A l’approche de sa rencontre avec Olivia, il faut dire que Cody est un peu stressé. Il n’a pas beaucoup dormi la nuit précédente, tournant et retournant dans sa tête les différents scénarios possibles pour la conversation du jour. Depuis l’annonce fracassante, Olivia et lui ont eu l’occasion d’échanger par SMS mais rien ne vaut une discussion en face à face, d’autant plus qu’ils ont tous deux pris soin de ne pas évoquer leurs sentiments face à la situation ni le potentiel futur que cette annonce allait engendrer. Cody a, de son côté, pris le temps de digérer l’information - il lui faudra sûrement plus longtemps que quelques semaines - et il ne doute pas qu’Olivia en a fait de même de son côté.

Cependant, il n’en a pas parlé. Déjà pas le genre à se répandre sur sa vie personnelle, l’annonce de sa paternité sur de grands enfants est venue chambouler tout ce que Cody connaissait et il n’est pas certain d’avoir totalement processé cette information capitale. La plupart des pères ont 9 mois pour se faire à l’idée d’accueillir un bébé, il a eu 2 mois pour deux grands enfants de 7 ans ; la différence est flagrante. En même temps que l’annonce sont revenus tout un tas de souvenirs : cet enfant qu’il n’a pu garder ; ce père qu’il est devenu pour son frère et sa soeur, pas certain d’avoir fait un très bon boulot même s’il a fait de son mieux ; des événements qui ne l’aident pas à s’imaginer bon père, cela évidemment si c’est la tournure de la discussion de ce jour.

Boule au ventre, quand il voit la devanture du salon de thé où ils se sont donnés rendez-vous, Cody ne peut que presser le pas pour rejoindre celle qui l’attend peut-être déjà. Le doute se lève aussitôt qu’il la voit et l’entend, plaçant un sourire sur ses lèvres qui se veut poli - et sûrement crispé. Il prend le temps de se commander une boisson et la rejoint bien vite, cette angoisse ne le quittant pas.

Quand il arrive à son niveau, il pose sa tasse et s’assied directement sur la chaise en face d’Olivia. « Salut ! » qu’il lui lance. « Comment tu vas ? » Formule de politesse classique, mais il est véritablement intéressé. Après tout désormais, ils partagent bien plus qu’un simple passé. Ses mains autour de sa boisson chaude, il n’hésite pas à lui dire la vérité. « Désolé, je suis un peu stressé. » Un petit rire gêné s’empare de lui, il ne sait pas par où commencer.

A l’inverse de la jeune femme - bien qu’il ne le sache pas -, l’idée qu’elle soit aussi stressée qu’il ne peut l’être n’a rien de rassurant pour Cody qui en vient à se poser un millier de questions à la seconde : pourquoi est-elle stressée ? Est-ce lui qui fait peur, qui inquiète ? Est-ce qu’elle veut lui dire que c’était une erreur de lui avouer la vérité et qu’il ferait mieux de tout oublier mais qu’elle ne sait pas par où commencer ? Est-ce qu’elle veut lui dire qu’elle a confondu avec un autre ex et qu’il peut retourner à sa vie normale ? Car la vérité, c’est qu’il ne le souhaite pas, oublier. Il a eu du temps pour réfléchir, même si deux mois ne sera évidemment pas assez pour entièrement digérer l’information qui lui est tombée dessus de nulle part. Il a eu le temps de se faire à ce qu’il avait entendu et d’imaginer la suite, ou en tous cas, ce qu’il aimerait qui découle de cette situation. Le seul problème ? Ce n’est peut-être pas ce que la jeune femme face à lui souhaite, et c’est pourtant bien elle qui a toutes les cartes en main. « J'imagine que t'as eu un peu le temps de réfléchir à tout ça ? » Alors qu’il reproduit les mêmes gestes que son interlocutrice sans vraiment s’en rendre compte - à savoir serrer sa tasse entre ses doigts -, il ne peut que hocher la tête positivement, les mots restent coincés dans sa gorge alors qu’il la laisse poursuivre. « Je sais pas vraiment quoi ou comment le dire... La situation est compliquée, et j'ai aucune idée de ce que je veux. » Il ne peut pas cacher ce petit air qui passe sur son visage : serait-ce un air de déception ? Un petit coup au coeur alors qu’au fond, il s’était peut-être attendu à des réponses ? Lui-même ne sait pas vraiment ce qui le traverse. Baissant les yeux vers sa boisson, il lui répond. « J’imagine bien. Je suis un peu dans le même cas en fin de compte. » C’est la vérité. « Je sais que je ne veux pas ignorer et que je veux les connaître. » Il prononce ces mots d’un air timide, la peur d’être rejeté dans sa demande bien trop présente. Bien vite, il se rattrape et ajoute. « Mais pas tout de suite bien sûr ! Je pense qu’il faut sûrement qu’on réapprenne à se connaître toi et moi ? » Pas pour lui bien sûr, mais il a bien réfléchi à la situation et a tenté au maximum de se mettre à sa place - il a également beaucoup parcouru le net à la recherche d’histoires similaires et de conseils d’hommes ou femmes qui seraient passés par là. Il ne peut qu’imaginer la peur qui doit tirailler les entrailles de la maman à l’idée de laisser Cody - un inconnu finalement - pénétrer dans la vie de ses enfants ; internet fait des miracles, le voilà bien renseigné.

