La journée avait été particulièrement éprouvante, mais n'était-ce pas la même mélodie qui revenait inlassablement dans ma vie ces derniers temps? Entre les dossiers qui s'empilaient, les problèmes qui s'y mêlaient, et les derniers événements liés au scandale de Saül, j'avais du mal à garder la tête hors de l'eau. Pourtant, je m'efforce de le faire. Et l'absence de Mathis, qui se trouve cette semaine chez son père, n'est en rien un prétexte pour pouvoir faire quelques heures supplémentaires au bureau. J'ai besoin de me vider l'esprit, et cette structure principalement vitrée ne suffit plus, qu'importe la vue appréciable qu'elle offre une fois la nuit tombée. Une réunion de fin de journée, et me voici à emprunter le chemin que tous suivent pour rejoindre leur vie extérieure. Je n'ai pourtant pas d'homme coincé derrière les fourneaux qui attend avec impatience mon arrivée, pas plus qu'une maison animée par les cris d'une ribambelle d'enfants qui chahutent. Ma vie n'est pas tellement celle que j'avais pu espérer par le passé, et dans ces moments-là, l'absence de Mathis sonne comme un véritable supplice. Les yeux rivés sur mon téléphone, je prends la direction de ma voiture, relevant sans plus attendre le regard en devinant du coin de l'oeil un élément qui pourrait compromettre mon avancée. Le visage familier que je découvre face à moi est tout aussi surprenant que cet accueil qu'il me réserve, et qui suscite la curiosité de quelques-uns des employés, qui se chargent de nous observer avec un certain intérêt. « Surprise ! » Je m'arrête, mi-amusé mi-perplexe de trouver Ugo au pied de l'immeuble dans lequel je travaille, et pourtant, je ne peux retenir un sourire complice pour la sensation que ça fait naître en moi. Le plaisir de savoir que je puisse être attendue n'a rien d'inégalable. « Pas le droit de poser de question, pas le droit de me dire non … ça me briserait le cœur » Je penche légèrement la tête par-dessus mon épaule, me pinçant les lèvres pour chercher à dissimuler un quelconque rictus. «J'ai l'impression de n'pas avoir le choix dans ce cas » Mes traits s'étirent davantage, laissant deviner ce que je peux en penser sur le moment. « je te vole pour la soirée. Et pas la peine de chercher une excuse pour m’échapper, j’ai fait mes devoirs, je sais que tu n’as pas d’excuse valable pour me faire faux bond. » Je secoue la tête, impressionnée par tant d'audace. « Pour dire vrai…J'en ai peut-être une» Je relève les sourcils, un faux air sérieux sur le visage. « Il était question de porter une robe pour ce rendez-vous, t'avais oublié? » C'est en tout cas ce que j'avais soufflé lorsqu'il avait fait cette proposition. La tenue que j'arbore à cet instant est pourtant loin d'être si médiocre. Un pantalon tailleur beige qui a été associé à un chemiser blanc, le tout sur des escarpins de dix centimètres. Reste plus qu'à prier pour qu'il ne m'amène pas faire un périple dans la forêt du coin. L'élégance a un prix, et fort heureusement, elle pourra possiblement jouer en ma faveur ce soir. Il me tend le bras, et je me retrouve plongée plus de dix ans en arrière, à revivre une scène similaire. Le décor a changé, les années ont passé, mais les protagonistes sont toujours les mêmes. A t-il seulement flairé, comme auparavant, que je manquais cruellement d'air, et que ce quotidien m’étouffait à un point de non retour? Est-ce que quelques confidences de Auden l'avaient mises sur le chemin? Sa présence est tout aussi réconfortante qu'à l'époque, et j'ai soudainement l'impression de redevenir cette jeune femme insouciante de l'époque, celle qui se prêtait au jeu sans se soucier de ce que ça pourrait signifier. « Bien…Si t'es disposé à te contenter de si peu» Ma main vient s'agripper à son bras, alors que son sourire particulièrement contagieux ne cesse d'alimenter le mien. Mon regard se plante dans le sien, et j'y devine cette satisfaction qu'il éprouve lui aussi de pouvoir me retrouver, quand bien même je n'ai plus la pureté d'antan. J'avance à ses côtés, me laissant guider jusqu'à sa voiture, et en oubliant la mienne. « Tu sais, quand j'évoquais l'épicerie du coin l'autre jour, je plaisantais hein » Je souris, ayant besoin d'amener la légèreté qui manque cruellement à ma vie. Je nous imagine pourtant très bien, traverser les rayons étroits, incapable de nous souvenir ce que nous étions venus chercher, et finir avec des trucs complètements inutiles dans notre panier. « Promis, tu ne le regretteras pas ! » Je l'observe, bien trop enthousiaste pour le coup, et rapidement, ça sonne comme un traquenard. « Tu commences à m'faire peur…» Je dissimule un sourire en fronçant les sourcils. « Tu vas pas nous emmener nous faire tatouer quand même? » Moi,curieuse? Impatiente? Jamais. Mes traits s'adoucissent. « Non parce que j'te le dis tout de suite, pour le précédent que j'ai fais, le mec a songé à m'attacher» Je relève les sourcils, tâchant d'être convaincante

