@Mavis Barnes

(galerie d'art) Ils ne sont pas si loin que ça d’un vernissage, finalement. Ambrose a beau ne jamais avoir été à un vernissage, il le pense très fort et en est même persuadé. Après tout, ils ont les petits fours et tous deux les tenues adéquates, ce qui suffit à ce qu’il ait l’impression de se sentir dans une ambiance particulièrement artistique - alors que dans les faits, il n’en est rien. La soirée célèbre Mavis. D’autres personnes avec elle, certes, mais il n’en retient que Mavis. Il a écouté ses histoires de jalousie et de vengeance avec un certain rictus amusé mais n’a pour autant aucune envie de rentrer dans ce jeu, sans doute parce qu’il n’a pas non plus envie d’être la marionnette d’une personne supplémentaire. Et aussi parce qu’il a lui-même trop d’ambition pour risquer son image d’une façon aussi puérile, même si ce genre de situation peut parfois l’amuser. Au bras de la jeune femme, il s’est frayé un chemin jusqu’à l’immense salle d’exposition, devenu lieu de réception le temps d’un soir. Les œuvres sont toujours accrochées au mur, signe de la richesse de l’endroit, signe aussi de la richesse des personnes invitées : personne ne craint des dégradations, pas de la part d’étudiants en médecine ayant déjà passé tant d’années à dormir si peu et travailler autant. « T’es fière ? » Il tourne doucement sa tête en sa direction, sa tête à peine penchée sur le côté, signe de son interrogation. Il pourrait lui demander si elle est fière de bien des sujets en particulier, si bien qu’il préfère préciser pour ne pas la mettre dans l’embarras. « D’avoir été jusque là. Dans tes études. » Il ne sera pas celui qui pourrait lui apprend à quel point elle a choisi une voie difficile qui ne sait pas faire le moindre cadeau. Sur ce point, il s’incline sans même chercher à lutter, bien conscient que la majorité de ses connaissances du milieu médical et du monde des études de médecine se résume à Ruben. Et ironiquement, elle a elle aussi appris par son biais.

« Je sais que c’est pas parce que ton père a réussi que ça allait forcément être ton cas aussi. » Il a pu l’aider, l’aiguiller, mais jamais il ne lui a mâché le travail. Il en a été de même avec James et Norman, et c’est sans doute justement parce qu’il a leur exemple à l’esprit qu’il fait aussi facilement le pont avec Mavis à son tour. Avoir un pied dans le monde qu’on désire rejoindre ne signifie pas forcément qu’y ajouter le second sera chose aisée ou naturelle. Elle s’est battue pour y arriver et la soirée à laquelle elle a été conviée ce soir n’est qu’une preuve supplémentaire de sa réussite. « Et je sais aussi que ça enlève rien à ton mérite. » Et ça, il le souligne encore avec un sourire, parce qu’il veut qu’elle comprenne à quel point il est fier que la gamine qu’il a connu quand il était lui-même gamin soit une femme aussi accomplie désormais. En parallèle, il n’a pas l’impression d’avoir encore accompli quoi que ce soit de son côté, et cela a un certain côté frustrant, pour ne pas dire humiliant. « C’est juste toi et moi, ce soir ? » Une part de lui nourrit toujours l’impression d’avoir pu voler la place d’un autre à son bras et il n’aime pas ça. Il aime d’être revenu dans sa vie du jour au lendemain et d’en être aussi heureux, mais il n’aime pas possiblement voler la place de ceux sur qui elle a toujours pu compter. « Ton père, ta mère ? Un autre ami ? » Le prénom qu’il ne faut pas prononcer ? Maintenant qu’ils sont déjà sur place, elle serait en droit de lui dire sans qu’il ne cherche à échanger sa place, surtout alors qu’il a écumé toute les collections Weatherton pour trouver à son tour un costume assorti à sa robe.

stretching every second into more
@Ambrose Constantine (crédit gif/symphonygifs)

Comprendre les lubies des riches, elle avait arrêté de le faire depuis des années. Alors même si le gala de ce soir aurait pu tout simplement se dérouler dans l’amphithéâtre de la faculté, là où elle chacun recevait son diplôme à chaque fin d’année, essayer de savoir pourquoi ce soir, il avait été délocalisé ici, ça la laissait perplexe sans qu’elle ne se sente obligée de chercher le rationnel dans tout ça. C’était comme ça, ce n’était pas un mystère qu’elle avait besoin de résoudre, le sachant porté par l’excentricité du comité d’organisation et de ses finances quasi-illimitées, l’intervention de ses nombreux mécènes — dont les Barnes — jouant clairement en leur faveur. De toute façon, elle n’était ici que pour la formalité, cette dernière s’avérant plus réjouissante parce que, grâce à Ambrose, elle avait la sensation que c’était une vraie soirée et pas un vulgaire moyen de se congratuler les uns les autres. A ça non plus, elle ne trouvait rien à redire, jugeant ça somme toute normal de féliciter les valeurs sûres de demain, mais c’était toujours un peu curieux d’évoluer dans un milieu où la bienveillance se devait d’être un leitmotiv pour faire des miracles, qui jouissait pourtant d’une aura d’hypocrisie certaine qui flottait dans l’air, et à laquelle elle n’était pas imperméable, se jouant bien des apparences ; les apparences étaient d’ailleurs de mise ce soir, et tandis qu’elle essuyait les regards de ses comparses vengeresses, son coeur se gonflait d’une satisfaction certaine à l’idée d’avoir eu raison : elles étaient vertes de jalousie, ces bécasses "Hm ?" Perdue un instant dans ses pensées, Mavis tourna la tête vers Ambrose qui s’adressait à elle et comprit en décalé ce qu’il lui demandait, ce dernier explicitant ses mots pendant qu’elle lui souriait, ses yeux soulignés d’un maquillage léger, mais qui avait le mérite d’exister tout de même, dansant d’un trait à un autre de son visage "Si je suis fière ? J’ai l’air de ne pas l’être ?" lui demanda-t-elle, un petit rire venant remplir l’espace qui les séparait "Bien sûr que je le suis. J’ai travaillé dur, malgré ce qu'on raconte." Elle n’avait pas besoin d’expliquer ce que ça voulait dire à Ambrose, lui-même enchaînant sur sa filiation et sur le fait avéré que cette dernière ne devait en aucun cas être raccordé au parcours qu’elle avait accompli ces sept dernières années. Une moue sceptique fit ressortir la rondeur de ses joues subtilement blushées, ses doigts s’accrochant au creux du coude du jeune homme à côté duquel elle marchait parmi les invités ; on se retournait sur eux, ce n’était pas pour lui déplaire, se redressant légèrement pour paraître davantage sous son meilleur jour, ainsi sublimée par la coupe parfaite de la robe qu’elle portait ce soir — Ambrose était magnifique, et ça non plus, ce n’était pas pour lui déplaire "Tu dis ça parce que t’es mon ami. Mais si tu savais comment se passe mes premiers semaines d’internat, tu comprendrais que ça ne tient qu’à ton opinion, et que pour certain, ça a rien d’une valeur universelle." Elle morflait, pour le dire vulgairement. menacée par la volonté de certains de ses titulaires à lui faire entendre que son talent était la raison latente pour laquelle on s’intéressait à elle, elle était le souffre-douleur de certain d’entre eux.

On voulait seulement vérifier si elle était aussi douée que son père justement. C’était une évidence par ailleurs, elle aurait simplement aimé qu’on ne la remette pas en doute et qu’on cesse de prétendre qu’elle en jouait. Ce n’était pas le cas, ça ne l’avait jamais été, autrement elle n’aurait pas enchaîné les mauvaises décisions et les coups bas ; elle aurait laissé Ruben tranquille, par exemple "Toi, moi, et une centaine de convives." lui fit-elle remarquer, se penchant un peu sur lui pour le lui murmurer, et faire dans le détail comme il semblait en avoir besoin "Mes parents seront présents. J’ai peut-être fait semblant d’oublier de te le dire pour que ça te donne moins envie de t’enfuir." Pour n’obliger personne à se poser de questions et à se sentir mal à l’aise aussi. Elle, elle en ferait son affaire, mais face aux regards suspicieux de Leon Barnes il était facile d’être désarmé. Il n’y en avait qu’un seul qui réussissait plus ou moins à s’en accommoder "Il sera peut-être présent lui aussi." La présence de Ruben n’était pas confirmée, elle avait préféré ne pas s’en assurer, mais elle était probable, et elle voulait qu’Ambrose le sache. Elle continua "Je te le dis juste au cas-où Leon tenterait de le faire rester à notre table." Ce qui était une possibilité ça aussi, étant donné que chaque fois que Ruben rentrait dans une pièce, le regard de son père s’illuminait comme s'il avait vu revenir le Messie.

