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  @Megan Williams   
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noel solidaire. On lui avait dit que ce serait un travail de plusieurs personnes et elle avait tout de suite pensé à sa sœur. Raison numéro un : elle avait toujours besoin de trouver une excuse pour la voir (s’imaginer se voir sans une vraie raison était encore à ses yeux impossible). Raison numéro deux : elle pourrait lui montrer qu’elle est quelqu’un de bien (quoique quand on essaie à ce point de le prouver, cela signifie plutôt le contraire. Non ? si ? vous avez deux heures pour disserter là-dessus). Raison numéro trois : il y avait un paquet d’abrutis parmi les bénévoles et il était hors de question de s’enfermer dans une barraque avec un abruti qu’elle n’aurait même pas le droit d’insulter. Bref, toutes ces petites raisons l’ont conduites à inviter Megan, la convaincre de mettre la main à la pâte pour donner un coup de main à la communauté. Oh bordel, rien que taper ces quelques mots en parlant de Molly donne de l’urticaire mais on y était. Armée d’une tenue appropriée pour se retrouver sur un chantier – car tout était un chantier – on lui avait accolé une tâche un peu particulière : remettre en peinture pendant que d’autres bénévoles s’occupaient de débarrasser le jardin et poser les fenêtres. Aucune idée des habitants de cette maison mais apparemment la pièce dans laquelle elle se trouvait était le salon … ou l’avait été. Un coup d’œil vers le matériel réservé à sa tâche, elle se frotte les mains avant d’attacher ses cheveux et enfoncer une casquette sur son crâne.

« Hé ! T’arrives pile au bon moment ! » lance-t-elle en voyant la silhouette de sa (diva) de sœur apparaître sur le pas de la porte. Aussitôt, elle oublie le matériel derrière elle pour venir la saluer. Un accueil de star pour une star. « Je n’ai pas encore commencé mais apparemment on en a pour la journée … il y a le rez-de-chaussée à faire … d’autres s’occupent du premier étage … » Elle hausse les épaules. « J’aurais dû me battre un peu plus pour le premier étage car ici c’est vraiment le bordel » Elle parle, beaucoup. Elle la noie presque sous ses paroles mais c’est toujours la même chose avec Molly quand elle est stressée. Pour ne pas recevoir un rejet, une critique, elle parle sans s’arrêter. Malin, ça ne laisse pas la moindre chance à son interlocuteur-rice de répondre ou répliquer quoique ce soit. Elle finit néanmoins par prendre sa respiration et lui offre un large sourire … sincère et ravi.

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Megan Williams & @Molly Biggs ☆ crédit/jynersso

Si j’avais pensé à lire les conditions écrites en bas de la page et en petits caractères, peut-être que je n’aurais jamais accepté de passer du temps en compagnie de Molly sans y être obligée – quelle idée. Si j’avais su que cela incluait aussi de passer une journée entière à retaper la maison d’un illustre inconnu dont je n’ai que faire, peut-être aurais-je au moins négocié pour l’ajout d’une condition stipulant que je serais décisionnaire sur les activités que nous pourrions faire ensemble, où au moins me serais-je attribué un droit de véto. Sauf que pour une raison que j’ignore – si tant est qu’il ne soit pas simplement question de se donner bonne conscience – ma jumelle semble décidé à venir en aide à son prochain, suite à la tempête qui a frappé la ville et qu’elle semble aussi avoir décidé de m’entraîner là-dedans. Empathique, je ne suis pourtant pas altruiste et mon petit confort m’importe bien plus que celui d’autrui. Damon et moi n’avons pas été touchés par la tempête Olga, et c’est tout ce qui importe. Tout ce qui aurait dû m’importer, si ma sœur n’avait pas décidé de se la jouer mère Teresa.

Mais il m’a été impossible de revenir en arrière et me voilà, vêtue d’un legging noir et d’un t-shirt oversize sombre ainsi que les cheveux relevés, descendant de ma voiture – une citadine passe partout mais neuve achetée après mon mariage – prête au moins physiquement à passer une journée parfaitement déplaisante en compagnie de quelqu’un que je n’apprécie même pas la moitié du temps. Des efforts Megan, on a dit des efforts. Je suis accueillie par le responsable des bénévoles, auquel j’indique rejoindre ma sœur déjà sur place et qui, après m’avoir donné les consignes de sécurité de base et un charmant casque de chantier, m’indique la direction dans laquelle se trouve Molly. « Hé ! T’arrives pile au bon moment ! » - « Pourquoi, vous avez déjà-fini ? » Parce que ce serait ça, le bon moment à mes yeux, quand tout le sale boulot est terminé et qu’il suffit de porter quelques meubles pour les remettre à leur place, puis d’aller boire un verre ou deux pour se féliciter du travail accompli. Le voilà, le bon moment. Sauf que vu l’état du salon, nous n’en sommes pas là et j’adresse à ma sœur un sourire ironique, au cas où elle ne comprendrait pas que c’est bien ce qui se cache derrière ma remarque.

« Je n’ai pas encore commencé mais apparemment on en a pour la journée… Il y a le rez-de-chaussée à faire… D’autres s’occupent du premier étage… J’aurais dû me battre un peu plus pour le premier étage car ici c’est vraiment le bordel. » - « Il faut faire de la peinture, c’est ça ? » Les cloisons et murs semblent avoir été retapées et puisqu’ils m’ont l’air brut – encore marrons et griffonnés d’indications ayant certainement servies tout au long des premières étapes du chantier – je suppose que nous avons la charge de la prochaine étape. « Une ou deux sous-couches blanches, on t’a dit ? » Je suis bien plus dégourdie que mon physique de miss pourrait le laisser supposer, et je n’ai pas peur de me salir les mains : je préfère simplement éviter d’avoir à le faire lorsque je le peux, c’est-à-dire lorsque cela ne sert aucun intérêt personnel. « De toutes façon, faudra laisser sécher entre une et deux heures entre chaque couche, ça nous laissera le temps d’aller attraper quelque chose à manger. » Puisque d’ici que nous ayons fini la première, il sera largement l’heure du déjeuner. Finalement, consciente que c’est ce que l’on attend de moi et réellement désireuse d’y mettre du mien pour que des efforts soient fait des deux côtés, je m’intéresse à elle. « Et chez toi, ou là ou tu crèches, y’a eu des dégâts ? » J’attrape un rouleau, verse un peu de peinture blanche dans le bac adéquat et, commençant à étaler la peinture sur un mur, je passe le temps comme je veux : en conversant avec elle.

