it's better the devil you know
@Mabel Griffiths ☆ crédit/josshelps

"Je veux poser mes propres questions." Et juste comme ça, Jo fit rouler des yeux à une armada de professionnels du genre qui l’avaient alpaguée dès son arrivée sur les lieux de l’interview croisée qu’elle avait accepté de faire, il y avait quelques semaines de ça déjà. Il y eut des têtes soudainement baissées, des arêtes de nez pincées, des soupirs profonds, et il lui sembla même avoir remarqué une assistante se cogner l’arrière de la tête contre la paroi de l’ascenseur en priant tous les saints de la terre et du ciel de venir la sauver de ce fléau qu’était Josephine Carter. Autant dire que cette dernière, moulée dans une tenue à la hauteur de sa plastique parfaite, n’en avait strictement rien à foutre. Vite et bien, elle lança au premier venu la feuille de papier qu’on lui avait mise dans les mains, et ce sans aucun ménagement, et explicita dans la foulée "Quoi ? Tout le monde s’en cogne de sa relation avec Brett Seinfeld." "Rhett Hartfield." C’est pareil que sembla dire le roulement d’yeux qu’elle, elle lança à celui qui la reprit et dont les mains se levèrent devant lui en signe de réédition.

Jo était la mieux placée pour savoir qu’en vérité, personne ne se cognait de ce genre de questions. Justement, c’était parce qu’elle connaissait le sentiment de frustration que ça faisait naître qu’elle voulait l’éviter à Mabel. Si elle, personnellement, elle ne manquait jamais une occasion de parler de Midas depuis l’officialisation de leur relation, elle faisait en sorte d’être celle qui abordait le sujet, et pas l’inverse ; c’était fait avec parcimonie, presque avec une subtilité étonnante venant du bourrin qu’elle savait être, et toujours de manière à ce que ça rentre dans le cadre professionnel qu’elle tenait à garder malgré tout, et surement pas pour partager secrets et anecdotes sur ce qu’ils vivaient tous les deux une fois les micros raccrochés, et les caméras éteintes. Elle ne connaissait pas Mabel par coeur, mais elle l’avait pratiquée ces derniers mois, et elle était sûre d’une chose : elle était discrète sur sa vie privée.

Cette interview, Jo l’avait acceptée que pour une seule chose, et ce n’était pas pour parler des relations de Mabel, présentes et passées dont elle, vraiment, se foutait éperdument. Quand l’ascenseur se stoppa à l’étage où on l’attendait, elle descendit la première sans juger nécessaire de demander l’autorisation, et entendit quelque dire dans son dos "On va prendre quelques minutes pour t’en réécrire des toutes neuves, mais tu vas devoir faire un effort Jo !" Son seul effort pour l’heure, ce fût de dresser son majeur, surplombé d’une manucure nacrée, par-dessus son épaule, et de se diriger comme si de rien n’était vers le plateau déjà installé, là où l’attendait Mabel qui l’accueillit avec sa fraîcheur habituelle "T’es hideuse." qu’elle lui fit pour plaisanter, s’autorisant une bise aérienne près de sa joue avant de s’installer sur son siège, positionné en face de la jeune femme à qui elle dit quasiment sans délai "Quel genre de questions on t’a demandé de me poser ?" Elle n’ignora pas vraiment le journaliste qui était ici pour superviser le bon déroulé des événements, disons qu’elle ne jugea pas nécessaire de le saluer tout de suite, son attention dirigée droit sur Mabel pendant qu’on venait l’équiper d’un micro et qu’on venait vérifier sa lumière.

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"Putain, même pas sur nos deux nominations aux Grammys ? Faut pas s’étonner que Beyoncé veuille plus faire d’interview quand on comprend ce qui vous intéresse." Et ça, elle le donna gracieusement au journaliste qui n’était pas loin d’elle et qui supervisait cet entretien. Lui accordant un regard en tournant la tête dans sa direction, elle le jugea des yeux. Oh, elle savait pourquoi ça semblait si important pour la terre entière de mettre en avant son lien si spécial avec Midas. En vérité, elle ne s’offusquait pas de l’idée qu’ils puissent faire frétiller les jeunes filles en fleur avec leur histoire qui s’étalait sur plusieurs années sans que personne ne sache vraiment de quoi il en retournait jusqu’à récemment, mais à l’aube du décollage de sa carrière solo, elle se disait que miser sur un peu de discrétion à ce sujet histoire de se recentrer sur sa musique, c’était plus judicieux pour asseoir sa crédibilité et entrer pour de bon dans la tête du public que si elle était là, ce n’était pas que parce qu’elle était associée au plus gros vendeur de disques du pays. D’aucun dirait qu’elle aurait dû y penser plus tôt, et qu’officialiser leur relation quelques mois à peine la sortie de son premier album, c’était une stratégie pour justement faire parler d’elle, mais à d’aucun elle disait qu’il n’étaient pas dans sa tête, mais aussi d’aller se faire foutre, et en des termes aussi peu élégants que ceux-là "Ça me torture pas. Est-ce que tu nous as vus ? Est-ce que tu l’as vu ?" Elle laissa filer un clin d’oeil loin d’être innocent, se calant dans son siège en se dandinant avec l’air de ne pas y toucher. Elle n’était pas humble au point de croire que son couple n’atteignait pas le summum de glamour dans le sens large du terme — ce qui expliquait peut-être finalement que tout le monde s’y intéressait, allez savoir. Retrouvant son sérieux, elle ajouta "Mais je suis comme toi j’imagine, je préfère qu’on me questionne sur mon travail." Elle ne rappellerait pas que son premier single venait à peine de sortir, tout le monde était supposé le savoir.