Alors qu’il se décide finalement à attaquer sa boisson maintenant qu’elle a pu refroidir un petit peu, il écoute attentivement Olivia. « J'ai commencé à leur parler de toi. Du fait que je t'avais revu. » Impossible pour Cody de cacher sa surprise alors qu’il relève la tête peut-être un peu trop rapidement. « Ah bon ? » Déjà ? qu’il manque presque d’ajouter alors qu’une dose de stress s’ajoute à la situation. Curieux qu’il est, il lui est impossible de s’empêcher de poser une question. « Comment ils ont réagi ? » Il a eu suffisamment de photos et vidéos pour tenter d’imaginer leurs visages à cette annonce sûrement surprenante et inattendue. « Je n’en ai pas vraiment parlé de mon côté. » qu’il avoue un peu mal à l’aise. « J’avais besoin de temps pour y réfléchir par moi-même avant de partager l’information à qui que ce soit. » Il n’a pas pour habitude de partager quelconques informations rapidement, même les plus importantes. « Mais comme je te disais… j’aimerais beaucoup faire partie de leurs vies un jour. » Elle est là, la finalité, le but ultime qu’il a eu le temps de cogiter. Les doutes sont là, bien sûr, les inquiétudes aussi ; peut-être qu’il en fera part à Olivia mais pas tout de suite, pas maintenant.

La jeune femme ne croit pas si bien dire ; ces dernières semaines, Cody a écumé la toile à la recherche de films ou séries - ou tout partage d’histoires - qui pourrait lui permettre de comprendre un peu plus sa situation. Et il faut dire que même s’il a pu trouver quelques éléments, ce n’est pas un événement qui court les rues et il lui a fallu pas mal de forums avant de tomber sur un homme ayant vécu la même chose. Il a eu besoin d’encore quelques jours avant de réussir à lui envoyer un mail expliquant sa situation et demandant un peu d’aide pour y voir plus clair ; depuis, les deux hommes n’ont cessé d’échanger quelques messages, Cody ne sait pas s’il serait présent ce jour avec l’esprit clair s’il n’avait pas eu ce guide tombé du ciel dans sa vie. « Si seulement ça venait avec un mode d’emploi, n’est-ce pas ? Ce serait beaucoup plus simple… » Il en rêve, de ce mode d’emploi de 100 pages avec toutes les explications consignées à l’intérieur : comment réagir, que dire, que faire, les étapes, apprendre à devenir parent. Il n’aurait qu’à feuilleter le bouquin et il serait prêt en un rien de temps. Malheureusement, ça ne fonctionne pas ainsi et il n’a pas le choix que de se débrouiller tout seul - et avec Olivia bien sûr, ils sont un peu dans le même bateau bien que leurs situations soient diamétralement opposées. « C'est peut-être bien qu'on devienne amis, d'abord, oui. » Cody hoche la tête à ces mots, ils partagent visiblement la même opinion. Cody ne s’imagine pas se lancer dans une paternité comme si de rien n’était, ce serait perturbant pour toutes les personnes impliquées, et surtout les enfants. « C’est le mieux oui. On voit les choses de la même manière, c’est déjà un bon point. » Un très bon point même que Cody a pu mûrir à force de recherches et de discussions. Bien sûr qu’il veut rencontrer ses enfants - c’est encore étrange de les nommer ainsi sans les connaître -, mais il réalise bien que brûler les étapes compliquerait la situation - et la relation - plus qu’autre chose. Il faut prendre le temps de bien faire les choses, Cody ne veut pas que les enfants soient déçus en le voyant car il n’aura pas été assez préparé, eux non plus et Olivia non plus - il ne supporterait pas de voir leurs visages se fermer à sa rencontre. Il doit pourtant se préparer à cette éventualité.

