T’es sûre que tu vas réussir à le débrider. T’es certaine d’avoir les armes qu’il faut pour que ton compagnon retrouve son sourire. Même un petit, tout petit, micro sourire qui te laisserait croire que tout va bien. Non pas que rien ne va. Y’a eu pire. T’as pas l’impression que c’est la tempête - et tu penses pas à Olga à ce moment-là. Non, même si tu le sens réticent quand tu commences à l’embrasser. Cependant, ta passion prend le dessus et sa main sur ta cuisse te fait du bien. C’est rassurant. T’aime le sentir jaloux mais t’aime pas sentir ses ondes actuelles. T’as pas envie qu’il boude ou qu’il te fasse la gueule.

T’as cru avoir gagné des échelons avec ton baiser ? Que nenni. Tu t’en rends compte quand Jordan reporte son attention vers son écran. « Appel l’autre con qui a pas de travail c’est lui que t’a choisi. J’ai des meetings parce que j’ai un travail moi. » Okay, là, ça commence à être plus très drôle. Ton tronc se raidit et tu pourrais te barrer, en faites. Jordan a envie de faire son colérique refoulé, à cliquer avec vivacité sur sa souris. C’est lui que t’a choisi, nan mais sérieusement, il se croit dans le Bachelor ou quoi ? “j’ai choisi personne. cmt je fais quand tu seras en meeting même au local???” Après tout, Jordan a aussi un travail, non, justement, c’est pas ça ? Être derrière le comptoir, c’est aller vers les gens, leur parler dès qu’ils franchissent le seuil et savoir quand on doit les laisser tranquille - ou au contraire, insister ? “t’es chiant” T’écris en étant même pas sûre qu’il lira. “tu vas vrmt faire la gueule ?” Une question importante à ton sens. Parce que pour toi, c’était qu’un jeu mais ça n’a pas l’air de l’être pour lui. C’était drôle mais ça l’est moins si c’est le cas. Pour de vrai. Ta notion de ‘pour de vrai’ mériterait des explications, Birdie, t’en as conscience ?

Elle gribouille encore sur son papier mais tu vois bien du coin de ton oeil - car tu ne regardes rien sur ton écran - qu’elle n’a plus son sourire et son air amusée par la situation. Au moins ça. Vous êtes tous les deux au même niveau d’humeur. C’est pas drôle du tout que tu tires la tronche, de ton point de vue en tout cas. Elle pense à l’autre avant toi, c’est ça que tu vois de ton côté. Tu lui as toujours dit que tu l’aiderais dès qu’elle a besoin au local. Tu veux pas qu’elle se sente abandonné là bas malgré l’absence de Will. Elle ne t’a pas socialité tant que ça et tu commences à comprendre. Alistair devait être là à tous les coups en fait.

“j’ai choisi personne. cmt je fais quand tu seras en meeting même au local???”
“t’es chiant”
“tu vas vrmt faire la gueule ?”

Tu lis ses mots car tu peux pas t’empêcher de vouloir savoir ce qu’elle écrit. Ce qu’elle veut te faire parvenir. C’est étrange de ne pas l’entendre et même si on pourrait croire que ça passe mieux à l’écrit car y’a pas le ton, tu l’entends parfaitement dans sa voix et le ton qui va avec. Tu la connais bien ta fiancée. Tu fais une petite moue pour toute réponse car t’es plus triste qu’en colère. La situation est en train de prendre une trop grande ampleur et tu le sais. Tu descends d’un cran laissant la tristesse prendre le dessus sur la colère et l’agacement. Tu vas prendre le carnet car le silence est bien, à ton avis. “Je fais pas la gueule. Je suis triste de pas pouvoir t’aider comme tu le voudrais et qu’un autre type puisse le faire. ” Tu soupires, tristoune. “ Il vient souvent t’aider au local ? Il va t’aider toute la journée ? Comment il fait ? Il a pas de travail ? ” Parce que tu comprends pas.

Jordan est curieux et toi, t’es persistante. Tu pourrais lui faire comprendre que tu peux te débrouiller seule - oui enfin ça, il le sait et tu viens déjà de le lui dire en trouvant une solution à ton propre problème, une solution qui ne lui convient visiblement pas du tout - et l’envoyer chier promptement. Cependant, entre le fait que t’as envie de gratter un peu plus la surface pour voir ce qui s’y cache et ne pas pouvoir parler, ça… Aide ? T’aurais pas pensé. D’habitude, ça gueule un bon coup - surtout de ton côté à vrai dire - et ça se finit en messages sur le téléphone. Au final, là, c’est un peu ce qu’il se passe. Seulement, c’est toi qui écrit. C’est rare que ce soit toi qui écrive en première.