Une partie d’elle se disait qu’au moins, aucune question ne concernait Micah, et ça c’était encore une épine en moins dans son pied. Prenant une profonde inspiration et laissant l’équipe terminer de lui installer son micro, elle opina du chef à la question de Mabel "Ouais, ils veulent savoir pourquoi t’es au casting d’un film qui retrace la vie d’un de tes ex qui t’a descendu dans son bouquin." Et la friande de potins qu’était Jo aurait bien aimé savoir aussi, mais elle avait assez de respect pour Mabel pour ne pas vouloir lui imposer ce genre d’indiscrétion "C’est bon, je vais le faire." fit-elle à l’assistante qui venait lui arranger son rouge à lèvres ; lui prenant son crayon des mains, elle le fit à l’aveugle sans douter une seule seconde de riper ou de manquer son contour, et reposa ses yeux sur sa comparse qui de son côté du plateau, semblait partante pour briser les règles. Pinçant ses lèvres l’une contre l’autre pour estomper le tout, elle rendit rapidement son nécessaire à l’assistante qui les quitta aussitôt, et eut un sourire espiègle "La docile Mabel Griffiths est prête à briser les codes, et à rejoindre le côté obscur de la force ? Ça me plaît." Plus que ça même, elle à qui on reprochait de toujours se comporter comme une sale gosse mal éduquée, elle gagnait enfin une alliée dans sa rébellion "Par contre, ils vont te haïr." fit-elle, désignant l’équipe aux alentours d’un signe de tête, et terminant en demandant à la jeune femme "Ça te pose pas de problème ?"

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"Tant mieux." Elle fit un petit signe de tête en se recalant dans son siège, tirant sur les côtés de la veste oversize qu’elle portait pour la replacer selon ses critères sur ses épaules ; soit de travers, une épaule couverte, l’autre non "Parce que c’est loin de l’être." Une torture de fréquenter Midas, ce dont personne ne devait douter dans tous les cas, connu non seulement pour être talentueux, mais aussi relativement doux au contraire de celle qui se trouvait ici aujourd’hui. La réciproque n’était probablement pas la même, et que la torture de fréquenter Jo devait être réelle, mais il était assez grand pour savoir quand dire stop, c’était tout ce qu’il fallait savoir à ce sujet. Le regard de Jo devint un peu malicieux à la reprise de paroles de Mabel qui disait vouloir réserver ses questions sur Midas à une sphère plus privée que celle dans laquelle elles se trouvaient maintenant, au centre d’une pièce surchauffée, ou spots de lumières, câbles longs de plusieurs mètres, et caméras étaient installés. Un nouveau clin d’oeil lui échappa dans la continuité de leur échange "Donc on est assez copines pour se poser des questions au sujet de nos mecs et échanger des petits secrets ?" T’en as un toi d’ailleurs ? qu’elle faillit lui demander, mais elle s’en garda parce qu’il lui semblait que oui, et que l’équipe autour ayant les oreilles entraînées à débusquer des secrets, elle ne voulait pas mettre la jeune femme dans une position où elle devrait faire des pieds et des mains pour que personne ne soit assez téméraire pour les dévoiler sans lui demander son avis.

"Ouais, excuse-moi, mais quand je t’ai vue la première fois, je me suis pas imaginé un seul instant que t’avais une vie de folie ni que t’étais fun à côtoyer d’ailleurs." Personne ne pourrait jamais reprocher à Jo ne pas être honnête "T’as l’air plutôt sage comparée à moi, avec tes cheveux bien coiffés et tes tenues griffées." Très Upper East Side si on lui demandait son avis. Mais Mabel était-elle davantage une Serena qu’une Blair, Jo ne lui posa pas la question, continuant plutôt à la regarder quand elle affirma le fait établi que ces gens qu’elles avaient autour d’elle aujourd’hui ne seraient pas les premiers à la détester "Tu comptes ton ex dans le lot de ceux qui te détestent déjà ?" Ah, l’éternelle adolescente avide de potins faisait son apparition soudaine, la faisant se reprendre précipitamment "Pas de questions sur la vie privée, t’es pas obligée de répondre." lui fit-elle, ses deux mains tendues devant elle en signe de réédition volontaire, l’expression sur son visage accusant une expression qui signifiait qu’elle tacherait de bien se tenir.

