Le scénario t’as fait rire. Ce film baignant dans l’univers du Western, dont l’histoire était aussi improbable que rocambolesque et dont les scènes d’action démesurées t’avait tapé dans l’oeil et tu t’entêtais à vouloir jouer quelques cascades pour y participer. Le seul problème qui persistait était que tu n’avais jamais fait d’équitation alors que de nombreuses scènes incluaient des chevaux. Alors tout naturellement, la fierté gonflée, tu t’es imaginé qu’en quelques cours, tu saurais maîtriser les quelques compétences exigées. Parce que tu te penses trop doué. Si d’autres pouvaient le faire, il était naturel de penser que toi aussi. Il te fallait simplement un professeur. Et il t’es rapidement apparu, une vieille connaissance de la fac.
Catarina tu la connais depuis peut être huit ou dix ans. Mais ça faisait peut être cinq ou six ans que tu ne l’avais pas vue. Pourtant t’as toujours gardé un bon contact avec elle, la vie vous a simplement éloignés avec les années, espaçant vos conversations jusqu’à la réduire au silence. Alors cette petite appréhension à l’idée de la revoir t’étonne un peu. Tu ne sais plus comment t’adresser à elle lorsqu’elle sera face à toi: ignorer les années qui s’étaient écoulées sans un mot ou adopter des retrouvailles plus distantes. Et plus t’y penses, moins ça te semble naturel.
Pourtant, tu n’avais pas hésité un instant avant de lui envoyer un message, parce que l’association d’idées avait été simple. Lorsqu’il s’agissait de cours d’équitation, le souvenir de la brune cajolant ses chevaux t’était revenu instinctivement. Tout s’était enchainé rapidement. Et te voilà sur la route, le GPS te guidant jusqu’au ranch que t’avait renseigné Catarina. Tes pneus commençaient à marquer le sentier menant au centre, et tes opales fouillaient déjà les lieu dans l’espoir de retrouver la silhouette de l’ancienne ostéopathe. Tu te gares sur ce qui semblait être le parking, avant de descendre de ton véhicule, le regard détaillant les lieux. Tu n’as jamais eu l’occasion de côtoyer souvent ces animaux en réalité, alors tu n’étais pas des plus à l’aise dans cet environnement. Les mains dans les poches de ton sweat-shirt rouge criard, tu fais quelques pas hasardeux vers la carrière pour observer les quelques cavaliers et t’imprégner des leurs gestes et attitudes. Assidu, tu passes quelques minutes à intégrer chaque mouvement, dans l’espoir d’en apprendre déjà un peu. Ton regard finit par s’attarder sur une silhouette qui semblait maitriser le sport mieux que les autres, et dont la monture ralentit en s’approchant de toi pour finalement s’arrêter juste à tes côtés. Tes yeux glissent jusqu’à son visage pour qu’un premier froncement de sourcil plisse ton front. Puis ils se haussent avec surprise lorsque tu reconnais enfin Catarina qui t’adresse un sourire, perchée sur son cheval. « Cat. Je savais pas que t’étais déjà en train de t’entraîner. » Le mot était sans doute mal choisi, preuve de ta méconnaissance. Toute l’appréhension avait finalement disparu au premier regard, pour laisser place à la nostalgie de vos années étudiante. T’as l’impression d’être redevenu ce gamin aux yeux pétillants, dont le sourire était arraché à chaque regard échangé. Tu n’as jamais caché à Catalina qu’elle te plaisait, même lorsqu’elle t’a avoué avoir déjà quelqu’un dans sa vie. C’est peut être ça qui t’as eu, son inaccessibilité. Tu ne pouvais pas l’avoir, et pourtant, comme un gamin capricieux, c’était elle que tu voulais. Tu n’es même pas certain que ce n’est pas uniquement ce jeu de charme qui t’attirait tant. Et ces souvenirs te frappent violemment lorsqu’elle te sourit, comme pour te rappeler à quel point elle avait du charme. Peut être que ce n’était que la nostalgie qui parlait mais elle te semblait plus radieuse encore. « Je savais bien que j’avais choisi la bonne prof, tu sortais clairement du lot. » Tu commences pas la flatter, comme une vieille habitude dont tu ne pouvais plus te défaire. « Cela dit, je veux bien encore une petite démo de ton savoir faire. »  Tu demandes, attentif. Ce n’était pas demandé par politesse, mais bien pour évaluer son niveau, alors que tu n’y connaissais rien. Tu voulais juste voir à quel point elle pouvait avoir l’air classe sur sa monture. Tu appuies tes avant bras sur la rambarde qui vous sépare, le sourire au coin des lèvres. « Il s’appelle comment? » Tu demandes, d’un mouvement de tête vers l’équidé, sans encore oser tendre la main vers l’animal, te contentant pour l’instant d’observer.  

