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@ginny williams

lieu: st anthony's school, toowong.
(c): cressidium (gif), luleaby (codage).

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Cela devait faire la troisième fois que son téléphone portable sonnait en arrière plan - et autant de fois qu’il avait décidé d’ignorer la sonnerie parce-qu’il avait bien des choses sur lesquelles se concentrer pour le moment: la voiture qui était en hauteur et qui pouvait à tout moment lui rappeler de mauvais souvenirs n’attendrait pas, de son point de vue. Alors il laissa son portable sonner et la sonnerie finir par ne plus se faire entendre en arrière plan: il rappellerait plus tard. Ce fut cependant sans compter sur la secrétaire du garage qui vint le voir une poignée de secondes plus tard, le combiné fixe de l’endroit dans la main, l’autre posée sur le microphone de l’appareil. Il lui lança un regard noir - elle n’en fit rien. « C’est le collège. » Une partie de lui se maudissait d’avoir autant ronchonné dans sa moustache en entendant son téléphone sonner, et une autre lui répéta qu’il faudrait vraiment qu’il donne une sonnerie spéciale pour ce numéro là pour savoir à tout moment que c’était pour Noah. Ronchonnant une dernière fois, il sortit de dessous le véhicule - il avait vraisemblablement terminé sa journée - pour attraper le combiné. « Ezra Beauregard ? » Et au froncement de sourcils qui s’en vint, il était aisé de deviner que cet appel n’était pas aussi grave qu’il en avait paru initialement, mais qu’il lui apporterait son lot de soucis rapidement.

Il fut sur place, passant la grille de l’établissement, à peine une demi-heure plus tard. Il connaissait bien l’endroit puisqu’il disposait et récupérait assez régulièrement Noah sur place - même si ce dernier commençait de plus en plus à prendre le bus et à se débrouiller seul ces derniers temps, pour son plus grand bonheur. La surveillante l’attendait devant la porte, étirant un petit sourire empli de sollicitude qui le fit serrer les mâchoires un instant. « J’ai fait aussi vite que j’ai pu. » Compte tenu qu’il n’était pas supposé venir ici aujourd’hui. « Vous en faites pas, suivez moi. » Elle le conduit jusqu’à une salle de classe - il fut reconnaissant qu’elle ne l’ait pas conduit directement jusqu’au bureau du directeur, il n’était plus scolarisé mais ce n’était pas pour autant qu’Ezra appréciait particulièrement cet endroit. Là, dans cette pièce, se tenaient deux personnes qu’il aurait préféré voir réunies dans d’autres circonstances. Pinçant les lèvres, ce fut d’abord sur Noah qu’il porta son regard, ne sachant trop comment engager la conversation sans passer pour un père indigne et sans coeur - ce qu’il était loin d’être. Le jeune garçon dut comprendre et sut réagir bien plus rapidement que lui. « Je t’attends dans la voiture, je vais commencer mes devoirs comme ça. » Soupirant de soulagement, Ezra extirpa ses clefs de sa poche et lorsqu’il passa près de lui, il ébouriffa la tignasse encore étonnement blonde de son fils. « Merci. » Il glissa les clefs dans sa main; attendit qu’il passe le seuil de la porte pour finalement se tourner vers Ginny qui se tenait là elle-aussi - bien sur ce ne fut pas sur elle que son attention fut portée en première intention, c’était pour discuter avec elle qu’il était présent aujourd’hui. « T’as de la chance qu’il te reconnaisse, t’aurais pu finir au poste de police à te pointer ici sans prévenir. » Il comme dans Noah était pas assez petit quand t’as disparu pour avoir oublié ton visage et dire qui tu es.

« Votre nom ne figure pas sur les formulaires. » bien qu’elle l’ait dit doucement, sa voix n’a jamais été autrement que claire et précise. Aucune Ginny, aucune Gin, aucune Virginia, aucun McGrath avec ou sans trait d’union n’est sur le moindre papier. Aucune photo, signature, mention dans les dossiers, même lorsqu’on retourne dans les formulaires d’adhésion au collège qui nous proviennent de l’école précédente où Noah Beauregard étudiait et où il était écrit noir sur blanc, j’aurais pu parier, que j’existais le moindrement. Je me demande comment ils ont pu faire. Est-ce qu’ils ont tout rayé au stylo, un trait propre mais ferme, une barre qui rend les lettres en-dessous illisibles même si elles font tout de même encore un peu partie du papier. Ou s’ils ont imprimé de nouveaux états, laissé le champ sous “Mère” vide, non-rempli, blanc. Peut-être que les formulaires du collège sont différents, qu’un seul parent doit y être listé, que Ezra a pris toute la responsabilité parce que je ne donnais pas de signe de vie. Peut-être qu’il y avait un post-it sur le dossier, un petit papier collé et qui serait passé inaperçu, perdu entre les cartables, égaré au fond d’un tiroir qui précise que je peux passer, parfois, les mardis après-midis lorsqu’il fait soleil et qu’une crème glacée avec mon fils sur le bord de l’océan ne me semble pas être passible de faire de la prison.

Noah est aussi silencieux que moi, dans l’attente d’une réponse quelconque d’Ezra. Une confirmation, un oui lancé au détour d’une voiture à réparer et une autre. Il ne répond pas au premier appel ni au second, met du temps avant de décrocher de l’autre côté du fil, Noah joue avec ses lacets et mes yeux balaient le paysage qu’on voit à peine se dessiner par la fenêtre du bureau administratif où on a fini dans les limbes depuis un peu plus d’une heure. La personne qui travaille ici a une jolie vue. Le collège est bordé d’arbres, c’est sympa. « Je t’attends dans la voiture, je vais commencer mes devoirs comme ça. » j’ignore combien de temps a pu passer entre mes réflexions sur la nature et l’arrivée d'Ezra dans le bureau. Noah, comme une pile électrique, se redresse et passe près de lui, prend les clés, retourne faire sa vie ailleurs que sur une chaise inconfortable prévue pour une attente qui l’était tout autant. Comme si j’étais du genre à avoir pu être grondée du temps du collège, je me redresse, appréhende les yeux plantés dans ceux de la dame qui a tout orchestré. La silhouette d'Ezra bouge près de moi, son « T’as de la chance qu’il te reconnaisse, t’aurais pu finir au poste de police à te pointer ici sans prévenir. » sonnerait presque comme une blague si je n’avais pas détourné la tête vers lui.

Une petite pique, rien de bien méchant, une attaque méritée mais livrée avec un fond de bienveillance. C’est lorsque je redresse le visage vers lui et que je plante mes yeux dans les siens que je retiens mon souffle. Il n’y avait pas de post-it. Il n’y avait pas de note. Il n’y avait rien, rien qui lie Noah à moi, nulle part. Votre nom ne figure pas sur les formulaires. « Je vais vous laisser discuter quelques minutes. » dans un élan de politesse, la dame quitte à son tour la pièce, prétextant un ordre du jour à terminer d’imprimer pour une rencontre d’enseignants qui n’en a que le nom. Jamais Ezra ne m’a menti, encore moins par les yeux. Glissant mes mains sous mes cuisses, je nous laisse être seuls avant de poser la question la plus rhétorique que j’ai au bout de la langue. « C’est quand on nous déclare morte, qu’ils retirent notre nom? » j’ai tort, surement, de croire que j'ai besoin de prévenir. Qu’il veuille que je sois à part. Qu’il veuille que les formulaires soient blancs. Peut-être.

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Ce n’était pas le genre de situation à laquelle il s’était préparé. Même: ce n’était pas le genre de situation à laquelle ils s’étaient préparés. Les discussions avec Noah ces derniers temps n’étaient pas des plus douces, des plus ordinaires non plus; et si Ezra était plus que reconnaissant d’avoir un garçon qui arrivait à comprendre bien des choses et mieux que la plupart des adultes de façon générale qui plus était, il savait aussi que la patience et la tolérance de ce dernier finiraient pas s’effriter définitivement à un moment donné. Son rôle à lui était de faire en sorte de prévenir, et de panser si la première étape n’avait pas été suffisante. Aujourd’hui, il ne savait même pas si panser serait suffisant. Parce-qu’ils avaient parlé du retour de Ginny en ville, son retour en vie tout court d’ailleurs - mais ils n’avaient pu statué la façon dont Noah voudrait que cette information là soit importante ou non dans son quotidien.