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La surprise est à son comble. J'avais pourtant douté du sérieux de sa proposition lorsqu'il avait évoqué ce rencard, préférant me convaincre qu'il ne s'agissait là que d'une de ces idées farfelues qui émerge sous les effets de l'alcool, balayant sur le moment et d'un revers de la main, toutes les conséquences qu'elles peuvent impliquer. Et pourtant, non seulement il s'était assuré de me faire savoir dès le lendemain qu'elle était toujours d'actualité, mais en plus de ça, le voilà désormais à jouer les hommes mystérieux et surprenants en se pointant au pied de l'immeuble dans lequel je passe le plus clair de mes journées. Et étonnement, cette simple attention suffit à allumer une petite flamme en moi, comme s'il avait senti ce besoin puisant d'oublier un quotidien qui ne tourne pas à mon avantage dernièrement. La plupart des mes problèmes se volatilisent en l'espace de quelques secondes. Parce qu'il a ce pouvoir là aussi, au delà de celui qui me pousse à me livrer à un duel duquel aucun des deux ne peut prétendre finir vainqueur, il parvient par la beauté de ce sourire à me rappeler que certaines choses méritent encore d'être vécues, et que la simplicité d'un moment en bonne compagnie peut largement suffire à nous satisfaire. Pas d'artifice, pas de faux semblant, je peux enfin relâcher cette pression qui pèse sur mes épaules et redevenir la jeune femme banale qu'il a côtoyé par le passé, celle qui avait encore des rêves plein la tête, et qui n'était pas anéantie par une succession d'échecs et de déception. Cela va-t-il cependant lui suffire à lui? « Il était question de porter une robe pour ce rendez-vous, t'avais oublié ? » Qu'importe la bonne humeur qu'il amène naturellement par un comportement jovial, je ne peux m'empêcher de vouloir créer le trouble, par un élément perturbateur qui pourrait le déstabiliser l'espace d'un instant. Mon sourire ne fait que s'étirer davantage en constatant qu'il était à deux doigts de plonger, une victoire qu'il ne peut que m'accorder. « Ce n’est pas drôle de jouer avec mes nerfs comme ça … et … », Je relève les sourcils, faussement désinvolte, et fière de moi, bien curieuse de savoir ce qu'aurait pu provoquer ce petit jeu si je m'y étais attelé plus sérieusement.  « je te trouve absolument ravissante dans cette tenue. » Je suis flattée, suffisamment pour ne pas parvenir à dissimuler cet air de mes traits, même si j'aurais certainement eu à cœur de le surprendre par une tenue bien plus remarquable s'il m'en avait donné l'occasion.

Je ne peux m'empêcher d'imaginer moult scénario pour ce rendez-vous, et les plus improbables fleurissent en moi, parce que je le connais, et qu'il a toujours eu cette capacité à vouloir marquer les esprits, particulièrement le mien en étant plus jeune. Je me souviens parfaitement de la fois où je l'avais appelé lors d'une soirée chez un ami, soirée durant laquelle j'avais vu l'homme dont j'étais entichée plonger sa langue dans la bouche d'une autre. Je l'avais appelé, voulant m'échapper sans avoir à attendre que mon amie daigne partir à son tour. Ugo était venu. Et si ma fierté m'avait empêché dans un premier temps de lui livrer les détails d'une soirée chaotique, sa curiosité avait rapidement eu raison de moi pour m'y soumettre. Contre toute attente, ce n'est pas au travers d'un discours qui n'aurait eu aucune utilité qu'il avait cherché à me remonter le moral. Non, c'est en m'amenant à une station service du coin qu'il s'en était chargé, me demandant de sortir pour passer un coup d'eau sur la carrosserie de sa voiture. Je me souviens parfaitement de cet échange de regard, dans lequel je cherchais à m'assurer qu'il n'était pas en train de me faire marcher. «Tu croyais quand même pas que j'allais jouer le taxi sans rien demander en retour». Voilà comment cet état de tristesse avait laissé place à un agacement envers mon chauffeur du moment. Et si je m'étais attelé à la tâche, non sans lâcher quelques contestations et en râlant sans retenue ensuite, je m'étais rapidement retrouvée arrosée par surprise par le jeune homme. C'est donc ainsi qu'il était parvenu à chasser cette tristesse, en déclenchant une bataille d'eau dans un lieu si improbable que je parviens à m'en souvenir dès lors que je me retrouve à passer devant l'un de ces systèmes de lavage.

