Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Une dernière vérification maquillage avant de quitter la maison et Maritza était prête pour sa soirée. Après s'être assurée que son rouge à lèvres était toujours en place, que son mascara n'avait pas coulé, et que ses cheveux n'étaient pas en bataille mais bel et bien noués en un chignon coiffé/décoiffé, la mexicaine claqua la porte de la demeure dans laquelle elle se sentait bien trop à l'étroit dernièrement. Depuis qu'elle avait appris pour l'existence de Logan – et donc du fils illégitime de Sergio – la mère tournait en rond comme un lion dans sa cage. Régulièrement à cran, elle se sentait souvent fébrile et sur le point d'exploser pour tout et n'importe quoi. Bien des années après leur divorce, Sergio parvenait encore à la pousser à bout et à lui briser le cœur.

Si elle avait passé une semaine enfermée dans sa chambre, refusant de voir quiconque, c'était désormais terminé. La brune refusait de perdre encore une seule seconde de sa vie à cause de l'agent qui n'avait que faire de ce qu'elle pouvait bien ressentir. Elle l'avait donc prévenu un peu plus tôt dans la semaine qu'il devrait garder Alejandro tout le week-end parce qu'elle avait des choses à faire. Elle savait que le Gutiérrez n'avait pas dû apprécier et qu'il avait dû s'interroger sur ce qu'elle pouvait bien fabriquer un samedi soir, mais elle s'en fichait royalement. Elle ne lui devait plus rien et sa vie privée  ne le regardait plus.

Une fois certaine qu'elle serait libre, elle avait hésité et puis avait fini par contacter Olivia. Elle lui avait proposé d'aller boire un verre au Jazz Club afin de pouvoir profiter d'une soirée de tranquillité loin de leurs enfants et du travail. Par chance, Olivia n'était pas de garde ce soir-là et elle avait accepté de l'accompagner. Les deux femmes n'étaient pas amies à proprement parler, mais elles n'étaient pas non plus de simples connaissances. Il y avait quelque chose chez l'infirmière qui rassurait Maritza. C'était une femme bien qui partageait de nombreuses valeurs avec elle et qui avait toujours su la soutenir dans les périodes difficiles de sa vie.

Lorsque Mari arriva devant les portes du bar, elle prit une seconde pour apprécier l'instant. Depuis combien de temps ne s'était-elle pas offert une soirée en ville sans enfant ni mari ? Beaucoup trop longtemps pour qu'elle ne puisse véritablement s'en souvenir. Cela se comptait en années. Elle poussa les portes, entra dans les lieux et jeta un coup d'oeil autour d'elle afin de voir si Olivia était déjà arrivée. Constatant que cela n'était pas le cas, elle s'installa près du bar sur un tabouret haut et commanda un mojito. A peine le verre était-il posé devant elle qu'elle aperçut la chevelure flamboyante de la demoiselle. Elle lui fit un grand sourire et un signe de la main et lorsqu'Olivia fut à sa hauteur, Maritza lui dit en riant : « Promis je n'ai pas commencé sans toi ! ». Fini le vouvoiement. Elle s'était bien trop confiée à Olivia pour laisser cette barrière langagière entre elles deux. Alors qu'Olivia s'asseyait à ses côtés, la mexicaine lui dit avec enthousiasme : « Je suis vraiment contente que tu aies pu venir ! » Elle était persuadée qu'elles allaient passer une bonne soirée et que cela leur ferait le plus grand bien.  

made by black arrow

Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Maritza avait souri en accueillant Olivia. Cette dernière était particulièrement en beauté et la mexicaine constata qu'elle avait elle aussi sorti les talons. Elles s'étaient croisées à de nombreuses reprises mais c'était bien la première fois que les deux femmes se voyaient si bien apprêtées. C'était comme si elles retrouvaient leur féminité, comme si enfin elles n'étaient plus juste de simples mères mais bel et bien des femmes. Le fait qu'elles se soient toutes les deux faites belles indiquait qu'elles comptaient profiter de leur soirée. La commande effectuée par Olivia allait aussi dans ce sens: un cocktail avec de la vodka alors que Maritza avait de son côté opté pour du rhum. « Je suis contente qu'on se retrouve ici » Le sourire de la mexicaine s'agrandit de plus belle alors qu'elle levait les mains en l'air comme si elle remerciait dieu pour ce que venait de dire l'infirmière : « Pas d'enfants et pas de mecs, je propose qu'on trinque à la liberté ! » La Gutiérrez finit par rire et prit son verre qu'elle fit tinter contre celui d'Olivia. Elle but une gorgée et reposa le reste sur le bar.

« Pas trop dur de laisser Alejandro ? Je juge pas, hein, ma seule raison de ne pas avoir déjà appelé pour savoir si tout se passe bien, c'est que je sais que ma sœur ne me répondra pas ! » Une petite mou amusée glissa sur le visage de la femme de ménage. Elle imaginait parfaitement à quel point cela devait être difficile pour Olivia de laisser ses enfants même si c'était sa sœur qui les gardait. Ils étaient encore jeunes et c'était toujours un peu stressant de partir et de les laisser. Maritza but une nouvelle gorgée et répondit : « Moi la seule raison pour laquelle je n'ai pas déjà appelé c'est parce que je n'ai aucune envie d'entendre la voix de son père. » Et elle roula des yeux au ciel. La dernière fois qu'elle avait vu Olivia, Mari avait pourtant laissé entendre qu'entre elle et Sergio tout pouvait à nouveau recommencer or là il semblait évident que ce n'était pas le cas. Elle posa une main sur celle d'Olivia et ajouta : « Mais si à un moment tu as besoin de t’éclipser pour téléphoner, je ne t'en voudrais pas ! » Elle préférait qu'Olivia s'assure que tout allait bien pour sa progéniture plutôt qu'elle ne passe sa soirée à ruminer dans son coin et à se faire un sang d'encre.

