two paper airplanes flying
@Ruben Hartfield (crédit gif/harley)

"Je t’en veux de rien, Ruben." Ruben, pas Ben. Et c’était presque un aveu contradictoire — celui qu’elle lui faisait sans le dire, son regard accroché aux siens avec une volonté fragile, couvant une rancune qui n’avait pas lieu d’être. Elle avait toujours été au courant de son opinion au sujet de tant de choses qu’elle ne pouvait pas prétendre ne pas le connaître aujourd’hui, et pourtant une partie d’elle lui en voulait d’être aussi fidèle à ses ambitions, les réponses qu’il lui avait accordé tout à l’heure collant parfaitement à ce dont ils avaient déjà discuté à plusieurs reprises, génie qui ne projette rien de plus à l’exception d’être le meilleur dans son domaine d’expertise. Jetant un regard à leurs mains timidement jointes durant une poignée de secondes, elle sentit ses yeux lui picoter. Elle n’avait pas envie de pleurer, elle n’avait pas envie que le faire donne l’occasion à Ben de s’inquiéter pour de bon ou de remettre son jugement en cause : elle n’avait pas l’habitude d’être émotive, et elle ne comptait pas le faire maintenant. Mais c’était une situation tellement compliquée qu’elle s’en voulut d’avoir autant manqué de jugement tout au long de l’année écoulée, se croyant assez maline pour ne pas tomber dans le piège que représentait la relation qu’elle entretenait avec le docteur. La chaleur de ses doigts contre les siens la ramenant au moment présent, l’intention qu’il mettait à ne pas vouloir la brusquer tout en tachant de lui tirer les vers du nez, et ce toute en délicatesse, c’était une première dont elle ne voulut pas se satisfaire, relevant les yeux pour soutenir les siens tandis qu’il était en train de lui exprimer son mécontentement de la façon la plus douce qui soit, sans même le lui reprocher. Preuve qu’au fond, Ruben avait appris sa leçon depuis la dernière crise de jalousie qu’il lui avait faite. Elle ne voulait pas raisonner de cette manière, mais ça lui disait bien plus sur ce qu'il ressentait pour elle que de grands déclarations, et ça la fit se sentir mal de se montrer aussi froide avec lui sur l’instant. Elle continua à le regarder, et ses yeux continuèrent à s’embuer quand, s’efforçant de lui donner quelque chose en retour, elle lui dit doucement "Je suis pas prête à te parler de quoi que ce soit. J’y arrive pas." Elle savait comment il réagirait, et c’était la crainte qu’elle ressentait à l’idée de le perdre, plus que de perdre cette chose qui était le fruit de leurs erreurs, qui lui faisait le plus peur. Elle se remettrait de tout ça, elle se remettrait de sa bêtise, de leur bêtise, mais elle ne se remettrait pas de la décision précipitée de Ruben de prendre ses distances avec elle, quand bien même leur temps était compté, et que dans quelques temps à peine, ils devraient refermer la page de cette histoire secrète qu’ils vivaient.