Elle savait relativement le faire devant une caméra, le prouvait la manière qu’elle eut de prendre la lumière une fois qu’on leur indiqua qu’elles allaient commencer, et qu’après le bla-bla de mise du journaliste posté à quelques mètres à côté de la caméra, Mabel enchaîna sans aucun délai "On pourrait croire que t’as attendu toute ta vie pour la poser celle-là." Elle eut un léger rire, certainement pour se donner le temps de réfléchir à cette question qui serait plus pointue que toutes celles que Jo serait susceptible de lui poser par la suite, pas assez portée sur les rapports humains pour savoir comment mener ce genre d’interrogatoire. Mais elle improviserait, refusant de se plier aux questionnaires qu’on lui avait donné, comme elle le fit à l’instant-t, son visage s’inclinant légèrement en arrière alors qu’elle cherchait une bonne façon de répondre à Mabel. Ses yeux suivirent la ligne de câbles qu’elle voyait dans son champ de vision, et ses paupières clignèrent quand, les baissant à nouveau sur Mabel, elle lui dit enfin "La femme que les jeunes filles veulent devenir, celle que les mères interdisent à leur fils de fréquenter, celle que les pères rêvent de ba —" "Jo, tu peux pas dire ça, c’est  un programme tout public." Le gros soupir se fit entendre de la part de Jo. D’emblée, elle monta sur ses grands chevaux en tournant la tête vers le producteur qui pointa le bout de son vilain nez "Quoi, ce sera diffusé sur Disney Channel ? Vous vous foutez de ma gueule ? C’était une putain de bonne réponse en plus, vous êtes vraiment coincés." Alternant la position de sa veste sur ses épaules avec impatience, elle finit par croiser les jambes en se rasseyant convenablement, et enjoignit Mabel à prendre la relève "C’est une bonne question, je te la retourne." Avec un peu de chance, elle pourrait s’inspirer de son phrasé pour affiner sa propre réponse, et ne plus donner envie à l’équipe autour de lui apporter du javel histoire qu’elle s’en fasse un bain de bouche avec.

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Elle sentait que du côté du journaliste qui les chaperonnait, le fait qu’elles ne s’écharpent pas avant de tourner était un problème de taille. Jo ne s’en formalisa pas, mais elle s’efforça de garder son esprit de contradiction en ne voulant pas faire de cette interview un combat contre une femme qu’elle appréciait de plus en plus. Elle n’était pas pro-féminisme, elle se foutait du cliché de la rivale qu’on aurait aimé lui trouver pour tester son ego et la forcer à montrer de quel bois elle se chauffait, mais elle estimait que ça aurait de la saveur que si la personne qu’on mettait face à elle lui ressemblait. Ce n’était pas le cas de Mabel, et pas de façon péjorative, elles ne se battaient juste pas pour les mêmes causes, Mabel plus actrice qu’elle n’était chanteuse, au contraire de Jo qui ne se consacrerait jamais qu’à la musique. Elle lança un regard en direction du journaliste lorsqu’il grimaça, le trouva pathétique, mais se concentra davantage sur ce qui l’intéressait vraiment, en l’occurence les réponses de Mabel qu’elle pouvait considérer comme une amie donc — elle ne le ferait pas, elle avait des standards plus élevés que quatre rencontres et deux confidences échangées Jo, restait qu’elle lui attribuait une affection particulière, et elle devrait s’en contenter.

"Ça t’a servi autant que ça t’a desservi ? Il est temps d’avouer aux spectateurs que d’avoir du caractère, c’est autant une qualité qu’un défaut." Elles ne tournaient pas encore à ce moment-là, mais elle jouait déjà le jeu de la caméra en remuant ses sourcils et en faisant sa charmeuse. Elle n’avouerait pas qu’elle, ça l’avait plus desservie que le contraire, mais la réalité était là : enfermée dans des mécanismes de défense, elle souffrait davantage de son caractère que le contraire à certains moments, surtout quand on lui faisait remarquer qu’elle était difficile à aimer, ce qui finalement n’était peut-être pas vrai si elle se référait à son nombre de followers sur les réseaux sociaux. Enfin, c’était un autre sujet sur lequel elle ne s’attarda pas, alpaguée par la question de Mabel à laquelle elle répondit à sa façon, offusquant la production qui n’était pas satisfaite de son langage. Pourtant, tout le monde connaissait sa façon particulière de s’exprimer, et son besoin de provoquer ; elle les soupçonnait de faire semblant de l’être à ce moment-là d’ailleurs juste pour que la priorité soit accordée à Mabel à qui elle retourna sa question pour faire bonne mesure.