La mexicaine tourna un peu sur son tabouret afin d'observer autour d'elle. Le bar n'était pas totalement plein mais déjà du monde s'agitait un peu partout. Elle se pinça les lèvres et rêveuse murmura : « Ça fait si longtemps que je ne suis plus venue dans un endroit pareil... Je ne suis même pas sûre d'avoir encore les codes. » Elle avait réussi à commander un verre, c'était déjà ça, mais pour le reste, elle n'était pas vraiment certaine d'avoir sa place entre ces murs. Faisait-elle tache au milieu de tous ces gens ?

made by black arrow

Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Lorsque Maritza avait évoqué le fait qu'elle n'avait aucune envie d'entendre Sergio, elle avait bien remarqué la petite grimace de compassion d'Olivia mais cette dernière ne releva pas. La mexicaine lui en était reconnaissante. Elle n'avait pour le moment aucune envie de s'étaler sur le sujet épineux qu'était sa relation désastreuse et bien trop compliquée avec son ex. Sans doute que cela finirait par arriver sur le tapis mais pas avant qu'elle n'ait bu plusieurs cocktails. Pour le moment il valait mieux qu'elles parlent de la difficulté de laisser leurs enfants loin d'elles. La matriarche sourit d'ailleurs lorsqu'Olivia lui expliqua qu'elle aurait beau appeler, sa sœur ne lui répondrait pas. Elle souffla amusée : « Quand ce sont les aînés qui gardent Alejandro, ils décrochent simplement parce qu'ils savent que sinon je vais débarquer en panique... » Combien de fois avait-elle appelé Alma pour savoir si le petit allait bien ? Combien de fois cette dernière avait-elle décroché en soupirant et en lui affirmant que si elle continuait à la harceler elle allait déserter la maison ? Avec le temps Maritza avait appris à faire confiance à ses enfants et à les laisser tranquilles. Ils étaient matures et responsables et elle savait au fond d'elle que jamais ils ne laisseraient quelque chose arriver à leur petit frère.

Son cocktail une nouvelle fois porté à ses lèvres, Maritza observa la pièce et exprima à haute voix ce qu'elle ressentait : elle se sentait un peu perdue entre ces murs, incapable de savoir si elle avait toujours sa place ou non dans ces lieux. Olivia la rassura bien vite et sa dernière remarque concernant sa tolérance à l'alcool la fit rire un peu plus fort qu'auparavant. Elle hocha la tête pour confirmer et se mordit la lèvre avant d'avouer : « La première fois que j'ai rebu de l'alcool après la naissance de mon premier fils... Un verre m'a suffi pour me faire dire tout et n'importe quoi ! » Elle avait célébré la naissance de Rudy une coupe de champagne à la main. Ce jour-là le sol lui avait paru étrangement mou et elle n'avait eu de cesse de raconter ânerie sur ânerie. Elle secoua la tête de dépit et ajouta : « Le pire c'est le mal de tête le lendemain, ça, vraiment c'est terrible... » Encore plus lorsqu'on se réveillait au milieu d'une colonie d'enfants en train de brailler ou de courir partout. Elle souleva son verre, regarda le liquide dedans et dans un soupir poursuivit : « En espérant que ce ne soit pas le cas demain ! ». Au lieu de se montrer raisonnable, elle but une nouvelle gorgée. Elle était là pour se détendre et prendre du temps pour elle, pas pour se poser des milliers de questions et anticiper – comme à son habitude – d'éventuels problèmes.

Lorsqu'Olivia lui expliqua qu'elle trouvait ça particulièrement étrange de laisser ses enfants chez elle, Mari ne put qu'acquiescer. Elle comprenait parfaitement ce que ressentait la mère de famille. C'était si paradoxal comme sentiment. La culpabilité d'être sans eux mais le soulagement de prendre du temps pour soi. D'une voix douce elle lui dit alors : « Folle, c'est le bon mot oui. Je crois que pour notre santé mentale, et pour leur bien être à eux aussi, il faut absolument que les mères de famille arrivent à s'accorder du temps pour elles. » C'était facile à dire, et sur le papier cela semblait simple mais en réalité, c'était loin d'être le cas. Curieuse elle demanda à Olivia : « Entre ton boulot et les enfants, tu arrives à trouver des moments à toi ? Pour faire du sport ou je sais pas, aller au cinéma ? » Elle avait beau réfléchir, de son côté elle avait l'impression de passer son temps au travail ou chez elle à s'occuper de ses enfants et de sa maison. Cette soirée avec Olivia faisait exception à la règle et ce n'était pas pour lui déplaire.


