture autour de sa taille, remontant le col de son peignoir avant de coincer ses cheveux à deux mains derrière ses oreilles tout en disant à Ruben "Deux secondes." Laissant une petite colonne d’air lui échapper après avoir levé la voix, elle rassembla tout son sang-froid en abattant ses deux mains devant elle pour s’aider à canaliser ses constantes, et se décida enfin à s’avancer de nouveau vers la porte qu’elle ouvrit après une courte hésitation.

Ses cils recouvert d’une subtile couche de mascara papillonnèrent pour confronter les yeux de Ben à qui elle dit "C’est Leon qui t’envoie ?" La fierté, c’était quand même le pire défaut au monde ; avec la tromperie, mais ne soulevons pas le sujet, ce mettre en perspective que tous les deux, ils avaient les deux pires défauts du monde à leur actif. Elle pinça les lèvres, inclina la tête sur le côté, ajouta tout de suite après, son menton se levant pour accuser la  très grande différence de taille qui les séparait quand elle était à plat "Je peux me changer toute seule tu s…" Et c’est à ce moment-là que sa robe, portée comme une jupe sous son peignoir, décida de glisser de ses hanches pour  longer ses mollets et s’étaler à ses pieds — ça la stoppa net dans son petit discours. Doucement, très doucement, Mavis déporta ses yeux de quelques centimètres au-dessus de la tête de Ben, et murmura plus pour elle-même que pour lui , finissant par fermer les yeux "C’est super gênant."

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Le silence qui persistait de l’autre côté de la porte était oppressant; autant parce-qu’il n’avait en réalité aucune certitude que la jeune femme se trouvait de l’autre côté, que parce-qu’elle pouvait très bien l’être et décidé de l’ignorer complètement, de le laisser patauger. Ben préférait bien que que dans le pire des cas, ce soit la première des options citées qui soit la vérité - il ne savait pas s’il était apte à subir l’ignorance de la part de Mavis de façon aussi frontale. Qu’elle l’ignore au quotidien, qu’elle ne désire pas échanger avec lui autrement que si cela était strictement nécessaire et surtout strictement professionnel, il pouvait supporter et pouvait parer pour faire comme si cela ne l’atteignait pas. L’ignorer volontairement alors qu’ils se tenaient l’un et l’autre d’un côté d’une simple porte… Son égo hurlait en silence. Ce n’était probablement pas le seul, mais il ne s’arrêterait pas sur le reste. Ce ne fut qu’après ce qui lui sembla être une éternité et quelques années supplémentaires que la voix de Mavis se fit entendre enfin dans la chambre. « Deux secondes. » Oh, il pourrait attendre plus longtemps, ce n’était pas un soucis: elle avait daigné lui répondre, c’était une avancée en soit, alors il prenait même s’il paraissait ridicule à agir de la sorte.

Finalement, la porte se déroba sous ses yeux, et ces dernières se posèrent en attendre un instant de plus sur le visage de la jeune femme. Dans un autre monde, il n’aurait pas attendu pour s’emparer de son visage, l’embrasser comme s’il reprenait son souffle après avoir attendu trop longtemps, refermer la porte à la suite alors qu’il l’entrainait à l’intérieur de la pièce. Aujourd’hui, il se contenta de s’appuyer d’une main contre le cadre de la porte - il n’eut pas le temps ou le loisir de se demander quoi que ce soit de toutes façons, puisqu’elle prit la parole sans lui laisser le temps de réfléchir à deux fois si c’était même une bonne idée qu’il se soit pointé ici. « C’est Leon qui t’envoie ? » Il haussa un sourcil, et une fois de plus n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit puisqu’elle enchaîna avec une autre réponse. « Je peux me changer toute seule tu s… » Elle ne fut pas la seule dont la chique fut coupée en cet instant, alors que sa robe qu’elle devait tenir à la taille en dessous du peignoir qu’elle avait enfilé à la va-vite se retrouva à glisser le long de ses jambes pour terminer sa course sur le sol.

Et si elle ferma les yeux à la suite, le regard de Ben resta un instant supplémentaire à regarder le tissu se poser sur le sol, avant de remonter son regard sur le visage de Mavis et de retenir un rire franc. Il se mordait l’intérieur des joues, il pinçait fort ses lèvres l’une contre l’autre, mais son regard brillait tant que si elle daignait plonger ses yeux dans les siens, elle verrait sans équivoque qu'il était sur le point de se moquer de la situation. Alors, peut-être qu’il garda le silence un instant de plus, simplement pour être sur de ne pas se mettre à rire, avant de finalement secouer quelque peu la tête et s’accroupir devant Mavis. « Lève tes pieds un par un. » Tout dans le ton qu’il employait laissait entendre qu’il n’accordait plus la même importance à la scène sous ses yeux qu’il aurait pu le faire d’un regard lorsque la porte s’était ouverte - et surtout qu’il ne prenait pas tant tout ça au sérieux, alors que c’était le cas de la blonde à ne pas en douter. Oh, il savait parfaitement pourquoi elle agissait de la sorte; ils étaient assez grands pour faire la part des choses au moins un instant. Avec délicatesse, il récupéra le tissu avant de se relever et de le tendre à Mavis. « Je doute pas que tu puisses te changer toute seule, j’ai effectivement pas eu besoin de te donner un coup de main. » Et si c'était u sourire amusé qu’il abordait durant les deux dernières minutes, ses propres paroles réussirent à saper ce dernier alors qu’il se rendit compte que c’était là une réaction qu’il aurait eu face à elle en temps normal - un temps où elle ne lui avait pas explicitement demandé d’arrêter d’agir de la sorte, justement. Peut-être que son sourire fana à vue d’oeil par la suite, et que lorsqu’elle eut récupéré sa robe, il plongea ses mains dans les poches de son pantalon. « C’est pas Leon qui m’envoie, je suis venu comme un grand garçon. » Il avait fait exactement tout le contraire de ce qu’elle lui demandait ces derniers temps. « Je voulais m’assurer que t’allais bien, et que tu t’étais pas fait mal. Je redescends ensuite et j’arrête de t’embêter promis. » Et la sincérité de ses mots pouvaient être perçue dans le regard qu’il lui adressait en cet instant, sans équivoque.

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"Te mets même pas à rire, Ben." Elle avait rouvert les yeux, et elle les avait vus, la fossette de Ruben se creuser en esquisse dans sa joue, mais surtout son regard briller en se rendant compte de ce qui était en train de se passer. Ce n’était pas si humiliant que ça, ce n’était que sa robe, pas autre chose, et sans doute que l’exagération était appelée par un moyen comme un autre d’assumer qu’elle avait ouvert la porte finalement. Elle aurait pu le laisser mariner, elle aurait pu le faire autant que toutes ces dernières fois où elle avait à peine croisé son regard en refusant de s’adresser vraiment à lui, elle aurait pu le faire plus sèchement aussi, exactement comme elle l’avait fait lors de leur dernier échange de textos, mais elle se tenait bien là, à lui ordonner de ne pas rire tout en ayant elle-même envie de le faire.

Elle ne savait pas bien pourquoi elle avait ouvert la porte, peut-être parce qu’il était le seul à s’être déplacé à sa suite pour savoir si elle allait bien quand, de toute évidence, ça n’allait pas aussi bien que ça ; ou bien juste parce que c’était lui au fond, et qu’elle avait beau faire semblant de ne pas être heurtée par tout ce qui s’était dit et passé entre eux ces dernières semaines, elle avait besoin de le retrouver sans oser l’avouer. Son regard se déroba au sien quand il s’accroupit pour l’aider à enlever sa robe, et l’impression de déjà-vu était assez troublante pour qu’elle se somme de ne pas réagir plus qu’elle ne le faisait ; en posant une main sur le sommet son crâne par exemple, juste pour agripper ses cheveux et prétendre s’équilibrer quand elle n’avait en fait pas besoin de le faire. Elle ne le fit pas, elle exécuta ses ordres comme elle avait l’habitude de le faire lorsqu’ils se retrouvaient tous les deux, dans leur intimité bancale, glanée au fil des trous laissés dans leur emploi du temps respectif, sentant la caresse subtile de ses doigts sur ses mollets, et la dextérité de ses gestes de chirurgien accuser une aide dont ils savaient tous les deux qu’elle n’avait strictement pas besoin. Elle eut un léger frisson qu’elle supporta en retenant très brièvement sa respiration. La tête baissée pour le regarder, elle suivit sa remontée, et retrouva son regard quand il se redressa pour de bon. Lui tendant sa robe, elle la lui prit des mains en lui disant tout simplement "Merci." Pour ensuite ajouter avec le plus grand des sérieux, partant du principe qu’en effet, il ne l’avait pas du tout aidé "Qui a besoin qu’on l’aide pour ce genre de choses franchement ?" Une sombre idiote sans doute.

Elle pinça les lèvres, ressentit un peu de gêne à rester plantée là avec cette stupide robe tachée tenue entre ses mains, et le regard du docteur Hartfield posé sur elle alors qu’elle ne savait pas vraiment quoi lui dire. Curieux pour Mavis, elle ne craignait pas de perdre ses mots d’ordinaire, mais la donne avait quelque peu changé depuis cette fois-là dans son appartement, et elle évita de s’y appesantir parce que ça serait remettre en perspective l’impression qu’elle avait d’être l’arroseur arrosé. Sur le pas de la porte de son ancienne chambre, le poids du peignoir duveteux qu’elle portait pesait lourd sur ses épaules, nettement plus encore que le regard de Ruben qu’elle finit par recroiser quand, levant le menton pour le regarder, elle lui dit enfin "Alors que je t’ai explicitement demandé de me laisser tranquille." Un ange passa. Elle le vira à coups de pied dans les fesses, Mavis "T’avais peur que je me perde dans ma propre maison ?" Si elle sourit juste un peu, elle cessa de le faire tout de suite après pour mieux soupirer. Ça lui brûlait les lèvres, mais elle se retint de s’excuser d’être une pimbêche quand elle pouvait sentir que ce n’était que de la gentillesse qu’il lui offrait et à laquelle elle répondit de façon plus adulte, même si elle avait dans le fond le sentiment d’être rien de plus qu’une adolescente confrontée à un amoureux triste qu’elle avait éconduit lors du bal de promo "Je vais bien, c’était que du champagne." Elle désigna sa robe du menton juste ensuite "Ma robe est fichue par contre." Comme si ça avait une quelconque importance, elle ne portait même pas ce genre de robes en dehors des petites sauteries de ses parents. Un instant d’hésitation s’étendit de nouveau, et si son regard resta un moment planté dans celui de Ruben, elle ne dit rien jusqu’à trouver tout ça ridicule, et bouger de là où elle se trouvait pour un le contourner, deux lui dire "Rends-toi utile, et accompagne-moi pour choisir quelque chose à me mettre dans le dressing de ma mère. Y a rien à moi ici, que des vieilleries." En passant, elle glissa sa robe dans la trappe à linges sales du couloir dans lequel ils s’engagèrent, et vérifia qu’il la suivait bien en jetant un regard subtile par-dessus son épaule. Le bruit de leur pas ne se ferait sûrement pas entendre d’en bas, pas seulement parce que la maison était impeccablement isolée, mais parce que tout le monde se fichait comme d’une guigne qu’ils ne soient plus dans les parages

Et dans un sens, ce n’était pas plus mal. Se faufilant par la porte de la chambre de ses parents, ils passèrent devant leur lit pour se diriger vers le dressing commun que Mavis éclaira en poussant l’interrupteur tout de suite en y entrant. Si elle n’avait pas adressé la parole à Ruben après lui avoir ordonné de la suivre, elle ne le fit pas plus ici ; du moins pendant un court instant, celui dont elle eut besoin pour commencer à fureter dans les affaires de sa mère , rejoignant son coin du dressing en resserrant la ceinture de son peignoir autour de sa taille "Pourquoi t’es venu ?" lui demanda-t-elle, et comme ça pouvait porter à confusion, lui laisser croire qu’elle lui parlait de sa venue à sa porte, et pas celle à la fête de ses parents, elle explicita sans attendre "À la fête. Pourquoi t’es venu ?" Sans le regarder, portant ses yeux sur les vêtements qu’elle faisait défiler du bout des doigts, juchée sur la pointe des pieds pour mieux les voir, trop petite pour atteindre cette hauteur, elle compléta "Tu savais que je serai là pourtant." Et prétendre qu’elle n’espérait pas un peu que c’était exactement pour ça qu'il était là ce serait la penser moins masochiste qu’elle ne l’était vraiment.