Tu observes les foulées s’enchainer, alors que la vitesse commence à ébouriffer la crinière de la jument autant que de sa cavalière. Tout a l’air si simple, tout s’enchaîne sans accroc. Le cheval emprunte quelques virages maitrisés, avant de sauter par dessus un tronc d’arbre sans aucune difficulté. T’as presque l’impression qu’à la fin de la journée, tu pourrais faire la même chose, tant son aisance feint la simplicité. Tu vois un sourire radieux naitre sur les lèvres de Catarina avec fierté, alors qu’elle cajole l’animal qui ralentissait lentement le pas pour revenir à tes cotés. Elle descend ensuite de sa selle, pour attacher la jument à coté d’une autre qui patientait là depuis que tu étais arrivé. « Elle. » Tu acquiesces à la correction, ne t’étant même pas posé la question du sexe. « Elle s’appelle Kali. » De nouveau tu acquiesces, observant attentivement Kali qui reprenait son souffle. Tu ne te souvenais pas qu’un cheval, c’était aussi imposant. Catarina vient ensuite déposer la paume de sa main contre l’autre jument installée à coté de Kali, comme pour reporter ton attention sur elle. « Et je te présente Néri. Ce sera ta monture pour aujourd'hui. » Tu t’avances à ton tour vers l’animal, et tu ne sais pas trop pourquoi, tu tends la main devant son museau, comme pour lui faire sentir ton odeur. Sauf que Néri est bien plus grosse qu’un chien, et que tu ne sais absolument pas si c’est le comportement qu’il faut adopter face à un cheval. « Salut Néri. » Tu te risques à caresser son museau après un moment d’hésitation. Tu n’as aucune idée d’à quel point ce que tu pouvais faire pouvait énerver l’équidé ou l’adoucir, mais tu improvisais. « Ce sont les tiennes? Ou elles appartiennent au club? » Tu demandes avec curiosité, reportant ton attention sur la brune.

« Comment tu vas ? T’as pas changé ! » Un rire s’échappe de tes lèvres. Ce genre de phrases est toujours prise comme un compliment. Et ça devait l’être, en approchant dangereusement de la trentaine. Alors ça t’amuse autant que ça te fait plaisir, en plein déni de ta vingtaine qui disparaitra dans quelques semaines à peine. « Ça va écoute, quelques petites réorientations comme toi. J’ai aussi arrêté la médecine, pour me lancer plutôt dans le sport. J’suis beaucoup moins confronté aux gens désagréables. » Ou bien étaient-ce les patients qui étaient à présent moins confrontés au médecin arrogant. Tu justifies un choix qui n’en était pas un comme tu peux. Tu restes toujours évasif sur ce changement brutal, et te contentes de banalités ou d’histoires rodées que tu avais l’habitude de répéter comme une tirade. « Et toi, comment tu vas? Tu n’as pas changé non plus d’ailleurs, toujours aussi radieuse. » Tu lui lances, un sourire qu’elle connaissait trop bien aux coins des lèvres. Le même qu’il y a sept ans. Le charmeur tu arbores trop vite, à n’importe qui. Simplement parce que t’aimes ça. « Je suis content que malgré le fait que t’aies arrêté le boulot d’ostéo, tu continues l’équitation. J’avais du mal à t’imaginer sans chevaux. » C’était une passion de Catarina que tu avais bien assimilé. Elle en parlait souvent, était fréquemment fourrée dans son ranch. Et comme t’es un mec passionné, qui ne fait pas que frôler l’addiction, tu ne peux que comprendre ce besoin régulier d’y retourner. « Et je t’avoue que ça m’arrange bien d’apprendre avec quelqu’un que je connais et que j’apprécie. » Tu enchaines, la brosses dans le sens du poil. C’était habituel. T’as toujours cette image de gars sympa et adorable au début. Tu jettes un oeil au casque qu’elle avait sous le bras, te rappelant que le tien attendait sagement dans la voiture. Ça te dégoutait un peu d’en emprunter un, alors t’avais préféré acheter le tien. C’est à peu près le seul effort que tu avais fait, peu enclin à enfiler des bottes ou tout autre accessoire équestre. « Attends, je vais chercher le mien. » Que tu lances en retournant à ton véhicule en trottinant. Tu ouvres la portière, te penches pour attraper la bombe qui avait glissé sous le siège, refermes la caisse et la rejoint d’un même pas pressé. « Et comment va Lysandre, c’est bien ça? » Que tu lances en arrivant près d’elle. T’es plus tellement certain du prénom de celui qui partageait sa vie à l’époque. C’était quelque chose de bizarre comme ça. Mais c’était surtout une façon de lui demander si elle le fréquentait toujours, de façon à peine voilée. Tu n’avais pas remarqué de bague à son doigt, tu supposes qu’elle n’était donc pas mariée, avec lui ou un autre.

