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Mavis descendit de la voiture de Millie après un petit trajet de quelques minutes durant lequel elles avaient fait le tour des lieux communs ; les études de Mavis, le début de son troisième cycle qui la menait sur le chemin de l’internat, la réponse qu’elle attendait des hôpitaux dans lesquels elle avait prospecté en ce sens, toujours décidée à quitter le St-Vincent, encore plus d’ailleurs depuis que Ruben lui avait annoncé son mariage. Millie avait fait la même chose, et un ballet de nouvelles s’était joué dans une reprise d’habitudes confortables dans lesquelles Mavis puisait une certaine félicité, leur amitié renaissant de souvenirs pas toujours heureux certes, qui n’avaient pas moins le mérite d’exister pour appuyer sur l’idée qu’elles avaient un passif, toutes les deux. La morosité des réponses de Mavis n’étaient pas étonnantes, elle n’était pas le genre de rayon de soleil qui s’extasie sur tout et n’importe quoi, mais elle était plus marquée que d’habitude encore, peut-être parce qu’elle avait l’impression que ce début d’année était trop lourd à porter, la fin de la dernière s’étant révélée assez difficile pour elle pour qu’elle veuille tourner la page et avancer "On s’installe à l’extérieur ?" demanda-t-elle à la jeune femme sans vraiment attendre sa réponse. Elle enfila ses lunettes de soleil, dénoua la cocarde du cache-coeur qu’elle portait au-dessus d’un débardeur blanc laiteux pour laisser les rayons du soleil caresser sa peau, et chevaucha le premier banc qu’elle trouva pour s’installer à une table située non loin de l’entrée du café que son amie d’enfance avait choisi pour qu’elles puissent passer un peu de temps ensemble. C’était sur la base d’une question que Millie avait posé à Mavis d’ailleurs, aussi se disait-elle que ce rendez-vous n’avait été programmé que pour assouvir la curiosité de la jeune femme, et ça ne la vexait pas plus que ça. Elle lui donnait l’occasion de sortir de sa routine, et d’envisager de parler d’autre chose que ses déboires du moment, et ça lui allait très bien comme ça.

Posant ses deux avant-bras au bord de la table qu’elles avaient investie,  s’avachissant légèrement en même temps pour détendre son dos, puis se redressant la seconde d’après, Mavis observa Millie au travers du verre opaque de ses lunettes de soleil "Pourquoi ça t’intéresse autant, ma présence aux funérailles de Norman ?" Norman, c’était naturel dans sa bouche. Avec Ambrose, ils en parlaient comme d’une entité quand ils étaient jeunes, et Mavis avait toujours eu cette image de cet homme important qui imposait le respect de son amoureux de l’époque qu’elle taquinait chaque fois qu’elle percevait un tantinet d’admiration dans le son de sa voix. Sa présence près d’Ambrose lors des funérailles de son oncle, c’était ce qui avait incité Millie à lui proposer de prendre un café avec elle aujourd’hui ; comme si l’importance de ce non-événement méritait un moment spécial pour qu’on en débatte quand au fond, sa présence n’était pas si étrange que ça. Certes, elle n’avait pas été en contact avec Ambrose au cours des dix dernières années, ce n’était pas une raison suffisante à ses yeux pour ne pas être une épaule pour lui alors qu’elle savait combien la disparition de son oncle l’affectait aujourd’hui, et l’affecterait demain aussi. En somme, elle n’avait fait qu’être une bonne amie, celle qui n’avait pas lâché sa main de toute la cérémonie, celle qui lui avait conseillé de manger, de boire, et de prendre une grande respiration quand le cercueil avait rejoint la terre. Sa force à ne rien laisser l’atteindre avait été une bonne alliée pour Ambrose, et c’était l’essentiel à ses yeux. Continuant d’observer Millie sous ses lunettes, Mavis rompit son observation après une longue seconde, et fit glisser la carte coincée au centre de la table entre ses mains pour l’ouvrir sous son nez, et demander dans la foulée à la jeune femme "Tu vas prendre quoi ?" Elles étaient là pour un café, elles pouvaient tout de même se payer le luxe de changer d’avis si le coeur leur en disait.

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La question aurait pu être posée et répondue par messages, mais ce n’était pas quelque-chose dont Millie avait envie - ni lorsqu’elle avait contacté Mavis, ni aujourd’hui encore. Elle préférait voir les gens en face, discuter avec eux de vive voix et qui plus était, cela leur donnait une occasion autant qu’une excuse pour sortir quelques heures de leur quotidien et profiter de la présence l’une de l’autre. La brune était passée chercher son amie d’enfance chez elle, elles avaient roulé jusqu’au café choisi en parcourant tous les types de sujets qu’il était possible de rattraper entre deux personnes qui ne s’étaient pas vues depuis quelques semaines, et c’était très bien de la sorte. Elle avait également utilisé cette excuse pour sortir de sa routine de boulot et profiter réellement des quelques jours de repos qu’elle avait pu prendre - James ne lui avait pas refusé lorsqu’elle en avait parlé, ils savaient tous les deux qu’elle les méritait autant qu’elle en avait besoin, si bien que d’avoir aujourd’hui son téléphone professionnel éteint était autant un soulagement qu’une angoisse pour Millie.

« Pourquoi ça t’intéresse autant, ma présence aux funérailles de Norman ? » Norman, donc - ce n’était pas une introduction sur le sujet qu’elle avait anticipé, mais elle garda la remarque dans un coin de son esprit pour le moment, alors qu’elle s’installait de l’autre côté de la table extérieure; un moyen de profiter également des rayons du soleil, les deux jeunes femmes passent certainement trop de temps au travail et trop peu à faire juste ça: profiter à une table au soleil.

« Tu vas prendre quoi ? » - « Je vais prendre un chaï, ça sera suffisant pour l’heure qu’il est. » D’ordinaire, elle aurait prit un café mais n’ayant besoin d’apporter son attention sur aucun projet une fois de retour chez elle, ce n’était pas nécessaire d’en prendre un là.

Et puis, au moins elle savait d’avance ce qu’elle voulait boire, parce-que ce n’était pas non plus la partie la plus importante de cette conversation: elle désirait revenir sur Norman plutôt rapidement. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait tant besoin de savoir la raison qui justifiait la présence de Mavis à l’enterrement - comme s’il en fallait véritablement une -, surement parce-qu’elle avait l’impression que cette dernière n’allait pas lui plaire. Faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre, elle posa son regard sur le visage de la jeune femme. « Ca m’intéresse parce-que je m’attendais pas à te voir là-bas. » C’était un fait qui n’avait pas vraiment besoin d’être justifié d’une quelconque façon, mais qui s’expliquerait par la suite de leur échange surement. « Parce-que je savais pas que t’étais liée à lui. » Et promis, ce n’était pas une reproche. La tournure de sa phrase pouvait laisser porter à confusion, mais le ton qu’elle insufflait à cette dernière soulignait qu’elle ne faisait que laisser parler sa curiosité - surement mal placée, mais ce n’était pas face à Mavis qu’elle se devait de s’excuser pour ça. « Et que si j’avais su que c’était le cas, je t’aurais présenté mes condoléances à toi aussi. » Parce-que c’était pour ça aussi, qu’elle cherchait à savoir: il n’était pas question de laisser ses bonnes manières et son soutien pour son amie être mis à mal seulement parce-qu’elle aurait manqué d’une information au cours du processus. Elle n’avait suivi que de loin les préparations de l’enterrement, mais ne se rappelait pas que le nom de Barnes ait été mentionné à aucun moment. Mais en même temps, ce n’était pas la partie de la vie de James où elle avait eu le plus envie ni besoin heureusement de s’imposer, tant en plus cela ne lui rappelait aucun bon souvenir de son côté.

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Ce n’était peut-être qu’une impression, mais Mavis avait celle que Millie était un peu tendue. Elle n’essaya pas tout de suite de comprendre pourquoi, profitant de s’installer en terrasse pour lambiner l’air de rien avant de rentrer dans le vif du sujet, ce qu’elle fit plutôt rapidement finalement, n’aimant pas ne pas savoir. Intérieurement, elle se perdit en suppositions : elle la savait de repos pour quelques jours, elle se disait que c’était très surement ça qui la tourmentait. En bourreau de travail qu’elle était elle-même, elle savait que ne rien avoir à faire pour quelques jours pouvait être vécu comme une torture, aussi elle décida que ce serait l’explication parfaite à donner à ce qui se dégageait de la jeune femme qu’elle observait au travers des verres opaques de ses lunettes de soleil. Elle reporta son regard sur la carte qu’elle avait entre les mains, opina seulement du chef en l’entendant répondre à sa question à propos de ce qu’elle prendrait pour accompagner leur discussion, et choisit de baser son propre choix sur celui de Millie "Bonne idée, je te suis." Quelques mots qu’elle prononça avec un sourire, lequel elle adressa au serveur qui arriva au même moment pour s’enquérir de leur commande en leur promettant de faire vite.