« Tu commences à m’faire peur … Tu vas pas nous emmener nous faire tatouer quand même ? Non parce que j’te le dis tout de suite, pour le précédent que j’ai fait, le mec a songé à m’attacher.» Je lance cette remarque avec un tel naturel, cherchant à éveiller une curiosité, et la possibilité qu'il ait encore beaucoup à apprendre sur moi. Son éclat de rire suffit à illuminer mon visage, alors que sa main se dépose sur la mienne, un geste tactile que je ne peux m'empêcher de remarquer, ne pouvant être voué à une parfaite indifférence. « Polpetta, si jamais je viens à t’attacher, ça n’aura rien à voir avec un tatouage. » Ma bouche s'entrouve face à l'effet de surprise qu'il provoque et qui m'amuse autant qu'il me choque. Il est bien plus fort que moi à ce jeu, le sourire est logé sur mes lèvres témoigne cependant des pensées qu'il est parvenu à éveiller par un tel aveu, alors que je hoche négativement la tête, quittant son regard en me mordillant la tête ensuite, tâchant de ne pas me laisser avoir par mon imagination débordante. «On fait encore ce genre de choses à ton âge?» Provocation pour provocation, alors que mes yeux bleus se remplissent de malice en croisant les siens.« Fais-moi confiance. Tu ne le regretteras pas … et si jamais tu le regrettes, fais semblant d’être un tout petit peu contente pour ne pas me blesser … s’il te plaît» Je grimace légèrement, faussement hésitante. «Ca fait bien longtemps que j'ai rangé mes talents d'actrice au placard, mais je promets de faire un p'tit effort pour toi. » Assise sur le siège passager, j'observe les rues qui défilent sous mes yeux, avant que mon regard ne vienne se perdre son profil. Je profite de sa concentration du moment pour l'observer avec plus d'attention, réalisant que les années ne semblent avoir eu aucun impact sur notre lien. Nous avions pourtant été éloignés l'un de l'autre pendant bien longtemps, mais j'ai cette étrange sensation que rien a changé, que nous n'avons pas changé.

« Fais-moi confiance, je te dis. Je ne t’emmène pas dans un guet-apens pour t’assassiner. C’est promis. » Nous empruntons pourtant une sorte de petite ruelle qui pourrait largement s'y prêter. «Merci, ça me rassure beaucoup.» Mes pas semblent plus ralentis que les siens, cherchant à me familiariser avec ce qui m'entoure. Sa main se trouve dans la mienne, alors qu'il se glisse devant moi, cherchant probablement à guetter la moindre de mes réactions. « Je me suis longtemps demandé où est-ce que je devrais t’emmener pour un premier rendez-vous … oui oui, disons premier … et finalement je me suis dit que t’emmener dans un endroit qui ressemble à la maison pourrait être une bonne idée … » Maison . Un simple mot qui suffit à retenir mon attention, un simple mot qui suffit à faire naître une douce chaleur dans ma poitrine, celui de souvenirs dans lesquels j'aime me plonger, et auxquels je cherche à me raccrocher lorsque tout semble m'échapper. Peut-être est-ce la maison qui me manque, ou cette ville natale qui me manque, ou peut-être que je regrette la jeune femme insouciante et innocente que j'étais à l'époque. Il me tient, non pas seulement par la main, mais par cette curiosité qu'il a fait naître par de tels indices. Sa main s'élève, désignant une bâtisse à peine remarquable comparée à celles des grandes enseignes du centre ville. Un restaurant, duquel provient une odeur alléchante, et qui pourtant cherche presque à se faire discret par son manque de communication sur la devanture. Mes yeux se plissent, cherchant à savoir comment il peut connaître cet endroit, qui pourrait presque s'apparenter à un lieu secret. Nous passons la porte en bois, presque trop petite comparée aux standards, et je retrouve sans plus attendre la décoration typique des restaurants de mon enfance. Minimaliste, pittoresque, probablement cliché pour certains, mais tellement charmante à mes yeux. J'ai l'air d'une gamine émerveillée, et sans m'en rendre compte, un sourire chaleureux s'est emparé de moi. Il a vu juste. Il n'aurait pas pu faire mieux, et je réalise combien tout cela à pu me manquer maintenant que je l'ai sous mes yeux « Si je parviens à conquérir ton estomac, ça augmente peut-être mes chances … non ? » Je me tourne légèrement pour pouvoir croiser son regard, et lui faire savoir à travers ce dernier combien je lui en suis reconnaissante. « T'as misé sur une valeur sûre là» Mes traits s'étirent doucement, avant que je ne lâche d'une voix douce et sincère. « Merci» lui lançais en italien. Je veux qu'il mesure ce que ça représente pour moi. Un échange profond et tellement pur que je m'efforce d'y échapper après quelques secondes. «J'espère au moins qu'ils servent des frites ici» L'humour. Arme redoutable pour échapper à une quelconque gêne.


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« On fait encore ce genre de choses à ton âge ? » Un besoin de le piquer, comme au bon vieux temps, et derrière cette provocation tout à fait assumée, la possibilité qu'il puisse me surprendre et contredire toutes les convictions que je peux avoir à son encontre, parce qu'il a vieilli, et qu'au delà de l'âge qui se lit davantage sur les traits de son visage, il est surtout devenu un homme marié, parfaitement rangé, et qu'il en a peut-être oublié ces petites choses sensationnelles que l'on peut vivre ensemble. Des choses capables d'être réveillé par l'effervescence d'un rapprochement nouveau,  d'un nouveau parfum que l'on découvre et dont il nous est ensuite impossible de nous passer. Ma remarque suffira cependant à elle-seule à l'abattre, alors que j'ai ce petit sourire rempli d'une fierté inébranlable pour accompagner mes yeux rieurs. « Outch ! Mon cœur. Mon ego. » Je me pince les lèvres, faussement désolée. «J'ai bien peur que tu n'survives pas à cette soirée» avouais-je innocemment. Il me connaît, il sait parfaitement combien je peux me montrer cruelle s'il m'en donne l'occasion, cela aurait peut-être dû suffire à le rendre raisonnable en renonçant, avant qu'il ne soit trop tard, à ce rendez-vous dont il est l'auteur.

