« J'ai une assez bonne idée de ce que je veux faire, et ça ne sera pas trop pénible pour toi. » dis-je en conduisant Joanne à l'étage -le troisième, celui de l'atelier, en montant le petit escalier en colimaçon. Fin d'après-midi, il reste tout au plus deux heures avant que le ciel ne soit sombre. Pour le moment, il adopte toute cette palette d'ocres et de pourpres, des teintes les plus foncées jusqu'aux pastels. Clair, sans nuage, si ce n'est que quelques traînées blanches qui s'effacent avec les minutes, il promet une nuit des plus claires, de celles dont nous avons pu profiter l'autre soir. La lune ne sera pas la même. Moins lumineuse, elle tend de plus en plus vers la nouvelle lune qui la fera disparaître pendant quelques jours. Mais cela ne sera pas trop un problème. La différence sera minime. Qu'importe de toute manière ; cette fois, c'est la bonne. Pas de nausée, pas de maladie, pas de blues. Je suis même de bonne humeur, contrairement au reste de la semaine. Parfaitement sur pieds, l'esprit clair. Ce fut encore une journée sans rien de notable -de celles qui me frustrent au plus haut point tant je suis incapable de rester sans rien faire lorsque, dans mon rythme normal, je devrais me trouver au travail à courir entre les étages pour boucler la dernière émission de la journée. Je ne suis toujours pas reposé, pas encore. Assis, je joue avec mes mains, mes pieds, nerveusement, comme bloqué dans une attente sans fin. Je m'occupe comme je peux. Une balade, un film, quelques heures en cuisine ou à la salle de sport, histoire de rendre la journée un minimum constructive. J'attends le moment, le déclic, où mon cerveau se débranchera complètement, me rendant mou et presque paresseux. Détendu. « Mais tu vas quand même devoir retirer tes vêtements. » j'ajoute, un sourire en coin, avant de lui voler un baiser. Et un second, plus long. Et un troisième, plus langoureux encore. Je passe mes bras autour d'elle, la serrant tendrement. Du bout des doigts, j'attrape les bords de son haut. « Laisses-moi faire, hm ? » je murmure au bord de ses lèvres, le regard malicieux à souhait. Je tire doucement sur le vêtement, jusqu'à le faire passer par dessus la tête de Joanne, le long de ses bras. Sans quitter ses iris bleus, je glisse un index le long de son buste, sur son ventre, puis atteins l'un des rares pantalons qu'elle porte parfois pour le déboutonner. La minute suivante, la jeune femme n'a plus que ses sous-vêtements sur elle. Récupérant ses lèvres, je libère sa poitrine du soutien-gorge qui termine également par terre, laisse mes mains glisser le long de son dos, suivre la courbe de ses reins, et se poser sur ses fesses, sous le dernier dessous qui lui reste. Alors, je dépose quelques baisers sur son cou, ses épaules, le temps de finir de la dénuder complètement. D'une main sur sa nuque, je l'attire jusqu'au canapé sous la baie vitrée, intensifiant par la même occasion mes caresses sur ses lèvres. Avec délicatesse, je l'allonge sur le cuir. Mais je détache finalement nos visages. Attrape un tissus blanc posé sur le dossier, et la couvre avec. La bande de mousseline est longue et étroite. Coincée dans son dos, elle passe par dessus ses seins pour les dissimuler, repasse dans son dos au niveau de ses hanches, et réapparaît sur une de ses cuisses pour se glisser entre ses jambes et ainsi cacher son intimité. « Et voilà. » je murmure après un dernier baiser déposé sur son ventre. Il ne me reste plus qu'à installer le chevalet, la toile, et les quelques tubes de peinture que je compte utiliser. Car il n'est pas question de me contenter d'un croquis cette fois. Il me faut une dizaine de minutes pour que tout soit prêt, et que je sois installé à mon tour, sur un tabouret, assez décalé pour pouvoir voir Joanne et qu'elle me voie. J'inaugure une nouvelle chemise à peinture. L'autre attendant son tour de passer à la machine à laver au fond d'un sac de linge sale. Mais elle est bleue, elle aussi. « Vu que tu es là pour quelques heures… De quoi veux-tu parler ? » je demande en commençant à appliquer une première couche blanche sur l'ensemble de la toile, afin de créer une base. « Nous pouvons lancer le débat ''prénom'', si tu veux. Disons, comme d'habitude, qu'on se fiche qu'il soit trop tôt pour ça. » Disons que la notion de temps ne nous atteint pas. Que nous n'en avons strictement rien à faire. « Il y a aussi le débat ''couleur de la chambre'' en magasin. » Dans la mesure où nous ne saurons pas le sexe de notre enfant avant sa naissance, ce point sera aussi difficile à déterminer. Je ne suis pas particulièrement friand des pièces blanches -sauf pour le salon, mais les murs sont si couverts de toiles que cela ne se remarque même plus. « On peut aussi planifier notre petit voyage. » Celui jusqu'à Sydney. J'aime l'idée d'être sur la route toute une semaine. Quitte à aller plus loin que Sydney. Vivre sans d'autre attache que l'être aimé pendant quelques jours. Je pense que cela me permettrait vraiment de décrocher. « Je peux mettre de la musique si tu veux. » j'ajoute en indiquant le tourne-disque caché dans un coin de l'atelier, et une bonne collection de vinyles en dessous. « En résumé, tout ce que ma Lady voudra. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Les journées passaient. Joanne n'avait pas trop changé d'activités depuis que Jamie était là, sauf qu'elle parlait bien plus. Elle aimait qu'il soit là, toute la journée, même si ce n'était que pour s'ennuyer. C'était tellement rare qu'elle en savourait toutes les minutes. Jamie, lui, semblait bien moins enthousiaste de ces journées à ne pas travailler. Elle l'avait remarqué, et n'osait pas trop le déranger quand même. Il eut soudainement une idée, en entraînant avec lui Joanne à l'étage. A l'étage du dessus, l'atelier. La jeune femme le regardait avec interrogation. Jusqu'à ce qu'elle se rappelle que leur journée artistique était déjà tombée deux fois à l'eau, et il avait eu envie de la mettre enfin en place. Elle sentit son rythme cardiaque s'accélérer à cette idée. Ne bougeant d'un pouce, Jamie se plaisait à lui faire ce petit sourire malicieux, lui disant qu'il fallait qu'elle se débarrasse de ses vêtements. Soudainement, elle se sentait un peu moins sûre d'elle à l'idée d'être dessinée nue. Il s'empara une première fois de ses lèvres, brièvement, puis une deuxième et une troisième fois, auquel elle répondit avec tout autant de fougue. Dieu, qu'il avait de l'influence sur elle. Il la serra contre elle, puis elle sentit ses doigts se serrer autour de son haut. Regardant Jamie, elle devina facilement ses intentions, désireux de se faire plaisir en ôtant par lui-même les habits de sa dulcinée. Elle était un peu nerveuse, ça devait certainement se voir. Il devait aussi certainement s'en plaire, sachant pertinemment que l'influence qu'il avait sur elle l'empêcherait de protester quoi que ce soit. Il l'hypnotisait en quelque sorte, lui inspirait confiance. Il la défit d'abord de son haut. Joanne ne quittait que très brièvement son regard. En quelques secondes, elle n'avait plus que son soutien-gorge, et sa culotte. Il se débarrassa du premier cité tout en l'embrassant, puis fit voyager ses mains douces et fermes jusqu'au bas de son afin de lui retirer le dernier morceau de tissu. Il faisait cela avec une telle sensualité, cela désarmait totalement la jeune femme (encore plus qu'elle ne l'était déjà). Il chérissait son cou de baisers qui lui fit automatiquement basculer la tête sur le côté. Reprenant en otage ses lèvres, il la guida tout en l'embrassant jusqu'au fameux canapé où ils avaient couché ensemble. Il l'allongea sur celui-ci, puis se détacha de sa bouche, créant ainsi une certaine frustration pour la jeune femme -il n'avait presque rien fait, et pourtant, elle commençait à ressentir cette chaleur si singulière au fond d'elle-même. Il l'avait certainement fait exprès. Délicatement, il la recouvrit d'un tissu blanc et léger à travers duquel on devinait facilement ses formes et ses courbes. Il embrassa indirectement leur bébé avant qu'il n'aille préparer tout ce dont il avait besoin. Joanne le regarda avec attention et tendresse, se disant qu'elle allait épouser le plus bel homme jamais connu sur cette Terre. Assis, il suggérait d'aborder quelques sujets de conversation. Joanne avait un bras replié vers le haut, l'une de ses mains étant proche de son visage. "Non, pas de musique." dit-elle d'une voix toute douce, regardant à l'extérieur. "Le calme de cette pièce fait partie de sa beauté." Juste entendre le son de la voix de Jamie, c'était tout ce qu'elle voulait. "Pour la chambre... Je vois bien tous les meubles en bois, assez naturel. Pas peints avec des couleurs farfelues. Pourquoi pas un peu de vert, je ne sais pas. Ca ressemblera largement à une chambre d'enfants une fois que nous y aurons mis tout ce dont nous aurons besoin. Puis avec les peluches, les jouets..." Elle lui sourit tendrement. "Et quand il ou elle sera en âge, on pourra lui proposer de la personnaliser, à faire quelque chose qui lui corresponde plus. Tout en gardant en mémoire les bons goûts de son père." Il n'y avait qu'à voir le reste de la maison pour voir que Jamie aimait les belles choses bien faites. "Une belle chaise à bascule, pour pouvoir le bercer." dit-elle. Sa mère en avait une, elle la conservait toujours quelques part d'ailleurs. Encore enfant, Joanne adorait s'y installer et se laisser bercer par les mouvements répétitifs de la chaise, c'était agréable. Elle rit doucement. "Nous pouvons aussi parler de ce qu'on fera quand tu auras terminé." dit-elle alors d'un ton malicieux. "A croire que tu as fait exprès de me mettre en appétit et de me laisser sur ma faim. Chercherais-tu à me frustrer ?" ajouta-t-elle en se mordillant les lèvres. "Parlant de manger, j'aurai droit à quelque chose à grignoter durant les heures à venir ?" Joanne laissait régner un long moment de silence, regardant Jamie se concentrer sur la toile. Elle se demandait ce qui lui traversait la tête. "A quoi tu penses, quand tu as envie de me dessiner, comme ça ? Qu'est-ce que ça te fait ?" Joanne était sensée comprendre les artistes, mais comme elle avait l'occasion de le lui demander directement, elle en profitait. Avec ses mots à lui. "J'ai peut-être une idée de prénom si c'était un garçon, mais je ne pense pas que ça te plaira." finit-elle par avouer, pensive. "En soi, je ne pense pas être quelqu'un de difficile en la matière, même s'il y a certains prénoms que je voudrais éviter." continua-t-elle. "Et que ça ne soit pas lourd à porter, aussi."