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noel solidaire. « Pourquoi, vous avez déjà-fini ? » Le sarcasme de sa sœur la fait sourire mais elle préfère opter par la fausse moue boudeuse et les bras ballants. La position est nouvelle mais ça l’amuse. A vrai dire, dans son monde, Megan est venue avec enthousiasme. Dans son monde, sa sœur veut passer du temps avec elle. Dans son monde de fantaisie et de fantasme, elles sont sur la même longueur d’ondes. L’enthousiasme de Molly est palpable, physique. Elle sourit trop. Elle parle trop. Elle ne cesse de s’agiter, ne semblant pas être capable de rester sur place plus de quelques minutes. « Il faut faire de la peinture, c’est ça ? » « Exact » dit-elle en acquiesçant d’un signe de tête. « Une ou deux sous-couches blanches, on t’a dit ? » Molly tourne la tête vers sa sœur et fait mine de siffler, impressionnée par la question qui prouve que Megan n’est pas qu’une diva. « Woh ! Regardez-moi ça, on a à faire à une experte en bâtiment. » réplique-t-elle d’une voix rieuse, donnant un petit coup sur le bras de Megan. Du Molly tout craché. Elle est toujours obligée d’être tactile, de toucher, de bousculer. C'est son truc. Normalement, elle se retient un peu avec la jumelle car elle marche sur des œufs mais je vous ai dit, elle est enthousiaste, un peu trop. « De toutes façon, faudra laisser sécher entre une et deux heures entre chaque couche, ça nous laissera le temps d’aller attraper quelque chose à manger. » Comment voulez-vous qu’elle se contienne, se retienne si Megan se met à utiliser un “nous” pour les désigner. Pour elle, c’est un rêve de gamine. Avoir une sœur, avoir quelqu’un. Se balader en duo, en gang, en groupe. Le loup solitaire est plus que heureuse de pouvoir avoir une place dans un nous. Son sourire s’étire et elle essaie de le cacher en se pinçant les lèvres et en se tournant vers les murs qui deviendront les premières victimes. Elle finit par se frotter les mains pour se mettre au boulot. Plus vite c’est fait, plus vite elle pourra passer du temps avec sa soeur ...

« Et chez toi, ou là ou tu crèches, y’a eu des dégâts ? » Alors que le rouleau rencontre le mur pour la première fois pour étaler la peinture servant à placer la base pour le reste, Molly lui jette un rapide coup d’oeil. Est-ce qu’elle est fait un rail de coke avant de venir ou sa soeur est vraiment en train de lancer la conversation, en train de lui poser une question personnelle. Est-ce qu’elle s’intéresse à sa vie ? A elle ? Son coeur bat un peu plus fort dans sa poitrine. Elle essaie néanmoins de la jouer cool, prétendre que tout est normal. « Pas au point de me retrouver dans la merde ou à la rue ... on a eu de la chance, je crois ...» Elle hausse les épaules. Pour une fois qu’elle peut dire avoir eu de la chance. « Et de ton côté, tout s’est bien passé dans ta tour d’ivoire ? J'ai pas lu dans la presse qu’il y avait eu un homicide donc je me dis que ça a dû bien se passer » Elle tente l'humour, prétendre être proche et connaître les détails de sa vie. « C'est cool que tu viennes donner un coup de main ... je veux dire, avec ton emploi du temps, et maintenant que tu commences à être un peu connue ... à moins que tu ne fasses que pour la pub’ ... si c’est le cas, va falloir me tager dans ta story, histoire que je gagne quelques groupies. » Mais ferme-la, Molly.

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De la peinture ce sera et, de toute façon, j’ai prévu le coup en enfilant des vêtements que je me moque bien de salir et en relevant mes cheveux blonds pour m’éviter un désastre capillaire. Exit donc les pièces griffées et les lunettes de soleil au prix exorbitant, et bonjour madame tout le monde que je suis sans que cela ne sonne faux, parce que j’ai toujours eu ce côté girl next door avec un immense sourire. Pourtant, j’ai du mal à cacher que j’aurais préféré une activité moins salissante et épuisante, que ce n’est pas réellement ma conception d’un moment sympathique pour tisser des liens entre sœurs. « Woh ! Regardez-moi ça, on a à faire à une experte en bâtiment. » Je suis certainement peu trop rigide, lorsqu’elle me donne un léger coup de coude, comme si nous partagions la moindre complicité. J’esquisse un sourire un peu figé, avant de secouer la tête, pourtant réellement amusée par la candeur dont elle fait parfois preuve et qui a tout d’une qualité à mes yeux, une qualité bien cachée sous une montagne de défauts. « C’est pas comme si j’avais besoin d’être experte pour ce genre de chose. » Au contraire, cela ne demande que d’avoir eu à se salir les mains une fois ou deux dans sa vie, et puisque j’ai dû me débrouiller seule lorsqu’il a été question de rentrer dans la vie active – à dix-neuf ans à peine, j’ai quelques compétences du genre à mon arc. « Allez, plus vite on se met au boulot, plus vite on aurait terminé. » Ce qui serait vrai si nous n’avions pas plusieurs pièces à faire, plusieurs couches de peinture… Nous nous sommes engagées pour la journée, il y aura de quoi nous occuper pour la journée. Pour ma part, je suis heureuse de ne pas m’être engagée à plus que ça.

Travailler en silence aurait pu me convenir, mais je crois que le malaise aurait été palpable alors je me jette à l’eau. J’interroge Molly à moitié parce que la réponse m’intéresse, et à moitié parce que j’ai promis de lui laisser une chance et que cela va de pair avec le fait de faire des efforts. « Pas au point de me retrouver dans la merde ou à la rue... On a eu de la chance, je crois... » - « Ouais, j’ai entendu dire que y’a pas mal de quartier où y’avait eu des dégâts. » Principalement près des côtes, mais pas uniquement. Au fond, qu’en ai-je à faire de savoir où Molly crèche ? J’ignorais même qu’elle vivait avec plusieurs personnes et, par conséquent, l’identité de la ou des personnes derrière de "on". « Et de ton côté, tout s’est bien passé dans ta tour d’ivoire ? J'ai pas lu dans la presse qu’il y avait eu un homicide donc je me dis que ça a dû bien se passer. » Je laisse un rire sincère m’échapper, avant de secouer la tête. « Ouais, en vrai ça s’est passé mieux que ce à quoi je m’attendais. » Elise a été fidèle à Elise – coincée et chiante à en mourir – mais elle n’a pas été aussi passive agressive avec moi qu’elle a pu l’être par le passé, lorsqu’elle allait jusqu’à tenter de m’humilier au beau milieu d’une boutique de robes de mariée en se permettant des commentaires sur mon physique. « Je crois qu’elle commence à intégrer que je rends son fils heureux. Il était temps. » Dans les faits, elle avait toutes les raisons de ne pas m’accueillir à bras ouverts aux débuts. Mais depuis, Damon lui a fait comprendre que c’était vrai, entre lui et moi. « Et crois moi j’en fais pas des caisses pour rien, on partait vraiment de loin. » Elle aura les détails si elle les demandes, je n’ai pas pour habitude de m’étaler en récits sur ma belle-famille, et je ne l’ai certainement pas prise depuis que l’article dénonçant la violence de Saül est paru.