Et aujourd’hui, Ginny avait plus ou moins pris une décision pour leur fils sans attendre le feu vert de ce dernier; si bien des fois cela s’était avéré être utile qu’elle le fasse lorsqu’il était plus jeune, autant désormais ce n’était plus chose nécessaire. Alors peut-être que le brin d’agacement dans le regard d’Ezra aurait pu ne pas s’y trouver, mais il n’avait pas réussi à le gommer de façon correcte. « Je vais vous laisser discuter quelques minutes. » - « Merci. » Qu’il glissa à l’intention de la maitresse sans pour autant lui décrocher un regard - il avait ailleurs où être concentré. La voix de celle qu’il ne lâchait du regard ne retentit dans le silence de la salle de classe que lorsque la tiers personne passa le seuil de cette dernière. « C’est quand on nous déclare morte, qu’ils retirent notre nom? » Faisant rouler ses lèvres l’une contre l’autre, il appuya plus fermement sur ces dernières, se retenant de faire le premier commentaire qui lui venait à l’esprit. Retenant le rire faussement amusé qui menaçait de s’échapper malgré lui, aussi, surtout. « C’est quand on fait l’inscription pour la nouvelle scolaire et qu’ils demandent sur les papiers où est passée la mère du gamin, plutôt. » Ezra secoua quelque peu sa tête. Dans toutes les versions des discussions qu’il pouvait avoir avec Ginny, aucune n’était supposée être centrée sur sa mort et sa résurrection dans la foulée. Ils auraient du franchir toutes les étapes qu’elle avait manqué ensemble - comme ils auraient du le faire des années plus tôt lorsque lui avait été absent d’à leurs côtés.

Soupirant lourdement, il laissa son postérieur se poser contre le bois d’une des tables, déjà fatigué à l’avance de cette conversation. « A quel moment tu t’es dit que c’était une bonne idée de te pointer ici sans prévenir, pour de vrai, Ginny ? » Laissant ses paumes ouvertes vers le ciel un instant, il laissa ses bras ensuite retomber pour que ses mains se posent sur ses cuisses. « Je sais que c’est étrange et que c’est plein de nouvelles choses à prendre en compte pour toi qu’étais pas au courant que t’étais déclarée morte - » Ca lui tirait toujours un frisson malsain le long de son échine de dire ça. « -, mais ici on a du composer avec cette information y’a longtemps déjà. Alors ouais, t’as été rayée de tous les dossiers de Noah. » Le seul sur lequel son nom était encore intact, c’était l’acte de naissance du gamin; le reste était noté au temps passé, parce-que c’était de cette façon là que la réalité s’était construite pour eux ces derniers mois. « Et c’est pas comme ça que je voulais qu’on en discute. Je voulais faire ça un peu mieux. » Parce-qu’il l’avait dit: c’était beaucoup d’informations pour elle à prendre en compte, et bien sur qu’une partie d’Ezra tenterait toujours de faire les choses un peu mieux pour elle, la connaissant et connaissant la façon dont certaines situations pouvaient l’atteindre là où ça n’aurait pas été le cas pour d’autres personnes. « La maîtresse t’a dit quoi ? »

« Merci. » c'est la voix d’Ezra qui me confirme que nous ne sommes pas seuls dans la pièce, que l’enseignante y est elle aussi pour quelques secondes encore. La porte se referme derrière elle, le claquement est minimum mais il me fait sursauter tout de même. Au creux des yeux d’Ez, je vois de la fatigue. De l’agacement aussi. Surtout. « C’est quand on fait l’inscription pour la nouvelle scolaire et qu’ils demandent sur les papiers où est passée la mère du gamin, plutôt. » doucement, j’hoche de la tête. Il semble vouloir ajouter quelque chose puis s’en retenir. Mes mains glissent sous mes cuisses pour lui éviter de voir mes doigts se triturer les uns les autres. J’ai appris qu’en cachant mes signes de stress, qu’en camouflant mon angoisse, les gens prennent plus souvent les devants. Osent dire les choses plutôt que de les adoucir. « A quel moment tu t’es dit que c’était une bonne idée de te pointer ici sans prévenir, pour de vrai, Ginny ? » il pose la question mais il connaît très bien la réponse. Ezra me connaît mieux que quiconque : il sait que je suis impulsive. Que je me laisse guider par mes émotions, par mon instinct. Par l’envie de passer l’après-midi avec mon fils, fils qu’on m’a reproché de tous les sens et de tous les  côtés d’avoir abandonné en disparaissant à Sydney. Est-ce si grave que ça, de vouloir doucement reprendre le temps que j’ai gâché loin de lui? Pourquoi m’en vouloir d’être partie et de l’avoir abandonné si on m’empêche de recoller doucement les pots cassés à mon retour? « Je sais que c’est étrange et que c’est plein de nouvelles choses à prendre en compte pour toi qu’étais pas au courant que t’étais déclarée morte - » un jour, je lui demanderai tout à ce sujet. Un jour, je saurai comment tout ça s’est passé, ici. Comment ils l’ont appris, pour le corps d’une autre, comment les étapes ont déboulé ensuite, comment ils l’ont annoncé, comment mes parents ont réagi. Curiosité morbide. « -, mais ici on a du composer avec cette information y’a longtemps déjà. Alors ouais, t’as été rayée de tous les dossiers de Noah. »  

Ezra prend place sur le bureau, finit par retrouver mes yeux des siens. « Et c’est pas comme ça que je voulais qu’on en discute. Je voulais faire ça un peu mieux. » qu’on en discute aujourd’hui ou dans deux semaines, qu’il ait abordé le sujet à la va-vite ou après des heures de préparation, le résultat aurait été le même. La douleur aurait été la même. « La maîtresse t’a dit quoi ? » doucement, je sens mes sourcils se froncer. J’avais oublié ça, aussi, qu’elle existait à quelque part dans cette école. « Absolument rien. Elle a fait son boulot. » entretenu le silence jusqu’à ce qu’Ezra réponde, arrive. Elle m’a simplement demander de la suivre, de m’installer dans ce siège au creux duquel je suis toujours calée, immobile. Elle n’a rien fait d’autre que son job, je ne lui en veux pas et Ez ne devrait pas lui en vouloir non plus. Personne ici ne veut faire de mal à personne, et c’est ce à quoi je me raccroche. Ezra est doux, même dans les piques qu’il camoufle. Il voudrait vraiment avoir fait mieux. « On a qu’à faire comme si c’était le bon moment. » à mon tour, je bouge un peu, sort de mon état de coton, me redresse pour rejoindre la porte close, la verrouiller d’un geste lent mais naturel. En détournant la tête, je reprends les yeux d’Ezra des miens. Il déplore le fait que cette conversation arrive trop tard selon lui ; j’ai appris à relativiser là-bas. Le temps n’existe pas. Il n’est que ce qu’on en fait, aux moments où on l’utilise. Hier ou demain ou aujourd’hui, tout est flou de toute façon. Appuyée sur la porte, je reprends, de la voix la plus sérieuse et calme que j’ai en banque. Je veux l’entendre, je veux qu’il le dise. Tout ce qu’il aurait voulu faire mieux, les informations à composer, les dossiers. « Qu’est-ce qui a changé, mis à part les papiers? » il n’aurait pas voulu en faire tout un cas si ce n’était qu’une histoire de droits et d’école. Si Ezra me connaît mieux que n’importe qui, l’inverse est toute aussi vraie.

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Il ne sut réellement la raison qui le poussa à s’adoucir un peu dans cette situation, mais ce qu’il savait parfaitement c’était que cela ne servait à rien de garder cette attitude là face à Ginny. Cela ne fonctionnait pas avec grand monde, mais avec elle c’était peine perdue d’avance - et ce n’était pas ce qu’il cherchait. Le but d’Ezra était que tout fonctionne pour le mieux pour que Noah ait un environnement lui convenant le mieux; ce n’était pas en ayant sa mère et son père travaillant l’un contre l’autre que cela fonctionnerait. Les circonstances étaient exceptionnelles, certes, mais cela ne donnait pas d’excuse toute faite pour agir de la sorte. Alors, en laissant un soupire lui échapper et en s’installer contre le bureau, autant son regard que ses mots s’adoucirent lorsqu’il s’adressa de nouveau à la brune à quelque pas de lui. « Absolument rien. Elle a fait son boulot. » Doucement, il opina du chef. Au moins, il y avait eu un point positif dans cette situation: quelqu’un qui était resté à sa place. Il appréciait particulièrement le fait que ce soit le cas d’ailleurs, parce-qu’ils avaient toujours eu une bonne entente avec l’école dans laquelle évoluait Noah et il n’avait pas envie d’avoir des différents avec eux alors qu’ils s’étaient toujours montrés extrêmement compréhensifs envers leur situation jusque maintenant; ça aurait été comme un coup porté dans le dos.