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***
« Te mets même pas à rire, Ben. » Il pinçait ses lèvres aussi fort que cela lui était donné de le faire pour justement ne pas se mettre à rire. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait, pourtant - comme si elle-même n’avait pas envie d’ajouter là une petite marque d’amusement, tant la situation était risible en réalité. Aucun des deux n’en fit quelque-chose, Ben se contentant finalement de se dérober à son regard pour se baisser et ramasser la robe qui s’était faite la malle. Après avoir lancé avec douceur l’ordre à Mavis de libérer le tissu un pied à la fois, il se saisit de ce dernier avec précision et avec délicatesse - il se concentrait sur ses gestes, se contentait de laisser ceux qui se retrouvaient être nécessaires pour cette tâche faire leur apparition. Bien sur que dans d’autres circonstances, la pulpe de ses doigts serait déjà en train de glisser le long de l’épiderme de ses jambes - mais c’était là le comportement qu’il se devait de garder pour lui, qui n’était pas le bienvenu. Il finit par remonter, plongeant son regard de nouveau dans celui de la blonde alors qu’il lui tendit sa robe. « Merci. » Il eut un hochement de tête à peine perceptible. « Qui a besoin qu’on l’aide pour ce genre de choses franchement ? » - « Pas toi, de toutes évidences. » Il était plutôt évident qu’elle n’avait pas besoin d’aide au sens plus large du terme, en rien venant de la part de Hartfield surtout: les mots restaient ancrés dans son esprit, comme un souvenir irritant dont il n’était plus possible de se défaire.

Il avait entendu la première fois qu’il n’était pas supposé s’imposer à elle de la sorte, il avait toujours l’information en tête aujourd’hui en tête quoi que son comportement malgré lui pouvait en dire. « Alors que je t’ai explicitement demandé de me laisser tranquille. » Les lèvres de Ben se pincèrent en une ligne fine - et heureusement, il n’eut pas le temps d’enchérir sur quelconque partie de la discussion puisque Mavis reprit aussitôt la parole. « T’avais peur que je me perde dans ma propre maison ? » Son sourire à lui ne fut pas plus développé que le sien, mais au moins ils eurent tous deux le mérite d’être présents. « C’est une grande maison. » La perche pour lui permettre de prendre la tangente de l’humour était fine, mais elle était saisissable - alors il n’allait pas s’en empêcher en la voyant tendue. « Je vais bien, c’était que du champagne » - « C’était un grand plateau de champagne. » Ce n’était pas tant le contenu qui l’avait inquiété, mais plutôt le contenant. Et le fait que tous les regards se soient posés sur elle aussi, par la même occasion - pas une once de jalousie ici, simplement une réelle inquiétude. « Ma robe est fichue par contre. » T’es mieux sans et C’est dommage elle t’allait bien, les deux premières réactions qui vinrent à l’esprit de Ben et qu’il se retint de prononcer car aucune d’elle n’aurait été la bienvenue dans cette discussion. Alors, ils se toisèrent encore et encore, les secondes défilant sous leurs yeux sans qu’aucun d’eux ne se manifeste. Bien sur que ce fut Mavis qui rompit cet équilibre précaire, en le contournant - il fronça légèrement les sourcils, lui qui s’attendait à ce qu’elle lui demande plutôt de revenir d’où il était venu. « Rends-toi utile, et accompagne-moi pour choisir quelque chose à me mettre dans le dressing de ma mère. Y a rien à moi ici, que des vieilleries. » Il ne se fit pas prier un seul instant pour suivre les pas de la jeune femme, obéissant au doigt et à l’oeil, se faufilant à sa suite dans le couloir de l’étage.

Il savait pertinemment où se trouvait la chambre principale de la demeure, c’était en revanche la première fois qu’il entrait à l’intérieur. Certaines zones étaient hors d’atteinte, même pour Ruben Hartfield; il n’y avait que Mavis pour lui faire franchir ce type de lignes, à y regarder de plus près. Toujours en silence, ils traversèrent donc la chambre, accédant au dressing attenant. Si la jeune femme se mit à chercher dans les affaires de sa mère, Ben se contenta pour le moment de rester à l’entrée de la pièce une fois de plus, apposant son épaule contre l’encadrement de la porte, l’observant à distance et en silence. Lui qui savait se sentir chez lui partout et en toutes circonstances se trouvait être dans ses petits souliers face à ce bout de femme qui le menait par le bout du nez. « Pourquoi t’es venu ? » Il haussa un sourcil. « À la fête. Pourquoi t’es venu ? Tu savais que je serai là pourtant. » Inspirant longuement face à la précision qu’elle avait ajouté à sa question, Ruben croisa ses bras sur son torse, pinçant ses lèvres un instant avant de prendre la parole; oh, il existait mille et une réponse valable à cette question, mais il se devait d’être plus malin et de garder seulement celles adaptées aux circonstances en tête. « Je suis venu les autres années, j’ai été invité par ton père, y’avait aucune raison que je vienne pas. » Ca c’était bien sur la réponse qui comportait le plus de logique, et qui se voulait être la plus adaptée à n’importe quel pan de la situation actuelle.

« J’ai hésité, à inventer une excuse à dire à ton père. » Là, il mettait un pied dans toute la partie qui était inhérente à ce qui pouvait se passer entre eux, avant et depuis ces dernières semaines. « Pour ne pas venir. » Laissant un fin soupire lui échapper, Ben finit par faire quelques pas à l’intérieur du dressing pour s’asseoir sur le banc molletonné trônant au milieu de la pièce. « Parce-que je savais que tu serais là. Ou plutôt parce-que j’avais pas eu d’information m’indiquant que tu avais pu de ton côté refuser l’invitation, plutôt. » Aucune confirmation ne lui avait été communiquée quant à la présence de la jeune femme aujourd’hui; cela semblait simplement logique étant donné qu’on était dans la maison où elle avait vécu une bonne partie des années de son compteur. « Et après je me suis dit que c’était idiot alors que c’était un événement neutre, en rapport avec aucun de nous deux précisément, et que s’il le fallait tu aurais largement la place de m’éviter. » Parce-que des deux, elle était celle n’étant plus tant désireuse que cela de croiser son chemin - le contraire n’était pas autant véridique. Et parce-qu’il n’avait jamais su être autre chose que tout à fait transparent et honnête avec elle depuis le premier jour, parce-qu’il n’avait pas d’intérêt à agir autrement, il remonta son regard sur sa silhouette avant de prononcer le reste de ses mots - d’un ton plus bas, parce-qu’il savait qu’il n’était pas supposé assumer ce type de discours. « Je savais que tu serais là, oui. C’était la raison à la fois qui me donnait envie de venir et d’annuler ma présence. » Parce-que comme tout ce qui les concernait, le chaud et le froid se faisaient ressentir en même temps à l’intérieur de Ben, alors que choisir sur quel pied danser paraissait futile la plupart du temps s’il pouvait utiliser les deux en même temps.

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Partager un peu de complicité avec Ruben, c’était tout ce qu’elle voulait éviter, Mavis. Mais la vérité, c’était que ça lui venait plus naturellement que de lui faire la tête et de le faire tourner en bourrique. Elle n’était pas en reste, elle savait y faire, seulement elle était davantage une joueuse qu’une boudeuse, et jouer avec Ben, ça s’avérait la distraction la plus adéquate à son besoin constant d’être au centre de quelque chose, qu’importait ce que c’était. C’était en partie pour ça qu’elle faisait mine de lui en vouloir. Encore que faire mine n’était pas le bon terme puisqu’elle lui en voulait vraiment, d’avoir dépassé cette ligne qu’il aurait pourtant dû y avoir dès le début entre eux, quand ils avaient commencé à se fréquenter. Elle se souvenait nettement de ce qu’ils s’étaient dit cette soirée-là, dans le bureau du doyen d’elle ne savait quelle structure que Leon avait tenté d’amadouer avec son compte en banque, alors qu’ils s’étaient rhabillés mutuellement après avoir fauté pour la deuxième fois en l’espace de quelques mois seulement, et pas la dernière : il avait été clair sur le sujet lorsqu'il avait été officiel qu’elle deviendrait celle vers qui il se tournerait pour assouvir ce qui grouillait en lui et qu’il ne réussissait sûrement pas à satisfaire avec une fiancée trop occupée, mais c’était aussi lui qui avait balayé tout ça d'un geste des mois plus tard en se comportant comme un petit-copain jaloux. Ça avait le don de mettre Mavis dans tous ses états, surtout de lui faire regretter d’avoir cru qu’elle était capable de faire la part des choses, et de continuer à s’amuser de la situation quand il était clair qu’il la troublait plus que de raison, le docteur Hartfield.

La tête levée vers les cintres du dressing de sa mère, les doigts furetant dans les matières douces et coûteuses qui composaient son trousseau de tous les jours, elle se mit à le questionner presque sans délai. Un léger mouvement de sourcils lui permit de marquer l’assentiment qu’elle réservait à la réponse qu’il lui accorda d’abord, lui faisant dire dans la foulée "C’est vrai que ça aurait été étrange si t’avais refusé de venir." Leon ne s’en serait pas remis, il aurait certainement pris l’absence de son poulain comme un affront terrible, une trahison qu’il lui aurait fait payé en maugréant un peu lors de leur prochaine réunion. C’était drôle de se dire qu’il aurait davantage mal vécu son absence que celle de sa fille.  En ça, ça voulait tout dire.
Elle roula ses lèvres l’une sur l’autre Mav, descendant de sa marche de fortune, juchée sur la pointe des pieds, pour brièvement se tourner vers Ruben et écouter ce qu’il ajoutait. De nouveau, elle eut un frisson dans le ventre "C’est une fête annuelle organisée par mes parents, j’aurais encore moins pu refuser que toi d’y participer." Elle marqua un temps juste pour quelques secondes après, lui demander "T’aurais préféré que je vienne pas ?" Elle regretterait peut-être d’avoir posé cette question. Aussi, elle haussa les épaules, eut un très léger rire en même temps qu’elle changeait de coin du dressing, passant devant Ben avant qu’il ne s’installe sur le banc molletonné trônant au milieu — c’était presque une scène de couple, et l’idée lui donna en vie de hurler tant, quelque part, ça lui faisait plaisir de répondre à un tel cliché. Elle n’en montra rien cependant, reprenant plutôt, et ce comme si elle ne s’était pas interrompue "Quoiqu’ils auraient été moins tristes si j’avais prétendu ne pas vouloir venir. On sait qui, de toi et moi, est leur préféré." Et c’était l’amertume qui rendait rauque le ton de sa voix, mais elle avait appris à s’y faire après tout, à n’être rien d’autre que la suppléante.