« C'est cool que tu viennes donner un coup de main... Je veux dire, avec ton emploi du temps, et maintenant que tu commences à être un peu connue... A moins que tu ne fasses que pour la pub’... Si c’est le cas, va falloir me taguer dans ta story, histoire que je gagne quelques groupies. » - « Je suis pas là pour me faire de la pub. » Je ne posterai d’ailleurs vraisemblablement pas de story puisqu’elle de collerait pas à l’image de luxe et de volupté que je vends à mes followers sur les réseaux. Du reste, je suis assez anonyme pour que personne ne m’ait pour l’instant pointé du doigt. « Je suis loin d’être une célébrité, t’as rien à gagner à t’afficher avec moi. » Si jamais c’était ça, son motif caché pour se montrer aimable ces derniers mois.

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noel solidaire. « Ouais, j’ai entendu dire que y’a pas mal de quartier où y’avait eu des dégâts., plus vite on se met au boulot, plus vite on aurait terminé. » Molly acquiesce. Elle ne regarde pas les journaux télévisés, ne lit pas la presse mais quand la catastrophe est à deux rues de chez vous, vous en avez conscience. Alors, ouais, elle avait pris conscience du chaos et savait qu’elle pouvait s’avérer chanceuse. Aucun regard vers Megan, elle est concentrée à la tâche : pas forcément la peinture, non plutôt de dissimuler son sourire débile de son visage. Ça niquerait sa couverture de connasse si on voyait qu’elle avait un cœur … et qu’elle interprétait un peu trop positivement les questions de sa jumelle. Mais comment le dissimuler quand elle voit avoir fait rire sa sœur. Elle a ri. Elle est parvenue à la faire rire. Aussitôt, sa poitrine se gonfle, prête à déplacer des montagnes. « Ouais, en vrai ça s’est passé mieux que ce à quoi je m’attendais. » « Oh cool », lâche-t-elle simplement en acquiesçant d’un signe de tête. Même si dans son esprit malade, elle se disait que si sa belle-famille était vraiment à chier, ça lui laisserait peut-être un peu plus de place pour elle. L’idiote. Molly ne s’attend pas à davantage de commentaires … pas que Megan soit du genre à s’étaler, alors quand elle l’entend prendre de nouveau la parole, elle se redresse. Une brèche dans la muraille ? Ouais, elle interprète ça comme une confidence. « Je crois qu’elle commence à intégrer que je rends son fils heureux. Il était temps. » Elle sourit. « Et crois moi j’en fais pas des caisses pour rien, on partait vraiment de loin. » Elle sourit même un peu plus. Pour elle, il s’agit d’une confidence. Le genre de confidence que se font deux sœurs, partageant une chambre. Oh oui, elle s’imagine presque ce qu’aurait pu être sa vie si elle avait eu Megan dans sa vie auparavant. Elle aurait pu lui parler, lui confier ses troubles, ses émois tout en fixant le plafond. Un instant, elle oublie qu’elle est au milieu du chaos … et que la peinture goutte sur le bout de sa chaussure. « Je suppose que Damon doit être tout autant ravi que ça se soit bien passé » Elle avait pris des notes et fait ses devoirs : l’époux devait être un allié pour entrer dans le cœur de sa sœur. Alors elle mentionne son nom pour le protocole tout en continuant de s’activer à leur tâche du jour.

« Je suis pas là pour me faire de la pub. Je suis loin d’être une célébrité, t’as rien à gagner à t’afficher avec moi. » « Oh si crois-moi, quand on voit la tronche de mon compte et de mes potes … je crois que ça me mettrait dans des algorithmes un peu moins trashs qu’aujourd’hui … sur certaines selfies, on pourrait croire que je veuille faire concurrence à Courtney Love … » Un éclat de rire – sincère. « Je pensais que c’est ce que tu voulais, devenir une célébrité … briller … les lumières … les paillettes, tout ça … c’est plus ton truc ? » qu’elle demande, sincère.

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Ma belle mère et moi ne seront certainement jamais les meilleures amies du monde, mais le week-end que nous avons passé chez elle – jusqu’à ce que les autorités whitelist notre quartier, affirmant que nous ne courrions aucun danger à y retourner – s’est plutôt bien déroulé, compte tenu de là où nous partions, loin donc. Je crois qu’entre l’annonce de notre recherche de maison à acheter à deux – j’ai mis un point d’honneur à l’affirmer face à Elise qui me perçoit encore certainement un peu comme une croqueuse de diamants – les sourires que nous nous adressons, les caressent discrètes de Damon sur mon bras ou les baisers que nous avons pu échanger, la presque quinquagénaire a commencé à intégrer que notre union n’était plus factice du tout et, par conséquent, qu’elle avait plus à perdre à me rejeter qu’à tenter de faire semblant qu’elle pouvait me tolérer. Alors, c’est ce qu’elle a fait, malgré quelques regards désapprobateurs glissés lorsqu’elle pensait que personne ne pouvait la voir, ou plutôt, quand elle pensait que Damon n’était pas dans le coin pour la surprendre. Moi, je ne fais pas de notre relation un combat : j’ai déjà gagné puisque c’est avec moi que l’Italien vit, avec moi qu’il fait des plans et qu’il se projette. « Je suppose que Damon doit être tout autant ravi que ça se soit bien passé. » - « Damon est un gentil. Je suis certaine que, dans son esprit, sa mère finira par m’adorer et qu’il ne voyait pas vraiment de problème avant, de toute façon. » S’il a rejeté son père en bloc, Elise reste intouchable et il l’idéalise largement. Le terrain est miné, et je sais choisir mes combats : je n’ai pas essayé de l’en détourner dès lors que j’ai compris qu’elle était une sainte à ses yeux, peut-être parce que malgré ses défauts et ses mensonges, elle est la seule figure parentale à lui avoir offert un peu d’amour pendant ces vingt-trois dernières années. « Mais elle est pas si présente dans notre vie, de toute façon, c’est pas vraiment grave. » Je hausse les épaules, avant de réaliser que j’échange naturellement avec Murphy d’un sujet qui n’a rien à voir avec ma mère, son père, les tensions entre nous ou ses diverses addictions. Rien que ce fait constitue un progrès.