Nous sommes partis pour quelques heures de conversation sur des choses et d'autres. Tous deux un brin frustrés, de part et d'autre du chevalet. Reprenant approximativement le même point de vue que la dernière fois, je suis installé en bout du canapé, aux pieds de Joanne, assez surélevé pour que je puisse la voir en plongée. La toile est disposée à la verticale, de manière à pouvoir la peindre dans son intégralité. Grande, elle doit me permettre également de la reproduire quasiment à échelle humaine. Si je dois réussir à enfin capter cette étincelle de vie qui manque à mes croquis d'habitude, autant le faire bien. Et si le résultat doit être réussi, je veux qu'il soit saisissant. Que l'on veuille s'approcher et tendre une main vers elle, comme s'il était possible de tirer le tissus sur sa peau pour la dévoiler. La jeune femme préfère que nous restions dans le silence, estimant que l'atelier tire son charme de son calme. « C'est vrai. » De ça, et de la vue. Si la rue était un peu plus en pente, nous pourrions voir la plage d'ici. Mais le ciel suffit amplement. Les jours de pluie, l'eau battant sur la baie vitrée est d'une incroyable poésie. « Quoi que, parfois, j'aime avoir une musique qui va avec mon humeur quand je peins. » D'où la présence des vinyles. Cela est assez rare, mais il arrive que la musique exalte un peu plus les émotions qui traversent le pinceau ; la peine devient plus triste, la joie plus euphorique, et la peinture plus expressive à mon goût. Le rythme de la musique se devinerait presque à la fin. Joanne décide d'aborder en premier lieu la question de la couleur de la chambre de notre enfant. Un travail sur lequel j'ai hâte de me mettre. Cela prendra du temps de repeindre l'ancien atelier et déplacer tous les meubles pour en faire la chambre d'amis, puis transformer celle-ci en chambre d'enfant. Elle propose du vert, ce qui n'est pas trop éloigné de ce que j'avais en tête. Des meubles en bois, correspondant à la rusticité de la plupart des meubles de la maison -et à mon aversion du mobilier contemporain. « Je pensais faire les murs en vert d'eau, quelque chose qui ne tende pas trop vers le bleu quand même. Une couleur douce. » Quelque chose de passe partout aussi, allant aussi bien à une petite fille qu'à un petit garçon. J'imagine que nous aurons bien peu d'achats à faire pour cette chambre ; notre entourage se chargera des jouets, des peluches et des premiers habits. « Une chaise à bascule ? » je répète, un brin surpris -et pourtant, je ne devrais pas l'être, connaissant le traditionalisme que nous partageons. « Tu es encore plus rétro que ce que je pensais. » Je pense à la montre qu'elle m'a offerte. Sa garde-robe, parfois, lui donne aussi l'air de sortir d'un autre temps. Nous semblons nés à la mauvaise époque. « Je devrais pouvoir en trouver une à restaurer. » j'ajoute. Je ne me vois pas en acheter une neuve. Et si je peux occuper mes dix doigts, ce sera pour le mieux. La couche blanche recouvre la moitié de la toile, et j'attaque la seconde partie. Cela semble toujours étrange de peindre en blanc une toile blanche, et pourtant, cela est des plus importants. L'expérience et les essais ratés me l'ont appris. Quand je termine, Joanne reprend la parole, proposant d'évoquer ce qui viendra après cette séance. Je ris doucement, passant mes dents sur mes lèvres. « Est-ce que c'est vraiment un mystère ? » je demande avec un sourire complice. Des heures à peindre ma belle nue devant moi et ne pas craquer à la fin ? Hautement impossible. Et je me dis qu'en avoir conscience, voir lentement le moment venir après chaque coup de pinceau, a quelque chose d'assez excitant. « J'ai peut-être un peu essayé de me venger de toutes les fois où tu t'es amusée avec moi. » j'ajoute avec un air innocent. Mes baisers, ma manière de la déshabiller n'avaient rien d'anodins. Elle le sait très bien. Ce fut comme une mise en bouche. « Mais je ne suis pas aussi bon que toi à ce jeu là. » Je suis même très mauvais, et le premier à tomber dans mes propres pièges. La fois dernière, ici même, était bien la première où je parvenais à réellement renverser la situation et prendre le dessus sur Joanne. Celle-ci, ne perdant pas le nord, s'assure qu'elle sera nourrie pendant les prochaines heures. Je ris de nouveau. « Si tu es sage, peut-être. » Pendant que la base sèche un peu, sur le carnet de dessins à côté de moi, j'effectue un rapide croquis de l'idée que j'ai en tête, annoté d'un peu partout. Le temps d'effectuer le dessin préparatoire sur la toile, la nuit aura commencé à tomber, et les couleurs ainsi que la lumière me permettront de commencer à appliquer la peinture sur la toile. Concentré, je ne vois pas les minutes de silence passer. Je ne remarque le calme que lorsque Joanne reprend la parole. Pendant quelques longues secondes supplémentaires, je réfléchis à sa question. Mais le cheminement n'est pas très concluant. « Je… J'en sais trop rien. » S'il est quelque chose pour lequel je suis aussi mauvais que d'exprimer mes sentiments, c'est d'expliquer mes dessins et mes peintures. Ce qui n'est pas sans logique. Les toiles me permettent d'exprimer quelque chose que je n'arrive pas à dire. Si je trouvais les mots, je n'aurais pas besoin de les peindre. Et les peindre ne veut pas dire que je les trouve ensuite. J'attends des tableaux qu'ils parlent pour moi. « La plupart du temps, je me répète juste à quel point tu es belle, que j'ai de la chance de t'avoir. » Je lui adresse un léger sourire et termine rapidement mon schéma. « Je dessine quelque chose qui me rend heureux. Ca me remonte le moral quand je me sens à plat. Ca me rappelle que je n'ai pas de raison d'être malheureux. » La dessiner, c'est représenter et avoir conscience de ce qui constitue ma vie. Et il n'y a plus que elle désormais, il y a aussi le petit bout qui grandit de jour en jour. La jeune femme avoue avoir une idée de prénom pour un garçon. Une idée qu'elle ne dévoile pas encore. « Dis toujours. » dis-je en haussant les épaules. Après tout, elle sera bien obligée de lâcher le morceau un jour. « En échange je te dis quel prénom j'ai en tête pour une fille. » Je n'ai pas caché ma petite préférence pour accueillir un petit ange au féminin dans cette famille, et il n'y a rien d'étonnant à m'entendre dire que mes premières idées vont dans ce sens.
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Jamie avouait qu'il aimait tout de même mettre de temps en temps de la musique lorsqu'il peignait, qui correspondait à son humeur du jour, ce qu'il avait besoin d'extérioriser. Elle lui sourit tendrement, contente de savoir que ce jour-là, il n'avait pas besoin de musique pour chercher une quelconque inspiration - ce qui, en soi, était ce qu'il y avait de plus flatteur. Elle était assez impressionnée qu'il parvienne à parler de tout et de rien tout en restant concentré sur son oeuvre. Le premier sujet abordé était la chambre de l'enfant. Le travail à faire était conséquent mais cela ne semblait pas inquiéter le couple. Jamie voyait bien la chambre avec des murs d'une couleur froide, mais ô combien douce et apaisante. "J'aime beaucoup l'idée." lui répondit-elle tendrement, avec un léger sourire. "Mais pas de bois trop foncé, ni trop clair, pour les meubles." Trouver un juste milieu. "J'aime beaucoup le chêne." dit-elle, pensive. "Enfin, je crois que c'est le chêne, oui. Je n'ai pas très bonne mémoire entre le bois et sa couleur. Mais c'est cher." avoua-t-elle. Pourtant, Joanne adorait cette matière, son odeur, son toucher. Son fiancé semblait surpris lorsqu'elle mentionna son désir d'avoir une chaise à bascule, la trouvant plus rétro qu'il n'aurait pu le penser. Elle rit doucement. "Maman en avait une. Elle me disait qu'elle nous berçait toujours assise là-dedans. Et même enfant, c'était dans cette chaise qu'elle me prenait dans ses bras et qui me faisait oublier mes plus gros chagrins. Même maintenant, je pense que je m'y endormirais." dit-elle, gardant certains souvenirs bien gravés dans sa tête. Son visage s'illumina lorsqu'il disait être capable d'en restaurer une. Intérieurement, elle espérait juste que la future chaise en question ne grince pas de trop, qu'importe où Jamie puisse la trouver. Mais c'est une chose qui lui ferait énormément plaisir. Elle rit lorsqu'il répondit à sa question par une autre, avec ce sourire en coin, malicieux à souhait, qui lui était propre. "My Lord serait-il rancunier ?" demanda-t-elle, les yeux pétillants. "Ce n'est pas toujours un jeu." dit-elle, plus doucement. "C'est que j'aime te voir toi, comme tu es." Elle était beaucoup plus hésitante sur la suite. "A chaque fois, ça me rappelle que je suis celle qui sois capable de t'emmener loin de tout ça, être juste nous deux. Et te voir, te sentir libéré, c'est..." Elle ne trouvait pas le mot, ses yeux rivés sur l'extérieur en espérant le trouver quelque part dans sa mémoire. Elle se perdait quelques secondes dans ses pensées, résolue de ne pas trouver ce qu'elle cherchait. "Ca me rappelle à quel point je t'aime." Joanne n'était pas satisfaite de cette phrase, ce n'était pas ce qu'elle voulait dire. Les mots, leur sens n'était pas assez fort. L'artiste commençait à crayonner sa silhouette pendant que la peinture séchait. Elle aurait s'attendre à ce qu'il ne trouve pas ses mots, elle se maudissait un peu d'avoir posé cette question. "C'est toi qui me rend belle." lui répondit-elle tout en douceur. "Sans toi, je serai cette petite poupée laissée dans un coin, vide, sans grand intérêt." C'était ainsi qu'elle se voyait depuis son divorce, à peu de choses près. "Parce que tu te sens à plat, là ?" demanda-t-elle, inquiète. "C'est ton arrêt qui te perturbe ?" Pour quelqu'un qui passait des heures et des heures à travailler avec acharnement, cela devait être déroutant d'avoir un mois sans rien faire. "Je ne sais pas si tu as vu, mais je t'ai acheté des loukoums, si le moral, ce n'est toujours pas ça." lui dit-elle, pleine d'affection. "Et va mettre tes lunettes, mon amour, avant que tu n'aies mal à la tête." Le soleil se couchait, la luminosité demandait à ce que les yeux soient plus attentifs sur les détails, Jamie allait certainement rapidement s'épuiser s'il ne s'équipait pas rapidement. Vint le grand débat des prénom. Jamie ne semblait pas inquiet ou excessivement curieux par rapport à l'idée de prénom de Joanne. Celle-ci hésita un moment, avant de se lancer. "Je pensais à Oliver." Elle s'attendait à un peu toutes les réactions de la part de son fiancé. Mais Joanne pensait qu'il allait réagir très mal, se montrer réfractaire au possible. Auquel cas, elle n'insisterait pas, et penserait à autre chose. Elle avait d'autres prénoms en tête, autant pour les filles que pour les garçons. "J'aimais déjà beaucoup ce prénom avant de te connaître. Et... je ne sais pas, je n'arrive pas à l'expliquer. Avec toute la signification qu'il y a derrière, ça me semblait être évident d'au moins le mentionner." dit-elle, pensive. Elle savait qu'il aimerait beaucoup avoir une fille plutôt qu'un garçon, qui serait certainement le portrait craché de Joanne. Cela ne l'étonnait pas tellement que ça. "Et toi ? Le prénom pour notre éventuelle petite fille ?" demanda-t-elle, souriante et curieuse.