Tes paupières clignent une fois puis deux, suffisamment pour voir la moue de ton fiancé changer. Tes épaules sont basses et ton sourire a disparu. T’es plutôt soulée, à vrai dire. Quelle idiote d’évoquer Alistair aussi. T’as bien compris que Jordan se fait des films le concernant. Même s’il a envie d’un bout de ton cul, tu ne comptes pas le lui donner. Y’a pas moyen de passer à autre chose ? “Je fais pas la gueule. Je suis triste de pas pouvoir t’aider comme tu le voudrais et qu’un autre type puisse le faire.” Tu roules des yeux. Il est pas triste, il fait la gueule. Enfin… Vu son air, il a clairement switché entre la bouderie et la tristesse, certes. “Il vient souvent t’aider au local ? Il va t’aider toute la journée ? Comment il fait ? Il a pas de travail ?” Pourquoi il ne profite pas d’avoir une fucking voix pour parler, sérieux ? “il est son propre chef il m’a dit” Même si tu te demandes si c’est une bonne idée de répondre à ces questions. “et même s’il a pas de taf, à change quoi ? j’avais pas de taf pdt longtps aussi, chui donc une glandeuse ?” Oui, c’est ce que t’étais et t’assumes tout ton parcours. Mais t’aime pas le sous entendu de Jordan. Que ne pas avoir de travail c’est mauvais genre. Tu n’as jamais été ambitieuse. Peut-être qu’Alistair ne l’est pas non plus. Qu’est-ce que ça change ? Ça change qu’il peut être disponible dès que tu le demandes. Seulement, lui, il a la fortune de papa qui lui laisse le choix de mener sa barque en toute tranquillité. “tu m’as accueilli direct en me parlant de tes meetings, j’ai cru que c’était pour me faire comprendre que t’avais des trucs prévus” Tu l’avais déjà à peu près écrit avant mais visibement, faut que tu reformules pour que ce soit plus clair. Est-ce que ça changera quoi que ce soit ? T’en sais rien. Jordan sera en occupé pendant un moment même s’il vient, le problème reste présent.

Ses sourires sont définitivement parti et maintenant ça va être de ta faute tout ça. Elle roule les yeux à ce que tu écris et ça pique de la voir prendre autant à la légère ce que tu lui avoues. Elle en a rien à foutre de ce que tu écris en fait. Tu lui demandes pour la quatorzième fois c’est quoi le boulot de ce type parce qu’on dirait qu’elle fait exprès d’esquiver, mais tu insistes. Tu veux comprendre et en savoir plus sur ce type qui passe autant de temps à aider ta fiancée parce qu’il fait mieux que toi.

“il est son propre chef il m’a dit” Toi aussi t’es ton propre chef. Pas aussi bien que Alistair visiblement. “et même s’il a pas de taf, à change quoi ? j’avais pas de taf pdt longtps aussi, chui donc une glandeuse ?” Tu fronces les sourcils en lisant ça et tu te dis que c’est mort. Ca sert plus à rien de parler de quoi que ce soit parce qu’elle prend tout pour elle alors que tu parles de lui. Elle mélange tout, t’as jamais dit qu’elle était une glandeuse. Ca te saoule. Fort.
“tu m’as accueilli direct en me parlant de tes meetings, j’ai cru que c’était pour me faire comprendre que t’avais des trucs prévus” Tu prends sur toi pour le rien ajouter, quoi que tu dises ça n’aide en rien. Elle va aller au local, elle va être aidé par Alistair et tout le monde sera content. Non.

Mais c’est comme ça et tu peux garder ta jalousie pour toi car ça ne l’amuse plus. C’est drôle que quand elle veut. C’est dommage, ça aurait éviter que ça s’envenime. Tu la fais doucement se lever de tes cuisses parce que tu as besoin de ton espace pour redescendre et arrêter d’être jaloux d’un connard qui est beaucoup trop serviable envers ton oiseau. « Envoie moi un message si t’as besoin de moi. J’ai un coup de fil à passer. » Tu fais l’effort de dire ces quelques mots pour pas partir en silence et l’enrager plus que ce qu’elle a l’air d’être. Tu vas téléphoner à Marcus pour le remède pour la gorge et aussi pour lui parler de ta frustration vis à vis de ce connard d’Alistair.

