Penché au-dessus d’un carnet griffonné de notes de musique qui s’étalent en résonnant avec harmonie dans son esprit, il écrit sur la partition de la main gauche tout en jouant de la main droite, ses doigts fins courant sur un morceau de piano en suivant la bonne mesure, sans que ses yeux aient besoin d’en suivre le parcours ; il le connaît très bien, Izan, ce chemin composé de quatre-vingt-huit touches blanches et noires, c’est même le terrain qu’il connait le mieux, celui sur lequel il a vraiment l’impression d’être à sa place, le seul endroit au monde qui lui semble familier et sécurisé puisqu’il en connaît les règles, puisqu’il en maîtrise les codes.
      Les sourcils légèrement froncés sous la concentration, ses longs cils naturellement recourbés baissés sur la feuille froissée, il écoute, bercé par les notes qui s’entrechoquent dans une valse équilibrée, la musique qui vient caresser ses oreilles et apaiser son esprit dans une symétrie sonore qui lui fait perdre la notion du temps. Non pas qu’il en possède une particulièrement affutée, de notion du temps, car il est invariablement en retard malgré les vives remontrances de son assistante qui ne cesse de le sermonner à ce sujet, mais il peine même à lever le menton de ses écrits lorsque des coups retentissent contre la porte d’entrée. ’’J’arrive !’’ lance-t-il d’une voix un peu plus forte pour être portée sur le palier de sa résidence, tandis qu’il fait encore tourbillonner quelques notes avant de se lever du banc qui accompagne son instrument, pour aller ouvrir à celui qu’il attendait. Il lui sourit avant de le voir, Izan, d’un sourire aussi sincère que tendre, qui vient plisser le coin de ses yeux et dont la courbe suave s’élargit inconsciemment sitôt que son regard accroche le sien, sans deviner les secrets qu’il renferme, sans même songer que lesdits mensonges existent ’’Je sais ce que tu vas dire’’ il le prévoit d’une voix amusée, songeant que Ash va lui faire remarquer qu’il est en retard comme d’habitude, mais c’est une sentence davantage affectueuse et douce qui vient se déposer d’abord sur son coeur par le « tu m’avais manqué.» puis sur ses lèvres par le premier baiser qu’il lui donne. Le manque est réciproque, mais sa bouche en garde le secret puisque ce sont ses yeux qui le murmurent avec tendresse, étant de véritables caresses aériennes déposées sur la peau de Ash, juste avant qu’il ne laisse la porte se refermer d’elle-même pour pouvoir déposer ses deux mains sur les hanches de son petit-ami. ’’Je vois ça...’’ marmonne-t-il d’un ton espiègle en venant lui voler un baiser, murmurant ensuite tout contre ses lèvres un ’’Tu m’as manqué aussi.’’

Le libérant de son étreinte amoureuse, le musicien s’éloigne enfin de quelques pas pour reprendre la parole, en levant les mains en signe d’innocence et en laissant des accents enfantins teindre sa voix avec un amusement qui est visible jusque sur ses traits. ’’Ça ne se voit pas, je sais, mais je suis presque prêt !’’ comme il porte un jogging gris et un t-shirt noir à manches courtes, c’est clair que ce n’est pas évident mais, comme il l’a dit, tout est dans le presque ‘’T’es beau comme ça.’’ le détaillant d’un regard admiratif, il presse ses lèvres dans un sourire attendri avant de dire, d’une voix plus assagie mais sans perdre son sourire. ‘’Je te laisse faire comme chez toi et j’vais me préparer ? Finir de me préparer, je veux dire.’’