Le voilà à m'amener dans cet endroit. Première fois que je le découvre, j'ai cependant cette étrange sensation de le connaître sur le bout des doigts, mes sens étant particulièrement en éveil dans ce contexte qui me paraît si familier. Je n'ai  jamais regretté de quitter l'Italie pour Brisbane, il ne m'est jamais venu à l'esprit de faire un retour aux sources pour retourner y vivre,  je réalise cependant à cet instant que mon pays natal a tenu une place bien plus importante que je l'imaginais dans ma vie, que j'ai parfois eu tendance à l'oublier, et que contre toute attente, il reprit vie au sein de ce petit restaurant.« T’as misé sur une valeur sûre là. » Le sourire qui s'est logé sur mes lèvres depuis plusieurs secondes en est la preuve parfaite, et il peut s'en féliciter si ouvertement. « Merci. J’espère au moins qu’ils servent des frites ici » Une note d'humour qui permet d'alléger mon ressenti, et d'effacer cette pudeur qui pourrait prendre le dessus dans cet échange. Sa main repousse mon visage, cherchant probablement à me sanctionner de ce manque de respect qui ferait hurler n'importe quel restaurateur italien. Je laisse échapper un rictus, n'ayant pas envie de tenter le diable pour autant en poursuivant sur cette voie. « Pas de blasphème dans ces lieux, Polpetta ! » «Désolée, j'me suis laissée emportée» Ou peut-être est-il le seul à réellement apprécier cet humour douteux dont je peux parfois faire preuve. Nous nous installons à table, alors qu'une fois encore les bonnes manières ne lui font pas défaut.  « Est-ce que l’endroit compte comme premier rendez-vous galant ? ». Mes coudes viennent se déposer sur la table en bois, recouverte de cette nappe en tissus, lorsque mes yeux prennent le temps de croiser les siens. «T'as définitivement mit la barre trop haute» une fausse moue désolée pour accompagner ces mots, ne parvenant pas une seconde de plus à me perdre dans ce jeu stupide. «…Mais c'est pas tellement le lieu qui compte finalement » Je relève les épaules, lui laissant deviner l'acheminement de mes pensées comme il le souhaite. Ma main vient soutenir mon visage, lorsque l'autre se joue du pied de mon verre de vin, encore vide, qui trône sous mes yeux. « Pour que les choses soient claires et pour éviter le moindre malentendu … j’essaie vraiment de te conquérir »Mon regard se relève dans le sien, s'y perd un instant, cherchant à déceler sur quel ton je suis sensée prendre les choses. S'agit-il de ce ton léger auquel nous étions souvent habitués, ou cherche t-il à me faire savoir combien ce rencard doit être pris au sérieux pour ce qu'il représente. Derrière ce sourire charismatique, se cache un homme bien plus difficile à cerner qu'il n'y paraît «  … et si je me souviens bien, tu m’avais déjà donné pas mal de fil à retordre la première fois, alors je n’attends rien de différent pour un second round » Mon sourire s'étire légèrement, me replongeant dans ces souvenirs d'antan l'espace d'un instant. « Je tâcherais de t'épargner. Enfin, si j'y parviens. » Ajoutais-je, en souriant davantage. Je mordille pourtant l'intérieur de ma bouche, luttant amèrement pour ne pas plomber l'ambiance par une discussion capable de tout faire basculer. «Mais pour ça, il va falloir que je parvienne à déceler lorsque tu t'amuses un peu trop, ou lorsque tu fais preuve de sérieux dans tes aveux» Et les choses ne sont pas gagnées sur ce point. Ce besoin de s'amuser ensemble a toujours été présent, c'est même notre marque de fabrique. Pour autant, il m'est parfois impossible de délimiter cet hémisphère de celui des vérités dérangeantes.Ce baiser que nous avions échangé à l'époque avait eu lui aussi le pouvoir de troubler chacune de mes interprétations le concernant, et aujourd'hui, je cherche encore à deviner à qui ai-je à faire. «Tu t'habitues à ta vie de père célibataire?» osais-je, après quelques secondes.