« Ca ne va pas être drôle si on tombe d'accord aussi facilement. » je fais remarquer avec un petit rire. Une proposition de couleur, et le débat est clos sur un commun accord. Il fallait s'en douter. Joanne et moi avons des goûts relativement similaires -du moins, les miens semblent lui plaire, alors il est presque normal qu'elle se range de mon côté pour cette histoire. Comme elle, j'imagine des meubles en bois, quelque chose d'un brun juste assez clair pour illuminer la pièce -le mobilier en bois pouvant si facilement alourdir l'atmosphère d'une salle. Je suis tout aussi mauvais pour savoir à quelle teinte et texture correspond quel bois -ce n'est pas un savoir que je juge utile, alors il ne fait pas partie du rayonnage de ma mémoire. Néanmoins, je ne peux pas m'empêcher de pouffer un peu, un brin cynique, lorsque la jeune femme relève le prix de ses projets ; « Cher ? Drôle de mot. » Inconnu, même. Une résidence secondaire, un yacht, ce sont des choses chères. Une commode en chêne, ce n'est pas grand-chose. Je me promets de lui trouver cette fameuse chaise à bascule qui lui rappelle celle de son enfance. Jusqu'à présent, je n'ai restauré qu'un seul meuble en bois. Cela sera l'occasion de varier les activités, me faire quelques échardes, et occuper quelques dimanches trop creux, lorsque je ne souhaite pas flâner dans le salon ou rester au lit à somnoler. Un rire de nouveau quand Joanne demande si je suis rancunier. D'un signe de la main, je lui indique que oui, un peu -même si c'est un euphémisme. Mon sourire disparaît la seconde suivante. Pour elle, il ne s'agit pas que de jouer avec moi. Elle fait céder mieux que personne les fortifications qui me servent à toujours tout contrôler en moi. Mes émotions, mes actions, mes paroles. Elle fait sauter chaque verrou avec une facilité déconcertante, et me désarme en quelques secondes. Le rouge me monte aux joues. Me voir comme je suis est toujours un concept étrange à mes yeux. Et puis, qu'y a-t-il de plus à aimer dans cette version de moi plutôt que dans l'autre ? Quand je me laisse complètement aller, j'ai toujours peur de faire quelque chose de travers. Lui faire mal, lui faire quelque chose qui lui déplaît. J'apprends à mettre de côté la frustration de la perte du contrôle et à apprécier cette sensation, même si elle me donne parfois l'impression de tout bonnement devenir fou, de perdre tous mes moyens, de n'être plus maître de moi. Se résumer à une boule d'émotions, d'amour, est parfois une sensation incroyable. « Je... » Non, comme toujours, je laisse mon regard fuir, la chaleur rosir mes pommettes, et ma bouche esquisser un sourire nerveux. Je n'ose rien dire, en réalité. Je reste dans ce silence un moment. Toujours aussi incapable de matière de lexique, je ne trouve pas comment expliquer les raisons qui me poussent à dessiner Joanne, ce que cela me fait ressentir. Tout ce que je sais, c'est que dans ces moments là, mes pensées tournent en boucle, et je me contente de la trouver magnifique en permanence. Bien sûr, allez faire comprendre ça à la jeune femme, incapable de se trouver belle. « Ne dis pas ce genre de bêtises... Si tu n'étais pas une belle personne, nous ne serions pas là. » je réponds en secouant négativement la tête. Non seulement nous ne serions pas ensemble, en tant que couple, nous ne serions ni fiancés, ni en train d'attendre un enfant, mais je n'aurais pas non plus cette obsession à l'idée de réussir à donner à l'une de ses représentation cette même valeur que je vois en elle. « Tu n'as pas besoin de moi pour être digne d'intérêt. Et tu n'as pas non plus besoin de moi pour être belle. C'est juste toi. » Au contraire, je dirais que c'est son rayonnement qui influe et inspire les autres, moi le premier. Sa douceur, contagieuse, et la bonté dans son regard donne constamment envie d'être digne d'un coeur aussi pur. Bien sûr, quand j'ajoute que la dessiner est capable de me remonter le moral, Joanne ne rate pas le coche. « Ce n'est pas ce que je voulais dire, je... » Bien sûr que mon arrêt me démoralise. Que j'ai l'impression d'être un animal en cage. Qu'avoir un téléphone si calme me rend presque nerveux. Et me dire que cela durera un mois est difficile à imaginer. Mais je ne peux pas mentir en disant que tout va bien, que mon moral est au beau fixe. Cette mise à pied me perturbe. « Un peu. Oui. » dis-je en minimisant tout de même. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète plus que ça. Ce n'est que le temps de m'adapter, de m'y faire. Je dois apprendre à lâcher prise dans plus d'un domaine. « C'est bizarre, de ne rien faire. » j'avoue en haussant les épaules. « Je n'ai jamais vraiment été capable de ne rien faire. » C'est bien ce qui a toujours exaspéré mes parents. Je suis capable d'être d'un grand calme, mais pas d'inactivité. Dans mon cas, on peut dire que cela est contre-nature. J'ouvre de grands yeux surpris quand Joanne me fait remarquer qu'elle a renfloué le stock de loukoums. Mon sourire revient immédiatement et mon regard brille -il en faut peu pour être heureux, qu'ils disent. « Ca doit être tellement fatiguant d'être parfaite à ce point. » dis-je pour la taquiner. A son ordre, je quitte mon tabouret pour aller chercher mes lunettes. J'en ai une paire dans une commode de l'atelier. En passant à côté de la jeune femme, je dépose un baiser sur son front. « Merci, mon ange. » Elle n'a de cesse de veiller sur moi, je ne sais pas ce que je ferais sans elle. D'ailleurs, je ne sais pas comment je faisais, avant, sans elle. La monture noire trouve place sur mon nez. Quand je retourne sur mon tabouret, la première couche de peinture est assez sèche pour que je débute le dessin préparatoire. C'est donc crayon en main que je dessine Joanne, en lui demandant de me révéler son idée de nom pour notre éventuel garçon. En entendant le prénom d'Oliver, le crayon me glisse des doigts et tombe par terre. Je remercie la toile de me cacher assez pour que je puisse dissimuler une émotion vive qui me saisit tout à coup. A force de gestes hésitants et saccadés, je récupère mon outil et me réinstalle. « Ce n'est pas un peu… glauque ? » je demande en essayant d'avoir l'air naturel -et sans berner qui que ce soit ici, mais qu'importe. « Je ne sais pas, ça me semble difficile à porter, le prénom d'un oncle suicidé. » Cela met un certain poids sur les épaules de l'enfant, la responsabilité de rattraper la mémoire de cette personne. Même si ce n'est absolument pas ce qui lui est demandé, il sera difficile de l'empêcher de penser une telle chose. Oliver. Appeler mon fils comme mon frère. Cela serait tout de même un bel hommage. « Peut-être en second prénom… Je ne sais pas... » Surpris, je suis un peu perdu et n'arrive pas à penser correctement. « Il faut que j'y réfléchisse. » dis-je finalement, n'écartant pas complètement l'idée, qui est assez séduisante, mais rempli d'appréhensions à ce sujet. A mon tour de dire quel nom j'aimerais éventuellement donner à une fille. « J'aime beaucoup Louise. » je réponds, encore pensif et perturbé par Oliver. Je me concentre sur les traits du crayon pour ne pas faire n'importe quoi. Ils sont d'une extrême finesse, presque invisibles. « Je sais, c'est vieux et pas très anglais. » Donc pas forcément au goût de tout le monde. « C'est le prénom de ma grand-mère, du côté maternel. Celle qui m'a tout légué. » Une personne à qui je dois énormément aussi. Alors je me rends compte que j'en sais bien peu sur la famille de Joanne, son entourage, et même ses années passées.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il était vrai que Joanne s'attendait à avoir de nombreux désaccords quant à la décoration de la chambre, comme pour tout le reste, d'ailleurs. Mais au fond, ils avaient tous les deux beaucoup de goûts en commun, cela leur facilitait la tâche et leur évitait d'incessantes prises de tête. Jamie ne put s'empêcher de rire un peu -peut-être même se moquer un peu d'elle-, lorsqu'elle disait que les meubles faits en chêne étaient chers. Parfois, elle oubliait qu'elle avait affaire à un gosse de riche. La jeune femme le regarda d'un air désinvolte. "C'est vrai que ça ne doit pas faire partie de ton vocabulaire usuel, ce mot là." ajouta-t-elle en riant. Ou plutôt, Jamie n'avait pas les mêmes notions de ce qui était onéreux ou non que Joanne. Loin de là, même. Son fiancé rit d'une bien autre manière lorsqu'elle le jugea de rancunier. Elle prenait peu à peu conscience, au fur et à mesure de leurs ébats, l'influence qu'elle avait sur lui. Cette sorte de pouvoir afin de le désarmer et de le laisser lâcher prise. Il s'abandonnait totalement à elle. C'était assez complexe, ce lien entre eux. Autant, à l'extérieur, Joanne avait besoin de cette figure, de cette présence forte à ses côtés, avec qui elle se sentait en sécurité, sauve. Mais en toute intimité, les rôles s'inversaient. Elle s'étonnait encore d'être capable de pouvoir prendre le dessus, avoir une volonté plus solide que celle de son partenaire. Celui-ci avait les joues qui passait au rouge vif. Elle le vit sourire nerveusement. "Tu... ?" reprit-elle, espérant intérieurement le relancer sur ce sujet de conversation. Elle était curieuse de savoir, même si elle se doutait que ses réponses allaient l'embarrasser elle au plus haut point. Au final, ce seront les joues de Joanne qu'il verrait rougir également. "Mais j'ai envie de n'être belle que pour toi." rétorqua-t-elle doucement. "Le regard des autres m'importe peu, tant que je continue à te plaire." Depuis qu'elle le connaissait, c'était sa seule envie. Même si cela la dérangeait parfois, elle voulait qu'il continue à la regarder comme il le faisait. "Si tu savais le nombre de robes que j'avais essayé le jour où nous devions nous retrouver au parc." dit-elle, rêveuse. Joanne était inquiète pour lui, de son arrêt de travail et de ce que ça allait lui apporter, ou lui coûter. Il tentait d'alléger la chose, minimisant certainement l'influence que cela avait sur son moral. Ce n'était pas suffisant pour soulager la jeune femme, qui le regardait attentivement. "Je ne t'en voudrais pas si tu me disais que tu n'aimes pas passer des jours et des jours entiers à la maison, tu sais ?" Sa vie avait toujours été rythmé au travail, à l'éducation avant cela, ce n'était pas étonnant qu'il perde un peu pied alors qu'il n'avait pas d'impératif pour remplir ses journées. Elle ne se considérait pas comme l'un de ses impératifs, bien qu'elle adorait sa présence quotidienne à la maison."Tu es un peu hyperactif sur les bords." dit-elle en souriant. "Je suis assez douée pour ne rien faire. M'allonger ou m'asseoir quelque part pour rêvasser, penser." Les yeux de Jamie s'illuminèrent comme ceux d'un enfant lorsqu'elle parlait de loukoums. Elle rit à sa remarque, la prenant plutôt pour une plaisanterie, mais elle profita au maximum de son baiser déposé sur le front. Ses lunettes sur le nez, Jamie se réinstalla sur son tabouret. Il perdit ses moyens lorsqu'elle émit le prénom de son frère, fit même tomber son crayon par terre. Joanne regarda son fiancé, inquiétée. "Jamie ?" l'appela-t-elle en se redressant sur ses coudes, faisant ainsi glisser le tissu le long de sa poitrine, alors qu'il ne disait plus rien. Enfin, il reprit parole, trouvant que porter ce nom relèverait du glauque. "Ca reste avant tout le prénom de ton frère, Jamie." répliqua-t-elle. "De cette personne que tu aimes plus que n'importe qui, que tu idolâtres. "Quand je pense à lui, sa disparition vient bien après tout ce que tu m'as déjà racontée sur lui." Jamie était encore perturbé par cette proposition, finissant par dire qu'il devait y réfléchir. A son tour, il partageait le prénom qu'il voudrait donner s'ils avaient une petite fille. "Joanne n'est pas un prénom très anglais non plus, tu sais." dit-elle, en souriant. "Louise..." répéta-t-elle, en regardant le ciel, plus méditative. "C'est un prénom tout doux à écouter." Le prénom d'une enfant sage, à ses yeux. Elle sourit. "J'aime beaucoup." dit-elle, rêveuse. "Je préfère que les prénoms soient plutôt courts. Ou du moins, pas composés." commenta-t-elle. "Pour une fille par exemple, j'aime Eva, Ellie, Chloe, Leah..." Les premiers prénoms qui lui venaient en tête. Joanne se prit le temps de réfléchir, sentant que Jamie semblait beaucoup tenir à ce prénom. Et au fond, c'était vrai qu'elle l'aimait beaucoup. Et dire qu'elle s'attendait à des débats acharnés, à ne jamais se mettre d'accord. "Mais j'aime beaucoup Louise." répéta-t-elle.