D’aussi loin que sa mémoire se souvienne, Izan s’est toujours considéré comme quelqu’un d’observateur, doté d’un esprit suffisamment lucide et éclairé pour discerner les duperies qu’on lui met sous le nez afin de le distraire, et il aime croire qu’il sait parfaitement débusquer les faux-semblants voilées derrière les vérités édulcorées. Enfant-prodigue propulsé sur les plus prestigieuses scènes avant même d’avoir atteint l’âge adulte, il a rapidement appris — et souvent à ses dépens, que le monde de la musique est une arène géante où règne la rivalité sournoise, et qu’il lui faut se méfier de tous, même de ceux qui prétendent être ses alliés. Une défiance qui a entraîné une réserve, qui a elle-même engendré une forme de solitude visant à le protéger. Mais sa méfiance n’a jamais été effleurée par l’idée que l’homme qu’il tient entre ses bras, qu’il chérit comme le plus précieux des trésors, qu’il accueille avec toute la douceur que son être peut receler, qu’il regarde avec des yeux brillants d’une affection sans bornes, lui ment depuis des mois, le trompe depuis le début. Parce qu’il n’a pas choisi de tomber amoureux de lui d’une façon aussi irrationnelle et immuable, parce qu’il a été le premier à s’étourdir des sentiments qui se sont imposés dans son coeur, qui s’y sont logés sans prévenir, sans lui demander son avis, sans lui laisser la possibilité de les nier ou de les ignorer ; il est tombé amoureux de Ash sans s’en apercevoir, sans véritablement le savoir, sans même anticiper le fait qu’il n’y aurait pas de retour en arrière possible et que l’injonction amoureuse était trop brutale, trop passionnelle, trop évidente, pour espérer disparaître aussi facilement. Quand la vérité éclatera, il regrettera amèrement, sans nul doute, cet amour qui a enflammé autant ses pensées que son coeur, cette abnégation totale de la méfiance dont il est pourtant familier, puisqu’il lui faudra alors déconstruire une relation qu’il idéalise pour l’heure, mais qui n’est bâtie sur rien d’autre qu’un odieux et douloureux mensonge. Mais la douleur, les mensonges et les secrets sont bien loin de son esprit lorsqu’il glisse ses mains câlines contre les hanches de son petit-ami, et ses lèvres se fendent d’un sourire lorsqu’elles se retrouvent contre les siennes, répondant à son baiser avec une ferveur amoureuse qui n’est point fanée. « ce que je vais dire? » soufflant un air amusé par le nez, il recule son visage pour observer celui de Ash avec un oeil malicieux, avant de glisser l’une de ses mains sous son menton, revenant lui voler un baiser avant de commencer à s’éloigner, tout en disant ’’Je pensais que t’allais me dire « t’es toujours pas prêt » mais j’avais des arguments pour me défendre, de toute façon.’’ pas la peine de demander lesquels : il n’en a aucun mais c’est mieux de prétendre l’inverse !

Se dirigeant vers son piano en enjambant le corps de son chat qui dort au soleil, juste face à la baie vitrée du salon, il rassemble ses partitions en une petite pile de feuilles sur le pupitre, avant d’appuyer une main sur le couvercle et de se retourner vers l’anglais, en haussant inconsciemment ses sourcils bruns. « Merci… je t’avoue que je ne savais pas comment m’habiller…. » cet aveu tout à fait adorable lui provoque un air attendri tandis qu’il baisse le menton pour voir son deuxième chat qui se faufile entre ses jambes en miaulant. ’’Faut que tu sois à l’aise pour marcher, si tu l’es dans cette tenue, c’est parfait.’’ décidant d’en faire de même, il abandonne Ash dans son salon en compagnie de ses compagnons à quatre pattes, qui ne s’étonnent plus vraiment de le voir dans les parages. Pour preuve, pendant qu’Izan est dans son dressing, porteur d’un doux sourire aux lèvres en entendant les notes timides qui s’élèvent depuis le salon, l’un de ses chats grimpe sur le piano afin de se rapprocher de Ash, tendant l’une de ses pattes en sa direction pour miauler avec un acharnement qui ne lui ressemble pas. « ça va? tu y arrives? tu as besoin d’aide pour t’habiller? » revenant dans le salon au même moment, il pose un regard espiègle sur son petit-ami, tirant machinalement sur le bas de son t-shirt blanc pour couvrir ses hanches, bien qu’une petite parcelle de peau sur le côté de son ventre soit toujours visible. ’’On sait tous les deux que tu ne m’aiderais pas à m’habiller, mais plutôt l’inverse…’’ taquin, il lui lance un sourire complice tout en se rapprochant du piano, pour dévier ses yeux sur le félin qui continue de miauler ’’Tu as cassé mon chat ?’’ demande-t-il sur le ton de la plaisanterie, glissant tout de même ses deux mains autour de celui qui est traité comme un enfant, et qu’il apporte contre son corps pour flatter son crâne de quelques caresses. ’’Crois-bien que j’adore quand tu joues du piano…’’ et c’est sincère ’’…Mais on va finir par être vraiment en retard et ce ne sera même pas ma faute, pour une fois.’’ l’art et la matière de se dédouaner, ouais, il aurait dû être avocat le bougre. ’’Mon sac est prêt, on y va ?’’ tendant sa main en direction de Ash tout en prenant son téléphone dans l’autre, il demande d’une voix faussement innocente, en connaissant tout de même la réponse mais ne pouvant résister à l’envie de la poser ’’Je conduis, on est d’accord ?’’