Quand il parla de la place qu’elle aurait eu pour l’éviter à loisir, Mavis garda le silence le temps de se remettre à fouiller dans les vêtements de sa mère. Ils étaient tous propres, et pourtant ils embaumaient tous le Shalimar à plein nez, comme s’ils avaient été portés. Ça lui donnait envie de vomir, elle détestait ce parfum qui, petite, lui donnait des migraines atroces ; il était fort et sucré, difficile à faire disparaître, et l’idée d’avoir à en supporter la fragrance sur elle faillit lui faire rebrousser chemin et envisager de retourner à la fête accoutrée de cette façon : en peignoir, pieds nus, avec aucune intention d’être présentable. Elle eut un sourire en coin, laissa un soupir lui échapper en ne trouvant rien à son goût sur l’instant, et se concentra de nouveau sur Ben pour affronter de plein fouet son regard et se demander si, à ses yeux, elle paraissait présentable ou non. Elle repoussa cette pensée, juste pour lui signifier sans baisser le regard les premières secondes, avant de s’y sommer pour aller ouvrir un tiroir dans lequel elle savait que sa mère rangeait ses vieux jeans. Elle en déplia un qui serait sûrement un peu trop large pour elle, mais à défaut de mieux, elle l’enfila sous son peignoir en reconnectant son regard à celui du docteur "J’avais bien réussi à t’éviter jusque-là, mais t’as pas pu t’en empêcher, hmm ?" De venir la trouver — de venir tout court d’ailleurs. Se redressant, le bas de son peignoir retroussé pour que ses doigts atteignent le bouton du jean qu’elle venait d’enfiler, elle continua de le regarder puisque, ce qu’il ajouta ensuite, ça la poussa à lui faire en guise de conclusion, la tête penchée sur le côté pour ne manquer absolument rien de la réaction qui serait la sienne quand il s’évertuerait à patauger pour lui répondre "Mais surtout de venir, c’est ça ?" Et la pression autour d’eux changea d’un coup, pesant soudainement sur les épaules encore couvertes de Mavis qui connaissait très bien son prochain coup. D’aucuns diraient que ça manquait de subtilité, mais elle s’en fichait complètement sur l’instant, et alors qu’elle redressait la tête en maintenant toujours le contact visuel avec Ruben, elle n’attendit que quelques secondes supplémentaires avant de lui demander avec audace, ses doigts dénouant la ceinture de son peignoir "Je te manque ?"

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« C’est vrai que ça aurait été étrange si t’avais refusé de venir. » Ruben était tout à fait conscient de cette partie là des choses, c’était également pour cette raison qu’il n’avait en réalité pas eu d’autre solution que de venir dans tous les cas. « Et c’est pas à Leon que je veux servir l’excuse du boulot. » Parce-qu’ils bossaient ensemble trois quart du temps, ou au minimum il gardait un oeil sur les agissants professionnels de son poulain pas moins d’autant de temps. Il y avait une longue liste de personnes qui ne pourraient jamais vérifier lorsqu’il utilisait la carte Joker je dois bosser; Leon était moins dupe que cela, qui plus était.

Peut-être qu’il préférait finalement lorsqu’il pouvait l’observer agir et venir dans ce dressing comme s’il était à elle sans qu’elle ne tourne son regard dans sa direction; lui pourtant adorait être le centre d’attention des autres, surtout si ces derniers posaient des regards comme Mavis savait parfaitement bien faire sur lui. Aujourd’hui, cela lui arracha un frisson qu’il ne sut identifier. « C’est une fête annuelle organisée par mes parents, j’aurais encore moins pu refuser que toi d’y participer. » Il haussa un sourcil. « T’aurais pu faire une apparition et t’éclipser. » Comme il y avait fort à parier que ni Anka, ni Leon ne s’étaient pour le moment aperçu de l’absence soudaine de leur progéniture. Le patriarche Barnes avait peut-être remarqué celle de Ruben, lui qui était supposé lui rapporter rapidement un nouvelle coupe de champagne. Tant pis: un serveur passerait bien dans le coin, les paroles de Mavis étaient de toutes façons bien plus intéressantes que ce que pourrait en cet instant dire Leon, pour une fois. « T’aurais préféré que je vienne pas ? » Elle disait quelque-chose, et agissait en son contraire la seconde suivante, laissant à penser qu’elle aurait préféré réussir à retenir ses mots. Ben ne se laissa pas entièrement déstabiliser, même lorsqu’elle ajouta un petit rire et qu’elle lui passa devant comme si sa question était réellement innocente. « J’aurais préféré que tu me poses pas la question. » Parce-qu’ils connaissaient tous deux la réponse: bien sur qu’il préférait largement une version des faits de la journée où elle était dans les parages; il aurait simplement préféré que les tensions entre eux soient différentes pour pleinement profiter des festivités et de la journée en la sachant à quelques pas de lui. C’était tout.

« Quoiqu’ils auraient été moins tristes si j’avais prétendu ne pas vouloir venir. On sait qui, de toi et moi, est leur préféré. » - « Haut la main. » Cette précision, il l’apporta avec un petit sourire attristé; c’était facile de prendre sa place auprès des parents Barnes au fil des années, parce-que jusque maintenant il n’avait pas à prendre en compte que ce soit une véritable compétition silencieuse entre la blonde et lui. Ca l’était, ça l’avait toujours été - en tous cas, pour elle, la compétition avait existé avec toute autre personne qu’elle. Continuant de fouiller, la satisfaction ne semblant pas de mise, elle finit par tirer un jeans d’un tiroir - il n’aurait jamais cru qu’elle trouverait une telle pièce ici, dans le dressing où les affaires d’Anka étaient rangées - pour l’enfiler tout en le regardant droit dans les yeux. Ca provoquait une sensation douce-amère en bouche, de la fixer de la sorte en voyant qu’elle s’habillait devant lui et qu’il ne pouvait rien faire pour arrêter le processus. Il resserra ses mains posées sur ses genoux. « J’avais bien réussi à t’éviter jusque-là, mais t’as pas pu t’en empêcher, hmm ? » Il soupira un ricanement, un instant. « Je me suis vraiment inquiété pour toi. » Pour une fois, c'était la vérité.

« Mais surtout de venir, c’est ça ? » Oh, qu’elle ne joue pas à ce petit jeu là: Ben savait très bien qu’il ne pouvait supporter que si peu de temps écoulé pour ce dernier. « Bien sur que c’est entré en compte. » Sa réponse se faisait soufflée, presque étouffée; il savait qu’elle cherchait simplement à le provoquer: s’il adorait jouer avec le feu, elle était la meilleure des allumettes pour embraser ce dernier d’un simple couple d’oeil. Sauf qu’elle ne se contentait pas que de ça, la jeune femme, alors que la tension entre eux se fit changeante et qu’elle remonta ses mains à la ceinture de son peignoir, ses doigts jouant un instant avec cette dernière pour la défaire dans la foulée. Tout ça sans lâcher le regard de Ruben qui lui, resserrait les mâchoires de son côté. « Je te manque ? » - « Tu joues à quoi Mav ? » Ses paroles se trouvaient murmurées, presque supplice, alors qu’ils avaient tous deux réponse limpide à leur question sans même avoir besoin de les formuler à haute voix. Détournant un instant son regard, un seul, Ben finit par se relever du banc pour faire les deux pas qui manquaient pour annihiler la distance entre la blonde et lui. Et là où d’ordinaire il aurait fait tout le contraire, il attrapa la ceinture qu’elle venait de défaire pour refaire un noeud autour de ses hanches. Bien sur que le geste lui coutait, bien sur que la proximité l’irritait et incendiait toute parcelle de sa peau; mais comme il le dit très justement à la suite. « Si c’est un test, oublie pas que je suis normalement pas mauvais à ces derniers. » Ses doigts s’attardant un instant supplémentaire sur la fabrique épaisse, ses yeux se relevant un instant pour s’ancrer dans ceux de Mavis, il finit par faire un pas en arrière et par lâcher les pans de la ceinture de nouveau refermée. « J’ai bien entendu ce que tu m’as dit la dernière fois, c’est pas la peine de jouer comme ça. » Encore un pas et il fit de nouveau assis à sa place initiale. « Bien sur que tu me manques, mais j’essaie de faire les bons efforts pour une fois. » Et comme elle n’était pas la seule à lui avoir reprocher de ne pas en faire assez ces derniers temps… peut-être qu’il devrait se concentrer un brin davantage pour réussir à en faire, s’il ne voulait pas trop perdre aux jeux, le docteur Hartfield.

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Si elle n’avait pas tant tenu à ce que Ruben reste là, à la regarder s’habiller alors que la fête battait son plein au rez-de-chaussée, Mavis lui aurait demandé quel genre d’excuse il servirait à Leon pour expliquer son absence de plusieurs minutes. Il se rendrait compte — si ce n’était pas déjà le cas d’ailleurs — qu’il n’était plus dans les parages, il ne fallait même pas qu’ils fassent semblant de ne pas le savoir. À la seconde où le docteur remettrait les pieds sur la pergola pour rejoindre les invités triés sur le volet des parents Barnes, il se ferait questionner par le patriarche pour savoir ce qu’il fichait, avec qui, et pourquoi exactement il avait préféré la compagnie de cette personne que la sienne. À bien des égards, quand Mavis y pensait, elle trouvait cette relation qu’entretenait Ruben avec Leon malsaine. Mais chacun préférait ne pas s’y arrêter, et surtout pas les principaux concernés.

Elle ravala son amertume la blonde, mais elle savait qu’à un moment où un autre, son besoin de provoquer Ruben referait surface ; simplement parce qu’il était bien l’un des seuls à répondre avec autant de malice à toutes les perches qu’elle lui tendait tandis que d’habitude, avec les autres, elle se cachait derrière des airs de jeunes filles bien sous tous rapports, incapables de manipuler, contrôler et assujettir. Ah, si seulement ces autres savaient combien il était facile pour elle de faire toutes ces choses, sa réputation de bonne fifille en pâtirait. Mais Ben lui donnait l’envie de s’en ficher, c’était bien pour ça qu’elle lui trouvait autant d’intérêt. Ça, et la manière dont elle semblait véritablement avoir un certain ascendant sur lui, ses yeux brillants chaque fois qu’ils croisaient les siens, parvenant même à le faire bégayer quand elle le mettait face à ses défauts et ses contradictions, lui qui exécrait l’idée-même de n’être qu’un homme. C’était ce qu'il était pourtant, avec ses faiblesses dont elle faisait irrémédiablement partie, en témoignait l’aveu qu’il lui fit quand elle lui demanda s’il aurait préféré qu’elle ne vienne pas à ce barbecue "Je prends ça pour un non." objecta-t-elle avec une once de félicité, heureuse que la distance qu'elle avait mis entre eux avait l’effet escompté.