Ce que t’écris n’arrange rien. Comme quoi, même quand tu écris, tu ne réfléchis pas forcément. Il te faudrait une ardoise en vrai. Tu pourrais effacer et recommencer. Mais là, t’as pas non plus envie de réfléchir. Tu n’es plus amusée car ce n’est plus drôle. C’était marrant cinq minutes mais là, t’as juste l’impression que Jordan essaie de chercher des problèmes là où il n’y en a pas. Et surtout, il n’a pas envie de lâcher son air serré et fermé malgré toutes tes tentatives. Tu ne vas pas non plus te mettre à lui lécher les bottes (et non les boules, hein, je vous vois, petits cochons) pour retourner dans ses bonne grâces. Tu ne vas pas non plus t’excuser de faire appel à ton joker qui, à ce stade, devrait presque être un employé officiel du magasin tellement qu’Alistair y est plus fourré que Jordan. Non pas que ce soit une comparaison juste car c’est ton espace et tu n’as pas besoin d’être collée à ton fiancé toutes les cinq minutes.

Et lui aussi vu comment il te jarte de ses cuisses - okay, il te soulève doucement, quand même, n’exagérons rien. « Envoie moi un message si t’as besoin de moi. J’ai un coup de fil à passer. » Ton visage crispé, tu le regardes quelques secondes avant de balancer le carnet et le stylo plutôt violemment vers son bureau sans faire attention où ils atterrissent tout en tournant les talons. Va te faire foutre, que tu penses très fort, avec l’espoir qu’il puisse l’entendre. Et tu claques aussi la porte de son putain de studio pour bien lui faire comprendre qu’il pourra se foutre tous les doigts dans les yeux avant que tu lui demandes de l’aide. T’as pas besoin de ses mauvaises ondes, là. Tu peux déjà pas parler, c’est déjà frustrant, mais là encore plus. Tu te mords la langue pour te rappeler de ne pas en placer une alors que tu vas dans la chambre et la salle de bain pour te préparer. Non sans oublier d’envoyer un message à Alistair. Qui se fera naturellement un plaisir de voler à ton secours avec toute la bonté et la servitude qui l’habite.

Tout le monde est en colère, comme ça vous êtes en phase, même si c’est pas une phase qui est appréciable. Tu étais tellement de bonne humeur la veille et même un peu plus tôt avant qu’elle ne te dise clairement qu’elle n’a même pas pensé une seconde à te demander de l’aide car y’a son Alistair de mes couilles qui est là pour être le plus grand serviteur du local. Il te tape vraiment sur les nerfs ce mec là et tu aurais presque envie d’annuler tout tes meetings pour pouvoir aller l’aider car tu peux. Tu es ton propre patron toi aussi mais non. A la place tu vas rester à faire ton travail aujourd’hui. Tu vas pas chercher à lui adresser la parole tant qu’elle est encore là. Elle va aller à son boulot et tu vas faire le tiens.

Tu es clairement dégouté de la tournure des choses mais tu comptes pas t’excuser d’avoir des émotions fortes vis à vis de ce type qui passe tout son temps dans la boutique de Birdie. Il te tape sur le système vraiment très fort et tu es en colère la plupart de la journée oui. Tu essaies de te calmer de manières autres que boire quelques verres car c’est bien évidemment la solution de facilité. C’est là où tu es faible et tes gardes se baissent vite mais non. Tu te repasses en tête tout ce qui a fait que tu étais au plus haut la veille. La tournée à venir. Les partitions de ta mère. Quelques nouveaux contrats qui se profilent - les meetings que tu as cet aprem. Tu décides de te mettre sur ta Mona Lisa pour jouer les notes écrivent par ta mère. C’est vraiment une solution miracle ça, aussi bon que l’alcool pour faire du bien à ton âme. Tu joues pendant deux heures, non stop. Puis tu as faim, tu vas à la cuisine te faire un encas.

Quand Birdie rentrera de sa journée de boulot, tu seras dans ton studio, Milady sur les cuisses. Le nez devant ton ordinateur à regarder des vidéos YouTube. Tu mates un documentaire sur Halsey alors que tu te dis que tu devrais peut être lui envoyer un petit message si tu oses. Y’a le pot de nutella à côté de toi avec la cuillère dedans. T’as un grand verre d’eau aussi à côté avec une bouteille. T’as squatté ton studio toute la journée oui. T’es bien ici. En sécurité.