Elle y répondit avec plus de raison, ce qui n’étonna pas Jo. Avec plus de prévisibilité aussi, tirant sur la corde de l’artiste qui aime créer et explorer. Jo roula des yeux "C’est ça que vous estimez être une bonne réponse, hm ? Elle l’a trouvée dans le manuel de l’actrice de base. Franchement, faut sortir des clichés, les gars." À Jo de s’offusquer, mais de manière plutôt mesurée contrairement à d’habitude, sa tête se secouant doucement pendant qu’elle regarda Mabel être l’archétype de la femme célèbre entraînée pour ne pas faire de vagues. Elle avait peut-être été rebelle dans le passé, pour ce qu’elle en savait, mais elle était devenue chiante aujourd’hui, il fallait l’avouer, docile petite actrice qui disait ce qu’on attendait d’elle sans sortir des cases. Jo balaya sa rangée de dents du haut avec le bout de sa langue, et lui demanda après qu’elle eut terminé "T’as tourné combien de films dans ta carrière, combien de séries ? Je vais pas te demander quel rôle t’as préféré, ce serait te demander de choisir entre ton père et ta mère —" Ce que Jo ne pourrait même pas faire parce que c’était choisir entre la peste et le choléra, on a la famille qu’on mérite " — par contre, je veux savoir un truc : c’est quoi ton rôle rêvé ? Celui pour lequel tu serais prête à tout pour l’obtenir ?" Et quand elle disait à tout, elle pensait même à la promotion canapé. Elle eut un petit sourire carnassier, les rires de l'équipe autour résonnant à ses oreilles sans la faire plus réagir que ça tandis que Mabel essayait de le faire revenir dans les clous en lui reposant indirectement sa question "Je suis pas différente là que quand la caméra est éteinte. Je travaille à la hauteur de mon ambition, et j’ai la prétention de penser que je peux faire bouger les choses en apposant ma marque quelque part si on m’en laisse l’occasion." Plus sérieuse que tout à l’heure, elle ne ferait pas son portrait chinois qu’elle avait rédigé dans son journal intime quand elle avait dix piges, déroulant juste la liste de ce qu’elle savait être ses forces, n’ayant pas besoin de répéter à qui voulait bien l’entendre qu’elle était belle et talentueuse : tout le monde le savait. Les coins de sa bouche se muèrent en un sourire inversé quand elle ajouta, lancée, ses jambes se croisant en même temps "Je mens pas aux gens, je triche pas non pl —" Et cet ajout-ci, il la fit caler comme une vieille bagnole en pleine pente dangereuse, ses yeux rencontrant ceux de Mabel quand elle réalisa que ça, c’était à moitié vrai, et qu’elle ne pouvait même pas se corriger pour coller à sa politique d’honnêteté. Brusquement, et plusieurs fois consécutivement, ça la fit cligner des yeux, et puis reprendre vite sur elle en tournant la tête vers l’équipe derrière la caméra à qui elle demanda "On peut le refaire ? J’ai perdu le fil de ce que je disais."

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"Sauf que se contenter de vouloir donner aux gens ce qu’ils veulent entendre, c’est dire adieu à ta personnalité." Elle trouvait ironique que Mabel lui conseille de ne pas s’enfermer dans le cliché quand ici, celle qui était la plus elle-même, celle qui ne dérogeait pas à sa personnalité pour plaire à ceux qui l’entouraient, c’était elle, et elle seule. Elle relâcha un rire bref "Donc ta méthode, c’est de débiter des lieux communs pour faire plaisir à ton public ? Pas de nuances, pas de débordements, pas d’opinions plus tranchées que ce qu’on te demande de sagement réciter en interview ? Je croyais que les gens voulaient de la sincérité, pas un discours prémâché par une agence de relations publiques." Elle secoua la tête, sûre de ce qu’elle allait avancer sans qu’aucun doute ne vienne la faire flancher, ses yeux rivés sur Mabel "Je suis pas un pantin." Elle ne voulait pas l’être en tout cas. Elle avait assez donné dans le genre, elle s’était promis de trouver un équilibre qui lui permettrait de faire les choses à sa manière tout en étant guidée pour ne pas souffrir de sa brutale honnêteté. Elle avait remporté un télé-crochet sur la base d’un marché douteux fait à son insu, elle venait d’une franchise dont le nom suintait le marketing par tous les interlignes des alinéas rédigés en caractères minuscules dans son contrat de confidentialité, elle venait d’un cocon où le père était l’entité contrôlante dans toute sa splendeur, elle avait des bagages trop lourds à porter au sujet de tout ça pour accepter d’être une énième poupée qui parle — qui chante, en l’occurence. Ce n’était pas qu’une question d’ego ni même une façon de soigner ses blessures et traumatismes pour reprendre la main et enfin faire les choses à sa façon : elle ne voulait pas mentir aux gens et leur donner l’impression d’être quelqu’un d’autre. Jo avait ses mauvais côtés comme ses bons, et si les premiers prenaient plus de place que les autres, les exagérant un peu pour protéger sa propre sensibilité, elle ne voulait pas qu’on la croit sous-emprise de la bien-pensance, elle voulait garder sa voix, dans tous les sens du terme "J’ai assez de respect pour les gens qui me suivent pour pas vouloir faire comme vous tous, et rentrer dans le rang sous le prétexte que c’est ce qu’il faut faire, ou que c’est ce qu'on attend de moi. Ça me facilitera pas la tache, ça m’a déjà pas facilité la tache, je sais très bien ce qu’on dit sur moi —" Et ça ne semblait pas la déranger plus que ça, le sourire en coin qu’elle laissa filer en continuant sa phrase, et puis la terminant par un haussement d’épaules "— mais je préfère encore avoir mauvaise presse que de pas pouvoir me regarder dans le miroir parce que ce que je donne vient pas de moi."