Il voulait simplement l’entendre. Qu’elle est fière, qu’elle a réussi. Il voulait qu’elle le lui dise, il voulait voir ses yeux pétiller à cette mention. Ca lui suffit, ça le rend heureux à son tour aussi : il est fier d’elle à son tour, même si personne ne lui pose la question, même si personne n’en a quoi que ce soit à faire non plus. Il le comprend, il sait qu’il n’est personne dans la vie de Mais et il n’a pas vocation à prétendre le contraire, justement alors qu’il ne saurait même pas comment se qualifier lui-même. Ils s’entendent bien, ils passent du temps ensemble, ils arrivent toujours à se comprendre malgré les années écoulées. C’est tout ce qui vaut la peine d’être retenu, pas vrai ? "Tu dis ça parce que t’es mon ami. Mais si tu savais comment se passe mes premiers semaines d’internat, tu comprendrais que ça ne tient qu’à ton opinion, et que pour certain, ça a rien d’une valeur universelle." Il aurait aimé entendre le contraire sur ce point mais ne peut pas prétendre que cela ne le touche pas un minimum, même s’il fait son possible pour ne pas gâcher la soirée et la rendre trop morne. « Mais soyons honnêtes, entre toi et moi, est-ce que mon avis vaut pas un peu plus que le leur ? » Il tente dans un sourire simple, avec l’espoir qu’il arrivera à en dérober un à Mavis à son tour. Elle est radieuse, elle mérite d’avoir des raisons de sourire ce soir.

"Toi, moi, et une centaine de convives."
« Des convives, où ça ? »

Ils font un brouhaha simple autour d’eux, mais ce n’est pas pour autant qu’ils doivent leur accorder la moindre importance. Mavis et Ambrose savent se tenir en société, aucune crainte là-dessus, mais ils n’ont pas à faire le moindre effort supplémentaire vis à vis de la centaine de convives en question. Ce n’est pas pour eux que le brun a fait le déplacement. "Mes parents seront présents. J’ai peut-être fait semblant d’oublier de te le dire pour que ça te donne moins envie de t’enfuir." Ainsi, la question du Constantine avait effectivement son utilité et il est heureux de pouvoir anticiper un brin la présence du père de Mavis, même s’il a du mal à comprendre pourquoi elle en dresse un portrait aussi terrible : il sait faire face aux hommes qui ont un nom, cela ne change pas de son quotidien. « Quelque chose que je dois savoir en particulier sur eux ? » Il demande simplement, tant pour prouver à Mavis qu’il ne lui fera pas honte que le fait qu’il ne l’abandonnera pas non plus face à des parents qu’elle ne semble pas réellement avoir envie de côtoyer seule.

"Il sera peut-être présent lui aussi." Et s’il pouvait parler de Monsieur et Madame Barnes avec simplicité, la mention du Il est différente. Preuve en est, il n’a cette fois-ci rien à rétorquer avec naturel, et encore moins avec une certaine décontraction. Son regard perd un instant celui de Mavis alors qu’il réfléchit rapidement à la meilleure attitude qu’il pourrait trouver à avoir face à Ruben. « Ok. » est finalement tout ce qui lui vient. Sobre mais bien présent. Ok. Il note. "Je te le dis juste au cas-où Leon tenterait de le faire rester à notre table." - « Quoi ? » Cette réponse-là, de toute évidence, n’a pas été réfléchie un seul instant et cela s’entend dans l’empressement de l’agencement des syllabes. Simplement, il ne comprend pas pourquoi son père voudrait qu’il s’attarde à leur table, surtout alors qu’il est plutôt évident qu’il ignore tout de la liaison de l’homme en question avec sa petite fille chérie. « Mave… » Il finit par souffler, sans vouloir formuler de véritables reproches à son égard. Que son père puisse être présent, il s’y attendait et il sait qu’il pourra gérer ; que Ruben soit présent et surtout qu’il rode autour d’eux ? Il ne peut pas promettre une quelconque réaction digne de ce nom, lui qui regardera toujours le Hartfield avec des yeux d’amour, peu importe le contexte. « Il a voulu m’éloigner de toi la dernière fois qu’on s’est vus. Il va être invivable s’il reste. Tu sais comment il peut être. » Il va racler, racler, racler. Il va chercher, il va les pousser à bout et surtout, il va s’en amuser : s’il ne peut pas les avoir tous les deux rien que pour lui, alors il ne voudra pas que quiconque puisse accéder au moindre bonheur.

stretching every second into more
@Ambrose Constantine (crédit gif/symphonygifs)

"Ça va être un problème si tu deviens prétentieux." La mise en garde était prononcée du bout des lèvres, à peine sérieuse, tout comme la moue boudeuse qu’elle offrit à Ambrose en faisant mine de regretter sa bonne composition et son humilité. C’était une façon comme une autre de lui donner raison sans véritablement le faire parce qu’en effet : elle ne s’échinerait pas à donner du crédit à l’avis des autres, c’était une perte de temps qu’elle ne pouvait pas se permettre. Une partie d’elle aimait qu’Ambrose soit fier d’elle et veuille le lui dire, l’autre n’avait pas besoin qu’il fasse cet effort pour savoir qu’elle valait quelque chose cependant, et elle le garda pour elle, ne voulant pas faire entrer la vexation dans la danse alors qu’ils étaient là, heureux de faire grande impression. Elle n’avait pas accompli tout ce chemin par hasard, elle avait travaillé dur pour ça, et pas uniquement dans le sens premier du terme. Elle avait dû déminer le terrain qu’on lui avait offert dès sa naissance en l’affublant d’un double qui lui aurait mis des bâtons dans les roues si elle n’avait pas disparu du haut d’une falaise — qui lui avait mis des bâtons des roues pendant 13 années non-stop —, et elle avait maximisé ses chances d’être la meilleure en se rapprochant d’un futur grand nom de la neurochirurgie qui lui avait ouvert des portes pendant qu’elle, elle lui ouvrait bien d’autres choses. Tous ses plans n’étaient pas parfaits, ils se déroulaient pourtant en lui laissant la satisfaction du travail bien fait, et plus que tout, son ambition dévorant ses principes, c’était ça qui la motivait à rester qui elle était : aussi prête à tout qu’elle n’en avait honte que quand ça ne tournait pas à son avantage. Et pour l’heure, ce n’était guère le cas.

Peut-être que ça changerait ce soir, mais elle ne l’espérait pas, confiante et déterminée. La présence de ses parents n’était qu’une anecdote au fond, Ambrose ne devait pas les craindre "Rien que tu ne sais pas déjà. Mon père n’a pas changé depuis nos 14 ans, et ma mère va surement beaucoup aimer tes tatouages et vouloir leur trouver une signification pour mieux analyser l’homme que t’es devenu. Attends-toi à des questions très intimes, c’est sa spécialité." Elle se souvenait de rencontres furtives entre Ambrose et ses parents, rien de plus. Elle se souvenait aussi qu’à cette époque-là, sa nourrice s’inquiétait plus de la savoir seule avec un jeune homme que ses propres parents — quant à Baz, il trouverait ça hilarant de savoir que sa petite-soeur avait renoué avec un fantôme de son passé et chercherait à s’en approprier la poésie pour la déclamer dans son torchon numérique. Non, Ambrose n’avait rien à craindre des Barnes, ils étaient inoffensifs au contraire de celui qu’elle cita sans vraiment le faire, et ce par correction plus qu’autre chose. Elle fila un regard en biais au jeune homme, accueillant sa réponse concise comme une bonne chose avant de lui annoncer le pire. Son soupir en dit aussi long que la manière dont il tronqua son prénom pour attirer son attention "Ambrose." lui répondit-elle en retour, vrillant complètement la tête de son côté pour observer ses traits portion par portion, et avec soin. Les siens se durcirent au contact de ce qu’il lui rapporta sans détour "Quoi ?" Il a vraiment voulu l’éloigner d’elle la dernière fois qu’ils s’étaient vus ? Ils s’étaient revus alors ? Elle eut un très léger rire "Tu lui as parlé de nous ?" Qu’est-ce que tu lui as dit ? ajoutèrent ses yeux, comme s’il se passait quelque chose, chose dont elle n’était même pas certaine elle-même. Elle le regarda quelques secondes de plus sans rien dire de plus. Elle, elle s’était appliquée à ne pas lui parler d’eux parce qu’elle ne voulait pas le laisser avoir la moindre prise à ce sujet, mais Ambrose était un agneau, elle le savait. Il suffisait à Ruben de battre des cils pour qu’il lui ouvre la bergerie. C’était exaspérant, mais elle ne pouvait pas le juger "Il va être invivable, mais il restera à sa place, et tu sais pourquoi ?" Ses yeux noisettes quittèrent ceux d’Ambrose, son corps se rapprocha du sien pour que, quand elle se mit soudainement à murmurer, il puisse être le seul à l’entendre "Parce qu’on nous observe. Et quand je dis nous, je parle de façon générale. On se regarde tous les uns les autres, et lui plus que les autres, je t’apprends rien." Parce qu’il était lui — talentueux, charismatique, et tellement imbu de lui-même que, s’il passait les portes de la galerie ce soir, il pourrait bien prétendre que la soirée avait été organisée pour lui, et absolument personne ne le ferait démentir. Elle sourit presque imperceptiblement, croisant les silhouettes des convives qui ne leur accordait plus d’attention à ce moment-là, happés par leur propre besoin d’attention "Tu sais ce qui lui fait peur ?" lui demanda-t-elle, inclinant la tête sur le côté, et puis en fixant finalement Ambrose, de ses lèvres à ses yeux "D’être pris la main dans le sac et d’être jugé pour ça. Alors même s’il reste, il prendra pas le risque que son comportement interpelle qui que ce soit." Elle haussa les épaules, assez sûre d’elle pour opter pour un peu de nonchalance "Tu comprends, faudrait pas qu’elle soit mise au courant de quoi que ce soit." Affirmant son regard dans celui d’Ambrose, elle prit un temps un peu trop long à se décaler d’un pas de lui, et ce pour l’inviter en retour à réduire l’espace qui les séparait soudain en lui tendant sa main pour qu’il la saisisse, l’espérait-elle sans hésitation "Fais-moi confiance, d’accord ?"