« Je suis certain que tu avais déjà toutes tes répliques prêtes dans ta tête au cas où… » l’accusation malicieuse secoue lentement son torse d’un éclat rieur alors qu’il observe l’air amusé qui enjolive les traits de son petit-ami, l’admirant de ses yeux caressant de la même façon que s’il avait été le plus beau paysage qu’Izan eut la chance de contempler, et quand bien même connaissait-il sa figure sur le bout des doigts, il ne se lassait pas d’en redécouvrir la beauté encore et encore ’’Même pas !’’ se défend-il en haussant légèrement ses sourcils comme pour apparaître faussement offusqué, néanmoins conscient qu’il lui faudrait une plaidoirie bien plus élaborée pour convaincre son anglais ’’Objection votre Honneur, euh… Vous avez des preuves de ce que vous avancez ? Non parce que c’est moche d’accuser les pauvres innocents, comme ça…’’ pressant sa bouche dans une petite moue boudeuse, il minaude un instant comme pour tenter de l’attendrir, avant de priver Ash d’une quelconque réponse puisque ses deux mains viennent soudainement encadrer son visage lorsqu’il revient chercher ses lèvres, déposant une myriade de tendres baisers contre celles-ci, en sentant que son coeur continue de frémir à contact, même des mois après leur premier. ’’Je reviens.’’ souffle-t-il d’une voix redevenue suave, ses pouces caressant un instant la peau lisse de ses joues avant que le pianiste ne se dérobe à leur étreinte amoureuse pour filer dans une autre pièce, se sachant pressé par le temps mais comme c’est une constante, l’inverse lui aurait été plus étonnant encore !
      Heureusement que son dressing est la pièce la plus organisée et rangée de son appartement, si bien que revêtir une tenue de sport ne lui prend que quelques minutes à peine, même si cela doit déjà être beaucoup trop long pour son petit-ami qui s’impatiente  au point de lui proposer ses services, ce qui pourrait être louable dans les faits, mais… « C’est clair que si je rentre dans ta chambre là maintenant, on n’en ressors plus…» pas sûr que les idées ayant conduit l’anglais à prononcer cette phrase les aident à être à l’heure, mais elles ont au moins le mérite de peindre un sourire à la fois joueur et doucereux, un sourire qu’il porte encore quand il le rejoint dans le salon. ’’Ne me tente pas…’’ le musicien lui lance un regard complice, dans lequel vient se loger une pointe de désir qu’il sait être interdite, et même s’il ne résiste pas à l’envie de se pencher au-dessus de lui pour combler ses lèvres d’un nouveau baiser, il tâche d’étouffer les rêveries vagabondes et sensuelles qui viennent se mêler à ses pensées. « Les chats ne sont pas déjà tous brisés en avance?» arrondissant ses lèvres sous la stupeur, Izan incline le coin de ses sourcils vers le bas tout en venant couvrir les oreilles du chat qu’il tient contre son torse, en protestant un ’’Comment tu oses parler de mon fils, toi ?’’ soulevant son chat — qui émet un nouveau miaulement, il l’applique davantage contre son visage pour embrasser le coin de sa petite tête poilue, marchant dans le salon en marmonnant des ’’L’écoute pas mon bébé, il est méchant parce qu’il est juste jaloux de ta beauté.’’ tout à fait suaves, ressemblant à un père qui console son enfant blessé par autrui et, dans les faits, c’est sûrement un peu le cas.

