La tempête est passé. Il semble que tout rentre doucement dans l'ordre. Du moins, je l'espère. On ne sait jamais quelles petites blessures ce genre de disputes peut ouvrir entre les lignes, dans les silences. Peut-être faudra-t-il quelques jours avant que cet épisode soit plus qu'un souvenir dont nous pourrons rire dans quelques mois. Quand notre bébé sera là, quand une alliance ornera la main de Joanne. Là, nous serons inatteignables. Toujours à la recherche d'éléments pour se rassurer, elle demande pour quelles raisons je suis fière d'elle. Je réfléchis un instant, sans trouver comment réduire la longue liste de choses abstraites à quelques mots précis. Alors j'hausse les épaules, et réponds avec un sourire un coin, cherchant à la faire dédramatiser ; « Parce que tu arrives à me supporter tous les jours, c'est déjà pas mal. » Je ne cesse d'entendre ce genre de remarques, de la part de personnes pensant que pour être avec moi, réussir à me suivre et me rendre enfin heureux, la jeune femme est forcément une de ces perles rares que l'on ne croise pas dans tous les rues. Et elle l'est. Parfois, c'est bien son malheur, d'être trop pure, douce. Mais c'est ce que j'aime chez elle. C'est idiot, ces larmes qui coulent toutes seules. Comme trop lourdes pour que je puisse les retenir. Joanne ne m'en fais pas la remarque lorsque l'une d'elles vient humidifier la peau de son cou. Si l'objet de la dispute semble futile désormais, tout ce qu'elle a soulevé et retourné est bien plus douloureux. Mon esprit est encore un peu entre ici et les vieilles images qui savent si bien me torturer lorsque je leur laisse la porte ouverte. M'arracher à elles est toujours difficile. Je me redresse, conscient que la vie normale doit reprendre son cours. Ma belle essuie avec application la trace des larmes sur mes joues. Non, la vie ne peut pas encore reprendre son cours. Il manque un élément. Il manque la bague à son doigt. Alors je récupère le bijou, et le glisse sur ses phalanges lorsqu'elle accepte de rester ma fiancée. Là, cette fois, tout est rentré dans l'ordre. Je lui souris, ému, soulagé, et sentant un poids en moins sur ma poitrine. Je peux de nouveau respirer. Elle s'approche de moi, se mettant sur la pointe des pieds comme l'adore la voir faire. « C'est déjà le cas. » je réponds tout bas, les yeux presque clos pour apprécier le contact léger des lèvres de Joanne sur les miennes, sa propriété. Elles m'ont manqué. Un peu plus, et il n'y aurait pas eu de dernier baiser avant qu'elle ne passe la porte. Alors elles me semblent encore plus douces, plus délicieuses qu'avant. Je prolonge longuement ses baisers, ne voulant pas défaire mon visage du sien. « Tout à toi... » je murmure, l'embrassant ensuite sur le front. Je ne voudrais être à personne d'autre. Je ne peux pas être à quelqu'un d'autre. Pendant de longues minutes, je la garde contre moi, caresse ses cheveux. Il faut trouver comment reprendre le cours de notre journée, retourner au quotidien. Ce n'est jamais simple, après ce genre de dispute. Cela sonne toujours faux, au début. Mais il faut bien commencer quelque part. « Des lasagnes ? Avec ou sans poison ? » je demande pour la taquiner. Joanne aurait pu m'attendre à la maison après avoir vu les photos, faire mon plat préféré, l’assaisonner d'un peu de mort aux rats pour se venger. Cela aurait été toujours mieux que de se jeter sous l'eau froide. « Tu sais que c'est la seule chose capable de me rendre patient. » j'ajoute avec un sourire. En réalité, après autant d'émotions, je me serais bien jeté sur le lit pour… dormir. Je me sens vidé, épuisé, un véritable mort-vivant. Mais il me semble qu'il faut d'abord corriger cette journée avant de passer à la suivante. Alors je suis Joanne au rez-de-chaussée. Immédiatement, elle s'emploie à débarrasser le salon des photos et des revues. Tout mettre à la poubelle. Je dépose un baiser sur sa joue, comme un encouragement. Tout va bien, maintenant. Passons à autre chose. Le frigo grand ouvert, je l'aide à sortir les différents ingrédients pour le dîner. Et avant qu'elle se mette en tête de se lancer dans la préparation, je prends les devants ; « Tu sais quoi ? Je vais m'en occuper. » Mon regard insiste. Elle n'a pas vraiment le choix. Elle a le droit de prendre une chaise haute et s'installer pour discuter pendant que je prépare tout. Et de garder ses mains dans ses poches. C'est tout. « Je ne t'en ai jamais préparé je crois, non ? » Alors que c'était presque devenu une habitude lorsque je fréquentais Kelya. Lui faire la cuisine tous les vendredis. Elle adorait cela. Je suis déjà à l'oeuve. La pâte d'abord, rapidement faite et laissée de côté le temps de m'occuper des légumes un à un. Silencieux, appliqué, je brise finalement le silence lorsque je trouve enfin qu'il m'est possible de lui dire ce que je voulais lui annoncer en premier lieu lorsque je suis rentrée à la maison ce soir. « Je… J'ai été mis en arrêt, au travail. Un mois. » Je ne sais pas si je m'en réjouis ou pas. Je ne sais pas ce que je vais faire de moi pendant tout ce temps au calme. Mais je pourrais être avec Joane, prendre soin d'elle. Je me rends compte que cela est nécessaire, autant pour elle que pour moi, bien plus que je ne le pensais. « Trop de stress, trop de fatigue… Trop de pas mal de choses en fait. J'ai vu ma psy, à une heure, puis le médecin, et ils ont jugé que c'était un mauvais cocktail pour… Eh bien, pour ce que j'ai. » Je devais vraiment avoir l'air au bout pour qu'ils pensent que m'arrêter était la meilleure solution. Il faut dire que les derniers mois n'ont pas manqué d'intensité. Non seulement au travail, où il m'est difficile d'allier toutes mes ambitions, et en dehors. Le gala m'a retourné plus que je ne veuille bien le montrer. Perdre l'amitié d'Hannah m'a fait beaucoup de mal. Me voir capable de piquer une crise était un coup dur pour mon moral. Et puis, il y a la grossesse de Joanne. Même si c'est une bonne nouvelle, je m'inquiète. Nous ne serons tranquilles qu'après l'examen du troisième mois. Oh, et le retour de son ex-mari pour terminer le tableau. Mes nerfs sont trop à vif. « Donc je suis au repos forcé pendant quelques semaines. » Je souris tout de même. « Le temps que la co-rédactreur qu'ABC a embauché pour me soulager se mette dans le bain. » j'ajoute, plus malicieux, puisque c'est un détail dont je ne lui avais pas encore parlé. Tout s'aligne. C'aurait été tellement dommage de tout gâcher pour ces fichues photos. « On pourrait en profiter pour partir quelque part, qu'est-ce que tu en dis ? »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il l'embrassait sur la joue au moment où elle jetait les photos et les magazines à la poubelle. Que ferait un journaliste pour faire couler l'encre, se disait-elle. Combien comme elle était tombé dans le panneau ? Joanne s'apprêtait ensuite à sortir tout ce dont elle avait besoin pour préparer le plat préféré de son fiancé. Mais celui-ci prit immédiatement les devants, elle le regarda d'un air surpris, interloqué. Il semblait bien déterminé à le faire. "Qu'est-ce que je dois faire, moi, alors ?" finit-elle par demander. Pour elle, il était impossible qu'elle reste là à ne rien faire, à le regarder cuisiner. Le regard de Jamie en disait long, et elle comprit qu'elle devait simplement s'installer. Elle secoua légèrement et négativement la tête lorsqu'il se rappela qu'il ne lui en avait jamais préparé. A vrai dire, depuis qu'ils vivaient ensemble, c'était souvent Joanne qui cuisinait, préparaient les repas. Elle rentrait presque toujours avant lui, donc elle