La chaleur a grimpé jusqu'à mes joues, devenues plus pourpres. Je suis bien incapable de masquer ma gêne, moi qui suis d'habitude bien plus à l'aise sur ces sujets intimes que Joanne. Cette fois, c'est elle qui parvient à me mettre mal à l'aise, et à me donner envie d'esquiver la discussion aussi vite que possible. J'ai cessé d'essayer d'expliquer l'influence que la jeune femme a sur moi depuis longtemps. Je suis fait à l'idée qu'elle peut tout simplement faire ce qu'elle veut de moi, d'un regard, d'un claquement de doigts. Je suis bien incapable de résister à la douceur de sa peau, de ses lèvres, à sa manière de me regarder, de souffler près de mon oreille pour faire comprendre qu'elle aime ces moments autant que moi. Lorsqu'elle décide que je dois lâcher prise, et qu'elle attends de moi un abandon total, elle fait exactement comment s'y prendre pour me pousser à bout, me donner confiance, afin que je puisse tout lui confier ; non seulement mon corps, mais aussi mon esprit et toutes mes émotions. C'est particulièrement déstabilisant. Mais je crois que j'oppose de moins en moins de résistance. Et, au contraire, que je réclame ces moments de plus en plus. Elle a su me faire perdre l'envie de garder une once de contrôle pendant nos ébats. Alors qu'elle insiste à ce sujet, je le vois bien, attendant que j'explicite un peu les pensées qui peuvent me traverser, je m'enfonce un peu plus dans ma gêne. « Rien, je… Je ne sais pas... » Je suis bien incapable de trouver les mots corrects. Ils valsent dans ma tête, et je ne peux pas les attraper en plein vol. « Je ne vois pas ce qu'il y a à aimer là-dedans. » dis-je finalement, même si cela ne me semble absolument pas clair -mes pensées ne le sont pas pour moi non plus. « Je me sens tellement… maladroit et brusque dans ces moments-là. » Et c'est le cas. Mes mouvements m'échappent, ne m'appartiennent plus vraiment. L'envie et la passion venant parfois par grandes vagues s'abattent sur moi, et en résultent certains gestes qui me semblent trop brutaux. A force, je parviens à avoir un peu plus de confiance en moi, en ma capacité, même inconsciente, à toujours faire attention à Joanne. Mais ce n'est pas encore ça. « Je ne comprends pas pourquoi tu veux ça de moi. » Pas après l'hôpital, ou l'autre soir, quand on voit qu'il m'arrive de n'avoir pas conscience de ma force, de ma brutalité, surtout lorsque je perds mes moyens. Cela sous-entends qu'il n'y a que de la colère et de la brutalité à découvrir en moi, sous toutes les couches et les façades derrière lesquelles je me baraque. La douceur ne serait qu'en surface, mais pas dans mon essence. « Le parc... » je répète, songeur, me remémorant dans le détail cet après-midi au temps idéal. J'étais arrivé en retard à cause d'un déjeuner qui s'éternisait. Obligé de courir en costume pour ne pas trop faire attendre Joanne. Elle portait une de ses robes bleues, il me semble. C'est dommage, c'est le détail qui ne me revient pas en mémoire. « Ca a l'air de remonter à une éternité. » Et pourtant, c'était il y a quelques mois. Nous nous connaissions à peine à ce moment-là. Pour beaucoup, nous nous connaissons toujours à peine aujourd'hui. « On se vouvoyait encore à ce moment-là, non ? » je demande avec un peu de nostalgie. Ce vouvoiement qui est resté notre jeu parfois. Comme une manière pour nous de nous souvenir de cette longue période dont nous avons eu besoin avant de faire preuve de plus de familiarité. Aujourd'hui, c'est notre marque de complicité. « Je me souviens à quel point j'étais nerveux » j'ajoute. Je ne pensais pas que Joanne aurait eu envie de me revoir. Tout a changé depuis. J'étais déjà épuisé à l'époque. Il suffit de ce souvenir de ce fameux soir où je me suis endormi sur son canapé, chez elle, après une longue journée. Quelle idée j'ai eu de m'ajouter du travail, de m'en demander encore plus. Comment ais-je pu croire que j'arriverais à gérer. Sûrement parce que j'ai besoin d'être occupé, que j'aime travailler, et même être débordé. Il est frustrant de rentrer chez soi à n'être bon qu'à dîner et filer dormir, pourtant il y a une certaine satisfaction à l'idée de bien faire son travail, et la récompense de voir l'être aimé le soir. Maintenant, et pour quelques semaines, je serai toujours là. « Ce n'est pas ça… J'aime être ici, avec toi, mais pas tourner en rond. J'ai besoin de faire des choses constructives. Peindre, réaménager la maison… Mais je me dis que je dois m'imposer cette période de calme plat. Apprendre à ne simplement rien faire, m'occuper de moi. Et de toi. » J'ai toujours trouvé tous les stratagèmes possibles pour me faire passer en second plan, m'oublier, ne pas m'accorder le temps de trop penser, trop rêvasser. J'ai gardé mon esprit occupé, jusqu'à ce que le reste ne suive plus. Je sais que c'est injustifié, mais je me sens tout de même particulièrement faible d'en arriver là. Il est déjà difficile d'accepter d'avaler ces comprimés tous les soirs. Maintenant je dois me faire à l'idée que je ne peux pas m'en demander autant qu'avant. « Si tu m'avais vu quand j'étais gamin... » dis-je avec un sourire quand Joanne me qualifie d'hyperactif. Entre moi et l'enfant que j'étais, il y a tout un monde. Un fossé creusé par des parents qui voulaient à tout prix m'éloigner de ma nature, et me faire ressembler à quelque chose de plus civilisé. Je ne suis devenu malléable à leur guise qu'une fois Oliver parti. Je fais signe à la jeune femme que tout va bien, malgré ce moment de vide qui m'a fait lâcher mon crayon. J'aimerais être capable d'entendre son nom sans sentir mon coeur partir à toute vitesse et ma gorge se serrer jusqu'à me faire manquer d'air. J'y parviens, parfois. Mais pas cette fois. Certes, Oliver est avant tout le prénom de mon frère, d'une personne que j'aime au point de perdre encore mes moyens vingt ans après sa mort. Néanmoins, je crains qu'un tel prénom me rendre profondément triste en permanence. Que je sois pas capable de lui donner une nouvelle chance, une nouvelle vie, en me focalisant sur celle que j'ai perdue. Je ne réponds rien. Je dois réfléchir, beaucoup. Sans réellement changer de sujet, je propose le prénom de cette grand-mère qui fut bien la seule à me soutenir après la perte de mon frère. Celle qui savait que je n'avais plus de remparts contre une famille qui ne voulait pas de moi. Elle n'aimait pas mon père, et avait bien raison. J'ai toujours trouvé son prénom très beau. Louise. Il inspire une personnalité allant de paire avec ses sonorités. Une personne douce. Cela irait bien à notre petit ange, si nous devions avoir une fille. « Eva, c'est très joli aussi. » dis-je, afin que Joanne ne se sente pas obligée d'adhérer à mon idée. Entre Louise et Oliver, je prends bien trop d'espace. « Tu n'as personne dans ton entourage dont tu aimerais reprendre le prénom ? Quelqu'un qui t'aurais marqué… » A part Sophia, je n'en sais pas grand-chose. Mon dessin terminé, je remarque enfin le tissu qui a glissé de la poitrine de Joanne. Je la regarde sans rien dire quelques secondes. Je réalise que nos derniers ébats remontent à une bonne poignée de jours. Après avoir quitté mon tabouret, j'approche d'elle pour réajuster le tissu sur son corps avec délicatesse. « Ne rends pas les choses plus difficiles. » dis-je avec un sourire malicieux, lui volant un baiser juste après. Je récupère une boîte d'allumettes dans la commode où se trouvait mes lunettes -ainsi qu'un bric à brac de multiples choses. J'allume les deux bougies qui se trouvent toujours dans l'atelier ; l'une sur le rebord de la fenêtre, au dessus du visage de Joanne, et l'autre près de moi. Lorsqu'il fait sombre, j'utilise rarement l'éclairage artificiel de la pièce. Si la lune ne suffit pas, ces quelques flammes font l'affaire. J'ajoute d'ailleurs la bougie au dessin de la toile. Puis commence à préparer les couleurs dont j'aurais besoin sur la palette.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il cherchait quand même ses mots, ce qui était loin d'être une chose aisée pour lui. Mais il essayait quand même. Jamie disait qu'il ne comprenait pas pourquoi elle pouvait aimer cette part là de lui, pourquoi elle attendait ça de lui. Il se qualifiait brusque, maladroit. Joanne se devait de reconnaître qu'il n'avait pas entièrement tort là-dessus. Il était un peu confus, ayant du mal à jongler entre ses paroles et ses pensées. "Parce que je veux tout savoir de toi." dit-elle doucement. "Comme lorsque tu cherches à tout savoir de moi." Le ciel devenait du plus en plus foncé, on voyait déjà quelques astres faire leur apparition. "Les bons, comme les mauvais côtés. J'aimerais savoir comment tu ressens les choses, même lorsque c'est au plus profond de toi." La jeune femme savait ce qu'il y avait, elle savait ce qu'il enfermait là, en lui, comme un lion en cage. Elle lui mentirait si elle disait qu'elle n'avait pas peur. "Je veux être la seule à te décrypter même lorsque tu te contiens à la perfection, la seule à pouvoir, juste en effleurant mes doigts avec les tiens, apaiser ta colère." Elle trouvait que ses paroles étaient gavées d'égoïsme, mais aussi de beaucoup d'amour. Bien sûr qu'il y avait l'hôpital, puis la fois où elle était venue le récupérer là-bas, puis le jour où elle lui avait annoncé qu'Hassan avait fait réapparition dans sa vie. Elle le savait bien, et à chaque fois, ils en souffraient tous les deux. "Tu es une belle personne Jamie. Tu as beau croire que tu n'es qu'au final une boule de nerfs, ce n'est pas vrai. Pas pour moi." dit-elle d'une voix toute douce. [color=#006699]"Tu as beaucoup d'énergie à revendre, et le seul moyen que tu as trouvé de l'extérioriser, c'est par ta colère, en allant cherchant des misères dans les bars."[:color] Finalement, sa colère était constamment ressourcée par cette sorte d'hyperactivité. "C'est une accumulation de beaucoup de choses, je le sais, et jamais rien ne t'avait poussé à le canaliser autrement." Il était bien difficile de trouver une solution à ce problème, si ce n'était de le sédater et embourber son esprit. Jamie se remémorait leur promenade au parc. C'était vrai que ça faisait drôlement là. Elle rit légèrement lorsqu'il mentionna leur vouvoiement. "Oui, c'est ça." Joanne se mordait la lèvre inférieure. "Tu m'impressionnais beaucoup. Je me demandais si tu étais venue me voir par obligation et par galanterie plutôt que par envie." Elle ne se doutait pas un seul instant qu'il commençait à avoir des sentiments pour elle, qu'elle lui plaisait. L'Anglais avouait sa nervosité à ce moment-là. "J'aimais bien cette période où nous avions découvert à quel point cela pouvait-il être plaisant que de transgresser les règles du raisonnable. C'était... libérateur." Pour une fois que Joanne trouvait le juste mot à ce qu'elle pensait. Jamie était perturbé d'avoir autant de jour à ne rien faire. En gros, il n'aimait pas perdre son temps inutilement. "Tu disais que tu voulais reprendre le sport, un peu, ce sera l'occasion de reprendre soin de toi. Tu m'en as déjà parlé tellement de fois." Elle savait qu'il appréciait particulièrement se maintenir en bonne forme physique. Ce n'était pas dans son bureau qu'il était en mesure de le faire. "Occupe-toi de toi avant de penser à moi." insista-t-elle. "Ce temps là, c'est surtout pour toi. Je saurai bien me débrouiller toute seule." ajouta-t-elle en lui souriant tendrement. Elle savait y faire, ce n'était pas un mois supplémentaire qui allait tout changer. Joanne ne le prendrait pas mal, elle comprendrait. Puis elle avait lu quelque part que c'était en approchant du troisième mois que les nausées s'amenuisaient. De plus belles journées à venir, en somme.La jeune femme se rappela de la photo d'Oliver et lui que Jamie lui avait un jour montré. L'enfant sage et l'élément perturbateur. C'était certainement ce à quoi il faisait allusion lorsqu'il laissait croire qu'il était intenable quand il était enfant. Rapidement, il continuait sur le sujet des prénoms, avouant qu'il aimait Eva. C'était un prénom que Joanne adorait, mais se gardait bien de le dire. Elle était un peu moins à l'aise lorsqu'il lui demanda si elle ne voulait pas appeler leur enfant avec le prénom d'une personne qui aurait marqué sa vie. Joanne resta longuement silencieuse. "J'adore ma grand-mère, mais je ne pense pas qu'elle voudrait voir son arrière-petit-enfant avoir le même prénom qu'elle ou son mari, ou de la belle-mère. Elle aime beaucoup découvrir les nouvelles choses et m'avait elle-même demandé de ne pas faire allusion à son prénom, sauf pour un deuxième ou troisième prénom." Mis à part elle, personne ne lui venait en tête. "Après, je n'ai pas un très grand entourage, ça se limite à ma famille proche et So..." Joanne se stoppa avant de mentionner son prénom. Non, c'était encore trop récent. "Je n'avais pas beaucoup d'amis quand j'étais petite... Enfin, petite, ça s'est largement étendu jusqu'au lycée." commença-t-elle. "On n'était pas forcément méchant avec moi. On disait juste que Joanne était discrète et timide, mais gentille, qu'elle était plutôt douée en classe. On s'en fichait un peu, de moi. Mais je le vivais très bien, ça ne me posait pas problème." Elle haussa les épaules. "On m'invitait quand même à des fêtes d'anniversaire, des soirées, mais je ne rentrais jamais bien tard. Reever se serait inquiété, lui le premier... et puis je ne parlais pas à grand monde de toute façon." Ca pouvait sembler être dur à vivre, mais l'innocence de Joanne avait su alléger cette atmosphère. Elle n'était pas non plus ces boucs émissaires. "On me laissait tranquille, je ne demandais jamais rien à personne. On sympathisait avec Joanne, mais sans plus. Si bien que parfois, quand certains cherchaient à mieux me connaître, je me demande si c'était parce qu'ils étaient forcés par une sorte de pari ou si on se fichait de moi." Mais ça ne l'atteignait pas. "Tout a radicalement changé à l'université, ça m'a assez déroutée." Joanne était loin de se plaindre de son enfance, de sa vie à l'école, c'était comme ça. Elle ne reprochait rien à personne. Joanne se prit tout de même le temps de réfléchir quelques instants, en regardant le ciel. "Sinon, il y a ces deux infirmiers qui se sont occupés de moi après ma fausse-couche. Du moins, ce sont les deux premiers que j'ai vu en me réveillant à l'hôpital. Et c'était toujours les deux mêmes qui s'occupaient de moi avec beaucoup d'attention. Ce sont ces deux là qui me disaient que ça valait le coup de sortir de l'hôpital. L'un d'eux me disait toujours que ce sont par les plus grands malheureux que l'on vit plus tard le plus beau de tous les bonheurs." Elle soupira. "Et dire que je ne leur ai offert qu'une boîte de chocolats." C'était Mia qui l'avait rapporté pour elle, mais elle regrettait toujours de ne pas en envoyer plus. Elle se disait parfois qu'il serait chouette d'aller les voir, mais elle doutait qu'ils se souviennent d'elle. Ils en voient tellement, des patients comme elle, ils ne retiendraient pas tous les noms. Elle ne sortit de ses pensées que lorsqu'elle sentit les doigts de Jamie réajuster le tissu. Là seulement, elle le regarda, presque surprise. Le sourire malicieux en coin, il était certainement difficile pour lui de savoir qu'il devait tenir encore quelques temps. Joanne rit doucement. "Tu as encore beaucoup de pain sur la planche." lui lança-t-elle. "Tu te rappelles que l'on s'était dit que nous ne nous arrêterons pas tant que tu ne seras pas satisfait." Elle pouvait rester là encore des heures et des heures, elle était bien installée. Il alluma quelques bougies avant de mettre de la peinture sur sa tablette. L'éclairage de la pièce le valorisait tellement, Joanne fondait totalement. "Tu vas en faire quoi, du tableau, quand tu auras fini ?"