"J’ai pas dit le contraire, et je t’ai remercié pour ça." L’aplomb de Mavis n’avait d’égal que sa volonté de ne pas perdre la main dans ce jeu qui l’opposait au docteur Hartfield. Elle était là, à se rhabiller devant lui comme si c’était normal, comme si dans le fond, elle n’avait pas envie qu’il se lève pour l’empêcher de le faire et trouve soudainement ça opportun de lui dire qu’elle n’avait pas besoin de vêtements, et tant qu’à faire, profiter de l’isolement relatif de cette pièce pour rattraper le temps perdu en se perdant en instant dans une étreinte étouffée par sa bouche contre le molleton du banc. Ça ne tenait qu’à elle, elle le savait aussi bien que c’était elle qui avait voulu mettre des limites à cette pseudo-relation qu’ils entretenaient juste parce qu’elle ne supportait pas que Ruben s’enfonce dans ses contradictions, et qu’est-ce qu’elle faisait là ? Elle devenait autant contradictoire que lui. Mais c’était toute la dangerosité de leur histoire : si Mavis pouvait se targuer d’avoir de l’influence sur Ben, Ben pouvait au moins se targuer d’en avoir autant sur Mavis. Dans le cadre du travail, elle pouvait se résoudre à le traiter comme tous les autres. Mais dans le cadre de la vie privée ? C’était plus compliqué ; et elle se retrouva, sans crier gare, à dénouer la ceinture de son peignoir pour le provoquer enfin pour de vrai, ne portant rien dessous que le jean de sa mère qu’elle venait d’enfiler, et tout ça en lui posant une question dont elle connaissait très bien la réponse parce que s’il lui posait la même, elle lui dirait que oui, il lui manquait.

Elle le vit se lever, et quelque part au fond d’elle-même, elle se sentit idiote de nourrir l’espoir qu’il vienne lui même lui retirer le peignoir qu’elle portait toujours. Il s’avança vers elle, et Mavis ne le lâcha pas des yeux ; elle anticipa ses gestes, prit une légère inspiration pour accuser la caresse qu’il déposerait sûrement sur sa peau quand il arriverait enfin à l’atteindre, alors que la question qu’il lui posa résonna en elle comme quelque chose qu’elle n’avait pas vu venir, mais qu’elle accueillit avec le même ton que lui : bas, presque le souffle coupé par la tension soudaine qui régentait le moindre des mouvements qu’ils faisaient "Je te pose une question, c’est tout ce que je fais." Le culot aussi, ça faisait partie de leur dynamique. Et la frustration encore plus, celle dont Ruben l’alloua soudain lui faisant presque monter les larmes aux yeux. Il resserra sa ceinture autour de sa taille, elle le fixa avec une hargne qu’elle ne réussit pas à repousser sur l’instant, l’imitant comme tout à l’heure quand il avait serré les mâchoires en serrant les siennes, fort "C’était pas un test, c’était une opportunité." siffla-t-elle entre ses dents pendant que les yeux de Ruben retrouvaient les siens, et que silencieusement, elle le défia de faire quelque chose, n’importe quoi pour réparer l’erreur qu’il venait de commettre en refusant la perche qu’elle lui tendait.

Il lâcha sa ceinture pour de bon et elle, elle lâcha un léger rire en secouant la tête, évitant de le regarder s’éloigner et se rasseoir. Elle lui tourna le dos, se dirigeant de nouveau vers un coin du dressing pour tirer rageusement un chemisier de la penderie de sa mère, le blanc laiteux du tissu rendant éclatant le cramoisi de ses joues qu’elle dissimula aux yeux du docteur à qui elle faisait dos pour l’enfiler, cette fichue chemise. Elle retira son peignoir, lui offrant uniquement la vision de son dos nu cette fois, et réagit à peine à ce qu’il lui confirma dans la foulée, blessée par la manière dont il venait de la repousser : elle lui manquait oui, mais il tenait à faire des efforts. Et pourquoi ? Elle se retourna, complètement habillée cette fois, une main glissant une partie du bas de sa chemise dans son jean, l’autre replaçant convenablement le col à demi ouvert pour qu’il tombe juste sur sa poitrine, au-dessus de la fine chaîne en or qu’elle portait autour du cou "Et c’est quoi le plan alors ? Tu vas me proposer des séminaires, t’inquiéter pour moi et me traiter enfin comme un être humain dans le but de quoi ? Ruben ?" Elle détacha son prénom du reste de ses questions sans savoir pourquoi, ses yeux s’aimantant aux sien quand elle arriva devant le banc sur lequel il était toujours assis. Elle eut un très léger rire, singeant quelqu’un sans savoir qui quand elle reprit, ses yeux roulant pour regarder le plafond "Me reconquérir ? Te décider enfin à rester fidèle à ta femme ?" A sa femme qui ne l’était même pas encore au demeurant. Elle rit un peu plus Mav, se détournant de là pour aller ouvrir une porte coulissante où se trouvait un miroir qu’elle regarda à peine, s’arrêtant sur tout, sauf sur son visage qui lui rappelait celui d’une autre.

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« Je prends ça pour un non. » Elle pouvait bien prendre cela comm elle le voulait - même s’il trouvait ça énervant de la voir saisir la vérité en un coup d’oeil, alors qu'il aurait préféré que les choses soient plus difficiles à deviner. De son côté, serrer les mâchoires d’encore un cran ne résoudrait rien, mais lui semblait être la réaction la plus appropriée pour s’empêcher surtout de prononcer des paroles qu’il serait apte à regretter à la suite. « J’ai pas dit le contraire, et je t’ai remercié pour ça. » Dans une autre situation, Ben en aurait ri - c’était ridicule la façon dont ils se comportaient en ce moment; presque d’ici à quelques phrases prononcées, ils en viendraient à se faire des courbettes de politesse. Ce n’était pas ce qu’il cherchait à faire en cet instant, ce n’était pas pour prétendre et jouer à un jeu qu’ils maniaient avec un brin trop de perfection jusque maintenant; ce qu’il cherchait à lui souligner, c’était qu’il cherchait pour une fois véritablement à faire quelque-chose de positif, à agir selon les dictats de bonne façon. Il s’était véritablement inquiété pour elle et il osait le formuler à haute voix pour qu’elle comprenne que non, ce n’était pas parce-qu’il n’avait que trop peu de volonté face à elle qu’il l’avait suivi à travers le dédale de la demeure Barnes. Il y avait de ça, mais ce n’était pas le moteur principal pour une fois.

Et c’était un point qu’elle avait apparement à coeur de ne pas tenir à souligner, Mavis, alors qu’elle tirait sur l’autre corde - celle que trop bien connue chez Ruben par elle-même - autant sur celle qui tenait le peignoir encore en place autour de sa taille. Il manquait d’air, il manquait d’oxygène, mais il se devait de faire les choses correctement pour une fois; des efforts lui avaient été demandés, des efforts il produirait. Mavis lui avait demandé d’arrêter de réagir avec les émotions qui le rongeait de l’intérieur lorsqu’il la voyait, alors c’était exactement ce qu’il allait faire aujourd’hui. « Je te pose une question, c’est tout ce que je fais. » Elle jouait avec lui surtout, avec ses limites, avec les connaissances qu’ils avaient l’un de l’autre sans les formuler à haute voix. Elle n’avait pas besoin qu’il lui confirme qu’elle lui manquait: elle savait déjà que c’était le cas, alors qu’à chaque seconde qu’ils passaient à quelques centimètres l’un de l’autre la tension dans la pièce épaississait de plus en plus. Ses mots à elle était susurrés, les siens étaient suppliés. Elle ne posait pas juste une question, ils le savaient parfaitement tous les deux - car dans toute autre situation, c’était là tout à fait le type de réaction qui aurait fait flancher Ben sans qu’il ne rougisse un seul instant à cette idée. Aujourd’hui, peut-être avec les doigts fébriles mais il s’y appliqua, il referma le peignoir sur la peau de la jeune femme sans effleurer un seul instant la moindre parcelle de son épiderme dans la foulée. Cela lui en coutait, mais il tentait pour une fois d’être celui qu’on lui avait demandé d’être. Bien sur qu’il put sentir la tension monter encore d’un cran entre eux, s’envenimer d’une certaine frustration inconnue jusqu’à aujourd’hui alors qu’il remontait son regard pour accrocher celui de Mavis: sa colère à elle. « C’était pas un test, c’était une opportunité. » Oh, à la voir réagir de la sorte, plus d'une pensée traversa l’esprit de Ruben - toutes de celles qu’il se retenait d’appliquer en cet instant justement. Ce n’était pas par gaité de coeur qu’il agissait de la sorte, si elle ne ressentait pas cette vague d’émotions qui la prenait clairement de court en cet instant elle saurait que ce n'était pas ce qu’il souhaitait faire. Simplement, il lui avait été demandé d’arrêter de jouer à ce petit jeu là par la même personne qui vibrait de colère face à lui; alors, pour une fois Ruben se pliait à la demande.