Ça ne pressait pas, elles avaient de quoi faire pour s’occuper, et c’était de discuter de ce qui semblait tant tarauder Millie. Elle avait pris soin de contourner la première question de Mavis, mais elle y revenait maintenant avec une prudence presque comique que la blonde accueillit sans moquerie pourtant, joignant ses doigts les uns avec les autres en l’écoutant reprendre la parole "Je peux comprendre. J’ai pas vraiment le profil de ceux qui étaient présents." acquiesça-t-elle, se souvenant qu’Ambrose lui avait parlé de Donatella Versace et de Nicolas Ghesquière, des invités de choix pour les funérailles d’un homme dont la réputation méritait qu’on fasse le déplacement. Sous la table, elle croisa les chevilles, et inclina doucement la tête en ne quittant par la jeune femme des yeux, essayant enfin de mettre le doigt sur ce qui pouvait tant la déranger dans le fait qu’elle soit présente aux funérailles de Norman. Elle ne décelait pas le reproche dans le son de sa voix, mais si elle y mettait un peu du sien, ça pourrait vite changer, et ce n’était pas quelque chose que Mavis accepterait ; parce qu’elles vivaient dans un pays libre, et que même sans aucune raison valable, Mavis aurait eu le droit de se rendre à cet enterrement sans juger bon rendre des comptes à personne. Elle fronça les sourcils, répondit à Millie "Je le suis pas." Liée à Norman. Du moins, elle n’était pas par le sang, mais par une succession de petits hasards qui l’avaient à une époque rapprochée du cocon que formait sa famille au sens large du terme. Elle se reprit en haussant les épaules en même temps "Pas vraiment en tout cas. Je connais ses neveux et nièces." Un en particulier, n’ayant rencontré les autres qu’au cours d’occasions particulières au sein desquelles elle n'était que la petite-copine d’Ambrose — qui s’invita dans la conversation puisqu’elle décida de le nommer en allongeant à nouveau sa réponse, un léger sourire fendant son visage quand elle le fit "Enfin pas tous, que celui qui vaut le coup." Sans faire insulte aux autres. Encore que, rien n’était moins sûr avec la sournoise Mavis "Ambrose ?" Derrière le verre de ses lunettes, elle apposa le nom du jeune homme sur le mystère entourant sa présence, et laissa planer une interrogation pour se figurer si oui ou non Millie le connaissait aussi. Peut-être que non, elle n’était que l’assistante de James, mais comme James considérait Ambrose comme son frère et inversement, qui savait vraiment.

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« Bonne idée, je te suis. » Elle acquiesça quelque peu de la tête aux paroles de la blonde, calquant sa boisson à commander sur celle de la brune - le serveur arrivant à leur à leur hauteur à ce moment là, le moment était bien choisi.

Rien ne servait de s’attarder sur cette partie là du processus, étant donné que ce n’était ni intéressant ni la raison pour laquelle Millie avait forcé la rencontre aujourd’hui. Elle avait d’autres questions qu’elle souhaitait poser à Mavis, de celles qui nécessitaient tout de même de son point de vue d’être amenées correctement. Elle ne passerait pas par quatre chemins, parce-que ce n’était pas de cette façon là qu’elles avaient recommencé à établir les choses entre elle, mais elle souhaitait faire ça correctement; aussi était-ce là la raison pour laquelle elle aborda le sujet de la présence de la jeune femme aux funérailles de Norman en laissant une porte ouverte sur la possibilité que le défunt et celle se tenant de l’autre côté de la table puissent être liés d’une quelconque façon. Elle ne connaissait que trop bien une partie de la famille Weatherton, mais elle n’était pas dans leur entourage depuis trop longtemps non: peut-être que Mavis était de la famille et qu’elle ne l’apprenait que maintenant, ce qui pourrait se trouver être cocasse, de son avis. « Je peux comprendre. J’ai pas vraiment le profil de ceux qui étaient présents. » A la première réponse de la jeune femme, elle haussa quelque peu les épaules: ce n'était pas tant ça qui la faisait se poser des questions et poser ces dernières à haute voix, elle ne jugeait pas par l’apparence de quelqu’un - et ce à quoi son appartenance devait paraitre.

« Je le suis pas. » Liée à Norman. « Pas vraiment en tout cas. Je connais ses neveux et nièces. » Millie préférait quand la réponse se trouvait être uniquement à la négative et que la porte des liens inconnus jusque maintenant n’avait pas été ouverte. Elle connaissait ses neveux et nièces - elle en connaissait une partie, une bonne partie, elle aussi. « Ah oui ? » La question qui n’en était pas une, davantage rhétorique qu’autre chose, n’était là que pour inciter la jeune femme à continuer sur sa lancée. Parce-que si elle était déjà curieuse d’avoir la raison de sa présence sur place avant, avec cette information complémentaire elle l’était d’autant plus - elle ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose en revanche. « Enfin pas tous, que celui qui vaut le coup. » Oh, elle connaissait la suite de ce cheminement avant même qu’il ne soit fait.

« Ambrose ? » - « Bien sur que c’est Ambrose la réponse. »

Secouant quelque peu son visage de gauche à droite, Millie se permit de laisser un petit rire échapper; fin, discret, mais qui soulignait tout de même toute l’ironie de cette conversation et de la situation en générale. Elle ne savait même pas pourquoi cette réponse ne lui avait pas sauté aux yeux plus tôt, ou plutôt pourquoi elle s’était empêchée de se dire que cela pouvait être le cas. « Je devrais pas être surprise, on a tous les trois le même âge, c’est presque logique que ce soit lui en fait. » Faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre, elle ferma les yeux un instant. Bien sur que c’était le seul qui vaille le coup, et que c’était d’une logique implacable maintenant qu’elle avait toutes les informations sous les yeux - qu’elle rouvrit pour poser son regard sur les traits du visage de la blonde. Gardant un instant de plus le silence, elle finit tout de même par reperdre la parole, non sans avoir plissé le bout du nez un instant. « C’est pour lui que t’es venue ce jour là, alors ? » Parce-qu’elle avait surement d’autres questions qui lui venaient en tête en cet instant, cela était vrai; mais ce n’était pas sur ces dernières qu’elle souhaitait se concentrer pour le moment - elle préférait continuer sur sa lancée et faire transparaitre ses inquiétudes quand à une journée qui avait été chargée en émotions pour tout le monde. Elle s’inquiétait pour Ambrose, ce n’était pas d’aujourd’hui et ce n’était pas près de s’arrêter; elle souhaitait savoir dans un premier temps si elle avait été présent pour lui ce jour là et si sa présence avait été nécessaire et surtout bénéfique. La disparition puis la mort de Norman n’était pas un événement anodin dans la vie du jeune homme, et savoir qu’il était entouré était un soulagement en réalité - même s’il existait une partie de Millie qui aurait désiré être al personne présente à ses côtés, elle ne pouvait vraiment faire le moindre reproche sur cette partie là de l’équation.

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Mavis avait beau aimer jouer, elle n’aimait pas les longueurs. Elle était sournoise, elle était vicieuse, mais elle n’attaquait pas sur la pointe des pieds. Quand elle voulait savoir quelque chose, elle y allait sans juger nécessaire de faire dans la dentelle, quitte à heurter un peu son auditoire et à se faire des ennemis — elle n’avait pas besoin d’amis de toute façon. Elle savait rester patiente pour assurer le bon déroulé de ce qu’elle envisageait, sauf quand elle avait l’impression que ça ne jouait pas à son avantage, là elle avait tendance à ne pas le supporter. Elle ne savait pas pourquoi, mais Millie ne la jouait pas comme d’ordinaire. Elle qui lui avait paru différente les dernières fois qu’elles s’étaient vues, elle lui donnait soudainement l’impression de redevenir la discrète petite souris qui n’osait pas déranger, qui tournait même autour du pot, et ça agaça peut-être bien Mavis qui l’entendit rire légèrement après lui avoir dit lequel des cousins de James elle connaissait.