Un progrès qu’elle ruine en me donnant l’impression qu’elle n’est là que par intérêt, ou plutôt qu’elle ne traine avec moi que parce qu’elle a la sensation que j’ai acquis une petite notoriété qui pourrait lui être utile, qui pourrait lui permettre à elle aussi de se mettre en avant. Je ressens un pincement au cœur, avant de me demander pourquoi je suis simplement surprise par ce constat. « Oh si crois-moi, quand on voit la tronche de mon compte et de mes potes… Je crois que ça me mettrait dans des algorithmes un peu moins trashs qu’aujourd’hui… Sur certaines selfies, on pourrait croire que je veuille faire concurrence à Courtney Love… » - « Et c’est pour ça que t’es là ? Pour être vue publiquement avec moi et choper une photo pour Instagram ? » Je ne pars pas en courant. Je tente de mettre sous cloche mon agressivité naturelle. En revanche, j’ai du mal à dissimuler la pointe de méfiance et de déception qui fait enfler mon cœur et qui agite mon estomac. Est-elle idiot au point de croire qu’elle peut marquer des points comme ça, en tentant de s’attirer un peu de la lumière qui est sur moi et en se comparant plus à une camée qu’à quelqu’un de bien ? « Je pensais que c’est ce que tu voulais, devenir une célébrité, briller, les lumières, les paillettes, tout ça… C’est plus ton truc ? » - « C’est pas ça mon truc. » Ce que je vends, c’est une vie de rêve, parce qu’il est là mon truc. Je veux être enviée. Je veux que mes followers et mon entourage soient tous persuadés que j’ai réussi, que je ne manque de rien et que je mène une vie idyllique. M’élever dans l’échelle sociale a toujours été mon objectif, pas devenir une célébrité. « Ça m’intéresse pas d’être poursuivie par les photographes et d’être reconnue dans la rue. »  Dieu soit loué, c’est relativement rare. « Je veux juste que y’ai pas d’accro dans mon image. Que tout soit – » Lisse, mais elle ne le comprendrait pas. « Parfait. Aussi parfait que sont réellement les choses pour moi. » Ça, c’est un peu moins vrai, même si le vent a tourné et qu’elles tentent à le devenir. « Je veux que les gamines et les jeunes filles qui me suivent se disent que j’ai une vie de rêve, que c’est possible d’avoir une vie de rêve et que ça demande de la détermination. » Je veux être comme ces femmes que j’enviais terriblement, plus jeune.  

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noel solidaire. « Damon est un gentil. Je suis certaine que, dans son esprit, sa mère finira par m’adorer et qu’il ne voyait pas vraiment de problème avant, de toute façon. » Dans un autre monde, elle aurait laissé traîner un commentaire sur la bienveillance de son Ken. Mais dans ce monde, elle mordait sa langue et voulait rester « propre ». Aucun commentaire négatif. Aucune ironie. Non, elle se devait de bien se tenir. Au moins pour Noel. « Mais elle est pas si présente dans notre vie, de toute façon, c’est pas vraiment grave. » Molly prend des notes. Elle prend sagement des notes alors que sa sœur se met à dévoiler des pans immenses de sa vie. Immenses ? vraiment ? Oui ! Une première. Megan avait été une inconnue. Désormais, elle en savait un tout petit peu plus.

« Et c’est pour ça que t’es là ? Pour être vue publiquement avec moi et choper une photo pour Instagram ? » Molly affiche une drôle de grimace, surprise et choquée ou alors amusée ?, alors que son rouleau est toujours posé contre le mur. « Si j’avais voulu alimenter mon compte instagram, j’aurais pris des photos de toi en train de dormir quand je créchais chez vous … Et non, ça ne m’est jamais venu à l’esprit … », elle conclut par un rire. Mais moi je vais vous le dire, elle y avait pensé. Elle y avait pensé un court instant. Elle s’était dit que c’était peut-être plutôt malin que d’alimenter ses moyens de pression contre Megan, sa sœur et les Williams en général. Encore un reste de l’éducation pourrie qu’elle a réussi. Avoir plusieurs coups en avance, juste au cas où. « C’est pas ça mon truc. » Curieuse, elle lève un sourcil. « Ça m’intéresse pas d’être poursuivie par les photographes et d’être reconnue dans la rue. Je veux juste que y’ai pas d’accro dans mon image. Que tout soit – » elle plisse les yeux tout en observant sa sœur. Que voulait-elle vraiment ? « Parfait. Aussi parfait que sont réellement les choses pour moi. » Le sourcil s’affaisse et elle semble bloquer. ouais, un bug dans la matrice. La perfection, c'est un truc que Molly déteste. Elle ne supporte pas les choses parfaites. Elle ne supporte pas la perfection car à ses yeux, ça cache quelque chose. Elle ne supporte pas ces baristas qui vous dessinent une couille dans votre café avec le lait, elle s’empresse à chaque fois d’enfoncer son index pour touiller, quitte à se cramer le doigt. Elle ne supporte pas les gens qui portent des chemises parfaitement repassées. Elle ne supporte pas ceux qui lui disent : non non, chez moi, tout a sa place. Ils vivent dans des maisons témoins à la décoration minimaliste. Tout comme elle ne supporte pas ceux qui dissimulent leur défaut. Ça ressemble à un remake de american psycho. Ça la met mal à l’aise. « Je veux que les gamines et les jeunes filles qui me suivent se disent que j’ai une vie de rêve, que c’est possible d’avoir une vie de rêve et que ça demande de la détermination. » Molly en a presque la nausée mais s’affaire de nouveau au pan de mur qu’elle a pris sous sa responsabilité.

« T’as pas peur que ça en devienne emmerdant ? », forcément, elle est obligée de demander. « Je veux dire, c’est bien la perfection, c’est un truc que pas mal de monde recherche mais t’as pas peur de te faire chier à toujours vouloir que tout soit parfait … je pars du principe que parfois il y a du bon dans ce qui est moche, pas net … dans ce qui est imparfait. » Elle hausse les épaules.

