TU SAIS, JE SUIS PAS PRÊTE À TE VOIR GRANDIR, J'AI PEUR DE CE QUE TU VAS DEVENIR PARCE QUE JE SAIS CE QUE C'EST D'AVOIR MAL. JE POURRAIS PAS T'EMPÊCHER D'AVOIR MAL. TU SAIS, JE VEUX QUE TU SOIS HEUREUSE ET JE VEUX TE VOIR TOMBER AMOUREUSE ET MÊME SI JE VAIS TE PROTÉGER PARFOIS JE VAIS DEVOIR TE VOIR TOMBER
« D'ici quelques années, oui sans aucun doute, mais pour le moment c'est encore maman qui est un peu plus forte que Lucy, pas de beaucoup mais quand même un peu, enfin j'espère. » Le niveau en cuisine d’Alex a toujours été sujet à plaisanterie entre nous, bien que plus d’une fois celui-ci m’a profondément dépité. Heureusement pour elle, notre fille de trois ans n’est pas encore meilleure qu’elle quand il est question de cuisiner quelque chose pour la famille. Pour le moment, parce que si Lucy s’intéresse vraiment à la cuisine il ne lui faudra finalement qu’assez peu de temps pour dépasser sa mère. Mais ce qui est drôle c’est de constater qu’elle semble penser avec sincérité être meilleure cuisinière qu’Alex. Lucy aime beaucoup être avec moi en cuisine et m’aider à son niveau, mais elle n’a que trois ans alors autant dire qu’elle ne fait pas grand-chose mais sa toute petite contribution semble lui donner beaucoup de confiance et finalement c’est assez touchant. « Pour le moment, oui. » Parce que Lucy n’a que trois ans finalement et si elle avait déjà dépassé les compétences culinaires de sa mère, ce serait vraiment très inquiétant. Si elle a pour le moment réussi à parler à la maîtresse durant quelques secondes on peut très clairement voir qu’elle n’est toujours pas entièrement rassurée. Mais je ne peux que la comprendre, et je pense qu’Alex et moi avons tous les deux consciences qu’il lui faudra quelques jours pour s’adapter à ce nouveau rythme de vie et prendre ses marques ici. Elle ne connaît personne, à part Lena et si même celle-ci essaye tant bien que mal de rassurer sa sœur ce n’est pas une mince affaire car Lucy semble décidée à ne pas partir à l’école aujourd’hui. Elle ne veut pas nous voir partir pour la laisser elle et sa sœur seules entourées de gens qu’elles ne connaissent pas. Ce qui ne semble en revanche pas déranger Lena, elle tire doucement sur la main de Lucy elle veut partir à la rencontre des autres enfants. « Ma puce, les papas ne peuvent pas rester à l'école, mais il sera là pour venir te chercher à la sortie de l'école. » Lucy voudrait que je puisse rester avec Lena et elle aujourd’hui, et même si cette idée ne me déplairait pas à moi non plus je sais que ce n’est malheureusement pas possible. Toujours agenouillé pour être à sa hauteur, en entendant la réponse de sa mère les premiers signes d’une nouvelle crise de larmes commencent à refaire leur apparition. « Heeey ma belle, regarde-moi. » Ses yeux verts imbibés de larmes se plongent dans mon regard. « T’es la meilleure, et même si je sais que là c’est dur ça va très bien se passer. » « Je veux pas que tu partes. » Mon cœur se serre. « Je serais toujours là pour toi ma princesse. Tu sais à quel point je t’aime, pas vrai ?» Doucement, elle acquiesce alors qu’avec mon pouce je viens essuyer une larme qui coule le long de sa joue. « Regardes moi ma chérie. Quand papa part au travail, tu vas pas au travail avec papa non ? Et bien ici c'est pareil, c'est ton lieu, c'est l'endroit des enfants et papa et maman ne peuvent pas rester ici mais tu es avec Lena et on