Comme toute personne curieuse qui se respecte - et on ne peut que le comprendre dans ce cas précis - Cody s’interroge sur la réaction des petits à l’annonce de son grand retour. Ont-ils été excités, tristes, interrogatifs ? Ont-ils envie de le rencontrer ou préfèrent-ils continuer leur vie telle qu’ils l’ont toujours connue ? La réponse ne se fait pas attendre. « Lenny s'en fiche un peu. Je pense qu'il n'a pas vraiment réalisé de quoi tu parlais. Quoique Lizzie n'a pas dû tout saisir non plus, mais elle était un peu plus curieuse.  » C’est étrange d’imaginer leurs réactions sans avoir pu être là, d’imaginer que ces enfants peuvent maintenant penser à lui sans rien savoir de lui, ou s’en moquer royalement ; et visiblement la réaction est différente d’un jumeau à l’autre. « Si jamais ils ont des questions, tu peux me faire un message et je te répondrai que tu saches quoi leur dire. » C’est peut-être bizarre mais à l’inverse, lui a tant de questions à poser à Olivia qu’il imagine que Lizzie - visiblement la plus curieuse - peut avoir un certain nombre de questions également. « J'imagine que c'est pas évident de parler d'eux à ta famille alors que tu sais pas grand chose d'eux non plus » C’est vrai, il ne saurait pas vraiment que répondre au flot de questions qui arriverait forcément vers lui et auquel il ne serait pas vraiment préparé. Il connaît leurs prénoms et leur date de naissance, mais est bien incapable de dire leur couleur préférée, leur animal préféré et toutes ces informations que les parents sont censés connaître ; avec le temps peut-être. « On peut s'accorder sur le fait que le but est que vous vous rencontriez un jour, tous les trois ? » Cody ne perd pas de temps pour hocher la tête et affirmer son désir bien réel d’un jour pouvoir les rencontrer - et peut-être découvrir son rôle ? « Quand toi et moi, on sera un peu plus à l'aise ensemble, et qu'on se connaîtra mieux. Et aussi, quand les enfants seront prêts. Je ne veux pas les forcer à te rencontrer s'ils ne le veulent pas. » Bien que ça ne soit pas l’option la plus agréable à entendre, l’idée qu’ils puissent ne jamais vouloir le rencontrer, il ne peut qu’approuver les mots d’Olivia. Ce sont les enfants les plus impactés par cette situation, Cody n’a pas l’intention de les blesser de quelque manière que ce soit. « Je veux les rencontrer oui. » qu’il confirme alors d’une voix ferme à sa première question. « Mais je suis complètement d’accord avec toi sur toute la ligne, je ne veux pas vous brusquer tous les trois. » Il lui semble tout naturel d’inclure Olivia pour qui le changement doit être également très difficile. « Je suis ravi qu’on apprenne à se redécouvrir toi et moi et j’aimerais beaucoup pouvoir les rencontrer et les connaître mais je ne veux pas que ça se fasse contre leur gré - ou le tien. » Il souffle un peu, comme si la pression venait d’un coup de se retirer de ses épaules. « Alors, on commence par quoi ? » Petit rire nerveux, il lui semble connaître en ces instants un moment tout nouveau, le début de quelque chose ; et il espère que ce quelque chose aboutisse positivement. « J’ai une maison, une entreprise, célibataire, pas d’enfant, un chien. » Un petit état des lieux est peut-être le bon endroit où commencer ? Il ne peut s’empêcher de lâcher un autre petit rire devant son CV personnel débité en quelques mots. « A part le chien, pas grand chose n’a changé depuis notre histoire en fin de compte. » C’est sûrement un peu triste, mais c’est la réalité. Quelques drames plus tard, le voilà toujours au même endroit personnellement. Il n’est pas fier de l’avouer.