Une fois que le chat est remis de ses terribles émotions, Izan flatte son crâne d’une dernière caresse avant de tendre sa main à son petit-ami, puisque l’autre a entrepris de récupérer le sac qui attendait près de la porte. « Genre? tu veux vraiment que je te confis ma voiture?» entrelaçant tendrement leurs doigts tout en se retournant vers l’anglais, Izan hausse ses épaules avec nonchalance, feignant de ne pas comprendre les réticences de son interlocuteur alors que, dans le secret de sa réflexion, il sait très bien pourquoi Ash est scandalisé ; mais rien que pour l’expression effarée qui orne son visage, ça valait le coup ! « si je te la confis tu promet de rouler à une vitesse... raisonnable? » marquant un arrêt, il fronce lentement ses sourcils en dévisageant l’anglais, étant le premier surpris qu’il accepte, il faut bien le reconnaître, et le sourire grandement espiègle qui vient courber ses lèvres quand il annonce que ’’Je suis toujours raisonnable.’’ ne laisse rien présager de glorieux…

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La carrosserie n’est pas endommagée et il n’a provoqué aucun accident, ce qui est un miracle en soi mais également la preuve qu’il fait des efforts pour améliorer sa conduite. Aussi, lorsque Ash affirme que « tu sais que tu as failli nous tuer…. dix fois depuis qu’on est parti?» il mime d’abord un ‘’quoi’’ outré avec ses lèvres sans tourner son menton vers lui, immobilisant plutôt la voiture sur une place de parking avant de partager sa réaction, qu’il enrôbe d’amusement pour ne pas laisser apparaître le pincement au coeur qu’il ressent ’’Je vais te perdre dans la forêt, méfie-toi.’’ se libérant de la ceinture de sécurité, il s’extirpe du véhicule en affichant une moue boudeuse, puisqu’il se sent injustement attaqué et que c’est la vérité : il a seulement manqué quelques stop, pris un ou deux contre-sens parce que ça l’arrangeait, et ignoré les limitations de vitesse, rien de grave en somme (selon lui, ouais, c’est important de le préciser) « Faudrait que tu me montres ton permis pour être sûr que tu en as vraiment un.» de l’autre côté de la voiture, il soupire en envoyant la pointe de sa langue vers ses dents du fond, les lèvres légèrement espacées, sans rompre le contact visuel avec son petit-ami. ’’Je l’ai sur moi, figure-toi. Tu veux vraiment le voir ? La confiance dans notre couple est remise en jeu, là.’’ en fait, il n’est pas sûr de l’avoir avec lui parce qu’il ne s’en sert jamais — on se demande bien pourquoi, mais il est comme ses familiers : il retombe toujours sur ses pattes ! « désolé... » lui fait presser ses lèvres l’une contre l’autre, puisqu’il sait que ce n’est qu’une maladresse insouciante, et que Ash ne pensait certainement pas à son petit-frère décédé en entamant cette conversation. ’’Ce n’est pas grave’’ dit-il avec sincérité en refermant la portière de son côté, attendant quelques secondes avant de rajouter, d’une voix davantage amusée et sans le regarder, trop tenté par l’idée de le provoquer et de le taquiner ’’Je vais juste changer de copain, et en choisir un qui croit en mes capacités de pilote !’’