revient te chercher tous les deux ce midi. Tu vas t'amuser ici, tu vas te faire des copains et des copines, et cet après midi on sera tous les quatre et tu raconteras à papa tout ce que tu auras pu faire, ça va aller ma puce, tu es la plus courageuse, je t'aime tellement, tout va bien se passer. » Alex parle beaucoup trop d’un coup pour une petite fille de trois ans qui est apeurée, et on peut très clairement voir dans les yeux de Lucy qu’elle s’est perdue dans les mots pourtant justes de sa mère assez rapidement. « Tu sais que j'aime pas dire des bêtises, pas vrai ? » Lucy hoche ma tête de haut en bas. « Alors ça veut bien dire que maman et moi on a raison quand on te dit que tout va bien se passer. » Lucy me regarde quelques secondes avant que son regard ne se pose sur Alex et alors que Lena la sollicite pour qu’elles nous quittent enfin afin d’aller faire connaissance des autres enfants, c’est un regard mélangeant l’inquiétude et l’envie de partir avec elle qu’elle regarde sa sœur. « N’oublie pas ce que je t’ai dit tout à l’heure ma princesse. » Qu’ici, c’était comme la crèche. Difficile au début mais qu’elle a fini par s’y faire et même s’y plaire. En entendant mes mots et ceux de sa mère, pour la première fois Lucy lâche doucement ma main pour s’avancer avec sa sœur. « Il va falloir qu'on y aille chéri, je vais fondre en larmes si on reste là, je crois que ça devient dur de gérer les émotions là. » Je les regarde toutes les deux s’éloigner de nous le regard de nouveau rempli d’émotions et des larmes menaçant à nouveau de s’échapper de mes yeux, et alors que je m’apprêtais à tourner les talons pour quitter la classe Lucy revient à nouveau vers nous. « Un dernier câlin ! Tu viens tout à l'heure hein, tu promets papa ? » Et donc pour accueillir ce câlin je me baisse de nouveau à sa hauteur pour la serrer dans mes bras. « Bien sûr ma belle, promis. » « Je t'aime papa, je t'aime maman, à tout à l'heure. » C’est un sourire mélangeant la tristesse mais aussi beaucoup de fierté qui s’étire sur mes lippes. « Je t’aime aussi ma princesse, on est très fiers de toi ! » Et la voilà qui repart vers sa sœur. Lena se tourne vers nous avec un grand sourire ne faisant un signe de la main. Je l’imite, avec ce même sourire mais aussi une ou deux larmes qui coulent à nouveau et avant que Lucy ne change d’avis nous faisons demi-tour.
C’est en silence que nous quittons l’enceinte de l’école et la première chose que je fais lorsque nous en sortons, c’est fouiller dans mes poches pour en sortir une cigarette. « Ça va, ça aurait pu être pire. » que je finis enfin par dire. Et c’est vrai. Lucy aurait pu se montrer encore plus inquiète, encore plus réticente à l’idée de commencer son premier jour d’école aujourd’hui mais pourtant elle a tout de même réussi à nous écouter. Maintenant que nous avons laissés nos deux filles à l’école, c’est une toute nouvelle étape de leur vie qui commence et qui risque de les changer à tout jamais. Lucy a beaucoup pleuré – et moi aussi, soyons honnête – mais j’ose espérer que lorsque nous irons les chercher tout à l’heure c’est avec un sourire aux lèvres qu’elle nous racontera cette première journée à l’école. Mon inquiétude est toujours là, je pourrais me tourner vers Alex pour m’apaiser mais je lui en veux encore de m’avoir lâchement abandonné au moment où Lucy a fondu en larmes. C’est donc ma cigarette qui endosse ce rôle.