« Si les enfants venaient avec un mode d'emploi, tout serait plus simple » Il imagine bien oui, et encore, il n’aura pas à eu à supporter la période des cris sans pouvoir les comprendre, des larmes sans explication où on se retrouve en pleine nuit à donner un biberon, changer la couche, bercer, chanter, masser, le tout en dansant dans le salon à peine vêtu pour tenter de trouver la solution magique. Quand il rencontrera ses enfants - le si est trop douloureux et stressant à utiliser -, ils seront déjà grands et largement capables de parler pour expliquer ce qui ne va pas ; ils seront donc leur propre mode d’emploi et Cody n’aura pas tant de difficultés à comprendre ce qui peut bien leur arriver : c’est une chance qu’on a pas avec les nourrissons, mine de rien. Il n’ira pas jusqu’à penser que sa situation est finalement idéale puisqu’elle lui évite la période compliquée des premières années mais il cherche à trouver le positif là où il le peut ; ça lui évite de trop regretter les années manquantes - et ô combien il regrette de ne pas avoir pu être là pour apprendre à les découvrir et pour les accompagner dès le début de leurs vies.

Il garde en tête que maintenant, il va tout faire pour pouvoir les voir et qui sait, peut-être jouer ce rôle qu’il aurait pu tenir auprès d’eux si les choses avaient été différentes. Et il comprend bien que cela doit passer par redécouvrir Olivia et surtout, s’ouvrir à elle pour qu’elle le redécouvre en retour. Dans leur passé commun, ils n’ont pas eu le temps d’apprendre à se connaître en profondeur ; leur histoire a été courte et sans amour, Cody ne regrette pas le moins du monde, il regrette simplement de ne pas avoir pu lui ouvrir son cœur. Il ne le pouvait pas ; il ne le peut toujours pas. « On a une maison aussi, un chat et un chien qu'on a adopté en refuge. Célibataire aussi. Et je suis famille d'accueil pour un adolescent, donc ils ont un espèce de grand frère honoraire. » On peut lire la surprise sur son visage, il ne s’en serait pas douté et il faut dire que ça vient tout de suite piquer sa curiosité alors qu’il repense à cette enfant que Sibel et lui ont placé à l’adoption ; heureusement, cette petite fille est née avec une famille pour la vie, et n’a jamais été placée en famille d’accueil. « Ouah, c’est chouette, ça se passe bien ? » Il a entendu toutes sortes d’histoires sur les placements d’adolescents. « Qu’est-ce qui t’a menée à vouloir devenir famille d’accueil ? » Pas de jugement dans sa voix, une simple curiosité et un intérêt pour le sujet - et pour en apprendre plus sur elle et sur cette famille qu’ils forment tous les quatre. « Je travaille toujours à l'hôpital. Tu vois, à part des enfants et des animaux, j'ai pas beaucoup changé non plus ! » Il ne peut empêcher un rire, les enfants sont quand même un grand changement, surtout quand ils sont deux ! Cody sent la tension se retirer peu à peu de ses épaules, même si l’amour n’était pas au rendez-vous toutes ces années auparavant, Cody appréciait la compagnie d’Olivia et il se rend bien vite compte que c’est toujours le cas aujourd’hui, ce qui est évidemment rassurant. « ça te plaît, à l’hôpital ? » qu’il demande avec un réel intérêt avant de se lancer à poser une question un peu plus intime. « Et être mère ? » Il a tant de questions à ce sujet, sur le présent, sur le passé.