C’était presque comique que le rôle que Mabel semblait vouloir jouer colle à l’éthique de Jo. D’ailleurs, elle le lui fit remarquer à sa façon "Une femme qui ne se laisse pas dicter ni quoi faire ni quoi dire ? Je suis curieuse de savoir si elle trouverait ça rédhibitoire de sortir des clichés et de rester elle-même, tiens." Elle arqua un sourcil, fière de pouvoir user de sa rhétorique sans être trop véhémente cependant, et se rassit bien confortablement dans son siège en alternant la position des manches de sa veste oversize pour, cette fois, couvrir entièrement ses épaules, et demander à la jeune femme qui continuait à lui confier les grandes lignes du rôle qui la faisait rêver. Elle fût interpellée par la suite, le bout de ses doigts se nouant entre eux pendant qu’elle lui demandait "Et pourquoi c’est si important pour toi qu’elle soit queer ? C’est une cause que tu soutiens, tu parles d’expérience ?" Dénouant ses doigts pour lever les mains devant elle en signe de réédition anticipée, elle annonça la tête penchée "Juste des questions, t’es libre d’y répondre ou non." Mais elles étaient là pour s’interroger mutuellement après tout, et Jo ne faisait que rebondir sur ce que la jeune femme lui disait, alimentant une discussion surement pas assez houleuse pour ceux qui l’avaient organisée.

Et peut-être auraient-ils ce qu’ils voulaient si Mabel continuait à la taquiner comme elle était en train de le faire. Le profil détournée d’elle pour demander à l’équipe si elle pouvait reprendre sa réponse, celle qui l’avait fait buter en plein milieu, elle entendit la voix de la jeune femme résonner à ses oreilles comme des ongles sur un tableau noir. Sa réaction fût immédiate, aussi brutale qu’elle était menaçante, ses yeux noirs se posant sur elle, et un doigt se plantant à distance dans sa direction "Redis plus jamais un truc comme ça, tu m’as bien entendue ?" Ce qui s’était passé lors de sa victoire n’avait pas dépassé les bureaux bien fermés de la production de l’émission, tout était sous-contrôle, et personne n’avait remis en cause le résultat final tant Jo avait démontré ces derniers mois qu’elle était une travailleuse acharnée, qui ne se reposait pas sur ses lauriers. Mais des questions commençaient à se poser à propos du bienfondé du duo final, quand l'un des deux concurrents n’auraient eu que faire du prix mis à disposition du futur gagnant. Midas avait déjà un contrat avec une maison de disque, il avait déjà suffisamment d’argent pour ne pas avoir besoin d’une avance, de fait était-ce logique d’avoir monté en épingle une confrontation avec sa concurrente de toujours quand au fond, elle était celle qui aurait eu plus d’intérêt à remporter la victoire ? Elle sentit sa gorge se rétracter en même temps que son estomac, ses yeux ne se délogeant pas de ceux de Mabel qui avait peut-être senti que là, elle ne plaisantait pas, et qui essaya de recentrer la discussion tandis qu’autour, un ange s’était faufilé. Il disparut quand la caméra se remit à tourner, attendant le signal de Jo qui fit le point sur ce qui se passait en elle-même, et décida de baisser le doigt et les yeux pour répondre à la question de Mabel "Non, j’ai pas écrit sur moi." avoua-t-elle, même si c’était en partie faux, et que ce sur quoi elle avait écrit relatait en partie tout ce qu’elle avait ressenti durant le court laps de temps où elle en avait assez voulu à Midas pour vouloir le torturer un peu. Mais la réalité l’avait vite rattrapée "J’ai écrit sur ce que m’inspirait une situation dans laquelle je me trouvais à l’époque, et j’ai déroulé le fil de ce que je ressentais jusqu’à aujourd’hui, où je respire plus sereinement." C’était une façon de le dire avec philosophie, preuve qu’elle était capable d’en faire preuve même si sur le coup, elle en voulait à Mabel d'avoir dit ce qu'elle avait dit tout à l’heure, et que l’état d’urgence dans lequel elle se sentait maintenant la mettait un peu mal à l’aise. Se reprenant néanmoins, elle se redressa, et revêtit sa panoplie de séductrice en regardant directement dans l’oeil de la caméra pour ajouter "Mais j’ai pas envie d’en parler aujourd’hui. Mon album sort dans quelques semaines seulement, je veux éviter de gâcher la surprise à ceux qui l’attendent impatiemment." Et elle laissa échapper un clin d’oeil qui appelait davantage l’impatience, aussi enjôleur que l’était redevenue sa voix quand elle avait prononcé ces mots-là.