S'appartenir et se connaître par coeur ont toujours été les obsessions planant au dessus de nous. Peut-être de manière trop prenante parfois. C'est une quête à la fois fascinante et effrayante. Tout ce que je découvre chez Joanne me fait l'aimer encore plus. Et je crains que ce qu'elle découvre de moi à chaque fois qu'elle chercher à s'enfoncer un peu plus dans mon esprit l'éloigne petit à petit. Elle verra le désordre, la tempête permanente, beaucoup de colère et de peine partout. Contrairement à elle, je n'ai pas l'impression qu'il y ai de lumière au bout d'un tunnel. Tout est sombre, tout du long, et de plus en plus sombre et anarchique à force que l'on s'approche de qui je suis par essence. La surface est plus belle, plus facile et appréciable. Tout est calme sur cette couche superficielle, et le reste tant qu'on ne s'approche pas de mes nerfs. Joanne, cela a toujours été son objectif, veut plus que tout être la personne qui saura me calmer dans la seconde. « Tu sais déjà le faire. » je fais remarquer, songeant au gala. Elle avait été parfaitement capable de me désarmer en me touchant à peine. « Le problème c'est moi. » Je refuse d'être calmé. Je ne me l'explique pas. Peut-être que, parfois, la bombe a besoin d'exploser sans que personne ne l'en empêche. « Et tu sais déjà qu'il n'y a rien de vraiment bon à trouver en profondeur. » j'ajoute, sûr de ce que j'avance. Les ravages laissés par ces paroles répétées par mes parents depuis toujours sont devenues des vérités pour moi. Je sais que je ne suis pas une mauvaise personne, je m'y évertue. Ce n'est pas pour autant que j'estime valoir quoi que ce soit. « J'ai l'impression d'être impossible à canaliser, toujours en train de menacer d'exploser. » Il y a le travail, la peinture, parfois le sport, et les moments passés avec Joanne pour me garder stable. Comme si je devais m'épuiser constamment. « Ah si, il y a les cachets. » j'ajoute avec cynisme. Foutus cachets. Un mal pour un bien. Je suis forcé d'avouer qu'ils soulagent mes nerfs. Mais je préférerais faire sans, même si je n'ose pas retenter d'arrêter pour me débrouiller autrement. « Je voulais vraiment te voir. » je réponds au sujet du jour où nous nous sommes vus au parc. « Mais je ne comprenais pourquoi toi tu acceptais de me fréquenter. » Déjà au gala du musée, je ne savais pas pourquoi elle m'accordait une chance. Alors, j'étais si heureux d'avoir l'occasion de la revoir, de lui prouver que j'étais loin de me résumer au type qui se bagarre dans un bar, que je finissais par mourir de nervosité. « Et maintenant nous sommes dans la période où nous ne nous demandons même plus ce qui peut être raisonnable ou non. » dis-je avec un petit rire. Nous nous sommes libérés de cette contrainte, en nous contentant de faire ce qui nous semble le mieux pour nous. Nous avons trouvé notre harmonie ainsi ; en arrêtant de nous poser trop de questions, et en suivant notre instinct. Les normes ont cessé de nous concerner, alors le raisonnable aussi. Nous avons notre propre cadre de vie qui nous convient très bien. Joanne me suggère de retourner au sport, comme je n'ai de cesse de dire que je le dois depuis des mois. Le travail dévorait tout le temps que je pouvais accorder à cela. A part un jogging de temps en temps, m'entretenir devenait presque un luxe. « Oui, je compte bien y aller de temps en temps. Ca me fera du bien. Je me sentirai moins comme un légume. » Car entre les journées passées assis et la maladie dont je sors, je me sens très loin d'être au mieux de ma forme. Et j'ai l'impression que la silhouette ne suit plus non plus. « Tu sais bien qu'il est hors de question que je sois là et que je te laisse des journées entières seules. » j'ajoute néanmoins, même si je sais que, en soi, Joanne n'a pas besoin de ma présence toute la journée tous les jours. Elle a déjà passé du temps complètement seule. Elle a encore des mois à ce rythme devant elle. Et plus de Sophia. « Nous avons tout le temps que mon travail nous a pris à rattraper. » Et cela fait un paquet d'heures, de journées entières, de soirées trop courtes, de moment interrompus par une sonnerie de téléphone. Qu'importe si la jeune femme peut se débrouiller sans moi, nous devrions profiter de cette chance que nous avons d'avoir des semaines pour nous seuls. J'ai l'impression de répéter certaines de mes erreurs commises avec Kelya sur Joanne. Cette manière de ne pas assez m'intéresser à son passé, et au final, de me contenter d'en savoir bien peu. Je ne sais pas si c'est par égocentrisme ou juste par maladresse. Moi qui souhaite la connaître par coeur, j'en suis terriblement loin, en y réfléchissant. Lui demander s'il n'y a personne ayant marqué sa vie est une sorte de porte ouverte, trop discrète sûrement, pour que la jeune femme, pour une fois puisse parler d'elle. Elle s'y engouffre plus que je n'aurais pu l'espérer, passant en revue son enfance, sa scolarité, son rapport aux personnes de son âge à chaque stade de sa vie. Elle raconte son côté discret menant vers une sorte de solitude qui n'avait visiblement rien de pesante pour elle. A l'écouter, elle était simplement un électron libre, sans grande attache où que ce soit, s'adaptant à son entourage, s'ouvrant à qui voulait s'ouvrir à elle, et appréciant également d'être dans sa bulle. Je me souviens m'être senti dans le même cas. A la différence que je ne pouvais pas me tenir à l'écart du monde ; il venait constamment à moi. Mon entourage était toujours dense sans que je ne fasse quoi que ce soit. Et cela s'est densifié à l'université. « Tu es devenue la petite blonde populaire ? » je demande pour qu'elle m'en dise plus sur cette période. Je ne la vois pas vraiment écumer les soirées étudiantes qui terminent en beuveries sauvages. Mais je l'imagine appréciée par le plus grand nombre. Parmi les personnes qui l'ont marquée, elle cite des infirmiers ayant pris soin d'elle. « Tu leur a offert quelque chose au moins. Beaucoup n'y auraient même pas pensé. » Parce que c'est leur travail, après tout. On ne vous offre pas des fleurs à chaque fois que vous faites ce pour quoi vous êtes payé. La reconnaissance n'est pas toujours un réflexe. « Du coup, le prochain volet du départ sera de savoir si la balance penchera pour Louise ou Eva. » dis-je pour en revenir à cette histoire de prénom. Peut-être que cette sélection changera, d'ici les mois qui restent. Peut-être qu'un tout autre nom nous viendra à l'esprit au moment où nous verrons le bébé, qu'une évidence s'imposera à nous. Tout peut arriver. Un rapide baiser sur les lèvres de Joanne, et je poursuis mon œuvre. Nous y passerons la nuit s'il le faut, puisqu'il faut que je sois satisfait. « Je pense que je le serais, cette fois. » Un bon pressentiment. Quant à ce que je ferais de ce tableau, la réponse est la même que pour les autres toiles que j'ai pu peindre et qui s'entassent dans l'atelier. « Je ne sais pas encore. Je pourrais l'accrocher ici. » S'il est réussi, à vrai dire, je pourrais l'accrocher n'importe où dans la maison si cela ne tenait qu'à moi. Mais je doute que Joanne soit d'accord pour voir une représentation d'elle-même sur l'un des murs tous les jours. « Peut-être qu'il sera exposé un jour. » j'ajoute avec un sourire malicieux, sachant que cette idée ne lui plairait pas plus. Une peinture d'elle aussi peu vêtue vue par des centaines d'inconnus ? Elle en mourrait de honte. « J'ai contacté l'agent, Nyx, à ce sujet. J'attends qu'elle me trouve une place dans son agenda. » Fraîchement engagée, je compte aussi sur elle pour s'occuper des futures inepties que l'on pourrait lire à mon sujet dans les magazines, et m'alléger de certains choix que je dois faire seul pour le moment. « Elle semble… très enthousiaste. » Son message de réponse au mien m'avait bien fait rire. J'avais du mal à imaginer la femme sérieuse et professionnelle que j'avais rencontré en train de se trémousser uniquement parce que j'avais accepté de la prendre. Quoi qu'il en soit, sa personnalité me plaît beaucoup. Je pense qu'elle fait partie des meilleures choses qui pouvaient me tomber dessus à ce moment précis. « Et moi je suis surtout mort de peur. » j'avoue en riant. Comme la dernière fois, j'effectue la peinture de Joanne en exclusion ; je laisse les ombres créer les formes de la jeune femme, et non l'inverse, puis je travaille chaque détail avec soin. Cela donne souvent une impression étrange, la composition restant réaliste, et pourtant, semble plutôt sortir d'un rêve. Elle mêle un peu tous les éléments, la silhouette, le décor. A mes yeux, travailler l'obscurité permet une plus grande mise en valeur de la lumière. L'atmosphère qu'ajoute la bougie près d'elle est parfaite.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il faisait allusion au soir du gala, mais Joanne s'était sentie plus qu'impuissante en le voyant tabasser James sans pouvoir faire quoi que ce soit. Ce n'était pas suffisant, et ça laissait un goût amer d'insatisfaction au fond de sa gorge. Elle ne voulait plus entendre parler de ce gala là, mais c'était l'exemple parfait de ses colères, de cette rage qui régnait constamment en lui. S'il le pouvait, il se passerait bien de sa médication, elle voyait bien que ça lui déplaisait, de les avaler chaque soir, mais il le faisait par obligation, certainement pour garder près de lui les personnes qu'il aime. Il avait déjà fait fuir Joanne de lui, il ne survivrait certainement pas à une seconde fois. "Pourquoi es-tu toujours en colère, alors ?" finit-elle par demander, espérant avoir des brides de réponse à son interrogation. "D'où ça vient, selon toi ?" Il fallait admettre que si Jamie lui-même disait qu'il était en permanence comme un volcan en fusion, il y avait de quoi s'inquiéter. Joanne avait un peu peur, elle avait toujours eu un peu peur, mais l'amour prédominait toujours tout le reste. "Tu n'as plus tellement de choses qui puissent alimenter ta colère." Il y avait peut-être cette histoire de photos, la réapparition d'Hassan, mais ce n'était rien comparé à ce que son père avait pu lui infliger, c'était complètement différent. "Je ne comprends pas." avoua-t-elle, pensive. Elle se devait de le reconnaître. Et ne pouvoir rien y faire la frustrait au possible. Ca, par contre, elle ne voulait pas le lui dire. Jamie avoua que le jour où ils s'étaient retrouvés, il avait hâte de la revoir, mais ne comprenait pas pourquoi c'était réciproque. "Je pense que j'étais déjà très amoureuse de toi, sans que je ne veuille l'admettre." Elle baissa la yeux. "Cette même force qui m'a poussée à payer ta caution et panser tes blessures. Je suppose qu'il y avait déjà cette sorte de magnétisme entre nous, même si tu t'étais complètement braqué la nuit-là." Ils avaient tous les deux bien changés, depuis. Joanne lui sourit en entendant qu'il comptait bien retourner en salle de sport pour rattrapper toutes ces heures sans exercice, précisant tout de même qu'il n'allait pas laisser sa dulcinée seule à longueur de journée. "Tu pourras passer plus de temps avec lui." dit-elle en pointant son propre ventre du doigt, mentionnant leur bébé. Elle était certainement trop insistante à ce sujet, mais Joanne tenait à ce qu'il y ait déjà ces premiers contacts entre Jamie et le bébé. Le bel homme avait finit par en savoir plus sur la vie scolaire de sa fiancée. Rien d'extraordinaire, en soi. "Pas populaire, non. Mais, je ne sais pas... ils étaient peut-être plus curieux ? De connaître les gens de leur promo, ils creusaient un peu plus lorsque quelqu'un était assez réservé. Le courant passait mieux, globalement." Elle soupira. "Sophia m'embarquait souvent avec elle aux soirées étudiantes. Je m'y amusée, mais rares étaient les fois où je restais jusqu'à la fin. Les beuveries, ça n'a jamais été vraiment mon genre." Joanne appréciait plus les soirées plus posées, où ça ne finissait pas de manière chaotique et anarchique. Ils revenaient aux prénoms, elle lui sourit tendrement. "Tu ne m'as pas dit ce que tu aimais comme nom pour un garçon." Même si elle savait qu'il préférait largement avoir une fille. "Une chance sur deux, tu sais." ajouta-t-elle avec un rire. Jamie semblait confiant par rapport à son tableau, ayant comme un pressentiment que cette fois-ci, c'était la bonne. Joanne lui sourit tendrement, mais rougit immédiatement lorsqu'il explicité l'éventualité d'exposer son oeuvre. "Tu ne voudrais que l'on me voit ainsi, même au travers d'un tableau." parvint-elle par dire. Quoi qu'il serait capable de le faire uniquement pour dire qu'elle n'était qu'à lui, qu'il était la seule à pouvoir la toucher. Quelque chose comme ça. Jamie parla de cet agent qui était plus qu'intéressé par ses oeuvres, ne cachant pas son enthousiasme, alors que lui, appréhendait au possible. "Tout va bien se passer, j'en suis certaine." lui assura-t-elle. Joanne avait aussi un bon pressentiment. "Tu seras chaleureusement récompensé au premier achat de l'un de tes tableaux, comme tout ce qui suivront." lui glissa-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure. Volontairement, Joanne étendit ses bras de pars et d'autres de sa tête, faisant mine de s'étirer, en courbant son dos. Puis elle reprit sa position initiale, en riant, avec des yeux pétillants. "Tu trouves que mon ventre commence à prendre forme ?" demanda-t-elle, songeuse, en le regardant. "Je suis trop obnubilée par cette idée, je ne sais même plus comment il était il y a deux mois et comment il est maintenant." Elle rit nerveusement. "C'est un peu bête, je sais." Elle se demandait également, si ça se voyait, si il allait faire ressortir ces premières courbes sur son tableau.