"Rien que tu ne sais pas déjà. Mon père n’a pas changé depuis nos 14 ans, et ma mère va surement beaucoup aimer tes tatouages et vouloir leur trouver une signification pour mieux analyser l’homme que t’es devenu. Attends-toi à des questions très intimes, c’est sa spécialité." Il jette un regard sur ses bras, comme s’il avait pu oublier avoir des tatouages. En réalité, il prend surtout note de ce qu’elle peut deviner et surtout de tout ce qu’elle ne peut pas deviner et dont il ne compte pas parler, non parce qu’il en a honte mais simplement parce qu’il ne compte pas monopoliser la conversation au sujet de ses choix de tatouages. Avec un peu de chance, elle n’a jamais tapé son nom sur internet et n’est jamais tombé sur ces articles demandant combien de tatouages Ambrose peut avoir. La réponse ? Bien trop pour une personne avec un tel budget ridicule. « C’est bon, j’ai grandi avec des frères impudiques, je peux gérer. » Même si aborder des questions intimes en étant entourés de la famille de Mavis et de Mavis elle-même, évidemment, c’est une paire de manches bien différente. Il veut croire que le problème ne se posera pas réellement.

Un sujet sur lequel ils arrivent bien moins facilement à tomber d’accord reste celui de Ruben. Il vaut même un rappel à l’ordre pour le politicien. "Ambrose." Il ne répond pas mais plonge malgré tout son regard dans le sien, sans aucune honte. Son expression est neutre, même s’il ne tarde pas à lui partager ses craintes dans toutes leurs formes. "Quoi ? Tu lui as parlé de nous ?" Et face à ce qu’il perçoit aussitôt comme en étant une accusation, il rétorque rapidement. « Non, j’ai rien dit. » Mais il serait tout de même prêt à lui dire qu’elle lui avait donner l’accord de parler d’eux, la dernière fois où il en avait justement été question et que même s’il ne l’a pas fait, il aurait pu. Si elle voulait autant les garder secret, comme il a l’impression de le comprendre en cet instant, alors elle aurait tout simplement dû le lui dire et Ambrose aurait été bien plus catégorique encore face à Ben, même si cela ne lui aurait sûrement pas empêché de dire que Mavis le boufferait. "Il va être invivable, mais il restera à sa place, et tu sais pourquoi ?" Elle se rapproche d’elle et murmure contre son oreille alors qu’il pose simplement son regard sur le drapé de sa robe plutôt que sur le reste des convives. "Parce qu’on nous observe. Et quand je dis nous, je parle de façon générale. On se regarde tous les uns les autres, et lui plus que les autres, je t’apprends rien." Ce ne sont pas des mots qui peuvent le rassurer. Il sait que Ruben peut donner le change physiquement et avec un sourire mielleux tout en étant assassin dans ses propos et son attitude. Ils sont observés, sans doute, mais peu sauront exactement ce qu’il s’est dit à leur table, et c’est justement ce qui fait peur à Ambrose. Il connaît le pouvoir des mots de Ruben à son encontre et il connaît aussi son incapacité à le décevoir ou à le rendre triste.

"Tu sais ce qui lui fait peur ? D’être pris la main dans le sac et d’être jugé pour ça. Alors même s’il reste, il prendra pas le risque que son comportement interpelle qui que ce soit." Lui demander si le bébé qu’elle a perdu était le sien lui brûle désormais les lèvres, parce que c’est sûrement ce qui lui voudrait le plus d’être jugé. Il ne serait plus seulement un mari (doublement) adultère, mais il passerait au niveau du dessus ; à un niveau que seuls des fous peuvent arriver à lui pardonner ses actes. "Tu comprends, faudrait pas qu’elle soit mise au courant de quoi que ce soit." - « Tu l’as déjà rencontrée ? » L’hôpital n’est sûrement pas si immense que ça et à force, tout le monde finit par croiser tout le monde. Alors, il se demande si elle a vu cette femme et si elle l’a un jour regardé droit dans les yeux en lui souhaite la bonne journée, tout en sachant qu’elle était la raison pour laquelle son mari faisait autant de gardes qui n’avaient pas raison d’être à l’hôpital. Ambrose se rassure faussement en se disant qu’il n’a jamais vu cette femme de ses propres yeux, ce qui rend l’adultère un peu plus facile à commettre. "Fais-moi confiance, d’accord ?" Il attrape sans main sans hésitation, sans doute de crainte qu’elle puisse penser que leur conversation vient de briser quelque chose. Ce n’est pas le cas. « Je te fais confiance, c’est pas le problème. » Tout du moins, ce n’est pas le problème sur le moment présent. « Je veux que ta soirée se passe bien. » Justement parce que c’est sa soirée, à Mavis. « On a besoin d’aller faire un tour vers le bar pour ça ? » Il demande avec sérieux, même s’il le fait en souriant. Elle n’a pas bu la boisson hasardeuse de la soirée étudiante mais peut-être qu’une coupe de champagne ou Dieu sait d’autre de proposé la ravirait davantage, et l’aiderait à un moindre niveau.

stretching every second into more
@Ambrose Constantine (crédit gif/symphonygifs)

Mavis ne comprenait pas pourquoi, tout à coup, Ambrose lui demandait si elle avait déjà rencontré Nina. Qu’est-ce que ça changerait ? Elle se posa brièvement la question, interpellée par cette dernière qui lui fit arquer un sourcil, mais ne l’empêcha pas de lui répondre, son corps se décalant du sien pour mieux lui tendre la main la seconde d’après "Pas toi ?" La configuration de sa relation avec Ruben, elle devait être bien différente de celle qu’elle, elle entretenait avec lui. Ils ne travaillaient pas au même endroit, ne fréquentaient pas les mêmes cercles et, de fait, n’étaient pas susceptibles de rencontrer les mêmes personnes. Alors surement qu’en effet, Ambrose n’avait jamais eu le grand honneur de rencontrer l’amour de la vie de Ruben ; celle qu’il dépeignait comme telle, mais qu’il trahissait à qui mieux mieux, préférant se raconter des histoires plutôt que d’admettre l’indéniable pourtant : il n’aimait personne d’autre que lui-même. Elle haussa les épaules, la nonchalance s’inscrivant dans chacune des expressions qui défilèrent sur son visage sublimé par un maquillage plus subtil que sa tenue, mais aussi dans le son de sa voix qui résonna de nouveau lorsqu’elle lui avoua, sans gêne "J’ai même travaillé avec elle." Une seule fois — celle de trop si elle devait être honnête, ne comprenant toujours pas ce que Ruben pouvait bien lui trouver en dehors de son talent pour la médecine "Elle est plutôt quelconque. Même pas sympathique, au contraire." continua-t-elle, n’éprouvant aucun remord à dénigrer cette femme à qui elle avait volé des moments privilégiés avec son époux. Elle n’en était pas la responsable, elle n’était pas le parti qui avait quelque chose à se reprocher dans cette histoire : elle, elle était libre comme l’air, elle faisait ce qu’elle voulait, avec qui elle le voulait, n’ayant juré fidélité à personne d’autre qu’à elle-même. Un léger rire lui échappa quand, tournant la tête vers Ambrose, elle conclut "Tu loupes rien, crois-moi." Je vaux plus le coup, se retint-elle d’ajouter, sentant sa jalousie s’emparer de cette nonchalance factice qu’elle avait revêtu comme cette robe sublime qu’elle portait ce soir, complétant la panoplie qu’elle avait enfilé pour bien paraître.

Main glissée dans celle d’Ambrose, elle ne se faisait authentiquement pas de souci au sujet de Ruben. S’il apparaissait comme de par enchantement, rien ne saurait plus l’amuser au contraire d’Ambrose qui paraissait tendu à cette idée. Elle voulait définitivement le rassurer, alors peut-être que la succession de gestes qu’elle fit sur l’instant était un peu audacieuse, mais aux grands maux, les grands remèdes. Elle lâcha sa main, se plaça devant lui pour lui prendre le visage dans les mains, et affronta son regard sans ciller un seul instant lorsqu’elle lui affirma, déterminée "Et elle se passera bien. Je le crains pas, tu devrais pas non plus." lui conseilla-t-elle, avant de se risquer à piquer la commissure de ses lèvres d’un baiser très furtif, presque naturel, qu’elle balaya d’un signe de tête quand elle ajouta "On craint moins que lui dans cette histoire, et il le sait." C’était avec ça qu’elle se berçait pour mieux dormir la nuit. La pression de ses mains se raffermie juste un peu autour du visage d’Ambrose "Je me sens capable de lui tenir tête devant un parterre de confrères. Je l’ai déjà fait plus d’une fois, c’est presque une habitude." Je suis super bonne à ce jeu, tu devrais voir ça, garda-t-elle pour elle, sentant une forme malsaine d’excitation monter en elle en songeant qu’au fond, elle adorerait que Ruben face son apparition. Elle n’en montra rien, faisant glisser ses mains du visage d’Ambrose à l’espace entre ses épaules et ses clavicules, et lui assura sans aucun doute "Tout va bien se passer. Peut-être qu’il ne viendra même pas à cette soirée, t’as vraiment envie de la plomber en gardant à l’esprit qu’il le pourrait ?" Elle était convaincue que non, aussi ne lui laissa-t-elle pas le temps de le lui dire "C’est bien ce que je pensais." Le lâchant pour de bon cette fois, ses yeux restèrent ancrés dans les siens durant quelques secondes encore — et puis enfin, sa main retrouva la sienne pendant qu’il mentionnait le bar. Elle aurait voulu lui dire qu’il donnait l’impression d’être celui qui avait le plus besoin d’aller y faire un tour, mais elle s’en abstint, lui faisant simplement "Ça me dit pas plus que ça, mais ça nous évitera de rejoindre notre table trop tôt, alors…" Se contentant de laisser sa phrase se tarir dans un sourire rassurant à l’adresse du jeune homme, elle finit par le guider elle-même, sa main se serrant un peu plus fort dans la sienne.