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"Mais je suis une adulte, et sans vouloir te vexer, je crois pas que ce qui soit le plus difficile à supporter, c’est le regard des autres." Si elle avait voulu faire chialer dans les chaumières, elle aurait ajouté qu’elle avait vécu bien pire que le regard des autres, mais une chose était certaine : quand on regardait Jo, on ne se disait pas que son objectif dans la vie, c’était de prendre les gens par les sentiments. Elle avait certes des choses à raconter, elle ne le ferait jamais sous l’oeil acéré d’une caméra — elle le ferait peut-être sur le divan d’un psy un jour, mais quand elle serait assez vieille pour savoir que c’était nécessaire. Là, elle préférait encore ignorer tout ça "Je sais que la pression des regards est parfois contraignante, mais la plupart d’entre nous, on a choisi d’y être exposé. Alors je sais, tant qu’on est pas soumis aux appareils-photos et aux caméras en temps réel, on peut que s’imaginer ce que ça fait de les subir même quand on a besoin d’un peu d’intimité, mais je crois aussi que ça fait partie des règles du jeu, et que c’est à nous de les maîtriser pour pouvoir en faire ce qu’on veut, et pas être trop perdant à la fin." Elle pensait à Midas, à la manière dont il réussissait à rester sous le radar la plupart du temps parce qu’il avait su se protéger de tout ça en faisant les choses correctement. Ça l’isolait bien sûr, il regrettait parfois de ne pas pouvoir passer du temps avec sa fille sans faire privatiser tel ou tel endroit, il regrettait de devoir la faire passer pour sa nièce plus encore que tout ça, mais il n’était pas malheureux, au contraire. Il avait aussi compris que c’était le prix à payer pour continuer à faire ce qu’il aimait faire le plus, à partir de là c’était sans doute plus facile à supporter, même si son humilité le rendait prompt à rêver de simplicité "Je comprends ton point de vue, t’as toujours été sur le devant de la scène, et j’imagine que ça a pas dû être simple, mais le débat c’est pas ça, le débat c’est : qu’être scruté, c’est pas un prétexte pour devenir une coquille vide." Elle remit les choses à leur place, continuant sur le même ton "Je protège ma vie privée autant que tu le fais, peut-être même plus, si tu savais — " Elle relâcha un léger rire. Vraiment, à part les quelques fausses rumeurs qui courraient à son sujet, qui savait quoi que ce soit sur Jo Carter ? Elle reprit comme si elle ne s’était pas interrompue "— je dis juste que c’est pas incompatible avec mon envie de contrôler l’image que je renvois, et donc de rester moi-même." Pas un produit qu’on voulait survendre par appât du gain. De son avis, c’était encore ça le pire qui pourrait lui arriver, qu’importe ce que Mabel, ou les autres, en disaient.

"Intéressant." La bisexualité de Mabel ne choqua pas Jo qui se contenta de hocher la tête en écoutant la suite de son discours. Tous se devait d’être tellement sérieux avec elle que ça lui donnait un peu envie de pouffer de rire "Tu t’en es rendue compte comment ? C’était qui ton girl crush d’adolescente ?" Ça commençait toujours comme ça, non ? Le sentiment de ne pas vraiment savoir si on jalouse, admire, ou si on désire une copine proche de nous, une femme dans la rue, une célébrité dans les pages des magazines. Jo y était passée elle aussi, et ce sans que ça ne la torture plus que ça au demeurant. C’était juste comme ça, et elle n’y pouvait pas grand-chose. Sa propre bisexualité lui avait permis de savoir ce qu’elle préférait, et de faire le point sur qui elle était sans se mettre de vraies barrières. Elle avait aussi été une échappatoire à une époque où comparer tous les hommes qu’elle croisait à Midas était une torture à laquelle elle ne voulait plus se soumettre, alors peut-être que ça faisait d’elle une horrible opportuniste, mais elle ne regrettait rien. Elle ne ferait pas marche-arrière, elle savait qu’elle n’était pas faite pour faire sa vie avec une femme dans tous les cas, même si elle en rencontrait une qui bousculerait ses certitudes. Elle n’y croyait pas, elle n’avait jamais atteint ce stade, aussi les puristes diraient sans aucun doute qu’elle n’était pas une vraie bisexuelle, mais elle ne faisait pas tourner sa vie autour de son orientation sexuelle de toute façon, donc ils pouvaient très bien aller se faire foutre, eux aussi, tant qu’ils y étaient.