Elle lâcha sa main en même temps qu’il terminait sa première salve de mots et eut besoin de remettre les pendules à l’heure dans la foulée "Je veux pas que tu partes. Mais je pense que ce serait mieux." Un aveu net et précis cette fois, qu’elle lui fit en détournant la tête, et déglutissant difficilement, sentant son émotion se loger dans sa gorge tandis que, le regard flouté par ses larmes, elle se jura pour de bon de ne pas pleurer. Là encore, c’était compliqué pourtant, Ruben se montrant tellement obstiné dans ses intentions de lui apporter une épaule qu’elle se sentit obligée de fermer les yeux, provoquant le débordement d’une ou deux larmes qu’elle chassa du bout de ses doigts en lui affirmant, sa tête se secouant en même temps "C’est notre faute à tous les deux, c’est pas seulement toi. Si je réussis à te parler de tout ça, tu me donneras raison, et tu me remercieras d’avoir voulu te tenir à distance." Elle confronta ses yeux encore une seconde,  retournant la tête dans sa direction, et puis dans un souffle, elle ajouta, presque plus pour elle que pour lui "Je fais pas ça pour moi." Être distante, presque secrète, quand d’ordinaire, elle faisait part de tout et son contraire à Ruben en qui elle avait plus confiance qu’en elle-même. C’était presque trop dramatique tout ça, et dans un autre espace-temps, surement qu’elle en aurait ri franchement ; mais plus maintenant. Maintenant, elle se sentait au pied du mur, et la seule chose qui la forçait à ne pas parler, c’était le noeud qu’elle avait dans le ventre à l’idée d’être remisée à la dernière place des priorités de quelqu’un à qui elle avait tant donné ces derniers mois, qu’elle en avait perdu son objectif principal : le manipuler pour en tirer un profit non-négligeable. Prenant une profonde inspiration, elle posa la main que Ruben avait tenu dans la sienne sur la table, sentant le poinçon de ses doigts palpiter dans sa paume, et prit une seconde supplémentaire pour définitivement reprendre sur elle, et se redresser. Remuant brusquement la tête en coinçant ses cheveux à deux mains derrière ses oreilles, elle se racla la gorge pour lui faire, plus dure désormais "Arrête d’insister, ça vaut mieux pour tout le monde." Ses billes noisettes se confrontèrent aux émeraudes du jeune homme, mais ça manquait de conviction ; elle avait envie de le prendre dans ses bras, qu’il la serre contre elle en lui disant que même si elle ne voulait pas lui parler, il était là, et que rien ne ferait changer ce qu’il se passait entre eux pour quelques temps encore. Mais ils ne se mentaient jamais à l’un et l’autre — et puis de toute façon, Ruben suivit son ordre avec une discipline étonnante en se préparant à partir, installant définitivement la culpabilité chez Mavis qui n’osa même pas le regarder s’en aller.

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@mavis barnes

lieu: toowong.
(c): mistynats (gif), luleaby (codage).

***
« Je t’en veux de rien, Ruben. » L’un de ses deux sourcils se leva sur son visage dans une lenteur qui permit presque de croire que rien n’avait changé dans son expression. Ruben, ce n’était pas là dans ses habitudes de l’appeler de la sorte - ou alors, c’était parce-qu’elle était énervée contre lui ou qu’elle lui en voulait pour quelque-chose. Il avait donc visé juste dès son premier coup, et pour une fois cette victoire avait un goût amer dans le fond de la bouche. Surtout que lorsque Mavis accrocha son regard de ses prunelles, il put s'apercevoir que ce dernier était légèrement embué - ce n’était pas là dans ses habitudes. Si lui avait déjà su se montrer plus ouvert, jusqu’à dévoiler une partie plus fragile de lui-même que peu de personnes avaient déjà eu l’occasion d’apercevoir, l’inverse n’avait pas été vrai, ou pas à ce point là, si rapidement. Lors de son anniversaire, Mavis avait quelque-peu abaissé ses barrières mais c’était tout: cela n’avait jamais été plus démonstratif. Quelques paroles, quelques regards différents, et c’était tout. Ce soir, les choses semblaient la prendre de court de son côté également, et bien sur que ce n’était pas quelque-chose que Ben appréciait particulièrement; autant parce-qu’il n’appréciait pas spécialement les variables qui n’étaient pas contrôlables, que parce-qu’il ne désirait pas la voir dans cet état là. « Je suis pas prête à te parler de quoi que ce soit. J’y arrive pas. » Le regard du jeune homme passait de façon frénétique de l’un à l’autre des yeux de Mavis, cherchant l’élément qu'il avait pu manquer et qu'il ne comprenait pas - celui qu’il soulignait de ses paroles, qu’il avouait ne pas comprendre pour une fois dans sa vie.