Il ne comprend vraisemblablement pas pourquoi on tend à craindre les trajets en voiture sitôt qu’il se retrouve au rôle de conducteur : jusqu’à preuve du contraire, il n’a jamais renversé personne et il est toujours en un seul morceau ; les voitures qu’il a conduit ne peuvent pas toujours en dire autant, certes, mais c’est pas de sa faute si des obstacles se dressent sur son chemin, il ne peut pas TOUS les éviter ’’Détends-toi, on est presque arrivés…’’ souffle-t-il d’une voix amusée lorsqu’il sent la main de son petit-ami sur sa cuisse, main qui presse sa jambe entre ses doigts comme si cela allait le faire ralentir ; que c’est beau de rêver ! ’’Aiiiiiie… Je tiens à ma jambe, tu sais ?’’ tournant le volant avec sa paume, il sort son portable de sa main libre pour changer de musique, puisque celle d’avant ne lui convient plus, détournant les yeux de la route durant quelques secondes, sans que cela ne semble l’effleurer d’une quelconque contrariété ; il connaît le chemin pas la peine de s’inquiéter. ’’Tu veux écouter quoi ?’’ finissant par lui donner son téléphone pour qu’il choisisse lui-même, Izan remet ses deux mains sur le volant en tapotant doucement la pulpe de ses doigts sur ce dernier, sans véritablement s’en rendre compte.
Une fois la voiture garée, il s’extirpe de celle-ci en tirant machinalement sur le bas de son t-shirt, balayant les alentours d’un regard circulaire avant de reposer ses billes dorées sur Ash, qu’il gratifie d’un sourire à la fois suave et malicieux, sans même s’en rendre compte tant cela lui est naturel. « Hey?! tu pourrais pas te passer de moi même si tu le voulais de toute façon! » haussant ses sourcils avec un faux étonnement, le pianiste émet un petit rire joueur avant de répondre, tout en se penchant dans l’habitacle pour récupérer son sac-à-dos. ’’Ça va les chevilles ?’’ accrochant la lanière de son sac sur son épaule, il prend son téléphone entre ses deux mains répondant à un simple message avant d’entrelacer leurs doigts avec douceur, son pouce venant caresser la surface lisse de sa main tandis qu’il déchiffre le panneau d’informations, qui indique plusieurs chemins possibles selon le niveau des randonneurs… Autant dire que, dans leur couple, c’est d’un extrême à l’autre. « Bon, quel trajet voulais-tu faire? On peut en prendre un «débutant» ? Je n’ai pas envie de me retrouver dans le fond d’un fossé… » tenant toujours sa main dans la sienne, il lui lance un discret regard espiègle en rétorquant, l’air de rien ’’Il n’y a pas un parcours pour les enfants ? Ce serait plus adapté pour toi, je pense…’’ ne résistant pas à l’envie de rire à sa propre taquinerie, il détourne ses yeux sur le plan afin de choisir un parcours pour débutants et, une fois chose faite, Izan ne perd pas davantage de temps : tirant sur la main de son petit-ami, il l’entraîne à la suite grâce à leurs doigts mêlés, sans perdre son sourire jovial, qui s’atténue seulement lorsque la voix de Ash lui parvienne de nouveau par un « je sais que tu es fort, mais tu ne pourras pas nous porter tous les deux… » qui résonne presque comme un défi à ses oreilles, et il s’arrête de marcher pour le considérer avec un silence amusé, qui définit les contours de ses lèvres sous un sourire mutin ; le guitariste devait savoir qu’il ne faut pas lancer son homme sur ce genre de sujet, et le sourire de plus en plus franc que le pianiste affiche devrait lui faire comprendre qu’il n’échappera pas à la suite ’’Ok, on parie quoi ?’’ pas la peine d’essayer de détourner son attention : Ash est foutu !