"Ça aurait pu être August ou Flora." Elle ne prononçait pas leur nom pour prouver qu’elle connaissait tout ce beau monde, mais un peu quand même "Ils sont plus vieux, mais j’ai l’habitude de traîner avec des gens plus vieux que moi." se défendit-elle en rabattant ses cheveux avec ses lunettes de soleil dont elle se fit un serre-tête pour mieux observer le visage de la jeune femme. Elle n’aimait pas qu’elle puisse courir aux conclusions hâtives sur la base de détails de ce genre, qui ne voulaient d’ailleurs absolument rien dire, mais elle ne dit rien de plus à ce sujet, et ajouta seulement "Mais oui, c’est Ambrose." affirma-t-elle en levant la tête vers le serveur qui s’approcha avec leur commande pour la leur poser sur la table. Le chaï était déjà trop sucré pour qu’elle ne veuille en rajouter, alors elle se contenta de le remuer avec sa cuillère uniquement pour garder bonne contenance pendant que naturellement, elle demanda à son amie d’enfance "Tu le connais alors ?" Ça paraissait moins logique à Mavis que ce soit le cas puisque Millie était supposée n’être que l’employée de James. Elle ignorait le fonctionnement de la maison Weatherton, seulement Ambrose ne faisant pas partie de l’entreprise familiale, elle ne voyait pas comment le lien pourrait avoir été consolidé entre les deux jeunes gens, alors sa question était légitime ; bien moins que celle que Millie lui retourna. Mavis entama sa boisson chaude en gardant son regard posé sur elle, essayant de comprendre ce qui semblait tant l’interpeller dans le fait qu’elle puisse avoir été présente pour le jeune homme. Elle haussa les épaules, ne rechigna pas à lui répondre après avoir avalé sa gorgée, décroisant les chevilles sous la table pour laisser son dos cogner contre le dossier de ce sur quoi elle était assise "On se connaît depuis qu’on est jeunes, et j’ai appris par Dan que Norman était mort." commença-t-elle, n’ayant aucune intention de ne pas lui dire la vérité parce que pour le coup, elle n’avait rien à cacher "On a perdu le contact pendant aussi longtemps que toi et moi avons perdu le contact, mais je sais à quel point Norman était important pour lui, alors je lui ai envoyé un message pour lui présenter mes condoléances. Une chose en entraînant une autre…" Une épaule toujours relevée, elle inclina doucement la tête dessus "Je lui ai dit que j’aurais bien voulu venir aux funérailles. C’était pas prévu, il a quand même accepté d'ajouter mon nom à la liste des présents." avoua-t-elle, marquant une pause pour lui dire enfin "C’est pour lui que j’y suis allée. Encore une fois parce que je sais à quel point Norman était important pour lui, et que je voulais m’assurer qu'il tienne le choc tout le long de la cérémonie." Elle n’irait pas dire qu’il s’en était bien sorti, mais il avait fait ce qu’il fallait, et d’une façon un peu étrange, Mavis était fière de lui.

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« Ça aurait pu être August ou Flora. Ils sont plus vieux, mais j’ai l’habitude de traîner avec des gens plus vieux que moi. » Ca aurait pu être l’un ou l’autre malgré la différence d’âge, effectivement; mais c’était cette similarité entre les deux personnes qui permettait tout de même de faire certains raccourcis plus facilement, plus logiquement aussi. Si elle avait pris le temps d’y réfléchir un instant supplémentaire avant de poser ses questions, Millie se serait aperçue qu’il y avait une certaine logique dans toute cette histoire qu’elle aurait du voir venir plus tôt. « Mais oui, c’est Ambrose. » Elle opina quelque peu du chef en guise de réponse à une question qui n’en était même pas une finalement - plus pour accuser réception de l’information qu’elle lui communiquait.

« Tu le connais alors ? » Inspirant longuement, papillonnant quelque peu des cils pour sortir de ses pensées, elle remonta son regard vers la blonde face à elle. « Oui oui, je le connais. » Mais elle désirait d’abord savoir comment Mavis le connaissait, si bien qu’elle se contenta d’un complément de réponse vague. « J’ai la chance de connaitre et de bien m’entendre avec les proches de James. » Il n'avait pas mis sur sa route qu’un job en or à ses yeux, mais il avait aussi mis des connaissances qu’elle comptait parmi ses propres proches aujourd’hui. « On se connaît depuis qu’on est jeunes, et j’ai appris par Dan que Norman était mort. On a perdu le contact pendant aussi longtemps que toi et moi avons perdu le contact, mais je sais à quel point Norman était important pour lui, alors je lui ai envoyé un message pour lui présenter mes condoléances. Une chose en entraînant une autre… » Attrapant sa tasse, elle la porta à ses lèvres, laissant Mavis terminer les explications qu’elle ne lui devait même pas mais qu’elle lui fournissait tout de même de bonne volonté. « Je lui ai dit que j’aurais bien voulu venir aux funérailles. C’était pas prévu, il a quand même accepté d'ajouter mon nom à la liste des présents. » Ce qui n’était en réalité pas une mince affaire tant les invités avaient été nombreux et les places limitées sur la fin. Mais ce n’était pas quelque-chose qui l’étonnait de la part d’Ambrose, qu’il ait réussi à lui dégoter une place pour qu’elle puisse être à ses côtés.

« C’est pour lui que j’y suis allée. Encore une fois parce que je sais à quel point Norman était important pour lui, et que je voulais m’assurer qu'il tienne le choc tout le long de la cérémonie. » - « T’as bien fait, il a besoin qu’on puisse être là pour lui. » Et une partie de Millie enviait peut-être un brin Mavis qu’elle ait pu le faire, là où elle n’aurait jamais pu endosser ce rôle là; Rose et elle étaient en bons termes ce n’était pas tant la question mais elle n’aurait pu se montrer présente autant qu’elle l’aurait jugé adapté lors des funérailles. « J’aurais bien voulu me montrer plus présente à ses côtés aussi, mais j’avais d’autres missions ce jour là qui m’ont pris pas mal de temps. » Parce-qu’elle s’était montrée présente aux côtés de James autant que cela était possible, autant qu’il l’avait jugé nécessaire surtout; elle avait une loyauté à montrer, même si heureusement pour elle cette dernière lui avait permis d’être présente pour les Constantine qu’elle connaissait au moins de loin. « Il a tenu le choc pendant la cérémonie ? Je l’ai pas vu après. J’ai même l’impression de pas l’avoir croisé du tout ce jour là finalement. » Elle fronça quelque peu les sourcils; une grande partie d’elle avait été mise en pause pour la journée de l’enterrement, tant elle n’avait pas spécialement envie non plus de s’impliquer émotionnellement plus que nécessaire dans tout le processus. Elle était encore fragile sur bien des aspects, Millie, malgré tout le reste et le nombre de fois où elle se montrait solide comme un roc.

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Millie connaissait Ambrose, une information comme une autre que Mavis prit en compte simplement parce que c’était la conversation qu’elles avaient sur le moment, et qu’à défaut d’être une grande spécialiste du small talk, indisposée par l’idée-même de parler pour ne rien dire, elle était tout de même assez polie et bien élevée pour alimenter le dialogue quand il lui était imposé. Elle n’avait pas besoin de faire le tri dans les relations qu’entretenaient ses proches les uns avec les autres, ça ne lui était utile que quand elle le décidait, aussi dans la présente, elle émettait un doute quant au fait que ça puisse lui être vraiment utile à un moment donné, de démêler tout ça. Elle devait tout de même avouer que ça la tourmentait de sentir que la jeune femme en face d’elle marchait sur des oeufs, et elle se demanda si c’était une bonne idée de chercher à savoir pourquoi "La grande famille de la mode, je crois que c’est comme ça qu’on dit." ponctua-t-elle les paroles de son amie à qui elle adressa un sourire en demi-teinte, ne sachant quoi dire d’autre sur l’instant parce que vraiment, tout ça ne lui paraissait pas aussi important que ça. Le monde était petit, c’était aussi simple que ça.

"Hm, je sais. Dès que Dan m’a dit, j’ai jugé que c’était une mauvaise idée de le laisser surmonter ça tout seul." Il n’était pas seul, mais Millie comprendrait ce qu’elle voulait dire. Même si dans le fond, Mavis n’avait pas sa place là-bas, pas après autant de temps sans avoir de nouvelles d’Ambrose, l’idée de l’épauler lui était venue très rapidement. Elle ne regrettait pas de s’être proposée pour le soutenir malgré les circonstances ; toutes leurs habitudes s’étaient vite remises en marche, et rien n’avait vraiment manqué de naturel. Ils avaient tenté de plaisanter malgré tout, ils s’étaient donnés rendez-vous pour prendre un café, et qu’importe au fond s’ils se reverraient après ça ou pas, ça faisait chaud au coeur à Mavis de s’être rendue compte que les années et la distance n’avaient pas terni ce qui avait toujours été une sorte d’évidence entre eux "Il t’en voudra pas. Il sait que James est exigeant, et pour toi, c’était une journée de boulot en plus." voulut-elle la rassurer lorsqu’elle émit sa volonté vaine d’être aux côtés d’Ambrose comme elle, elle l’avait été. Elle haussa une épaule pour mieux marquer son point en même temps "Tu te rattraperas. Il va avoir besoin d’être soutenu pendant un moment encore." lui fit-elle remarquer, posant sa tasse devant elle pour mieux joindre ses mains et continuer de la regarder avec la tête inclinée, interpellée par l’air qu’elle lui trouvait pendant qu’elle l’interrogeait à nouveau sur Ambrose.