 

made by black arrow

Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Maritza avait souri mais pris une mine quelque peu sceptique lorsqu'Olivia lui avait dit que ses enfants étaient plus sympas que ses sœurs. La mexicaine n'en était pas certaine, s'ils décrochaient lorsqu'elle appelait c'était surtout parce qu'ils connaissaient son côté obstiné et qu'ils craignaient de voir le volcan en elle exploser. Ses enfants avaient simplement un instinct de survie qui leur intimait de ne pas trop s'opposer à leur mère. Il y avait ça, et il y avait aussi la perte de Maria qui jouait énormément dans la balance. Aucun membre de la famille ne s'en était réellement remis et sans doute que cela n'arriverait jamais mais chacun avait pris conscience de la fragilité de la vie, et tout le monde faisait en sorte de s'assurer que chaque Gutiérrez allait bien. C'était tragique mais c'était aussi terriblement beau et Mari ne pouvait qu'être reconnaissante de voir ses enfants agir de la sorte. Si elle avait longtemps été leur roc, les rôles s'étaient quelque peu inversés avec le temps et la femme de ménage ne pouvait nier le fait qu'ils étaient d'un soutien sans faille pour elle.

Soucieuses de ne pas tomber dans une discussion qui les rendrait trop misérables ou tristes, les deux femmes avaient enchaîné sur autre chose et s'étaient remémorées avec dépit mais aussi amusement leur retour à une vie « normale » après leur accouchement. Maritza avait ri en entendant parler de l'histoire de la cuite d'Olivia et quand celle-ci avait ajouté qu'elle avait mis des mois avant de pouvoir reboire du rhum Maritza avait ri de plus belle en écarquillant les yeux. Elle avait posé sa main sur son avant-bras en lui répondant : « Mais moi aussi ! Le rhum c'est terrible ! Je ne souhaite à personne de prendre une telle cuite. » Elle aussi avait connu les conséquences désastreuses d'avoir trop bu de cet alcool. « Pendant longtemps rien que l'odeur me donnait la nausée. » Finalement les années avaient passé et la brune appréciait de boire à nouveau du rhum. La preuve elle avait entre ses doigts un mojito dont elle appréciait particulièrement la saveur. Elle en profita d'ailleurs pour boire une nouvelle gorgée sans se préoccuper du fait qu'elle avait bientôt terminé son premier verre. Ce soir la matriarche voulait profiter, elle penserait aux conséquences en temps voulu et ce n'était clairement pas le moment.

Olivia se confia un peu plus sur sa situation familiale et si Maritza savait qu'elle était mère célibataire elle n'était néanmoins pas au courant qu'elle l'était depuis le tout début. Elle n'osait imaginer à quel point la situation avait dû être difficile à vivre pour Olivia. Devenir mère était une étape importante dans la vie d'une femme mais c'était aussi quelque chose de terrifiant. Être seule n'aidait en rien d'autant plus lorsqu'on attendait des jumeaux. A cet instant la Gutiérrez prit pleinement conscience de la force de caractère que l'infirmière possédait. C'était une jeune femme remarquable ! « Je suis vraiment admirative. » n'avait pu s'empêcher de souffler Maritza avant de sourire de plus belle en entendant parler des soirées avec leurs copains. « Et attends... Pour le moment ils organisent des soirées mais tu as le droit de rester dans la maison... Tu vas voir quand ils vont te mettre à la porte de chez toi. » Elle avait ri en levant les yeux au ciel. La première fois que Sara et Alma avaient organisé une soirée dans leur maison, Maritza avait eu un mal fou à partir. Cela avait été l'une des soirées les plus longues de sa vie. Elle avait été au cinéma mais n'avait absolument rien suivi du film, bien trop inquiète par ce qui pouvait se passer sous son propre toit. Elle était rentrée aux environs de deux heures du matin et avait été soulagée de constater qu'il n'y avait eu aucun blessé ni aucune casse.

Lorsque Olivia lui confia qu'elle parvenait désormais à lire, Mari sourit de nouveau. Elle comprenait parfaitement cette situation. Elle aussi aimait beaucoup lire mais elle n'avait que très peu d'occasions de le faire. Elle avait perdu le temps avec ses enfants à gérer et puis la vie avait continué son cours et elle n'avait jamais vraiment remis le nez dans un bouquin. Elle se pinça les lèvres et murmura : « Je voulais apprendre le piano à une époque... J'ai jamais vraiment eu le temps de m'y mettre. » Un manque de temps qui s'alliait aussi à un manque d'argent mais la brune n'avait pas envie d'aborder ce sujet qui lui était trop douloureux. Olivia continua sur sa lancée en lui expliquant ce qu'elle faisait de son temps libre et une nouvelle fois la mexicaine constata qu'elle se ressemblait énormément. Elle aussi profitait de ses moments hors du travail pour aller faire les courses, s'occuper de tâches qu'elle ne pouvait pas faire lorsque toute la marmaille était dans ses pattes. Avec le temps elle était devenue maîtresse dans ce jeu d'équilibre qu'était le fait d'optimiser son temps.