« Si on survit à cette randonnée, je te garantie que c’est moi qui conduis en revenant chez toi. » oh sérieux ? la moue boudeuse qui orne les lèvres de Ash force son compagnon à espacer les siennes de quelques degrés, sans qu’il ne prenne la parole puisque c’est bien une stupeur exagérée qu’il formule ainsi, ses billes mordorés exprimant quant à elles une stupeur presque lassée, de la même façon que s’il se pensait victime de cruelles et injustes inculpations ’’T’es sûr de ça ?’’ demande-t-il sur le ton de la menace, en rehaussant aussi bien ses sourcils que le coin de ses lèvres, toujours sans rompre le contact visuel entre eux et en levant successivement son pouce, son index puis son majeur à chaque dénombrement.  ’’Argument numéro un : J’AI les clefs. Argument numéro deux : t’as clairement pas assez de force pour les récupérer, et on le sait tous les deux. Argument numéro trois : tu vas rentrer à pieds.’’ mais il n’est visiblement pas assez rancunier pour ne pas prendre la main de son petit-ami dans la sienne, entrelaçant leurs doigts comme il en l’habitude, puisque le geste et le contact de sa peau contre la sienne le rassure, pour ensuite caresser tendrement la surface de sa main à l’aide de son pouce, pendant que ses yeux déchiffrent le panneau d’informations. Le plus accessible aux débutants est le choix qu’il fait en amont, mais il ne résiste pas à la tentation de taquiner - une nouvelle fois - l’homme qui partage sa vie depuis quelques mois, si bien que l’on pourrait aisément croire que c’est une façon comme une autre, pour lui, de montrer son affection, et c’est sans nul doute le cas « tu es hilarant…. » cette espièglerie défait l’étau de ses lèvres pour laisser entendre un petit rire enfantin, et il remonte leurs mains liées pour embrasser la courbure des doigts de son petit-ami, avec une douceur affirmée qu’il lui dévoue entièrement, et qui transparait autant dans la douceur du geste que du baiser déposé ’’Je sais, je pensais d’ailleurs changer de carrière pour devenir humoriste, t’en penses quoi ?’’

Puisqu’ils ont choisi l’itinéraire, c’est l’heure de se mettre en route ; il fait d’ailleurs quelques pas pour entamer cette marche qu’il présume être sans réel effort pour lui, mais étant tout de même heureux de partager ce moment avec celui qui lui a appris ce que aimer veut dire. Mais si c’est une évidente tendresse qui illustre l’humeur de ses yeux, puisque Asher ne peut lui inspirer autre chose que des sentiments suaves, ce sont des accents taquins et joueurs qui viennent corrompre son regard affectueux, et l’anglais ne tarde pas à les remarquer : il faut dire qu’il les connait bien, ces éclats pétillants, et qu’ils sont rarement synonymes d’idées ingénues. « Izan! » il se reconnait, c’est son prénom, mais il ne change pas d’expression pour autant, bien au contraire « si tu me portes, tu vas te faire mal… et je ne suis pas sur de moi-même pouvoir te porter! » plissant légèrement ses paupières comme s’il réfléchissait à la question, il rétorque trop rapidement ’’D’accord avec la deuxième phrase, pas d’accord avec la première.’’ et il veut le prouver ! Reste à savoir s’il va le prouver, puisque son anglais n’est pas franchement disposé à vérifier sa théorie, ce qui lui fait rouler des yeux vers le ciel sans perdre son sourire, même s’il se met à secouer tranquillement leurs mains  dans le vide entre leurs deux corps comme pour l’attendrir discrètement. Peine perdue, visiblement. « Izan! On ne fait pas de pari! » - ’’Tu vois, toi tu ne pourrais pas être humoriste comme moi, t’es pas drôle !’’ comme ce n’est pas ni une critique ni un reproche, mais seulement une taquinerie comme il en a l’art et le secret, Izan l’attire finalement contre lui, jusqu’à ce que leurs torses soient collés l’un à l’autre, et s’il l’entend prendre la parole pour tenter de mesurer ses élans espiègles, il le fait taire sans l’avoir véritablement écouté, ses lèvres venant se déposer sur les siennes pour l’étourdir d’un baiser qui signe peut-être l’apaisement. Sa main libre ayant agrippé le bas de son t-shirt, le musicien s’attache à faire pleuvoir une pluie de baisers sur la bouche de son petit-ami, la sienne prenant progressivement la forme d’un sourire malicieux tandis qu’elle dérive vers le coin de sa mâchoire pour lui murmurer ’’J’aime bien quand tu m’engueules…’’ qui est soufflée d’une voix un peu plus sensuelle qu’il ne le faudrait mais, cela ne l’empêche pas de se détacher de lui pour dire, le plus simplement du monde : ’’Allez, en route ?’’