anticipait, sachant très bien qu'il rentrerait épuisé du travail. Mais elle ne dirait pas non à goûter sa cuisine. La jeune femme lui fit un doux sourire, avant d'aller s'asseoir sur l'une des chaises hautes. En passant, la jeune femme se servit un verre de limonade, qu'elle déposa sur le bar. Le coude posé sur celui-ci, la paume de sa main soutenant sa tête. Elle le regardait amoureusement faire. Jusqu'à ce qu'il rompe le silence et annonce une nouvelle qui la fit se redresser et le regarder avec des yeux ronds, bouche bée. Joanne avait tout de même un léger vent de panique, se demandant s'il y avait quelque chose de grave. Il s'expliquait rapidement. Trop de stress, trop de fatigue. Elle aurait pu le dire elle-même, c'était elle qui l'accueillait tous les soirs, totalement exténué. S'il le pouvait, son rythme se résumerait à travailler, puis dormir. "Même trop de moi ?" lui répliqua-t-elle doucement, en haussant les sourcils avec un sourire amusé. "Ca ne te fera que le plus grand bien." finit-elle par ajouter. "J'avais dit au Dr. Winters que c'était une période assez difficile pour toi. Entre le travail, ces projets d'exposition qui te travaillent, l'aller-retour à Londres..." Joanne haussa les épaules, ne sachant si son discours avait influencé la décision médicale de l'arrêter pendant quelques semaines. Elle avait cette pensée un peu égoïste, de se dire qu'elle l'aurait pour elle pendant tout ce mois. "Nous aurons tout le temps de faire cette fameuse journée qui est tombée à l'eau samedi dernier, alors." dit-elle tout bas. "Avant que je ne devienne trop... grosse." Le ventre rond ne lui gênait absolument pas, mais son médecin ne lui avait pas caché que les énormes prises de poids sont courantes chez les femmes enceinte, et Joanne avait cette pensée extrême de devenir quasiment obèse. Le Dr. Winters avait tenté de la rassurer comme il voulait, mais elle appréhendait aussi de ce côté-là. Elle restait une femme, après tout. Joanne aurait pu se contenter de cela. D'un mois complet avec son fiancé. Celui-ci afficha alors un sourire un peu malicieux, et sortit une phrase qui la bluffa. "La co-rédac..." Elle ne parvenait même pas à finir sa phrase. Joanne le regarda longuement, se demandant si elle se jouait d'elle ou s'il était bien sérieux. La question qu'il lui posa ensuite lui passait complètement par-dessus la tête. Elle descendit rapidement de sa chaise et se précipita sur lui, sautant dans ses bras en entourant sa taille avec ses jambes. Elle l'enlaça du plus fort qu'elle le pouvait puis lâcha son étreinte, le visage illuminé, complètement ravi. "Pour de vrai ? De vrai, de vrai ?" demanda-t-elle. Joanne l'embrassa alors à plusieurs reprises. "C'est... c'est merveilleux, Jamie. Tu vas pouvoir te reposer et prendre du temps pour toi." Pendant qu'elle parlait, elle lui caressait tendrement la joue, du bout de ses doigts. "Ca te fera le plus grand bien." Elle riait. De joie, tout simplement. Elle lui déposait encore de nombreux baisers sur ses lèvres, il venait de lui annoncer deux merveilleuses nouvelles. "Comme ça tu pourras venir aux rendez-vous sans trop te poser de questions. Joanne l'embrassa une dernière fois avant de regagner sa place, histoire de ne pas le perturber davantage dans sa cuisine. La question du voyage lui revint alors en mémoire. "Où voudrais-tu aller ?" lui demanda-t-elle, peu rassurée. "L'idée me plaît beaucoup mais... Je ne suis pas sûre que les voyages soient préconisés dans mon... cas." Toujours cette grossesse à risque, autant pour Joanne que pour leur bébé. Il y avait beaucoup de contraintes, quand même. "J'aurais adoré faire un détour par Sydney, je crois." dit-elle, rêveuse. "Il faudrait que nous en parlions au Dr. Winters pendant la prochaine échographie, qu'en penses-tu ?" C'était le meilleur moyen de le savoir, après tout.
« Nada. Tu assieds ta divine personne dans une chaise, et tu me laisses faire. » Je prends un faux air sévère en indiquant une chaise d'un signe de tête, avant de lui sourire avec complicité. Certes, Joanne ne doit certainement pas faire grand-chose de de ses journées depuis qu'elle est en arrêt, seule à la maison, alors il est assez cruel de l'empêcher de s'occuper au moins du dîner. Mais je tiens assez à tout faire seul cette fois. A ma manière. C'est une pâte qui ne repose pas trop longtemps, peu d'ingrédients différents, mais plus travaillés. Je ne sais pas depuis combien de temps je n'ai pas été moi-même aux fourneaux. Vivre seul me forçait à toujours faire la cuisine. Depuis que la jeune femme est installée ici, je me repose beaucoup sur elle de ce côté là. Je ne pense pas que cela le dérange beaucoup. Néanmoins, cela me manque. Être concentré sur une recette a toujours réussi à me vider l'esprit. Je suis du genre à appliquer une rigueur quasi-militaire en cuisine, pas vraiment dans l'improvisation et le hasard. Alors tous les gestes comptent, tous les ingrédients, et il n'y a plus vraiment de place pour autre chose dans la tête. Ne comptant pas laisser Joanne passer une heure à me regarder sans rien dire, je lui annonce finalement mon arrêt de travail jusqu'à la fin du mois. Elle semble d'abord inquiète, puis plutôt contente. « Trop de toi aussi. Je pense que c'est ce qui a été fatal. »je réponds pour la taquiner, l'air embêté. Elle a raison, une pause me fera le plus grand bien. Un jour, l'idée m'était passée par la tête, de m'arrêter complètement. Mais je pensais me dédier à Joanne vers la fin de sa grossesse, pas aussi tôt. Ce n'est qu'un mois, mais cela me semble long. Je n'imagine pas ce que cela doit être pour elle lorsqu'elle se dit qu'il lui reste sept mois à ce rythme. Je suis surpris de l'entendre dire qu'elle avait parlé de ma fatigue à Winters. Je ne suis pas du genre à savoir envisager qu'on puisse parler de moi en dehors des moments où je suis présent. Je me demande ce qu'elle lui dit d'autre à mon sujet. Si elle lui sert un peu d'espion pour savoir comment je vais, si je suis sage, si je ne la violente pas de nouveau. « Je savais que tout ça allait me fatiguer, mais je pensais que ça passerait vite. » Et non que je me retrouverai complètement à l'arrêt. Non, je sais que je n'arriverai jamais à rester les bras croisés toute la journée, je suis bien trop habitué à courir partout toute la journée. Je songe déjà aux journées que je pourrais passer à peindre, à penser la chambre du bébé, les heures à la salle de sport que j'ai à rattraper. Je pourrais en profiter pour embaucher Nyx, d'ailleurs, et voir avec elle la manière dont elle voit les choses pour moi. Oui, c'est une idée. Cela me fait penser que mon téléphone vibre encore une fois dans la poche arrière de mon pantalon. J'espère que ce n'est pas la radio, car je suis officiellement libre depuis que j'ai quitté le bureau, et ce pour les quatre prochaines semaines. Ils devront faire avec. « C'est vrai. Je n'oublie pas que tu me dois une journée de dessin. » Samedi dernier est tombé à l'eau, j'étais assez déçu. Mais qu'importe désormais. Tous les jours seront des samedis désormais. « Je te dessinerai aussi quand tu seras… immeeeense. » j'ajoute pour l'embêter de nouveau, avec un sourire amusé. Ce sera étrange, de voir Joanne et sa silhouette naturellement fine et frêle s'étendre pour faire assez de lace afin d'accueillir ce petit être qui grandira encore et encore. Toute cette surface à couvrir de baisers. J'en viens à évoquer ma nouvelle collègue, embauchée depuis quelques jours, et avec qui je me partagerai le travail une fois de retour. L'annonce plaît tellement à ma fiancée qu'elle me saute littéralement