Mavis disparut de son champ de vision à peine fut-il de nouveau assis sur le banc. Oh, bien sur que le regard du brun ne mit qu’un instant pourtant avant de la suivre à travers le dressing - il connaissait par coeur chaque courbe que ce corps pouvait apporter, et pourtant lorsqu’elle fit glisser définitivement le peignoir par terre dos à lui, il s’imagina glisser ses doigts comme pour la première fois le long de ses omoplates. Il devait concéder que la chemise qu’elle avait fini par choisir dans un élan de colère lui allait bien - il se garda de faire le commentaire à haute voix. « Et c’est quoi le plan alors ? Tu vas me proposer des séminaires, t’inquiéter pour moi et me traiter enfin comme un être humain dans le but de quoi ? Ruben ? » La façon dont elle appuya son prénom, détaché du reste de ses mots, lui fit comme un coup de poing dans l’estomac - il ne saurait expliquer pourquoi, il ne saurait trouver la cause. « Me reconquérir ? Te décider enfin à rester fidèle à ta femme ? » Elle avait levé les yeux au ciel, il en avait fait de même; elle s’était dérobée à sa proximité en faisant quelques pas dans le dressing et il avait ressenti ce manque dont elle parlait s’accentuer un peu plus. Pinçant ses lèvres, Ben ne se releva de nouveau qu’une poignée de secondes plus tard, venant se planter derrière Mavis; il gardait toujours cette distance presque de sécurité qu’il détestait, mais qu’il savait nécessaire s’il désirait respecter ce qu’elle lui avait demander - car c’était là son agissement qui ne correspondait qu’à ça, après tout. Son regard cherchant celui de la jeune femme dans le reflet du miroir, ses sourcils quelque peu froncés luis donnant un air bien plus sévère que cela était nécessaire. « C’est toi qui m’as demandé d’arrêter d’agir comme je le faisais jusque là, mais c’est toi qui t’offusque la première que je le fasse vraiment. » Sa voix était presque posée, un brin douce même. Il ne cherchait pas à rajouter de l’huile sur le moindre feu ardent - pas aujourd’hui, et pas de cette façon là. « Je le fais pas pour te reconquérir, t’as assez d’informations pour prendre tes propres décisions. » Il espérait bien sur qu’elle revienne vers lui naturellement, sans qu’il ait besoin de lui forcer la main - à d’autres, mais pas à elle. Elle savait à quel point ses défauts pouvaient être teintés de gris lorsqu’il les laissait s’exprimer librement, elle n’aurait aucune surprise. « Je le fais pour pas te perdre, c’est la différence. » Pas parce-qu’il était fou amoureux d’elle et que son coeur ne s’en remettrait jamais si elle venait à tourner définitivement la page sur lui, mais parce-que la présence de la jeune femme à ses côtés était une constante qu’il appréciait plus que de mesure, pour bien des raisons et dans différents domaines, et qu’il n’avait pas envie de voir tout cela disparaitre. Et qu’il avait bien vu dans son regard, bien compris dans son comportement la dernière fois que s’il continuait à agir de la sorte il fonçait droit dans le mur et qu’il en arriverait au point qu’il tentait avec conviction de justement éviter. « T’en fais ce que tu veux de ton côté, mais rappelle toi que c’est toi qui m’as demandé ça. » Pour une fois, il pouvait se permettre de mettre la balle dans son camp à elle; certes, elle en était arrivée là suite à son comportement à lui mais elle ne pouvait pas se permettre d’être surprise alors qu’il se contentait de répondre à ses attentes.

Là où ses dernières paroles avaient été prononcées avec une voix maitrisée, aussi neutre que possible car une fois encore, son but n’était pas d’apporter plus de damages là où une certaine pile commençait à se faire. En revanche, en cet instant le regard de Ruben s’illumina d’une certaine étincelle, alors qu’il se permit de laisser doucement glisser un léger rictus au coin de ses lèvres. « Je vois par contre que je suis pas le seul à pas savoir gérer correctement ma frustration lorsque ça en revient à nous deux. » Sur des niveaux différents,  avec des ressentis diverses, mais bien sur qu’il n’avait su faire autrement que de se rendre compte qu’elle avait ressenti cette même frustration qu’il éprouvait ces derniers temps lorsqu’il s’agissait d’elle. Leurs égos ne sachant gérer ce type de situation, là où ils jouaient en permanence pour venir appuyer là où ces derniers saigneraient le plus facilement pourtant. « Tu t’attendais pas à ce que je montre que je sais parfois me retenir, hein ? » C’était satisfaisant, pour sur; c’était presque amusant, également - mais ça il se garderait bien de le mentionner à haute voix.

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"Parce que jusqu’à maintenant, tu m’as pas habituée à tenir ta parole." Ce n’était pas tout à fait vrai, seulement la réplique fusa du tac-au-tac. Le regard rieur de Mavis se planta définitivement dans celui de Ruben sans plus aucune trace de malice désormais. La tension était là, à flotter entre eux, alors que de toute sa petite taille, elle le dominait, lui qui était assis sur ce trône de fortune qu'il avait rejoint après l’avoir éconduite. Elle aurait pu lui cracher qu’elle le haïssait sur le moment, mais Mavis n’était pas aussi tranchée dans sa façon de ressentir, et Ruben il mettait la pagaille dans cette zone grise qu’elle réservait exclusivement aux sentiments qu’elle éprouvait pour autrui. Elle l’admirait, elle l’enviait un peu aussi, mais plus que tout encore, elle le désirait tellement que parfois, elle se rendait compte que c’était douloureux, et qu’oubliant la raison première de l’attache qui les unissaient tous les deux, elle en venait à regretter de s’être faite avoir comme tous les autres avant elle, comme Nina en particulier. Ce n’était pas tant elle qui avait du pouvoir sur Ben, c’était lui qui avait sur tout le monde un pouvoir dont il savait très bien jouer parce qu’il savait ce qu’il provoquait chez les autres sans s’en sentir honteux, petit prince à qui on pardonnait tout à cause de cette tête bien faite qu’il avait, et de ses grands yeux qu’elle continuait à affronter sur le moment, déterminée à ne pas le laisser gagner du terrain malgré la bataille qu’il venait de remporter. Positif ou négatif, tout ce qu’il provoquait chez les autres, il prenait : et sa nonchalance dans l’exercice était telle qu’à certain moment, il semblait tant s’en ficher que Mavis voulait apprendre de lui et de sa capacité à être qui il était sans jamais perdre de vue qu’il méritait absolument toute l’attention qu’on lui réservait, bonne ou pas. Il était brillant, il était ambitieux, il était voué à faire de grandes choses : il était tout ce qu’elle aurait aimé être, et ce qu’elle avait eu le temps de devenir à moitié en débarrassant la surface de cette terre de son étouffante soeur jumelle.

Ce qu’il possédait comme culot, comme talent, comme aptitudes, elle le désirait autant que ce corps au creux duquel le sien s’était souvent retrouvé entremêlé. Il n’y avait pas une parcelle de l’être de Ruben que Mavis ne désirait pas, c’était aussi simple que ça. Ce n’était pas de l’amour, elle le savait parce qu’elle n’était pas capable de le ressentir, croyait-elle sans se sentir malheureuse de l’admettre, c'était autre chose qui la poussait à considérer de dépasser à nouveau des limites, se rendant coupable d’un crime qu’on punissait encore il y avait à peine cinquante ans de ça. Elle prit une profonde inspiration, sentant sa poitrine nue trembler sous le tissu léger de la chemise qu’elle portait désormais, et secoua la tête en écoutant attentivement ce que Ruben lui disait. Elle se sentit serrer les poings, l’arrondi de ses ongles impeccables formant des demi-lunes dans les paumes de ses mains  — il parlait de prendre ses propres décisions, elle aurait aimé être capable de lui dire qu’elle ne savait pas faire ça, qu’elle prenait toujours les mauvaises, que celles qui lui venaient toujours à l’esprit, c’était celle qui laissaient éclater au grand jour qu’elle n’était pas digne de confiance, que son angélisme n’était qu’une façade qui dissimulait la perversion certaine de son cheminement de pensées quand elle s’imaginait faire du mal à tous ceux qu’elle croisait.

Il la coupa quand elle rouvrit la bouche pour essayer de lui expliquer. Je le fais pour pas te perdre. Les tendons de son cou saillirent, ses sourcils se froncèrent. Le redoux dans sa propre attitude la surprit elle-même "Pourquoi tu me dis ça seulement maintenant ?" Elle ne savait pas réagir à ce genre de pseudo-déclaration Mavis. Ce n’était pas tant que c’était gênant, c’était plutôt qu’elle n’en avait pas l’habitude. C’était ce qu’on récoltait d’une enfance passée négligée par ses propres parents. Baz ne devait pas plus armé pour ce genre de choses, et Marion ne l’aurait pas été non plus ; il suffisait de la voir interagir avec Dan à l’époque pour savoir que déjà, à 13 ans, elle avait un souci de ce côté-là. Les Barnes étaient des inadaptés sentimentaux, et ça se vérifiait là, maintenant, alors que ses paupières devenaient lourdes, mais que ses yeux restèrent ancrés dans ceux de Ruben qu’elle dévisagea, interdite par la portée de ses mots.
Réalisait-il seulement l’impact qu’ils avaient sur elle, la petite-fille mise de côté les treize premières années de sa vie ? Comme si elle n’avait pas fait de pause pour accuser le coup, elle reprit sur le même ton doux, mais surprit "Au lieu de te comporter comme un idiot jaloux, tu m’aurais juste expliqué les choses aussi facilement que ça, ça nous aurait évité de nous battre comme des chiffonniers pendant des semaines, Ben." Lui aussi était intelligent pourtant, alors pourquoi ça leur paraissait si improbable d’être efficaces quand il s’agissait de communiquer comme des adultes ? Elle rompit enfin le contact de ses yeux avec ceux de Ruben. Elle le laissa lui faire un rappel des faits, mettant en exergue que c’était elle qui avait tenu à le tenir à distance depuis qu’ils s’étaient disputés, elle osa lui avouer "Si tu m’avais dit les choses de cette façon, je t’aurais jamais rien demandé." Et il aurait gardé son trousseau de clefs parce qu’il venait de mettre le doigt sur ce quelque chose qui la forçait à agir comme elle le faisait depuis que sa soeur était partie : savoir qu’elle était importante aux yeux de quelqu’un comme Ruben, c’était ce qui avait entraîné tous ses choix de vie depuis dix ans.

Et bizarrement, ça lui faisait ficha une trouille bleue. Elle était un futur médecin, elle savait reconnaître les signes de la nervosité inhérente à ce genre de choses. Le coeur qui s’affole, les mains qui deviennent moites, les fourmis dans les extrémités, la boule dans la gorge, le sifflement dans les oreilles et l’impression de tanguer ; elle s’interdit de flancher. Elle devait garder la tête haute, elle devait se contrôler, et cette volonté, elle l’avait chevillée au corps. Les paroles qu’il ajouta juste après pour lui avoir fait remarquer qu’elle avait paru aussi frustrée qu’il ne savait l’être quand elle se refusait à lui, qu’elle l’envoyait paître en lui reprochant de ne pas penser avec son si brillant cerveau, elles n’arrangèrent pas les choses finalement et bien qu’elle était déterminée Mavis, elle ne réussit pas à rester stoïque. Elle ferma très brièvement les yeux, sa tête se secouant de droite à gauche alors qu’elle soupirait fort. Enfin, elle leva la tête vers le plafond, la bascula doucement en arrière pour tacher de retrouver une contenance, tout en disant à Ruben "Comment tu peux être adorable une minute et insupportable la minute d’après ?" Ça l’amusait, elle était certaine que ça l’amusait de la voir autant sous l’emprise de ce sentiment qu’elle lui avait souvent fait ressentir ces derniers temps. Un nouveau soupir lui échappa, et après une longue seconde, elle remua pour se glisser à ses côtés, sur le banc en molleton, pour lui demander en même temps "Il va se passer quoi quand tu seras marié pour de bon avec elle ? T’as déjà réfléchi à ça ?" Elle, elle ne posait jamais ce genre de questions. Ce n’était pas un service à se rendre, ni à lui ni à elle, que de soulever l’imminence des projets qu’il avait avec sa future femme. Mais à ce sujet, ils avaient suffisamment fait l’autruche. Essuyant ses mains moites sur le jean de sa mère, Mavis s’inclina en avant pour s’accouder à ses genoux, puis tourna la tête vers Ruben pour lui dire "Je crois que c’est le moment d’en parler."