La chose qu’il avouait aussi sans mal à Ginny, c’était que ce n’était pas de cette façon là qu’il aurait aimé que les choses se déroulent entre eux, que certains sujets soient abordés aussi et surtout. C’était d’une importance qui n’était pas à négliger, c’était avec un impact qui se voudrait définitif sur la situation. Ce n’était pas parce-qu’ils avaient été forcés de se retrouver tous les deux ici qu’il souhaitait faire les choses. Il aurait préféré prendre le temps de choisir un meilleur cadre, des meilleures raisons de le faire aussi. Ca aurait été fait dans tous les cas, juste… différemment. « On a qu’à faire comme si c’était le bon moment. » Il eut un petit sourire, doublé d’un soupire soufflé par le nez. Il se voulait un brin amusé, ne l’était pas autant qu’il l’aurait voulu: comme s’il pouvait faire comme si c’était le bon moment alors que ce dernier n’existait surement pas en réalité.

Finalement, Ginny finit par se déloger de l’endroit où elle se tenait depuis qu’il était à son tour entré dans la pièce, pour aller verrouiller la porte d’entrée. Il ne lâcha pas des yeux ses mouvements, n’intervenant pas non plus, la laissant se mettre autant à l’aise qu’elle en avait besoin. La suite de la discussion n’était pas de celles qui faisaient du bien, autant qu’ils en tirent le meilleur de tout ça. « Qu’est-ce qui a changé, mis à part les papiers? » Soupirant, il décrocha son regard pour le laisser revenir devant lui, observant le bout de ses chaussures trop sales pour ce genre d’endroit en réalité; s’il avait au moins pris le temps de changer sa tenue, ses chaussures étaient passées à la trappe dans le processus. « Tout et rien en même temps. » Comment pouvait-il décrire mieux que ça la situation ? Les papiers n’étaient que des papiers, mais il savait que cela signifiant tellement plus pour toutes les personnes impliquées. « Ca a changé pour ici, mais pour tous les aspects de la vie de Noah. Techniquement maintenant, t’as plus ton mot à dire sur rien du tout. » Et s’il y aurait surement eu des meilleures façons de dire les choses, le ton de la voix d’Ezra suggérait que ce n’était pas avec méchanceté qu’il décidait de prendre son ton le plus franc, mais parce-que parfois tourner autour du pot n’était pas nécessaire. Il inspira longuement. « Je suis devenu son seul représentant légal, par la force des choses, au début. Et… » C’était cette partie là qui serait surement la plus dure à anticiper pour Ginny, tant elle avait loupé plus d’une chose depuis son départ. Pas le début de tout ça, mais la suite avait été conséquente. « C’est Lily qui fait office de deuxième tuteur. Au moins pour l’école. Mais pour plein d’autres choses maintenant. » Parce-qu’elle n’avait pas l’information comme quoi les deux s’étaient unis, et que par extension, elle était désormais une personne bien plus importance qu’avant dans le quotidien de Noah; qu’elle s’occupait de ce dernier comme si c’était son fils, c’était ça la réalité désormais. « C’est qu’un élément dit comme ça mais ça a beaucoup d’impact pour le reste. » Parce-que cela voulait dire qu’il n’était pas seul pour traverser cette aventure, et ce n’était pas rien, pas alors que cette dernière comprenait trop de rebondissements pour que cela soit normal pour un enfant de l’âge de Noah.

« Tout et rien en même temps. » Ezra joue le jeu jusqu’au bout, il se replace, cherche mes yeux, prend le temps d’inspirer avant de parler. Rien n’est facile mais si je suis bien honnête avec moi-même et que je le suis avec lui, je m’y attendais. Il y avait trop de regards qui fuyaient, trop de silences entre nous pour qu’il ne me cache pas quelque chose. J’aurais eu besoin de temps avant qu’il m’en parle officiellement, avant qu’il me dise concrètement ce qu’il en retourne, mais au fond de moi j’étais persuadée qu’Ezra retenait certaines informations. Malgré le pincement qui n’arrête plus de lacérer l’intérieur de mes joues, je suis soulagée qu’il me croit assez solide pour enfin tout me dire. « Ca a changé pour ici, mais pour tous les aspects de la vie de Noah. Techniquement maintenant, t’as plus ton mot à dire sur rien du tout. » techniquement. Mon nom a disparu de tous les papiers, il a été rayé, il est inutile. Remplacé par le fameux blanc que j’imaginais pas moins de quelques secondes avant qu’il vienne nous retrouver ici.

J’hoche de la tête, silencieuse. Non pas que je n’ai rien à dire mais plutôt, je préfère avoir tout en main avant d’ouvrir la bouche de nouveau. Les informations entrent et ne sortent pas, elles flottent, marinent, bouillent à l’intérieur. Il y aura quelques nuits blanches qui seront nécessaires pour tout assimiler et bien comprendre. Mais pour le moment je suis une éponge. Qu’il dise tout, tout ce qu’il y a à dire, tout et tout encore. « Je suis devenu son seul représentant légal, par la force des choses, au début. Et… c’est Lily qui fait office de deuxième tuteur. Au moins pour l’école. Mais pour plein d’autres choses maintenant. » je dois me faire violence pour ne pas froncer des sourcils, pour ne pas lui demander s’il parle de la Lily de Matt. J’aurais dû savoir pour eux, j’ai probablement déjà su même, mais leur chronologie est tellement floue - et la ligne de temps depuis le départ de Matt l’est encore plus - que je ne veux pas ajouter une épine de plus à la conversation. Baissant la tête, je retourne m’installer dans le siège, genoux remontés et menton appuyé sur ceux-ci. « C’est qu’un élément dit comme ça mais ça a beaucoup d’impact pour le reste. » "le reste" me fait redresser le menton. C’est la suite qui m’intéresse, maintenant qu’Ezra a fait le portrait des choses. Je n’existe plus nulle part. On fait quoi avec ça? On construit quoi, à partir de ça.

Puis, c’est la réalisation. Un genre d’épiphanie d’iris qui se mélangent aux siens, d’échos de ses mots, mis les uns à côté des autres. « Elle a enfin eu la famille dont elle a toujours rêvée. Tant mieux pour elle. » dans ma voix, il n’y a et n’aura jamais de pointe de jalousie ou d’amertume. On peut dénoter un fond de tristesse et de nostalgie, que j’ignore à quoi je rattache, pourtant. Mais ce n’est pas ce pourquoi mes yeux se sont raccrochés à ceux d'Ezra. Ce n’est pas pourquoi la boule dans mon ventre brûle jusqu’au fond de ma gorge. « Est-ce qu’il me reste une place dans sa vie? » le reste, qu’il disait. Le reste où ils n’ont plus besoin de moi, où ils ont colmaté tous les trous, où ils vivent bien mieux sans le fardeau Ginny. « Est-ce que tu veux qu’il m’en reste une? » la question n'en est pas une, surtout lorsque je me reprends. « Vous. Lily et toi. » ils sont deux, maintenant. Une famille.

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Il savait parfaitement à quel point ce genre de nouvelle n’était pas la bienvenue - ni aujourd’hui, ni jamais, ni comme ça, ni d’aucune façon en réalité. Parce-qu’il l’avait vécu plus d’une fois et que c’était pour cette exacte raison qu’il aurait désiré faire les choses autrement pour une fois. Mais les circonstances le poussaient aujourd’hui à aborder un sujet qui était délicat, parce-qu’il en amenait plus d’un autre avec lui dont ils n’avaient pas discuté; le temps avait joué contre eux, tout en continuant de s’écouler normalement à leur grand dam.

