T’étais arrivée avec les hormones en ébullition. Ça ne s’explique pas et tu ne cherches jamais à savoir. C’est juste toi et ce n’est pas surprenant. Alors cette fois, quand t’es rentrée à la maison, t’es directement allée dans le studio de Jordan. T’espérais qu’il ne soit pas avec des clients parce que ça serait très frustrant autrement. Merlin est avec toi, ton fiancé est seul et c’est sans scrupule que tu vas sur ses jambes. Les banalités des salutations, on s’en passe volontiers alors que tu grignotes son cou. Cependant, il a fallu ôter ton haut pour avoir son entière attention sur tes intentions plus lubriques et excitantes les unes que les autres.

Autant tu n’as jamais craché pour les surprises, t’aimes les surprises tant qu’elles ne font pas mal ou souffrir. Autant tu ne t’attendais pas à celle de jour. Tout était parfait mais il y avait un truc qui ne voulait pas suivre la cadence ; la virilité de ton homme. Et malgré tous les moyens que vous mettez en œuvre, rien ne vient. Il faut bien avouer que ça te blesse un peu car jamais t’aurais pensé que ça araut pu arriver un jour. « I don’t know what’s going on. » T’as un pincement au cœur mais tu souris quand même en caressant sa joue avant de déposer un baiser sur ses lèvres. “C’est pas grave.” Tu mords ta lèvre en caressant son torse de ton autre main. “Ca doit être… Pas surprenant que ça arrive parfois ?” Tu murmures sous forme d’interrogation car t’en sais rien. T’as jamais eu ce genre de problèmes avant. Ou tu ne t’en rappelles pas. “C’est la première fois que ça t’arrive ?” C’est la question la plus importante après tout. Enfin, il y en a bien une autre qui te vient à l’esprit mais tu ne préfères pas l’accabler de questions car lui-même t’a dit qu’il ne savait pas ce qu’il se passait. Jordan n’a pas à se sentir coupable autant que tu n’as pas à te sentir blessée ou vexée. Et pourtant. Tu ne peux pas trop t’en empêcher malgré tout.

« En étant sobre ouais… Avec une femme aussi… » Tu déglutis. Il doit y avoir plusieurs raisons, des raisons aussi variées que multiples pour ne pas que ça démarre. Qui te dépasse toi et qui dépasse Jordan. Tu n’as pas envie de croire que c’est vous directement le probable. Les deux ou seulement l’un d’entre vous, ce n’est pas concevable. Si y a bien un truc qui roule plus que bien depuis que vous êtes ensemble, c’est ça. Hell, c’est même ça qui vous a rapproché avant même que vous soyez ensemble. « Ah non. Y’a eu une meuf une fois. J’étais très stressé mais j’ai réussi à bander au bout d’un moment… » Mais j’ai réussi à bander au bout d’un moment. Il était stressé. Il est stressé là ? Qu’est-ce qu’il peut y avoir de stressant ? Tu étais dans ta naïveté à croire qu’un mec ne mettait jamais dix ans à grimper, au contraire. Tu n’as connu que des lapins il faut dire. « Mais c’est pas comparable, c’était ma remise en scelle après trois ans sans sexe. » Ouais mais t’as réussi à bander au bout d’un moment. Tu ne vas pas le lui jeter à la gueule. Ce n’est pas de sa faute, il en est contrarié lui aussi. « C’est peut être un effet secondaire de mon traitement… » Tu te relèves car tu commences à avoir mal aux genoux et au dos. Tu n’as rien dit et tu restes silencieuse en allant remettre ton haut et ta culotte. Tu vas t’asseoir à côté de lui, sans rien dire car ton cerveau cogite. T’as pas envie de dire n’importe quoi et rien que ça, ça te demande pas mal d’efforts. “Tu te sens stressé ? Peut-être pas là mais… De manière générale ?” Tu te frottes les paumes sur les cuisses avant de t’enfoncer dans le canapé. “Tu devrais demander à ton psy la prochaine fois si c’est un des effets secondaires.” Si ça l’est, ça va être chiant. Même si son état mental est important, vous avez aussi vos besoins physiques à satisfaire. “Ou alors c’est juste moi qui…” Tu grattes ta nuque avant de secouer la tête. “Nan, j’ai pas envie de penser que ce soit de notre faute à nous.” Tu te répètes en insistant sur le “nous” mais c’est vrai. Ça n'a rien avoir avec vous. Enfin… Pas directement ? Tu te sens tellement paumée car tu ne comprends plus ce que Jordan a envie ou besoin. T’as l’impression que vous avancez d’un pas pour reculer de deux, la dispute de la dernière fois ayant été, encore une fois, bien stupide. Tu ne pourrai même pas situer ce qui aurait pu totalement faire tomber Jordan dans une spirale infernale. Si on oublie cette histoire autour des gosses. Même ça tu ne peux pas croire que ce fut un truc aussi déclencheur.