Tu sais, je suis pas prête à te voir grandir J'ai peur de ce que tu vas devenir Parce que je sais ce que c'est d'avoir mal Je pourrais pas t'empêcher d'avoir mal Tu sais, je veux que tu sois heureuse Et je veux te voir tomber amoureuse Et même si je vais te protéger Parfois je vais devoir te voir tomber
Depuis le départ de la maison, je redoute ce moment, celui ou nous allons devoir laisser Lucy à l'école et depuis notre arrivée dans l'école, nos doutes se confirment puisque les larmes et les pleurs de Lucy menacent à chaque moment. Elle s'est pourtant calmée grâce à son père, mais elle semble sur le point de pleurer à nouveau quand je lui annonce que son papa ne peut pas rester à l'école avec elle. Je voudrais la prendre dans mes bras et céder, lui dire que tout ira bien, qu'elle va rentrer avec nous, mais ce n'est pas la solution et au fond de moi je le sais. Mais, voir ses petites lèvres trembler signe de son émotion et des larmes qui menacent, je me sens démunie et à court de solution, heureusement Caleb est toujours là et il tente de rassurer Lucy. « Heeey ma belle, regarde-moi. T’es la meilleure, et même si je sais que là c’est dur ça va très bien se passer. » Je sais que c'est difficile pour lui aussi et qu'il prends sur lui pour tenter de rassurer notre fille. J'entends les mots de Lucy, j'entends notre fille dire à Caleb qu'elle ne veut pas qu'il parte et si les mots de Lucy me touchent, je devine comme ça doit être dur de tenir pour Caleb. « Je serais toujours là pour toi ma princesse. Tu sais à quel point je t’aime, pas vrai ?» Elle a son regard figé dans celui de Caleb, elle cherche la douceur, la confiance dans le regard de son père et elle reste quelques secondes à le regarder. « Moi aussi je t'aime papa, grand comme ça. » Elle écarte les bras pour les ouvrir aussi grand qu'elle le puisse, juste pour montrer à quel point elle aime son père, mais à peine ses bras grands ouverts qu'elle les referme pour rester agripper à Caleb. Je veux être présente pour Lucy mais aussi pour Caleb, je veux rassurer ma fille et soutenir mon mari, je veux être une mère pour Lucy et être suffisamment rassurante pour eux, mais je suis pas vraiment douée pour ça. J'en ai pourtant passé des longues minutes à rassurer Lucy après le départ de son père au travail pendant une longue période, mais aujourd'hui, je n'y arrive pas. Je suis démunie et je me sens dépassée, incapable d'être là pour eux, et je me perds dans mes paroles. Je parle trop et trop vite, j'essaye de rassurer Lucy mais je peine à rester calme et je suis incapable d'être présente pour elle ou pour Caleb qui doit se débrouiller pour essayer de rassurer notre fille, ce que je suis incapable de faire. « Tu sais que j'aime pas dire des bêtises, pas vrai ? Alors ça veut bien dire que maman et moi on a raison quand on te dit que tout va bien se passer. » Elle regarde Caleb et c'est ensuite sur moi que son regard se pose comme pour vérifier que je suis d'accord avec les propos de son père. « Papa a raison, je te promets, tout va bien se passer et tu vas t'amuser ici. » Je mesure mes paroles, j'essaye d'être sur de moi pour qu'elle ne doute pas, pour qu'elle prenne confiance elle aussi mais je ne suis pas sûre d'être capable de rassurer ma fille aujourd'hui, Caleb semble bien plus doué que moi la dessus, comme dans beaucoup de choses finalement. « N’oublie pas ce que je t’ai dit tout à l’heure ma princesse. » Elle décroche un petit sourire à Caleb en entendant les mots de son père et ce petit surnom qu'il donne à nos filles, et elle commence à rejoindre Lena, non sans nous regarder à plusieurs reprises. J'ai les larmes au bord des yeux en la voyant s'éloigner avec Lena, et l'émotion qui monte me fait craindre de ne pas pouvoir gérer, mais est-ce que je gère vraiment depuis tout à l'heure finalement ? Je pense pas non. Mais, Lucy semble accepter de s'éloigner de nous, de partir avec sa sœur qui l'attends pour aller jouer et partir à l'aventure