« tu penses que je ne suis pas assez fort? » c’est une vraie question ? qu’il se demande en inclinant légèrement son menton sur le côté et en haussant légèrement ses sourcils, comme pour questionner la teneur essentielle de cette interrogation qui n’en est pas vraiment une à ses yeux, et s’il répond premièrement par un ’’Non, j’le pense pas…’’ laconique, c’est pour mieux poursuivre par ’’…J’en suis sûr.’’ qui illumine son visage d’un sourire radieux, suffisamment malicieux pour paraître enfantin mais, les yeux qui glissent sur la carrure du guitariste sont bien loin d’être innocents, puisqu’ils ne dissimulent rien de l’admiration qu’il a pour le corps de son petit-ami, dont le pianiste pourrait redessiner les contours les yeux fermés, des courbes et une peau qu’il a appris à aimer et dont il a la certitude de ne jamais se lasser, puisque leurs étreintes ont la saveur du encore et du toujours à la fois. ’’Celle-là était facile.’’ il le reconnaît mais ça ne l’empêche pas de minauder en ondulant légèrement son menton de gauche à droite avec une certaine fierté dans le regard, une fierté qui devient espièglerie lorsqu’il annonce son nouveau plan de carrière ; pas sûr que son label, qui mise des sommes astronomiques sur lui, soit d’accord ceci dit « je suis certain que peu importe ce que tu choisirais de faire advenant le cas que tu ne puisses être pianiste serait une réussite… » c’est un rire beaucoup plus doux qui s’extirpe de ses lèvres, même s’il secoue finalement son visage de gauche à droite en baissant légèrement le menton, ayant toujours cette difficulté à accepter les compliments, même venant de l’homme qui a conquis son coeur, contre lequel il se blottit, celui qui lui inspire la plupart de ses mélodies… Le pianiste est capable d’entendre qu’il est doué, mais la personne derrière l'instrument, non.

Mais s’il reconnaît difficilement ses propres qualités, il est davantage enclin à appuyer la théorie de Ash, si bien que lorsqu’il avance l’idée qu’il est le plus raisonnable des deux, Izan ne cherche pas vraiment à la réfuter ; faisant simplement claquer sa langue contre son palais, il hausse ses épaules en les rapprochant de sa nuque avant de l’attirer contre lui, préférant conclure cette discussion par ses lèvres qui se déposent sur les siennes avec douceur, sans se préoccuper un seul instant des possibles randonneurs qui passeraient sur le sentier non loin d’eux. Il n’y a rien de déroutant à ce qu’il l’embrasse, cet homme qu’il tient entre ses bras dans un besoin inconscient de conservation, puisqu’il l’aime et que cet amour, indomptable, furieux, borné, infini, est visible dans chaque geste qu’il lui accorde, dans chaque regard qu’il pose sur lui, dans chaque baiser qu’il lui donne. « tu vas me rendre fou… » qui lui provoque un sourire qui est corrompu par le fait que ses dents de devant viennent mordre dans le coeur de sa lèvre, suggérant que ’’C’est peut-être le but…’’ qui est prononcé d’une voix tout aussi lascive que les mots précédents, bien que son corps s’éloigne de son amant. « Les choses que je vais te faire lorsqu’on sera de retour chez toi…. tu as même pas idée… » il n’a idée mais ça l’intéresse suffisamment pour qu’il pivote sur ses jambes sans cesser de marcher, et sans délaisser le sourire hautement suave qui orne ses lèvres, puisqu’il y a bien des images qui traversent le tableau de ses pensées, et elles lui sont toutes évocatrices de la complicité qu’ils partagent, mais il n’a guère le temps de lui répondre que, déjà, son compagnon se dérobe pour s’élancer à toute vitesse sur le chemin, lui arrachant un rire à la fois désabusé et amusé ’’TU VAS TE TORDRE LA CHEVILLE T’AS PAS L’HABITUDE DE COURIR’’ c’est pas moins une vraie mise en garde qu’une taquinerie, et s’il le rejoint en quelques enjambées sans grande difficulté - et avec la respiration parfaitement limpide, c’est pour le gratifier d’un ’’La seule chose que tu vas me faire, visiblement, c’est une crise d'asthme…’’ parfaitement malicieux. Appuyant ses mains sur ses hanches, il incline légèrement son menton vers le bas en cherchant son regard, se retenant visiblement - et sans trop de volonté, de rire. ’’C’était impressionnant, je dois dire… Non sérieux t’as dû parcourir quoi…’’ il fait mine de se pencher sur le côté pour jauger de la distance avec leur précédente position ’’…100 mètres, je pense. T’es prêt pour le marathon bébé, félicitations !’’ est-ce qu’il s’est assez moqué de lui ? Non ’’Tu veux que j’appelle les secours ? P’tête qu’il faut te mettre sous oxygène…’’