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Face à lui, j'en suis à me demander à quoi tout cela rime. S'agit-il d'une envie profonde de retrouver une complicité que nous avions plus ou moins perdue avec les années qui se sont écoulées depuis son départ de l'Italie? De rattraper le temps perdu? Cette étrange sensation que rien a changé, alors que nous avons tous les deux évolué, loin du regard de l'autre. Je ne suis plus cette jeune femme naïve, prête à plonger tête la première dans ses premières aventures. J'ai gagné en maturité. Je suis tombée. Plusieurs fois. Et mon innocence a définitivement laissé place à une sorte de carapace qui ne fait que se modeler selon les événements que je rencontre. Peut-être que je suis bien moins impressionnable aujourd'hui, ou peut-être que la perspective de retrouver un instant  mon insouciance de l'époque est bien plus forte, et qu'elle devient presque primordiale dans un monde qui me paraît bien morose ces derniers temps. Mes doigts se baladent sur ce verre à pied, cherchant possiblement à faire preuve d'une attitude parfaitement banale alors que la vision de ce rendez-vous devient presque gênante à mes yeux. Nous ne sommes plus ces deux jeunes adultes, disposés à s'en foutre plein la gueule dans le seul but de faire réagir l'autre, et cet échange de regard suffit à me le faire réaliser. Sa façon de regarder, de me sourire…L'espace d'un instant, j'ai l'impression qu'il me voit différemment, bien loin de l'image de la soeur chieuse de son meilleur ami qu'il a pu avoir de moi pendant si longtemps. Un regard qu'il avait eu tendance à m'adresser avant qu'il ne vienne se perdre sur mes lèvres. Il me déstabilise, d'autant plus lorsqu'il se joue des mots, leur donnant un sens qu'il m'est impossible de saisir dans la complexité de ce lien qui nous unit. « Je tâcherais de t'épargner. Enfin, si j'y parviens. Mais pour ça, il va falloir que je parvienne à déceler lorsque tu t'amuses un peu trop, ou lorsque tu fais preuve de sérieux dans tes aveux » Une réplique sortie l'air de rien mais qui exprime à elle-seule mon incapacité à savoir ce qu'il attend réellement de moi. Suis-je cependant prête à l'entendre? Je n'en suis pas si sûre. J'espère cependant un peu plus de transparence et de sincérité.

 Il fait un signe au serveur, cherchant probablement à m'enivrer pour me faire oublier combien je peux être pénible lorsque je me lance dans des remarques si sérieuses. « Tu ne parviens toujours pas à déceler le vrai du faux ? Je ne pensais plus être si mystérieux » Je plisse les yeux, un fin sourire sur les lèvres, cherchant à savoir si une fois encore c'est une façon de garder le cap, en niant clairement et de façon désabusé les accusations que je lui porte. «Il faut croire que les années n'ont pas eu d'effet sur ce trait de ta personnalité» Je relève les sourcils, légèrement malicieuse face à de tels aveux. Peut-être que j'ai moi aussi tendance à me jouer de cet échange verbale pour fuir par le biais de l'humour dès lors que ça devient trop étrange. L'arrivée du serveur interrompt un instant cet échange, alors que j'attends qu'il disparaisse pour lever mon verre. «Il faut qu'on porte un toast». Ce genre d'événement méritait au moins ça. Allez dire à la Savannah tout droit sortie de sa phase d'adolescence qu'elle se retrouvera un jour à partager un repas avec Ugo, elle n'y aurait pas cru une seule seconde, et se serait même vexée ne serait-ce que d'y songer. Mes iris bleus se perdent dans les siens. «A ce petit restaurant, qui mériterait amplement sa petite place sur nos terres…» commençais-je, cherchant autour de moi pour trouver l'inspiration. «A ces jolies nappes, qui doivent au moins être mentionnées pour l'occasion…» Je fais les gros yeux, cherchant à l'en convaincre avant de reprendre après m'être pincé les lèvres. « Et à cette amitié fraîchement retrouvée» Mes traits s'étirent doucement, avant de finalement claquer dans un tintement des plus agréables mon verre contre le sien.

« Tu t'habitues à ta vie de père célibataire ?» Un sujet pour le moins risqué, mais sur lequel ma curiosité a pris le dessus. Après avoir décelé les répercussions que l'échec de son mariage avait provoqué, j'ai peut-être besoin de m'assurer qu'il vit des jours meilleurs. « J’ai eu le temps de m’y faire, oui. La maison ressemble vraiment à quelque chose … on a juste quelques petits soucis avec le plus grand … il n’a plus vraiment envie de passer du temps chez sa mère » Je relève les sourcils, ne pouvant me défaire d'un air pour le moins surprit alors qu'un « Oh» passe mes lèvres. C'est le genre de situation particulièrement délicate qui pouvait malheureusement arriver. Et c'est probablement la peur la plus dévorante que je ressens dans mes tripes depuis mon retour sur Brisbane. Mon lien avec Mathis s'est pourtant fait valoir, la possibilité qu'il puisse un jour naturellement vouloir se retourner vers celui qui a prit le temps  de s'en occuper, lorsque je n'étais pas en mesure de le faire, me torture le palpitant. Et si un jour il comprenait que je n'étais pas à la hauteur de cette chance qu'il m'avait donné?  Je déglutis, cherchant à me défaire de ma propre histoire pour me concentrer sur celle qui me raconte. «J'imagine qu'il lui faudra peut-être du temps pour retrouver ses repères auprès d'elle.» Et je l'espère pour lui. Ce genre de contexte n'est agréable pour personne au final. « J’espère que ça va changer un peu avec les fêtes. » Les fêtes. Nouveau sujet sensible qui me malmène. La perspective de devoir passer cette année le soir du réveillon sans mon fils reste assez compliquée à gérer. Auparavant, il y avait toujours quelqu'un avec qui je pouvais partager cette tradition. Ma famille, Mathis, lorsqu'il ne s'agissait pas du tour de son père d'avoir sa garde pour l'occasion, et Cade. Cette année, la solitude risque d'être particulièrement douloureuse, et rendre cette fête que j'apprécie tant déprimante. Pour autant, je n'éprouve pas le besoin de venir la combler par de nouveau plan, préférant probablement m'apitoyer sur tous mes ratés et songer aux résolutions de la nouvelle année que je ne tiendrais pas, of course « J'espère aussi. Ca doit être pas facile pour ta femme…» Je m'interromps aussi vite, plissant fortement les yeux dans une légère grimace pour me corriger. «Ex femme… Ex femme.Pardon» Je me gratte le haut du crâne, cherchant à chasser le malaise que ça a pu instaurer. « Et quels sont vos rapports? Vous parvenez à discuter normalement? »