« Elle a enfin eu la famille dont elle a toujours rêvée. Tant mieux pour elle. » Il aurait préféré entendre au moins un brin de dédain dans sa voix, mais ce ne fut pas le cas. C’était peut-être pour le mieux - les rancoeurs étaient ce qui leur avait fait perdre tant de temps pendant des années, il suffisait de regarder là où ils en étaient aujourd’hui pour comprendre que cela leur avait porté préjudice. Ezra pinça ses lèvres, secoua quelque peu sa tête de droite à gauche tout en gardant son regard de son côté, ne sachant affronter de manière correct celui de Ginny en cet instant. « Y’a pas que elle qui rêvait de ça. » Ce ne serait pas là des paroles nouvelles, si elle avait bonne mémoire: Ezra avait toujours rêvé d’avoir une grande famille à lui, sur un modèle qui n’était pas moins évident que la fratrie avec laquelle il avait grandi. Alors peut-être effectivement que Lily avait obtenu quelque-chose qu’elle désirait dans le lot, mais elle n’était pas la seule car ce désir était partagé.

« Est-ce qu’il me reste une place dans sa vie? » Ce ne fut qu’à ce moment là qu’il releva son regard pour l’accrocher à celui de la jeune femme, car ce n’étaient pas là des mots qu’il s’attendait à entendre - pas aujourd’hui, ou peut-être pas de cette façon là. Il l’avait dit: il aurait préféré que cette discussion se fasse autrement que de la sorte. « Est-ce que tu veux qu’il m’en reste une? Vous. Lily et toi. » Il fronça quelque peu les sourcils. « Tu peux pas enchainer ces deux questions là comme ça. » C’était peut-être un reproche - il était surtout surpris de la tournure des pensées de Ginny. Soufflant, il se gratta l’un des sourcils du pouce, secouant malgré lui sa tête. « T’es sa mère Ginny, la question se pose même pas. » Il dodelina quelque peu de la tête. « Elle se pose pas à mes yeux en tous cas. » Il eut un petit rire qui n’était en rien amusé, si non surtout nerveux. « Mais c’est un grand maintenant, c’est avec lui que tu vas devoir avoir cette conversation. » Noah n’était plus en âge de tout se faire dicter par ses parents sous couvert que ces derniers savaient ce qui était mieux pour lui et son avenir - l’avaient-ils seulement une seule fois réellement su ? « J’irai pas contre ce qu’il veut. » Parce-que sa priorité était là désormais: les désirs de Noah concernant qui pouvait ou non se tenir dans son entourage proche étaient ce à quoi il se pliait; il avait d’ailleurs été et était encore aujourd’hui très reconnaissant envers son fils d’avoir accepté Lily dans cet entourage et d’avoir permis à son père de pouvoir s’épanouir sur bien des points en simultané. « Lily ira pas contre ce qu’il veut. » Parce-qu’elle savait où se tenait ses responsabilités dans cette situation, dans cette configuration - ce n’était pas toujours le cas pour d’autres sujets, mais Noah était un cas à part.

Ezra inspira longuement. « Je sais pas si t’as entendu, j’ai commencé en disant que techniquement t’avais plus ton mot à dire. » Il avait toujours joué franc jeu avec elle, il ne changerait pas sa manière de faire aujourd’hui. « Ca veut pas dire que c’est ce que j’ai envie de voir arriver. » Son regard comprenait une teinte de tristesse qu’il pensait pourtant enterrée depuis des années désormais - bien avant qu’elle ne migre dans une autre ville pour disparaître ensuite. « Mais on peut pas se foirer entre une fois avec lui Gin, il a déjà vécu trop de choses pour qu’on soit encore responsables de quelque-chose comme ça. Alors… » Il inspira, expira. « Tu peux pas apparaitre et disparaitre comme ça quand ça te plait. S’il te plait. » Pour son bien, mais surtout pour celui de Noah - lui était un adulte qui s’accommoderait malheureusement de bien des choses s’il le fallait.

« Y’a pas que elle qui rêvait de ça. » Ezra rebondit sur un commentaire que j’ai tenté d’amener avec le plus de douceur possible. Je ne juge personne, je suis tout sauf bien placée pour le faire, et l’important dans l’histoire est et restera qu’Ezra et Noah soient heureux. S’ils le sont, alors je n’ai rien à en dire ni à en penser. « Je suis désolée de jamais avoir pu te l’offrir de la façon dont tu l’espérais. » le dire me fait réaliser que je ne me suis jamais vraiment excusé ainsi à Ezra. Qu’il n’a jamais entendu d’excuses concrètes et sincères sur cette vie de famille traditionnelle, sur son fantasme d’être père de la bonne manière que je lui ai volé aussi vite que l’avion qui a quitté Brisbane pour s’éloigner jusqu’à Londres. C’était ma promesse, c’était supposé être une toute autre vie que je lui offrais, c’était censé être mon rôle, de l’amener là-dedans et de construire avec lui quelque chose de bien, de bon. Ezra a mérité tout ce qu’il peut vivre aujourd’hui, tout le beau que Lily sait lui offrir et saura lui offrir bien mieux, bien plus longtemps que moi. « Tu peux pas enchainer ces deux questions là comme ça. » la réponse d’Ezra, arrivée plus sèchement que je ne l’aurais cru, me replace dans mon siège sans que je ne le remarque. J’ignorais avoir gaffé en lui donnant le choix, en lui prouvant qu’encore une fois, qu’il soit seul ou qu’il prenne ses décisions à deux, jamais je ne m’interposerais. « T’es sa mère Ginny, la question se pose même pas. » je ne le suis pas ici, je ne le suis plus sur aucun papier. Je n’ai plus mon mot à dire, il l’a souligné lui-même. Quand bien même Noah manifesterait sur tous les toits, Ezra et Lily sont ceux qui ont le mot final. « Elle se pose pas à mes yeux en tous cas. » la précision fait mal, je l’encaisse autant que j’encaisse tout ce qui se dit depuis que la porte est close. C’est moi qui ait initié cette conversation et je ne montrerai pas une seule fois à Ezra le mal qu’elle peut me faire. Mes sentiments ne comptent pas, aujourd’hui. « Mais c’est un grand maintenant, c’est avec lui que tu vas devoir avoir cette conversation. J’irai pas contre ce qu’il veut. Lily ira pas contre ce qu’il veut. » docilement, j’hoche de la tête, en sachant très bien que cela ne sera pas suffisant. Je ne m’imposerai pas dans la vie de Noah si son père et sa mère ne veulent pas de moi. Je ne le mettrai pas au centre d’une famille que je le forcerai d’avoir, par égoïsme de croire que j’y ai encore la place qu’on m’a enlevée. J’ai grandi dans une famille tellement dysfonctionnelle où enfants et parents pensaient et voulaient des choses diamétralement différentes et j’en porte encore les séquelles. Noah ne vivra pas cela par ma faute, pas en plus du reste. « Je sais pas si t’as entendu, j’ai commencé en disant que techniquement t’avais plus ton mot à dire. » j’ai très bien entendu, que mes yeux lui confirment, mais encore une fois mes lèvres restent scellées. J’attends patiemment mon tour. « Ca veut pas dire que c’est ce que j’ai envie de voir arriver. » et pourtant, c’est là où on en est. À compliquer les choses, à tourner le couteau dans la plaie. « Mais on peut pas se foirer entre une fois avec lui Gin, il a déjà vécu trop de choses pour qu’on soit encore responsables de quelque-chose comme ça. Alors… Tu peux pas apparaitre et disparaitre comme ça quand ça te plait. S’il te plait. » un soupir, une attaque de plus.