« J’ai acheté Kali il y a un an, c’est une jeune jument. Pour Néri, elle appartient au centre, c’est une vieille dame, mais elle est très patiente et calme. Je me suis dit que ce serait une bonne monture pour les bases… » Ça te rassure, ce qu’elle te dit. Elle a toujours été attentive aux autres, Catarina, et elle s’est adapté à ton niveau. Alors si tu gardes avec toi la petite vieille, pour le moment, ça t’aillait bien. « Ok, super. » Tu souffles, le regard jonglant entre les deux juments présentant un calme exemplaire. 
Lorsque le rouge colore ses joues après ton compliment, ton sourire s’élargit, amusé par sa réaction. T’as cette impression que rien n’avait changé finalement, que vous étiez toujours deux gamins qui entamiez à peine la vingtaine. Et ça fait du bien. Pouvoir de nouveau revivre pendant quelques minutes ces instants de légèreté, ça apaise.

« Léandre… » Ah oui, c’est vrai, Léandre. « C’est terminé depuis deux ans. » C’est fou ce qu’elle semble tendue d’un coup. Tu lui lances un regard quelque peu interrogateur face à sa réaction inopinée. Une séparation n’est jamais agréable à annoncer, mais au bout de deux ans, en général, la plaie était refermée. Ce qui ne semblait pas être le cas. « On était pas fait l’un pour l’autre, c’est la vie… » Tu hausses tes épaules face à cette phrase toute faite, qui n’expliquait rien mais exprimait à quel point elle ne souhaitait pas entrer dans les détails. « Oh dommage, vous formiez un si joli couple. » Tu n’en penses pas un traitre mot. Elle pouvait le devenir à l’intonation de ta voix ou au sourire qui germait sur tes lèvres. Non pas que tu te réjouisses de leur malheureux. Ou peut être un peu. Mais tu as toujours eu une dent contre lui. « Je suis sur que tu seras bien mieux sans lui si tu veux mon avis. » Et même si elle ne te l’a pas demandé, tu le lui donnes. Mais tu n’as pas idée d’à quel point ta phrase était juste. Tu ne t’étais jamais douté de la toxicité de la relation qui liait ce deux là. Parce qu’elle avait vraiment l’air heureuse avec lui. L’air, tout était dans le mot.
« Tu as déjà une bonde du coup ? C’est cool… » Tu hoches doucement la tête. « Oui, j’ai préféré en acheter une neuve plutôt que de devoir en emprunter une. » Tu réponds simplement, évitant de t’étendre sur le dégout que tu ressentais à partager ton casque avec un inconnu. Elle s’occupe ensuite de détacher les chevaux, pour les mener un peu plus loin. « Viens, on va retourner aux box pour que tu puisses t’approcher un peu plus et faire connaissance avec Néri. » Tu te contentes de la suivre, de l’autre coté de la barrière, n’osant pas la sauter de peur d’effrayer les chevaux. « Il y a six règles importantes à observer avec un équidé : Premièrement, être calme et attentif à ce que tu fais. Deuxièmement, on ne court pas et on ne crie pas. Troisièmement, pas de gestes brusques. Quatrièmement, on ne passe jamais derrière un cheval. Cinquièmement, on lui parle pour ne pas le surprendre, ils aiment savoir quand il y a quelqu’un qui arrive, surtout si tu n’es pas de face. Et sixièmement, avec délicatesse, on passe sa main sur le corps de l’animal pour qu’il sache où tu te trouves. » C’est un peu étrange, mais chaque fois que tu prenais un cours, peu importe le domaine, ça te renvoyait aux bancs de la fac. Et apprendre, ça a toujours été un plaisir pour toi, même si la théorie n’a pas toujours été ta prédilection. Aujourd’hui elle te manque, peut être par pure nostalgie. Parce qu’aujourd’hui, la théorie, t’en avais très peu dans ton métier. « Ça en fait des règles. » Tu t’amuses à répondre, attentif à son discours mais reprenant rapidement ta place de cancre. Et avant même qu’elle te lance le regard typiquement réprobateur du professeur, tu reprends. « Ok ok. C’est noté. Je ne comptais pas leur faire peur de toute façon. J’ai pas envie de faire un 1VS1 contre un cheval. » Tu ne peux pas t’empêcher de faire de l’humour. Tu incapable de rester sérieux bien longtemps, même lorsque tu étais concentré et motivé. Elle t’ouvre l’enclos, et tu t’y glisses doucement, comme elle vient de te le demander. « Du coup, ce que je te propose dans un premier temps c’est de vous apprivoiser. Tu vas t’adresser à elle, lui dire où tu te trouves tout en venant poser délicatement tes doigts sur elle. » Tu l’observes, quelque peu désemparé. Elle se met à caresser le ventre de sa jument, alors que tu te sens bête à devoir discuter avec la tienne. « Je suis là Kali. » Qu’est ce que t’es sensé dire exactement à Néri? Lui faire une déclaration? Tu l’observes pendant de longues secondes sans savoir vraiment comment entamer la discussion à sens unique avec l’animal, pendant que te