Alors que tu parles, tu vois Jordan réagir. Quand tu parles de toi. Il n’est certain de rien mais visiblement, de ça, il en est sûr. C’est plutôt rassurant. Cependant, le constat est là ; il n’y a rien. Vous êtes en train de parler au lieu de profiter des plus belles vagues que l’univers puisse offrir. « I can eat your pussy one more time right now with no objection whatsoever. I can tell you it is not you. » Tu hausses une épaule. “C’est pas pareil.” A tes yeux, c’est différent entre donner du plaisir et le recevoir. En l'occurrence, Jordan n’arrive pas à le recevoir aujourd’hui. Tu ne remets pas en doute son attirance envers toi. Mais ça te fait te poser des questions. Est-ce que ça ne serait pas plus profond ? « C’est sûrement lié à ce qui se passe dans ma tête en ce moment. » Qu’est-ce qu’il se passe dans sa tête, alors ? Tu ne le sais même pas. Tu respectes le fait que ton fiancé ne souhaite pas s’étaler dessus. Mais il va bien falloir que ça sorte un jour, non ? « J’ai eu ma séance avec mon psy hier. » “Ah.” Si tes souvenirs sont bons, ça devait être sa première séance depuis votre dispute de l’autre jour. « It was heavy. » Donc… “La séance après notre dispute, c’est ça ?” Tu n’attends pas vraiment de confirmation car t’es plus certaine de toi. Tu prêtes attention à ce genre de détails. Tu masses ta nuque en ramenant une jambe sous tes fesses. “Donc au final, c’est peut-être un peu lié à moi. A nous.” Parce que sans vos disputes, ça irait mieux, non ? “Je… Je sais pas ce qu’il se passe dans ta tête en ce moment. J’ai l’impression que t’es plus à cran depuis quelques mois. J’aurai pensé que trouver la maison t’aurait fait du bien à l’âme.” Tu mords ta lèvre en posant son bras contre le dossier du canapé avant de maintenir ta tête par ta main. “Est-ce que c’est à cause de nos disputes ? Paraît que c’est normal de se disputer. Ca serait même ennuyeux sans.” Oui mais le problème est plus les proportions que ça prend. Ca ne t’a pas échappé que ces derniers mois, vos prises de bec prennent plus de proportions qu’elles n’en méritent. Tu te rappeleras toujours de cette sensation d’abandon quand il est parti chez Maria. “Est-ce que… Est-ce qu’il y a eu un truc déclencheur ? ” Tu hasardes et étales les hypothèses pour tenter d’aider à trouver une réponse cohérente. Tu prends une part de ta responsabilité mais tu ne peux rien faire si tu ne sais pas où réside le problème. Enfin, à part si c’est toi, le souci. Malgré ce qu’il peut dire. Toi et tes réactions, tes tons, ton sarcasme. Il te l’a dit, après tout. Que t’adorai provoquer. Que t’étais horrible. Tu ne l’as pas oublié même si vous n’en avez pas reparlé. Y’a rien à reparler. C’était des mots de colère. C’est ce que t’essaie de te rassurer.

Jordan se masse le visage alors que tu le fixes presque sans ciller. Tu te sens impuissante alors que tu as envie de l’aider. T’ignores juste comment. Mais vous êtes une équipe. La meilleure qui soit. Si tu l’épaules, si tu le soutiens, il ne pourra pas sombrer plus bas. Enfin, à part si c’est toi qui le tire vers ces tréfonds sans même t’en rendre compte. Est-ce que tu serai aussi cruelle ? Aussi horrible ? « C’est encore trop frais j’ai pas assez de recul pour dire des trucs qui font vraiment du sens… Donc je sais pas d’où c’est arrivé ou ce qui s’est cumulé peut être… Je sais pas… Mais c’est vrai que depuis qu’on habite ici je vrille plus… Je sais pas si c’est le changement d’environnement ou les énergies qui sont dans ces murs mais oui… J’ai aussi remarqué que c’est depuis qu’on habite ici… » Les ondes de la maison ne sont pas les plus positives, c’est certain. Mais est-ce que ça ne serait pas une excuse tapis pour camoufler la poussière dessous ? Même si ça peut avoir du sens. L’adaptation peut être compliquée ; Jordan était attaché à sa maison et à son ancien quartier. Il est complètement déraciné et bousculé dans ses habitudes. Il n’est pas comme toi qui changeait de toit tous les quatre matins. « J’ai quelques autres hypothèses qui font du sens mais j’ai pas envie que tu les prennes mal alors que je sais juste pas… Je cherche juste à comprendre. » Tu penches la tête sur le côté. “Quelles autres hypothèses ?” Jordan ne peut pas te dire ça en pensant que tu ne rebondirai pas là-dessus. “J’ai envie de comprendre avec toi, Jor. J’aime pas te sentir comme ça. Tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai ?” Sauf te répéter que t’es horrible, t’as vraiment pas envie de l’entendre de nouveau. Tu t’approches de lui pour aller poser ta main sur son dos et ton menton sur son épaule. “On devrait aussi faire venir un médium pour les énergies néfastes. On n’a rien à perdre à faire ça. J’ai vraiment envie que t’aille mieux.” Tu embrasses son épaule en caressant son dos. Tu n’aimes vraiment pas ce sentiment d’impuissance. Jordan était tellement plus dans l’assurance et le contrôle de sa vie quand tu l’as rencontré. Est-ce que c’est pour ça qu’il pense que tu vas mal réagir ? Car les ondes négatives n’ont peut être rien avoir avec la maison, mais avec toi ?