« … et je suis désolée de ne pas avoir été à la hauteur de ta confiance. » je m’entends poursuivre, comme si j’avais pris tout le temps possible, comme si chacun de ses mots m’avaient donné la force de continuer mon discours. « C’est pas comme ça que je voulais que tu - » discours que j’interromps de suite. S’il y a bien quelque chose dans ses paroles qui m’a brisé le cœur plus que le reste, ce sont les accusations, les piques, les critiques. Même Auden a fini par passer à autre chose, par voir les efforts que je fais dans tout, tout le temps. J’aurais espéré qu’Ezra aussi, d’une certaine manière, réapprenne aussi lentement qu’il en a envie à reconstruire les morceaux avec moi. Mais rien dans son plaidoyer ne me le suggère. « Si vous pensez que je ne devrais pas être dans sa vie, il faut me le dire. » je sais que Noah est un grand garçon, je sais tout ça. « Je lui imposerai pas une famille comme celle que j’ai eue, Ezra. Je veux pas qu’il y ait de la discorde entre ce que vous voulez et ce qu’il veut. » sans sortir de sa vie au complet, sans disparaître de nouveau. Je m’adapterai, j’ouvrirai la porte bien comme il faut. Mais ce n’est pas seulement Noah, et ce ne sera certainement pas seulement moi qui choisirai la suite. Il faut que je l’entende de sa bouche, aussi, surtout. Si sa nouvelle famille lui convient autant qu’il en a toujours rêvé, à quel point veut-il cacher sous le tapis le fait que mon retour casse tout? Je refuse que ce soit une épée de Damocles, mon départ. J’y arriverai pas si à chaque fois je dois me justifier. J’espère stupidement qu’on apprenne, qu’on avance, qu’on sache que j’ai tout gâché, et qu’on évolue. « Je sais que ce sera difficile à croire, mais je veux rester et faire les choses bien. J’essaie vraiment. » c’est horrifiant, de voir que même après plusieurs mois, Ezra croit encore que je songe à repartir. Qu’après avoir appris tout le mal que mon départ et que le silence forcé de mes lettres jamais envoyées ont pu leur faire, que je sois tout de même encore encline à repartir, à blesser ma famille à ce point et consciemment. « Donne-moi un mode d’emploi, donne-moi une liste pour te prouver que c’est vrai, n’importe quoi. » puisque ce que je peux bien faire depuis mon retour n’est pas suffisant. « T’as même pas besoin de me pardonner. » ni lui, ni Auden, ni Noah, ni Sloan et ni Swann. Personne n’a besoin de le faire et depuis quelques temps, je sais que personne ne le fera.

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@ginny williams

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(c): cressidium (gif), luleaby (codage).

***
« Je suis désolée de jamais avoir pu te l’offrir de la façon dont tu l’espérais. » Il soupira quelque peu, pencha sa tête sur le côté. « Je sais Gin. » Elle ne lui avait jamais dit, avant aujourd’hui - qu’elle était désolée. Qu’elle n’ait pas pu le faire était une chose, et il ne pourrait lui en vouloir parce-qu’elle n’avait pas véritablement eu son mot à dire sur la question. En revanche, elle ne lui avait jamais présenté des excuses de façon aussi directe, aussi simple; il ne s’en était pas rendu compte avant de les entendre aujourd’hui. « C’était pas vraiment un reproche. Je sais que c’est pas ta faute. » Si le monde n’avait pas été contre eux à une époque, ils n’en seraient pas là aujourd’hui et il y avait fort à parier que leur réalité aurait été bien différente. Tout comme la réalité actuelle n’était surement pas ce qu’ils avaient espéré - ni aujourd’hui, ni jamais. Ginny ne semblait pas s’apercevoir que c’était quelque-chose qu’elle avait imposé sans préavis aux personnes qui étaient restées en arrière, là où Ezra se devait d’insister sur le fait que ce n’était pas quelque-chose qui pouvait être permis de nouveau. Noah ne méritait pas toutes les aventures que ses parents malgré eux lui imposaient, surtout maintenant qu’il était tout à fait en âge de comprendre ce qu’il se passait et surtout apte à prendre des décisions par lui-même.

« … et je suis désolée de ne pas avoir été à la hauteur de ta confiance. » Son regard se laissa happer par ses paroles, resta ancré autant que possible dans sa direction. Il ne partait même pas sur ce terrain là, parce-que la pente était glissante et que ce n’était pas forcément le moment de disserter sur toute cette partie là. « C’est pas comme ça que je voulais que tu - » Il haussa un sourcil: qu’il ? « Si vous pensez que je ne devrais pas être dans sa vie, il faut me le dire. Je lui imposerai pas une famille comme celle que j’ai eue, Ezra. Je veux pas qu’il y ait de la discorde entre ce que vous voulez et ce qu’il veut. » Il secoua sa tête, lâcha un petit soupire ressemblant drôlement malheureusement à un rire amer. « T’as pas écouté ce que j’ai dit. » Ce n’était pas là la réaction qu’il voudrait avoir, mais c’était pourtant celle qu’il se voyait avoir; parce-que si elle avait écouté ce qu’il lui disait depuis plusieurs minutes, elle n’aurait pas ce type de réponse. « C’est pas question que je veuille quelque-chose de différent de lui, c’est que je veux ce que lui veut. J’ai pas à réfléchir plus. » Parce-que Noah était assez grand pour choisir ce qui était bon pour lui - il s’évertuait à le souligner ici.

« Je sais que ce sera difficile à croire, mais je veux rester et faire les choses bien. J’essaie vraiment. » - « Je sais, Ginny, je sais là dessus j’ai jamais dit le contraire. » - « Donne-moi un mode d’emploi, donne-moi une liste pour te prouver que c’est vrai, n’importe quoi. T’as même pas besoin de me pardonner. » Il pinça ses lèvres, soupira de nouveau. « Je t’ai dit que ça ça prendrait juste du temps. » Pas qu’il ne voulait pas la pardonner maintenant, pas qu’il n’avait pas envie de voir ça arriver tout court aussi; simplement il n’était pas encore prêt à ce que ce soit le cas mais il savait que cela finirait par être le cas parce-qu’il n’était pas apte à ne pas le faire. « Je sais que t’essaies, mais tu peux pas prendre des décisions dans ton coin sans demander avant si c’est la bonne chose à faire. » C’était cette partie là qui était la plus difficile de toutes, parce-que les choses n’avaient jamais tourné de cette façon là. « Je sais que t’as été celle qui prenait les décisions pendant longtemps, et qu’avant t’avais pas besoin de l’accord de qui que ce soit pour agir, mais… ça a changé. » Et la position d’Ezra à ce propos avait changé aussi - c’était la grande partie qui devenait grain de sable dans le rouage. « Je veux juste que tu prennes en compte ce que lui veut, ce qu’il est cabale d’encaisser aussi. » Parce-que les nuits avaient été longues pour Noah, lorsqu’il s’était demandé si un jour il reverrait sa mère - avant d’accepter que ce ne soit pas le cas, pour finalement la voir réapparaitre comme par magie. « Et que tu te rendes compte que ça va forcément passer par moi tout ça, parce-que c’est moi qui suis son responsable. Et je veux le protéger. » Et que si pendant des années, Ezra avait agi de façon passive dans la vie de leur fils, ce n’était plus le cas désormais.

Finalement, alors qu’il détournait le regard du visage de Ginny et passait ses mains dans ses cheveux, il soupira longuement. « C’est pour ça que je voulais pas avoir cette discussion n’importe comment, parce-que je voulais faire les choses bien. » Pas dans une pièce impersonnelle qui criait toutes les évolutions qui avaient été présentes dans la vie de Noah par le biais des différentes années qu’il avait pu passer à l’école, passant d’une salle de classe à une autre et encore une sans que Ginny puisse faire partie des personnes assistant à cette évolution. « Y’a plein de choses pour lesquelles j’ai pas encore les réponses pares-que j’arrive pas à tout comprendre. » Il avait toujours su être davantage fragile face à Ginny, et ne comptait pas changer son comportement - pas aujourd’hui, ce n’était ni nécessaire ni le moment de le faire. « J’en discute autant que possible avec lui, mais je peux pas tout comprendre parce-que j’arrive moi-même pas à savoir comment on en est arrivés là. » A marquer des points dans des camps qui semblaient être différents de prime abord: cela n’était jamais arrivé entre eux.