"Pas toi ?" - « Pas moi. » Il répond simplement, jugeant préférable de ne pas rebondir sur l’aspect sincèrement etonné de Mavis face à lui. Il ne travaille pas dans le même monde qu’eux et ce n’est pas non plus comme s’il était un ami de la famille qui se voyait souvent invité chez eux. Au contraire, c’est bien plus en catimini qu’il retrouve souvent Ruben, dans des instants où sa fiancée-devenue-femme est particulièrement loin d’être désirée ou même invitée. Mais il note que Mavis la connaît, donc, et malgré lui cela résonne avec les mots que Ruben a eu à son égard, faisant d’elle celle qui tire toutes les ficelles de cette histoire. Il ne veut pas y croire et il tente de ne pas y penser davantage, mais quand même, ça lui triture les méninges, ça le fait réfléchir, ça dérange ses fondations bien plus qu’il ne le voudrait. "J’ai même travaillé avec elle." Et sans le savoir, elle ne fait que confirmer des craintes chez Ambrose. Il ferme imperceptiblement les yeux, ses mots se voulant difficiles à accepter. Elle la connaît, elle l’a déjà vue et peut-être même qu’elle la voit chaque semaine. Et ça ne l’a jamais empêché de batifoler avec son mari. Peut-être qu’Ambrose n’aurait jamais arrêté non plus, mais peut-être pas ; il surfe sur son seul avantage, qui est de ne pas avoir la réponse face à cette question, et ça fait de lui une personne plus si terrible. "Elle est plutôt quelconque. Même pas sympathique, au contraire." - « Non, je voulais juste savoir si tu la connaissais, c’est tout. » Ils n’ont pas besoin de tomber dans un tel jeu et dénigrer Nina le fait se sentir simplement coupable, sans enlever aucune peine. "Tu loupes rien, crois-moi." - « Je te crois. » Surtout alors que l’idée ne lui a pas effleuré l’esprit un seul instant. Mais Mavis lui a répondu, et maintenant il n’a pas à coeur d’en savoir davantage : il veut encore pouvoir profiter de leur soirée.

Il l’écoute un peu plus volontiers lorsqu’elle démystifie un brin la personne de Ruben, autant que son personnage de médecin toujours un peu plus influent à chaque jour. Elle l’arrête en posant ses mains contre son visage, un geste qu’il n’a aucune raison d’arrêter, tout comme il avait encore moins de raisons d’arrêter le baiser déposé tout près de ses lèvres. "Tout va bien se passer. Peut-être qu’il ne viendra même pas à cette soirée, t’as vraiment envie de la plomber en gardant à l’esprit qu’il le pourrait ?" Non, bien sûr que non, mais sans doute qu’il n’a pas non plus envie d’entendre qui que ce soit lui dicter les sentiments qu’il devrait ou non ressentir. Même Mavis, même Mavis qu’il estime sincèrement et dont il ne remet pas en question les bonnes intentions. « Non, c’est ta soirée. » Il est là pour elle, et personne ne lui retirera. C’est Mavis qu’ils célèbrent, ce soir.

Le détour par le bar de la soirée n’est pas ce qui semble ravir la jeune femme. "Ça me dit pas plus que ça, mais ça nous évitera de rejoindre notre table trop tôt, alors…" alors elle le guide malgré tout en cette direction, sa main serrant la sienne sans lui laisser la possibilité de changer d’avis. Une fois sur place, sans doute piqué par la culpabilité, Ambrose se contente de demander un cocktail sans alcool, comme pour lui prouver qu’il n’a besoin de rien ni personne pour faire face aux possibles déconvenues qui pourraient venir perturber leur soirée. Ils peuvent y faire face. Chacune d’elles, ils peuvent y faire face. « Beaucoup de sucre, pas d’alcool. » Il précise la composition de son verre au moment de proposer à Mavis d’en boire quelques gorgées, sans pour autant le lui imposer. « C’est tes parents que tu veux éviter à table ? » Elle avait énoncé l’idée qu’il ait envie de fuir à cause d’eux, mais peut-être bien qu’il n’est pas le seul dans ce cas. « Pas que je veux pas me compter dans la liste des personnes que tu pourrais vouloir éviter, mais tu t’y prendrais vraiment mal si c’était le cas. » Il souligne avec un sourire amusé, néanmoins prêt à l’écouter si elle veut lui confier quelque chose à son propos avant qu’ils rejoignent une bonne fois pour toutes leur table. Il a trop peu été question d’elle jusque là, et sans doute qu’il s’en veut, justement.

stretching every second into more
@Ambrose Constantine (crédit gif/symphonygifs)

Elle la sentit, la tension imperceptible dans la voix d’Ambrose au moment où il s’immisça dans ses réflexions dénigrantes au sujet de Nina. Mavis lui accorda un regard fixe, certainement trop pour qu’il ne devienne pas menaçant au fur et à mesure que les secondes s’étiraient. Les mâchoires très légèrement serrées, elle lui fit "Si t’as pas envie de connaître la réponse, pose pas la question, Ambrose." Ce n’était pas une mise en garde. Ou peut-être que si. Elle ne le savait pas exactement à ce moment-là, n’appréciant juste pas qu’il puisse la juger en silence à propos de la réponse qu’elle lui avait accordé. Est-ce qu’il se jugeait moins méprisable qu’elle ne l’était parce qu’il restait loin de Nina ? Devait-elle lui rappeler sa confession au sujet de couper les ponts avec Ruben malgré ce qu’il avait appris de sa relation avec Mavis ? Il ne lui en fallait pas plus pour la braquer, la jeune femme, et si elle continua à faire bonne figure le temps de le rassurer que la présence de Ruben ne gâcherait rien, elle avança parmi les invités avec la certitude que, pour une fois, ce n’était pas lui le responsable de sa déroute, mais bel et bien celui qu’elle tenait maintenant par la main.

Elle le lâcha pour le laisser à son cocktail, observa les convives sans vraiment les voir en tachant de faire le point sur ce qu’elle ressentait, sur ce que ça lui faisait d’être jugée par quelqu’un qu’elle, elle avait dit ne pas juger à voix haute pour le rassurer et le conforter dans la bonne image qu’il avait de lui-même ; c’était sans doute une composante de son lien avec Ruben, de se donner le beau rôle alors qu’il ne faisait pas franchement mieux que ceux qu’il allouait de ses jugements silencieux. Le dos nonchalamment appuyé contre le bar, la blonde sembla reprendre vie quand il lui tendit son verre qu’elle refusa d’un signe de tête "Il est à toi." lui fit-elle sans le regarder trop longtemps cette fois, ne sachant pas quelle option elle avait pour se retirer l’impression que tout ça allait mal se terminer. Elle devint froide sans vraiment le vouloir, le marbre de sa peau jouissant de la combinaison de couleur neutre de sa magnifique robe, et laissa un long soupir lui échapper lorsqu’il lui posa une question à laquelle elle répondit par politesse, son attention toujours dirigée vers les convives occupés entre eux "On peut pas vraiment dire que l’entente est au beau fixe avec mon père depuis quelques temps." Elle se fichait qu’il lui demande pourquoi, il n’apprécierait  surement pas la réponse de toute façon — comme il n’apprécierait pas ce qu’elle lui proposa juste ensuite, retournant soudainement la tête dans sa direction "Tu sais, tu peux partir si tu veux." Rétrospectivement, tout était une mauvaise idée dans cette soirée. Ou bien c’était tout simplement sa vexation qui parlait, et elle tachait de s’en convaincre parce qu’elle ne supportait pas ce qu’elle avait senti s’échapper d’Ambrose à la seconde où elle avait confirmé qu’elle était devenue le genre de femme à médire sur le malheur d’une autre alors qu’elle était en était en partie responsable. Elle inclina la tête sur sa propre épaule "J’ai mal calculé mon coup à son sujet. J’ai oublié que c’était ouvert à tous les anciens de la faculté, alors si ça te met mal à l’aise de passer la soirée avec l’idée qu’il puisse arriver à l’arrière de la tête, tu devrais probablement t’en aller." Elle ne s’expliquait pas la manière dont le jugement muet d’Ambrose la blessait, mais elle, elle préférait encore qu’il s’en aille si c’était pour le lui imposer "Jeune fille." Elle aurait dû s’en douter. Son père arriva par l’arrière, posant une main sur son épaule en déposant un baiser contre sa tempe, ses yeux bordés de rides se posant sur Ambrose tandis qu'il était, aussi classe qu'il était rigide quand il s’agissait de faire dans le contact humain. De long en large, Leon observa le jeune homme "J’ai un doute sur l’identité de ce garçon, tu m’éclaires ?" La politesse de Barnes précédait son imposante aura, et Mavis s’exécuta, délaissant Ambrose de son regard meurtri par elle ne savait trop quoi pour le poser sur son père, aussi bonne fifille qu’elle était bonne élève "Ambrose Constantine, tu te souviens ?" Ah, dessinèrent sans le dire les lèvres fines du chirurgien qui tendit sa main à Ambrose en lui demandant en même temps "Tu te joins à nous pour le repas ?" C’était drôle, cette capacité qu’avaient les hommes de la vie de Mavis à se comporter comme si chaque situation avait été induite par leur propre volonté. Elle quitta son père des yeux, les posa sur Ambrose dans l’attente de sa réponse qui répondrait aussi à la proposition qu’elle lui avait faite une poignée de secondes plus tôt.