« Je n'en sais rien. » j'avoue à voix basse, penché sur la toile. Les yeux plissés derrière mes lunettes, l’obscurité de la pièce, désormais bien plongée dans le noir, me force à quasiment toucher la peinture du bout du nez pour voir ce que je fais. J'attrape finalement la bougie à côté de moi pour porter sa lumière près de la zone de que je peins. Bien plus pratique. Non, je ne sais pas pourquoi je me sens toujours en colère. Pourquoi je sais que ce sentiment est toujours là, dans tout ce que je fais. J'ai une dent contre à peu près tout, et cela semble parfois sans raison. C'est simplement mon moteur. La manière dont je fonctionne, mon énergie. Je ne sais pas contre moi la troquer, ni comment faire, mais c'est ce que je m'évertue à trouver durant chaque séance avec ma psychologue. Placer cette énergie dans quelque chose de moins destructeur pour moi et mon entourage. Mais j'ai toujours fonctionné ainsi. Je suis en colère contre mes parents et leur rejet incessant, leur volonté de me changer sans jamais se soucier de qui j'étais, ou de m'ignorer quand je ne leur correspondait pas. Contre Oliver, qui a laissé tombé, qui m'a laissé seul. J'en veux aux hautes sphères de la société de fonctionner comme elles le font, et m'obliger à faire de même pour y survivre. Le monde, de manière générale, me marche sur les nerfs pour m'avoir placé dans cette famille, dans cette classe, et pour avoir toujours fait en sorte que je ne puisse pas être qui je le veux, me laissant emmagasiner frustration sur frustration, colère sur colère, pour faire de moi cette bombe à retardement. « C'est un tout. Ca vient de tout. C'est comme ça, c'est ainsi... » j'ajoute, pensif, et quelque peu résigné. Mais non sans penser que cela ne changera jamais. Je sais qu'il n'en sera pas toujours ainsi, que je finirai par trouver une solution. « Mais je ne compte pas prendre ces cachets pour toujours, tu sais. » dis-je en jetant un coup d'oeil vers Joanne, un léger sourire aux lèvres. Je suis confiant à ce sujet. Une partie de moi sait que l'arrivée de notre enfant changera tout. Je ne sais pas pourquoi, ce n'est qu'une question d'intuition. Je ne pourrais plus en vouloir au monde entier de m'avoir donné ce petit miracle. De m'avoir placé là, pour passer à travers tout ceci, et avoir cette récompense. Avoir été une sorte de monstruosité, et être capable de créer quelque chose de beau, d'aimer, d'être aimé. C'est étrange de voir que malgré cette image que j'ai de moi-même, Joanne m'a aimé dès le début. Quelque chose lui a donné envie de me donner une chance -plusieurs, même, malgré mes fautes. Oui, il y a ce magnétisme entre nous. Cette dépendance. Elle s'est instaurée à une vitesse folle. C'est aussi quelque chose qui ne s'explique pas. Si ce n'est par nos théories romanesques, naïves et rassurantes à la fois. Celle qui dit que, dans cette vie là, nous aurons l'enfant qui attend de naître depuis des siècles. Le prochain examen nous nargue, à quelques semaines dans le futur, nous laissant dans l'attente d'en savoir enfin plus, si nous avons raison de parler de prénoms et de couleur de chambre. Remontant le temps jusqu'aux années universitaires de Joanne, elle me raconte l'intérêt que les étudiants s'étaient trouvé pour cette jeune femme réservée. Elle est de ceux qui sont découverts sur le tard, quand toutes les mentalités ont mûri et se sont ouvertes à ceux qui sortent du cadre. Je ne suis pas étonné de savoir que Sophia poussait sa blondinette à la suivre en soirée. Mais qu'elle ne restait pas jusqu'à ce que la fête dégénère. « Vraiment ? Moi qui t'imaginais si bien danser sur les tables après quelques shots de vodka. » dis-je avec ironie. Nous avons en commun de n'avoir jamais aimé les soirées étudiantes ayant pour seul but de boire le plus et le plus vite possible. Nous avons sûrement été assez semblables à ces moments de nos vies. Plus posés que la majorité des camarades. Il est parfois rassurant de constater les quelques points communs que nous avons, Joanne et moi, malgré tout ce qui nous sépare. Nous avons des goûts similaires sur bien des points. Notre traditionalisme. Nous sommes même incapables de nous prendre le bec pour le prénom de notre bébé. Et pourtant, je m'attendais à des batailles, même si la question n'est pas tranchée. Pour un petit garçon, cela sera peut-être plus difficile. Oliver… L'idée trotte toujours dans ma tête. « Je n'y ai pas vraiment pensé. » j'avoue, haussant les épaules. La jeune femme pensera sûrement que je suis trop focalisé sur l'envie d'avoir une fille. Une chance sur deux, rappelle-t-elle. Concentré sur la peinture quelques secondes, je réfléchis. Les hommes de ma famille ne valent rien, il n'y a personne à qui faire référence. Cela laisse tous les prénoms du monde à trier. « J'aime assez Wyatt, et Micah. » dis-je au bout d'un moment. Toujours des prénoms doux. Un peu moins classiques que ceux que nous avons en tête pour une fille. Mais je ne me vois pas appeler mon fils comme moi, comme mon père ou mon oncle, et à nous trois, nous portons les noms anglais les plus répandus. Je ris de bon coeur quand Joanne souligne que je ne supporterais pas que d'autres hommes puissent la voir aussi peu vêtue, même sur un tableau. « Peut-être que tu as raison… Et d'un autre côté, je serais le seul à savoir ce qu'il y a sous ce tissu. » dis-je avec un sourire, assez satisfait à cette idée. Le tissu qui suggère, qui laisse deviner les courbes, de son corps, qui donne terriblement envie de tirer dessus pour le faire glisser sur sa peau si douce et la découvrir. « Les autres resteront frustrés par leur imagination. » Non seulement concernant les formes sous le tissu, mais aussi tout ce qui a pu se dérouler avant et après la réalisation du tableau. De plus, même si ces iris bleus sont tournés vers le spectateur, ce regard ne leur est pas adressé. Ils le sauront en le croisant. « Et puis, ce serait égoïste de garder pour moi une si belle personne. » Cela me rappelle ce que Nyx m'avait dit justement, pour me faire réagir. Que j'étais égoïste de garder mes toiles pour moi. « Tout le monde devrait avoir quelqu'un comme toi à ses côtés. » je murmure en faisant glisser le pinceau le long d'une de ses jambes, sur la toile. Installée dans la même position depuis un moment maintenant -mais je ne saurais absolument pas dire combien de temps- Joanne prend quelques secondes pour s'étirer, et moi pour observer l'avancement du tableau, me demander ce qui manque. Puis je me lève, afin d'étirer mes jambes, faire quelques pas en arrière pour contempler l'ensemble. Mon regard se pose sur la belle qui s'interroge sur les changements de son corps, visiblement excitée à l'idée de voir son ventre s'arrondir. « C'est encore très discret. » dis-je en toute honnêteté. « Ca ne se voit pas lorsque tu es habillée. » Mais elle, elle le sent. Preuve en est qu'elle se sent déjà à l'étroit dans certains vêtements. « Je peux le deviner parce que je connais ton corps, mais je ne pense pas que qui que ce soit d'autre le devinerait. » Et encore, c'est depuis qu'elle m'a fait remarquer ses sensations que je suis devenu plus attentif à ces changements. A sa poitrine et sa peau plus ferme, son bas-ventre qui laisse deviner du mouvement dans cet organisme qui s'apprête à faire toujours plus de place à ce petit être. C'est aussi une question d'aura. Il y a quelque chose en elle, d’inexplicable, qui a changé. Quelque chose qu'elle dégage. « J'ai assez hâte de… voir tout ça évoluer. » Pourquoi pas, la peindre lorsque son ventre sera rond. Quand je reprends place sur le tabouret, c'est pour de longues minutes dans le silence total. Peut-être une heure, je n'en sais rien. Un carton sert de pochoir à quelques bombes de peinture afin de travailler le ciel, la fenêtre, la lumière de la bougie, puis les pigments à l'huile prennent forme, s'appliquent sur la peau de la jeune femme, ses cheveux, allant vers les tons plus clairs à chaque couche. Enfin, un pinceau bien plus fin et un poinçon me permettent d'aller dans les moindres détails, comme si je pouvais retoucher chaque pixel. « Désolé, je ne suis plus très bavard quand je travaille les détails. » je marmonne en remarquant le silence. La pauvre Joanne doit s'ennuyer à mourir. Ou dormir. Je jette un coup d'oeil plus attentif vers elle pour vérifier cela. Elle observe la nuit tombée. Je l'observe ainsi plus longtemps que je ne le pensais. La lumière de la bougie sur son visage est véritablement magique et m'envoûte pendant un long moment. Distrait, quand je reviens sur la toile, je ne parviens plus à m'y remettre. L'envie est plutôt de passer quelques minutes avec l'original. Alors je me relève. « J'ai besoin d'une pause. Je vais chercher quelques trucs à grignoter, d'accord ? » En quittant l'atelier, je n'allume pas la lumière. Toute la maison est plongée dans le noir, silencieuse. En passant devant la chambre d'amis, je vois les chiens, dormant l'un sur l'autre. Descendant un autre étage, j'arrive au rez-de-chaussée. Dans la cuisine, je dispose à la va vite un peu de tout sur un plateau. De l'eau, la petite boîte de loukoums, des petits gâteaux… Puis je remonte, aussi silencieux au retour qu'à aller, et restant dans l'obscurité. Je pose le plateau par terre, à côté du canapé où est installé Joanne, et m'assied également à même le parquet, près d'elle. Une gorgée d'eau, un loukoum -et comme toujours, je me retrouve plein de sucre glace, n'hésitant pas à lécher mes doigts. « J'ai bientôt terminé. Encore une petite heure, je pense. » dis-je pour donner une estimation à la jeune femme. Je ne sais pas si elle a bougé de là pendant mon absence. Peut-être a-t-elle jeté un œil à la toile. Je pose un coude sur le canapé, appuie ma tête dans la paume de ma main, observant Joanne. L'aura dorée de la bougie qui danse sur son visage. Elle semble tout droit sortie d'un rêve. « Je crois que je pourrais rester des heures comme ça. » Sans m'en lasser. A simplement la regarder, ici, sous cette lumière. Mon coeur s'accélère toujours autant lorsqu'elle est si belle, et qu'il n'y a que nous, notre monde, notre bulle. Quand je pourrais presque me demander si elle est réelle, et qu'un contact me rappelle que je suis en plein rêve éveillé. Mes doigts passent alors doucement sur son mollet, frôlent sa peau. « Tu es tellement belle ainsi. » je murmure, un sourire au coin des lèvres. Je me penche sur son ventre pour déposer un baiser, et ajouter, pour notre petit miracle ; « Quand tu la verras, tu comprendras. » Puis j'embrasse tendrement la future mère. Je prends délicatement une de ses mains pour la déposer sur mes cheveux, retrouver ce contact que j'adore. « Où est-ce que tu penses que tu serais, si tu n'étais pas ici, à cet instant ? Si on ne se connaissait pas. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie était incapable de trouver ce qui pouvait être à l'origine de ses colères permanentes. C'était certainement une accumulation de plein de choses, de ses expériences passées, de ses échecs, du manque cruel de reconnaissance qu'il avait du vivre, du décès de son frère, du peu d'importance que lui accordaient ses parents. Une liste longue comme un bras. Mais Joanne espérait que ça s'amenuise, qu'il se sente apaisée. Il fallait admettre qu'elle était attristée de ne pas pouvoir contribué à adoucir ses peines et ses colères. Encore une fois, elle se sentait incapable pour maintes raisons. Le bel homme était résigné à cette idée, qu'absolument rien n'y puisse y remédier, d'une manière ou d'une autre. Elle restait silencieuse, souriant tout de même légèrement lorsqu'il dit qu'il comptait bien pouvoir se passer de ses médicaments tout en gardant ce self-control intact. "Peut-être qu'avec le bébé... ça t'apaisera, même au plus profond de toi." dit-elle alors, pensive. "De voir de tes propres yeux que tu es tout à fait capable d'apporter quelque chose de beau et d'apaisant en ce moment. Que tu fasses partie de sa conception." Etre père pouvait changer un homme, c'était ce qu'elle se disait. Elle avait entendu de ces histoires, d'hommes instables qui gagnait en tout une fois leur enfant venu au monde. Qui sait, cette théorie inexpliquée s'appliquerait peut-être sur lui. Avoir un bébé calmerait chacune de ses colères qui tourbillonnaient en lui. Il se plut ensuite à ironiser, imaginant Joanne qui était sur la table à boire comme un trou lorsqu'elle était étudiante. Elle rit doucement, sachant qu'il racontait n'importe quoi. Ca ne lui ressemblait absolument pas, étant plus du genre à regarder ces gens-là, qui faisaient leur show, à faire le malin. Il disait ensuite qu'il n'avait pas pensé à un prénom masculin, pour le bébé à venir. Preuve concrète qu'il était certain d'avoir une fille, qu'il devait certainement imaginer être une copie conforme de sa mère, en tout point. Il partageait finalement deux noms - enfin. "Je préfère Micah, si j'avais à choisir entre les deux." lui dit-elle après quelques temps de réflexion. Elle aimait beaucoup ce prénom, à vrai dire. Joanne n'avait en tête que des prénoms vieux de plus décennies ou même siècle, ceux qui sortaient un peu de l'ordinaire ne lui venaient jamais à l'esprit. Jamie avait réussi à faire réagir sa belle en laissant supposer que quelqu'un pourrait acquérir ce tableau, que quelqu'un d'autre que lui la verrait dans cette tenue, et se délecter de ses formes. "Tu aimerais le vendre ?" finit-elle par lui demander, bien plus sérieusement. Elle l'entendit murmurer quelque chose qu'elle désapprouverait, mais n'en dit rien, préférant étirée ses muscles restés trop longtemps immobiles. Il avouait que la rondeur de son ventre était encore des plus discrète. "J'ai hâte." dit-elle doucement. "Si mon ventre s'arrondit, c'est que le bébé grandit, donc, qu'il va bien." Et donc, que l'examen qu'elle passerait d'ici une poignée de semaines se passait bien, qu'il n'y avait aucune anomalie à signaler concernant leur enfant. C'était à la fois le bonheur d'être enceinte mais aussi l'assurance que l'enfant allait bien. D'où son impatience. Jamie l'était tout autant -mais c'était assez habituel, chez elle. L'artiste finit par se réinstaller, devenant alors des plus silencieux et de plus concentrés. Ne voulant pas le perturber, Joanne rêvassait, en regardant les étoiles. Elle ne pensait pas à grand chose, reconnaissant juste qu'elle commençait à fatiguer. Les derniers jours qu'elle avait passé à bichonner Jamie n'avait pas finalement été de tout repos pour elle, et elle commençait doucement à le sentir. Mais ce n'était rien, elle tenait encore largement le coup. Elle-même ne vit pas le temps passer, à somnoler et à songer. Jamie finit par s'excuser de son long silence. Elle lui sourit tendrement. "Ce n'est rien, ça ne me déranger." dit-elle, en toute honnêteté. Puis elle retourna à son occupation initiale, à regarder la multitude d'étoiles qui brillait devant ses yeux. Finalement, Jamie descendit afin de chercher quelques gourmandises. La jeune femme ne bougea pas d'un pouce. Il remontait assez rapidement avec un plateau muni d'une multitude de mignardises, y compris les fameux loukoums. Il disait qu'il en avait bientôt fini, avant de s'installer et de l'observer longuement, ajoutant qu'il ne pourrait pas s'en lasser. Sentir ses doigts parcourir ses jambes la fit frissonner, comme si cela faisait bien trop longtemps qu'il ne l'avait pas touché. C'était le cas, en quelque sorte. Il la complimentait, parlant ensuite à leur bébé, après avoir embrassé doucement la peau de son ventre. Joanne le regardait d'un air plus qu'attendri. "J'adore quand tu fais ça." lui chuchota-t-elle. "Quand tu prends soin de lui, comme ça." C'était déjà des marques d'affection, elle savait en quelque sorte que le bébé le ressentait, d'une manière ou d'une autre. Il avait pris une de ses mains, réclamant ainsi de ressentir ses doigts dans ses cheveux. Elle sourit à ce geste, jusqu'à ce qu'il l'embrasse tendrement. Jamie lui posa une question assez inattendue, elle l'avait d'abord regardé d'un air véritablement perplexe, suivi d'un long moment de silence avant de soupirer. "A quoi ça peut te servir, d'avoir la réponse à cette question là ?" lui demanda-t-elle, d'une voix douce. "Je pense que je serai toujours dans le même appartement, avec le même boulot et la même façon de vivre avant que je ne te connaisse." Elle baissa ses yeux. "C'est-à-dire, pas grand chose." Au fond, elle le vivait bien. "J'aimais bien cette solitude, même si tout le monde pensait que c'était loin d'être bénéfique pour moi. Il n'y avait que là que je m'y sentais en sécurité. Moins je connais de personne, moins il y a de risque qu'on vienne me... piétiner comme Hassan a pu le faire, mais s'il dit que ça partait d'un bon sentiment." Et elle n'en savait pas plus depuis, Hassan restait muré avec ses secrets malgré les révélations qu'elle avait pu lui faire. Désormais, il savait, pour sa fausse-couche. "Je serais toujours embêtée par Sophia ou Mia pour sortir, rencontrer quelqu'un, mais..." Joanne restait silencieuse. "Je pouvais pas. Tu sais, on entre dans une de ces périodes où on se rend compte à quel point l'amour être destructeur, et honnêtement, je ne pense pas que j'aurai survécu à une seconde rupture de la sorte. On ne se sent plus vraiment capable d'aimer, en fait." Puis elle le regarda. "Pour moi, nous n'avons jamais véritablement rompu. Il y a eu des points de rupture, des pauses prolongées, des erreurs. Mais rien à ce qui puisse ressembler, même pâlement, à mon divorce." Elle n'en parlait pas tellement que ça, mais ça l'avait profondément blessé. Ne pas insister sur quoi que ce soit lui épargnait d'être blessée plus que nécessaire. "Je me sentais être un peu comme un fantôme. Mais je le vivais bien." Elle était bien, quand on la laissait dans son côté. Sentiment envolé depuis que Jamie était apparu dans sa vie. Joanne se redressa et se mit également par terre, juste en face de Jamie. Le tissu restait sur le canapé, la voilà entièrement dénudée devant lui. "Mais ça ne sert à rien de parler de ce qui ne se passera jamais." dit-elle en le regardant droit dans les yeux. Ses doigts caressaient doucement son cuir chevelu, alors qu'elle approchait peu à peu son visage du sien. "Il faut plutôt parler de demain, de ce qu'il y a dans quelques mois, de maintenant." dit-elle tout bas, avant de l'embrasser en prenant son visage entre ses deux mains.
A chaque minute qui passe, le tableau se précise, les formes prennent du relief, et chaque petit coup de pinceau leur donne un peu plus de vie. Il ne reste plus grand-chose à faire, si ce n'est plus le important ; le visage de la jeune femme. Les plis du tissu autour de son corps, laissant voir son ventre et ses jambes, ont un certain réalisme dont je me satisfait. Dans l'obscurité, on devine le canapé, l'atelier. La fenêtre donne sur un ciel aussi sombre. On devine l'éclat de la lune qui rend l'environnement bleuté. Et, près de la tête de Joanne, la petite bougie qui est désormais bien entamée, sa lueur dorée, et son reflet sur la vitre. L'environnement reste abstrait et quelque peu flou, un espace qui n'a rien de délimité. Seul le sujet, la belle, possède tous les détails qui la rendent réaliste. Il reste, quand je m'arrête pour prendre une pause, le relief de ses pommettes, l'ombre de son nez, un peu de travail sur les sourcils, ainsi que l'éclat qui rendra ses lèvres désirables et son regard à la fois doux et amoureux. Des détails qu'il est hors de question de rater. Mieux vaut prendre un instant pour reposer mes yeux, mes doigts et mon dos. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est. Même en passant près des chambres et dans le salon, je ne songe pas à m'en informer. Je me fiche assez du temps qui passe, de l'avancement de la nuit. Cela n'a aucune importance, dans le fond. Le cycle des jours qui passe n'a plus vraiment de sens. Seul importe ce moment que nous passons tous les deux. Enfin, du calme. J'aime assez nos conversations, nos divagations d'un sujet à l'autre. Parler un peu de nous, de notre bébé, commencer à lui trouver un nom, évoquer le passé et nous projeter dans l'avenir. Nos pensons tout haut, nous rêvassons, et laissons les minutes, les heures passer ainsi, en partageant. J'ai toujours adoré nos conversations. Ces moment où, d'une certaine manière, nous nous savons faits l'un pour l'autre, nous écoutons, nous découvrons un peu plus l'être aimé, et nous savons que notre amour est entre de bonnes mains. Je me demande si chaque sujet de discussion aura laissé sa marque sur le tableau. Les plaisanteries, les moments plus troubles, créant une touche différente à chaque fois. Cela ne sera visible qu'à la lumière du jour, demain. A moins que nous ne soyons déjà demain. Joanne doit sûrement commencer à bien fatiguer. Moi aussi. Même sans rien avoir à faire, sa grossesse lui prend beaucoup d'énergie. Le petit bout qui grandit en elle, cellule après cellule, en demande beaucoup à son corps qui subit ces changements tous les jours. Mais elle en est heureuse, cela se voit. Son ventre est encore bien plat, mais elle, elle est déjà pleinement une future mère. Il m'arrive, de temps en temps, comme à cet instant, d'adresser un mot, un baiser à notre enfant. Je souris quand Joanne souligne que cela lui plaît, quand je m'adresse à lui. Faute de pouvoir faire plus pour lui, pour le moment, je me dis que c'est ainsi que je peux un peu m'occuper de lui, avoir un premier lien, qu'il sache qui je suis. Puis je profite du contact des doigts de la jeune femme passant à travers mes cheveux, les caressant doucement. J'ai toujours adoré sa manière de le faire. La question que je lui pose semble lui déplaire en revanche. « Ce n'est qu'une question. Simple curiosité. » je lui assure. Elle n'a pas à y répondre si elle ne le veut pas. Moi, je sais exactement où je serais, ce que je ferais si je n'étais pas là, si je ne la connaissais pas. Mais elle, peut-être voyait-elle son avenir d'une manière plus optimiste que la mienne. Non, bien sûr que non, j'aurais du m'en douter. A ses yeux, elle aurait simplement stagné, prisonnière des blessures infligées par son ex-mari. Je fronce les sourcils, mais reste silencieux, me demandant comment il est possible de faire autant de mal à une personne en prétendant que l'intention était bonne. Je n'ai toujours pas demandé à Joanne comment s'était passé son entrevue avec Hassan l'autre jour, lorsqu'elle est allée le voir. Je crois que je ne veux pas savoir. Je me demande aussi ce qui a pu changer pour que la jeune femme se sente finalement capable d'aimer. De m'aimer. Alors que j'étais bien la dernière personne qu'elle puisse vouloir aimer quand nous nous sommes rencontrés. Elle exagère sûrement, lorsqu'elle dit que rien de ce qui nous est arrivé ait ressemblé à son divorce. Je doute qu'il ait déjà levé la main sur elle. Mais là aussi, je ne dis rien. Il n'est pas question de la replonger dans les souvenirs douloureux, que ce soit avec lui ou avec moi. Je la laisse terminer, sans rien ajouter. Et je reste tout aussi muet, surpris, quand Joanne se glisse hors du canapé et du tissu qui la recouvre pour se mettre face à moi. Je souris légèrement en l'observant, mordillant un peu ma lèvre inférieure. Mon regard passe futivement sur tout son corps dénudé, ses jambes, sa taille, sa poitrine, sa bouche, ses iris bleus qui s'approchent doucement de mon visage. « De maintenant ? » ais-je à peine le temps de murmurer avant qu'elle ne m'embrasse. Je m'approche à mon tour pour faire durer ce baiser pendant de longues minutes, le coeur serré par une envie naissante. Passant un bras dans son dos, je la serre doucement contre moi, et pose une main sur le bas de ses reins, glissant peu à peu sur ses fesses. L'autre se dépose sur sa nuque, garde son visage près du mien. « Je n'ai pas encore terminé le tableau. » dis-je entre deux baisers, sans avoir la moindre envie de la lâcher. Au contraire, je l'étreins un peu plus, capture de nouveau ses lèvres. « Je ne le vendrais pas. Tu ne peux être qu'à moi. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne était un peur surprise que son fiancé ne réagisse pas davantage à la réponse qu'elle venait de lui donner. Il restait silencieux, se laissant ensuite totalement envoûter par la jeune femme, lorsqu'elle se dévêtit du bout de tissu qui cachait ses parties intimes. Le regard de Jamie se faisait tout de suite de plus en plus envieux, désireux. Il était assez facile de l'avoir ainsi, il fallait avouer qu'elle commençait à apprécier d'avoir cette influence sur lui, cette sorte de pouvoir. Bien sûr qu'elle avait aussi envie de lui, de sentir son corps chaud contre elle. Il ne refusait pas son baiser, le prolongeant même encore. La serrant contre lui, l'une de ses mains devenait particulièrement baladeuse en venant se déposer sur la peau de ses fesses. Avant de recapturer ses lèvres, il précisa qu'il n'avait pas encore fini avec le tableau, elle rit. Jamie ne voulait pas le vendre, toujours aveuglé par cette envie de la posséder, même si elle n'était qu'en peinture. La jeune femme la regarda avec des yeux plus que malicieux, gardant son visage entre ses deux mains. Avant que Jamie ne revienne prendre possession de ses lèvres, elle posa sa main sur sa virilité, faisant de très légères caresses. De puis, elle esquiva son baiser "Si tu crois que tu m'auras aussi facilement." lui susurra-t-elle avant de saisir le tissu et se couvrir avec en se levant, s'éloignant de lui avec légèreté. Avant de redescendre les escaliers, elle se retourna pour le voir, lui faisant un sourire des plus malicieux. "Rien qu'à toi, vraiment ?" dit-elle en descendant les escaliers. La belle blonde se dirigea vers leur chambre. Elle avait certes précisé à Jamie qu'elle avait du renouveler sa garde-robe parce qu'elle avait pris un peu au niveau de sa poitrine, ça ne voulait pas dire qu'elle n'avait acheté que de la lingerie de grossesse. A vrai dire, elle avait un peu préparé le coup depuis qu'ils s'étaient promis cette fameuse journée. Ce n'était rien de sorcier, elle s'était achetée un ensemble qu'elle enfila rapidement. Joanne passa rapidement ses doigts dans ses cheveux, un peu de rouge à lèvres sur sa bouche. Enfilant des escarpins, elle s'installa dans un des fauteuils de la chambre, en croisant les jambes. Elle était assez enthousiaste en songeant à cette idée. La lumière était tamisée, elle n'avait qu'allumé le strict minimum. Enfin, le bel homme apparut à l'entrée de la chambre, Joanne lui sourit. "A moins que tu ne préfères finir le tableau..." Joanne haussa un sourcil, et rit doucement. A cet instant là, elle se sentait avoir une certaine sensualité. Beaucoup diront que ce sont à cause des hormones. Après, Jamie était dans une de ces tenues qui le rendait attirant. Avec les lunettes, en plus... Joanne le trouvait toujours beau, dans n'importe quelle circonstance. Doucement, elle décroisa ses jambes et s'approcha de lui d'un pas lent mais assuré. Désormais face à lui, elle ne le quitta pas des yeux, les siens restant pétillants au possible. Il avait ce réflexe de poser, dès qu'il le pouvait, ses mains sur elle. Joanne l'en empêchait aussitôt. "Bas les pattes." dit-elle en riant. Elle prit le tissu de sa chemise entre ses doigts et l'attira vers leur lit. La jeune femme l'y poussa afin qu'il s'y installe puis se mit à califourchon sur lui d'un oeil assuré. Elle restait suffisamment à distance pour qu'il ne parvienne pas à l'embrasser. Elle le fit basculer en arrière. Désormais allongé, Joanne gardait volontairement son visage proche du sien. "Mais mon coeur me dit que les détails qu'il te reste à faire peuvent attendre demain." Déboutonnant un à un la chemise de l'artiste, Joanne glissa doucement ses doigts le long de son torse tout en effectuant des mouvement de bassin contre son intimité. Sa main arriva alors à son niveau, ouvrit son pantalon et passait sous son boxer afin de toucher directement sa virilité, d'une main plus ferme. "A mon tour..." lui chuchota-t-elle en effleurant à peine sa bouche. Elle descendit du lit pour rester au bord, tira sur le pantalon de Jamie afin d'avoir accès à cette zone sensible. Ses lèvres et sa langue ne tardèrent pas à l'atteindre, commençant par des caresses lentes, ne manquant aucune zone, et gagnèrent en intensité assez rapidement.
Plus de doute possible, Joanne sait désormais sur le bout des doigts toutes les manières possible de me faire fondre en une fraction de seconde. Non pas qu'elle ait jamais eu besoin d'en faire beaucoup pour me mettre à genoux. Son regard, tantôt pétillant, malicieux ou envieux, suffisant amplement à me faire basculer. Il y a ce petit battement de coeur supplémentaire, un peu plus fort que les autres, comme un pincement qui met un coup d'accélérateur au rythme cardiaque. Cette nouvelle cadence s'accompagne d'un léger coup de chaud, traversant le corps depuis le bas-ventre et grimpant tout le long de l'échine, montant jusqu'aux joues, laissant derrière lui ces petits picotements qui rendent toute chose. C'est ce que ses iris bleus ou son sourire sont capables de provoquer chez moi, quand il ne suffit pas que sa main effleure la mienne. Alors, lorsqu'elle approche de moi, complètement à nu, l'effet est aussi immédiat que foudroyant. Mes mains trouvent sa peau, n'hésitent pas à saisir doucement sa chair, et mes lèvres, avides des siennes depuis des heures pendant lesquelles je pouvais les peindre sans les caresser, les capturent enfin comme si elles m'avaient été ôtées pendant des jours. Non, je ne vendrais pas ce tableau. Jamais. Je pourrais me délecter de savoir que les hommes la voyant se bercent dans leurs illusions, leurs rêves, leurs fantasmes à propos de cette magnifique créature, dont une partie de la beauté réside dans le fait qu'elle soit inatteignable. Mais Joanne, sous n'importe quelle forme que ce soit, ne peut appartenir qu'à moi. Si belle et si douce. Pourtant, à l'occasion, de plus en plus farouche et surprenante. Qui aurait pu penser qu'elle deviendrait un jour si assurée et assumée dans un domaine qui la faisait rougir de pudeur il y a encore quelques mois de cela. Alors qu'hier elle refusait de dévoiler le moindre centimètre de peau de sa poitrine, aujourd'hui, elle joue sans vergogne de mon amour de chaque de ses courbes pour me faire craquer à sa convenance. Je ne m'en plains pas. J'adore cette influence, cet envoûtement qu'elle exerce sur moi. J'aime sentir à quel point ses baisers et ses caresses sont différentes de tout ce que j'ai pu connaître. Des gestes qui tirent toute leur particularité et leur intensité du simple fait qu'elle en soit à l'origine. Elle, celle que j'aime. Tout prend une autre dimension à partir de là. C'est elle qui me touche, elle qui laisse son empreinte sur ma peau, elle qui marque son territoire, elle qui sait et jouit de me posséder tout entier, de faire de moi ce qu'elle veut. Joanne me rend toujours plus envieux d'elle. D'une main qui glisse sur mon entre-jambe, de quelques mots murmurés à mon oreille, l'air chaud traversant ses lèvres glissant sur mon cou et me procurant un long frisson. Encore une fois, elle ne se laissera pas avoir, elle me fera languir. Elle a cet air félin, joueur et sensuel à la fois, lorsqu'elle se couvre avec le tissu et s'éloigne de moi. « Mais... » Malgré la frustration, je ne trouve rien à dire, et sous mes yeux ronds d'étonnement, je souris, amusé par sa malice. Elle est adorable ainsi, et toujours si belle. « Je ne l'ai pas assez prouvé ? » je demande en arquant un sourcil lorsqu'elle remet en question le fait qu'elle soit mienne, uniquement mienne. Je comprends qu'elle souhaite surtout me pousser à le prouver de nouveau. Nous avons notre langage propre à ce sujet. La jeune femme ne tarde pas à disparaître à l'étage du dessous. Je passe une main sur mon visage et à travers mes cheveux comme pour me réveiller, me tirer de cet état étrange de semi-conscience dans lequel elle me plonge si bien à force de baisers. D'un pas lent, sans trop savoir si je dois la suivre ou non, je traverse l'atelier et descends à mon tour le petit escalier. La porte de notre chambre est la première que l'on croise, au fond du couloir en bas de la rambarde, alors je ne tarde pas à me retrouver dans l'encadrement, et à tomber sur Joanne. Ou plutôt, mon regard se scotche sur elle, et la dévore toute entière dans la seconde, du bas de ses talons à ses délicieuses lèvres pourpres. Surpris, complètement pris au dépourvu, et surtout mortellement sous le charme de cette vision exquise qu'elle m'offre, j'articule vaguement un « Oh mon... » que je ne parviens même pas à terminer. Je mords ma lèvre inférieure derrière la main qui cache ma bouche. Statique, statufié, je ne parviens à rien faire d'autre que l'observer, l'admirer, me laisser envoûter par sa démarche lente et sensuelle quand elle s'approche de moi. Je ne perds pas une miette, le souffle littéralement coupé. Je ne demande qu'à toucher, effleurer sa peau, mais la belle m'en empêche. Je souris en coin, les mains en l'air et bien en vue. « Tu me tues. » je souffle alors qu'elle saisit ma chemise pour m'attirer dans la chambre, jusqu'au lit. N'ayant pas d'autre choix que de la laisser faire, je m'installe sur le matelas, d'abord assis, puis allongé, toujours sans la permission de la toucher. Mon regard soutient le sien, malgré le manque de ses baisers qui grandit, et qu'elle se plaît à alimenter. Mes iris brillent, pétillent, se plaisent à admirer son sourire taquin, ses yeux joueurs, et toute la sensualité qu'elle dégage. J'acquiesce d'un signe de tête, fixant parfois ses lèvres, sa poitrine, ses jambes de part et d'autre de mon corps ; les détails du tableau attendront demain. Ses doigts défaisant les boutons de ma chemise, je me laisse à sa merci, la respiration accélérant sensiblement, le coeur projetant dans mes veines un flot de désir qui rend chaque parcelle de son épiderme de plus en plus enviable. Il se serre, se tord parfois, me poussant à mordre ma lèvre pour retenir quelques soupirs, courbant mon échine. Le contact de ses doigts délicats sur mon torse, les ondulations de son corps qui caressent son intimité contre la mienne à travers le tissus, tout me rend particulièrement fébrile. Désarmé. Et sans la moindre envie d'opposer la moindre résistance, ni de reprendre le dessus. Je sais qu'à cet instant, je suis à elle, sa chose, qu'elle utilise mes mots d'amour, et je les laisse n'enivrer. Mes mains serrent le drap et j'étouffe un gémissement lorsque les doigts de Joanne entrent en contact avec ma virilité. L'absence de ses lèvres se fait d'autant plus ressentir ; il y a si peu de choses entre moi et l'expression des sensations qui me parcourent. Elles s'éloignent un peu plus, toujours plus, et lorsque je comprends quelle sera la suite, mon rythme cardiaque se fait un peu plus anarchique. Là, sa bouche caresse son intimité, et il me semble exploser de l'intérieur. Les passages de sa langue, quelques vas-et-viens, et tout mon corps se transforme en brasier qu'elle attise comme il lui plaît, avec brio. J'ai l'impression que ma mâchoire se décroche tant ma bouche cherche à inspirer l'oxygène qui me manque. D'une main, je serre un peu plus le drap du lit. De l'autre, je glisse mes doigts entre ses cheveux, saisis quelques mèches selon l'intensité des sensations -et elles ne tardent pas à devenir intenables. Je ferme les yeux un moment, me délecte de ce ras-de-marrée qui m'envahit, incapable de retenir certains gémissements selon les parcelles de peau qu'elle goûte, caresse, flatte de baisers. Ma chemise couvre encore mes bras et on dos, ce qui est bien assez pour me faire mourir de chaud. Je finis par me redresser un peu, sur mes avants-bras, de manière à observer Joanne faire, apprécier autant les caresses que la vue. Quelques frissons électriques me parcourent depuis le bas des reins, saisissent mon dos qui se tord ; je retombe rapidement allongé sur le matelas, gémissant de plus belle. Je ne voudrais qu'elle cesse pour rien au monde tant le parcours de ses lèvres et de sa langue sont enivrants, et laisse les sensations grandir jusqu'à n'en plus pouvoir, et devoir relever le visage de la jeune femme. Haletant, terriblement fébrile, je tente de prendre quelques grandes bouffées d'air, attendant l'autorisation de récupérer les lèvres de la belle, oubliant ma volonté propre.