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« Si j’avais voulu alimenter mon compte instagram, j’aurais pris des photos de toi en train de dormir quand je créchais chez vous… Et non, ça ne m’est jamais venu à l’esprit… » Je lève les yeux au ciel, avant de hausser les épaules de répliquer. « T’en aurais pas fait grand-chose à l’époque. » Certes, j’étais fiancée et presque mariée à un jeune homme convoité, mais issue d’une famille connue dans le milieu des affaires, pas forcément dans la sphère people et célébrités. Damon sait à peine comment marche instagram et l’utilise uniquement les jours de l’année multiples de cent – autrement dit, assez peu souvent. De nous deux, je suis celle qui est le plus sur le devant de la scène, mais c’est très récent, et je n’étais ni modèle photo, ni suivie par autant de gens sur les réseaux, et encore moins rôle principal d’un film assez attendu. Bref, je n’intéressais personne à l’époque. Maintenant, c’est un peu différent – je ne suis pas une célébrité, mais pour quelqu’un en manque d’attention je peux suffire et Molly a désiré renouer avec moi à un moment qui me semble bien trop opportun, maintenant que j’y réfléchis un peu plus. « C’est un hasard alors si t’as repris contact avec moi juste après l’annonce du film alors ? » J’interromps mon geste, mon bras en légère suspension au-dessus du mur sur lequel j’appuie la peinture blanche, pour l’observer et enfin obtenir une réponse à cette question qui me taraude depuis un moment sans que je n’ose l’avouer. « Je vais reprendre mes études en janvier de toute façon. D’ici quelques mois, j’intéresserai plus grand monde, je suis pas un pari d’avenir. » Je ne le suis pas pour toi, si c’est de ça qu’il est question. Le sous-entendu est violent et limpide. « C’était marrant de jouer la comédie et je le referai si j’ai l’occasion et que ça colle avec mon emploi du temps, mais je crois pas que ce soit pour ça que je suis faite. » Je n’ai décroché le rôle que grâce à mon scandaleux passé mais ça, elle l’ignore, bien sûr.

« T’as pas peur que ça en devienne emmerdant ? » - « D’avoir une belle vie et un mec fou de moi ? » Le coin de ma lèvre supérieure droite se relève et un léger air amusé flotte alors sur mon visage : il en dit long sur ce que je pense de sa question et surtout, sur la réponse que j’y apporte. Non, je n’ai pas peur de m’emmerder. J’ai eu assez de galères et de mauvaises surprises pour toute une vie lorsque j’étais gamine, maintenant, j’aspire à un long fleuve tranquille. « Je veux dire, c’est bien la perfection, c’est un truc que pas mal de monde recherche mais t’as pas peur de te faire chier à toujours vouloir que tout soit parfait … Je pars du principe que parfois il y a du bon dans ce qui est moche, pas net… Dans ce qui est imparfait. » - « Moi pas. » Je tranche, peut-être un peu trop ferme. « Y’a que les cons qui savent pas ce que c’est, la vraie souffrance, une vraie vie de chaotique, pour aspirer à ça parce que c’est plus fun. » Ce n’est pas plus fun d’avoir la dalle en permanence parce que maman est pauvre et que tout son fric va dans sa drogue. Ce n’est pas plus fun de nettoyer du vomi tous les jours. Je me remets à peindre en silence un instant, avant de lever un sourcil et de l’observer. « T’as forcément des buts non pour plus loin ? Tu comptes bosser au cinéma et vivre en coloc toute ta vie ? » J’ai du mal à envisager son présent comme une fin en soi. Mais de bonne foi, je m’abstiens au moins de faire une nouvelle remarque sur sa consommation d’alcool ou de substances illicites.

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noel solidaire.« C’est un hasard alors si t’as repris contact avec moi juste après l’annonce du film alors ? » Molly tourne aussitôt la tête vers sa sœur, presque choquée de l’entendre lui poser la question. Cette question. Comment pouvait-elle prétendre que Molly soit opportuniste ? Un scandale ! Elle fronce les sourcils et secoue la tête de droite à gauche, en soupirant lourdement. « Hiiii ! Tu t’fais d’ces idées quand même …», et elle laisse échapper un éclat de rire … moqueur car à ses yeux, cette idée était absolument folle. L’argent de sa sœur l’intéressait depuis … toujours. Sa célébrité, elle s’en foutait royalement … parfois une phrase sincèrement prononcée pouvait avoir un mauvais fond. Bravo Molly ! Et alors qu’elle reprend la peinture, elle secoue toujours la tête de droite à gauche, amusée. « Je vais reprendre mes études en janvier de toute façon. D’ici quelques mois, j’intéresserai plus grand mode, je suis pas un pari d’avenir.» « Reprendre tes études ? Pourquoi ? », qu’elle demande aussitôt. Encore une folie que peuvent se permettre les personnes qui ont de l’argent … c’est ce qu’elle pense sans prendre le temps de le dire. « C’était marrant de jouer la comédie et je le referai si j’ai l’occasion et que ça colle avec mon emploi du temps, mais je crois pas que ce soit pour ça que je suis faite.» « Et t’es faite pour quoi alors ? », qu’elle demande en fronçant les sourcils, curieuse.

« D’avoir une belle vie et un mec fou de moi ? » Molly la fixe, pas vraiment impressionnée par l’idée de la vie folle qu’elle mène … elle prétend alors que bien évidemment … elle fait partie de ses « followers » et passe pas mal de son temps sur son profil à observer, analyser la moindre photo. « Moi pas. Y’a que les cons qui savent pas ce que c’est, la vraie souffrance, une vraie vie de chaotique, pour aspirer à ça parce que c’est plus fun. » Silencieuse, Molly encaisse et continue son labeur, pour la bonne cause. « T’as forcément des buts non pour plus loin ? Tu comptes bosser au cinéma et vivre en coloc toute ta vie ? » « Nan ! », lâche-t-elle aussitôt avec conviction. Molly ne se fait pas de souci, ne se pose pas de questions sur son futur. Elle se moque bien évidemment de son avenir. Elle vit dans le présent … car l’avenir, ça fait un peu trop peur … à ses yeux. « Le cinéma, c’est pas mon truc et cet endroit va finir par mettre la clef sous la porte … on ne va pas s’mentir … j’sais pas trop ce que je vais faire, ce pour quoi je suis faite … dans le fond, je crois que je pourrais tout faire … quant à la coloc, tu te fous de m’gueule ? C’est carrément le bon plan … »

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« Hiiii ! Tu t’fais d’ces idées quand même… » Son expression de gamine à la fois contrariée et surexcitée m’agace, et je ne me prive pas de lever les yeux au ciel pour le signaler. Ils roulent dans leurs orbites respectives de façon parfaitement exagérée pour qu’elle ne puisse pas le manquer, et je secoue la tête avant de me reconcentrer sur mon rouleau que je trempe à nouveau dans la peinture, avant de l’écraser sur le mur et de faire de grands gestes verticaux pour horizontaux. « Vraiment ? » Si l’on m’a accusée d’être une croqueuse de diamants lorsque je me suis fiancée à Damon, alors ce n’est guère surprenant qu’elle soit à son tour accusée de vouloir profiter de la situation d’une façon ou d’une autre. Elle n’a pas débarqué au bon moment dans ma vie pour pouvoir profiter de la présomption d’innocence, dommage pour elle.