Tu lances une multitude de pierres dans la mare afin de savoir si y en a une ou deux qui ressortiraient. Qui sembleraient plausibles. Tout comme le contact qui est aussi important que le reste. Rien de grave ne s’est passé mais ça a enclanché quelque chose. Une conversation que tu n’auras pas vu venir en rentrant du travail ce soir-là. « Une autre hypothèse qui rejoint… Le changement d’environnement c’est juste que… J’ai toujours été tout seul et maintenant on partage. C’est un énorme changement dans ma vie ça et j’ai moins l’impression d’être en contrôle parce qu’on est deux et ça n’a rien à voir avec toi. C’est juste… Différent. Nouveau. Et… Y’a eu beaucoup de changements en plus de ça. » Jordan l’avait déjà évoqué. Ces paroles ne sont pas la première fois qu’il les prononce mais c’est la première fois qu’elles reviennent. Tu n’aurais pas cru que c’était à ce point. Le manque de contrôle. Ça serait donc ça le problème ? « Ca va aller c’est juste que… J’ai jamais partagé quelque chose d’aussi important avant. Enfin… Je sais même pas si c’est ça mais voilà… Ça pourrait être lié aussi… Ca ira mieux c’est juste… Une période à passer… » Tu n’as jamais été au contrôle de quoique ce soit, outre ton van. C’est la seule chose qui t’ait appartenu jusqu’à présent. Tu mords ta joue alors que tu poses l’autre sur l’épaule de ton fiancé. Tu réfléchis quelques instants. T’aimerai pas que le silence traîne en longueur. Ça serait de mauvais genre. “T’as été tellement une crème sur tous les choix que j’ai pu avoir pour la maison, à dire oui tout le temps sans quasi aucune résistance que je ne… Je suis pas sûre de comprendre. Ce besoin de contrôle.” Tu fronces le front pour tenter de mettre un sens à tes pensées qui défilent à voix haute. “Ou alors ça n’a rien avoir avec la maison mais que c’est de façon… Générale ?” Ca doit être forcément plus ça parce qu’une maison, ça se revend. “On a vécu ensemble deux ans avant et ça ne dérangeait pas. Bon, j’étais dans ta maison, c’est sûrement pour ça.” Ce n’était pas pour rien que tu ne te sentais pas chez toi pleinement dans la maison de James Street. Jordan était en total contrôle et il n’y avait pas de morceau de toi là dedans. Juste des babioles ici et là pour rappeler ton passage. Donc qu’est-ce que tu dois en conclure ? Qu’il aurait préféré que vous n’achetiez pas ensemble et que tu squattes ? “La seule chose qui change est que tu n’es plus tout seul à payer le crédit.” A vrai dire, pour quelqu’un qui lui a autant parlé de mariage que Jordan, c’est un revirement que t’étonnes un peu. “Je veux pas être maladroite, hein. J’essaie juste de… Te rassurer.”

« Cette maison a été mon équilibre. Tout ce qui me manquait je l’avais enfin. » Ca, c’est une information que Jordan a assez dit pour que tu t’en rappelles. Si l’inondation n’avait pas eu lieu, vous y serez toujours dans cette satanée maison. Il est clair que t’aurais fini par dire quelque chose un jour ou l’autre, ceci dit. Mais tu vas finir par croire que là où vous êtes maintenant n’est qu’une contrainte à ses yeux car ce n'était pas prévu. C’est arrivé par la force des choses mais ce n’était pas le plan de base. Ce n’est plus sa maison, ses murs, son agencement, son signe de réussite. Ce n’est qu’une maison achetée à deux pour avoir un toit sur la tête, après tout, ça ne représente rien, pas vrai ? « Je sais… » Tu fermes les yeux en le sentant se reposer sur toi. T’en viens presque à te demander si tu n’aurais pas dû lui laisser l’acheter seul cette maison. Au moins, il aurait été dans ce contrôle-là. Même si tu doutes que ça aurait changé quoique ce soit.