"Si t’as pas envie de connaître la réponse, pose pas la question, Ambrose."
« Je suis assez grand pour entendre les réponses. »

Et s’il tente de le dire avec un certain humour et recul, il ne lui répond pas moins en gardant son regard posé sur la jeune femme. Il a trop courbé l’échine dans les relations qui lui sont chères, il le sait et, surtout, il ne compte pas réitérer la faute. Mavis ne se rend pas coupable de quoi que ce soit mais il veut au moins lui faire comprendre qu’il ne se censure pas face à elle, ou qu’il sera celui à toujours choisir des sujets simples et sans conséquences. Ambrose veut savoir où il met les pieds dans ce triangle amoureux dont il est un angle supplémentaire ; l’angle de trop pour que tout le monde puisse réelement y trouver son compte. Le verre qu’il propose de partager avec Mavis est refusé avec une froideur jurant parfaitement avec la beauté de sa robe autant que sa beauté, à elle. De son côté, Ambrose mime l’indifférence ou, du moins, il mime de ne pas avoir compris le changement d’ambiance entre eux. "On peut pas vraiment dire que l’entente est au beau fixe avec mon père depuis quelques temps." Son regard tourné vers la jeune femme se montre désormais bien plus empathe, mais il n’en dit rien de plus. A son ton de voix, il comprend aisément qu’elle ne semble pas avoir envie d’en parler davantage.

"Tu sais, tu peux partir si tu veux." Il a surtout l’impression qu’elle n’est pas en train de lui demander son avis mais simplement de le lui demander, tout court. Peut-être qu’elle aurait été plus directe si elle n’avait pas été habillée en Weatherton, ironiquement. Ambrose a beau ne pas vouloir y croire, il n’y pense pas moins. « Tu veux que je parte ? » Il s’y tiendra si elle répond par la positive. Cette soirée est la sienne, il ne prendra pas le risque de la gâcher à cause de son petit ego. Il savait qu’aborder le sujet de Nina était une mauvaise idée, de toute façon. "J’ai mal calculé mon coup à son sujet. J’ai oublié que c’était ouvert à tous les anciens de la faculté, alors si ça te met mal à l’aise de passer la soirée avec l’idée qu’il puisse arriver à l’arrière de la tête, tu devrais probablement t’en aller." Il doute sincèrement qu’elle ait pu oublier quoi que ce soit, surtout un détail plutôt évident, surtout un détail qui fait le lien avec Ruben. Elle lui a peut-être dit des choses horribles, mais il ne pense pas qu’ils arrêteront réellement de se parler. « C’est pas… »

C’est pas ce qu’il a dit, et ce n’est pas ce qu’il veut non plus, mais tout son petit discours tourne court alors qu’une voix plus âgée que la sienne se fait entendre. "Jeune fille." Le père de Mavis l’étreint avec force bien plus qu’avec amour selon la fine analyse du néophyte qu’est Ambrose. Il observe la scène avec du recul, prêt à le saluer à son tour avec toute la politesse du monde. "J’ai un doute sur l’identité de ce garçon, tu m’éclaires ?" - "Ambrose Constantine, tu te souviens ?" La réponse est au moins suffisante pour qu’il gagne une poignée de main de la part de Léon, à laquelle il répond dans le même élan, habitué à les échanger. « Enchanté Monsieur Barnes. » - "Tu te joins à nous pour le repas ?" Son regard ne peut se permettre de dériver en direction de Mavis qu’une seconde et une seule, lui qui n’a toujours pas envie de s’imposer si elle ne le veut pas à son tour. Face à l’absence de réaction claire de sa part, il enchaîne. « Avec plaisir. » Le plan a toujours été qu’ils passent la soirée ensemble, pas vrai ? Qu’ils le fassent tout en étant entourés de ses parents n’est pas pour déranger Ambrose : il a l’habitude de personnalités comme celle de son père. « On discutait justement de l’idée d’aller à table. » Ce qui n’est pas vrai mais qui vaut sans doute mieux que de se dévisager autour d’un verre, qu’Ambrose finit par abandonner sur le comptoir. Il n’a déjà plus le temps pour ces conneries. Sa main désormais libre se dégage de son buste, l’espace laissé libre entre ses côtes et son coude laissant à Mavis la possibilité de nouer son bras autour du sien. « Vous n’êtes pas lassé de ce genre de soirée ? » Il déteste l’idée d’avoir besoin de se faire bien voir en face de cet homme, et pourtant il agit comme si c’était justement un besoin. « Même si celle-ci est particulière. » Il s’agit de Mavis, il s’agit de ses accomplissements. Ils sont tous les deux là pour elle, et il ne veut pas croire quoi que ce soit d’autre.

stretching every second into more

@mavis barnes et @ambrose constantine

lieu: galerie d'art, spring hill.
(c): (gif), luleaby (codage).

***
« Tu viendras, ce soir ? » La question était posée entre deux autres, comme si elle n’importait pas plus que de savoir si le patient de la chambre six était réveillé. Pourtant, ils savaient tous les deux que la réponse était peut-être plus significative que toute information médicale qu’ils pourraient donner dans cette conversation. Ruben ne releva pas la tête de son dossier, parce-qu’il savait que ce n’était pas nécessaire et que cela le mettait d’autant plus en danger s’il le faisait. « Je t’ai déjà dit Leon: ça dépend pas de moi mais de si les patients sont assez stables pour que je puisse partir plus tôt. » C’était facile de reporter son hésitation sur le dos des patients; c’était toujours plus facile quand c’était de leur faute, de toute façon. Il inscrit une annotation ou deux. « Garde une place à votre table au cas où, mais je doute de pouvoir me libérer en lisant ce dossier. » Si Leon prenait le temps de le lire, pour de vrai, à son tour il saurait que son poulain se fichait de lui; mais il ne le fit pas, se contentant de lui jeter un regard de côté, par dessus ses sourcils, avant d’opiner discrètement du chef et de passer à autre chose.

L’hésitation chez Ruben était de mise depuis des semaines déjà, et était justifiée en réalité: il n’avait pas sa place à cette soirée organisée. Ou plutôt: il l’avait par défaut, tout médecin invité implicitement et qui plus était, il avait l’appui de Leon pour se rendre sur place. Mais ce n’était pas par rapport à ses informations là qu’il hésitait, et qu’il se tâta jusqu’au dernier moment. Ce qui le fit plier, c’était de savoir qu’il avait un costume prêt à l’emploi dans sa voiture - il était passé au pressing avant d’entamer sa journée -, et qu’il avait envie au moins de pouvoir apercevoir Mavis en dehors des contextes qui les avaient amené à se croiser ces dernières semaines. Elle détesterait le voir arriver, mais il n’était plus à un faux pas près; alors, passant par son véhicule avant d’aller au vestiaire, il enfila son costume et laissa sa blouse dans son casier.

« Docteur Hartfield, que tu es élégant. » C’était la mère de Mavis qui l’avait accueilli, alors qu’elle se tenait à l’entrée de la salle de réception, un verre de champagne en rien entamé à la main. « Je te retourne le compliment. » Il déposa un baiser à peine appuyé sur sa joue, avant de tourner son regard vers l’ensemble de la foule. « Du monde au rendez-vous, à ce que je vois. » - « Qui l’eut cru ? » Il dodelina de la tête: il y avait toujours du monde à ce genre de réception; mais Ruben ne s’y rendait pas toujours, c’était la nuance et le pourquoi il pouvait se rendre compte de la chose présentement. « J’ai demandé à Leon de me garder une place au cas où je… » - « Juste là-bas. » puisse me libérer mais apparemment, il n’eut pas besoin de terminer sa phrase. Il tourna son regard vers la femme à ses côtés, esquissa un véritable petit sourire. « Merci, Anka. Tu m’y accompagnes ? » Il lui proposa son bras, qu’elle accepta, et ils rejoignirent la table réservée au nom des parents Barnes en quelques foulées à travers la foule. « De ce que j’ai pu voir de loin, Leon est parti récupérer Mavis et son compagnon pour s’installer à table, ils ne devraient pas tarder à arriver. » Son compagnon, qui n’était donc pas lui; il dut se mordre l’intérieur de la joue. « On va les attendre ici alors, ce sera plus simple. » Tirant la chaise à deux de celles d’Anka - il laissait la place à Leon de s’asseoir là où se devait de se trouver -, il tourna son buste dans la direction qu’elle lui avait indiqué; et croisant ses mains entre elles, coudes posés sur la table, il attendit donc de voir qui était le compagnon de Mavis - il avait sa petite idée derrière la tête, ce qui faisait doucement rire une partie de lui et beaucoup grincer des dents la seconde.