Il n’a pas besoin de feindre l’intérêt qu’il porte à cette conversation et au fait d’en apprendre plus sur Olivia - et sur sa famille évidemment -, ils ne se sont pas quittés car ils ne s’entendaient pas et Cody prend plaisir à rencontrer de nouveau cette jeune femme et à la redécouvrir sous un nouveau jour, sans l’épée au dessus de leurs têtes, présente pour faire fonctionner une relation qui était vouée à l’échec dès le début pour tout un tas de raisons. Il se rend compte qu’ils n’ont pas eu l’occasion de s’apprivoiser au milieu de toutes ces complications sentimentales qu’ils ressentaient tous deux - ce qui ne leur a pas permis de s’impliquer, ni l’un ni l’autre. Aujourd’hui, quelques années après et sans cette pression, il semble à Cody que tout devient plus simple - en tous cas pour cette discussion, la situation dans son ensemble n’est pas plus simple qu’à l’époque. « [...] Qu'on pouvait apporter une stabilité familiale à quelqu'un, malgré notre famille un peu différente ! » Il ne peut qu’être impressionné devant tant d’ouverture d’esprit et de cœur ; il faut dire qu’il ne se verrait pas du tout se lancer dans une telle aventure. Sûrement qu’il ne serait pas accepté de toute façon, il travaille beaucoup et n’a pas spécialement de place pour s’occuper d’un adolescent qui requiert une extrême attention. Il faut dire également qu’il estime avoir déjà donné en s’occupant de sa fratrie ; mais bien sûr, pouvoir s’occuper des jumeaux d’Olivia - et de lui, même si l’information n’est pas complètement ancrée - serait bien différent et il le ferait avec plaisir. Il a longuement réfléchi à ces instants et même s’il n’ose pas le mentionner pour le moment car il sait qu’il y a un long chemin à faire, il sait aussi qu’il les mettra au premier plan quand il en aura l’occasion, ça ne fait aucun doute dans son esprit. « [...] Y a une bonne ambiance avec l'équipe, ça aide aussi ! » C’est une grande partie du travail, l’équipe avec laquelle on passe ses journées. Cody se souvient de plus d’un boulot où il ne supportait pas les gens avec qui il travaillait et cela le menait souvent - tout le temps - à rapidement trouver autre chose. Aujourd’hui, c’est l’inverse, il adore son équipe sans aucune exception et arrive tous les matins à la salle avec un grand sourire placardé sur le visage. « [...] et j'oublie que je dors pas assez ou qu'il serait temps de faire le ménage dans la maison » Petit sourire aux lèvres, Cody imagine s’il avait pu vivre tout ça également sans pour autant le mentionner : il ne sait pas vraiment ce qu’il peut dire ou non et il se retient de trop parler pour éviter de mettre qui que ce soit mal à l’aise. Aussi, il n’ose pas rebondir même s’il rêve de poser un demi-million de questions supplémentaires : est-ce qu’ils font des activités ? quel est le prénom de leur copain préféré ? est-ce qu’ils aiment les animaux et quel est leur favori ? Tant de questions dont les réponses doivent être connues des parents. « T'as une entreprise de quoi, exactement ? Tu bossais dans le sport à l'époque, c'est toujours le cas ? » Voilà une question à laquelle il peut répondre sans aucune hésitation. « Oui toujours, j’ai une école et salle de boxe. J’ai un peu agrandi depuis toutes ces années, ça marche pas mal, c’est chouette ! » Ouvrir Overthrow Boxing Club était d’abord le rêve de son père, entre un millier d’autres, et Cody n’est pas peu fier d’avoir pu lui donner vie ; on y trouve quelques photos de son paternel un peu partout sur les murs de l’école. « On fait des stages pour les petits à partir de 4 ans si jamais ça peut intéresser Lizzie ou Lenny, ou les deux ! » Il ouvre une petite porte, qui sait, peut-être que l’un d’eux pourrait se prendre au jeu et découvrir une passion comme lui l’a découverte très tôt. ça peut paraître surprenant d’initier si tôt les enfants à un sport à la réputation plutôt négative et violente mais Cody a pu voir au quotidien comme ce sport peut aider les jeunes dans la régulation de leurs émotions ; ça fait plus de bien que de mal en fin de compte, aussi surprenant que ça puisse être. « C’est moi qui fait les stages des baby boxers. » Il continue de se former régulièrement pour ajouter des compétences à son arc et ouvrir le champ des possibles dans l’école. « Pardon, quand je suis lancé sur le sujet, je m’arrête pas ! » C’est ça la passion et pour ce sport, évidemment que Cody l’a. « Mais je peux mettre tout ça de côté hein, mon travail c’est pas toute ma vie, ne t’inquiète pas ! » Il se rend compte qu’il donne l’impression de ne vivre que pour ça et il faut dire que ces dernières années, c’était un peu le cas mais il sait qu’il serait tout à fait capable d’atténuer cette part de sa vie pour se concentrer sur le plus important.