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« Parce que jusqu’à maintenant, tu m’as pas habituée à tenir ta parole. » A la réplique de Mavis, il haussa un sourcil, pencha quelque peu la tête sur le côté. Elle était dure avec lui, car ce n’était pas vrai: il tenait parole, simplement ce n’était pas si simple d’appliquer cette dernière, cela lui demandait du temps et de l’attention. Il ne pouvait pas se permettre d’agir comme bon lui semblait tout le temps, s’il désirait pouvoir continuer justement à tenir sa parole. Alors bien sur qu’il voyait bien que ses paroles à lui surprenaient et prenaient Mavis de court, qu’elle ne s’était pas imaginée ce type de conversation là avec lui aujourd’hui, qu’elle n’avait surement pas eu l’envie d’en avoir la moindre de toutes façons initialement. Elle avait été on ne pouvait plus claire: elle ne désirait pas l’avoir dans les pattes, alors que leur dernier tête à tête personnel s’était soldé par le plus cuisant des échecs.

Alors, avec une authenticité qui faisait presque peur à voir, et pour ne pas que cette conversation là aussi soit à jeter aux oubliettes, il lui souligna le point qui était vérité: son objectif n’avait jamais été de la reconquérir, là où il ne savait même pas initialement avec certitude qu’il se trouvait en terrain conquis justement. « Pourquoi tu me dis ça seulement maintenant ? » Parce-que cela n’aurait rien changé dans la réalité des faits: il avait dépassé les limites en se comportant de la façon dont il l’avait fait, et il n’y avait malheureusement pour sa défense pas grand chose d’autre à ajouter à la situation. A ses yeux, il avait agi comme il aurait du le faire; la réaction de Mavis et ses paroles à elle sur le moment pouvait que ce n’était pas véritablement le cas et qu’effectivement, même s’il éprouvait une certaine jalousie parce-que c’était là quelque-chose qu’il ressentait bien trop facilement, il ne pouvait la laisser se faire entendre de cette sorte là. « Au lieu de te comporter comme un idiot jaloux, tu m’aurais juste expliqué les choses aussi facilement que ça, ça nous aurait évité de nous battre comme des chiffonniers pendant des semaines, Ben. » - « Tu penses vraiment que t’aurais accepté de m’écouter l’autre jour ? Comme tu le fais aujourd’hui ? » Même si initialement elle n'avait pas demandé à le voir la suivre comme un fidèle compagnon à travers la maison de ses parents, elle était bien plus ouverte à n’importe quelle discussion qu’elle avait pu l’être chez elle.  « Si tu m’avais dit les choses de cette façon, je t’aurais jamais rien demandé. » - « Ca aurait pas changé ma réaction, tu sais. » Il pinça les lèvres, soupira un instant. « Je me serais quand même comporté comme un idiot jaloux - » le terme lui irritait la gorge « - parce-que je suis jaloux malgré tout. Idiot, ça c’est toi qui as décidé que c’état un adjectif qui m’allait bien, par contre. » Il était sérieux, mais bien sur que les derniers mots prononcés avaient pour but d’ajouter une touche de légèreté à leur conversation qui devenait de plus en plus sérieuse au fil des minutes qui passaient. Comme quoi, parfois s’appliquer à simplement dire la vérité pouvait être un point positif - avec elle, pas avec d’autres il le savait d’avance.

Ce ne fut qu’après ses paroles suivantes qu’elle finit par changer totalement d’attitude. « Comment tu peux être adorable une minute et insupportable la minute d’après ? » Bien sur qu’elle lâchait prise, d’une certaine façon: elle ne se serait pas permis d’être si familière en cette situation si ce n’était pas le cas - il avait vu la différence, et ne l’avait en rien apprécié si son avis venait à être demandé. « Je vais me contenter de retenir que t’as dit que j’étais adorable. » Du Ben tout craché, qui avait particulièrement appuyer sur les éléments qui l’arrangeaient lui.

Si elle se contentait de le fuir malgré tout jusque maintenant, elle tourna vers lui pour s’installer à son tour sur le banc, point central de toute la situation. Bien sur que de l’avoir si proche de lui volontairement, et non pour le provoquer, vient justement lui tirer un frisson le long de sa colonne vertébrale. Mavis avait cherché à avoir une réaction de sa part qui soit vue comme positive, c’était dommage qu’il garde jalousement celle qu’il avait en cet instant pour lui seul. « Il va se passer quoi quand tu seras marié pour de bon avec elle ? T’as déjà réfléchi à ça ? » Finalement, le reste de leur conversation était presque agréable à avoir. Celle que la jeune femme abordait là en cet instant, ce n’était pas sur la liste des priorités de Ben - sans grand étonnement. Alors qu’elle s’installait un brin davantage comme pour souligner d’avance avec des gestes les mots qu’elle allait avoir, il détourna un instant le regard: c’était plus facile de prendre un instant pour se rencontrer que d’affronter directement le plus gros de ce qu’ils abordaient depuis qu'ils étaient entrés dans cette pièce. « Je crois que c’est le moment d’en parler. » - « J’aurais préféré qu’il n’existe pas de moment d’en parler. » Parce-que profiter des avantages qu’ils pouvaient tous deux tirer de leur situation sans se soucier jusqu’à ce point là de ce qu’il allait arriver ensuite, c’était suffisant. Ruben savait pertinemment que ce ne serait pas éternel, mais ça lui avait toujours suffi jusque maintenant. Il inspira longuement, expira pour la même durée. « J’y ai pas réfléchi, non. » Il marqua une pause mais s’empressa de ne pas la laisser durer. « Je me suis concentré sur le présent, sans trop accorder d’importance au reste. » Parce-que penser à ce qu’il pourrait et allait se passer ensuite, c’était se concentrer sur les erreurs qu’il faisait et se retrouver confronté au fait qu’effectivement, il avait fait des erreurs. « Quand je l'ai demandé en mariage… je pensais que les choses allaient rapidement arriver, et que tout cette histoire serait rapidement derrière moi. » La première fois qu’ils avaient été au delà des limites - elle était là, elle savait de quoi il parlait. « Ca a pas été le cas, comme tu le sais. Et les choses sont devenues de plus en plus… compliquées, avec le temps. » Il plissa le bout du nez. « Je m’étais pas dit qu’un an et demi plus tard, on serait encore au stade de devoir décider d’une date de mariage et que j’allais coucher plus souvent avec toi qu’avec elle. » Et même si ce n’était pas là des sujets et des situations, des vérités en réalité, qu’il abordait avec félicité, il se rendit compte que le faire aux côtés de Mavis se trouvait être d’une simplicité qui lui faisait presque peur. Le regard qu’il porta à cet instant en sa direction était bien plus simple, défait de toutes les apparences qu’il donnait en permanence: c’était le même regard qu’il abordait lorsqu’il était enfant et qu’il regardait le monde avec une part de naïveté toujours présente en lui. « Ca changera quelque-chose pour toi ? » Il haussa un sourcil. « Honnêtement. » Son changement de statut se trouverait-il être un frein qui n’avait su exister jusque maintenant ?

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"Non. Certainement pas, non." Il était honnête Ruben, elle se devait de l’être aussi. Elle le décida sans aucune espèce d’hésitation, même si ça la plaçait dans le mauvais rôle. Les sourcils doucement haussés, elle admit donc qu’elle ne lui aurait laissé aucune marge pour lui parler comme il le faisait aujourd’hui lorsque cette fois-là, il l’avait trouvée au lit avec Dan et qu’il avait jugé bon investir la table du petit-déjeuner pour faire le malin et la prendre en faute quand vraiment, il n’y avait aucune faute commise. Elle ajouta entre deux de ses mots, cherchant ses yeux sans avoir besoin de faire beaucoup d’effort "Mais j’aurais été plus en mesure de comprendre pourquoi t’agissais de cette manière si t’avais réussi à me dire les choses comme ça." C’était trop tard de toute façon, ils n’avaient aucun moyen de revenir en arrière et d’effacer ce qu'ils s’étaient dit et ce qui avait été décidé dans la foulée. Elle prit une légère inspiration, n’en revenant toujours pas d’avoir entendu Ben lui dire clairement quelque chose qui lui faisait autant plaisir que ça ne lui faisait peur ; plaisir parce qu’elle adorait être le centre du monde, qu’elle en rêvait, qu’il s’agisse du monde de Ruben ou du monde de quelqu’un d’autre, et peur parce que ce n’était pas les termes du contrat tacite qu’ils avaient passé. Il ne devait pas y avoir de ça entre eux, ça avait été souligné assez de fois par le jeune homme pour que, si elle n’était pas toujours relativement sous le choc, elle se serait amusée à le lui faire remarquer. Elle ne le fit pas, elle continua simplement à le regarder, n’infirmant ni n’affirmant que malgré tout, elle le trouvait idiot.

Ils l’étaient tous les deux, c’était ça qu’elle pensait vraiment à cet instant précis. La complicité qu’il y avait entre eux était telle que, même dans un moment critique comme celui-ci, Ruben réussissait à la faire sourire en biais, mais elle ne le lui montra pas, et reprit son sérieux pour lui poser ce qu’elle croyait être les bonnes questions. Ruben se tendit, elle était capable de s’en rendre compte parce qu’elle le connaissait, qu’elle connaissait ses réactions ; qu’être son amante lui conférait certain privilège, dont celui de savoir reconnaître quand il était mal à l’aise, et il l’était à ce moment-là. Elle insista sans le faire, une certaine douceur dans son ton l’aidant à faire passer l’idée qu’elle ne cherchait pas le conflit, mais qu’il devait répondre à sa question "Tu sais que ça serait arrivé à un moment donné." Autant profiter de l’accalmie pour le faire. Se redressant sur le banc, Mavis remua pour se positionner avec les jambes des deux côtés du bord, ses mains reposant tranquillement dans l’espace que formait ses jambes, son buste tourné vers Ruben qui lui avoua que non, il n’avait jamais réfléchi au futur imminent qui l’attendait ; qui les attendait, qu’ils le veuillent ou non, Mavis était à prendre en compte. Elle l’écouta prendre une inspiration, l’expulser doucement. Sans réfléchir, elle cala sa respiration sur la sienne et la retint lorsque, marquant une pause, il prit enfin le temps de continuer "Pourtant t’as toujours insisté pour m’enfoncer dans la tête que c’était provisoire tout ça. J’ai du mal à te suivre Ben, tu ressens quoi pour Nina ?" Ça non plus, elle n’avait jamais osé lui demander, mais n’était-ce pas légitime ? Elle pinça les lèvres, attendit que ses yeux rencontrent les siens pour lui dire "C’est pas une question piège." Le ton toujours aussi posé malgré l’idée que ça l’agacerait sans doute, de réaliser que dans une certaine mesure, elle non plus, il ne voulait pas la perdre

Elle déglutit "Mais y a eu le bébé. Ça a bousculé tes plans." Il lui en voudrait peut-être d’exposer les choses de cette manière, mais tant pis. Il ne lui aurait jamais parlé de l’avortement de Nina s’il n’avait pas voulu en discuter avec elle, de toute façon. Elle détourna les yeux, ne voulant pas être confronté à quelque chose qui lui ferait avoir de la peine pour lui s’il se remettait à penser à l’époque où c’était la guerre froide entre lui et Nina. A cette époque, Mavis avait eu l’impression qu’il avait presque été entièrement à elle ; ce n’était plus tellement le cas aujourd’hui, et pas uniquement parce qu’elle l’avait repoussé pendant des semaines. L’imminence de ses noces était proche, elle le sentait autant qu’il n’y avait aucune espèce de chance qu’il change d’avis Ruben ; autant qu’il n’y avait aucune espèce de chance qu’elle essaye de le faire changer d’avis en se dressant fièrement comme opposante à une union qui allait droit dans le mur de toute façon. Ça, c'était satisfaisant d’y penser sans qu’elle n’y mette son grain de sel — elle qui n’était que cartésienne, elle savait pourtant que c’était écrit dans les étoiles. Elle pourrait le menacer de le faire pour la farce, précipiter la fin de son histoire avec Nina, histoire de voir la panique briller dans son regard, mais pourquoi le ferait-elle vraiment ? Il avait toujours été évident pour Mavis que, si leur relation tumultueuse venait à éclater au grand-jour, elle serait celle à perdre davantage que le docteur. Aussi, si elle était celle qui vendait la mèche, elle serait en plus de ça considéré comme une traitresse, et jamais elle ne prendrait le risque que Ruben la voit de cette façon.