stretching every second into more
@Ambrose Constantine & @Ruben Hartfield (crédit gif/symphonygifs)

Elle ne répondit pas à Ambrose, Mavis. Elle se contenta de le regarder intensément pour qu’il tire ses propres conclusions et se rende compte à quel point il l’avait heurtée en la jugeant presque ouvertement alors qu’il était celui qui avait voulu connaître la réponse à une question pourtant simple, pas moins significative, et qui mettait en avant leur caractère diamétralement opposé. Ils étaient coupables de la même faute toutefois, l’avait-il oublié ? Déterminée à ne pas quitter son regard du sien, elle ne le fit qu’une fois qu’un tiers vint se joindre à eux : son père, dont l’aura prenait toute la place et qui s’intercala dans leur discussion comme une entité presque menaçante, posant sa main sur sa fille comme s’il en était le possesseur alors que la vérité, c’était qu’avant que son autre fille ne les quitte, il s’inquiétait bien moins pour elle que pour ses patients. Elle fit les présentations de façon plutôt sommaires, comptant sur Leon pour se souvenir tout de même de quelques petites choses au sujet de Mavis, ses fréquentations n’ayant pas été assez nombreuses pour qu’elle se compte au-delà des doigts d’une seule main. Ainsi, il sembla reconnaître le jeune homme qui l’accompagnait ce soir, lui offrit une poignée de main à la hauteur de la virilité qui émanait de lui et de son statut tandis qu’il apposait à l’échange silencieux qui se faisait entre Mavis et Ambrose une conclusion amenée par sa question "Parfait, ça nous laissera tout le temps d’apprendre à nous connaître. Je t’en prie, Mavis, ta mère nous attend." fit-il à sa fille une fois qu’Ambrose décida de rester. Elle quitta enfin ses yeux des siens et précéda les deux hommes sur le chemin qui devaient les mener jusqu’à leur table. Elle décida, les premières secondes, de ne pas accorder au jeune homme l’attention qu’il méritait, laissant son père s’en charger avant de se rendre compte de quelque chose lorsque, posant son regard au loin, elle vit sa mère en charmante compagnie.

Elle fit un stop imperceptible durant lequel elle glissa instinctivement sa main dans celle d’Ambrose, la pressant trois fois entre ses doigts pour attirer son attention sans capter celle de Leon. Se parant soudainement d’un sourire radieux, elle tourna la tête vers lui, ses questions polies lui paraissant moins importantes que l’intrusion de Ruben, déjà installé à leur table, donc — c’était lui, la charmante compagnie. Elle interrompit son père qui était en train de répondre au jeune homme "Vous devriez garder votre conversation pour le repas, vous deux, sinon vous n’allez plus trouver grand-chose à vous d —" "Tu t’es finalement décidé à venir." Inutile de dire que, soudainement, l’intérêt de Leon fut redistribué, son regard s’illuminant lorsqu’ils arrivèrent enfin à leur table et qu’il le vit installé, à une chaise d’écart d’Anka, son poulain "Mon dieu, ma chérie ! Tu n’as jamais été aussi radieuse." L’intervention d’Anka suffit à Mavis pour décider si oui ou non ce serait l’enfer ; certainement, mais elle n’allait pas accepter de se laisser engouffrer par ses flammes aussi facilement. La main d’Ambrose toujours dans la sienne, son pouce caressant le sien frénétiquement, elle laissa son autre main s’accrocher au creux de son coude quand elle répondit à sa mère, son regard passant de Ruben — qu’elle avait fixé une seconde à peine — à elle "C’est grâce à Ambrose. Il sait comment me rendre belle." Et cette information était ouverte à toutes les interprétations, pleine de sous-entendus qui atteindraient sans aucun doute Ruben face à qui elle s’installa après s’être efforcée de faire les présentations, bien qu’elles étaient inutiles  — personne n’était supposé le savoir "Le docteur Hartfield, Ambrose. Ambrose, le docteur Hartfield." Pressant ses lèvres l’une contre l’autre, elle lâcha le bras d’Ambrose, mais pas sa main, le regardant brièvement pour lui faire comprendre que, s’il regrettait d’avoir accepté de rester, c’était son moment pour s’en aller. Elle ne s’attarda pas, consciente que l’attention générale lui était réservée tandis que, de l’autre côté de la table, Leon rejoignait Anka et Ruben avec un enthousiasme rentré "Nina va se joindre à la tablée, ou c’est juste toi et nous —" Petit sourire en coin, l'emphase, subtile, faisait naître quelques frissons sur ses bras "— ce soir ?" enchaîna-t-elle, et aussitôt, elle s'assura qu’Ambrose s’asseyait bien à ses côtés pendant qu’elle reposait résolument ses yeux sur Ruben avec l’air innocent qui était le sien lorsqu’ils se retrouvaient dans cette conjoncture. La main d’Ambrose toujours fermement dans la sienne, elle posa leurs dix doigts joints sur sa cuisse, et les recouvra de son autre main en même temps.

Il passe outre l’attention de Mavis qui revient en flèche vers lui uniquement au moment où elle se rend compte de la présence de Ruben non loin et il passe outre tout le reste aussi, à vrai dire, sa propre attention se focalisant uniquement sur le chirurgien face à eux. Elle a dit qu’il se tiendrait bien, et c’est à cette idée qu’Ambrose se raccroche. Il se tiendra bien ; tout se passera bien. Rassuré, il accueille la main de Mavis contre la sienne et ne laisse rien paraître pour quiconque ne le connaît pas par coeur - pour quiconque sauf Ruben, et sans doute aussi Mavis à qui il a déjà confié ses craintes. "C’est grâce à Ambrose. Il sait comment me rendre belle." - « T’as pas besoin de moi pour ça. » Il rétorque simplement, humblement. Il n’en pense pas moins, même si la robe de Mavis est aussi chère qu’elle lui va à merveille. Le jeune homme préfère répondre le plus simplement possible, bien conscient du jeu qu’elle joue face à Ruben et surtout conscient qu’il n’a aucune envie d’attiser les foudres ou la jalousie du brun face à eux.

"Le docteur Hartfield, Ambrose. Ambrose, le docteur Hartfield."
« Enchanté. J’ai beaucoup entendu parler de vous. »

Il joue le jeu, priant secrètement pour que Ruben ne fasse pas de zèle de son côté et s’y plie, au moins tant qu’ils sont en présence d’inconnus. S’ils se retrouvent tous les trois seuls, il sait bien qu’il n’y aurait plus aucun jeu à jouer. En attendant, il lui serre la main comme il serre celle d’inconnus et autres politiciens plus ou moins haut gradés. "Nina va se joindre à la tablée, ou c’est juste toi et nous — ce soir ?" Et s’il n’est pas lâche au point d’abandonner l’idée de s’asseoir à leur table, il sait déjà que la soirée sera longue si Mavis est la première à oser de telles remarques. Preuve en est, il lui dédie un long regard aussi réprobateur que contemplatif, sans lutter un seul instant contre la proximité de leurs mains liées, ou de ces dernières qu’il pose contre sa cuisse. Il en aurait été bien plus heureux encore dans d’autres circonstances, s’il n’avait pas autant l’impression d’être une marionnette de part et d’autre. « Elle aurait été comme un poisson dans l’eau, ici. » Il ne l’a pas amenée. Il le sait déjà : il est venu avec l’espoir de retrouver Mavis, bien sûr qu’il n’aurait pas emmené sa femme ; tout comme il n’aurait pas pu anticiper la présence d’Ambrose et donc la désillusion allant avec. Ce dernier n’ose même pas observer Ruben dans les yeux tant il craint d’y retrouver une lueur différente de celle à laquelle il a toujours été habitué et celle qu’il a aussi et surtout toujours aimée. « Mais on peut être de bonne compagnie quand même, Docteur Hartfield. » Tous les deux, et pas seulement l’un ou l’autre selon son envie du moment. Ambrose aussi veut sa part du gâteau et quand bien même il est profondément assuré de ne pas gagner une place sur le podium final, il ne souhaite pas abandonner. « Ca doit être important pour vous, si vous venez malgré toute la charge de travail, hm ? » Et il ne vient pas seulement pour faire plaisir à Leon, pas vrai ? Il poursuit surtout ses propres objectifs.

stretching every second into more

@mavis barnes et @ambrose constantine

lieu: galerie d'art, spring hill.
(c): (gif), luleaby (codage).