et alors que je pensais que Lucy était prête et qu'elle avait accepté l'idée que l'on parte, elle fait demi-tour et court vers nous. Si elle pleure, je vais pleurer c'est sur et je ne veux pas alors je lutte fort. Elle ne pleure pas, elle ne s'effondre pas en larmes, elle n'agrippe pas à Caleb en lui demandant de rester encore, non elle veut juste un dernier câlin et une promesse de son papa. « Je t'aime papa, je t'aime maman, à tout à l'heure. » Je lui souris, cachant du mieux que je puisse toute l'émotion qui me submerge mais je suis fière d'elle, je suis fière de nos deux filles et les voir se soutenir, les voir être là l'une pour l'autre, c'est aussi très touchant. « Je t'aime aussi ma puce, à tout à l'heure. » Lena attrape la main de Lucy au moment ou sa sœur arrive à sa hauteur et c'est avec un simple geste de la main que Lena nous fait comprendre qu'il est temps de partir. Elle est bien plus indépendante et si c'est un soulagement de la voir aussi à l'aise, j'aurais bien aimé un câlin de Lena avant de la laisser, mais elle n'en a pas besoin alors je me contente de son signe de la main et de ce sourire sur ses lèvres qui prouvent qu'elle est à l'aise et qu'elle se plaît ici, et c'est le principal finalement.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés dans la classe et dans l'école, mais nous n'avons pas entendu les pleurs de Lucy quand nous avons passé la porte et j'espère qu'elle va se plaire et qu'elle ne va pas fondre en larmes, mais tout ça c'est désormais hors de notre contrôle et si je ne peux m'empêcher d'y penser, je ne peux rien y faire et dans tous les cas, j'ai vu que je n'arrive pas à apporter la sécurité nécessaire à Lucy pour la rassurer. C'est à ça que je pense quand nous quittons l'école, et alors que Caleb sort son paquet de cigarette de sa poche, j'en profite pour lui en piquer une aussi. Je ne fume pas beaucoup mais parfois le besoin se fait sentir. « Ça va, ça aurait pu être pire. » Je lève les épaules en tirant sur la ma cigarette. « Heureusement que tu étais là. » Parce que oui ça aurait pu être bien pire, mais il a géré malgré la difficulté que ça pouvait être pour lui de voir sa princesse pleurer, il a géré, moi pas. « Mais, j'espère que ça va bien se passer ce matin. » Parce que si ça se passe mal, je redoute les prochains matins et les crises de larmes qui vont accompagner tous les jours d'école. Je me sens nulle aujourd'hui, mais ce n'est pas la première fois, loin de là, et pas la dernière fois ou je me sentirais nulle, mais c'était un jour important pour nos filles, et pour nous et j'ai échoué dans mon rôle de mère. Je m'en veux, et je suis certaine que Caleb m'en veut aussi, et j'entends encore la voix de Lucy qui me demande de ne pas partir en me prenant la main. Je dois faire mieux, pour nos filles, pour Caleb aussi et aujourd'hui, j'ai pas été à la hauteur de ce qu'ils méritent. Je voudrais m'excuser auprès de Caleb, lui dire que je suis désolée de ne pas l'avoir soutenu plus et surtout de ne pas avoir été rassurante pour Lucy, mais c'est trop tard maintenant. « Lena avait l'air heureuse. » Voilà, ce à quoi je veux essayer de penser désormais, à notre seconde fille, heureuse et excitée à l'idée de découvrir cette nouvelle aire de jeu, et même si elle est parfois un peu trop indépendante pour son âge à mon sens, la voir s'épanouir et grandir me rends fière et heureuse. C'est leur première rentrée, leur premier jour d'école, le premier d'une longue série, et c'est aussi une nouvelle étape qui montre qu'elles grandissent. Elles ne sont plus des bébés, et c'est avec un mélange de fierté et d'angoisse que je prends conscience de tout ça et de tout ce que ça va entraîner, elles grandissent, et je dois juste être présente pour les accompagner, les protéger, les soutenir et c'est finalement une sacré responsabilité qui me terrifie un peu et c'est en fumant que j'essaye de gérer tout ce que cette matinée vient réveiller d'inquiétudes en moi.