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« Et à cette amitié fraîchement retrouvée » Parce qu'il est effectivement plus facile d'user de cet humour douteux, et que je parviens tout comme lui à m'en amuser, laissant planer le doute sur ce qui peut se passer réellement dans mon esprit. « Tu t'habitues à ta vie de père célibataire ? » Une façon subtile de lui demander si les chances de recevoir de nouveau à l'avenir un message similaire à celui qu'il avait pris le temps de m'envoyer durant sa petite beuverie improvisée étaient élevées. Il n'en donne pas l'impression, son comportement ne laisse pas entrevoir un quelconque mal-être sur le moment, mais je suis la mieux placée pour savoir combien il est facile de berner tout le monde. Est-ce que nos rapports, auxquels nous accordons plus d'intérêt dernièrement, lui permettront de vouloir se livrer sur le sujet, alors que je ne suis probablement pas celle avec qui il souhaiterait en parler? L'aveu concernant le problème que rencontre l'aîné avec sa mère suffit à m'en donner l'impression en tout cas. Et contre toute attente, je parviens immédiatement à ressentir le désarroi dans lequel doit être plongé celle qui joue un rôle capital dans ce schéma familial. J'y ai songé, à de nombreuses reprises, comme si cela pourrait être inévitable pour ma part, comme si je me préparais à l'idée de m'y confronter un de ces jours . Parce que j'ai été celle qui n'a pas été digne de confiance dès les premiers instants de la vie de mon fils, celle qui a fait preuve d'un égoïsme sans nom en choisissant sa propre personne, plutôt que cet être sans défense qui avait besoin d'elle. Il y a bien un moment où cette famille, déjà fracturée par mes actes, volera en éclats, et que mes erreurs parviendront à guider Mathis vers un choix évident pour la suite. Ça ne sera pas moi. Et ça me terrifie. «J'imagine qu'il lui faudra peut-être du temps pour retrouver ses repères auprès d'elle. » Parce que la séparation n'est pas plus facile pour les enfants qu'elle ne l'est pour les adultes, et qu'il faut probablement parvenir à se détacher des émotions que ce genre de comportement provoque, même si cela est loin d'être facile. « J’espère que ça va changer un peu avec les fêtes. » J'ai longtemps cru au pouvoir que pouvaient avoir les fêtes de fin d'année, mais cela ne semble pas suffisant pour m'apporter un peu de réconfort pour le réveillon à venir. La solitude me pend au nez, l'absence de Mathis y joue un rôle important, et la possibilité de finir devant un film aussi niais que possible n'est pas aussi réjouissante qu'elle n'en donne l'air habituellement.

« J'espère aussi. Ca doit être pas facile pour ta femme… Ex femme… Ex femme.Pardon» Comme si la situation ne devait pas être suffisamment complexe, me voilà à jongler avec ma maladresse, espérant qu'il ne m'en tiendra pas rigueur, et que cela ne le jettera pas dans une nostalgie malaisante. Contre toute attente, c'est ma gêne du moment qui semble l'amuser plus qu'autre chose, prenant probablement un certain plaisir à me voir perdre mes moyens. Je secoue la tête, me contentant de sourire de la façon la plus médiocre qu'il soit face à lui.« Tu poses pas mal de questions sur mon ex-femme, ça va commencer à m’inquiéter un peu, tu sais. » Mon regard croise le sien, et je ne peux retenir un rictus. «Détrompe-toi….C'est pas tellement mon genre de femme» Une ironie qui trouve sa place par un sourire faussement provocateur. « Elle est la mère de mes enfants, nous ne sommes pas les meilleurs amis du monde mais on reste unis pour les enfants, tu dois sans doute savoir ce dont je parle... » Est-ce le moment où je dois culpabiliser de ne pas être si pacifiste dans mes rapports avec mon ex-fiancé? Certainement. Et ça suffit à vouloir l'oublier dans le vin qui nous a été servi quelques minutes auparavant. «Mouais…» soufflais-je, comme si c'était effectivement un état d'esprit que je devrais partagé, quand bien même nous ne parvenons pas à nous entendre la plupart du temps. «En vérité, c'est pas tellement comme ça que ça se passe de mon côté» avouais-je en relevant les épaules, comme si j'évoquais une chose futile qui n'avait aucun impact sur ma vie, alors que d'une certaine façon, elle la dicte. «Mais les choses n'se sont pas passées de la même façon entre nous. Il y a eu beaucoup de souffrance, et la confiance est diantrement difficile à accorder de nouveau lorsqu'on l'a perdue.» Une confiance que nous n'aurons peut-être plus jamais l'un envers l'autre, ou qu'il nous faudra regagner avec beaucoup de temps. « Parle-moi plutôt de toi. Comment ça va de ton côté ? »  Mon regard se fige dans le sien, alors que je me mordille l'intérieur de la lèvre. « Hmm…J'ai un fils extraordinaire, un travail de rêve, une famille complètement détraquée…Je ne peux qu'aller bien j'imagine» Un sourire pour tenter de dissimuler les véritables maux qui m'habitent. Parce que je n'ai pas envie de briser l'ambiance de ce rendez-vous.