Alors qu'Olivia la questionnait sur Alejandro, Maritza termina son verre et fit un sourire au serveur qui comprit qu'elle en voulait un autre. Elle soupira en reportant son attention sur Olivia et lui dit : « Il va avoir douze ans. Il est clairement assez grand pour rester seul mais le problème c'est qu'il reste coincé devant ses jeux vidéo. » Ca lui hérissait le poil et la contrariait fortement. Elle aurait préféré qu'il fasse autre chose mais le jeune homme adorait ça et il était très difficile de le décoller de sa console. « Il entre dans l'adolescence et j'ai bien l'impression que la crise qui va avec commence à pointer le bout de son nez. » Elle se frappa doucement le front, montrant son dépit et ajouta en riant : « On pourrait croire qu'après ses cinq aînés j'aurais pris l'habitude mais je crois qu'on n'est jamais prêt à affronter ça. » Tous ses enfants étaient plus ou moins passés par une période compliquée et difficile, chacun à leur degré mais jamais Maritza ne s'y était habituée. « Point positif, son père va pouvoir s'en charger » acheva-t-elle avec une légère pointe d'amertume. Pour les autres, il avait mis les voiles depuis bien longtemps, mais pour Ale c'était différent. Sergio cherchait à récupérer sa place de père, que grand bien lui fasse. A cet instant son deuxième mojito apparut sur le bar et Maritza en profita pour boire une longue gorgée.


 

made by black arrow

Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Maritza avait ri lorsqu'Olivia lui avait expliqué sa frustration et son désarroi de ne plus pouvoir boire d'alcool même après avoir accouché. Elle comprenait parfaitement ce sentiment. Être enceinte nécessitait de faire des sacrifices. La mexicaine avait toujours fait tout ce qu'il fallait sans se plaindre et sans regretter sa décision de porter la vie. Néanmoins devoir se restreindre après l'accouchement et ne pas pouvoir faire ce qu'elle voulait était quelque chose qu'elle avait toujours eu du mal à vivre. Ne plus pouvoir boire certains alcools en faisait partie. Il y avait aussi des aliments qu'elle ne tolérait plus sans trop savoir pourquoi. Depuis sa première grossesse, Maritza avait été incapable de remanger la moindre huître. Manger des fruits de mer étaient plutôt déconseillé et la jeune femme avait donc mis de côté les huîtres. Elle s'était faite une joie de pouvoir en remanger une fois Rudy né pourtant dès qu'elle en avait eu sous le nez, elle avait été prise de nausées. Depuis, elle n'avait jamais osé retoucher un tel plat.

La brune écouta attentivement l'histoire de l'infirmière concernant sa vie à la campagne chez ses parents. Un sourire attendri, presque rêveur glissa sur son visage. Elle l'enviait quelque peu. Elle aurait adoré pouvoir élever ses enfants en pleine campagne, à l'air pur, au milieu des champs. La liberté qu'offrait de tels paysages n'avait pas de prix mais au lieu de ça, les siens avaient grandi au milieu de la ville, des voitures, de la pollution et des dangers. « Le grange c'est vraiment le compromis parfait ! » Elle s'imaginait parfaitement rester dans sa maison et surveiller d'un coin de l'oeil la grange où ses enfants seraient en train de faire la fête. La mexicaine faillit s'étouffer avec une gorgée de son cocktail lorsqu'elle entendit la suite. Comment ça ses voisins s'étaient plaints à cause du bruit des bébés ? C'était à peine croyable ! Son regard s'assombrit brusquement tandis qu'elle secouait la tête : « Les gens sont fous. Pour rester polie. On voit qu'ils n'ont jamais eu d'enfants. En ce qui concerne les fêtes, ils n'ont jamais trop abusé. Je crois que savoir que j'étais dans les parages les refroidissait un peu. Ils ont donc souvent pris l'habitude d'aller s'amuser ailleurs. Je te laisse imaginer mon angoisse... » Ses yeux roulèrent dans leur orbite, signe qu'elle se fatiguait elle-même d'être si protectrice et si anxieuse. Elle avait toujours cru qu'elle était ainsi parce que ses enfants étaient jeunes mais maintenant qu'ils étaient pour la plupart adultes, elle se rendait bien compte que cela ne changeait rien pour elle. Se faire du soucis – jusqu'à s'en rendre parfois malade – faisait bien partie de son tempérament.

Elle haussa un sourcil, surprise en apprenant qu'il y avait des leçons de piano données dans une association et passa une main presque nerveuse au niveau de sa nuque. « Je sais pas si j'oserais y aller... J'aurais peur d'être ridicule. » Combien de femmes de plus de cinquante ans se pointaient comme une fleur afin d'apprendre à jouer du piano ? Très peu, elle en était persuadée. Complexée par l'idée d'être nulle, Maritza s'empêchait de faire beaucoup de choses. Au début, c'était la barrière de la langue qui était un frein pour elle. Elle avait eu du mal à maîtriser l'anglais et n'osait donc pas se mêler aux autres. Par la suite, son accent mexicain la mettait mal à l'aise, elle avait toujours eu peur qu'on se moque d'elle. Cette crainte avait heureusement fini par disparaître. « Tu as regardé s'il y avait des cours de danse en centre ville ? Peut-être qu'il en existe où on paye à la séance... Sinon, il reste Yatube. » Maritza et la technologie... Même pas capable de sortir le nom youtube de la bonne façon.