Mavis se recula du dossier de sa chaise, un soupir lui échappant quand, ses deux avants-bras posés contre le bord de la table, elle lui répondit "Il a donné le change comme je m’y attendais. Il avait plus à coeur de garder un oeil sur ses frères et soeur que de s’effondrer, mais tu sais comment se passe le deuil ; il est pas à l’abri de décompenser dans le courant des prochaines semaines." Personne n’était à l’abri de ça quand il perdait quelqu’un de cher, tout le monde n’avait pas les épaules d’une Mavis qui provoquait le destin et en faisait son affaire sans juger bon s’émouvoir de quoi que ce soit d’autre que de perdre la main. Elle frictionna ses lèvres l’une contre l’autre, baissant brièvement le regard sur sa tasse entamée, et prit le temps de la réflexion avant de lui demander en retour, ses paupières se plissant lorsqu’elle releva les yeux vers Millie "Si vous vous connaissez, pourquoi tu lui demandes pas tout ça toi-même ?" C’était curieux, cette manière qu’elle avait de prendre des pincettes pour se figurer de l’état de quelqu’un qu’elle disait bien connaître. Elle n’était pas une experte des relations humaines Mavis, elle savait toutefois qu’être précautionneux, ce n’était pas toujours gage de bonne entente.

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« La grande famille de la mode, je crois que c’est comme ça qu’on dit. » Elle esquissa un petit sourire de son côté également, mais qui était bien plus franc que celui que Mavis pouvait lui présenter; ce n’était pas dérangeant pour le moment, puisque c’était surtout l’expression qui la faisait sourire. « C’est vrai, c’est ce qui est dit oui. » Un milieu dans lequel à partir du moment où vous y mettiez un pied, vous faisiez effectivement partie de cette grande famille. C’était assez étrange pour toute personne n’en faisant pas partie, mais Mavis pouvait comprendre le principe - il y avait fort à parier que cela fonctionnait de cette sorte au sein de l’hôpital aussi.

Si elle mettait de côté sa curiosité qui la poussait à avoir cette conversation quand à l’idée de savoir comment la blonde et Ambrose pouvaient se connaitre, si l’évidence aurait du être sienne depuis bien longtemps surtout, elle se concentra dans un premier temps sur l’idée qu’elle ait été présente pour lui et c’était surement la partie la plus importante. Rose avait beau prétendre avoir les épaules assez larges pour supporter le monde entier, il restait un homme et il n’était pas question qu’il s’effondre sans avoir de quoi se rattraper. « Hm, je sais. Dès que Dan m’a dit, j’ai jugé que c’était une mauvaise idée de le laisser surmonter ça tout seul. » elle opina légèrement du chef, ne pouvant faire autrement que d’être d’accord sur ce point là. Ce qui la dérangeait quelque peu davantage mais cela n’avait à voir qu’avec elle-même, c’était qu’elle aurait bien aimé pouvoir être l’une de ces épaules lui permettant de relâcher la pression mais le jour même des funérailles avait été quelque peu trop chargé pour que Millie puisse être malheureusement au four et au moulin. Si elle avait été présente pour soutenir la famille Constantine et James dans cette épreuve, elle avait surtout été présente pour ce dernier et pour le boulot. « Il t’en voudra pas. Il sait que James est exigeant, et pour toi, c’était une journée de boulot en plus. Tu te rattraperas. Il va avoir besoin d’être soutenu pendant un moment encore. » Et il n’y avait aucune des deux jeunes femmes qui ne pourrait pas comprendre de quoi il s’agissait, puisque le deuil faisait partie intégrante de leur quotidien - de façon différente, pour des raisons différentes aussi mais elles étaient toutes les deux bien placées pour savoir de quoi il en ressortait. « Il a donné le change comme je m’y attendais. Il avait plus à coeur de garder un oeil sur ses frères et soeur que de s’effondrer, mais tu sais comment se passe le deuil ; il est pas à l’abri de décompenser dans le courant des prochaines semaines. » C’était justement de ça qu’elle avait peur: que le choc ne soit absorbé que trop tard. Elle savait Ambrose entouré, de sa famille ou d’amis proches - Mavis face à elle était une preuve supplémentaire -, mais cela ne balayait pas complètement les risques que cela n’arrive.

« Si vous vous connaissez, pourquoi tu lui demandes pas tout ça toi-même ? » Elle esquissa une petite moue; la première réponse ne serait pas moins valide que la seconde qu’elle donnerait par la suite, mais elle savait que c’était surtout cette pensée là qui lui servait de moteur dans cette situation, à s’inquiéter de cette sorte. « Parce-que je sais à quel point c’est facile de prétendre que ça va bien quand c’est pas le cas. » Et parce-que parfois, repousser les gens était bien plus simple que d’affronter leur regard empli de pitié quand à la situation s’abattant sur vous. « Et qu’avoir l’avis de quelqu’un d’autre peut-être plus juste. » Elle soupira quelque peu, baissant le regard. « J’ai menti moi-même de nombreuses fois, mais j’arrivais pas à mentir à tout le monde, tout le temps. » Parce-qu’au bout d’un moment, toutes les émotions ne pouvaient pas être gardées à l’intérieur indéfiniment et qu’elles finissaient par ressortir d’une façon ou d’une autre. « Je lui demanderai aussi, mais je m’inquiétais de savoir comment il s’en était sorti pour de vrai ce jour là. » Son regarda balaya la pièce, se porta de l’autre côté de la vitre où les passants continuaient de faire leur vie comme si de rien n’était puisque cela ne les concernait en rien du tout; tout comme cela n’aurait pas du la concerner non plus, peut-être, mais là où l’inquiétude et la curiosité avaient su se mêler pour ne faire qu’un, elle s’était laissée porter par la courant et n’avait pas cherché à battre aucun de ces deux ressentis là. « Je m’inquiète surement de trop pour pas grand chose, mais… je saurais pas m’en empêcher. » Parce-qu’il faisait partie des rares personnes pour qui elle s’autorisait à s’inquiéter, là où d’ordinaire elle avait tendance à laisser le reste de la population en bordure de ses problèmes personnes et de son attachement, pour ne pas risquer de se retrouver blessée à perdre quelqu’un de nouveau. « Tu te rappelles du gars qui s’est fiancé et à qui je parlais plus y’a encore quelques semaines ? » Son regard glissa jusque Mavis: elle comprendrait, ferait les liens, elle était bien plus maligne qu’une bonne partie de la population. « J’ai pas non plus envie d’être trop oppressante là où ce serait pas ma place. C’est aussi pour ça que je te demande à toi comment il va à côté de tout le reste. » Ambrose lui avait sincèrement dit qu’il était heureux d’avoir de ses nouvelles, mais elle ne voulait pas dépasser la moindre ligne là où elle n’avait pas sa place; une fois de plus, Millie préférait s’effacer doucement même si sa seule envie s’était d’être davantage présente pour être sure de ne pas déranger.