@Ugo De Luca

Ma curiosité sur sa vie personnelle suscite sans plus attendre la sienne. Est-ce une peur de confier ce qu'il peut éprouver à l'égard de son ex-femme ou de ce mariage sur lequel il a été forcé de tirer un trait? De laisser entrevoir une certaine vulnérabilité face à cette situation? Peut-être que je cherche simplement en savoir davantage sur lui, savoir ce qu'il éprouve, pour affiner l'image que je peux avoir de lui, et qui a sans aucun doute subi quelques changements avec les années qui sont derrière nous. Il a évolué, en a t-il perdu sa sensibilité, ou l'espoir de trouver à nouveau un foyer dans lequel s'épanouir? Une séparation n'est pas chose facile, et leur couple a perduré tant d'années que cela doit la rendre particulièrement éprouvante. Pour autant, je décèle en lui une joie de vivre qu'il ne peut surjouer, et qui me conforte sur son état d'esprit. Le tableau parfait de la famille décimée qu'il dresse est cependant loin de me concerner, et sans plus attendre, je viens à trahir mon ressentiment à ce sujet. « En vérité, c'est pas tellement comme ça que ça se passe de mon côté » La complicité d'antan et l'affection ne sont plus dans les rapports que j'entretiens avec le père de Mathis. Pire encore, les conflits semblent s'accumuler, rendant les échanges parfois compliqués face à l'innocence de notre fils. La surprise se lit sur le visage de Ugo, alors que je lui adresse un sourire, et secoue un instant la tête pour l'empêcher d'éprouver une quelconque gêne à ce sujet. J'y étais habituée depuis. Je ne rentrerais jamais dans les statistiques des parents qui s'accordent pour le bien de leurs enfants, pouvais-je cependant nous en vouloir, alors que chacun de nous est incapable d'oublier la souffrance que l'autre à pu provoquer , involontairement ou non. « Mais les choses n'se sont pas passées de la même façon entre nous. Il y a eu beaucoup de souffrance, et la confiance est diantrement difficile à accorder de nouveau lorsqu'on l'a perdue. » Peut-être qu'un jour, les choses évolueront, ou peut-être que nous sommes simplement destinés à vivre cette relation conflictuelle jusqu'à ce que Mathis soit en âge de nous tenir éloigné l'un de l'autre. « Oh … je suis désolé » Je secoue la tête, l'empêchant d'éprouver la moindre culpabilité à ce sujet «Ne le sois pas… On s'y est habitué, lui comme moi» Là ou c'était parfois plus difficile, c'était de parvenir à épargner le fruit d'un amour passé, qui décèle probablement la mésentente, malgré tous nos efforts pour l'épargner.« Enfin, je te sors le numéro diplomate pour passer pour un adulte responsable mais je dois bien avouer, si nous sommes entre nous, que j’ai un peu de mal à rester poli … » Mes traits s'étirent face à cet aveu. «Un adulte responsable?» Répétais-je, comme si le fait de l'entendre de ma propre bouche pourrait lui permettre de réaliser combien c'était ridicule. Il l'est pourtant devenu, sans aucun doute, et bien plus que moi. C'est un homme accompli, un père assez bienveillant pour vouloir le bonheur de ses enfants, quand bien même cela doit le pousser à serrer son poing dans sa main lorsqu'il s'agit de Valencia.

« Hmm…J'ai un fils extraordinaire, un travail de rêve, une famille complètement détraquée…Je ne peux qu'aller bien j'imagine. » Un ton ironique pour palier à des vérités que je ne serais en mesure d'avouer sur le moment. Peut-être que je n'ai pas envie de gâcher cette soirée en évoquant tout ce qui ne tourne pas rond dans ma vie, ou peut-être que j'ai besoin de me sentir davantage proche de lui pour vouloir m'y risquer « T’as jamais été vraiment douée pour mentir, Sav’ … mais tu sais quoi, on peut prétendre que je ne m’en suis pas rendu compte, si tu ne veux pas en parler » Parce que c'est plus facile d'ignorer mes problèmes, je me contente de sourire pour le rassurer. «Et c'est c'qui fait de toi un être exceptionnel» Mon sourire s'étire délicieusement avant de se perdre dans le verre à pied. «Mais tu sais quoi, je t'autorise à satisfaire ta curiosité par quelques questions que tu n'as jamais prit le temps de poser pour t'en remercier. » Un jeu qui pourrait pourtant me mettre dans l'embarras, mais qui pourrait nous permettre de rattraper les années perdues tous les deux.