doigts viennent doucement glisser sur son flanc. « Et c’est encore moi… » Bon dieu, ce que tu te sens con, là tout de suite. La jument tourne doucement la tête vers toi, et se met à te fixer à son tour. « Me dévisage pas comme ça. J’fais au mieux tu sais. » Puis elle se met à émettre un son que tu interprètes comme un soupire. « Ouais je sais. Moi aussi. Mais fais comme si elle était pas là. » Tu fais mine de le lui murmurer, quand tu parlais malgré tout suffisamment fort pour que Catarina t’entende, lui lançant un sourire amusé. Tu continues de longer ses cotes du bout des doigts pour venir ensuite lui caresser l’encolure. « J’crois qu’il se passe un truc entre elle et moi. » Que tu lances à Cat d’un ton rieur.

« Pourquoi t’as besoin de prendre des cours ? » Tu t’avances vers la tête de Néri, prenant un peu plus de confiance face au calme olympien de la jument. Finalement c’est presque elle qui te rassure plus que tu ne le fais. Tu glisses ta main sur sa joue avant de venir la placer sous sa mandibule. « Y’a un film un peu type Western humoristique qui va se faire. Le scénario a l’air sympa donc j’aurai aimé tenté d’y participer. » Tu réponds nonchalamment. Pourtant, tu rêves d’en faire des tonnes, parce que c’est un peu un rêve de gosse que tu réalises en exécutant des cascades depuis quelques années. Ou plutôt un autre rêve, puisque le premier, on te l’a brisé il y a trois ans maintenant. « Mais pour ça, faut avoir quelques compétences en équitation, et quelques notions de voltiges je crois. » Tu ajoutes, reportant ton regard sur Catarina. « Et du coup, toi, pourquoi un salon de thé? » Tu n’avais pas rebondi sur le sujet lorsqu’elle t’en avait parlé par message. C’est chose faite à présent.

« Crois-moi, c’est la dernière chose dont tu as envie ! » T’as beau courir vitre, face une bête de quatre cent kilos courant à trente kilomètres à l’heure, t’es pas certain de faire le poids. Et t’as pas franchement envie d’essayer non plus. « Tu parles d’expérience ou? » Tu te doutes que la brune n’avait jamais tenté de provoquer un cheval, c’était assez évident. Mais peut être avait elle des anecdotes à ce sujet, qui pourraient sincèrement avoir un coté aussi amusant que dramatique.
Puis une séance plus calme commence, te contenant de câliner le vieille dame qu’est Néri tout en lui soufflant quelques phrases. Ça avait un coté relaxant, tant que ça ne durait pas. « J’en suis persuadée, Néri apprécie les jeunes... » Tu observes Néri d’un air espiègle, reprenant une conversation qui n’a pour but que d’amuser Catarina. « Aaaah. J’m’en doutais. J’suis pas un mec facile tu sais. » Que tu argumentes face à la jument, tes propres mots suffisant à t’amuser.

Tu continues justifier ton choix, quand tu croises le regard de Catarina qui semblait t’observer jusque là. Par réflexe, elle détourne ses pupilles, comme si elle n’assumait pas son coup d’oeil, comme si tu l’avais prise sur le fait. Alors tu te mets à la fixer à tour, sans détourner tes opales un instant, le sourire railleur. « Après avoir quitté la kinésithérapie équine, il fallait bien que je trouve quelque chose pour subvenir à mes besoins… » Elle te rejoint sans que tu ne l’interromps, continuant à t’expliquer tout ce que tu avais manqué jusque-là. « J’ai trouvé ce petit boulot de serveuse dans un salon de thé et il y a un an la propriétaire est partie à la retraite. Elle m’a proposé de m’occuper du salon de thé parce qu’elle ne voulait pas le voir se fermer. » C’était donc un concours de circonstances, et pas un premier choix. Ça fait au moins un belle histoire à raconter, d’autant plus qu’elle semblait plutôt épanouie dans ce qu’elle faisait. « Elle m’a laissé carte blanche pour la reprise et j’ai tout retapé. » Tu souris doucement, observant la fierté dans ses pupilles. Monter sa propre affaire n’avait rien de simple, tu t’en doutais. Alors elle pouvait l’être, fière. « Ça a l’air d’être un bon plan. Je suppose que ça te plait du coup? » T’avais assez peu de doute à ce sujet. Elle n’aurait pas repris l’entreprise dans le cas contraire. « Il faudra que je passe voir tes talents de décoratrice d’intérieur. Il est où ce salon de thé? » T’es pas forcément thé mais tu ne détestes pas. Et t’étais assez curieux de voir ce que Cat avait pu faire. « Et pourquoi pas prof d’équitation du coup, ou quelque chose comme ça? Tu voulais complètement changer de branche? » Tu demandes, cherchant à comprendre pourquoi elle s’était tant éloignée de sa première passion. Peut être un ras le bol. Peut être la lassitude. Peut être pour séparer passion et travail, et avoir quelque chose qui permet réellement de couper avec les problèmes du boulot.