« tu vas me rendre fou… » qui fait écho aux mots prononcés par cette même voix suite à leur premier baiser ô combien étourdissant et vertigineux, mais le lien ne s’établit pas tout de suite dans l’esprit du musicien qui, obnubilé par son petit-ami, par les traits séraphiques de son visage, par la courbe pleine de ses lèvres, par le grain de beauté qui couronne presque le coin de sa lippe supérieure et par la couleur étincelante de ses yeux, est bien trop occupé à le caresser du regard pour y songer. « c'est déjà le cas... mon coeur. » le surnom dont il est affublé, infiniment tendre, glisse autant sur les lèvres du guitariste que sur le coeur du pianiste, dont les épaules s’abaissent de quelques degrés comme si la parole ainsi murmurée de son amant, dont les mots assouplissent la malice pour la changer en tendresse, l’apaisait irrémédiablement. Et peut-être davantage que la sérénité apportée à ses élans tranchants, c’est une émotion toute particulière qui le traverse, à laquelle il est trop peu familier pour ne pas s’en émouvoir et s’en étonner, si bien qu’il baisse le menton en même temps que ses longs cils, sa bouche affirmant seulement la douceur qu’il éprouve par le sourire tracé sur cette dernière. C’est presque trop facile pour Ash, il n’a besoin que d’un sourire, que d’un geste, que d’un mot, pour calmer l’incorrigible garnement en un être douceur qui lui dédie entièrement l’affection donc il est porteur…

Mais la parenthèse doucereuse ralentit considérablement leur périple, et même si l’anglais s’emploie à rattraper leur retard par une course plus ou moins rapide sur le sentier, il se heurte rapidement à son souffle qui s’étiole sous l’effort, puisqu’il n’est pas assez coutumier de l’exercice physique (sauf un) pour ne pas en souffrir ; de quoi offrir un vaste océan de railleries et taquineries à Izan, qui vogue littéralement sur les prouesses considérablement discutables de son amant, assis sur le sol terreux tel un enfant incapable de se mouvoir après une activité épuisante - considérant le fait qu’il a couru deux minutes, donc « J'apprécie énormément tes encouragements… » il pouffe de rire en se laissant volontiers tomber à côté de lui, prenant une posture similaire sans le quitter des yeux, bien que ces derniers soient légèrement plissés par l’amusement ’’Heureusement que t’as plus d’endurance dans un autre domaine, hein…’’ et heureusement que personne ne peut les entendre, ouais ’’T’évanouis pas, parce que si tu t’évanouis c’est moi qui conduis de nouveau ta voiture.’’ c’est même pas du chantage : il lui donne une bonne raison de rester conscient ! Appuyant son coude sur son genou plié et le coin de son menton dans sa paume, il l’observe de haut en bas sans perdre son sourire, bien qu’il soit moins large à présent. « Ouais, je pense qu’en effet j’aurais besoin d’oxygène, tu m’en donnes? » levant les yeux au ciel en secouant lentement son menton, il redresse sa nuque en laissant sa main retomber dans le vide « tout était prévu…. » - ’’menteur’’ qu’il marmonne en se penchant néanmoins vers lui pour d’abord embrasser son épaule, appuyant ensuite son menton sur ses dernières avant d’y basculer sa tempe, se blottissant contre ses flancs ’’C’était une chouette balade, en tous cas. Même si j’pense qu’après de tels efforts, il va te falloir plusieurs jours pour t’en remettre…’’ même s’il ne peut pas voir son visage, Ash doit clairement entendre qu’il a parlé en souriant, pendant que ses doigts arrachent distraitement des brindilles d’herbe pour les jeter un peu plus loin. ’’On continue ou on rentre ? Les deux me vont.’’