« Reprendre tes études ? Pourquoi ? » - « Parce que j’en ai marre de me sentir idiote et sous éduquée à côté des potes de Damon, de la famille de Damon, et de tout le monde de façon générale. » Parce que j’ai arrêté mes études sans que la question ne se pose une seule seconde : j’avais besoin d’argent, les quelques subventions que je recevais ne suffisaient pas et je ne voulais plus dépendre de la générosité de l’une ou l’autre des mes familles d’accueil. J’avais l’impression de perdre mon temps et l’opportunité de gagner ma vie, à rester assise pendant des journées entières sur les bancs de l’université. « Et t’es faite pour quoi alors ? » - « J’en sais rien. » Je me renfrogne, moins à cause d’elle qu’à cause de cet aveu qui m’échappe à cause de toutes ces questions qu’elle pose sans sembler vouloir essayer de travailler en silence. « Je vais faire un bachelor dans le social. D’ici que je l’aie terminé… On verra. » Je hausse les épaules comme si j’étais détachée de tout ça, comme si je voulais prendre les choses de façon cool, comme si je n’étais pas terrorisée par le fait de remettre les pieds à la fac ou de simplement découvrir que je ne suis pas capable d’obtenir n’importe quel autre diplôme que celui de Miss t-shirt mouillé du week-end d’intégration. « Je me mets pas de pression. » Dieu que c’est faux. Sauf que j’ai un mari, de l’argent et bientôt j’aurai une belle maison, alors c’est ce que je suis supposée ressentir.

« Nan ! » Elle se défend de mes hypothèses avec tant d’ardeur qu’elle m’arrache un haussement de sourcil étonné et que je me détache de ma peinture blanche pour pivoter la tête dans sa direction et lui accorder mon attention. « Le cinéma, c’est pas mon truc et cet endroit va finir par mettre la clef sous la porte… On ne va pas s’mentir… J’sais pas trop ce que je vais faire, ce pour quoi je suis faite … dans le fond, je crois que je pourrais tout faire … Quant à la coloc, tu te fous de m’gueule ? C’est carrément le bon plan … » - « La clé sous la porte ? Le twelve a des problèmes de financement ? » C’est Maisie qui aurait le cœur brisé si l’endroit venait à fermer et malgré la complexité de notre relation, cette pensée me fait de la peine. « On peut pas tout faire sans diplôme. C’est des conneries que je me racontais quand j’ai abandonné la fac ça. » Il y a six ans de cela, mais j’ai plus l’impression que c’était il y a une éternité. « T’as jamais eu de rêve ? D’objectif professionnel ? » Quand elle était gamine, qu’est-ce qui l’animait ? Qu’est ce qu’elle "voulait être plus tard" ?

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  @Megan Williams   
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noel solidaire.« Vraiment ? » « Vraiment. » Elle répond du tac au tac. Un ton monotone. Les sourcils froncés. La colère à portée de main. Elle insiste. Elle la fixe comme si son regard insistant pouvait être encore plus convaincant. A vrai dire, elle espère pouvoir lui faire comprendre le message. Oui, vraiment ! Puis, elle détourne le regard pour reprendre son activité de la journée, espérant être un peu moins vue comme un parasite par sa propre sœur. Qu’elle ait des doutes, ok. Qu’elle ait raison de douter, ok. Mais, il ne faut pas trop insister non plus, si ?

« Parce que j’en ai marre de me sentir idiote et sous éduquée à côté des potes de Damon, de la famille de Damon, et de tout le monde de façon générale. » Sa sœur lui montre une faille. Une nouvelle. Une première. Et au lieu d’apprécier l’instant à sa juste valeur, son côté paranoïaque ne peut pas s’empêcher d’en prendre note … juste au cas où. Peut-être que cette information lui sera utile tôt ou tard. Molly n’a jamais vraiment considéré que les gens qui font des études soient particulièrement intelligents. A ses yeux, ils sont peut-être doués pour écrire correctement et pourquoi pas remplir des papiers administratifs mais ils ne méritent pas pour autant son respect ou alors qu’elle se sente de moindre valeur. Elle a toujours trouvé étrange que certaines personnes soient capables de garder leurs culs vissés sur des chaises pendant des heures, à entendre un type ou une gonzesse leur raconter des choses … dont ils prennent notes comme des sténos lors d’un procès. Ils n’inspirent pas confiance. Dans son monde. Alors, la réaction normale de Molly est de froncer les sourcils en soupirant, montrant de manière peu belliqueuse son désaccord. « J’en sais rien. Je vais faire un bachelor dans le social. D’ici que je l’aie terminé… On verra. » Molly relève la tête vers la jumelle quand elle entend le mot social. Elle pourrait être son petit projet professionnel. Mais elle se retient – dieu soit loué – d’en parler pour reprendre son travail. « Je me mets pas de pression. » « OK », lâche-t-elle peu convaincue.

« La clé sous la porte ? Le twelve a des problèmes de financement ? » « Faut pas avoir fait des études dans le business pour comprendre qu’on a pas tant de visites que ça, que le cinéma c’est devenu un peu has been … tu crois que c’est un truc d’avenir ? vraiment ? » Cruelle Molly. Elle n’est pas du genre employée modèle, engagée à la vie à la mort. « J’suis juste réaliste … »

« On peut pas tout faire sans diplôme. C’est des conneries que je me racontais quand j’ai abandonné la fac ça. » « Possible mais des diplômes ne résolvent pas tous les problèmes non plus … » Elle lève un sourcil avec un air malicieux, celui de la connasse qui trouve toujours le petit grain de sable dans le rouage, le poil dans la soupe. « T’as jamais eu de rêve ? D’objectif professionnel ? » Boum ! La question lui cloue les lèvres. Et si on avait été dans une série ou un film, on serait directement dans un flashback. Un rêve. Gamine, de quoi elle rêvait ? Évidemment elle se souvenait de son rêve de gamine. « Si, je ne suis pas un monstre … » lâche-t-elle dans un éclat de rire. « Ou alors je ne l’ai pas toujours été … » Sourire se voulant complice. « Comme toutes les mômes, je rêvais d’avoir un petit stand de glace près de la plage … ça me paraît toujours un bon plan à vrai dire. » Elle hausse les épaules. « Mon objectif a toujours été de pas finir par être la voisine de mon père … ça a toujours été ça mon seul objectif. »

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« Vraiment. » Je l’observe un instant, comme jaugeant de sa réponse et surtout, de sa sincérité. Ce doute a pris fermement racine dans mon esprit et elle ne m’en débarrassera pas avec de belles paroles : j’ai besoin d’actes. J’ai besoin de preuves et peut-être qu’avec le temps je parviendrai à m’ouvrir un peu plus à elle. Pour l’heure, je note ce qu’elle me dit et stocke le tout dans mon esprit, comme montant un dossier à charge contre elle pour le jour où elle déciderait de montrer son vrai visage.