« J’aime cette maison et j’aime y être avec toi. Je… On trouvera pas la réponse à toutes ces questions aujourd’hui Bird… On peut juste spéculer et je peux juste te dire comment je me sens mais même moi je comprends des choses que des années plus tard des fois. A force de discuter. Avec ma psy. » Avec ma psy. Si Jordan discutait plus avec toi aussi, peut-être que ça serait positif aussi, non ? Après tout, il ne te dit pas grand chose sur son état et le seul truc qui te permet de voir qu’il n’est pas au mieux est son traitement. Ses somnifères. Cachet sur cachet. « Je pense que… Faut juste y aller doucement avec moi en ce moment parce que j’explose vite et… » Mais oui, il y a ça aussi et malheureusement, tu ne peux pas le forcer à quoi que ce soit. T’es bien placée pour savoir que la force ne résout rien. Encore moins en ce moment. « Ça me saoule d’être un snowflake. » Tu reprends tes caresses sur son dos. “On va faire avec et attendre que ça passe. Tu vas en discuter avec ta… Avec ta psy et ça finira bien par rentrer dans l’ordre.” T’espère quand même que ça ne va pas prendre des années parce que tu ne pourrai pas supporter des disputes qui peuvent se finir avec l’un de vous deux qui fait chambre à part, un malaise ou carrément l’un qui se barre. Tu tournes la tête pour embrasser son épaule une fois de plus. “Il faut que tu retrouves ton équilibre.” Tu te mords la joue en repensant à quelque chose qui t’interroge quand même. “Du coup, y’a un truc que je comprends pas… Si acheter une maison à deux peut potentiellement être la raison de ce chamboulement… Est-ce que t’aurai réagi pareil si j’avais accepté de me marier avec toi ?” Après tout, l’un dans l’autre, ça reste un engagement, non ?

« J’en sais rien… » Donc au final, heureusement que tu t’y refuses. T’as une nouvelle raison pour ne pas passer le cap. Outre le fait que tu n’en as pas l’envie. Si tu avais dit oui, tu n’oses imaginer l’état de Jordan à cet instant. Mais ça, c’est pour un univers alternatif. Pas le vôtre. « Y’a tout qui est nouveau donc j’ai aucune idée. » Ton fiancé a du mal avec l’inconnu, ce n’est pas une nouveauté. Tu l’as appris à tes dépens avant même d’être avec lui. Quand il te demandait déjà si tu seras toujours dans sa vie huit mois plus tard. Jordan a besoin de stabilité alors que toi, tu sais gérer les imprévus et les trucs inattendus. C’est ta force à toi. Et sa faiblesse. C’est pour ça que vous fonctionnez. Vous vous complétez. Tu ne l’avais jamais vu jusqu’à maintenant. Tu trouves ça particulièrement rassurant. « Et toi comment tu te sens ? Avec moi ? T’es pas déçue de voir que j’étais mieux avant ? » Tu ne t’attendais pas à cette question. C’est pour ça que tu relèves la tête pour le regarder. “Je… Je suis loin d’être déçue. Je me sens impuissante et coupable. Mais je suis pas déçue. Si je peux pas être là quand tu ne vas pas bien, à quoi bon être ensemble ? C’est bien le but d’un couple, nan ? Pour le pire et pour le meilleur, c’est ça ?” Tu reprends une respiration. “J’aimerai pouvoir t’aider et non te descendre comme j’ai la fâcheuse tendance à faire contre mon gré ces derniers temps.” Que tu dis en mordant ta joue. Ça devient une habitude en plus d’un réflexe à force. “Je vais m’améliorer de mon côté.” Tu ne l’as pas déjà dit, ça ? “Je vais faire des efforts.” Oui, mais ils ne sont pas à sens unique. “Est-ce que tu penses vraiment que je suis quelqu’un d’horrible ?” Ah. Finalement, ça rejoint bien ta culpabilité. Ce passage dont vous n’avez pas vraiment reparlé. Mais c’est certain que Jordan a dû s'étaler en long, en large et en travers sur le sujet avec sa psy. Elle doit en savoir plus que toi. Et tu ne parles pas du suivi sur les années d’avant, non, ça, c’est normal. Mais ces derniers mois notamment, t’es sûre que sa psy en sait plus que toi. Et ça te fait un pincement au coeur de le penser. De réaliser que Jordan ne te fait peut-être plus assez confiance pour te parler à coeur ouvert. De peur de tes réactions.