"Non, je veux garder ça pour la sortie officielle. J’ai signé aucun contrat d’exclusivité pour te faire des confidences, Mabel." Elle battit des cils avec exagération. Elle tachait de reprendre sur elle, s’étant laissée perturber par l’écart de parole de la jeune femme qu’elle n’avait pas plus envie que ça de fustiger pour sa maladresse ; mais un sujet restait sensible chez Jo, qu’importe qu’on soit capable de deviner lequel ou pas. S’étant tendue, elle se somma de faire le contraire, et se recentra sur ce que Mabel était en train de lui dire. Elle pinça les lèvres, sentit l’épaisseur de son gloss s’agglomérer jusqu’à l’ourlet charnu de sa bouche alors qu’elle réfléchissait à la réponse qu’elle allait accorder à la blonde "J’ai sorti qu’un titre pour l’instant, comme je te l’ai déjà dit. Ma promotion se résume à pas grand-chose à cause d’Olga, alors je peux pas encore me réjouir vraiment d’avoir pu prouver quoi que ce soit, ou même d’avoir pu en profiter." Même si son premier titre parlait de lui-même, que ses ventes et ses streams dépassaient le stade de l’enthousiasme, atteignait désormais celui d’un succès retentissant "J’écrivais plus beaucoup avant l’année dernière." Elle n’avait pas envie de dire avant ma victoire "L’envie était plus tellement là, et puis j’avais pas le temps. Bref, je croyais avoir perdu la capacité d’écrire des bons trucs à un moment donné, je tournais toujours autour de vieux textes que j’ai jamais pu enregistrer, ça faisait qu’enfoncer le couteau dans la plaie." Elle fronça les sourcils, essayant de rassembler sa façon de penser, surtout de ne pas se laisser consumer par ses souvenirs de l’époque, ou sa défaite l’avait dévorée toute entière "De me rendre compte que j’étais toujours douée pour écrire, ça m’a rassurée. Je suis partie deux mois en retraite d’écriture à la campagne, je croyais que j’allais détester, mais j’ai fini mon séjour en robe à fleurs, à siroter de la tisane sur le porche." En d’autres termes, elle avait adoré. Ça la fit sincèrement sourire d’y repenser, pas seulement parce que Midas avait fini par la rejoindre à un moment donné "Même si ce que j’ai écrit a pas toujours été agréable à mettre en forme, que ça m’a demandée un peu d’introspection, je crois que réussir à m’y remettre, ça a été la meilleure chose qui me soit arrivé cette année au point de vue de ma carrière." Par conclusion logique, c’était ce qu’elle avait préféré faire. Mabel comprendrait, elle n’était pas idiote "Tu devrais te lancer tu sais, dans l’écriture." Elles en avaient déjà discuté, aussi elle se permettait de remettre le sujet sur le tapis, se sentant plus apaisée de parler de ça que d’autre chose, et lui accordant un regard moins noir que tout à l’heure, sa tête s’inclinant doucement sur le côté.

it's better the devil you know
@Mabel Griffiths ☆ crédit/josshelps

Jo n’allait pas pleurer sur le sort d’une petite-fille riche, une évidence qu’elle n’avait pas besoin de rendre verbale tant le discours de Mabel lui inspirait rien d’autre qu’un roulement d’yeux. Elles avaient des avis divergents sur la manière de gérer sa célébrité, de gérer sa vie privée plus précisément. Jo n’était pas du genre à s’appesantir sur les difficultés, que ce soit les siennes ou celles des autres, surtout quand ces autres ne faisaient pas partie de son cercle proche. La compassion de Jo avait ses limites en somme, et même si elle comprenait très bien que ça avait dû être compliqué pour Mabel lorsqu’elle était une petite-fille, elle n’avait pour autant pas envie de la questionner davantage sur ce sujet. Mabel était une adulte désormais, elle avait les moyens de reprendre son destin en main et de faire en sorte de ne pas faire subir à sa propre fille ce qu’elle avait vécu et de la protéger à la hauteur de ses moyens — Midas le faisait très bien, au point que personne ne savait que Posy était sa fille, alors c’est que c’était possible, ceux prétendant le contraire ne faisant que se chercher des excuses pour ne pas faire suffisamment d’efforts pour prendre soin de leurs proches. Si elle avait réellement voulu faire un débat de tout ça, elle lui aurait tout simplement dit de faire comme tous les gosses avec des traumas, et de tourner la page, tout simplement. Plus facile à dire qu’à faire, elle le savait mieux que personne, mais encore une fois, elle n’était pas une grande fan de l’auto-apitoiement, elle préférait encore paraître dure que de chialer sur ce qui la taraudait vraiment et rameuter la pitié environnante pour qu’on compatisse à son sort. Chacun connaissait des épreuves à son échelle, il n’y avait pas de hiérarchie à apporter à ce que l’un ressentait comme quelque chose de dur quand l’autre jugeait ça tout bonnement indécent de s’en plaindre : c’était la vie tout simplement, il fallait faire et avancer avec "Donc t’aimes les blondes. J’ai pas la moindre chance, trop dommage." Ça c’était pour les caméras à qui elle jeta un regard complice, brisant le quatrième mur pour faire le spectacle et plissant son nez alors qu’elle préférait reprendre la conversation sur un pan moins critique que ses dernières minutes ou la tension avait grimpé et où Jo s’était sentie un peu sous pression. Elle décroisa puis croisa à nouveau les jambes, tenant ses doigts les uns avec les autres en restant concentrée sur les propos de Mabel "Et tu l’as jamais revue ? C’est peut-être le moment de lui faire passer un message, on est filmées après tout." fit-elle remarquer, aussi malicieuse qu’elle n’était pas sérieuse, consciente que Mabel ne se risquerait jamais à faire passer un message à une ancienne flamme "T’as fait ton coming out de quelle façon ?" Elle ne la questionnerait pas sur la réaction de ses parents, elle avait fini par comprendre que le sujet était épineux à la vue de leur notoriété, mais elle était curieuse de savoir comment la jeune femme avait matérialisé tout ça et ce que ça avait inspiré à son public.