@Ugo De Luca

Les bénéfices de cette soirée ne se font pas attendre. L'ambiance chaleureuse et intimiste de l'endroit y sont probablement pour quelque chose, alors que la lumière presque tamisée se reflète sur les traits de son visage, que je prends plaisir à redécouvrir après tant d'années. La musique en arrière-plan ne peut qu'installer une forme quelque peu festive, éveillant une bonne humeur pour chacune des personnes présentes . Son rire fait souvent écho au mien, alors que je prends plaisir à l'entendre à nouveau. Un sourire persiste, alors que mes yeux bleus s'attardent un peu plus longtemps sur lui. Il m'a manqué. Quand bien même j'aurais bien du mal à l'avouer si facilement, il me rappelle combien tout était spontané et simple à ses côtés, avant que ce simple baiser ne vienne entraver cette amitié, ou ce semblant d'histoire que nous n'avions pas su définir, et qui reste à ce jour indescriptible. «C'est agréable» Une réplique qu'il pourrait ne pas saisir si facilement, alors que je m'empresse de préciser. «Un moment comme celui-ci» avouais-je en relevant les épaules, faisant remarquer combien ce moment anodin parvenait malgré tout à me toucher. « J'me demande pourquoi on a attendu si longtemps pour le partager » Une question qui ne trouvera peut-être pas de réponse, de son côté comme du mien. Des vies chargées? Des chemins qui s'étaient malheureusement séparés dès lors qu'il avait fait le choix de quitter nos terres? Peut–être que son mariage avec Valencia avait joué beaucoup là dedans, me glissant bien malgré moi, et avec bien des préjugés possibles, comme une menace potentielle, celle de laquelle il se doit de maintenir des distances, afin de respecter dans les règles son union, en évitant l'ambiguïté d'un passé commun.

« Exactement. Un adulte responsable et ne le dis pas sur ce ton, ça me fait passer pour un idiot … » Je ris, hochant négativement de la tête en attrapant mon verre pour l'amener à mes lèvres, prenant le temps de lâcher quelques mots avant de plonger mes lèvres dedans. «J''me permettrais jamais de le dire si ouvertement» Un regard provocateur qui trouve sa place, comme un vieux réflexe entre nous. Je prends pourtant le temps de corriger ces aveux par une déclaration qui me tient à coeur et qui s'avère bien plus réaliste « Et c'est c'qui fait de toi un être exceptionnel» Il l'était. Qu'importe l'échec de son mariage ou les doutes qu'il pouvait rencontrer, il s'en sortirait, je n'avais aucun doute là dessus. « Ah, c’est une version que je préfère » La commissure de mes lèvres s'étirent alors que je décide de nous lancer dans un jeu qui pourrait m'apporter son lot de désagréments « Mais tu sais quoi, je t'autorise à satisfaire ta curiosité par quelques questions que tu n'as jamais pris le temps de poser pour t'en remercier. » Le regard surprit sur son visage ne se fait pas attendre, devinant l'opportunité qu'il lui est offerte. Ma franchise n'a rien d'inédit, elle peut cependant s'évaporer sur des sujets plus personnels, et ça, il le sait lui aussi. Fuir une réponse redoutée est devenu un jeu de passe-passe particulièrement sécurisant dans mon cas. « Ouh, ça devient intéressant dis donc » Je relève les sourcils, prenant un air assez fier pour tenter de le déstabiliser. « Inutile de me demander mes mensurations, elles n'ont pas changé depuis que mon frère les a balancé lors d'un repas de famille» Un sourire s'installe sur mon visage. « Je suis un gentleman, polpetta, tu sais bien que je ne vais pas me permettre de poser des questions indiscrètes … en plus, j’aurais un peu peur que tu ailles en parler et te plaindre à ma mère … dont je trahirais l’éducation si je posais les questions qui me brûlent les lèvres. » Je fronce les sourcils, mi-perplexe mi-amusée par ce qui pourrait lui passer par l'esprit. «Là c'est ma curiosité que tu titilles…» Le gentil et innocent Ugo du moment serait-il bien plus pervers qu'il ne le laisse paraître?  « Tu sais pourquoi est-ce que j’t’ai invité ? » Mes avant-bras viennent se poser sur la table, alors que je plonge dans son regard quelques secondes, comme si cela me permettrait d'y trouver une réponse tout aussi surprenante que cette question. «Parce qu'ils font moins cinquante pourcent sur la deuxième pizza achetée le jeudi soir?» L'humour prend sa place alors que je tente de me ressaisir en me pinçant les lèvres, pour dissimuler un rire. «Okay…» lâchais-je en cherchant à songer plus sérieusement à cette question. «Parce que tu t'es souvenu que j'étais plutôt sympa et drôle en recroisant ma route la dernière fois?» Son air faussement désabusé face à tant d'hilarité de ma part suffit à retrousser mes lèvres. « Attends de voir c'que ça va donner une fois qu'on aura fini cette bouteille» Un haussement de sourcils successifs pour le faire perdre ses moyens. N'essayais-je pas de me défiler en fuyant la véritable raison de notre présence ici? Possible.




@Ugo De Luca