dessus. Je la laisse s'accrocher à moi comme un koala tandis que je garde les mains en l'air, pleines de farine et d'eau, riant face à sa réaction. « Bien sûr pour de vrai ! » j'essaye d'articuler entre deux baisers et deux rires. Il est tellement plus plaisant de la voir sourire ainsi… Je tourne la tête pour l'embrasser dans le creux de la paume qu'elle a posé sur mon visage. Du repos. Que je prenne du temps pour moi. Tout le monde n'a que cela à la bouche. « Je vais en avoir bien besoin, avant de ne plus avoir de nuit tranquille pendant des mois. » je fais remarquer avec un clin d'oeil. La jeune femme retourne à sa place. J'attrape un torchon pour essuyer mes mains, puis sort une mandoline d'un placard, ainsi qu'un plat à tarte, de l'huile, et diverses épices. Puis je reprends l'épluchage des courgettes et des aubergines. Où aller, pour profiter de ce temps pour nous ? « Je n'en sais rien, je n'y ai pas réfléchi. » j'avoue en haussant les épaules. L'idée venait juste de me traverser l'esprit à vrai dire. Les épluchures filent dans la poubelle. « Un endroit avec de la neige. Faute d'en avoir pour Noël… Et ça me manque un peu. » Je me souviens, lors de ma première année à Brisbane, avoir été étonné de voir l'immense sapin de Noël en centre-ville, merveilleusement décoré d'étoiles brillantes, et pas un seul flocon de neige. Le décalage par rapport à mes habitudes était déstabilisant. Avec une grande délicatesse et de l'application, je découpe en lamelles aussi fines que possible les légumes qui tombent dans le plat à tarte. Joanne me rappelle que son état ne lui permet sûrement pas de voyager. Pas en avion, en tout cas. « C'est vrai, j'oubliais. » Les lamelles se retrouvent couvertes d'un peu d'huile et d'un mélange d'épices, de manière à mariner ainsi pendant une vingtaine de minutes et s'imprégner de tous les goûts. Je souris largement quand la jeune femme évoque Sydney., et rétorque ; « Je peux conduire jusqu'à Sydney. » C'est un peu de route, quelques heures au volant, mais rien d'insurmontable. « Nous pouvons même longer le littoral et faire quelques arrêts avant Sydney. » Nous promener dans les villes sur notre retour, prendre une nuit dans un hôtel si jamais nous traînons trop. Nous aurons tout le temps d'aller au gré de nos envies. Finalement, il sera plus sage de demander l'avis du médecin pendant l'échographie, dans quelques jours. « Bonne idée, nous ferons ça. » Vibreur encore. Et mes mains sont pleine de pâte pour faire les carrés de lasagne. « Mon ange, ça te dérangerait de prendre mon téléphone dans ma poche ? » je demande finalement. « Il n'arrête pas de vibrer, c'est un enfer. » C'est sûrement la radio. J'écris trop peu de sms en dehors du travail pour avoir autant de messages sans raison. Je laisse Joanne extirper l'appareil de ma poche arrière. « De qui sont les messages ? » Elle peut bien regarder, il n'y a rien de passionnant dans mon téléphone.
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Il pensait que son lot de fatigue allait lui passer. Malheureusement ce n'était pas le genre de choses dont on pouvait se débarrasser en un claquement de doigts. Joanne le regarda d'un air inquiet et attendri. Elle rit lorsqu'il se rappelait qu'ils devaient faire cette fameuse journée. Il avait bien du mal à cacher sa déception en voyant sa Joanne clouée et toute pâle, prise de nausées pendant toute la journée. Elle l'était déçue, elle s'était beacoup préparée mentalement à poser pour lui. Il la taquinait, elle le fusilla du regard. "Pour l'instant, je n'ai rien pris." Elle rit. "Si ça se trouve, je ferai partie de ces femmes chanceuses qui prennent du poids sans même que cela ne se voit, mis à part le ventre qui s'arrondit." La jeune femme s'était ensuite ruée sur son fiancé lorsqu'il parla de sa collègue. Lui riait joyeusement en voyant la réaction de sa bien-aimée. Il reconnut avoir besoin de repos, de temps pour lui, mentionnant les nuits à prévoir après l'accouchement. "Tu auras des nuits tranquilles." lui rétorqua-t-elle doucement. "Je ne te laisserai pas te lever à chaque fois qu'il pleurera." A vrai dire, Joanne se fichait bien de son sommeil à elle - ce qui en soi, n'a rien de surprenant, en connaissant son caractère. "Tu auras toujours besoin de repos à ce moment-là. On s'alternera." Elle lui sourit tendrement. "Ce sera déjà à cette période là qu'il comprendra que papa sera toujours là, près de lui." Elle tenait énormément à ce que cette relation se construise, entre le bébé et le père. Dans bien trop de couples, il y avait un sentiment d'exclusion de la part du père, et Joanne ne voulait pas que ce soit le cas pour Jamie, surtout pas. "Puis, si ça se trouve, ce sera un bébé parfait qui fera ses nuits dès un mois et demi." ajouta-t-elle dans un rire. Bien trop optimiste, certes, mais pas impossible. Joanne le regardait cuisiner avec attention, tout en sirotant sa limonade. Jamie ne cachait pas son sourire lorsque sa belle mentionna Sydney. Comment ne pas sourire en entendant le nom de cette ville ? Il proposait alors de rouler long des côtes, s'arrêter là où ça leur disait. Cette idée semblait beaucoup plus réalisable aux yeux de la jeune femme. "Si on ne dort que dans des hôtels, nous ne risquons pas de dormir beaucoup." dit-elle en riant, se souvenant bien qu'à chaque fois qu'ils ne dormaient pas chez eux, leurs nuit étaient relativement courtes. "Mais j'aime beaucoup l'idée." avoua-t-elle, souriante. Jamie finit par lui dire que son portable n'arrêtait pas de vibrer et il lui demanda si elle ne pouvait pas regarder de qui il s'agissait. Joanne fit le tour du bar et récupéra le mobile, en profita pour l'embrasser dans le cou, et retourna à sa place. Elle activa alors son portable, lisant les difféents messages. Elle tomba d'abord sur celui d'Hannah -elle soupira. "Hannah... Gaby, Jon... et même James. Ils se font du soucis pour toi. Pour nous. Sauf Hannah."Qui elle ne comptait pas se faire pardonner pour quoi que ce soit. Joanne restait longuement silencieuse, elle n'avait pas vraiment envie de revenir sur le sujet, même si c'était plus ou moins réglé. Ca restait encore trop frais. Elle posa le téléphone sur le bar. "Tu pourras leur répondre plus tard." dit-elle avec un sourire, insinuant par là qu'elle adorerait avoir toute son attention pour le reste de la soirée. "Pourquoi ne pas remettre la journée dessin à demain ?" dit-elle après quelques minutes de silence. "Et les jours à venir si tu en as besoin ?" ajouta-t-elle avec un regard malicieux. "Avec des mignardises à proximité, et ce serait parfait." Elle ne voulait pas se montrer trop exigeante non plus. Mais, aussi paradoxal cela pouvait-il être avec sa personnalité, Joanne avait hâte que cette journée se passe, de voir Jamie enfin satisfait de l'une de ses oeuvres. "J'espère que le ciel sera aussi beau que l'autre soir. Voir les couleurs changer au fil de la journée. Rester aussi tard que nous le voulons, sans contrainte." Elle lui sourit tendrement. "Nous n'avons plus aucune contrainte pendant tout un mois." ajouta-t-elle, pensive, en lui souriant tendrement. Joanne se leva ensuite, se sentant obligée de mettre le couvert sur la table.