Le regard qu’il posait sur elle, il était plus important que n’importe quel autre, et c’est presque pour ça que, l’entendant replacer la temporalité des évènement avec morosité, elle lui demanda "Tu regrettes ?" Elle explicita juste après, passant sa langue sur ses lèvres pour répéter plus clairement "Ce qui se passe entre nous, est-ce que tu regrettes ?" Elle ne savait pas très bien répondre seule à cette question. Elle avait beau le connaître sous ses facettes les moins brillantes, elle avait du mal à interpréter ce qu’elle lisait dans ses yeux à ce moment-là, sûrement parce qu’il y avait un peu d’émotion. Baissant brièvement les yeux, comme pour lui laisser un peu d’intimité pour répondre à sa question, elle en profita pour répondre à la sienne. Ne quittant pas la position qu’elle avait prise quelques minutes plus tôt, elle enfonça juste davantage ses paumes dans le molleton qu’elle sentait doux sous ses doigts. Haussant finalement les épaules après un instant de réflexion, elle se lança "Que tu sois marié ou pas, ça changera pas grand-chose, non. Si jamais ça vient à se savoir, c’est moi qu’on traitera de salope parce que je savais que t’allais te marier." Elle releva les yeux pour affronter les siens, ne donnant pas le sentiment que ça la gênait vraiment comparé à ce qu’elle ajouta ensuite, avec franchise, puisque c’était ce qu’il lui avait demandé "Je redoute juste comment les choses vont tourner quand elle portera enfin ton nom." Elle marqua une pause, ne s’en voulant pas de pencher vers ce terrain-là parce que là encore, ses réflexions se valaient, et il ne pourrait pas dire le contraire "Elle voudra un autre bébé à un moment donné, t’en es conscient ? Et peu importe ce que t’en penses maintenant, tu finiras par céder parce que t’as été un sale type la première fois, et que je sais que tu t’en veux de lui avoir fait subir ça." Presque sans le vouloir, elle prit une inspiration, sa voix gonflant en même temps qu’elle terminait "Et tu sais, je m’en fiche d’être un cliché ambulant. J’ai pas de problème à être avec toi alors que t’es le protégé de mon père, que t’es mon mentor, que t’es avec elle. Moi je regrette pas." Absolument rien des décisions qu’elle avait prises jusqu’à maintenant, et il fallait qu’il le sache ; comme il fallait qu’il sache autre chose qu’elle ne tarda pas à lui dire, les yeux plongés dans les siens "Mais j’ai pas envie d’être la maîtresse d’un homme qui a des enfants."

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« Non. Certainement pas, non. » Il n’aurait pas parié autrement. « Mais j’aurais été plus en mesure de comprendre pourquoi t’agissais de cette manière si t’avais réussi à me dire les choses comme ça. » Il pinça ses lèvres un instant, hésitant à compléter son discours - et puis se rappela qu’il n’était plus à une vérité énoncée près. « Mais moi j’aurais pas été en mesure de te le dire la dernière fois. » Et pour une fois, ce n’était même pas une question d’égo ou de fierté. Simplement, il s’était rendu compte parce-qu’elle le mettait à la porte et qu’elle lui demandait de prendre ses distances qu’il n’avait pas envie de la perdre. Sa présence à ses côtés était devenue un acquis qu’il n’avait pas envie de se voir retiré de ses habitudes - et c’était ce qui était en train pourtant de se passer, contre son gré, sans qu’il ne puisse y faire grand chose.

« Tu sais que ça serait arrivé à un moment donné. » - « C’est pas pour autant que j’avais hâte que ça arrive. »

Ils auraient forcément eu besoin d’en discuter à un moment donné, oui. Le déni avait été une solution plus que plaisante ces derniers temps, voire tout du long, mais ce n’était pas quelque-chose qui pouvait perdurer et convenir sur la durée. Ruben le savait, mais fermer les yeux sur les choses qui reportaient aux erreurs qu'il avait commis et continuait de commettre était plus simple que d’affronter ces dernières. « Pourtant t’as toujours insisté pour m’enfoncer dans la tête que c’était provisoire tout ça. J’ai du mal à te suivre Ben, tu ressens quoi pour Nina ? » Il se retint de lever un brin les yeux au ciel, tirant involontairement sur son cou un instant avant de porter son regard vers Mavis. C’était tout à fait le type de sujets où il connaissait les réponses, mais pour lesquels il avait l’impression de devoir rendre des comptes en permanence - bien sur que c’était le cas, mais ce n’était pas pour autant que c’était agréable. Il n’y avait qu’au boulot où il n’était pas contre rendre des comptes. « C’est pas une question piège. » - « Pas quand c’est toi qui la pose, je sais. » Il avait répondu dans un soupire cette partie là; il reprit une inspiration pour la suite. « Je l’aime. Vraiment de tout mon coeur. Ou en tous cas autant qu’il est possible à mon coeur de l’aimer. » C’était là le plus gros paradoxe de toute cette situation - et c’était d’autant plus cocasse de formuler ce type de ressentis à haute voix face à sa maitresse. Bien sur qu’à la suite de ces paroles là il détourna le regard. « Je sais que ça parait exagéré quand je le dis, mais elle est la femme de ma vie. » Surement et surtout parce-qu’elle cochait toutes les cases qui à ses yeux étaient importantes d’être vues cochées à une étape ou une autre de la vie; il ne saurait s’en rendre compte, mais il y avait également de cette partie là dans la vérité.

« Mais y a eu le bébé. Ça a bousculé tes plans. » A ces mots là, il ferma les yeux un instant. Toute la partie de l’année écoulée précédemment qui concernait la grossesse écourtée de Nina continuait d’avoir un gout doux-amer en bouche, pour Ben. Il ne voulait pas d’enfant, ou il n’en voulait pas pour le moment et il resterait ferme sur cette partie là parce-qu’il n’était pas question pour lui que les choses se passent autrement. En revanche il s’en voulait d’avoir rendu misérable celle qu’il maintenait être la femme de sa vie. « Ca a tout fichu en l’air, oui. » A ses yeux, sans ce dit-bébé, rien n’aurait été affecté derrière. Il aurait gardé le secret et le silence sur sa nuit avec Mavis, il aurait fait en sorte que cela soit le cas de son côté à elle et les choses se seraient arrêtées là. Il aurait épousé celle qui était sa fiancée, ils auraient continué leur petite vie dans leur coin. C’était ce futur enfant qui avait tout chamboulé. Rouvrant les yeux, tournant son visage vers Mavis, il haussa mollement les épaules; il n’y avait pas grand chose qu’il pouvait faire pour réparer cette partie là de l’histoire. « Tu regrettes ? » Ses sourcils se froncèrent dans un soubresaut. « Ce qui se passe entre nous, est-ce que tu regrettes ? » Tout comme la fois où Nina lui avait demandé s’il regrettait de l’avoir demandé en mariage, la réponse à la question de Mavis fut rapide à se faire entendre parce-qu’il n’y avait pas d’hésitation à avoir. « Non, je regrette pas. » Il tira l’un des coins de sa bouche en moue l’espace d’un instant. « C’est peut-être d’ailleurs ça le problème, c’est que je regrette pas. Tout comme je regrette pas de l’avoir demandé en mariage. » Il hésita, et comme elle avait temporairement détourné son regard, il eut moins de mal à ajouter le commentaire suivant, d’une voix bien moins assurée, plus basse et un brin hésitante même - lui qui n’était en rien du genre à hésiter d’ordinaire. « C’est quand je me rends compte de ça que je comprends à quel point y’a un problème, effectivement. » Qu’il faisait des erreurs.

« Que tu sois marié ou pas, ça changera pas grand-chose, non. Si jamais ça vient à se savoir, c’est moi qu’on traitera de salope parce que je savais que t’allais te marier. » Il pencha légèrement sa tête sur le côté. Il aurait aimé lui dire qu’elle se trompait pour ne pas qu’elle se blâme d’avance de cette sorte, mais il savait surtout pertinemment qu’elle avait malheureusement raison sur ce point là; c’était surement pour ça aussi qu’il savait d’avance que dans toute situation, il trouverait le moyen de s’en sortir à un moment donné. Ce n'était pas de cette façon là qu’il aurait aimé voir les choses, mais la réalité était plus forte qu’eux. « Tu pourras toujours prétendre que tu savais pas. » Maigre lot de consolation. « Je redoute juste comment les choses vont tourner quand elle portera enfin ton nom. » Il soupira, trop longuement pour que ce soit raisonnable. « Je me doute. » Il aurait préféré que ce soit pas le cas; il redoutait aussi, beaucoup - mais si elle regardait bien, dans son regard, elle pouvait le voir sans qu’il y ait le moindre doute sur la question. « Elle voudra un autre bébé à un moment donné, t’en es conscient ? Et peu importe ce que t’en penses maintenant, tu finiras par céder parce que t’as été un sale type la première fois, et que je sais que tu t’en veux de lui avoir fait subir ça. » Ce fut plus fort que lui, involontairement surement aussi, mais il secoua quelque peu la tête. C’était là une vérité qu’il savait d’avance, qu’il connaissait par coeur depuis bien longtemps en réalité. Cependant, les derniers événements relatant de ce sujet avaient été marquants et avaient surtout laissé des traces indélébiles dans leur histoire - à Nina, à lui, surement à Mavis aussi d’une manière ou d’une autre étant donné qu’elle était impliquée dans tout ça depuis le début. « Dis pas que j’ai été un sale type ça me fait mal au coeur. » Mal à l’égo surtout - mais c’était pourtant ce qu’il ressentait quand il l’entendait dire ça. « Ca me fait mal de savoir que t’as raison aussi. » Les doigts de l’une de ses mains jouaient nerveusement avec le bouton de manchette du côté opposé, marquant là visuellement le trop plein d’énergie et de ressentis qu’il portait en son sein concernant cette situation. « Et tu sais, je m’en fiche d’être un cliché ambulant. J’ai pas de problème à être avec toi alors que t’es le protégé de mon père, que t’es mon mentor, que t’es avec elle. Moi je regrette pas. »

Son regard resta plongé dans le sien, accroché comme à un bouée, alors qu'il savait pourtant pertinemment avant même qu’elle ne reprenne la parole ce qu’elle allait dire. « Mais j’ai pas envie d’être la maîtresse d’un homme qui a des enfants. » Alors, il déglutit avec peine.