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La conversation tournait un peu curieusement. Mavis ne savait pas si c’était parce qu’elle avait l’habitude de se concentrer sur sa petite personne qui la rendait mal à l’aise à l’idée de s’attarder sur celle de quelqu’un d’autre, ou bien si c’était parce que c’était Ambrose qui était au centre de l’intérêt de Millie qu’elle ne cessa de regarder de son côté de la table. Elle n’estimait pas avoir le droit de donner son ressenti sur ce qu’elle avait perçu du côté de son vieil ami, pas après autant de temps, mais c’était ce que quémandait la jeune femme. Elle paraissait sincèrement inquiète, ce qu’elle ne lui reprochait pas puisqu’elle s’était trouvée dans ce cas de figure aussi, mais encore une fois, la manière dont elle l’exprimait lui paraissait un peu curieuse, comme si elle couvait quelque chose qu’elle n’osait pas mettre sur le tapis pour que Mavis puisse se figurer véritablement du bienfondé de ses questions. Ses sourcils se froncèrent imperceptiblement lorsque Millie souleva les raisons de son interrogatoire indirect, et Mavis lui trouva un tact qu’elle avait dû glaner à force de côtoyer les grands de ce monde. Elle lui fit remarquer dans un léger sourire en biais "T’as beaucoup de tact. J’en ai pas eu autant quand je lui ai demandé comment il allait." admit-elle sans envier son amie d’enfance pour autant, lui offrant simplement un autre sourire dans la foulée de ses mots qu’elle compléta et qu’elle n’interrompit pas, la laissant poursuivre pour à la fin, lui dire enfin "Je comprends ce que tu veux dire." Bien sûr qu’elle comprenait. Même si la mort de sa soeur ne la rendait pas triste, elle aussi avait dû faire semblant un nombre incalculable d’années, et ce devant tout le monde ; c’était une croix qu’elle ne souhaitait à personne de porter, même si elle l’avait bien cherché. Ambrose n’était pas à l’abri de faire la même chose, elle le savait tout aussi bien que Millie a qui elle dit en reprenant sa respiration "C’est presque un avis médical que je vais donner ; il va bien pour l’instant, ce sera peut-être pas le cas dans quelques jours, alors si tu veux vraiment être là pour lui, saisis ta chance." Ou je la prendrais. Ça, elle ne le dit pas, se contentant d’opiner au fait qu’elle venait de lui donner sa vérité, et que celle d’Ambrose ne serait peut-être pas la plus fiable, aussi en ferait-elle ce qu’elle voudrait en gardant à l’esprit le diagnostique de Mavis.

Elle haussa très subrepticement les sourcils lorsque Millie reprit la parole, et posa ses avant-bras sur le bord de la table en faisant remuer sa tête de droite à gauche en signe de négation "Non, t’as l’air de beaucoup tenir à lui, c’est normal que tu t’inquiètes." T’as l’air de beaucoup tenir à lui, c’était une supposition qu’elle faisait un peu à l’arrache, loin d’être au fait de ce qui se tramait véritablement entre eux. Sa curiosité la poussait à vouloir le savoir, sa jalousie injustifiée la poussait à ne surtout pas le vouloir au risque de le faire payer à l’un d’entre eux, sans avoir décidé lequel exactement. Un temps de pause s’installa entre elles, quelques secondes tout au plus, mais Mavis les sentait peser sur ses épaules comme les prémices de quelque chose qui ne lui plairait peut-être pas, elle n’en savait rien. Toujours est-il que Millie brisa le silence, ses yeux remontant vers les siens qu’elle riva droit sur elle tandis qu’elle prenait sens de ce qu’elle était en train de lui demander. Elle était intelligente Mavis, elle n’avait pas besoin de réfléchir trop longtemps pour raccorder les fils que la jeune femme était en train de gracieusement lui tendre. Doucement, elle leva une main devant elle pour l’arrêter dans son cheminement de paroles "Attends, t’es en train de me dire que c’est d’Ambrose dont tu parlais l’autre fois ?" Il était fiancé il y avait encore quelques temps de ça. Est-ce que Millie était au courant que ce n’était plus le cas ? Ce n’était pas à Mavis de lui annoncer la nouvelle, et puis une partie d’elle n’avait pas envie de faire renaître quoi que ce soit de son côté, alors elle se garda de lui donner cette information, accusant le coup de cette révélation en se laissant basculer en arrière. Son dos cognant contre son dossier, elle toisa Millie avec le genre d’expression difficile à déchiffrer "Je comprends mieux pourquoi t’avais l’air de beaucoup regretter les fiançailles de ce type." osa-t-elle lui dire d’une voix blanche, gardant un instant son regard loin de celui de Millie avant de le reposer sur elle et d’opiner encore "Oui, t’as pas envie qu’il se dise que tu profites d’un moment de faiblesse pour vous rabibocher." Millie était quelqu’un de bien, c’était loin de sa portée de faire ce genre de choses. Et pourtant, Mavis osa à nouveau, lui demandant après une très courte pause "C’est pas le cas, hm ?" Ça ne la regardait pas, mais ça, elle avait envie d’en avoir le coeur net.

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« T’as beaucoup de tact. J’en ai pas eu autant quand je lui ai demandé comment il allait. » Millie esquissa quelque peu en miroir un petit sourire. « On a tous nos habitudes quand ça touche au deuil, je pense. » Elle avait toujours été face à des personnes qui avaient justement manqué de tact, et c’était un point qui l’avait marqué et la marquait encore aujourd’hui. Elle aurait voulu que les adultes prennent le temps de se préoccuper réellement de comment elle pouvait aller, plutôt que de pointer caméras et appareils photo dans sa direction en tout temps, microphone de paire avec souvent pour pouvoir récolter la moindre nouvelle information que d’autres journalistes n’auraient pas réussi à glaner jusque là. Même ses proches, par là les personnes de sa famille et celles qu’elle pouvait fréquenter au quotidien, avaient fini par oublier de lui demander comment elle se sentait de façon adaptée; avec le temps, elle avait laissé tomber mais elle retenait un souvenir particulièrement amer de toute cette période là de sa vie. Alors, si elle pouvait faire les efforts qui n’avaient pas été faits pour elle pour d’autres personnes, importantes pour elle qui plus était, elle faisait l’effort. Et elle ne critiquait pas la façon dont Mavis avait agi de son côté en pensant de la sorte: elles avaient toutes deux vécu des pertes et des deuils bien différents, chacune avait sa façon d’aborder les choses. Il y avait fort à parier que la disparition de la jumelle de la blonde ait été pris bien davantage avec des pincettes pour elle que celle de son frère l’avait été pour elle. « Je comprends ce que tu veux dire. » Elle pinça les lèvres presque de façon imperceptible, mais l’air parcourant les traits de son visage trahissant ce qu’elle ressentait: elle était désolée qu’elle puisse comprendre, justement, ce qu’elle lui expliquait.

« C’est presque un avis médical que je vais donner ; il va bien pour l’instant, ce sera peut-être pas le cas dans quelques jours, alors si tu veux vraiment être là pour lui, saisis ta chance. » Opinant du chef en douceur, elle ne savait si elle était vraiment ravie de cet avis là. Certes, cela voulait au moins dire que pour le moment, Rose tenait le choc - mais pour combien de temps, exactement ? Et s’il contenait de trop le choc, il y avait de fortes chances pour qu’il ne puisse le faire indéfiniment. C’était ce qui inquiétait le plus Millie dans cette histoire: elle ne voulait pas que cela arrive s’il n’avait personne autour de lui pour s’effondrer. « Qu’importe qui est là pour lui, tant qu’il a quelqu’un avec lui quand ça arrivera. » Pas si, mais plutôt quand, parce-que d’après son point de vue et son expérience, cela arriverait. Et bien sur que la brune répondit de cette sorte puisqu’elle ne saurait lire les sous-entendus que Mavis pouvait insuffler dans ses paroles, tant ce n’était pas dans son intention de faire de cette situation une quelconque sorte de compétition. » Non, t’as l’air de beaucoup tenir à lui, c’est normal que tu t’inquiètes. » Elle esquissa une petite moue: elle n’avait jamais caché son attachement à Ambrose et l’affection certaine qu’elle pouvait lui porter, elle ne commencerait pas aujourd’hui. Qui plus était, Millie était de nature à s’inquiéter pour ses proches et pour les personnes qui étaient importantes dans son quotidien; forcément que cela s’appliquait au jeune homme qui était au centre de leur conversation.

Et parce-qu’il était indéniable qu’elle tenait à lui, il y avait fort à parier que Mavis ne pouvait comprendre tous les tenants et aboutissants du pourquoi c’était le cas; les seuls liens qui étaient évidents étaient ceux qui se voyaient par les liens du travail, Millie étant l’assistante de James qu’Ambrose considérait comme son frère. Mais cela n’était en réalité un rien comparé à la véritable raison - surtout qu’elle avait déjà été évoquée entre elles, presque sur le ton de la confession lors de l’une des derrières fois où elles avaient pu se voir. La blonde sembla d’ailleurs remettre rapidement les pièces du puzzle en place, faisant ralentir Millie dans ses explications d’un geste de la main. « Attends, t’es en train de me dire que c’est d’Ambrose dont tu parlais l’autre fois ? » Un petit soupire qu’elle aurait préféré être amusé plutôt qu’un brin attristé lui échappa. « Sinon c’est pas drôle. » Elle haussa les épaules, laissait son regard se balader ici et là plutôt que dans la direction de Mavis. « Je comprends mieux pourquoi t’avais l’air de beaucoup regretter les fiançailles de ce type. » Ce ne fut qu’à cette remarque là qu’elle releva ses iris noisettes en direction de la jeune femme, tant son commentaire semblait autant sincère, que sarcastique, que troublé. « Parce-que c’est vraiment un type bien ? » La question était rhétorique, bien sur. « Tu le connais depuis plus longtemps que moi, tu sais à quel point c’est vrai. » Elle ne pourrait pas renchérir plus que Mavis ne pourrait le faire sur ce point là, tant elle avait davantage de cartes en mains par rapport à elle.