C'est sûrement très naïf, d'avoir presque hâte de se lever le soir, réveillé par des pleurs et des cris dans la chambre d'à côté, et aller réconforter son bébé. Je sais que je déchanterais rapidement, au bout d'une semaine sans sommeil creusant de belles valises sous mes yeux. Mais je suis impatient, toujours, et curieux. Je veux savoir à quoi il ressemblera, s'il aura mes yeux ou les iris bleus de sa mère, quel sera le son de sa voix, ce qu'il aimera ou non. Parfois, on oublie que là, grandit un véritable être humain. Il est si petit, encore peu formé, très abstrait. Mais c'est quelqu'un. Il grandira deviendra une personne, avec un caractère, une personnalité, qui apprendra des choses et nous en apprendra à nous aussi. Le plus étrange, c'est que je n'arrive plus à me replonger dans l'état d'esprit que j'avais il y a quelques mois. Je n'arrive plus à envisager ce que c'est, de ne pas vouloir d'enfant. Il est là, et c'est si évident que je l'aime. « Je te vois venir. En Joanne, ''on alternera'', ça veut dire que tu ne me laisseras me lever qu'une fois par semaine. » dis-je en riant. Je vois bien la jeune femme se préoccuper tellement de mon sommeil, à vouloir que je sois assez en forme pour le travail, qu'elle ne me poussera pas hors de la couette pour prendre mon tour. Tout cela est loin, mais il est amusant de s'y plonger déjà. Imaginer comment notre vie sera. Et nous comparerons une fois que nous y serons. Nous nous trouverons sûrement très idéalistes. Tout ce que j'espère, c'est que le bébé ne sera pas trop difficile -en d'autres mots, qu'il ne tiendra pas trop de moi. Je me souviens et me suis fait raconter un nombre incalculable de fois à quel point j'étais épuisant. J'espère que nous n'aurons pas un petit manipulateur, une petite antipathique. Juste un enfant normal. En bonne santé. Cela semble si peu demander, et à la fois, énormément. « Nous pourrions dormir dans la voiture, mais ce n'est pas le même confort. » je réponds à Joanne au sujet du voyage qui se dessine peu à peu pour Sydney. Cela me fait penser qu'il faut ajouter ce lieu à notre liste : la banquette arrière. Je souris à cette idée. N'importe quoi. « Et depuis quand nos nuits courtes sont un problème ? » je demande, l'air faussement indigné. Quoi qu'il en soit, cette idée de voyage plaît à la jeune femme. Et cela sera moins risqué qu'une autre destination. Winters ne verra sûrement pas d’inconvénients à ce que nous soyons quelques jours sur la route. « Nous ferons ça alors. » Cela nous ferai du bien, de nous couper complètement du monde de cette manière. D'être tous les deux, bouger d'un point à l'autre, au hasard, découvrir des villes, et laisser nos téléphones à la maison. En parlant de téléphone, le mien continue de vibrer dans ma poche. J'ai rarement autant de popularité en matière de sms. Joanne vient prendre l'appareil et consulte rapidement les messages. Quelques personnes qui s'inquiètent pour nous. « A cause des photos ? » Sûrement, oui. Un message de James, c'est étonnant. J'y répondrais plus tard, saisissant très bien qu'il n'est pas question de revenir sur ce sujet pour ce soir -ni jamais, en fait. J'adresse un sourire à ma belle qui propose que nous profitions de tout ce temps libre pour faire cette journée de dessin dès demain. « Je te prends au mot ! Demain tu poses pour moi. » D'une pression sur un bouton, je mets le fou à préchauffer, juste le temps pour moi de disposer les différents éléments des lasagnes dans le grand plat. Une couche de pâte, puis les fines lamelles de légume, sauce tomate, tranches de mozzarella, ainsi de suite jusqu'à la dernière couche de pâte qui se retrouve couverte de parmesan. « Exactement. » Nous avons le mois pour nous, aucune contrainte, si ce n'est prendre soin de nous. « Nous pouvons… Aller au cinéma tous les jours, essayer absolument tous les restaurants de la ville, refaire nos gardes-robe de A à Z, passer des journées entières sur la plage, dormir jusqu'à pas d'heure, traîner en pyjama en mangeant des cochonneries, faire un marathon Star Wars avant que le prochain ne sorte… » Et à la fin, nous nous dirons que le temps est passé trop vite. J'enfourne le plat, lance le minuteur. « Ca sera prêt dans… une petite demie-heure. » Je nettoie rapidement le plan de travail pendant que Joanne file mettre la table. Il n'y a plus qu'à être patient. Ce qui sera de plus en plus dur au fur et à mesure que l'odeur embaumera l'air. Passant à côté de ma fiancée, je lui vole un baiser sur la joue, et me dirige vers le piano blanc. Finalement, l'un des pieds a été mordillé par Milo. « Tu sais en jouer ? » je demande à Joanne, en appuyant sur quelques notes formant vaguement le début d'une Nocturne.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie la connaissait beaucoup trop bien. Elle serait exactement comme ça pour les nuits. Et ça ne la gênerait pas, de le laisser dormir, même si elle se doutait qu'à partir d'un moment, il finirait pas culpabiliser. Elle rit à ses propos, et ajouta. "Si j'allaite, je n'aurai de toute façon pas le choix de me réveiller aussi si c'est toi qui y va." Elle rit, le regardant avec des yeux pétillants. Cela semblait si loin, mais si proche à la fois. Plus que quelques mois. Encore quelques mois. "Nous n'y sommes pas encore, mais,... oui, j'aimerais beaucoup pouvoir allaiter moi-même." Toujours dans cette idée traditionnelle, basique. C'était tout bête, mais elle adorerait que cela lui soit accessible, avoir ce moment avec leur bébé. "Et puis... après le troisième mois, on pourra réfléchir à un prénom." dit-elle en souriant niaisement. Elle se mordit la lèvre inférieure. "Mais je ne voudrais pas savoir son sexe avant le jour de la naissance." Elle espérait que Jamie veuille la même chose, laisser une part de surprise dans tout cela. Elle se demandait comment allaient se passer les discussions concernant le prénom. Joanne avait déjà ses petites idées, surtout s'il s'agissait d'un garçon. Joanne rougit vivement lorsqu'il mentionna la voiture, ne pouvant s'empêcher de rire. "Ca ne me pose pas de problème." dit-elle d'une voix toute douce. Elle eut des pensées peu catholiques, et s'en mordait les lèvres. A voix basse, elle finit par lui dire. "Je suis en train me dire que d'ici quelques mois, tu seras contraint de satisfaire nos libidos avec la première position que tu as choisi lorsque nous étions dans la chambre d'amis." Bizarrement, elle ne pouvait s'empêcher de sourire à cela, et baissa les yeux. Elle lui sourit tendrement lorsqu'il confirma leur petit projet de voyages. Cela ne leur fera que le plus grand bien. "Est-ce qu'on... pourra prendre la même suite de l'hôtel, à Sydney ?" finit-elle par demander, se demandant si elle pouvait se le permettre. "A moins que tu ne veuilles voir une autre suite pour se rendre compte à quel compte cet hôtel est parfait." ajouta-t-elle avec des yeux pétillants. Joanne venait de lui parler des différents SMS qu'il avait reçu. Elle confirma d'un signe de tête pour la question qu'il lui posait, celle des photos. "Tu répondras aussi à James, pas vrai ?" demanda-t-elle d'une voix douce et hésitante. Le mannequin restait toujours un ami à Joanne, et elle espérait vraiment que l'amitié qu'il y avait entre son fiancé et lui allait se reconstruire. Jamie semblait ensuite plus qu'enthousiaste à l'idée de mettre en place la journée qu'ils avaient prévu le week-end précédent le lendemain. Elle était surprise qu'il propose un marathon Star Wars. "Tu aimes Star Wars ?" lui demanda-t-elle, sans cacher sa surprise. "Vous regardez ces films là entre aristos anglais ?" demanda-t-elle d'un air taquin. Il enfourna le plat, disant que ce serait prêt d'ici une demi-heure. "J'ai failli oublié de te dire à quel point tu es séduisant quand tu cuisines." dit-elle en descendant de sa chaise haute et finissant son verre de limonade. Il terminait de nettoyer un peu la cuisine. Il embrassa sa douce à s'approcha du piano. "J'ai suivi quelques cours quand j'étais à l'université, en