Tu as pesté. Parfois dans ta barbe, souvent dans ta tête. Tu n'oublies pas que ta gorge est mal au point. Et tu réalises au fur et à mesure de la journée que tu es plutôt fatiguée. Fatiguée de Jordan. Je ne pense pas. Ou en tout cas, pas totalement. T'es sûrement plus mal fichue que tu le penses mais tu es une résistante au mal. Tu n'as pas envie de te plaindre, pas pour ça en tout cas. D'autant que ça satisferait trop ton fiancé que tu sois obligée d'aller voir un médecin. Oui, tu serai capable de faire traîner ta maladie juste par fierté. Les batailles que tu choisis sont parfois bizarres.

Alistair t'a écouté. Ou plutôt, il t'a lu. Il est même allé t’acheter une ardoise car ça te fait chier d’utiliser du papier. Il s’en occupe, qu’il t’a dit, avec son petit sourire charmant. Tu n’as pas l’air de l’embêter. Il n’a pas l’air d’être attendu quelque part non plus. Il lit tes complaintes sur Jordan. Tu ne voulais pas en dire de trop mais Alistair t’écoute si bien en te posant des questions ici et là, gratteur de première catégorie prêt à tout pour déceler le moindre problème afin d’y apporter une bonne solution. Oh, il aurait bien une solution dans la tête. Leave him. Be mine. Mais ça, il faut encore du temps. Elle est encore trop mordue de son Jordan. Son FiaNcE qui n’est même pas venu lui donner un coup de main. Alistair a vite compris, et parce que t’as fini par le lui dire, que c’était à cause de lui tout le remue ménage de ce matin. En bon égoïste égocentrique qu’il est, il en a frétillé de l’intérieur. Jordan serait jaloux ? Il serait un danger ? La pensée est douce. Elle refait entièrement sa journée, cette pensée. Il est curieux de savoir en quels termes vous parlez de lui. En tout cas, c’est une ouverture parfaite pour Alistair pour s’immiscer et confirmer que peut-être, Jordan veut trop te couver, qu’il n’aime pas qu’on soit serviable à ton égard, qu’il a un manque de confiance flagrant et…“Ca lui arrive souvent d’être jaloux ?” A bien y repenser, ça n’arrive pas souvent mais ce n’est pas la première fois. Quand il te voit retourner dans tes pensées pour ramasser les souvenirs, il se dit que ce n’était peut-être pas la bonne stratégie.

En tout cas, tu l’aimes bien, Alistair. Il t’a bien aidé aujourd’hui encore. “je sais pas cmt te remercier” tu lui as écrit en le quittant pour rentrer. Oh, lui aurait bien une ou deux idées. Leave him. Be mine. Alistair qui ne quitte pas ni ta silhouette ni ton van de son regard jusqu’à ce que tu disparaisses complètement de sa portée. Il faut qu’il trouve une nouvelle stratégie. Et vite. Le petit couple n’est peut-être pas si solide qu’il en a l’air si sa seule présence dérange son fiancé.

En tout cas, quand tu rentres, tu ne mets pas un orteil dans le studio en bas. Tu vas te faire une infusion au miel, thym et citron afin d’hydrater ta gorge avant d’aller, mug en main, sur la terrasse. Tu vas te poser sur les coussins au sol, en tailleur, les yeux fermés et en plaquant la tasse contre son torse. Il fait chaud, oui, mais la chaleur fumante te fait du bien. T’as l’impression de revenir sur les lieux d’un crime. T’as juste besoin de te détendre. T’as aucune idée de l’état d’esprit de Jordan. Est-ce qu’il a été aussi soulé que toi ? Fâché, en colère, agacé ? Tu ne te précipites pas pour aller voir en tout cas.

Tu entends le van, tu regardes l’heure. Elle est de retour. T’as aucune idée de comment te comporter suite au fiasco de ce matin. Ca te saoule tellement ce froid de merde alors que tout allait si bien la veille. T’es pas surpris en réalité, l’univers te fou un revers dans la gueule. Tu n’as pas envie de monter la retrouver. Tu veux pas te prendre la tête encore plus car tu sais que ça va revenir sur le tapis et bien évidemment tout va être de ta faute. Tout est de ta faute. Alors que non, à ton avis non. C’est la combinaison de vos comportements à tous les deux oui.