« Cascadeur donc… » Elle arbore un sourire amusé contagieux, qui vient naitre sur tes lèvres en réponse. « Quoi? » Que tu lui demandes d’un geste du menton, tes sourcils se arquant avec interrogation. « Je suis presque pas étonnée ! » Tu cherches à déceler le message caché derrière sa taquinerie dans un regard insistant, en vain. « Et pourquoi ça? » Peut être parce que t’as toujours eu le profil du nerveux qui ne sait pas tenir en place, qui fait du sport à outrance et qui n’a aucun instinct de survie. Toutes les qualités requises pour devenir cascadeur. Donc ça faisait quelques arguments plutôt évidents. « J’espère que ta copine n'a pas peur que tu te blesses. » Tu ne peux contenir un court rire léger, face à une interrogation qui se voulait être tout autre. Sa question indirecte était presque aussi subtile que la tienne. La bonne blague, ta copine. Elle a jeté l’éponge depuis longtemps celle ci. Ça fait des années que tu n’as pas présenté quelqu’un à ton entourage, bien trop conscient qu’elles n’étaient que de passage dans ta vie. « Y’en a plus et tu sais, je crois qu’au final, on était pas faits l’un pour l’autre, la vie, tout ça. » Que tu rétorques en reprenant volontairement ses mots. Juste pour la charrier un peu. Et t’es plutôt fier de toi. « Je peux me faire autant d’hématomes que je veux, j’ai personne pour me râler dessus en rentrant à la maison. » Comme si ça se résumait à ça, une vie avec toi. C’était bien plus compliqué de te supporter au quotidien. Et même si tu avais bien compris que celles qui partageaient ta vie quelques jours ou quelques mois devaient présenter une patience exemplaire -elle n’ont qu’à prendre exemple sur Néri-, tu avais presque arrêté de faire des efforts. Ça ne menait bien souvent à rien. « Le but c’est quand même que je ne m’en fasse pas plus aujourd’hui. » Tu dis en lançant un regard entendu à Néri, comme si elle pouvait comprendre ce que tu racontais. Tu ne voulais pas chuter, pas le premier jour. « Cela dit, entre un ancien médecin et une ancienne ostéo, je pense qu’on devrait s’en sortir si je me casse la gueule. » Que tu ironises. Certes, elle était ostéo équin. Mais ça doit être sensiblement la même chose, non? Simplement dans des proportions différentes, une articulation restait une articulation et un muscle, un muscle. Peut être. Le but restait de ne pas tomber. En tout cas, pas involontairement. T’as suffisamment vu des chutes à cheval arriver aux urgences avec des commotions cérébrales et autres joyeusetés neurologiques ou orthopédiques. « Maintenant que madame a d’ailleurs eu sa séance massage, tu crois qu’on peut passer à l’étape suivante? » Non pas que câliner un animal pendant un journée entière en compagnie de Catarina te déplaise, mais monter sur le dos de Néri était tout aussi attrayant.

« Avec plaisir ! L’Atelier du Thé, à Spring Hill. » Tu sens un réel entrain dans sa voix, donc tu n’y couperas pas. T’iras boire un thé dans ce cas. Tu discuteras d’ailleurs plus que tu ne consommeras, ce n’était encore une fois qu’une excuse pour la revoir. « Ça doit pas être très loin de chez moi. Tu y es tous les jours? » Tu demandes, sortant ton téléphone de ta poche pour noter le nom du magasin. C’est qu’il ne devait pas y en avoir qu’un, à Spring Hill, même si le quartier n’était pas immense. « J’avais besoin de mettre ma relation avec Léandre derrière moi et l’équitation était une chose que nous avions en commun… » Tu acquiesces simplement, hochant doucement la tête. Rupture difficile donc. T’as peut être touché un sujet sensible sans le vouloir, la curiosité trop aiguisée. Tu parles toujours trop, trop vite, autant que tu agis sans réfléchir. « Oh, ok. » Tu te contentes de répondre, n’insistant pas sur le point douloureux. Tu ne sais que trop bien à quel point ça pouvait braquer. Ça t’arrivait parfois, d’être raisonnable.