plus des cours de danse." dit-elle en haussant les épaules. "Enfin, juste les bases. Après, je sélectionnais quelques morceaux que j'aimais et je les jouais jusqu'à les connaître par coeur. Mais cela remonte à des années, je ne sais plus en faire." Elle lui sourit. "Je suis plus douée avec mes pieds, sauf pour les danses latines." ajouta-t-elle avec un rire. Elle écoutait les quelques notes qu'il jouait, le son du piano était tellement beau. Son coeur s'emballait immédiatement. Elle ne l'avait jamais vu joué quoi que ce soit sur cet instrument depuis qui'l était là. "Je... Je n'y toucherai jamais." dit-elle tout bas, le regardant faire. "C'est le tien." Elle savait la valeur que l'instrument avait à ses yeux, elle savait ce qu'il signifiait. "Tu... Tu veux bien me jouer un morceau ?" finit-elle par demander, après un très long moment d'hésitation. "Ou même un extrait, quelques secondes." Pour elle, Joanne en demandait déjà bien trop. Elle s'approcha de lui et croiser délicatement ses doigts avec les siens, et l'embrassa sur son bras. "Si tu ne veux pas, je ne t'en voudrais pas." dit-elle, en toute honnêteté. Elle pensa immédiatement au bébé, qui entendrait, lui aussi, son père jouer du piano. Elle se demandait s'il jouerait pour lui. "A la place, nous pouvons nous installer, discuter de demain, du bébé." Elle rit bouche fermée. "S'embrasser mais sans trop se tenter puisqu'on mange bientôt." dit-elle riant. Elle lui caressa tendrement les cheveux. "Ce serait tellement dommage de gâcher un plat si bien préparé."
Choisir un prénom. Voilà qui risque d'être amusant. Je pense que nous y passeront bon nombre d'heures, à nos chamailler à ce sujet. Cela me fait penser à Thomas qui ne cessait de nous raconter, à moi et Ezra, à quel point Ida était intraitable sur le prénom des jumeaux. Ils se prenaient souvent le bec, et les hormones mettant la future mère terriblement à fleur de peau faisait souvent dégénérer le débat. Nous ne plaignons beaucoup, le pauvre. Je ne sais pas s'ils sont finalement tombés d'accord. Je devrais appeler les Beauregard, un de ces jours. J'ai tout le temps pour cela ce mois-ci, autant en profiter. Ce qui me surprend, c'est d'entendre Joanne formuler le souhait de garder le sexe du bébé secret jusqu'à la fin. « Vraiment ? » J'ouvre de grands yeux, avec un peu d'espoir qu'elle ne soit pas sérieuse. Connaissant mon impatience, devoir tenir des mois sans savoir cela sera une véritable torture pour moi. Mais je vois bien qu'elle y tient. Je ris en secouant la tête, ne cherchant même pas à me débattre avant de m'avouer vaincu. « Tu me tues. » dis-je tout bas. A croire qu'elle ne veut que rendre l'attente encore plus difficile. Sujet que nous évoquons parfois, les quelques ajustements et adaptations qu'il faudra incorporer à notre vie sexuelle lorsque le ventre de la jeune femme aura plus de formes. Nous savons déjà que nous ne pourrons plus nous permettre autant de chose que cela est le cas pour le moment, et pour encore quelques semaines. Je passe mes dents sur ma lèvre en l'entendant dire que notre future position principale sera celle de la chambre d'amis. « Ca me convient très bien. » dis-je avec un sourire complice. Néanmoins, ce sera étrange, au début, de ne plus avoir ses lèvres constamment à ma portée pendant nos ébats. Je m'y ferais sûrement, mais les premières fois auront certainement un petit goût de frustration. Il n'est pas étonnant de nous entendre songer à retourner à Sydney. Dans l'exacte même chambre où notre petit bout a été conçu. « Bien sûr, on la prendra si elle est libre. » je réponds en acquiesçant d'un signe de tête. Je ne me vois pas prendre une autre suite. Celle-ci est la seule de son genre dans tout l'hôtel -la plus coûteuse, mais qu'est-ce qu'elle en vaut le coup. Aucune autre ne saurait nous satisfaire autant, je crois. Après cette histoire de photos, Joanne et moi avons sûrement besoin de ce moment pour nous. De nous couper de tout ceci quelques jours. Déjà l'Australie a pu voir ces clichés, et cela me désole et me contrarie. Les messages que je reçois depuis le début de la soirée en témoignent. Autant de personnes qui s'inquiètent pour nous. La jeune femme veut s'assurer que je répondais aussi à James. Je soupire, ne voulant pas me montrer trop désagréable. Je ne sais pas si je suis prêt à lui parler, et encore moins au sujet de Joanne et d'Hannah. « Je n'en sais rien. Je vais y réfléchir. » dis-je tout bas. J'y réfléchirais vraiment, mais je n'assure pas que la balance aille en faveur du Français. J'ai le temps pour faire le tour de la question. Des jours et des jours devant moi. Autant de temps promet un programme plutôt varié. Ma belle s'amuse de m'entendre mentionner Star Wars. A croire que, en bon aristocrate du vieux continent, je ne devais aimer que le cinéma indépendant allemand. « Vous serez surprise d'apprendre que nous sommes capables de faire des choses normales chez les aristos anglais. Nos journées ne sont pas à base de thé, scones et débats sur le prénom du Royal Baby» je rétorque avec un sourire amusé. « Et j'adore Star Wars. » j'ajoute en mettant le plat dans le four. Cela fait, je termine d'essuyer mes mains, et m'entends complimenté par ma fiancé qui n'a de cesse de me trouver des qualités dans toutes les situations. « A t'entendre il n'y a rien que je ne fasse sans être séduisant. » Sauf, peut-être, nettoyer la cuisine ? Tout est alors prêt, et nous avons une demie-heure à tuer. Je ne sais pas pourquoi je me dirige spontanément vers le piano. Le voir m'avait inspiré tant de peine tout à l'heure. Je n'ai pas encore osé y jouer depuis que je l'ai fait venir de Londres. Il a été accordé il y a peu de temps. Joanne m'explique qu'elle a perdu tout ce qu'elle savait faire au piano. Je pense plutôt qu'une partie de sa mémoire, n'y voyant pas d'utilité, a mis ce savoir au second plan. Mais si elle passait quelques heures sur l'instrument, cela lui reviendrait bien vite. « Je me souviens avoir eu une très bonne partenaire de danse pendant la semaine Italienne, tu te rappelles ? » dis-je avec un sourire alors qu'elle se pense mauvaise en danse latine. C'est un souvenir que j'aime assez. La ville était particulièrement belle et animée ce soir-là. Mon regard quitte mes doigts sur la clavier pour se poser sur Joanne. C'est à peine si elle ose approcher du piano. Elle ne veut pas y toucher, s'y refuse. « Ne sois pas ridicule. Ce n'est pas que le mien. » Je lui indique l'autre bout du banc d'un signe de tête afin qu'elle s'assied à côté de moi. « Regarde, même Milo a laissé sa trace. » j'ajoute en montrant les petites marques de dents sur l'un des pieds. C'est contrariant, mais avec deux chiens, je ne pouvais pas espérer garder l'instrument intact pour toujours. « Alors tu peux bien jouer dessus si l'envie te prend. » Je n'y vois aucun inconvénient. Le piano a beau être décoratif, l'intérêt est de pouvoir en jouer aussi. J'attends que la jeune femme prenne place à côté de moi, et serre tendrement sa main sur laquelle je dépose un léger baiser. « Je préfère te jouer quelque chose. Je ne suis pas capable de ne pas me laisser tenter. » je réponds avec un sourire en coin. Mais nous pourrons toujours divaguer comme nous le faisons si bien après le morceau que j'ai en tête. Pendant de longues minutes, les seuls sons qui résonnent dans toute la pièce sont ceux du piano. Il s'agit d'une musique à la fois calme et joyeuse, contrairement à toutes celles dont le tempo lent rend facilement triste. Celle-ci est contemplative. A mes yeux, elle représente bien la plénitude que l'on peut ressentir lorsqu'on se sent pour simplement heureux. Il y a, chantant dans les aigus, les battements du coeur qui s'emballent parfois, peut-être pendant un sursaut de joie. Il y a la nostalgie du moment passé, ce moment où l'on se souvient d'un instant heureux avec un sourire en coin, mais sans peine aucune. Juste, la satisfaction. Et un nouveau moment vient, le coeur s'exalte. Le moment passe. Ainsi de suite. La vie, comme des vagues, qui vont et viennent. A la fin, je regarde mes mains, et me dis à moi-même ; « Je suis rouillé. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne aurait du se douter que son fiancé ne voulait pas attendre de savoir s'il s'agirait d'une fille ou d'un garçon. Sa réaction la fit spontanément sourire, avouant qu'elle s'en amusait un peu. Sa petite remarque la fit rire, elle le trouvait adorable. "Tu verras, tu survivras." dit-elle avec des yeux pétillants de malice. La jeune femme savait que Jamie était bien plus enthousiaste à l'idée d'avoir une fille. Joanne miniature, en fait. Elle, elle s'en fichait bien, à partir du moment qu'il ou elle était en bonne santé. "Ca t'évitera de faire une chambre toute bleue ou toute rose." dit-elle en haussant un sourcil, le sourire toujours pendu aux lèvres. Une chambre neutre, avec des couleurs simples, adaptés aux deux sexes. La pièce se personnalisera de toute façon très vite au gré des jouets et des goûts du bébé. Connaissant leur entourage, le bébé allait être sacrément gâté. Entre les parents de Joanne, Gabriella, Sophia, James, toute la bande des Beauregard... Elle craignait qu'il ne croule de trop sous les cadeaux. Son fiancé était beaucoup plus sur la réserve lors que sa belle mentionna le mannequin, se demandant s'il se prendrait le temps de lui répondre également. Il préférait rapidement passer le sujet et parler de cette saga qui allait prendre une bouffée d'air frais pour le Noël de l'année 2015. Bien sûr qu'elle le taquinait. "Normal ? Qu'est-ce que ce mot veut dire, chez vous ?" lui lança-t-elle avec un regard moqueur. Il était certain qu'ils ne voyaient pas ce mot commun de la même façon. "Ne pensez donc plus au nom du Royal Baby, vous devez déjà songer au nôtre." ajouta-t-elle en arquant un sourcil. Elle se demandait bien quels types de prénoms Jamie pouvaient aimer, elle n'arrivait pas vraiment à le cerner sur ce point là. "Je crois qu'un marathon se dessine à l'horizon." finit-elle par dire, largement enthousiaste à cette idée. "Avec un plateau télé, et des choses pas forcément très saines à manger." Elle s'imaginait parfaitement la scène. "Blottie dans tes bras. J'avoue que je serai presque jalouse si les deux chiens viennent vers toi, je n'aurai plus de place." Le couple était un aimant pour les chiens, tout particulièrement lorsqu'ils s'installaient sur le canapé pour regarder la télé. Tiens, Jamie câline Joanne, pourquoi pas nous ? Et c'était foutu. Joanne rougit légèrement à la remarque du bel homme. "C'est ça." dit-elle avec un large sourire. "Mais le pire, c'est quand même lorsque tu dessines ou quand tu peins." Après Joanne le trouvait beau tout le temps. Il pouvait porter son costume où des vêtements dans lesquels il est bien plus à l'aise, elle le trouverait toujours aussi séduisant, la faisant fondre comme le premier jour. Il avait un charme certain, n'importe quelle femme pourrait tomber dans le panneau. Il finissait de lui parler de leur soirée italienne. "Je t'ai déjà dit que je suis un peu plus douée en matière de danses américaines, style jive, swing... et les trucs plus classiques." Elle rit, gênée. "Sauf les latines." Joanne lui vola un baiser. "Fut un temps où j'étais à peu près souple, tu sais." Sauf qu'elle était loin d'exercer autant qu'avant, elle avait certainement perdu de ce qu'elle avait appris. Ca remontait à tellement loin pour elle. "Si, c'est le tien." insista-t-elle, assez bornée là-dessus. Elle fut touchée qu'il accepte ce qu'elle joue de son instrument. Elle ne tarda pas à s'installer à côté de lui, prête à l'écouter avec attention, lui caressant tendrement la joue. "Je sais que tu n'aimes pas forcément jouer devant des personnes." La jeune femme se laissait bercer par cette musique, le son que dégageait le piano était incroyable, magique. Elle se laissa très facilement emporter, trouvant que le morceau était trop court tellement il faisait rêver. Joanne le vit commenter ses mains. "Elles sont parfaites, tes mains." dit-elle doucement en les prenant et en les embrassant l'une après l'autre. "Comme ça aussi, tu es tellement beau." dit-elle tendrement en lui caressant la joue. Il était d'une telle tendresse lorsqu'il jouait. Cela devait être tellement significatif à ses yeux. "Je veux bien jouer..." commença-t-elle. "Mais tu ne te moques pas s'il y a des mauvaises notes. Ca fait une éternité que je n'ai pas touché avec un piano." dit-elle, presque rieuse. "C'est la musique d'un de mes films préférés." Forrest Gump. Joanne avait toujours adoré ce film. La mélodie lui évoquait toujours la légèreté, l'innocence, une certaine naïveté. Peut-être un peu comme elle. Joanne poussa doucement Jamie afin de se centrer un peu. Elle était un peu nerveuse, avant de commencer. Elle adorait la mélodie. Malheureusement elle s'emmêla les pinceaux à la moitié du morceau, puis s'arrêta. "Voilà, voilà." dit-elle en riant nerveusement. "Tu sais tout de ce que je sais faire." Et elle l'embrassa tendrement. "Peut-être que j'aurai plus de succès ailleurs" ajouta-t-elle en effleurant ses lèvres, se disant réellement qu'elle n'avait grand chose d'artistique.
Il faut bien admettre que la définition de la normalité que l'on peut apprendre dans le milieu aristocratique n'a rien a voir avec celui du commun des mortels. Tout est plus grand. Etrangement, il est des choses banales pour n'importe qui qui ne le sont plus pour nous, et les redécouvrir est parfois amusant. Mais nos activités ne divergent pas tant d'une sphère de la société à l'autre. Nous sommes des êtres humains, normaux à notre façon, et parfois d'un traditionalisme à faire peur, toujours avec cette pointe de mégalomanie et de patriotisme. Si tout évolue, certains restent proches du stéréotype. Ceux-là sont les plus drôles à observer. Je ris doucement lorsque Joanne me rétorque qu'il est désormais plus important pour nous de penser au prénom de notre enfant que de ceux de la famille royale. Les Australiens se sont volontiers défaits du culte de la reine. « J'ai déjà quelques idées. » j'avoue, un sourire en coin. Ainsi que quelques avis bien arrêtés sur certains points qui promettent, si la jeune femme vient à y toucher, des discussions particulièrement animées. C'est bien loin des clichés sur les aristocrates que nous prévoyons de regarder tous les volets de la saga de la guerre des étoiles, plateau télé inclus. Un programme particulièrement à mon goût. Une bonne pré-éducation cinématographique pour notre petit bout. Comme toujours, quand nous nous asseyons dans le salon, Ben et Milo en profitent pour s'installer partout à côté et sur nous et réclamer autant de caresses que le film ne dure. « Vers moi ? C'est toi qu'ils adorent, ils ne supportent pas que je puisse te faire un câlin et pas eux. » je réponds à sa remarque. Ben a immédiatement adopté Joanne dès la première fois où la belle a mis les pieds ici. Le courant est bien mieux passé et plus instantanément avec elle qu'avec moi. Milo, lui, aime tout et tout le monde en permanence. Mais notre pile électrique courte sur pattes semble réellement fou d'amour pour sa maîtresse. D'ailleurs, je me demande où ces deux-là ont filé. En allant vers le piano, je jette un coup d'oeil dans le jardin à travers la véranda. Le plus petit ne se lasse jamais d'embêter son compagnon de jeu, à qui il suffit d'un coup de patte pour l'envoyer paître -mais il semble trouver cela follement amusant, quand il revient à la charge à chaque fois. Ou peut-être n'est-il vraiment pas très malin. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de lui faire comprendre qu'il n'était pas question qu'il utilise le piano de mon frère pour se faire les dents, le boule de poils aura eu raison de moi. C'est peut-être une bonne chose, d'une certaine manière. Ces petites marques désacralisent cet instrument si blanc et symbolique que je n'osais même pas toucher. Mais ce n'est qu'un piano. C'est un objet de vie, et non de contemplation, ni un mémorial. Je peux jouer dessus, Joanne aussi, et plus tard, notre bambin pourra aussi faire courir ses doigts sur les touches. Je me dis, même si cela est un peu naïf et bourré de sensiblerie, que c'est à travers cet instrument qu'Oliver est un peu là, et qu'il peut, installé dans la pièce à vivre de la maison, assister à tout ce que je construis -nous construisons- sans lui, mais sans l'oublier. Bien sûr, je pense toujours un peu à lui quand je touche un piano. Mais cela ne me rend pas triste. C'est une connexion que j'aime avoir avec lui. « Je n'ai pas joué depuis mon arrivée à Brisbane. » dis-je pour justifier la raideur de mes doigts, même si Joanne estime que mes mains ont très bien effectué le morceau. Elle réussit, comme toujours, à me faire sourire nerveusement quand elle en profite pour me glisser un compliment. Elle n'en rate pas une, vraiment. Finalement, la jeune femme accepte de me jouer quelque chose. Mon sourire ne cache absolument pas mon excitation à l'idée de l'entendre faire sortir une mélodie sur ce piano qu'elle se refusait de toucher. Je signe une croix sur mon coeur pour promettre de ne pas me moquer d'elle si elle fait des fautes -de toute manière, je ne me le serais pas permis. Sur le moment, même si je reconnais la musique, je ne parviens pas à savoir où je l'ai entendue par le passé. Qu'importe. Il va si bien à Joanne. A la fois rempli de douceur et de naïveté. Son choix n'est absolument pas surprenant. Elle avorte le morceau avant la fin, commençant à se perdre. « Tu t'en es très bien sortie. » dis-je avant de répondre à son baiser. Une main sur sa nuque, je garde son visage près du mien, et ses lèvres tendrement prisonnières des miennes pendant quelques longues secondes. « Je sais dans quoi tu auras du succès. » dis-je entre deux baisers, tenant désormais son visage entre mes mains. Je me détache doucement d'elle pour trouver son regard, et poursuivre avec un sourire complice ; « Dans l'art d'être maman. » Elle nous modèlera un magnifique enfant, donnera vie à ce petit miracle, et saura l'aimer et l'élever comme personne, le chérissant en n'oubliant jamais qu'il aurait pu ne jamais être là. Elle est faite pour cela, pour être mère. N'importe qui de notre entourage ayant appris sa grossesse le dira comme moi. Elle sera parfaite. Je laisse un instant mes doigts glisser de touche en touche, esquisser quelques secondes d'un morceau improvisé, pensif. « Tu devrais reprendre la danse peut-être. » dis-je quand le son a disparu. « Quand le bébé sera là, du coup. Ou même en ce moment. Je ne sais pas. » J'hausse les épaules. « Ca a l'air de te manquer, quand tu en parles. » La jeune femme a toujours un brin de nostalgie à ce sujet. Elle avait arrêté cette activité après son divorce, me semble-t-il. Il est peut-être temps qu'elle y retourne. « Tiens, je connais un quatre-mains très facile, si tu veux essayer. » Je prends la main droite de Joanne et la pose sur le clavier. En appuyant ses phalanges sur les touches avec les miennes, je lui indique les notes à mémoriser, et qui sont vraiment des plus simples. Je les répète deux ou trois fois afin qu'elle les retienne, allant à chaque fois une gamme au dessus, comme c'est le cas dans le morceau. Il s'agit de Heart and Soul, que je jouais parfois avec Oliver -et puis, j'ai appris à pouvoir jouer les deux parties seul. Lorsque la jeune femme semble avoir plus ou moins mémorisé les notes, j'entame ma partie, dans les graves, et lui fais signe lorsqu'elle peut jouer à son tour.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne était ravie d'entendre que son fiancé avait déjà, selon ses dires, quelques idées concernant le prénom. Il fallait réfléchir doublement étant donné qu'ils ne sauront s'il s'agit d'une fille ou d'un garçon qu'au moment de la naissance. Cela éveillait également sa curiosité, ce qu'il avait en tête. Quels types de prénoms il aimait, quelle consonance, signification, étymologie, longueur, sonorité. "Ca risque d'être des négociations houleuses." dit-elle. Ils avaient certainement des points de vue très différents sur la question, venant de mondes différents avec des goûts bien différents -quoi que. La jeune femme vint à se plaindre du fait que Jamie devenait le centre d'attention des deux chiens. "Ils m'aiment peut-être, mais tu restes celui qui les a recueilli." Elle regardait tendrement les chiens. "Ce n'est pas le genre de choses qu'ils oublient." Puis Joanne riait doucement. "Moi je ne suis qu'un... cadeau bonus." ajouta-t-elle, amusée. Après tout, chaque chien n'avait qu'un seul maître, Joanne était certaine qu'il s'agissait de Jamie. Après leur comportement différait en vue de celui qu'avait la personne qui s'approchait d'eux. Ils ressentent beaucoup les émotions, ces animaux là. Installés près du piano, Joanne finit par prendre les devants afin de lui jouer un des très rares morceaux dont elle se souvenait encore de quelques mesures. C'était étrange, de retrouver contact un ce si bel instrument. Il avouait ne pas y avoir jouer depuis son arrivée sur le sol australien juste avant qu'elle ne commence. "Tu sais, on dit toujours que les bébés entendent la musique lorsqu'ils sont dans le ventre de leur mère." Elle haussa les épaules, un peu gênée par sa suggestion. "Je pense qu'il serait ravi d'entendre son père jouer, retrouver ses émotions à travers ces notes de musique." La jeune femme le regardait d'un air incroyablement tendre. "Puisque tu as parfois tant de mal à trouver tes mots, peut-être qu'il sera plus facile pour toi de les transmettre par la musique." Joanne lui caressa tendrement la joue, se demandant si cette idée lui plaisait un peu. Le bel homme la félicita tout de même des quelques notes dont elle s'était souvenue, avant qu'il ne vienne prolonger son baiser. Joanne fut des plus intriguée lorsqu'il disait savoir en quoi elle serait douée. Etre maman. Elle baissa la tête, plus que flattée. "Je ne sais pas." dit-elle tout bas. "Nous verrons bien le moment venu." Même si le désir d'être mère était plus que présent, Joanne avait tout de même cette crainte de ne pas être à la hauteur, de ne pas être la mère qu'elle voulait être. Il lui suggéra ensuite de reprendre la danse. C'était vrai que cette activité lui manquait beaucoup. Elle avait déjà fait un peu de tout dans ce domaine, curieuse de découvrir ce qui lui plaisait le plus. "Pourquoi pas, oui." dit-elle avec un simple sourire. "Ce n'est peut-être pas le moment le plus opportun pour me remettre au rock." Elle rit. "Et puis, je ne suis pas certaine que tu apprécies qu'un autre homme parvienne à me faire danser." Elle le taquinait, mais savait qu'il y avait une part de vérité dans toute cette histoire. "J'aimerais d'abord voir comment ça se passe avec la grossesse, puis le bébé..." Elle hésita un moment à dire la suite. "Peut-être que nous ne verrons même pas le temps passer que nous commencerons alors à songer à un deuxième." Ils ne verront pas leur petit bout grandir, et il arrivera à un âge à être grand frère ou grande soeur. Jamie eut soudainement l'idée, guidant les doigts de Joanne sur le piano pour que cela donne une mélodie plus des agréables à entendre. Cela la rendait tellement heureuse de pouvoir faire une musique si joyeuse, elle regarda alors Jamie d'un air quasiment émerveillé. Une fois qu'elle l'avait bien enregistré, Jamie commençait alors le morceau, invitant sa belle à commencer les notes qu'il venait de lui apprendre au bon moment. Et cela rendait assez bien. Plus ils avançaient, plus Joanne souriait, heureuse de cette complicité. A la fin, elle en rit même. "C'était génial." avoua-t-elle, en lui volant un baiser. Puis un deuxième. "Je crois que tes lasagnes sont bientôt prêtes." lui chuchota-t-elle. "Et allons vite nous coucher, ensuite. Je suis épuisée, et je n'ai qu'une seule hâte, c'est de m'endormir dans tes bras."