Tu continues de regarder ta vidéo car elle est super intéressante et tant que tu es là, tout va à peu près. Tu vas pas te prendre des remarques sur tes réactions et quand t’y pense c’est carrément l’hôpital qui se fou de la charité vu comme Birdie a réagit à tout ce bordel. Elle a son Alistair au local et faut que tu t’y fasses que ce n’est pas à toi qu’elle pense quand elle a besoin d’un coup de main. Ce n’est pas faute de lui avoir dit que tu serais toujours là pour l’aider mais elle n’a pas besoin de toi. Y’a ce type qui travaille gratuitement pour elle. Il va se faire des films c’est certain. Est-ce que Birdie se rend compte qu’elle profite d’un homme qui est juste faible pour elle ? Parce que ton oiseau est un joyaux parmi un milliard et tu ne veux pas que ce Alistair de mes couilles puisse s’en trouver posséder et pas toi.

Elle a beau dire qu’elle est avec toi et qu’elle ne te laissera jamais, l’amour ça ne se contrôle pas et vu tout le temps qu’elle passe avec l’autre con, peut être que des sentiments vont se développer. Tu veux pas. Alors faut peut être faire autre chose que rester cloîtrer dans ton studio Jordan, hein. Hmmmm… Tu prends ton stylo et rajoute un mot en bas du texte de la solution de Marcus. I hope this will work. Take care of yourself my love

La vidéo se termine et tu prends ton courage à deux mains pour monter dans le salon. Tu as une feuille de papier avec toi, celle ci même où tu as noté le remède de Marcus pour la voix. Birdie est installée par terre, sur des coussins sur la terrasse. « Hi. » Tu dis alors que tu la rejoins. Tu poses le papier sur sa cuisse en te pliant en dix pour l’atteindre. Tu déposes un baiser sur le haut de sa tête en même temps et tu retournes à l’intérieur, dans la cuisine. Cherchant si tu as une phrase à dire - car elle t’entendrait de là - qui n’envenimera pas le tout encore plus. Pas pour l’instant. Tu vas chercher la bouffe et la vaisselle que tu as laissé dans ton studio, tu reviens dans la cuisine, tu commences à faire la vaisselle des choses qui se trouvent dans l’évier, que tu as laissé là plus tôt dans l’optique de le laver plus tard. Y’a peut être aussi des choses rajoutés par Birdie, tu vas tout laver, tu rechignes jamais à faire la vaisselle. Ca te détend. Toujours.

T’es clairement en méditation. Tu fais appel à ton toi interne pour éviter de ne pas laisser exploser ce qui pourrait déborder. Non pas que tu pourrais craquer car la journée est passée et que tu as eu le temps de redescendre un peu par rapport à ce matin. Mais quand même. Mieux vaut prévenir que guérir. Au moins, tu emmerdes personne. T’es juste là, à profiter de l’air extérieur et de ton infusion chaude, les jambes croisées entre elles en essayant d’inspirer par le nez et d’expirer par la bouche. Une technique que t’avais donné ta psy à l’époque où t’en voyais encore une. Tu détends tes muscles le plus possible, dont ta mâchoire qui est bien trop crispée depuis cette confrontation sordide.

Tu as ton ardoise posée pas loin de toi. « Hi. » Tu sursautes presque. Tu ne l’as pas entendu. Tu ouvres directement les yeux pour les poser sur Jordan qui se baisse vers toi pour te donner un papier et t’embrasse le sommet du crâne. Est-ce que ça va mieux ? Are we fine ? T’as l’impression que vous marchez sur des œufs. Comme à chaque fois quand vous vous disputez. Ce n’était pas vraiment une dispute. C’est juste Jordan qui était - est ? - jaloux. Ca t’avait bien plu pendant cinq minutes jusqu’à ce que plus du tout. Ton fiancé s’échappe aussi rapidement qu’il est arrivé, te laissant poser tes yeux curieux sur le papier. C’est visiblement ce qu’il faut pour tes cordes vocales - du repos et éviter de parler au maximum. Ca, tu l’avais bien appris à tes dépens. Comme l’univers qui te dit “ta gueule” de la plus douloureuse des manières.

Tu bois quelques gorgées de ton infusion en soupirant quand tes yeux tombent sur la ligne tout en bas. Ponctuée d’un cœur. Et d’un my love. Tu mords ta lèvre en posant ton attention sur le paysage devant toi. Vous êtes si petits face au monde. Y’a des fois où ça fait du bien de le réaliser. Les problèmes d’aujourd’hui ne seront que des souvenirs pour demain. Tu fourres le papier dans la poche de ta robe avant de te relever. T’attrapes ton ardoise que tu mets sous ton bras et c’est avec tout ça que tu retournes à l’intérieur de la maison. Jordan est en train de faire la vaisselle. Tu poses ton mug sur le comptoir pour mieux pouvoir écrire. “you still upset ?” que tu lui tournes, la hanche collée contre le comptoir.