***
Il les avait vu arriver pour les rejoindre, mais ne releva pas cette information autant qu’il ne releva pas davantage son visage lorsqu’ils furent à portée de regard et de voix; pas avant que l’un d’eux ne s’adresse à lui. « Tu t’es finalement décidé à venir. » Et même s’il n’avait pas fait l’effort d’apposer son attention sur le petit groupe qui les rejoignit, Anka et lui, à la table des Barnes il aurait su décrire avec précision l’expression que Leon portait désormais à son égard. Bien sur qu’il étira un sourire sincère en guise de première réponse à son mentor. « Avec le téléphone de garde dans la poche pour rester joignable, mais oui. » Ce n’était pas la majorité des personnes présentes ici qui pourraient le blâmer de la sorte, étant des médecins eux-même ou en devenir - comme c’était le cas de Mavis, qui était donc accompagnée, effectivement. Il aurait du parier, il aurait gagné. « Mon dieu, ma chérie ! Tu n’as jamais été aussi radieuse. » - « C’est grâce à Ambrose. Il sait comment me rendre belle. » Il se retint de grincer des dents et de lever les yeux au ciel, gardant son plus parfait sourire de circonstances; il savait qu’elle le faisait exprès. « T’as pas besoin de moi pour ça. » Effectivement non, elle n’avait pas besoin de la présence d’Ambrose, donc, pour être radieuse: elle l’était tout le reste du temps. Dans toute autre situation, il se serait permis de répondre discrètement qu’elle était quand même radieuse, et que sa mère avait raison; il se retint au dernier moment, sachant que ses faits et gestes étaient provoqués par Mavis et observés de près par Ambrose, le combo n’était pas des meilleurs. Et puis surtout: Leon peinait à laisser son regard ne poser ailleurs plutôt que sur lui, et il ne pouvait se permettre le moindre faux pas puisqu’il était persuadé que le médecin se doutait de quelque-chose depuis des mois déjà et qu’il n’avait pas envie de confirmer ou d’infirmer ses soupçons. Il se contenta de garder son petit sourire pincé, alors - c’était ridiculement et affreusement pénible.

« Le docteur Hartfield, Ambrose. Ambrose, le docteur Hartfield. » Vraiment ? Elle voulait jouer à ce jeu là ? « Enchanté. J’ai beaucoup entendu parler de vous. » De vous; ils voulaient donc tous les deux jouer à ce jeu là. Ruben détestait déjà chaque instant, mais il n’était pas celui établissant les règles ce soir alors il tendit sa main pour serrer celle d’Ambrose. « Ravi que ce soit le cas. Et ravi de te rencontrer. » Il apposa sa seconde main sur leurs deux se serrant, pinçant ses lèvres, son regard accrochant celui de Rose de manière plus appuyée. « Et Ruben, pas docteur Hartfield, les autres autour de la table se feront un malin plaisir de pas me faire l’honneur de garder le docteur alors que tout le monde soit logé à la même enseigne. » Et parce-que même s’ils jouaient à un jeu que seuls eux trois pouvaient connaître, il n’était pas question qu’il doive l’appeler docteur alors qu’il n’avait jamais été question que ce soit le cas; il ne lui ferait pas cet affront, pas à lui.

Alors que tout le monde semblait trouver sa place autour de la table, le regard de Ruben se mit à naviguer entre les différents personnages qui composaient cette scène; la seule qui ne représentait pas la moindre menace pour lui, c’était Anka - et pour une fois, il était ravi qu’elle soit présente. Parce-que Leon seul n’aurait pas été suffisant pour maintenir parfaitement les apparences, ils le savaient tous. « Nina va se joindre à la tablée, ou c’est juste toi et nous — ce soir ? » Oh, son estomac tomba d’un cran lorsqu’il l’entendit reprendre la parole, lui tirant un frisson le long de l’échine en même temps; il ne laissa rien paraitre cependant, il s’attendait à ce type de remarque de sa part. « Elle aurait été comme un poisson dans l’eau, ici. » Il s’attendait moins à celle d’Ambrose puisqu’il n’était pas supposé être présent dans un premier temps, mais le mode représentation activé et parfaitement actif, il sut ajuster sa posture et l’expression de son visage pour répondre de façon adaptée. « C’est juste nous, sans elle. » Il appuya sur ce seul mot là de façon similaire à celle que Mavis avait utilisé. Nina ne serait pas là et c’était tant mieux. « Mais on peut être de bonne compagnie quand même, Docteur Hartfield. » - « Ruben, vraiment, s’il te plait. » Il n’appréciait même pas qu’il utilise son nom complet, pour une fois. « Et j’ai aucun doute que vous serez de bonne compagnie, d’excellente compagnie même. »

« Ca doit être important pour vous, si vous venez malgré toute la charge de travail, hm ? » - « Je pensais que tu serais occupé toute la soirée d’ailleurs, n’est-ce pas ce que tu m’as dit ? » Leon légèrement dans son dos, ne voyant pas son regard qui se leva quelque peu au ciel, Ruben reprit rapidement une expression parfaitement composée en se reculant dans sa chaise pour avoir désormais son mentor dans son champ de vision. « Murray m’en devait une, alors il est mes yeux et mes oreilles pendant que je suis ici à célébrer avec vous. » Il tapota de sa main sa poche haute de sa veste de costume. « Mon téléphone est en sonnerie, et il me tient au courant si j’ai besoin de revenir sur place. » Il pencha quelque peu sa tête sur le côté, reportant son attention sur Ambrose cette fois-ci. « C’est important pour Leon et pour les Barnes, alors c’est forcément important pour moi. C’est comme ça que ça fonctionne depuis des années maintenant. » Non, bien sur que ce n’était pas uniquement pour cette raison là, mais il ne pouvait se permettre de l’évoquer à haute voix alors que les parents Barnes étaient juste à ses côtés; les deux qui n’étaient pas dénommés de la sorte sauraient à quoi il en referait cependant, malgré tout, malgré lui. « Et quand c’est pour quelque-chose d’important, on trouve toujours le temps de se libérer. » Le jeune homme était le premier à savoir que c’était effectivement le cas pour Ruben, puisque ce dernier libérait du temps dès qu’il lui soulignait que ça l’était pour lui, important. Si le regard du jeune chirurgien resta un instant de plus sur Rose, il dévia un instant vers Mavis malgré tout, au cas où elle n’avait pas compris qu’il était question d’elle dans la partie importante pour ce soir.

Ce fut la main de Leon s’abattant sur son épaule qui le sortit de ses pensées et le fit déloger son regard des deux jeunes gens. « Et on sait qu’on peut toujours compter sur toi dans ces moments là. » Ce n’était pas faux, même si l’homme à ses côtés n’avait pas la moindre idée d’à quel point ce n’était pas faux. « J’ai l’impression que c’était toi à la place de Mavis il n’y a encore pas si longtemps. » Il eut un petit rire. « C’est parce-que c’est le cas. » Ruben était un jeune diplômé, il n’avait quitté les bancs de l’école que peu de temps auparavant; il trainait de trop dans les pattes du neurochirurgien, c’était là la raison pour laquelle il était facile de lui attribuer des années de plus à son compteur professionnel là où ce n’était pourtant pas le cas. « Mais pour une fois, assez parlé de toi. » Le regard de Leon se reporta sur Ambrose, ne lâchant pas pourtant l’épaule de Ben. « J’aimerais en apprendre un peu plus sur notre jeune compagnon de ce soir. » Oh, Leon.

stretching every second into more
@Ambrose Constantine & @Ruben Hartfield (crédit gif/symphonygifs)

Mavis mentionna Nina, Ruben lui répondit qu’elle n’était pas là "Dommage, j’aurais bien aimé discuter avec elle." À l’intérieur d’elle-même, Mavis jubilait. Mais sur le moment, elle ne faisait que se comporter comme la jeune femme particulièrement bien élevée qu’elle était, aussi radieuse qu’elle était intelligente. Quelle mascarade. Toute cette scène en était déjà une, autant s’y enfoncer gaiement sans faiblir, le regard de la blonde accrochant celui de docteur qui se trouvait face à elle. Elle garda son aplomb, le parant seulement de l’innocence factice qui était la sienne lorsqu’elle se retrouvait avec lui en public. Ambrose donnait le change, poisson dans l’eau autant que la grande absente de cette soirée qui promettait nombre de conséquence. Pour l’heure, ses doigts noués à ceux du jeune homme à côté duquel elle était installée, elle adressa un sourire à sa mère qui se tenait à côté de son père, laissant brièvement Ruben et Ambrose se parler l’un à l’autre comme si ça ne l’intriguait pas, de les voir échanger. Elle finit par leur accorder de nouveau son attention, remarqua la manière dont leurs yeux s’accrochaient, eux aussi, et resserra ses doigts autour de ceux d’Ambrose en guise de rappel inconsciente que hé, elle était là, juste là.

C’est finalement Ruben qui posa ses yeux sur elle aussi brièvement qu’elle l’avait fait l’instant d’avant, la subtilité de la réponse qu’il avait donné à Ambrose au sujet de sa présence ici et des efforts qu’il faisait lorsque ça lui paraissait important lui arrachant un léger rire, soufflé par le nez. Elle ne dit rien toutefois, s’appliquant à rester un instant encore à l’écart de ce jeu dangereux qu’ils étaient en train de jouer, et qui l’excitait peut-être un peu si elle prenait le temps de se poser pour réfléchir à une stratégie pour mieux le remporter. C’était sans compter sur Leon qui poussa son pion à la seconde où un temps de latence s’installa sur la tablée. Mavis relâcha doucement la main d’Ambrose, mais ne la repoussa pas, la gardant sur sa cuisse, point d’ancrage nécessaire pour qu’elle se souvienne de la limite à ne pas dépasser. Elle eut un léger mouvement de sourcils, traduction de l’étonnant qui la frappa en même temps "Pourquoi, c’est plus le cas ? Pourtant, tout le monde a l’air de penser que tu fais bel et bien partie de notre famille, au point même de croire que c’est toi l’héritier direct de la lignée, alors ma place, tu l’occupes toujours un peu, quelque part, non ?" Leon parlait de Ruben et de la place qu’il avait occupé à une époque et qui se trouvait être celle que Mavis occupait aujourd’hui ; elle parlait de quelque chose de plus générique qui mettait à mal la relation qu’elle entretenait avec lui, et ce dans le but ultime de l’embarrasser assez pour le faire partir. Elle haussa les épaules "Certains nous voient presque comme des frères et soeurs, c’est pas un peu bizarre ?" le questionna-t-elle, provoquant quelques rires autour de la table tandis que la main à plusieurs milliers de dollars de Leon s’abattait sur l’épaule robuste de son poulain "Je ne sais pas de qui elle tient son humour, mais j’ai à coeur de penser que c’est de moi." lui glissa-t-il, posant son regard sur sa fille avec insistance sans qu’elle ne réussisse à déceler le moindre éclat de fierté dans le fond de ses iris.