Un cadeau bonus. Ce qu'il ne faut pas entendre. Je ne cherche même pas à répondre à cela ; j'hausse les épaules, roule des yeux, et secoue négativement la tête. Joanne peut parfois être exaspérante dans sa manière de sa rabaisser en permanence, et par moments, j'abandonne même l'idée de rétorquer quelque chose, sachant qu'elle ne l'acceptera pas, ou que cela n'aura pas grand effet. Lorsqu'elle se déprécie bien trop, j'interviens, la contredis, lui trouve des qualités dans l'espoir de rehausser son estime d'elle-même. Je ne suis pas sûr que cela marche, qu'il y ait un quelconque avancement. En réalité, tout ce que j'ai noté, c'est que la jeune femme n'hésite pas à me complimente désormais, en sachant toujours parfaitement quelle réaction j'aurais -et je suis moi-même capable de me dévaloriser grandement par moments. Un peu comme si elle cherchait à me mettre face au miroir de mes paroles ; je la complimente pour qu'elle cesse de se sentir misérable, et elle me retourne l'intention, sûrement pour que j'arrête de me voir comme plus détestable que je ne le suis. Je ne crois pas que nous avançons beaucoup, refusant régulièrement les paroles de l'autre. A ce niveau là, nous faisons la paire, sans aucun doute. Il faut bien que nous nous rapprochions sur certains détails, puisque du reste, quasiment tout nous oppose. Dans l'éducation, les principes, les gestes quotidiens. Quoi que je dirais que nous sommes deux traditionalistes sur de nombreux sujets. Joanne ne sait jamais garder ses émotions pour elle, et souvent les larmes coulent sur ses joues sans qu'elle y puisse quoi que ce soit. Très ambivalente, parfois qu'elle estime qu'il faut absolument s'exprimer, et d'autres, elle se tait, garde tout pour elle jusqu'à exploser. Moi, je n'ai quasiment jamais les mots quand je le veux. J'ai des fulgurances, des moments de parfaite rhétorique. Mais mes sentiments et mes pensées restent parfois muettes. « On finira par instaurer un code. » dis-je à l'idée de la jeune femme consistant à trouver dans la musique une nouvelle manière de m'exprimer, en plus de la peinture -et, intimement, de nos ébats. « Par exemple ça... » J'appuie sur les touches formant les premières notes de la célèbre cinquième symphonie de Beethoven, vraiment digne d'un film d'horreur à mes yeux. « ...voudra dire ''attention, danger, papa pas content''. » Et peut-être que le bébé saura que c'est le moment de se tenir à carreau. Je l'imagine bien avide de câlins -comme tout le monde dans cette maison- et s'arrêtant immédiatement de pleurer lorsque sa mère le prend dans ses bras. Même si matériellement il est clair qu'il ne manquera jamais de quoi que ce soit, j'espère qu'il s'agira de ces enfants qui savent se contenter d'un biberon, d'un jouet, et du doudou qu'ils auront pris comme compagnon dès la naissance et dont ils ne se sépareraient pour rien au monde. Il me semble terriblement difficile de ne pas pourrir un enfant lorsque l'on a les moyens. Je pense que Joanne saura doser la générosité provenant de toute la famille, et me taper sur les doigts lorsque j'en ferais trop. La voix de la raison de cette maison. Pourtant, je l'entends douter quand je lui dis qu'elle excellera en tant que mère. « Pas de ça. Tu es faite pour et tout le monde le sait. » dis-je en relevant son visage d'une main sous son menton, le regard tendre mais sérieux. « Tu seras la meilleure mère qui soit. » Qui pourrait en douter, à part elle ? Concernant la danse, la jeune femme avoue préférer attendre que le bébé soit arrivé. Ne manquant pas de souligner que pour toute danse de couple qu'elle souhaitera pratiquer, il y aura forcément un partenaire, donc un autre homme pour poser ses mains sur elle. « Eh bien, dit comme ça… » Je tire la langue. Touché, en plein dans la jalousie. C'était facile, et à la fois, ce n'est pas dénué de vérité. Si cela doit arriver, je devrais apprendre à prendre sur moi. En réalité, de manière générale, je devrais apprendre à tempérer ma possessivité. « Ou peut-être que cette grossesse te fatiguera et te dégoûtera tellement que tu ne voudras plus entendre parler d'un éventuel second enfant, et encore moins des deux autres. » j'ajoute à sa remarque. Après tout, une grossesse à risque sera peut-être bien assez à vivre pour elle. Même si elle se refuse à avoir un enfant unique. Et puis, il faudrait déjà que le miracle à l'origine du premier se reproduise. Mais nous n'y sommes pas encore, et tout porte à croire que nous pouvons être optimistes. C'est un peu le mot qui définit le petit morceau de piano que j'apprends rapidement à Joanne. Il ressemble presque à une mélodie pour enfant, et, étrangement, il a toujours pour effet de faire rire à un moment donné sans qu'on ne sache vraiment pourquoi. Peut-être à cause de la naïveté qui s'en dégage, ou à cause de la répétition des gestes, voir même le rythme de la mélodie qui est assez entraînante pour avoir envie de sautiller sur le banc. La jeune femme ne déroge pas à la règle et finit aussi par rire quand le morceau prend fin. Je me dis que nous devrions faire ça régulièrement, un quatre-mains. Comme elle le dit, c'est une manière de communiquer, et surtout, de s'écouter l'un l'autre. Elle fait remarquer que le dîner devrait bientôt être prêt à servir. J'acquiesce d'un signe de tête. Nous sommes tous les deux épuisés. « Et tu auras bien besoin de repos pour tenir la journée de demain. » dis-je avec un sourire, avant de lui voler un baiser. Je quitte le piano et retourne dans la cuisine. Il reste deux ou trois minutes de cuisson, mais les lasagnes m'ont l'air impeccables. Je sors le plat du four avec ces immenses et si ridicules gants de cuisine qui n'ont pour eux que d'éviter de se brûler. Je pose le tout sur la table, et sers les parts dans les assiettes disposées par Joanne sur la table. « A moins que nous nous reposions la journée, et que tu poses pour moi le soir. » j'ajoute pendant que je nous sers, trahissant un flot de pensées ininterrompu en toutes circonstances. « La lumière de l'atelier la nuit t'allait si bien. » Oui, nous devrions faire cela. Nous installons à table, nous souhaitons un bon appétit et entamons ce dîner qui mériterait d'être marqué d'une croix sur le calendrier tant il est rare que je cuisine. J'ai bon espoir que cela lui plaise. « Verdict ? » je demande après quelques bouchées. En général, le silence est bon signe. Qu'il est étrange de se dire qu'en quelques heures, le piano puis le bruit des couverts a remplacé les cris et la dispute.