« J’sais pas, t’as jamais eu peur de prendre des risques… » C’est plutôt vrai. Et ça ne concernait pas que le sport. T’en as fait plusieurs fois les frais, plus ou moins violemment, autant dans ta vie professionnelle que personnelle. A priori, ça ne t’a pas servi de leçon puisque le problème était le même. Tu prenais toujours des risques sans en craindre les conséquences. Alors cascadeur, c’était sans doute le seul domaine où ça pouvait être une qualité. Et encore que. Prendre des risques inconsidérés, ça ne plaisait à personne sur le plateau, en général. Ça ne te plaisait qu’à toi. Alors tu devais sans cesse te contenir, et quelques fois, certaines gamelles te calmaient pour quelques semaines, quelques mois, si tu cassais une cote. Parfois une gifle de la vie ça te remettait les idées en place. « J’ai du mal à te contredire, là, tout de suite. »
Et à force de parler du boulot, commencer à apprendre le côté pratique de l’équitation commençait à te démanger. « On peut. »  Tu lui offres un sourire impatient, pire qu’un enfant qui attendait devant un manège. « On va lui installer la selle. » Tu l’observes attentivement, pour la voir revenir avec une selle et une sorte de couverture. Elle pose le tout sur la jument, sans que tu ne saches comment l’aider, puisque ça n’avait pas l’air léger. « C’est très simple en vérité. On met d’abord le tapis. Puis la selle en elle-même. » Qu’elle t’explique en te montrant les deux différentes couches. « Et le tapis ça sert à? » Tu te montres curieux, cherchant à comprendre un peu mieux. Peut être au confort du cheval. Ou pour éviter que la selle glisse. Tu n’en sais trop rien. Tu ne t’étais jamais posé la question avant aujourd’hui. « Le pommeau doit se trouver derrière l’épaule du cheval, c’est la position neutre. On dégarrote. » Tes sourcils se froncent quand tu entends un mot complètement inconnu à ton vocabulaire. « On quoi? » Tu répètes comme si elle t’avait parlé une autre langue. T’as pas la moindre idée de ce que ça pouvait dire. Ils étaient bien compliqués, les cavaliers. « On sangle en prenant soin de laisser l’espace d’une main entre la sangle et le coude. » Elle explique tout en exécutant, et tu te penches légèrement pour retenir ce qu’elle faisait. T’aimerais pouvoir tout refaire sans son aide, la prochaine fois. « Et enfin, on vérifie qu’il y a de l’espace entre la selle et l’épaule ainsi que le garrot. » Encore une fois, t’as du mal à suivre tout ce qu’elle te dit. Refaire les mêmes gestes, tu penses y arriver à peu près. Pourquoi tu le faisais, ça, ça pouvait rester un mystère. « Et c’est quoi la différence entre l’épaule et le garrot? » Il y a peut être un peu trop de vocabulaire nouveau d’un coup pour toi. Tu avais l’habitude d’employer des termes technique toute la journée au bloc opératoire, mais les définitions, là, tu ne les avais pas. Elle enfile son casque, te fais un mouvement de tête pour t’inviter à en faire de même. Alors tu t’exécutes, ajustant la lanière sous ton menton. T’es pas certain de l’allure que tu devais avoir avec ça sur le crâne. « Pour monter, tu attrapes le pommeau de la selle, tu poses le pied gauche sur l’étrier et tu te hisses dessus en passant ta jambe droite de l’autre côté. » Elle s’exécute pour te montrer l’exemple, avec une certaine aisance qui te donne de nouveau cette impression que tout est facile. « Comme dans les films. » Tu conclues d’un air amusé. Elle redescend de sa monture et te laisse la place pour que tu tentes à ton tour. « Je suis à côté si t’as besoin d’aide. » T’espères sincèrement ne pas en avoir besoin. Par pure fierté, parce que t’as l’impression de faire des choses bien plus complexes au quotidien. Entre les tournages, l’escalade et le parkour, tu te sentiras bien ridicule de ne pas savoir monter sur un cheval. « Ça devrait aller, je suppose. » C’est pas plus