« Je sais Gin. C’était pas vraiment un reproche. Je sais que c’est pas ta faute. » que ce soit ma faute ou non, il mérite tout de même de l’entendre. Ezra mérite de savoir que si j’avais pu changer quoi que ce soit je l’aurais fait, qu’une grosse part des regrets de ma vie se situent à cette époque. « T’as pas écouté ce que j’ai dit. » qu’il soit brusque ou amer ne me fait plus sursauter, j’ai compris depuis un moment que cette conversation ne serait pas facile pour personne, et que les données avec lesquelles on jonglait chacun de notre côté étaient impossibles à prévoir, à anticiper et à gérer à l’avance. Autant Ez que moi prend la balle au bond et joue avec les cartes qui sortent au fur et à mesure. « C’est pas question que je veuille quelque-chose de différent de lui, c’est que je veux ce que lui veut. J’ai pas à réfléchir plus. » docilement, je hoche de la tête. Je ne suis pas là pour en faire un combat, pour tiquer sur un mot ou sur une perception. Réajustant ma position mais surtout mon regard dans le sien, je laisse à Ezra toute la place de défendre son point comme il arrive à le faire du mieux qu’il peut. « Je sais, Ginny, je sais là dessus j’ai jamais dit le contraire. » dans une autre vie, j’aurais tout arrêté pour lui dire à quel point j’étais fière. Fière de le voir si solide, fière de le voir agir comme le père qu’il a toujours rêvé d’être, rôle qu’il joue pleinement aujourd’hui. « Je t’ai dit que ça ça prendrait juste du temps. »

À la place, j’encaisse chaque demande, chaque requête, chaque menace de velours. « Je sais que t’essaies, mais tu peux pas prendre des décisions dans ton coin sans demander avant si c’est la bonne chose à faire. » je lui laisse toute la place qui lui appartient, toute la place qu’il mérite. « Je sais que t’as été celle qui prenait les décisions pendant longtemps, et qu’avant t’avais pas besoin de l’accord de qui que ce soit pour agir, mais… ça a changé. Je veux juste que tu prennes en compte ce que lui veut, ce qu’il est cabale d’encaisser aussi. Et que tu te rendes compte que ça va forcément passer par moi tout ça, parce-que c’est moi qui suis son responsable. Et je veux le protéger. » il le fait si bien, déjà. Il protège Noah comme Noah mérite d’être protégé. Il est exactement ce dont notre fils a besoin, lorsqu’il en a besoin, et de me dire que je ne suis plus celle qui peut attester au titre de pilier, de phare, de bouée fait moins mal en sachant que c’est Ezra qui joue ce rôle maintenant. Oui, ça blesse et ça blessera probablement encore longtemps. Mais pour Noah, je suis capable de voir qu’Ezra brille enfin pour tout ce qu’il représente. « C’est pour ça que je voulais pas avoir cette discussion n’importe comment, parce-que je voulais faire les choses bien. » sans le savoir, Ezra ouvre les fissures que les discussions de couloirs avec Auden ont bien pu causer. Le temps pressé, les papiers à signer rapidement, pour s’en débarrasser. Ezra, lui, sait au moins que les circonstances ne sont pas idéales et fait au mieux, avec toute la douceur que je lui connais. C’est tout à son honneur. « Y’a plein de choses pour lesquelles j’ai pas encore les réponses pares-que j’arrive pas à tout comprendre. J’en discute autant que possible avec lui, mais je peux pas tout comprendre parce-que j’arrive moi-même pas à savoir comment on en est arrivés là. » et moi donc Ez, et moi donc.

« On se dispute pas, on est pas l’un contre l’autre. » le dire, même si autant lui que moi le savons avec pertinence, soulage le noeud dans ma gorge. « Et y’a pas de manuel, on en a jamais eu. C’était pas plus facile quand c’était moi, tu sais. » j’ignore s’il le croit, s’il a toujours vécu avec la pensée que j’avais été plus à l’aise. Qu’être celle qui était responsable de prendre toutes les décisions était plus simple lorsque j'étais aux commandes. Qu’à quelque part, la mère avait toutes les réponses et que le père devait juste vivoter autour. Ce n’est pas le cas, et c’est important pour moi qu’il sache qu’à mes yeux il fait un boulot impeccable. Qu’il n’a rien à envier aux années où j’étais la seule à garder le fort. « Je veux le protéger, moi aussi. » j’ai toujours voulu, et ce n’est pas parce que j’ai failli à la tâche que l’objectif, que le résultat final a changé. Je suis revenue et je veux faire mieux ; aujourd’hui n’est qu’une confirmation de plus. « Est-ce que tu peux lui donner mon adresse? » Noah a mon numéro de téléphone depuis que je suis revenue, Ezra l’avait en main, mais mon fils ne s’en est jamais servi. J’ai attendu, j’attendrai aussi longtemps qu’il le faut. Mais peut-être qu’une adresse serait un gage de sécurité de plus. Un endroit fixe, plus aucun canapé et plus aucune chambre d'amis que je partage en attendant. Gribouillant le numéro et la rue où je partage un appartement avec Atlas, je tends le papier à Ezra pour qu’il décide, à nouveau et avec Noah, si cela est une bonne idée ou non. « C’est pas grand chose, c’est un entre-deux. Mais s’il a envie de venir faire ses devoirs sur le balcon, on a une jolie vue. » à son rythme.

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C’était exactement le genre de situation qu’il désirait éviter depuis le début. Il n’avait jamais eu envie de se retrouver à discuter dans deux camps différent avec Ginny, ni à l’époque ni aujourd’hui - et pourtant, c’était exactement ce qui était en train de se passer. Parce-qu’il avait des impératifs et des limites qui n’étaient pas compatibles à un libre arbitre dans les actions de son côté à elle, qu’il se devait de maintenir le cadre qu’il tentait maladroitement d’instaurer depuis plusieurs années maintenant. Il était parfaitement au courant de tout ça, pourtant ce n’était pas là quelque-chose qui le rendait à l’aise loin de là.

Alors lorsque Ginny reprit la parole, bien sur qu’il eut un peu de mal à remonter son regard dans sa direction. « On se dispute pas, on est pas l’un contre l’autre. » Il pinça ses lèvres un peu plus fort, se retint de lever ses sourcils quelque peu. Ils ne s’étaient jamais disputés - pas vraiment, ou pas assez fort pour que cela entre dans cette catégorie. Les seuls moments où ils avaient joué l’un contre l’autre, c’était contre leur volonté - cela ne s’était pas spécialement bien terminé, les séquelles étant encore visibles aujourd’hui. « Et y’a pas de manuel, on en a jamais eu. C’était pas plus facile quand c’était moi, tu sais. » Il souffla quelque peu par les narines, secouant cette fois-ci sa tête de gauche à droite. « C’est pas mon impression. » Il ne voulait pas être contre elle, mais il avait toujours été honnête et il ne comptait pas aujourd’hui; alors c’était peut-être effectivement le cas mais au moins quand c’était elle qui était aux commandes Ezra n’avait pas disparu et n’avait pas été déclaré mort. Il ne faisait pas du tout partie du décor, certes, mais Noah était trop petit au début pour comprendre. « T’avais l’air de t’en sortir plus facilement. » Il osa une oeillade dans sa direction, avant de reporter son regard en direction de la fenêtre et de sa voiture garée un peu plus loin, Noah à l’intérieur - il ne pouvait le voir avec le reflet du soleil cependant. Il soupira. « J’aurais préféré qu’on ait un manuel, tu sais. Pour qu’on arrête de merder comme ça. Pour lui. »

« Je veux le protéger, moi aussi. » - « Je sais, je sais. » Il soupira, fort: contre ça, il ne pouvait lutter. « Y’a pas mal à réparer avant de protéger, c’est tout. » Et ça l’embêtait, que ce soit le cas; il n’avait pas le choix mais ce n’était pas pour autant que cela lui faisait plaisir.

« Est-ce que tu peux lui donner mon adresse? » Lentement, son visage tourna de nouveau dans la direction de la jeune femme; il cherchait une indication dans son regard, dans sa posture qui indiquerait l’idée qui se cachait derrière ces paroles. A la place, il la vit attraper un bout de papier pour annoter quelque-chose sur ce dernier; son adresse donc, il supposait. Ginny finit par le tendre dans sa direction. « C’est pas grand chose, c’est un entre-deux. Mais s’il a envie de venir faire ses devoirs sur le balcon, on a une jolie vue. » Il hésita un instant avant d’attraper doucement le bout de papier, son regard restant dessus un instant encore et un autre de plus avant de regarder de nouveau dans la direction de Ginny. « Je lui demanderai s’il la veut. Et si c’est le cas… je lui ajoutera tes arguments. » Il fourra le papier dans la poche arrière de son pantalon - c’était presque maladroit, mais c’était sa façon de faire et elle le savait, elle ne lirait rien d’agressif entre les lignes ici. « C’est un grand maintenant, tu sais. » C’était peut-être évident rien qu’à voir l’âge que Noah avait, mais ce n’était pas tout. « Il a toujours été plus mature que beaucoup de gens, mais maintenant c’est un grand. Pour de vrai. » Qui était tout à fait capable de comprendre les tenants et aboutissants d’une situation imposée à lui par les adultes, et surtout de s’en extirper s’il sentait qu’elle n’était pas bonne pour lui. « Juste: je te promets pas que ça marche. Qu’il vienne, quoi. » Il humecta ses lèvres, haussa quelque peu les épaules. « Mais je lui en parlerai. » Ils parlaient d’elle, de Ginny, de sa mère, de toute façon. Ce serait introduit surement dans la foulée alors qu’ils rentreraient chez eux.