« Oui, t’as pas envie qu’il se dise que tu profites d’un moment de faiblesse pour vous rabibocher. » Elle pinça ses lèvres. « C’est pas le cas, hm ? » Une vague de surprise voila son regard un instant, tant la question semblait sortie de nulle part - et pourtant était parfaitement adaptée à la situation. Après une seconde ou deux de silence, qui pourrait s’apparenter à une quelconque hésitation là où c’était surtout de l’étonnement, elle secoua son visage vivement de gauche à droite. « Non non. » Ce n’était pas son intention; elle appréciait énormément Ambrose, mais elle savait où ils se tenaient vis-à-vis l’un de l’autre. « Mais j’ai pas envie qu’il pense ça, oui. Qu’il me trouve… trop envahissante, opportuniste, j’en sais rien. » Elle se laissa retomber à dos plat contre le dossier de sa chaise, croisant les bras sur sa poitrine. « Je sais qu’il le penserait pas normalement, mais dans ce type de situation tout peut vite paraitre trop étrange parfois. Et il a pas besoin de problèmes supplémentaires. » Il n’avait pas besoin qu’elle en devienne un, là où justement elle avait tout fait justement que maintenant pour que cela ne soit pas le cas. Attrapant sa tasse de thé, elle la porta à ses lèvres sans en boire une gorgée pour le moment, soufflant presque machinalement sur la boisson alors qu’elle avait eu le temps de refroidir depuis quelle avait été déposée sur la table. « Il a eu son lot cette année je pense. » A côté du reste, Millie n’était qu’une touche de douceur dans les événements qui avaient pu faire leur apparition dans la vie de Rose; mais une fois de plus, elle savait que le deuil et les émotions s’y apparentant opacifiaient la vision durant une période plus ou moins longue, qui pouvait affecter les relations à autrui. « Il était content que tu reprennes contact ? » La question pouvait paraitre soudaine, mais elle rebondissait en réalité parfaitement sur les suppositions qu’avait fait seule Mavis un instant plus tôt - profitait-elle d’un moment de faiblesse de son côté également pour reprendre contact ?

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La vie était faite étrangement, c’est ce à quoi songea intensément Mavis en prenant sens de tout ce qui était en train de se dire ici. Les chances de se retrouver dans cette conjoncture restaient tout de même moindres : Millie et elle évoluaient dans des mondes différents, et pendant des années, elles n’avaient même pas été en contact, tout comme Mavis n’avait pas été en contact avec Ambrose. Pourtant, durant tout ce temps, les ramifications qui les liaient les uns aux autres se croisaient et s’imbriquaient pour qu’aujourd’hui, elle se rende compte qu’ils fréquentaient tous les mêmes personnes, peu importait s’ils ne venaient pas du même monde finalement. Dans d’autres circonstances, ça l’aurait fait rire, mais sur l’instant, elle était trop surprise pour vouloir en faire une farce. Elle pensait aussi à Ambrose, à ce qu’il vivait en ce moment, et elle se dit que ce n’était pas une bonne chose de tourner tout ça en dérision. Il y avait de quoi, néanmoins elle s’en garda bien, et préféra noyer son sarcasme dans une gorgée de son chaï refroidit pas la température extérieure. Enfin, elle reposa ses yeux sur Millie "Précisément parce que c’est un type bien, oui." lui fit-elle dans un léger sourire, évitant de dire qu’à une époque, elle se voyait bien mariée à un type comme Ambrose. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle en était folle amoureuse, ça restait l’émoi d’un premier petit copain, aussi timide qu’il n’était pas voué à durer, mais elle avait adoré se pavaner à son bras de temps en temps, l’écouter parler et goûter à la pudeur de ses baisers d’adolescent, les premiers qu’elle avait jamais reçus "Peut-être qu’il a changé depuis le temps. Je te rappelle que lui et moi, on s’est pas vus pendant dix ans." Elle reposa sa tasse devant elle, accusant un petit temps de silence avant d’oser relever les yeux vers Millie pour lui dire doucement "Mais visiblement, il est resté le même." Considérant l’expression du visage de la jeune femme, Mavis avait l’impression qu’elle savait parfaitement ce qu’elle manquait en le laissant envisager une autre qu’elle. Si seulement elle n’avait pas eu le sentiment de trahir Ambrose en lui avouant qu'il avait mis fin à ses fiançailles, elle la rassurait à ce sujet. Sauf que ce n’était pas son rôle, et qu’à nouveau, la partie la moins bienveillante d’elle la somma de se taire et de se repaître des regrets de son interlocutrice qu’elle finit par questionner pour connaître ses intentions à l’égard de leur ami commun.

Comme si elle en avait le droit, comme si sa proximité récente avec Ambrose était le prétexte parfait pour s’assurer qu’il ne lui arriverait rien et que personne ne viendrait piétiner son coeur déjà bien amoché par la perte de son père de substitution. Elle savait Millie aussi bienveillante qu’Ambrose, de fait c’était une crainte qui n’était pas utile à mettre en exergue. Toutefois, elle se surprit à sincèrement appréhender que la jeune femme puisse reprendre contact avec lui uniquement pour profiter de sa fragilité du moment. Heureusement, ce n’était pas le cas, et même si elle préférait ne pas se fier à la parole des autres généralement, elle décida que cette fois, elle laisserait le bénéfice du doute à son amie d’enfance "Très bien." murmura-t-elle presque, se redressa pour passer ses doigts dans ses cheveux coupés au carré, son regard fuyant un instant pour venir retrouver Millie l’instant d’après "Tu sais parfaitement qu’il se dira jamais que tu reviens vers lui pour profiter de lui et qu’il pensera encore moins que t’es envahissante. Tu le connais quand même, c’est pas le genre de choses qui lui traversent l’esprit." Non, c’était le genre de choses qui traversaient le sien. Elle ajouta "Si vous avez été proches, il trouvera pas ça curieux que tu veuilles t’assurer qu’il aille bien. C’est le contraire qui l’alertera." Elle parlait pour lui, Mavis. Seulement, Millie ne méritait pas de se mettre la rate au court bouillon. Elle haussa les épaules à la dernière question qu’elle lui posa "Plutôt content en dépit des circonstances. Il m’a dit qu’il pensait le faire depuis un moment. A l’entendre, j’ai eu le sentiment que c’était qu’une question de temps." Elle exagérait un peu, son ego décidant de rutiler au mauvais moment, comme si faire entendre à la jeune femme en face d’elle que, malgré la vie qu'ils avaient décidé de mener chacun de leur côté, il continuait à penser à elle, c’était un accomplissement quelle pouvait revendiquer sans rougir. Elle marqua de nouveau une pause, la tête penchée sur le côté en passant les traits de la jeune femme en revue avant de lui demander "Ça a duré longtemps entre vous ?"

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« Précisément parce que c’est un type bien, oui. » Il n’y avait pas à discuter sur ce point là, en réalité. « Peut-être qu’il a changé depuis le temps. Je te rappelle que lui et moi, on s’est pas vus pendant dix ans. » Elle plissa quelque peu le bout du nez. « Si tu pensais que c’était un type bien il y a dix ans, et que je pense que c’est le cas aujourd’hui de mon côté… » Disons que les possibilités qu’il y ait eu un changement drastique entre les deux devenaient de plus en plus maigres; il y avait fort à parier qu’Ambrose avait toujours été quelqu’un de bien et qu’il continuerait de l’être, même si la vie semblait continuer de lui jeter des épreuves en pleine figure. « Mais visiblement, il est resté le même. » - « Je pense que y’a pas trop de doutes à avoir sur ça, oui. »

Bien sur que la question suivante de Mavis la laissa quelque peu entre deux réactions, tant elle ne s’y attendait pas. Si elle avait tenu une main en direction d’Ambrose, c’était simplement pour s’assurer de savoir comment il allait, comment il se sentait au regard des récents événements. Elle ne le faisait pas pour profiter d’une quelconque opportunité; autant parce-que cela ne lui était même pas venu à l’esprit que parce-qu’elle n’était pas de cette graine là. Elle n’était pas sournoise, elle n’était pas du genre à exploiter les moindres faiblesses des gens - parfois, cela lui jouait d’ailleurs des tours tant elle finissait par être celle accusant le retour de bâton plutôt qu’autre chose. « Très bien. » Très bien ? « Tu sais parfaitement qu’il se dira jamais que tu reviens vers lui pour profiter de lui et qu’il pensera encore moins que t’es envahissante. Tu le connais quand même, c’est pas le genre de choses qui lui traversent l’esprit. » Elle mordait sa joue de l’intérieur, doucement mais de façon assez significative pour que cela lui tire une petite moue de manière un peu forcée. « Si vous avez été proches, il trouvera pas ça curieux que tu veuilles t’assurer qu’il aille bien. C’est le contraire qui l’alertera. » Elle soupira quelque peu. « Je sais, je sais. » Elle haussa les épaules. « Mais je sais aussi qu’on vit pas tous le deuil de la même façon, et que parfois on a juste envie de tout envoyer valser plutôt que de recevoir l’attention des personnes qui veulent prendre soin de nous. » Elle faisait partie de cette catégorie là, elle savait de quoi elle parlait. Elle avait plutôt tendance à se mettre à l’écart, à plonger la tête dans un nouveau projet même si cela relevait un peu du n’importe quoi, simplement pour ne pas être confrontée de façon trop abrupte à ses émotions. « Je sais qu’il pense pas comme ça. Mais c’est pas pour autant que ça me fait pas hésiter. » Et peut-être qu’elle chipotait pour pas grand chose.