« Faut pas avoir fait des études dans le business pour comprendre qu’on a pas tant de visites que ça, que le cinéma c’est devenu un peu has been… Tu crois que c’est un truc d’avenir ? vraiment ? J’suis juste réaliste… » - « On dit depuis des années que le livre papier va mourir. Et le marché du livre neuf a pas été en aussi bonne forme depuis des années. » Je hausse les épaules. Je suis beaucoup de choses, mais pas fatalise. « Tant que y’a encore des films qui feront des dizaines de million de dollar de recette au box-office, je m’inquièterai pas vraiment. » Je ne défends pas le milieu bec et ongle parce que je m’imagine un futur dans l’industrie des blockbuster. Je me moque que l’industrie s’effondre ou continue à s’épanouir pendant des années encore : Molly m’agace simplement parce qu’elle me donne l’impression de répéter ce qu’elle a entendu dans des milieux snobinards juste pour se donner un genre. « Le cinéma d’auteur… Ouais, c’est autre chose. » Scott m’en parlait bien trop pour que je ne me souvienne pas de ses mots. Je hausse les épaules, signe que, de toute façon, je faisais surtout la conversation mais je me moque bien de tout ça, au fond.

« Possible mais des diplômes ne résolvent pas tous les problèmes non plus… » - « Peut-être, mais bonne chance pour le faire sans. » Après tout, n’ai-je pas résolu les miens grâce à mon audace, mon absence de scrupule et mon charme ? Peut-être, mais je suis une sur des milliers, parce que j’ai eu la chance de tomber sur la bonne information au bon moment. « Si, je ne suis pas un monstre… » J’ai du mal à voir le rapport, mais je me tais, l’écoutant avec attention alors que je m’applique à terminer le pan de mur sur lequel je m’affaire depuis quelques minutes. « Ou alors je ne l’ai pas toujours été… Comme toutes les mômes, je rêvais d’avoir un petit stand de glace près de la plage… Ça me paraît toujours un bon plan à vrai dire. » - « Un stand de glace sur la plage ? » J’esquisse un sourire amusé, peut-être un peu moqueur, aussi. « Tu crois vraiment que c’est de ça que rêvent tous les gamins ? » Circonspecte, je me demande quel genre d’enfant elle fréquentait pour que les rêves soient si… Médiocres. « Mon objectif a toujours été de pas finir par être la voisine de mon père … Ça a toujours été ça mon seul objectif. » - « Pourquoi t’as pas mis toutes les chances de ton côté ? » Cette fois, je l’interroge sans trace d’ironie ou de provocation dans le ton de ma vie. « Je veux pas t’insulter, mais même si t’es pas sa voisine, t’es pas partie pour faire grand-chose de plus que lui. » Vivre de petit boulot et de brefs moments de gloire rêvée plus que tangible. « Tu peux pas me mentir à ce sujet. Je te rappelle que quand on s’est rencontrée, tu cherchais un endroit où crécher parce qu’il t’avait foutue à la porte. » Et à bientôt vingt-cinq ans, elle n’a pas l’air d’avoir le moindre projet, le moindre plan d’avenir pour redresser la barre.

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« On dit depuis des années que le livre papier va mourir. Et le marché du livre neuf a pas été en aussi bonne forme depuis des années. Tant que y’a encore des films qui feront des dizaines de million de dollar de recette au box-office, je m’inquièterai pas vraiment. » Molly ne tourne même pas la tête, aussi peu convaincue est-elle. « Le cinéma d’auteur… Ouais, c’est autre chose. » Autre chose, oui. Mais, elle n’a pas envie de se lancer dans une conversation concernant son emploi ô combien démotivant. Un emploi pourtant raisonnable et surtout respectable, d’autant qu’il lui paie ses factures. Elle devrait en être ravie. Les différences des jumelles se cristallisent au fur et à mesure de la conversation. « Peut-être, mais bonne chance pour le faire sans. » Elle prend ça pour une attaque et se retient de parler d’un potentiel mariage qui pourrait lui permettre de briller grâce à son époux. Elle se retient et elle appuie davantage le rouleau de peinture sur le mur sans s’en rendre compte. Première fois qu’elle se retient autant. C’est nouveau. Megan n’en a pas conscience mais c’est une preuve d’amour. Une vraie preuve d’amour. « Un stand de glace sur la plage ? » Molly la toise, prête à mordre cette fois-ci. Il ne faut pas abuser non plus ! « Tu crois vraiment que c’est de ça que rêvent tous les gamins ? » Elle hausse les épaules et ça lui sert de « ouais » comme réponse. C’est ce qu’elle s’imagine. Elle n’y croit pas à ces foutus rêves de vétérinaire, professeur, médecin. De pures conneries, selon elle. « Pourquoi t’as pas mis toutes les chances de ton côté ? » Nouvelle attaque et cette fois-ci, elle est contrainte de répondre. « Quoi ? », lâche-t-elle les sourcils froncés. « Je veux pas t’insulter, mais même si t’es pas sa voisine, t’es pas partie pour faire grand-chose de plus que lui. » Elle penche la tête sur le côté, la fixe, oublie le mur qu’elle doit prendre en charge. Elle bouillonne, en silence. Elle devient une cocotte-minute et sa jumelle poursuit. « Tu peux pas me mentir à ce sujet. Je te rappelle que quand on s’est rencontrée, tu cherchais un endroit où crécher parce qu’il t’avait foutue à la porte... » « Tu sous-entends quoi par là ? Que je suis une paumée comme mon père ? J’étais peut-être pas au top de ma forme quand on s’est rencontrés mais cette époque ne résume pas qui je suis et qui je peux être … Putain, j’y crois pas que tu me sortes ça comme ça alors que … », j’essaie d’être quelqu’un de bien pour une fois, « tout le monde n’a pas des rêves de star, souhaite reprendre ses études pour devenir je-sais -pas-quoi, je peux très bien avoir un boulot de merde, pas gagné un sou et être mieux que mon père. » Elle laisse tomber le rouleau de peinture dans le seau avant de se redresser.

« Ton air condescendent, tu peux te le garder, Megan. Je t’emmerde. Je t’emmerde toi et ta vie de paillettes. » Oh merde ! Elle est passée de la défensive à l’attaque en un rien de temps, à moins qu’elle ne soit toujours que dans la défensive. Elle aimerait pouvoir prendre le monde en témoin. Elle aimerait pouvoir montrer que non, ce n’est pas elle qui pose problème, c’est sa sœur qui appuie toujours sur les mauvais boutons. Alors qu’elle se confie, ouvre une minuscule brèches de sa carapace, cette dernière balance du sel sur ses plaies infectées … et tout ça avec le sourire. Oh elle bouillonne, Molly.