La réponse d’Olivia ne le surprend pas vraiment, il a pu deviner - elle ne le cache pas - la maman poule qui se trouve derrière la femme qu’il voit devant lui et il ne peut que comprendre ses inquiétudes, ce sport n’a pas une réputation évidente et il travaille justement d’arrache-pied pour lui rendre justice, estimant que cette discipline mérite bien mieux. Peut-être qu’il est un peu déçu, il est même possible que cette déception vienne se lire sur son visage mais il ne peut que comprendre - et il devine que si les rôles avaient été inversés, il aurait très certainement eu la même réaction, c’est un sport méconnu et la maman ne souhaite que protéger ses enfants, qui pourrait lui en vouloir ? Surtout pas Cody qui ne peut s’empêcher d’espérer qu’un jour - quand ils seront bien plus grands et qu’ils auront eu le temps d’apprendre à se connaître, quand ils auront passé plus de temps avec lui dans leur vie que sans -, peut-être il pourra le faire découvrir cette passion qui le tient éveillé depuis toutes ces années ; c’est ce qu’il souhaite en tous cas. « C'est plutôt une bonne chose, de faire quelque chose qui nous plaît et qui nous motive ! J'imagine que c'est ton père qui t'a appris les bases ? » Cody partage l’opinion de la jeune femme, c’est une bonne chose de pouvoir exercer un métier qui passionne et qui donne envie de se lever le matin pour y aller avec le sourire. Cody n’a pas toujours connu cette situation alors qu’il devait enchaîner les petits boulots alimentaires - quelques années plus tard, ses efforts ont été récompensés par l’ouverture de l’école ; aujourd’hui il sait qu’il ne changera plus de carrière, il est très bien là où il est et il sait qui veille sur la réussite de son club. « Tu imagines bien, il adorait ça et il m’a tout appris dès mon plus jeune âge. Je me suis toujours promis de transmettre. » Mais la vie a décidé que les choses ne se passeraient pas de façon aussi fluide et facile, et il prend la vie comme elle vient - tant pis s’il doit attendre une dizaine d’années avant de pouvoir transmettre à son tour, il attendra avec plaisir. « Alors je transmets à mes jeunes tous les jours ! » Il ne veut pas que sa phrase précédente sur la transmission soit mal-interprétée - il ne peut s’empêcher de sur-analyser chaque mot qu’il prononce par peur d’en lancer un de travers, il ne veut évidemment rien gâcher dans cette conversation - et relation. « Et j'ai appris à me restreindre quand je parle de mon travail parce qu'étrangement, tout le monde n'aime pas entendre parler de plaies et de bilans sanguins. Mais quand je ne suis qu'avec mes amis du travail... Les serveuses n'aiment pas trop s'approche de notre table, on va dire ! » Cody rit à ses mots, il ne peut qu’imaginer la tête des serveuses qui en viendraient à trop s’approcher lors de conversations ouvertes sur des sujets médicaux : lui-même ne serait pas ravi d’entendre trop de détails, il n’apprécie pas spécialement les histoires de sang et n’a jamais été très friand des séries hospitalières. Cependant, il peut comprendre l’envie - le besoin - de parler de son travail quand on l’aime. « J’évite aussi de parler des trucs glauques qui existent malheureusement dans le métier et qui ont fait sa réputation. » La boxe reste un sport violent dans lequel on peut assister à de nombreux accidents - il évite simplement d’en faire quelque chose de trop violent à l’école, ce n’est pas le but. « D’autant plus que j’essaie de restaurer un peu son image alors t’imagine ! » Mieux vaut se taire que d’évoquer tout ce qu’il a pu voir en assistant à des matchs - et son père n’était pas spécialement gêné de traîner son fils au milieu de ces adultes parfois violent, parfois alcoolisés, mais parfois aussi géniaux et plein de vie.