Les siennes retrouvèrent celles de Ruben le temps d’un instant, Leon repartant rapidement à l’assaut de la conversation qu’il tint à diriger droit sur Ambrose. Mavis étendit le bras par-delà la dossier de la chaise du jeune homme pour toucher son épaule avec délicatesse, et lui fit avec une vraie complicité dans le ton — celle naturelle, qu’elle n’avait pas besoin de forcer pour faire croire à qui que ce soit qu’ils se connaissaient, qu’ils s’appréciaient, qu’ils étaient proches, ou qu’ils l’avaient été "T’es pas obligé de répondre à la moindre question si t’en as pas envie." Elle opina très doucement du chef, le détournant d’Ambrose pour ajouter dans la foulée, passant son regard du visage de son père à celui de sa mère "D’autant que vous êtes supposés déjà le connaître." Elle offrit un petit sourire à Ambrose quand elle tourna de nouveau très furtivement la tête vers lui "On se connait depuis des lustres tous les deux." Mais compter sur ses parents pour se souvenir de ce genre de choses, c’était comme continuer de croire au père Noël passé la dizaine : c’était utopique. Elle poursuivit, reprenant la main d’Ambrose dans la sienne en laissant Ruben hors de sa vue le temps de quelques secondes — celui qu’il lui faudrait pour comprendre que, si Mavis n’avait pas voulu lui parler de ce qui la liait avec Ambrose, c’était parce qu’il représentait quelque chose de particulier pour elle "Tess adorait Ambrose à l’époque. Elle trouvait qu’on allait bien ensemble." Elle fronça le nez en le disant, revêtant brièvement le masque de la jeune fille éprise de son premier amoureux qu’elle avait été durant ce laps de temps, puis elle continua "Elle se serait souvenue de lui à l’instant où ses yeux se seraient posés sur lui. Elle sera tellement contente de savoir qu’on se côtoie à nouveau." L’employée de maison des Barnes, celle qui avait accueilli les amis de la jeune femme toute sa vie, qui continuait à s’inquiéter pour elle, de son sommeil, de son régime alimentaire, de ses fréquentations, même aujourd’hui. Alors tout ça, c’était subtil, mais c’était un reproche à peine déguisé à l’égard du désintérêt de ses parents à qui elle finit par dire dans un grand sourire, feignant de passer à autre chose aussi vite en abattant une main leste devant son propre visage pour balayer tout ça "Mais c’est pas grave. C’est une soirée importante pour moi, je préférerais qu’on évite de la faire tourner en grand interrogatoire, vous pouvez faire ça pour moi ?" Pour une fois, se retint-elle d’ajouter, englobant la totalité du versant opposé de la table de ses yeux qui, finalement, finirent par se poser sur Ruben qu’elle dévisagea plus que les autres.

Ruben se plie bien moins avec le cœur à l’exercice des présentations que ne le fait Ambrose mais ce dernier est bien loin de lui en vouloir pour cette attitude. Il est seul contre deux, et tout le monde autour d’eux l’ignore. « Ravi que ce soit le cas. Et ravi de te rencontrer. » Et puisque Ruben enveloppe finalement sa main de les deux siennes, Ambrose caresse doucement l’intérieur de ces dernières, tel un rappel silencieux que Ruben le connaît bien mieux que quiconque autour de cette table et qu’il n’a pas à s’en faire. Cela correspond sûrement aussi à la demande silencieuse de ne pas faire de zèle. « Et Ruben, pas docteur Hartfield. » - « Ruben, donc. » Tant mieux. Il n’y a bien que de cette façon avec laquelle il est à l’aise de l’appeler ; même si c’est avec ce même prénom qu’ils finissent par discuter tous les trois de l’absence d’une Nina qui ne reste finalement qu’un prénom pour lui. Il ne connaît son visage que parce qu’il a cherché un minimum, mais jamais ô grand jamais il n’a rencontré la reine des amantes, celle qui a une bague au doigt mais ne déchène pas les passions de Ruben. Celle qui a la stabilité, mais qui n’a jamais été suffisante. Au fond, il ne l’envie pas et même au-delà de ça, il la plaint sincèrement.

Il se dissocie rapidement des discussions autour de lui, parfois simplement ramené à la réalité par les doigts que Mavis serre toujours un peu plus contre les siens - il pourrait le jurer. Il entend Mavis piquer, il écoute Ruben mordre. Il aurait sans doute plus de répartie en l’absence des parents Barnes, mais se mêler davantage à ce jeu ne l’intéresse pas pour le moment tant il apprécie les deux interlocuteurs pour des raisons qui lui sont propres et chères. « J’aimerais en apprendre un peu plus sur notre jeune compagnon de ce soir. » - "T’es pas obligé de répondre à la moindre question si t’en as pas envie." Ce n’est qu’à partir de cet instant qu’il raccroche les wagons, son regard retrouvant celui que Léon ne semble pas décidé à lui laisser le moindre répit. « J’ai l’habitude des questions, tu le sais. » Il rétorque simplement, complice avec la jeune femme autant qu’il se veut sincère. Il y a bien des choses qu’il compte cacher à Léon, mais sûrement aucun sujet sur lequel ce dernier risquerait de l’interroger en cet instant, il en est convaincu. "On se connait depuis des lustres tous les deux." S’il y a bien une chose qui n’est pas un mensonge dans toute cette discussion, c’est bien ça. Ils se connaissent depuis toujours, ou tout du moins c’est ce dont Ambrose a l’impression. Ils se sont vus grandir, ils se sont retrouvés adultes. Ils ont joué à des jeux d’enfants, ils sont désormais dans la cour des grands.

"Tess adorait Ambrose à l’époque. Elle trouvait qu’on allait bien ensemble." Il aime Mavis, sincèrement, mais il n’est pas certain d’aimer le jeu auquel elle a commencé à jouer. Son regard se pose sur Ruben sans qu’il ne cherche même à lui faire comprendre autre chose que je suis désolé sans pour autant risquer de se montrer trop évident face aux parents Barnes. Il retrouve rapidement son masque. « Ce qui était vrai, il faut l’avouer. » Bien qu’il n’en pense pas moins, ce n’est pas de cette façon dont il aurait abordé le sujet en temps normal, surtout pas alors que la jeune femme persiste et signe à ses côtés. Malgré tout, il comprend la situation dans laquelle elle est, tout comme il comprend son besoin d’exister face à une tablée toute entière qui n’a d’yeux que pour Ruben. "Elle se serait souvenue de lui à l’instant où ses yeux se seraient posés sur lui. Elle sera tellement contente de savoir qu’on se côtoie à nouveau." - « Je pourrais passer lui dire bonjour, un de ces jours. » Et si la proposition tombe particulièrement bien dans le thème de leur discussion, il n’en reste pas moins sérieux : il serait ravi de retourner chez elle et se replonger un temps en enfance, avec tous les souvenirs communs que cela implique de fait. "Mais c’est pas grave. C’est une soirée importante pour moi, je préférerais qu’on évite de la faire tourner en grand interrogatoire, vous pouvez faire ça pour moi ?" - « Je suis qu’un invité. Au fond, on est tous là pour Mavis, pas vrai ? » Les parents, oui, mais surtout Ruben, pas vrai ? Et si ces mots ont vocation à rassurer la jeune femme quant à sa place, ils sont sans doute aussi un reproche loin d’être voilé envers Ruben. Il est dans son camp jusqu’à une certaine limite. « Je suis content d’être là pour elle maintenant. On s’est perdus de vue pendant si longtemps. » Son sourire sincère se pose un instant sur la jeune femme, dont il observe les traits du visage avec admiration. Elle est brillante et ira loin, il n’a pas besoin de répéter un discours qu’elle connaît sans doute par cœur et à raison. « On pourrait trinquer à ça, non ? A Mavis. » Ils auront bien le temps de se dire leurs quatre vérités dans un second temps. La soirée s’annonce bien assez longue, et il déloge sa main de la cuisse de la blonde uniquement pour lever son verre au centre de la table. « Je peux sans doute m’avancer en disant qu’il faut profiter de chaque instant avec Ruben, parce qu’on ne sait pas quand est-ce qu’il risque de partir, et encore moins de revenir. » Parce qu’il est un médecin pour eux, parce qu’il est un homme particulièrement volage pour Ambrose. La combinaison des deux le rend d’autant plus difficile à garder près de lui - ou de qui que ce soit.