Tu vois qu’elle t’a pas entendu vu le petit sursaut qu’elle fait quand tu lui dit bonjour. Elle ne dit rien, mais ça c’est parce qu’elle n’a pas de voix Jordan. Tu l’as presque oublié tellement une Birdie qui ne peut pas parler ça ne devrait pas exister dans l’univers. Tu ne t’attardes pas, et t’es déjà dans la cuisine à faire la vaisselle. L’eau est coupée là, tu savonnes et met de côté. Tu te perds dans tes pensées quelques instants mais pas trop longtemps, car voilà ton oiseau qui se pose à tes côtés.

“you still upset ?”

Tu vois qu’elle s’est procurée une ardoise. Tu essaies de pas penser qu’elle s’en est certainement servi toute la journée pour échanger avec l’autre là. Tu considères sa question alors que tu continues de nettoyer un verre. Bizarrement ce n’est pas parce que tu réfléchis que tu es dépourvu de tes facultés à nettoyer. Tu continues naturellement, tu es doué en multi tasking quand il s’agit de ranger et réfléchir en même temps. Ca t’aide en réalité. Mais tout ça c’est bien beau Jordan, faudrait répondre à la question. Tu poses le verre nettoyer dans le deuxième bac de l’évier et tu en prends un autre pour lui refaire une fraicheur à la suite. « Faut que je me fasse à l’idée que y’a d’autre personnes qui t’aident à la boutique. » Tu hausses une épaule. « Ce qui est une bonne chose même si je préfère être celui qui peut te filer un coup de main. » Tu espères si fort qu’elle ne va pas prononcer le prénom de ce connard. Oui. C’est un connard parce qu’il a la chance de passer du temps avec ton oiseau où tu n’es pas dans les environs. Tu voudrais pouvoir passer toi tout ce temps là avec elle. Oui oui. « S’il te plait j’ai vraiment pas envie d’entendre parler de ce type. » Tu ajoutes histoire que ce soit clair et que tu ne sois pas juste à le dire fort dans ta tête. Elle ne lit pas encore tes pensées. Son prénom te hérisse le poil, tu veux rien savoir de lui. Tu préfères être ignorant. Et tu poses le verre que tu lavais dans le deuxième bac avant de prendre une fourchette pour la nettoyer.

La question est posée mais Jordan n’a pas l’air pressé d’y répondre. Il est tout concentré sur son verre à nettoyer et tu le lui laisses sans rien dire. Tu comprends qu’il a besoin de ça pour son propre recentrage. C’est sa méditation à lui et tu l’as déjà vu à l'œuvre plusieurs fois pour le savoir. Il n’y a rien de mal à ça. Tu patientes ; tu te dis que t’as plutôt bien réussi ton exercice car t’es plutôt calme. T’es fière de toi, tu réalises. A prendre le temps sans t’énerver. « Faut que je me fasse à l’idée que y’a d'autres personnes qui t’aident à la boutique. » Okay ? Est-ce qu’il aurait été jaloux de Will aussi s’il avait été présent pour faire son job avec toi ? C’est à la fois adorable de penser comme ça mais c’est aussi un peu bizarre… Comme si tu ne peux pas demander à d’autres que lui ? « Ce qui est une bonne chose même si je préfère être celui qui peut te filer un coup de main. » C’est gentil de vouloir être aussi serviable mais tu te demandes si ça aurait été la même chose si Alistair était moins… Menaçant ? T’en sais rien, t’arrives pas à définir et tu ne comprends pas ce sentiment de danger que Jordan nourrit à son égard. « S’il te plait j’ai vraiment pas envie d’entendre parler de ce type. »

Tu restes les bras balants pendant un moment, la langue passant sur tes dents alors que t’essaie de donner un sens à tout ça. Surtout, comment tu peux essayer de le rassurer alors qu’il n’en a pas envie ? “ok. autant que j’arrête de parler de mes amis tout court alors” Car Jordan n’aime pas que tu parles d’Alistair et n’est pas non plus en joie quand tu parles de Zoya ou d’Heather. “si j’avais demandé à Maki ou Sami, t’aurais eu la même réaction ?” Jordan va devoir accepter qu’il n’est pas la seule roue de secours que tu possèdes. Tu en avais avant lui, tu en as toujours. Tu le pensais pris et dans l’impossibilité de bouger. Mais tu le lui as déjà dit ce matin. Enfin, écrit. T’as compris qu’il soit vexé que tu ne lui ai pas demandé de l’aide en premier lieu mais il s’en remettra. Toi aussi t’as déjà été vexée et tu t’en es remise.