Parce-que d’un coup d’un seul, les choses étaient devenues on ne pouvait plus réelles sous ses yeux; et ce n’était pas du tout ce à quoi il s’était attendu de cette conversation, d’aucune conversation aujourd’hui en réalité. Il était venu ici pour profiter des festivités, en espérant croiser le chemin de la jeune femme. Croiser son regard au mieux, mais il n’avait pas espéré grand chose d’autre. Les voilà qu’ils étaient en train d’avoir la conversation la plus sérieuse qu’ils aient pu avoir depuis qu’ils se connaissaient sans que cela ne concerne le boulot. Alors, Ruben laissa passer une seconde, et une autre, une lourde poignée de ces derniers à la suite par précaution. « D’accord. » Il lui faudrait surement bien plus longtemps que cela pour intégrer réellement les répercutions d’un tel aveux - il n’en était pas encore à cette étape là. « Pourquoi ? » Ce n’était pas par réflexe de défense qu’il demandait cela, ou parce-que son amour propre se voyait être jeté aux ordures lorsqu’elle prononçait une telle phrase; c’était là une réelle curiosité de sa part et il avait réellement le désir de comprendre ce qui la motivait à prendre une telle décision. « C’est pas une question piège. » Le ton emprunté l’indiquait seul, la précision était juste pour éviter la confusion. « Et j’ai pas réfléchi à toutes ces questions là, donc… Vraiment, y’a pas de piège. »

does she mouth fuck you forever?
@Ruben Hartfield (crédit gif/harley)

Mavis ne lui demanda pas pourquoi il n’aurait pas été en mesure de lui dire les choses aussi simplement la dernière fois, elle n’en avait pas besoin. Encore une fois, elle le connaissait par coeur, elle savait combien il était fier. Devoir lui dire que sa jalousie était induite par sa peur de la perdre, alors que Dan était dans la pièce d’à côté, partant avec un avantage que Mavis ne dissimulait pas à ses yeux, tenant trop à son meilleur ami pour préférer quelqu’un d’autre que lui, ça dépassait son entendement. Aucun d’eux n’étaient mieux logés que l’autre en terme d’ego, c’était ce qui rendait leur relation si tumultueuse. Sur le plan du travail, ils se complétaient à la perfection, Ruben offrant à Mavis l’occasion de s’abreuver du savoir d’un ponte, Mavis offrant à Ruben l’occasion d’être ce ponte en question, mais quand il s’agissait du plan le plus personnel de leur relation, leur amour propre entrait en collision, et pas pour le meilleur. Là, ils atteignaient un point où la seule bonne solution à leur problématique, c’était de se parler. Et ce n’était pas facile, mais ce n’était pas si pire non plus.

Ça mettait Mavis un peu mal à l’aise, ça mettait Ruben autant mal à l’aise, elle le sentait. Mais puisqu’ils semblaient tenir l’un à l’autre, c’était un mauvais moment qu’ils consentaient à passer ensemble et en mettant leur fierté de côté. La jeune femme remisa la sienne au fin fond de sa liste des priorités à cet instant-ci, quand elle demanda au docteur ce qu’il ressentait vraiment pour la femme qu’il allait épouser. Elle n’était pas idiote, elle savait qu’il allait lui servir un couplet pareil, alors ça ne la surprenait pas plus que ça de l’entendre lui dire ce qu’il lui dit, le coeur au bord des lèvres. Ce qui la surprenait en revanche, c’était la naïveté qu’il démontrait à croire à ses propres mensonges. Elle le savait honnête en toutes circonstances avec elle, mais l’était-il seulement avec lui-même ? Mavis eut un léger sourire, de ceux pas fait pour se moquer, qui ne partaient d’aucun sentiment en particulier, davantage un réflexe nerveux qu’autre chose "T’as une drôle façon d’aimer, Ben." lui fit-elle remarquer, ressentant une aversion marquée pour la manière dont il exposait les choses, manifestant son ressenti avec une théâtralité verbale qui agaça plus que tout Mavis. Sur le coup d’une impulsion portée par un soupçon de jalousie, elle lui dit "Et toi, tu crois que t’es l’homme de sa vie ?" Elle ne connaissait pas Nina, elle n’avait aucun moyen de deviner si le sentiment était partagé. En revanche, elle connaissait Ruben, elle n’ignorait pas que d’une certaine façon, la manière dont il voyait la jeune femme, la manière dont il ressentait ce qu’il ressentait pour elle, c’était dicté par une vision parfaite de la vie qu’il rêvait de mener pour sauver les apparences. Il était prisonnier de son envie d’être parfait, le docteur Hartfield, ça le poussait à considérer des choix qui n’étaient pas bons, mais elle ne le ferait pas déroger de sa ligne. Si ça lui chantait de gâcher sa vie avec une femme qu'il aimait uniquement pour les apparences, c’était son problème. De nouveau, elle eut ce même sourire mi-figue mi-raisin "Elle va te haïr quand elle apprendra toute cette histoire." Il détesterait qu’elle présente les choses de façon aussi fataliste, mais Ruben restait constamment les pieds à quelques mètres du sol, parqué dans l’illusion qu'il était intouchable, qu’il était trop bien pour la débandade. Il fallait tout de même voir les choses en face : c’état une possibilité, que Nina le haïsse, autant que leur histoire ne vienne à se savoir.

Elle tirait sur les bons fils pour démêler cette situation dans laquelle ils étaient emmêlés, pelote de sentiments alambiqués qui les retenaient captifs de ce qu’ils n’osaient pas se dire d’ordinaire. Ce n’était pas de gaité de coeur, Mavis n’aimait pas faire ça ; parler de Nina, parler de leur bébé, parler de leur mariage, parler de sa place au milieu de tout ça. Elle voulut recentrer le débat sur les regrets que Ben pourrait potentiellement avoir à propos d’eux, et sa réponse lui fit détourner les yeux. Elle n’y échapperait donc jamais, à cette impression qu’elle avait depuis toujours d’être une suppléante, une option à comparer à le première pour mieux se figurer de ce qu’on avait à perdre ou à gagner. Même là, alors qu’elle lui demandait seulement s’il regrettait leur histoire, il se sentait obligé de remettre Nina sur le tapis. Ça fit gonfler une boule dans le fond de la gorge de Mavis. Jusque-là, elle n’avait jamais vraiment ressenti de haine pour la jeune femme. Elle la trouvait idiote, mais ça s’arrêtait là. Maintenant, elle parvenait à retrouver ce qu’elle avait ressenti pour sa soeur dans le passé, soit un sentiment de rivalité si puissant qu’elle savait qu’elle serait prête à lui faire du mal s’il fallait qu’elle revendique son droit à se démarquer d’elle. Elle ravala sa bile, déglutissant en évitant toujours de regarder Ben, en évitant même de lui répondre, parce que pouvait-elle dire qu’elle ne lui avait pas déjà dit ? Bien sûr qu’il avait un problème, et pas des moindres.

Elle reprit vit à la manière dont il rebondit sur ce qu’elle lui disait à propos de ce qu’elle risquerait si leur secret venait à l’autre être dévoilé. Elle le regarda, la tête penchée un air de lui dire Ben, vraiment ? "Alors qu’on se connait depuis quoi, cinq ou six ans ? Que t’es littéralement invité aux fêtes de famille, que mon père te considère comme son héritier ? En plus d’être traitée de salope, je serais aussi traitée de menteuse. Tu veux vraiment que je m’en sorte pas, hm ?" Est-ce que tu me défendras ? aurait-elle aimé lui demander. Sauf qu’elle connaissait déjà la réponse, et qu’elle ne lui plaisait pas assez pour qu’elle veuille l’entendre de sa bouche. Elle secoua la tête, un léger rire lui échappant en décalé, s’amenuisant au fur et à mesure qu’ils continuaient à parler et qu’il lui demanda de reprendre ses mots, de ne pas le définir comme un sale type. Elle n’accéda pas à sa requête, elle resta sur ses appuis "Tu trompes celle que tu considères comme la femme de ta vie, ça fait quoi de toi dans ce cas ?" Elle haussa les épaules, ses sourcils se fronçant en même temps, repoussant l’idée de relever encore tout le pan de l’histoire où il lui demandait d’avorter en prime, et ce pour lui dire à la place "Je t’admire tellement que je sais pas quoi en faire, mais t’es pas quelqu’un de bien — et je sais que tu m’en voudras pas de te le dire parce que je suis la seule qui osera jamais le faire. Je veux pas te faire de mal Ben, mais me demande pas de mentir, je crois que je le fais déjà assez pour toi depuis presque un an." Elle le faisait déjà bien assez depuis bien plus longtemps que ça même. Mais ça, il ne le savait pas.

S’il avait besoin d’une autre preuve à apporter à ses dires, le pourquoi qu’il prononça après qu’elle lui eut dit qu’elle ne voulait pas être la maîtresse d’un homme avec des enfants, il étayait encore davantage la théorie du sale type de Mavis. Elle releva la tête pour le regarder, affrontant ses yeux avant de les faire dériver pour s’arrêter sur chaque point de son visage "Parce que je sais ce que c’est que de détester ses parents." annonça-t-elle sans détourner le regard, le remontant même dans celui de Ruben quand elle continua sur le même ton "Et que j’ai pas envie que ton enfant ressente pour toi ce que moi, je ressens pour mon père." Il avait eu de la chance Ben, il avait eu des parents aimants, attentifs et bienveillants. Ce n’était pas par bonté d’âme pure qu’elle ne voulait pas s’immiscer entre un père, une mère et son enfant, c'était aussi parce qu’elle connaissait les dégâts que ça causaient. Sur elle, ils étaient dévastateurs quand bien même elle donnait le change et qu’elle s’en sortait. Finalement, elle haussa les épaules, tourna la tête pour ne plus le regarder, laissant ses yeux suivre les pourtours de la fenêtre au store baissé du dressing de ses parents "Si t’as un bébé avec elle, il faudra que tu t’en occupes et que tu l’aimes, pas que t’en fasses un nouvel accessoire à pavaner pour montrer au monde à quel point ta vie est parfaite, et à quel point t’as réussi. C’est une vraie responsabilité d’élever des enfants, et t’es déjà assez occupé avec le boulot alors si je suis là, à te demander autant d'attention que lui, t’auras pas assez de temps pour lui et c’est…" Elle secoua la tête, se rendant compte qu’elle était un peu émotive, alors elle se mordit la lèvre inférieure un peu fort, son regard marquant une levée vers le plafond qu’elle fixa juste un instant. Un léger sourire passa sur son visage qu’elle finit par retourner vers lui, se coupant elle-même la parole pour lui demander simplement "Tu me le diras, si c’est dans vos projets de faire un bébé ?"