C’est facile de parler travail entre eux, sûrement que ça évite les gros sujets - pourtant, ça ne fait sûrement pas avancer le sujet. Ils doivent apprendre à se connaître, Olivia doit découvrir quel homme il a bien pu devenir et Cody semble incapable de se dévoiler autrement que par son métier, c’est gênant, c’est stressant et toute conversation qui viendrait à dériver de leurs boulots respectifs le mettrait assez mal à l’aise, il n’est pas très doué pour ce genre de discussion - la preuve dans sa vie privée, sa soeur n’est pas au courant de grand chose le concernant. Ses mains autour de son café, son doigt vient caresser la porcelaine alors que son regard ne quitte pas le liquide noir et chaud à l’intérieur. Qu’est-il censé dire ? Qu’est-il censé faire ? Il n’en a aucune idée. « Je t’ai dit que j’avais un chien ? » C’est peut-être pas la meilleure façon de commencer, mais c’est déjà pas mal… non ?

Si la conversation est neutre et pas spécialement des plus évidentes, ni pour l’un ni pour l’autre, Cody sait que cette dernière est d’une importance capitale ; ils doivent s’apprivoiser l’un l’autre pour imaginer un jour une suite potentielle qui inclut bien évidemment les enfants. Il comprend bien que le sujet de la boxe refroidit la jeune femme et il ne peut évidemment pas lui en vouloir alors il laisse peu à peu tomber le sujet, concluant la conversation sur ce sujet et relançant l’idée d’un autre sport - est-ce une façon pour lui de montrer qu’il est capable de s’adapter à elle ? « Oui c’est vraiment chouette. Mais y’a pas que ça dans ma vie hein, je fais pas mal de rugby aussi et un peu de basket. Touche à tout quoi ! » Nouveau rire gêné, Cody ne sait pas vraiment où se mettre et il espère qu’il n’apparaîtra pas comme un gros lourd qui cherche à tout prix à trouver quelque chose qui pourrait créer un pont entre lui et la famille qu’il n’a pas eu l’occasion de construire. Il n’est peut-être pas le meilleur à ce jeu de discussion mais il fait de son mieux, et il espère de tout coeur que c’est ainsi qu’Olivia le verra ; malheureusement, il ne peut pas contrôler la perception de la jeune femme, et il n’aura qu’à attendre et voir où tout ça les mènera : il reste patient et disponible, et c’est finalement sûrement tout ce qu’on attend de lui.

Sujet plus commun et basique et qui, il espère, ne risque pas d’attirer une quelconque inquiétude : Shadow ! Même absent, ce bon vieux chien fonctionne toujours auprès de tout le monde, et c’est pire quand il se trouve dans les parages tant il est affectueux et un peu collant. « Tu l'as évoqué rapidement. Tu l'as acheté ou adopté ? » Hors de question pour lui de se lancer dans l’explication triste de comment il s’est retrouvé avec un chien sur les bras même s’il n’avait pas l’intention d’en adopter un ; il se contente alors d’une réponse simple et enchaîne en donnant quelques informations supplémentaires - bien loin d’imaginer que les questions se posaient dans la tête de la jeune femme. « Je l’ai récupéré, c’était le chien de mon frère. C’est un husky, il est vraiment adorable. Ça lui arrive de fuguer mais de moins en moins, c’est un petit filou mais je l’adore. » Il a fini par s’attacher énormément à cet animal ; peut-être aussi parce que ce dernier lui rappelle son frère et lui donne l’impression de l’avoir toujours un peu à ses côtés ; peut-être aussi car ça lui permet d’avoir une présence à la maison, quoique maintenant Mila a rejoint la maison et il n’est plus tout seul. « On a un chien et un chat, adoptés enr efuge. Ils étaient un peu sauvages au début, mais ça a apprit aux enfants à respecter les animaux, et à apprendre leur langage corporel. » Il ne peut qu’hocher la tête à ses mots, lui-même n’a pas grandi avec des animaux mais il comprend toute l’importance pour des enfants et tout l’apprentissage que ça peut apporter. Il le voit avec Shadow quand il l’amène au club ; en quelques minutes, il fédère tous les jeunes autour de lui et souvent, ce sont les journées qui se passent de la meilleure des façons, c’est la magie des animaux. « C’est chouette. J’hésitais à prendre un chat mais je me dis qu’avec Shadow j’ai déjà assez à faire et puis, s’ils ne s’entendent pas, ça risque de devenir vite compliqué. » Adèle lui a suffisamment de fois répété qu’il pouvait venir au refuge récupérer un petit animal supplémentaire mais pour le moment, il n'a pas encore sauté le pas. Qui sait ce que les mois à venir vont lui proposer ?