compliqué que d’escalader une paroi, si? Tu l’imites, poses un pied dans l’étrier, ta main sur la selle et tu te lances sans trop réfléchir. Ce qui t’étonne dans un premier temps, c’est la petite instabilité du cheval. Ça te change d’un mur immobile à escalader. Alors tu reposes le pied par terre, te réajustant quelque peu. « Ok. » Que tu murmures, posant cette fois une main sur le pommeau mais l’autre sur le bas de la selle. Tu te hisses un peu plus à la force des bras cette fois ci, jusqu’à ce que ta jambe prenne le relai pour te donner suffisamment d’élan pour passer la seconde de l’autre coté. C’était original comme façon de faire, mais au moins tu y parvenais sans trop de problèmes. Tu passes une main sur l’encolure de Néri, comme pour t’assurer qu’elle était toujours d’accord pour que tu restes avec elle. Mais encore une fois, elle se montre parfaitement calme. Tu regardes ensuite Cat, impatient de te lancer. « Alors ça se conduit comment? » Tu t’amuses à la questionner. « On tire sur les rênes pour ralentir, un coup de talon pour avancer et on écarte la main d’un coté pour qu’elle tourne? » Le problème avec ton impatience, c’est qu’une fois qu’on t’explique la théorie, t’as tendance à te lancer tout seul, comme un grand, pour expérimenter les choses. Ça n’avait pas été une bonne idée dans une voiture de circuit, ça ne l’était toujours pas sur un cheval. Mais il parait que tu n’apprends rien de tes erreurs. « Et le truc là, d’agiter les rênes pour aller plus vite, ça marche? » Comme dans les films.

« Ça dépend, mais j’y suis quand même très souvent. T’as qu’à m’écrire quand t’es dans le coin. » Tu acquiesces simplement. Tu lui enverras sans doute un message la semaine prochaine, pour satisfaire ta curiosité, et t’infiltrer un peu plus dans la vie de Catarina, comme tu avais eu l’habitude de le faire il y a quelques années.

« C’est pour protéger la peau du cheval, éviter les frottements de la selle… » De nouveau, tu hoches la tête, continuant d’observer tout ce que Catarina pouvait te montrer, éclaircissant chacun de tes doutes. « On dégarrote. En tirant sur le tapis devant et derrière ça permet d'éviter les frottements ou compressions du garrot du cheval. » Ok, il fallait connaitre le mot. Tu pourras briller en société maintenant en employant ton nouveau vocabulaire. « Le garrot c’est au-dessus de l’épaule. » Tu fronces tes sourcils, découvrant que l’épaule était l’articulation sous le garrot. Pourtant, t’aurais juré que le garrot, c’était la place exacte de l’épaule. « Ah ouais? » C’est drôlement foutu un cheval finalement. T’es plus si serein sur les compétences de Catarina en ostéopathie humaine. « N’hésites pas à me reposer des questions, me demander des compléments ect… Je sais que je peux aller un peu vite des fois. C’est peut-être pour ça que je suis pas prof du coup. » Tu lui souris, observant un instant la profondeur de ses opales. « Tu expliques très bien, ne t’en fais pas. »

« Alors, on tient les brides à deux mains. Et on ne “conduit” pas un cheval, on lui donne des directions, on le dirige. » Tu t’exécutes, glissant la lanière en cuire entre tes doigts, jetant un oeil à la position des mains de Catarina pour la reproduire. « Ce serait trop simple sinon. » Tu ajoutes, préférant le moteur docile des bagnoles à l’imprévisibilité des chevaux. Pourtant t’adores les animaux. T’es juste pas forcément le plus à l’aise à l’idée de leur monter sur le dos. « Du coup, on évite de trop tirer sur les rênes, c’est relier à sa mâchoire et ça leur fait mal. » T’as l’air quelque peu surpris de l’information. Si ça leur fait mal, tu ne comprends pas l’intérêt de leur mettre quelque chose dans la bouche. « Ok. Et la même chose n’existe pas sans leur mettre dans la bouche? » Tu finis par l’interroger, assez déstabilisé par l’idée de pouvoir blesser la jument.