« Plutôt content en dépit des circonstances. Il m’a dit qu’il pensait le faire depuis un moment. A l’entendre, j’ai eu le sentiment que c’était qu’une question de temps. » Aux quelques mots explicatifs de la jeune femme, Millie hocha la tête. « Tant mieux. » Elle appréciait à se dire qu’il cherchait à connecter, à reconnecter, avec des personnes qui pouvaient lui faire du bien d’avoir à ses côtés. Et s’il y pensait depuis quelques temps déjà, à prendre des nouvelles de Mavis, c’était que ce n’était pas simplement lié au départ précipité de Norman non ? « Ca lui permettra peut-être d’arriver à aller de l’avant plus rapidement. » D’être entouré, surtout de personnes qui avaient pu compter qu’importait à quel moment de son existence. « Ça a duré longtemps entre vous ? » Elle haussa faiblement les épaules, attrapa sa tasse pour en boire une gorgée. « Une année, plus ou moins, j’ai pas tenu les comptes. » Surtout que le entre eux était tou relatif, tant ils n’avaient jamais officiellement été quelque-chose: ils prenaient du bon temps quand ils en avaient de disponible, et c’était suffisant. Ca aurait pu continuer à être suffisant, si Millie n’avait pas décidé de prendre les fiançailles de Rose au pied de la lettre pour ce qu’elles étaient: un engagement envers une tiers personne; le jeune homme lui avait proposé que cela ne change  pas quoi que ce soit entre eux, chose qu’elle n’avait pu elle envisagé. « Et vous, ça a duré combien de temps ? » Parce-que c’était l’une des possibilités qui se lisaient à travers les mots de Mavis, et Millie était prête à parier qu’elle ne visait pas trop loin du juste en posant cette question.

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Mavis ne doutait pas qu’Ambrose soit resté un type bien, et puisque Millie le lui assurait sans broncher, elle choisit de la croire sans chercher à remettre sa parole en doute. En revanche, ce qu’elle se permit de remettre en doute, c’était les intentions de la jeune femme qu’elle osa questionner à ce sujet sans juger bon de faire dans la subtilité. Mais Millie n’avait pas beaucoup changé non plus en dix ans, malgré ce qu’elle lui avait déjà dit dans un passé pas si éloigné que ça, quand elle avait constaté qu’elle s’était affirmée. C’était le cas, pour autant elle restait la même dans le fond d’elle, et Mavis le remarqua cette fois lorsqu’elle l’entendit hésiter au sujet de son envie de prendre des nouvelles d’Ambrose parce qu’elle tenait à lui, pas parce qu’elle voulait profiter de son moment de faiblesse. Elle en était bien incapable, c’est ce que ce dit Mavis en l’écoutant parler, et bien qu’elle ne s’en voulut pas le moins du monde d’avoir émis l’hypothèse qu’elle puisse éventuellement vouloir se rapprocher d’Ambrose dans ce moment difficile pour se rabibocher avec lui, elle mit un point d’honneur à se retirer cette idée de la tête tant c’était insensé finalement, la sincérité de Millie se ressentant dans chacun des mots qu’elle utilisait pour s’adresser à elle "Oui, tu sais de quoi tu parles." fit-elle, quand elle mentionna la manière particulière qu’avait tout un chacun de gérer le deuil. Elle pourrait dire la même chose, c’est pour cette raison qu’elle pouvait se permettre de lui faire remarquer qu’elle savait de quoi elle parlait, faisant toutes les deux parties du club de celles qui avaient perdu un frère ou une soeur — même si de son côté, c’était plus volontaire qu’autre chose, restait que c’était un fait avéré : elle avait perdu sa soeur, jumelle, qui plus est "Comment t’as vécu les choses finalement ? Après que, tu sais…" lui demanda-t-elle en dérivant un peu du sujet, consciente qu’elles s’étaient éloignées l’une de l’autre pas longtemps après la disparition du frère de Millie. Elle lui donnait le choix de lui en parler ou non, reprenant une posture qui aurait bien pu faire penser qu’elle ne s’était pas égarée, se recentrant sur Ambrose pendant un temps donné "Je comprends ton hésitation. Mais il a besoin qu’on soit là pour lui, alors…" Alors, si elle ne termina à nouveau pas sa phrase, sa pensée flotta tout de même dans les airs : Millie devait faire ce qui lui tenait à coeur, et visiblement, c’était de prendre de ses nouvelles.

Elle en avait le droit finalement, ils avaient été proches, tout comme lui et Mavis avaient été proches à une époque. Elles s’accordèrent à trouver que c’était une bonne chose qu’ils revoient des anciens amis, qu’il s’entoure et avance ; que ce soit avec Millie, avec Mavis, avec quelqu’un d’autre encore, il ne devait pas rester seul "Je l’espère pour lui. Il le mérite." affirma-t-elle sans aucune hésitation, laquelle n’eut pas sa place non plus lorsqu’elle demanda à Millie combien de temps avait duré son idylle avec le jeune homme "C’est pas rien un an, quand même." nota-t-elle, en en sachant quelque chose, en sachant surtout que ce laps de temps permettait à quiconque de s’attacher à l’autre. Elle roula ses lèvres l’une sur l’autre, ses bras se croisant au bord de la table quand elle tenta de déchiffrer les micro-expressions de Millie qui lui retourna sa question "J’avais oublié à quel point ton sens de l’analyse est impeccable." Un léger rire lui échappa. Elle n’avait donné aucun indice concernant sa relation avec Ambrose à la jeune femme, pourtant elle avait réussi à mettre le doigt sur l’éventualité qu’ils avaient été quelque chose "On était super jeunes, c’était il y a longtemps." Ce n’était pas la question de Millie qu’elle regarda avec un léger sourire au coin des lèvres, la nostalgie de ce qu’elle avait vécu avec le jeune homme s’emparant d’elle au moment où elle réalisa qu’elle lui devait une réponse non seulement parce qu’elle, elle était honnête avec elle, mais aussi parce qu’une partie d’elle avait aussi envie de revendiquer que ce qui la liait à Ambrose, ce n’était pas une anecdote malgré les années "Quelque chose comme six mois ? Oui, c’est ça, six mois." En le disant, elle réalisa que finalement si, ça paraissait anecdotique quand elle faisait le décompte à voix haute, alors pour noyer le poisson, et laisser le temps au sentiment cuisant de stupidité qu’elle ressentait à ce moment-là de s’estomper, elle précisa à nouveau dans un rire voilé par sa volonté de paraître plus légère qu’elle ne se sentait au plus profond de son coeur "On était super jeunes."