« L’adresse, où tu vis… » Il plissa quelque peu le bout du nez. « C’est où ? » Ezra aurait voulu que ce ne soit pas le cas, mais bien sur qu’il s’inquièterait toujours pour elle; c’était le cas depuis le premier jour et ce n’était pas quelque-chose qui risquait de changer, surtout pas alors qu’elle était officiellement de nouveau en vie. Ils partageaient un enfant qui subissait bien trop les aléas de leur vie, pour commencer, bien sur qu’il s’inquiéterait toujours un minimum malgré lui pour elle.

« C’est pas mon impression. » mais? « T’avais l’air de t’en sortir plus facilement. » mais. Doucement, je reprends un rythme de respiration entre un souffle coupé et lourd.

Ezra fait dans la pique aujourd’hui, il lutte tellement fort contre son instinct que j’aurais dû lui dire que même s’il vidait tout son venin sur moi, jamais je ne lui en tiendrais rigueur. Quand je parlais de dispute, je parlais autant d’une l’un contre l’autre que d’une l’un envers soi. J’ai l’impression qu’il ne dit pas tout, que ce qu’il dit passe par un tamis, qu’il traite et filtre, qu’il adoucit. L’image m’énerve et m’angoisse, mais elle reste en suspens à ses lèvres entre un énième soupir qu’il ne retient pas, au moins. Il se doit bien ça.

« J’aurais préféré qu’on ait un manuel, tu sais. Pour qu’on arrête de merder comme ça. Pour lui. » c’est une chose d’entacher ma relation avec son père, c’en est une autre d’avoir atteint à ce point celle de Noah. Et si je semblais croire que ce n'était pas si creux que ça, c’était bien parce que je me mentais depuis le début. Me mentir à prétendre que mon absence ne leur ferait pas de mal, qu’ils en seraient tous bien mieux. Ce mensonge ne fait que me rattraper comme un boomerang depuis que j’ai remis le pied ici, ici à Brisbane et ici à l’école. Devant lui. « Si tu savais comme j’en rêve encore. » ce serait stupide qu’il pense que je crois être persuadée de faire la bonne chose, même si je tente de toutes mes forces de ne faire que ce que je crois bon pour Noah. Je croyais bien de ne pas remettre du sel dans les plaies, je croyais bon d’y aller en douceur, de venir dans son espace à lui, dans un endroit où il se sent bien, à sa place, heureux et entouré de gens qui le mettent en sécurité. J’ai merdé. Encore. « Y’a pas mal à réparer avant de protéger, c’est tout. » « Alors je commencerai du début. » un dialogue de sourds par moments, un monologue à d’autres. Et le reste, c'est cette entente que nous prenons tous les deux pour Noah et seulement pour lui. J’irai à son rythme, je laisserai de côté toutes mes appréhensions à savoir si Ezra ou même Lily sont d’accord ou non, et ce ne sera que Noah. Juste Noah.

Mon adresse temporaire qui risque de devenir la seule pour un long moment passe de mes mains aux poches d’Ezra. « Je lui demanderai s’il la veut. Et si c’est le cas… je lui ajoutera tes arguments. » c’est déjà plus que ce que je demande, qu’il parle pour moi, qu’il utilise mon discours et qu’il fasse valoir mes arguments. À aucun moment je ne crois qu’il mentirait, ou qu’il me dirait tout ça et perdrait une miette d’énergie à ne pas y croire. Alors je le crois. « C’est un grand maintenant, tu sais. Il a toujours été plus mature que beaucoup de gens, mais maintenant c’est un grand. Pour de vrai. » le pincement au coeur est normal, celui de ne pas l’avoir vu devenir grand, celui d’être persuadée qu’il mesure deux mètres de plus, au moins, à mes côtés depuis que je suis revenue. « Juste: je te promets pas que ça marche. Qu’il vienne, quoi. Mais je lui en parlerai. » « Je sais que tu sais, mais je vous en voudrai jamais l’un ou l’autre si jamais c’est trop tôt. Ou trop tout court. » ou que ça ne fonctionne pas, tout simplement. Je prendrai ce qu’ils me donneront, je me plierai à tout ce qu’il demandera, à ce qu’il voudra, à ce qu’il refusera, et à ce qu’il me refusera. C’est simple, l’accord est scellé, et - « L’adresse, où tu vis… » ce n’est pas chez lui, que mon regard confirme. Mais Ezra doit vouloir l’entendre de vive voix. Je ne peux pas le blâmer. « C’est où ? » « Chez Atlas. Il n’a pas prévu partir de sitôt, et on y est vraiment bien. » l'armée est complètement hors de question pour lui. Depuis son accident, il n’a plus la moindre envie ni possibilité d’y retourner. Alors on se construit un nid pour oiseaux aux ailes cassés, on y ajoute des plantes et de grandes fenêtres qui laissent passer la lumière du jour, on fait au mieux pour créer un endroit calme et solide dans lequel on reprend chacun des forces à notre rythme. Atlas, c’est ce qui se rapproche le plus de Matt dans mes souvenirs, et dire qu’il me manque serait diminuer atrocement le sentiment de vide immense qui me gobe jour après jour. Ce n’est pas l’endroit ni le moment pour le faire, mais je sais que tout ce qui reste pris à l’intérieur cédera bientôt. Des années après la dernière vague et le dernier sourire d’idiot à croire qu’il pouvait la prendre. Atlas a grandi avec Matt, il a pris tous ses plis. Il se confond avec lui, la nuit, quand sa silhouette s’assure que je ne fais pas trop de cauchemars dans l’embrasure de ma porte. Une inspiration de plus, et je confirme ce que tout le monde sait déjà et ce pour quoi je ne sais même pas pourquoi je me bas. « Je vais divorcer. »

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Elle avait toujours eu l’air d’être bien plus à l’aise que lui dans la situation, alors que pourtant les premières années de vie de Noah avaient été bien plus compliquées que celles qu’il avait eu par la suite. L’annonce de sa maladie, les traitements, l’opération qui lui avait sauvé la vie… Tout ça, Ezra n’avait assisté qu’à la partie immergée de l’iceberg - Ginny avait eu le droit au reste du mastodonte. Alors bien sur qu’il aurait aimé qu’un manuel existe pour que tout soit plus simple à comprendre, pour qu’il puisse moins faire d’erreurs pour celui qui avait fait d’eux des parents. « Si tu savais comme j’en rêve encore. » Il laissa échapper un petit rire par les narines - un instant, pas un de plus; il en rêvait encore aussi, bien sur, mais plus il grandissait moins Noah semblait avoir lui de son côté besoin d’un quelconque manuel contrairement à ses parents. Il apprenait à faire ses propres choix, à dire ce qui lui semblait être en accord avec ses envies, ses principes; si bien qu’Ezra ne saurait d’avance pouvoir assurer à Ginny qu’une rencontre entre leur fils et elle pourrait facilement se faire. Il voudrait que ce soit le cas, de tout son coeur pour de vrai, mais il ne pourrait le garantir. « Alors je commencerai du début. » C’était ce qu’ils tentaient tous de faire, en réalité.

« Je sais que tu sais, mais je vous en voudrai jamais l’un ou l’autre si jamais c’est trop tôt. Ou trop tout court. » - « Je sais oui, je sais. » Il n’était pas question à son niveau de remettre cette partie là en question. Ce n’était pas ce qu’il tentait de faire ici: il voulait protéger Noah et ne pas lui imposer des situations dont il ne désirait pas. Juste ça. Et il préférait prévenir d’avance Ginny, qu’elle ne soit pas étonnée de comment les choses pourraient tourner; juste au cas où.