"C’était pas un syndrome de la page blanche." Loin de là, ce qu’elle avait vécu durant six ans, c’était tout simplement un refus de son âme d’accepter qu’elle avait fait tout ça pour rien en la faisant camper sur une rancoeur trop profonde et des souvenirs trop difficiles à supporter "C’était juste que je sortais d’une émission qui marchait fort dans laquelle j’avais toutes mes chances et que j’ai finalement perdue." Elle demanderait un jour où l’autre à voir les chiffres officiels, maintenant qu’elle savait qu’elle n’avait pas vraiment perdu, peut-être que ça allégerait son sentiment à ce sujet, encore que ça ne changerait pas grand-chose aujourd’hui, mais on lui devait au moins ça "Je l’ai mal géré, et comme j’étais très mal entourée, que rien n’a été fait pour que ma carrière décolle, j’ai préféré arrêter les frais avant de perdre ma dignité qu’on avait déjà bien piétiné si tu veux mon avis, mais j’imagine que je suis pas objective à ce sujet." Une explication qui se valait au demeurant, même si au-delà de sa défaite, il y avait tout un chapitre plus personnel dont elle ne parlerait pas face caméra ; peut-être le ferait-elle dans dix ans, quand on imposerait aux anciens candidats de sa promo une rétrospective de leur parcours commun à X-Factor et qu’il serait temps d’avouer que, déjà à l’époque, il se passait quelque chose avec Midas sans qu’il ne se passe vraiment quelque chose — ils parleraient de leur baiser la veille de la finale pour la première fois si ça se trouve, de quoi faire fleurir un nouveau regain d’intérêt, à croire que leur histoire était une mine inépuisable de rebondissements. Elle roula ses lèvres l’une sur l’autre, reprenant à la suite de la question de Mabel "Imposée par mon entourage, mais c’est le truc le moins désagréable que j’ai dû faire sous la contrainte. J’ai juste du mal à rester concentrée, ils ont voulu me canaliser en promettant des tours de poneys. Ça m’ennuie de l’avouer, mais ça a plutôt bien fonctionné." Encore une fois, elle adressa un regard malicieux à la caméra, bien qu’elle le disait sans ironie. Juste après, elle opina du chef en prenant sens de ce que la blonde lui répondait à propos de la manière dont elle percevait l’écriture "Je te parle d’écrire des chansons, pas d’écrire un bouquin." Elle eut un léger rire, surement un peu condescendant, pourtant elle était loin de l’être cette fois. Ça l’amusait juste de saisir comment les gens percevaient le travail artistique des auteurs-compositeurs ; soit comme un truc linéaire qui s’opérait comme du travail de bureau "On se pose jamais pour écrire une chanson en une fois, avec un thème, une trame, des paroles, et une mélodie. C’est souvent des bribes d'idées que tu notes quand ça te vient, et qui s’accole à une autre que t’as écrit trois semaines ou trois mois avant. La mélodie peut venir de fichier que t’as mis de côté depuis des années, c’est du bric-à-brac désorganisé, la création de bonnes chansons — de mauvaises aussi d’ailleurs, elles le sont souvent toutes au début, il faut les retravailler tous les jours." Elle haussa les épaules "Moi en tout cas, c’est comme ça que je travaille ; des bouts de choses auxquelles je pense, et que je note pour pas les oublier. Ça m’arrive d’avoir des jets de plusieurs lignes dans la foulée, mais on écrit pas une chanson comme on écrit un chapitre" Pas toutes en tout cas, ce qui la fit revenir sur ses paroles après un très court moment de réflexion, son corps se redressant quand elle avoua "La seule fois où je me suis vraiment posée pour écrire un titre de bout en bout, c’était avec Midas. Il avait déjà travaillé quelques trucs en amont, mais la chanson telle quelle existe aujourd’hui, on l’a travaillée ensemble que quelques heures à peine, c’est allé très vite." Comme ils l’avaient expliqué dans de maintes interviews pour la promotion de leur titre "Mais je comprends ce que tu veux dire." finit-elle par dire, respectant malgré tout le processus créatif de ses congénères, et n’ayant rien à y apporter tant c’était intime. Elle ajouta dans un sourire à l’adresse de la jeune femme "Ça viendra. Ou pas. Tout le monde ne ressent pas le besoin d’écrire ses propres textes, y aussi de très bons interprètes." C’était peut-être le cas de Mabel, ça ne la rendait pas moins artiste que qui que ce soit.