“ok. autant que j’arrête de parler de mes amis tout court alors” Tu fermes les yeux un moment car évidemment qu’elle va à l’extrême. Ca t’agace qu’elle fasse ça. “si j’avais demandé à Maki ou Sami, t’aurais eu la même réaction ?” Tu lis la suite alors que tu as arrêté de faire la vaisselle pour pouvoir être tourné vers elle. Elle mérite toute ton attention et toi tu as besoin de tout le sang froid de la planète pour ne pas dire de chose de manière impulsive. Tu respires profondement car tu sais qu’il ne faut pas grand chose avec vous pour en faire tout un bordel. C’est déjà le bordel là, pour rien. Tu veux pas envenimer le tout.

Tu te concentres de nouveau sur ta vaisselle que tu rinces maintenant que tu as tout nettoyé. Ton coeur bat vite car tu n’aime spas tout ce qu’elle a écrit. Elle cherche la petite bête. Elle veut en faire une montagne avec des si. « J’ai bien compris, tu parleras de lui si t’en as envie. T’as raison. Tu es libre de parler de qui tu veux. Je suis pas là pour te contrôler. » C’est un point important. Tu vas pas la contredire car c’est la réalité. Tu comprends juste qu’elle en a rien à faire de ce que tu lui demandes. Quand madame ne veut pas entendre parler de Cooper, tu dois l’écouter, mais quand tu veux pas entendre parler de Alistair, elle ne peut plus parler de tout ses amis. Tout à fait logique. Non. Absolument pas, mais tu laisses glisser parce que tu es juste déçu en réalité. T’as juste demandé une chose et elle retourne tout ça différemment. Tu sais à quoi t’en tenir. Tu vas prendre le torchon pour t’essuyer les mains. La vaisselle qui est en train de s’égoutter. Tu vas la laisser sécher de la sorte.

Oh oh. Tu n’as rien écrit d’apaisant. A vrai dire, c’est compréhensible. Tu as été plus dans l’attaque et dans l’agressivité dans tes mots. Même écrit. T’as merdé mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi même ; c’est naturel pour toi d’attaquer. Mais ça n’est pas non plus la solution la plus intelligente pour apaiser. Mais est-ce que tu cherches vraiment à apaiser ? La question reste entière. Car on a pas l’impression quand on voit ce que t’as écrit. Cependant, tes prunelles restent braquées sur lui et tu décèles le moindre changement d’expression. Elles ne sont pas franchement bonnes. Tu mords ta joue de nouveau. Do better, girl. Be mature. « J’ai bien compris, tu parleras de lui si t’en as envie. T’as raison. Tu es libre de parler de qui tu veux. Je suis pas là pour te contrôler. » Jordan ne répond pas vraiment à la question mais son retour est piquant malgré tout.

Tu baisses la tête vers ton ardoise que tu lâches . Tu fais le tour du comptoir pour t’approcher de lui en train de laver ses mains avec le torchon. Tu ne sais pas si t’as le droit de passer tes bras autour de lui alors tu restes plantée là, à lever les yeux vers lui. “I'm sorry.” Tant pis pour la douleur. “Don’t wanna fight you.” Que tu formules. Même avec une petite grimace mais rien de dramatique. Tu n’as vraiment pas envie que ton fiancé continue à te faire la tête. Mais tu finis par attraper ton ardoise malgré tout. “i won’t talk about him” T’as jamais vraiment parlé de lui en premier lieu mais tant pis. Tu feras le tri dans tes rapports du soir, au risque que ça te soule et que tu ne te contentes que du minimum syndical. Tant pis. Jordan a bien respecté ton souhait de ne pas entendre parler de son ex qui revient miraculeusement dans les parages. Toi, t’as pas d’antécédants avec Alistair mais il ne lui fait pas confiance, Jordan. A toi non plus, en l'occurrence. Malgré ce qu’il a pu avoir dit dans le passé.