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« Oui, tu sais de quoi tu parles. » Elle aurait préféré que ce ne soit pas le cas, pour aucune d’entre elles en réalité - parce-que cette vérité était valable autant pour Millie qu’elle l’était pour Mavis, et c’était ce qui donnait la nuance la plus triste à leur conversation: elles savaient toute deux que trop ce que c’était, comme ressenti. « Comment t’as vécu les choses finalement ? Après que, tu sais… » Oui, elle savait; terminer sa phrase n’était pas nécessaire. Elle ne s’était pas attendue à ce que la jeune femme lui pose de façon si direct la question, surtout que leur conversation initiale n’était pas portée sur leurs malheurs à elles mais ceux d’une tiers personne qu’elles avaient en commun. Baissant le regard sur ses mains, faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre, elle laissa échapper un soupire, un petit rire - elle ne savait trop - par les narines avant de répondre à la question. « Mal, honnêtement. » Et encore, c’était un euphémisme; puisque la question de Mavis impliquait de parler de tout ça au passé comme si c’était un événement qui n’impactait plus la brune aujourd’hui - hors, c’était loin d’être le cas. Tous les jours, sans exception, ses pensées se perdaient au moins un instant vers son frère et ce qu’il serait aujourd’hui - ce qu’il pourrait être s’il était encore quelque part dans ce monde, ou ce qu’il aurait été s’il n’était plus des leurs. « Ca me pourrit l’existence encore tous les jours, tu sais. » Pinçant ses lèvres, elle remonta son regard vers la blonde. Elle savait, non, de toutes façons ? Elle était parfaitement au fait de commentes choses se passaient. Ce n’étaient pas les mêmes circonstances, puisque sa soeur à elle n’avait pas disparue mais était décédée et ce constat avait été déclaré, mais elle savait ce que c’était que de perdre une partie de soi et d’avoir un manque en permanence à l’intérieur.

« Je comprends ton hésitation. Mais il a besoin qu’on soit là pour lui, alors… » Elle lui fut reconnaissante en silence de recentrer la conversation sur le sujet principal de cette dernière. « Oui, je compte pas me défiler. » Elle était hésitante, mais elle préférait encore être présente pour lui et que cela lui soit reproché par la suite plutôt que de ne pas l’être et de le regretter amèrement plus tard.

Si la conversation avait démarré avec la curiosité de Millie qui se demandait comment la jeune femme et Ambrose se connaissaient, il était normal que la pareille lui soit retournée à un moment donné pendant leur échange. Pas exactement de la même façon, mais l’idée principale restait similaire. « Je l’espère pour lui. Il le mérite. » Elles ne feraient que tomber en accord sur cette idée: il méritait d'aller mieux, qu’importe qui était à ses côtés, parce-que ce genre de chagrin personne ne le méritait vraiment. « C’est pas rien un an, quand même. » Millie plissa le bout de son nez, se retenant d’hausser légèrement les épaules. Non, ce n’était pas rien un an - surtout qu’elle avait cette tendance à ne pas savoir s’accrocher aux autres et que Rose avait réussi à percer un peu cette carapace qu’elle avait pu se construire au fil des années -, mais cela pouvait tout autant être insignifiant tant ils n’avaient pas été un véritable quelque-chose. « Ca passe vite, surtout. » Une année semblait n’être que poussière assez, trop, rapidement. Cela ne changeait pas le fait qu’elle soit attaché au jeune homme et qu’elle ne voulait que son bien - et de ce qu’elle réussissait à en retirer comme informations, elle n’était pas la seule dans ce cas là. De presque rien, mais cela prit quelque peu Mavis de court, il lui sembla. « J’avais oublié à quel point ton sens de l’analyse est impeccable. » La blonde se permit un rire et cela tira un large sourire chez Millie. « J’avais une chance sur deux environ, je pense. J’ai visé juste. » Cela ne relevait pas de l’exploit non plus. « On était super jeunes, c’était il y a longtemps. » Elle garda quelque peu son petit sourire, ajoutant sans même s’en rendre compte une pointe d’amusement dans ce dernier. « Mais y’a bien eu quelque-chose. » Cette partie là, Mavis ne l’avait pas nié, alors elle la prenait pour acquise dans cette conversation. « Quelque chose comme six mois ? Oui, c’est ça, six mois. On était super jeunes. » - « Mais c’est pas pour autant que ça compte pas. Surtout quand on est jeunes. » Il y avait forcément une part de vérité dans tout ça, pour que l’un et l’autre aient toujours des attaches et qu’Ambrose ait accepté qu’elle soit à ses côtés dans un moment de sa vie qui était on ne pouvait plus important et marquant. S’avançant à son tour, croisant en miroir ses bras sur le bord de la table, Millie pencha quelque peu sa tête sur le côté alors qu’elle haussait l’un de ses sourcils. « Premier petit copain ? » Elle se permettait une touche de curiosité - après tout, tout était posé sur un plateau, elle ne pouvait pas ne pas saisir l’occasion.

addicted to betrayal
@Millie Butcher (crédit gif/leejiuen)

Mavis n’était pas étonnée de la réponse de Millie. C’était normal, non ? De mal vivre la disparition d’un proche ? Elle savait que le contraire l’était moins, mais elle ne se sentait pas honteuse pour autant de ne pas se sentir aussi accable que son amie d’enfance. La mort de sa soeur, elle avait eu un certain impact sur elle également, seulement il n’avait pas été négatif comme la disparition du frère de Millie l’avait été pour elle. Quiconque connaissait Mavis avant Marion était capable de voir le changement. C’était comme si la petite fleur privée de lumière qu’elle avait été jusqu’alors, soudainement départie de l’ombre majestueuse de celle de sa soeur, s’était épanouie tout à coup pour devenir celle qu’elle était aujourd’hui. Ceci étant, elle ignorait si son entourage était assez perspicace pour en tirer des conclusions ; certains se disaient peut-être que c’était pour honorer la mémoire de sa soeur qu’elle faisait en sorte de vivre sa vie comme elle le faisait, quand en réalité c’était surtout pour mieux piétiner l’ascendant qu’elle avait eu sur elle, étouffée par son aura qui, malgré tout, continuait de la pourchasser aujourd’hui. Tout était différent pour Millie. Déjà parce qu’elle n’était en rien responsable de la disparition de son frère, et parce que tous les deux n’avaient pas la même relation. Mavis était capable de sentir, de voir, la détresse de la jeune femme qu’elle avait en face d’elle et combien, effectivement, ça continuait de lui pourrir l’existence aujourd’hui "Je m’en doute, oui." laissa-t-elle échapper doucement, et surement que Millie prendrait ça pour de la tristesse au sujet de sa propre histoire quand en vérité, elle n’aurait jamais été aussi heureuse si Marion avait toujours été à ses côtés.

Elles se recentrèrent sur Ambrose, sur ce qu’il représentait aux yeux  de l’une et de l’autre. Ce fût au tour de Mavis de passer aux aveux, et elle le fit sans vraiment se faire prier, même si elle gardait une pudeur relative à ce qu’elle avait toujours ressenti à l’égard du jeune homme qu’elle ne voulait pas traiter comme une anecdote. Au fond, elle se fichait qu’on se moque de l’idée que leur relation n’avait été qu’une amourette de gamins trop jeunes pour penser à ce genre de choses, il avait compté pour quelque chose, autant que l’année que Millie avait passé à proximité de lui avait comptée. Elle voulait le revendiquer "Y a eu ce qu’il y a souvent entre deux adolescents qui se plaisent bien ; pas grand-chose d’un point de vue extérieur." admit-elle avec un petit sourire en pensant au fait qu’elle aimait beaucoup lui tenir la main, et reprit tout de suite après "C’était différent de l’intérieur. Il a toujours été ambitieux, je le suis devenue par la force des choses, ça a fait qu'on s’est assez vite bien entendus." Et plus si affinités donc, bien que là encore, tout restait en surface, et qu’à cet âge-là, ils pensaient à rien d’autre qu’à s’embrasser dans tous les cas. Elle s’autorisa un profond soupir, opinant à ce que Millie dit au sujet de la valeur à accorder à une histoire pareille "Hm. Je crois même que c’est souvent ces histoires-là qui comptent un peu plus que les autres." Elle eut un léger rire, se rendant compte que la conversation prenait un petit tournant sentimental qu’elle ne se sentait pas à l’aise de laisser s’installer malgré la sincérité de ce qu’elle avançait. Ses épaules se haussèrent, ses doigts retrouvèrent la courbe de sa tasse entamée et refroidie "Je sais pas trop au fond. Je suis pas tellement une experte tu sais." Elle savait, elle avait été aux premières loges du désastre de son elle-ne-savait-quoi avec Ruben après tout. Ce qu’elle,  elle savait en revanche, c’était ce qu’Ambrose représentait "Premier petit copain. J’en ai pas eu beaucoup d’autres si je dois être honnête — les études, c’est un bon remède au coeur d’artichaut." se justifia-t-elle, ses lèvres se pressant l’une contre l’autre pendant qu’elle prenait un petit temps pour remettre de l’ordre dans sa tête. Elle la releva vers Millie une poignée de secondes après, les lèvres toujours effilées en une ligne mince, presque invisible, lorsqu’elle se somma de sortir de son silence pour lui demander "S’il était pas fiancé, tu voudrais le revoir ?" Et quand elle disait le revoir, elle devait comprendre qu’elle ne parlait pas d’autre chose que de romance. Elle lui faisait confiance cela dit, elle avait oublié d’être idiote, Millie.