Comme si elles n'étaient pas capables de parler d'autre chose que de leurs enfants – après tout ils étaient le centre de leur vie – Maritza parla d'Alejandro et des difficultés qu'elle pouvait rencontrer avec lui depuis qu'il était entré dans l'adolescence. Olivia en profita pour commander un deuxième verre tandis que Mari sirotait déjà le sien. Elle se mit à rire lorsque l'infirmière souligna les différences qui pouvaient exister entre les différents enfants. « Oh si tu savais à quel point ils peuvent être différents. J'ai l'impression de les avoir éduqués de la même manière mais il n'y en a pas un qui a la même façon d'agir ou de penser. » Quand elle y pensait c'était quand même dingue. Son fils aîné avait même fini en prison, détail qu'elle ne donnerait pas à Olivia, bien trop honteuse d'avoir échoué de la sorte avec le plus grand.

La mine d'Olivia retrouva son sérieux lorsqu'elle lui demanda : « Tu penses que l'adolescence est plus simple à gérer avec la présence d'un père ? » Mari glissa une main dans ses cheveux et secoua la tête de gauche à droite. Elle connaissait la situation familiale d'Olivia et elle n'avait aucune envie que celle-ci commence à douter de ses capacités à être une bonne mère. « Non, je ne pense pas. La plupart de mes enfants a grandi sans la présence d'un père, et honnêtement, ils s'en sont très bien sortis. » Une petite pointe de fierté luisait dans son regard. Elle n'était pas fière de ce qu'elle avait accompli, elle était fière de ce qu'ils étaient devenus. Elle poursuivit : « C'est juste qu'avec Sergio dans les parages... J'aurais peut-être plus de temps pour moi et pour me reposer. » C'était sans doute égoïste, mais c'était vrai. Maritza n'était plus toute jeune, elle avait passé sa vie à s'occuper de ses enfants, à se sacrifier pour eux, il était temps que quelqu'un prenne le relais. « Alejandro est ravi de passer du temps avec son père, moi un peu moins mais je n'ai pas mon mot à dire. » admit-elle avec amertume. Si son fils pouvait avoir la chance de passer du temps avec son père, elle n'avait pas le droit de se mettre entre eux, ce ne serait pas juste. « Ce qui me fait peur c'est de savoir combien de temps il va assumer son rôle de père avant de disparaître à nouveau. » Son regard s'était assombri alors qu'elle buvait une longue gorgée de son verre. Il l'avait habitué au pire, elle n'attendait que ça de lui désormais.


 

made by black arrow

Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Maritza avait continué à secouer la tête de gauche à droite en entendant Olivia lui parler des gens qui ne connaissaient rien aux enfants et aux bébés. Penser que ces derniers devaient rester silencieux était d'une absurdité sans nom et reprocher à une mère – seule qui plus est – de mal s'occuper de ses enfants était révoltant. Son regard sombre parlait pour elle, cela la révoltait. Elle voulait bien croire son amie lorsque celle-ci lui avoua que la période avait été stressante. « Même si c'est dur, il faut laisser parler et ignorer. » C'était facile à dire et Maritza le savait. Elle aussi avait eu droit à son lot de critiques. On disait d'elle qu'elle était irresponsable, qu'avoir fait autant d'enfants était une honte, qu'elle ne pouvait pas s'occuper de ses enfants convenablement, qu'elle était une poule pondeuse et que si elle avait une si grande famille c'était simplement pour obtenir des aides financières de l'état. Au début, la mexicaine sortait les crocs, elle se défendait bec et ongles, se montrait incisive et sautait à la gorge du premier idiot qui osait faire ce genre de remarque déplacée mais au fil du temps, la brune avait appris à se taire, à ignorer et à marcher la tête haute. Elle connaissait la vérité. Elle savait que tous ses enfants étaient nés de l'amour qu'elle portait pour Sergio, elle savait qu'ils étaient aimés et choyés. Qu'un inconnu se permette de la juger ne l'importait plus. Sans doute avait-elle gagné en maturité avec l'âge, quoiqu'il en soit la matriarche se fichait bien de l'opinion des autres.

La vie à la campagne décrite par Olivia la rendait rêveuse. Elle s'imaginait parfaitement élever les siens au milieu des champs et des prairies. Si c'était à refaire, sans doute aurait-elle encouragé Sergio à s'installer un peu à l'écart de la ville. Les choses avaient néanmoins été différentes et elle ne pouvait désormais plus revenir en arrière. Elle but une longue gorgée et étouffa un petit rire lorsqu'Olivia supposa que ses enfants n'avaient jamais fait de trop grosses bêtises. Elle passa une main dans ses cheveux, soupira et finit par répondre : « Je pense que j'ignore la plupart de leurs bêtises et c'est sans doute mieux ainsi. A mon avis, il y en a à la pelle. L'autre jour je suis rentrée et je suis tombée sur Cesar le visage défiguré par une bagarre. Cerise sur le gâteau... Sergio était dans le même état. » Elle frappa doucement son front, montrant ainsi tout son dépit et se rendant soudainement compte que ce qu'elle venait de dire, elle se dépêcha de préciser : « Ils ne s'étaient pas battus ensemble hein ! » Elle l'avait dans un premier temps imaginé, l'espace d'une micro seconde avant de comprendre qu'elle faisait erreur sur toute la ligne. Elle but une nouvelle gorgée et ajouta : « Oh et Sara a fait un tour par la case commissariat dernièrement. Elle a eu l'intelligence d'appeler son père. Sans doute que je l'aurais étripée si j'avais dû aller la chercher là-bas. » Olivia devait penser que les enfants de Maritza n'étaient pas si bien élevés que cela mais le petit sourire en coin de Mari indiquait qu'il s'agissait d'événements isolés. Elle en avait voulu autant à son fils qu'à sa fille mais au fond d'elle elle savait qu'ils étaient de jeunes adultes responsables et qu'il s'agissait d'une erreur de parcours, du moins elle l'espérait du plus profond d'elle-même.