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« Quoi ? » Je sens que le ton s’apprête à monter avant même qu’il ne le fasse, peut-être est-ce dû au ton légèrement piqué au vif de la brune, à l’électricité dans l’air, ou à ce je ne sais quoi qui m’a toujours permis de plutôt bien analyser et comprendre mes interlocuteurs. Ou bien peut-être qu’il s’agit simplement de la façon désordonnée et presque rageuse dont Molly écrase son rouleau sur le mur blanc. Quoi qu’il en soit, si elle n’aime pas ça, elle risque d’encore moins aimer la suite mais je n’ai pas l’intention de me la fermer pour ne pas froisser sa susceptibilité.

« Tu sous-entends quoi par-là ? Que je suis une paumée comme mon père ? J’étais peut-être pas au top de ma forme quand on s’est rencontrés mais cette époque ne résume pas qui je suis et qui je peux être… Putain, j’y crois pas que tu me sortes ça comme ça alors que… » Je sous-entends rien du tout Molly, j’affirme. Quand on en est à devoir faire des promesses de rester clean, on ne peut pas vraiment dire qu’on a réussi dans la vie, non ? Cela ne résume peut-être pas qui elle peut être mais, en attendant, je ne la vois pas tout donner pour enfin faire quelque chose de sa misérable existence, si ce n’est arrêter de se poudrer le nez. « Tout le monde n’a pas des rêves de star, souhaite reprendre ses études pour devenir je-sais -pas-quoi, je peux très bien avoir un boulot de merde, pas gagner un sou et être mieux que mon père. » - « Si y’avait pas un fond de vérité dans ce que j’ai dit, tu serais pas en train de me la jouer mode furie. » Ma version à moi de il n’y a que la vérité qui blesse. Je hausse les épaules avec une indifférence feinte, et c’est peut-être ce qui fait déborder le vase pour ma jumelle qui entre dans une fureur qui ressemble bien plus à ce que j’ai pu apercevoir d’elle jusque-là qu’à ce tableau mielleux qu’elle offre depuis qu’elle a décidé qu’il était temps d’entrer à nouveau dans mes bonnes grâces. Je crois qu’au fond, c’est ce que je voulais ; la preuve que j’avais raison pendant tout ce temps. Je crois que c’est ce que j’attendais d’elle, que je suis satisfaite de la voir exploser, et ce même si j’esquisse d’abord un sursaut de surprise lorsqu’elle balance son pinceau. « Ton air condescendent, tu peux te le garder, Megan. Je t’emmerde. Je t’emmerde toi et ta vie de paillettes. » Plutôt que d’agir avec rage comme elle le fait, je repose mon pinceau avec délicatesse au sur rebord du pot de peinture blanche.

Tiens tiens, qui est-ce qui montre enfin son vrai visage ?

« Moi et ma vie de paillettes, on a jamais cherché à faire partie de la tienne à tout prix, jusqu’à preuve du contraire. » Nous sommes ici parce qu’elle veut absolument avoir une sœur, parce que je suis sensible à ces arguments aussi au fond, mais je me garde bien de préciser que, moi aussi, j’ai espéré trouver une famille en elle. « Alors si tu trouves que je suis une connasse, si tu m’emmerdes, t’as qu’à te casser. Ça sera bien plus dans ton personnage que les sourires et les questions faux-cul que tu me sors depuis quelques semaines. » Je crois qu’au fond, je n’ai fait que provoquer ce que je craignais de voir arriver, histoire de ne pas être prise de court et par surprise.

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« Si y’avait pas un fond de vérité dans ce que j’ai dit, tu serais pas en train de me la jouer mode furie. » Le mode furie n’est pas encore activé. Megan ne le connaît pas encore … et ça joue en la faveur de Molly car ça veut dire qu’elle pourrait encore la surprendre … Avoir un effet surprise, avoir encore quelque chose sous la pédale, ça peut toujours jouer en votre faveur. « Ça n’a rien à voir … je suis déçue, c’est différent, je pensais pas que t’étais comme ça … », comme les autres. Aussi emmerdantes que la majeure partie des gens sur la terre qui jugent les personnes sur ce qu’elles possèdent, sur ce qu’elles représentent et non pour ce qu’elles sont vraiment. Molly est une ratée, un produit raté, une mauvaise production mais elle est droite dans ses bottes. Du moins, elle pense l’être. Elle avait la candeur de penser que sa sœur pourrait être différente, pourrait être la solution à ses problèmes. La vérité prise en pleine face après juste quelques cafés … ça la foutait mal et lui donnait envie d’imploser. D’ailleurs, elle était obligée d’imploser.

L’eau et le feu. Si Molly implose et s’emporte, Megan reste calme. Et nous savons tous que c’est ce qui est encore plus énervant : qu’une personne reste calme quand vous vous énervez !

« Moi et ma vie de paillettes, on a jamais cherché à faire partie de la tienne à tout prix, jusqu’à preuve du contraire. Alors si tu trouves que je suis une connasse, si tu m’emmerdes, t’as qu’à te casser. Ça sera bien plus dans ton personnage que les sourires et les questions faux-cul que tu me sors depuis quelques semaines. » Comment étaient-elles passées d’une conversation normale où l’on se délivre un tout petit peu – vraiment juste un peu mais pour elle, c’était déjà quelque chose – à cette crise ? Comment ? Pourquoi ? Molly prendrait du recul – peut-être – une fois qu’elle sera face à Bernard. Pour l’heure, c’était son impulsivité qui était aux manettes. Il fallait se munir de sa carapace, se protéger car Megan avait exactement les armes adéquates pour la détruire. En avait-elle seulement conscience ? « Je me casse, ouais, » et elle lève les mains en faisant un pas en arrière, « et tu peux très bien croire que c’est à cause de mon personnage de faux cul (elle met le mot personnage entre guillemets avec ses doigts) essaie de prendre un peu de recul puisque tu es si maline, puisque tu es mieux que tout le monde, et réfléchis au fait que c’est peut-être ton putain de personnage à toi qui pose problème … à jouer les divas, la nana parfaite sous tous les points, tu deviens une figure de comédie bordel … Je voulais juste passer un moment avec toi et pas avoir une séance de pseudo thérapie … tu fais chier. » Il y a mieux comme conclusion et elle aurait sans doute dû – et pu – utiliser d’autres mots pour expliquer ses émotions mais n’oubliez pas que l’on parle de Molly.

« Je voulais juste passer un moment avec toi et toi, ouais toi, tu parviens encore une fois à tout foutre en l’air. » La déception n’est pas perceptible dans sa voix qui s’élève mais elle est palpable. Son rêve de duo gémellaire explose de nouveau. « C’est pas parce que je suis pas comme toi que je suis pas quelqu’un de bien ou que je ne mérite pas le respect. » Elle soupire et secoue la main dans un geste désinvolte. « Oublie l’idée va ... »