Tu vois du coin de l’oeil qu’elle se rapproche vers toi alors que tu essuies tes mains. “I'm sorry.” Tu n’aurais pas cru qu’elle parlerait et tu n’aurais pas non plus cru qu’elle s’excuse. Tu prends ces excuses pour son comportement. Elle a bien vu qu’elle cherche la bagarre à attiser toujours plus les mots, à extrapoler, à faire des hypothèses qui n’ont pas lieu d’être à part foutre la merde encore plus. “Don’t wanna fight you.” Tu relèves les yeux vers elle l’air de dire ’Vraiment?’ parce que ce n’est pas l’air que ça donnait avec ses phrases pour envenimer encore plus. Tu aurais juste du rien dire. Mais c’est moche. Tu vas te retenir de parler à ton oiseau maintenant ? Ca rime à quoi ? A rien. C’est juste triste que vous puissiez pas avoir une conversation sans que ça se tacle sans véritable raison.

Tu restes silencieux parce que tout ce que tu dis est toujours pris dans un angle qui n’était pas celui que tu voulais. Tu sais dans ces moments là ton seul allier c’est le silence. “i won’t talk about him” Quel volt face. Tu poses le torchon. Tu t’appuies sur le plan de travail avec les mains de part et d’autres de ton corps. T’as besoin d’un moment. Tu ne sais même pas quoi répondre parce que là, le silence est ton allié, oui. Mais tu vois bien qu’elle fait des efforts et tu vas en faire de même, car vous êtes des adultes et vous êtes fiancés. Vous êtes une team. Tu vas frotter tes paupières avec une de tes mains, encore en train de réfléchir à tout ça. T’as envie de lui dire qu’elle parle de lui si elle veut, qu’elle fait ce qu’elle veut mais non. Ca n’aiderait en rien du tout. « Je sais même pas comment on en est arrivé à s’énerver à ce point là. » Car c’était vraiment pas grand chose à la base. T’es encore en train de frotter tes yeux avec ta main. Tu reconnectes avec toi même. Ca t’apaise. Tu soupires doucement, fatigué. « J’ai pas envie qu’on ait à se filtrer quand on se parle. C’est nul. Je veux quand même savoir comment s’est passé ta journée. » Tu soupires une fois de plus. « On devrait pouvoir tout se dire. » Sinon ça sert à rien.

Jordan lâche son torchon et se cale à son tour contre le comptoir. Cette fois, t’as l’air d’avoir dit ce qu’il fallait, non ? Tu n’as pas envie de t’embrouiller pour un type. Ou deux. Des types qui ne signifient rien pour l’un comme pour l’autre. Vous êtes juste cons à vous prendre la tête pour rien du tout au final. Mais c’est le danger qui inquiète, de voir l’autre être pris de vos griffes qui panique. En tout cas, t’as toujours cette frousse. Contrairement à Jordan qui a toujours été plutôt philosophique sur l’éventualité. Enfin, sauf quand il peut se sentir vraiment en danger. T’en sais rien, tu n’es pas dans sa tête et il n’est pas dans la tienne. Heureusement mais parfois dommage que vous ne sachez pas tous ce qu’il se passe dans la tête de l’autre.

D’autant que c’est parti de rien. De Jordan vexé que tu ne lui ai pas demandé de l’aide. Ca partait d’une bonne intention. « Je sais même pas comment on en est arrivé à s’énerver à ce point là. » Pour seule réponse, tu le regardes, toujours aussi silencieuse. Tu sais que t’as des choses à te reprocher. Surtout pour que tu restes aussi calme. Même sans parler, tu pourrais aussi faire comprendre par ta gestuelle que ce n’est pas ça. Mais t’es un oiseau sage en l'occurrence. Tu l’écoutes. Tu manques juste des bons mots pour réagir. « J’ai pas envie qu’on ait à se filtrer quand on se parle. C’est nul. Je veux quand même savoir comment s’est passé ta journée. » Jordan se frotte les yeux et c’est tellement persistant que c’est fait exprès à ce stade. « On devrait pouvoir tout se dire. » Tu pinces ta lèvre en t’avançant un peu plus vers lui. Tu vas poser ta tête sur son bras, ton nez contre sa peau. T’ouvres la bouche avant de te rappeler. Tu te détaches pour prendre ton ardoise. “moi aussi” que t’écris dans un premier temps. “viens avec moi demain ?” Car t’auras sûrement besoin d’aide encore demain. “i prefer spending my days with you than everybdy else” Ce qui est vrai. Mais t’aime aussi passer tes journées dans ton coin. T’as besoin de sa présence mais t’as aussi besoin de son absence. Et t’as vraiment pas envie de lui gêner son emploi du temps.