« "Je veux pas que tu partes. Mais je pense que ce serait mieux. » Les mots de la jeune femme le frappèrent de plein fouet. Ils avaient toujours été d’une honnêteté parfois à faire peur entre eux, mais ce n’était pas pour autant que cela lui plaisait d’entendre ce qu’elle pensait réellement dans certaines situations. Surtout que Ben tentait de faire fi de ce qu’il pouvait ressentir en cet instant, des émotions que cette conversation ayant tourné vinaigre bien trop rapidement à son gout était en train de lui provoquer. Il le soulignait: ce n’était pas de cette façon là qu’il avait vu les choses se faire aujourd’hui - ou disons plutôt qu’il ne s’était pas attendu à se faire mettre à la porte de la sorte, à aucun moment, pas alors qu’il n’était pas conscient d’avoir eu un comportement problématique. Les autres fois, il l’avait cherché, il l’admettait. Les autres fois cependant, ce type de comportement et de conversation n’avait pas arraché quelques larmes rebelles à Mavis - elle les fit fuir du bout de ses doigts, mais pas assez rapidement pour qu’il ne s’en aperçoive pas. Alors bien sur qu’il serra les mâchoires, se retenant d’exprimer à haute voix les commentaires qui grouillaient sous son scalpe simplement parce-qu’il avait stupidement promis de se comporter correctement désormais et que la brusquer alors qu’il lui manquait inévitablement une variable pour comprendre n’était pas se comportement correctement. « C’est notre faute à tous les deux, c’est pas seulement toi. Si je réussis à te parler de tout ça, tu me donneras raison, et tu me remercieras d’avoir voulu te tenir à distance. » Ce fut les mots qu’elle ajouta presque comme s’ils n’auraient jamais du être entendus qui irritèrent un brin Ruben. « Je fais pas ça pour moi. » Pour qui, alors, si ce n’était pas pour elle ? Il la connaissait assez pour savoir qu’elle était toujours la personne qu’elle faisait passer en premier, qu’importe les circonstances et ce qu’il pouvait lui arriver. Il ne pouvait lui reprocher, c’était de cette façon là qu’il agissait la plupart du temps de son côté également - mais ce n’était pas là quelque-chose qu’elle pouvait avancer en cet instant, car si ce n’était pas de sa faute à lui et qu’elle ne le faisait pas pour elle, pourquoi n’arrivait-elle pas à lâcher à haute voix ce qu’elle avait sur le coeur ? Il était sincère, Ruben, lorsqu’il lui soulignait qu'il savait être une bonne oreille attentive.

Apparement ce pendant, il pourrait faire tous les efforts du monde ce soir que ces derniers ne seraient pas suffisants. Il n’y avait qu’à voir la façon dont elle réagissait, s’écartant de lui, annihilant le moindre contact qu’ils avaient jusque là - cette partie, c’était surement un mal pour un bien, de toutes façons. « Arrête d’insister, ça vaut mieux pour tout le monde. » Ses yeux à elle accrochait les siens, et face à cette vulnérabilité qu’il n’avait guère l’habitude de côtoyer, Dieu que la seule chose qu'il avait envie de faire en cet instant c'était de la prendre dans ses bras pour la serrer fort et ne pas la laisser partir. Quelque-chose n'allait pas, mais il n’aurait pas le fin mot de l’histoire aujourd’hui; il pourrait gérer la frustration sur la distance, un fois qu’il serait rentré chez lui, mais il savait d’avance qu’il ne saurait que faire du souvenir du regard que Mavis lui adressait en cet instant. « D’accord. » Sa réponse avait été soufflée, murmurée; comme s’il s’agissait là d’un supplice que de se plier à cette exécutive. Ruben ne l’avouerait pas à haute voix de cette façon, mais c’en était un. « Sache que j’arrive pas à croire à tes paroles, mais je vais faire comme si c’était le cas. » Il savait que quelque-chose de sous-jacent se tramait, mais une fois de plus il lui soulignait prendre une direction différente pour cette fois-ci. Et s’en même se demander si c’était approprié, avant de prendre congé, il déposa un baiser délicat sur la joue de la jeune femme - là, à la commissure de ses lèvres. C’était la seule chose qu’il pouvait se permettre en cet instant, tout le reste se trouvant être délacé pour la situation qui les entourait.