La conversation dévia sur le fait de se mettre au piano pour elle et de faire du sport pour Olivia. Ni l'une ni l'autre ne semblait véritablement prête à sauter le pas : Maritza par peur et sans doute lâcheté, Olivia par manque de temps et sans doute d'argent. La mexicaine savait que son amie disait vrai. Se mettre au piano lui permettrait de prendre du temps pour elle, de  s'adonner à quelque chose de personnel, qu'elle ne ferait que pour elle et non pas pour les autres. Elle glissa dans le coin de sa tête la possibilité de s'y mettre un jour. Après tout qu'avait-elle à perdre ?

Elles retrouvèrent leur sérieux lorsqu'elles se mirent à parler de la présence – ou dans ce cas précis de l'absence – d'une figure paternelle pour les enfants. La mexicaine comprenait parfaitement les inquiétudes de l'infirmière. Elles avaient beau aimé leurs enfants et les éduquer de la meilleure manière qui soit, le fait qu'un homme ne soit pas dans les parages pouvait parfois être inquiétant. Elle baissa les yeux et but une nouvelle gorgée lorsqu'elle entendit Olivia sous-entendre que Sergio vivait encore sous son toit. La dernière fois qu'elles s'étaient vues, c'était le cas mais depuis de l'eau avait coulé sous les ponts et la foudre s'était abattue sur sa famille. Elle hocha la tête, comprenant la situation et se remémorant avec une précision déconcertante les nuits passées à se lever seule pour s'occuper de ses enfants. « Les réveils en pleine nuit... L'une des épreuves les plus traumatiques pour les jeunes parents. » dit-elle avec un léger sourire amusé sur les lèvres. « Tu as raison, c'est une habitude à prendre. Maintenant que tes enfants sont plus grands, c'est un peu plus simple de relativiser quant à l'absence de leur père. » Elle hésita quelques instants et finit par lui demander en se mordant doucement la lèvre : « C'est sans doute trop indiscret mais... Où est leur père ? » Elle sentit ses joues rougir quelque peu, se sentant soudainement bien trop intrusive. Si Olivia ne souhaitait pas en parler, Mari n'insisterait pas, elle comprendrait parfaitement son silence. Elle espérait juste qu'elle ne l'avait pas froissée avec sa question.

Maritza détourna une nouvelle fois le regard lorsque son amie lui dit qu'elle espérait que Sergio resterait dans les parages. Elle fit mine d'observer le bar mais le fait qu'elle termine son verre d'une traite indiquait bien que quelque chose clochait. Elle hocha néanmoins la tête en signe d'approbation lorsqu'elle parla du privilège qu'elle avait d'avoir des parents prêts à se déplacer pour lui venir en aide. Maritza n'avait pas eu cette chance, elle avait dû se débrouiller seule, ses parents se trouvant au Mexique, bien trop loin d'elle. Le serveur remarqua son verre vide et après son accord – d'un signe de tête – lui servit un troisième verre. Maritza ne conduisait pas ce soir et les soirées où elle pouvait en profiter était bien rare, elle ne se faisait donc pas prier. Lorsque Olivia lui dit qu'Alejandro avait de la chance d'avoir une maman comme elle, elle sourit et la regarda en lui disant : « Tes enfants aussi ont beaucoup de chance, n'en doute jamais. » Elle savait que le doute pouvait ronger n'importe qui et encore plus une mère célibataire.

Elle plongea une  nouvelle fois ses lèvres dans son nouveau cocktail et après avoir laissé glisser le liquide le long de sa trachée murmura : « Il est parti. » Sans doute que l'alcool lui déliait la langue, à moins que ce qu'elle portait sur son cœur soit trop lourd mais dans tous les cas Maritza choisir de profiter de l'instant pour se confier à Olivia sans détour : « Sergio. Pendant la tempête. Je l'ai plus ou moins obligé à quitter la maison. » Elle soupira longuement, grimaçant à ce souvenir qui lui retournait encore l'estomac et expliqua : « J'ai appris qu'il avait eu un autre fils dans sa vie. Un jeune homme qu'il n'a jamais reconnu. Il est adulte désormais. » Ca la débectait. Pour se donner du courage, elle but une nouvelle gorgée et dit avec amertume : « Comme quoi, on ne change jamais véritablement. » Elle se maudissait de lui avoir donné une énième chance. Jamais elle n'apprendrait de ses erreurs. Sergio continuerait inlassablement de lui briser le cœur, il fallait qu'elle se fasse une raison.  