Elle finit par lui donner l’adresse d’où elle logeait ces derniers temps, et où elle se trouverait apparement assez longtemps pour que Noah puisse lui rendre visite. Ezra savait qu’il ne pouvait se permettre de poser ce genre de question parce-qu’elle n’avait aucun compte à lui rendre, mais il ne sut s’empêcher de lui demander où se tournait ce logement - parce-qu’il resterait toujours inquiet pour elle, qu’important le temps passé. « Chez Atlas. Il n’a pas prévu partir de sitôt, et on y est vraiment bien. » Opinant du chef, il essaya de camoufler son soupire de soulagement mais ce dernier se fit entendre malgré tout. Au moins, elle était en sécurité quelque-part où elle se sentait en sécurité: c’était le principal. Il ne connaissait que trop bien tout le reste de l’histoire à côté pour ne pas savoir que ça n’avait pas toujours été le cas. [colo=cadetblue]« Je vais divorcer. »[/color] Et apparemment il suffisait de parler du loup pour en voir la queue. Il déglutit, pinça les lèvres un instant. « Son idée ou la tienne ? » C’était important de savoir comment les choses et ce sujet là en particulier avait été abordé. Il espérait très fort en silence que cette action vienne d’elle, mais il en doutait de trop pour ne pas demander à haute voix. « C’est bien, tu sais. » Elle ne pouvait pas se douter que ce n’était pas le cas. « Ca va vraiment te permettre de… Je sais pas, repartir à zéro ? » Pas totalement, parce-qu’il y avait trop d’histoire entre Williams et elle pour que ça puisse être réellement le cas; mais elle aurait l’occasion présentée devant elle au moins d’essayer de tenter.

La poussière retombe, les souffles sont plus légers. Il reste une pointe de malaise, il en restera toujours une face à mes mois d’absence - je ne le constaterai que trop bien. Mais Ezra tente vraiment de faire la part des choses et de le voir encore là, prêt à bien m’expliquer son point de vue, prêt à lister tout ce qui constitue ses limites en ce qui concerne le bien-être de Noah ne peut que me réchauffer le coeur. À quelque part, j’envoie tout l’amour du monde à la petite Ginny, qui a décidé de garder l’enfant ayant choisi Ezra comme papa. Cette gamine-là savait à quel point il ferait un bon père ; aujourd’hui de nouveau, il le lui confirme sans la moindre équivoque.

La situation de l’appartement est actée. J’ai beaucoup bougé, depuis mon retour. Des nuits passées chez Swann, chez Evelyn, chez Auden. Des moments à ne pas dormir de la nuit et à simplement marcher à travers la ville du coucher du soleil à son lever. Chaque fois que ma tête se posait sur un oreiller et que mes paupières devenaient lourdes, il y avait toujours ce doute à savoir si je passais ma dernière nuit dans le lit qu’on m’avait si gentiment prêté. Puis, Atlas est arrivé. J’ai l’impression qu’il avait besoin autant que moi d’un peu de vie chez lui. D’autre chose que du silence, et si silence il y a, d’un silence dans lequel il ne se noie pas autant que dans le sien seul. « Son idée ou la tienne ? » pendant une seconde, j’oublie de qui je parlais. Secouant la tête, je laisse à ma respiration le temps de redevenir normale avant d’entamer une conversation que j’ai moi-même amorcée. Même après l’avoir dit à quelques reprises et parfois uniquement à mon reflet dans la glace, les mots font encore et toujours aussi mal. Si seulement je pouvais arrêter de l’aimer. Si seulement il y avait un interrupteur, quelque chose à fermer, un côté à choisir, une case à cocher. « Il en a parlé le premier mais on sait tous les deux que c’est fini. » l’aimer ne suffit pas, et le mariage qu’on avait construit s’était orchestré autour de deux personnes complètement différentes. Deux personnes que nous ne sommes plus depuis bien longtemps. Rester unis pour eux ne fait absolument aucun sens, et je le sais autant qu’Auden. Vraiment? « C’est bien, tu sais. » vraiment.

Il prend ce ton, Ezra, cette voix paternelle qui rassure. « Ca va vraiment te permettre de… Je sais pas, repartir à zéro ? » et il y croit. Et j’aimerais tellement y croire moi aussi. Je pense que je serai capable, à un moment ou un autre. D’ici là - « J’ai jamais été toute seule de ma vie Ezra. » je le dis sans soupirer, sans trémolo dans la voix, sans tremblement dans les doigts. Je le dis comme une simple constatation qu’il n’y a pas eu un moment où je n’étais pas soit en couple, soit surprotégée par des parents et un grand frère suffocants. « J’apprivoiserai. » d’un hochement de tête, j’ai l’impression de lui faire autant une promesse qu’à moi.

i polish plates until they gleam and glistеn

@ginny mcgrath

lieu: st anthony's school, toowong.
(c): cressidium (gif), luleaby (codage).

***
Apprendre que le divorce entre Ginny et Auden était donc une discussion sur la table n’était pas tant une surprise. Ou plutôt: cela venait comme une évidence en prenant en compte plusieurs éléments qui avaient été portés à la connaissance d’Ezra. Il aurait été davantage surprise si elle lui avait dit que c’était l’inverse qui était sur le point de se passer, et qu’ils allaient reprendre leur histoire là où elle s’était arrêtée quelques années plus tôt maintenant. Maintenant, la question était surtout de savoir comment la discussion était arrivée sur la table - cette manière là pourrait déterminer si les choses dans les jours et semaines, les mois et le reste d’une vie, pouvaient être faciles à accepter ou si cela allait rajouter une difficulté supplémentaire. « Il en a parlé le premier mais on sait tous les deux que c’est fini. » Faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre, Ezra finit par hocher la tête; comme s’il avait vraiment son mot à dire sur la question, comme s’il était décisionnaire dans les circonstances actuelles. Ce qu'il retenait ici, c’était que Ginny semblait ne pas se leurrer sur l’idée que son mariage était malheureusement définitivement à perte et qu’ils se devaient, Auden et elle, d’y mettre fin. C’était une bonne chose - même si dans le regard qu’elle lui lançait présentement, il pouvait voir qu’elle n’était pas réellement convaincue. « Promis, ça l’est pour de vrai. » Qu’il insista, parce-qu’il était important qu’elle l’entente et qu’elle puisse intégrer cette information. Il n’avait jamais été du côté de Williams dans tous les cas, donc forcément qu’il allait appuyer cette idée; mais même au delà de ça, c’était quelque-chose qui lui permettrait d’avancer, de tourner la page, de repartir de zéro. Ce qui était ironique, que ce soit lui qui dise ça, alors qu’il n’avait pas été apte à le faire pendant des années lorsqu’elle était partie loin et qu’il n’avait plus sa place dans son quotidien. Pour sa défense, à l’époque elle était partie alors qu’elle était enceinte de leur enfant, ça devait compter pour quelque-chose qu’il ait du mal à s’en remettre.

« J’ai jamais été toute seule de ma vie Ezra. » Sa voix était calme, elle exposait là simplement un fait qui était en réalité quelque-chose d’évident pour eux deux; autant pour elle parce-qu’il s’agissait de sa propre vie que pour lui parce-qu’il avait été présent finalement tout du long. « J’apprivoiserai. » Et peut-être qu’une partie de la rancoeur avec laquelle il était arrivé dans cette pièce se dissipa à ce moment là. Pas tout, mais une petite partie qui fut assez grande pour le laisser soupirer et fermer les yeux un instant, recentrant les choses dans son esprit là où ce dernier était en bataille entre ce qu’il se devait de faire et ce que son instinct lui avait toujours crié de faire depuis le premier jour. Lorsqu’il ouvrit de nouveau les yeux, ce fut pour poser un regard plus doux sur Ginny. « Tu seras jamais vraiment seule seule, Gin. » Il inspira longuement. « Je comprends où tu veux en venir, mais t’auras quand même toujours du monde à tes côtés. » Et bien sur qu’il parlait de lui même en cet instant, parce-qu’il ne serait pas capable de lui tourner réellement le dos, qu’importait ce qu’il pourrait en dire. « Je suis en colère parce-que j’ai peur pour Noah, et que j’ai été triste. Mais t’es pas non plus abandonnée si tu le lâches lui. » Même: il serait plus enclin à être à ses côtés si elle réussissait à le mettre de côté, ça lui éviterait d’avoir des efforts supplémentaires à faire.