 

made by black arrow

Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Maritza avait souri lorsqu'Olivia lui avait dit qu'elle s'était posée la question concernant Sergio et Cesar. Non ils ne s'étaient pas battus ensemble et heureusement se disait la matriarche. La mexicaine n'aurait pas toléré une telle chose sous son toit, dans sa famille. Elle ignorait en revanche qu'ils en étaient déjà venus aux mains par le passé, que Cesar avait littéralement voulu tuer son père. Elle  ne savait pas non plus que Rudy avait menacé le patriarche de la famille. C'était mieux ainsi, mieux pour elle, pour eux. Jamais elle n'aurait pu se remettre de telles révélations. Vivre dans l'ignorance avait parfois du bon. Elle ne put s'empêcher d'acquiescer lorsque l'infirmière lui partagea son point de vue sur le fait de cacher des choses aux parents et sur le fait de ne pas tout savoir une fois adulte. Elle se souvenait parfaitement de l'époque où elle avait commencé à fréquenter Sergio. Elle n'était plus une enfant, était à peine sortie de l'adolescence mais pendant des semaines, des mois, elle était sortie de chez elle en cachette bien trop craintive face aux éventuelles réactions qu'auraient pu avoir ses parents. Elle savait qu'ils n'auraient jamais accepté une telle relation. Ils avaient été mis devant le fait accompli lorsque Sergio avait demandé sa main, main qu'il voulait prendre pour faire les choses correctement après l'avoir mise enceinte. Un sourire nostalgique glissa sur son visage tandis que rêveuse elle commentait : « Tu as raison, des fois il vaut mieux ne pas tout savoir. » Et pour preuve, Mari avait failli faire un arrêt en apprenant que Sara avait été arrêtée par la police. Que Rudy ait mal tourné avait déjà été bien assez difficile à encaisser et à vivre mais que sa fille joue les délinquantes était une pilule qu'elle ne voulait pas avaler. C'était sans doute l'une des raisons qui avait poussé la Gutiérrez à appeler son père plutôt que sa mère. Cela avait été douloureux pour Maritza de faire un tel constat. Elle avait donné toute sa vie à ses enfants, avait toujours été là pour eux,  ne les avait jamais abandonnés contrairement à Sergio et pourtant... Pourtant c'était vers la figure paternelle qu'ils se tournaient lorsqu'ils avaient un énorme problème. Sara avait beau lui avoir expliqué qu'il s'agissait d'une question d'argent, cela ne lui avait pas remonté le moral pour autant. « Tu as de la chance, moi quand je faisais une bêtise j'avais le droit à la double dose de cris. D'abord ma mère puis mon père. » Un sourire nostalgique l'enveloppa quelques secondes avant qu'elle ne balaie non pas d'un revers de main mais plutôt d'une gorgée de cocktails ses souvenirs.

Le regard attendri de la cinquantenaire croisa celui d'Olivia lorsqu'elle celle-ci s'inquiéta pour Sara. C'était mignon la manière qu'elle avait eu de lui poser la question. La matriarche sentait bien que la jeune femme face à elle ne savait pas vraiment comment s'adresser à elle. A cause de la crise de nerfs qu'elle avait faite lorsqu'elles s'étaient parlées pour la première fois, l'infirmière craignait toujours de dépasser les bornes. Mari aurait voulu la rassurer et lui dire que c'était du passé, qu'elle n'avait rien à craindre et qu'au contraire elle était ravie de l'avoir dans ses amies mais par pudeur elle n'osait rien dire. Elle se contenta d'hausser les épaules en répondant : « Je suppose que non sinon elle n'aurait pas pu sortir aussi vite. Je t'avoue que je n'ai pas vraiment compris ce qui s'était passé. Une sombre histoire de soirée qui tourne mal il me semble. » Sara avait essayé de se justifier auprès de sa mère mais cette dernière n'avait écouté que d'une oreille distraite, bien trop scandalisée par cette histoire de commissariat que par tout le reste.

Le moment des confidences semblait néanmoins être arrivé et si les deux femmes prenaient encore de nombreuses pincettes pour s'adresser l'une à l'autre, Maritza osa questionner la jeune femme concernant le père de ses enfants. Elle n'osait s'imaginer à la place d'Olivia. Que cela avait dû être difficile d'apprendre sa grossesse tout en étant séparée du père. Pire ! Quel enfer cela avait dû être de n'avoir aucun moyen pour le contacter. Si Maritza avait toujours pensé qu'Olivia était une femme forte, elle en était désormais certaine. La jeune femme avait mené à bien sa grossesse de jumeaux et s'en était particulièrement bien sortie.

Elle manqua de s'étouffer avec son cocktail lorsqu'elle apprit que le père des enfants était de retour. Ses yeux s'écarquillèrent quelque peu alors qu'elle la laissait terminer. « Tu as eu de ses nouvelles depuis cette rencontre inopinée ? » Elle aurait voulu lui demander plus de choses, aurait voulu savoir s'il comptait s'investir dans la famille qu'elle avait bâtie depuis des années, si elle lui avait présenté leurs enfants mais elle s'abstint de tout commentaire préférant d'abord savoir si elle l'avait revu ou non. « Toi, comment tu vas ? » La question était sincère et la manière dont Maritza regardait Olivia le montrait bien. Une telle rencontre avait dû la bouleverser. Revoir son ex, le père de ses enfants, après tant d'années n'avait rien de banal. La mexicaine s'inquiétait sincèrement pour Olivia et pour ce qu'elle pouvait éprouver.

Lorsque Maritza avoua à Olivia que Sergio ne vivait plus sous son toit, elle sentit son amie déçue pour elle. La brune haussa les épaules, signe que c'était la vie et que cela devait sans doute arriver. « J'imagine qu'on ne changera jamais les hommes. On a beau faire attention, ils reviennent toujours tout casser. » Maritza inspira profondément et but une longue gorgée avant de soupirer. « J'imagine qu'on ne me changera jamais... Je retomberai toujours dans ses bras. » Elle se pinça les lèvres, honteuse d'admettre une telle réalité puis se mit à rire. « Vraiment, quand je suis avec Sergio j'ai l'impression d'avoir 15 ans. Je réfléchis plus... » Elle n'arrivait tout simplement pas à tirer une croix sur lui et sur leur histoire. Elle était amoureuse de cet homme. Elle l'avait toujours été et cela ne semblait pas prêt de changer.


 

made by black arrow

Girl's Night.

    @Olivia Welch    ft. Maritza Gutiérrez

Lorsqu'Olivia lui avait expliqué que ses parents avaient été compréhensifs avec l'alcool parce qu'ils avaient déjà dû en profiter eux aussi, Mari était devenue pensive. Elle avait beau se creuser les méninges, elle n'était pas certaine d'avoir déjà eu ce genre de conversation avec ses parent. S'il arrivait à son père de boire une bière ou un verre de vin, dans ses souvenirs cela restait assez ponctuel. Du côté de sa mère n'en parlons pas... La mexicaine ne buvait que pour les grands événements. Pour le mariage de Sergio et Maritza, elle avait à peine trempé ses lèvres dans une coupe de champagne. Difficile alors pour la Gutiérrez d'imaginer ses parents ayant un peu trop bu durant leur jeunesse.

A force de discuter avec l'infirmière, Maritza prenait conscience que si elles se ressemblaient sur de nombreux points, elles avaient aussi eu des parcours de vie différents. Elles savaient ce que c'était que d'avoir une famille nombreuse et de devoir se préoccuper des uns et des autres mais elles avaient grandi dans des lieux parfaitement opposés. La Mexicaine l'écoutait avec attention, s'imaginant à la place d'Olivia, imaginant ses enfants grandir à la campagne plutôt qu'à la ville, que cela avait l'air tentant. Elle rit lorsque la jeune femme lui expliqua qu'ils avaient pu faire pas mal de bêtises sans que cela n'ait de graves conséquences. « Je suppose que cela devait être difficile d'avoir un jardin secret non ? » Si tout le monde se connaissait, si tout se savait alors comment faire pour pouvoir vivre sa vie à l'abri des regards. « Quand on vivait à Acapulco, c'était parfois difficile d'avoir un semblant d'intimité. » Sergio habitait dans la même rue qu'elle, un peu plus loin et ils avaient tous les deux dû imaginer de nombreux stratagèmes pour pouvoir se voir en cachette. Ils y étaient néanmoins parvenus, c'était fou ce que l'on pouvait faire avec un peu de volonté.

Maritza but une nouvelle gorgée avant d'oser demander à Olivia si elle avait eu des nouvelles du père des jumeaux. « On s'est revu ensuite, mais il a l'air d'avoir des difficultés familiales et le contact est compliqué. » La brune la regarda avec un mélange de compréhension et de compassion. Elle n'arrivait pas à savoir si cette situation lui convenait ou non, si elle avait espéré qu'il ferait un retour dans leur vie ou non. Elle hésita quelques secondes puis demanda : « Tu aimerais qu'il fasse partie de votre vie ? » Elle pourrait lui donner une réponse positive ou négative que Maritza ne la jugerait pas. Elle n'était personne pour donner son avis là-dessus et elle ne savait que trop bien à quel point s'occuper d'une famille était compliqué. Chacun faisait comme bon lui semblait.

Elle finit par confesser qu'avec Sergio elle ne maîtrisait rien, qu'il lui faisait totalement perdre la tête et que quoi qu'il arriverait elle l'aimerait toujours. C'était un peu pitoyable mais c'était pourtant la vérité. « J'ai jamais eu de grande histoire d'amour comme la tienne, alors j'ai un peu de mal à comprendre des sentiments comme ceux-là » Olivia avait l'air gênée et Mari s'apprêtait à lui dire qu'elle non plus ne comprenait pas ce qu'elle éprouvait mais elle n'en eut pas le temps : « Je crois que même à quinze ans, j'étais trop rationnelle pour qu'un garçon me fasse perdre la tête. Ou c'est que je n'ai jamais rencontré le bon ? » Elle se figea quelques instants, faisant tourner l'alcool qui restait dans son verre et après avoir réfléchi lui dit : « Je pense pas que ce soit une histoire de bon... Je peux pas dire que Sergio est le bon pour moi. Je veux pas croire ça. » Il lui avait fait trop de mal pour qu'elle ose dire une telle chose à voix haute pourtant il était celui qui lui avait donné une famille, leur famille. « Mais c'est clairement celui que j'aime. » acheva-t-elle avant de finir d'une traite son verre. Elle reposa le contenant sur le bar et alors que le serveur s'approchait pour la servir à nouveau, elle secoua la tête de gauche à droite. « Il est peut-être temps d'arrêter de boire... Je deviens trop sentimentale, et je sens que demain je vais avoir du mal à me lever. » dit-elle en riant tout en s'étirant sur son tabouret haut. Elle glissa une main dans ses cheveux et offrit un large sourire à Olivia : « On devrait faire ça plus souvent... » elle marqua une courte pause et précisa : « S'accorder du temps loin de nos enfants et de notre quotidien... » pas forcément pour boire ou faire la fête, mais juste pour se rappeler qu'avant d'être des mères elles étaient aussi des femmes.


 

made by black arrow