« On fonctionne à la pression, avec les talons tu vas exercer une légère pression pour le faire avancer. » C’est bien loin des coups de talons qu’on peut voir dans les films. Ses pieds se serrent presque doucement contre l’abdomen de la jument. Elle fait un petit bruit de bouche pour accompagner son geste, et Kali se met à marcher tranquillement. « Pour s’arrêter, on ramène les deux rênes en même temps, vers les hanches. Pour tourner, on tire sur les rênes du côté où on veut tourner et on peut aussi accompagner d’une pression de la jambe opposée. Pour tourner à droite, on fait pression de la jambe gauche par exemple. » Ça ne te parait pas naturel comme mouvement. Mais à voir lors de l’essai. De nouveau, Cat te fait une démonstration, bien attentive a être le plus clair possible. Tu l’observes, essayant de mimer le mouvement de ses mains. « Pour le trot, on exerce plusieurs pressions d’affilées et ta monture devrait partir. Je te conseil d’accompagner les mouvements du cheval, c’est-à-dire de lever les fesses et de les redescendre en gardant toujours les épaules bien droites. » Et elle démarre le trot, tapotant l’abdomen de Kali de petits mouvements de talons. Encore une fois, à regarder, ça ne te semble pas compliqué. Pourtant, tu ne saisissais pas encore toutes les subtilités. Tu attends qu’elle ralentisse pour à ton tour commencer à faire marcher l’animal. Tu presses doucement tes talons et… elle ne bouge pas. Elle se contente d’observer Kali, très peu concernée par tes tentatives. « Allez Néri! » Tu ajoutes, un peu plus sec sur des pressions sans doutes juste là trop douces. Et comme si la dame connectait enfin les informations reçues, elle se met soudainement à marcher d’un pas bien rapide, sans doute proche du trot. Elle ne t’avait pas prévenu que c’était fortement désagréable, tous ces rebonds sur la selle. T’as pas franchement l’impression d’avoir fière allure. Alors tu tires lentement sur les rênes pour qu’elle ralentisse, ce qu’elle fait pour adopter une allure plus proche du pas. Tu souffles, te redressant sur ta selle pour adopter une position plus confortable. « Elle a du gaz. » Que tu fais remarquer, pendant que Néri s’efforce de rattraper Kali. Vous faites quelques mètres l’un à coté de l’autre, découvrant petit à petit l’équitation, tu apprends à tourner, plus ou moins facilement, quand Néri veut bien y mettre du sien. Elle baisse quelques fois la tête au sol, pour brouter de l’herbe, t’emportant dans son élan pour te déséquilibrer vers l’avant. « Mais. Néri?? » Tu te redresses, observes Catarina avec impuissance, alors que ta jument s’amuse à te rendre les choses un peu plus complexes. T’étais trop confiant il fallait croire. « Je retire ce que j’avais dit sur le fait qu’elle ait du gaz. »

Ça t’amuse de voir le rose sur ses joues se dessiner. Assez pour que ça en devienne la principale motivation, et la faire rougir ressemblait de plus en plus à un jeu. « Ça leur fait mal si tu y vas comme un bourrin, mais il existe des mors qui ne se mettent pas dans la bouche effectivement. C’est plus compliqué à gérer pour un débutant. » Tu ne sais pas pourquoi, t’as la sensation que tu n’aurais pas du poser cette question, alors tu restes silencieux et la laisses poursuivre sans la couper d’avantage. Jusqu’à ce que vous montiez sur vos chevaux. Après un trot forcé à revenir au pas, elle te rattrape pour mieux te montrer les mouvements. C’était sans compter sur Néri qui, après plusieurs dizaines de minutes, semblait aussi têtue que toi et qui venait de décider que la pause déjeuner, ce serait pour maintenant. Et t’as beau râler, et lui lancer un regard désapprobateur, elle ne semble absolument pas se sentir concernée. Ce qui était certain, c’est que ça amusait Cat. « C’est une vieille Dame, Win… » Justement. Elle devrait se montrer un peu plus sage et conciliante, non? « Elle ne devrait pas montrer l’exemple justement? » Ou alors c’est une de ces vieilles rusées qui utilise son expérience pour profiter des autres. Comme ta voisine de pallier. Quelle vieille peau celle là. « Ce n’est pas parce qu’elle est facile à vivre qu’elle n’a pas du caractère. » Tu tapotes doucement l’encolure de l’animal avec une certaine affection. Si tu jouais la carte du râleur, tu ne dépréciais pas pour autant Néri. Et tes mots n’étaient pas toujours en raccord avec tes actes. Parce que ce ne sont que des mots. Et que souvent, c’est ta façon d’agir, qui compte. « On a des points en commun, Néri. » Que tu te moques. En réalité, on ne te dit pas que tu es facile à vivre. Parce que tu ne l’es pas. Mais te dire que tu avais du caractère, c’était bien souvent un euphémisme, une façon polie d’exprimer à quelle point tu étais insipide. « Elle broute, elle a sûrement faim. Essaie de lâcher un peu les rênes pour ne pas être trop entraîné vers l’avant. » Comme elle te le conseille, tu lâches les rênes pour ne les tenir qu’à leur extrémité d’une main, attendant que la Néri veuille bien redresser sa tête. Tu peux ainsi te rassoir correctement sur ta selle. De nouveau, Cat fait un petit bruit de bouche, et Kali vient frotter sa tête contre celle de Néri. « Qu’est ce qu’elles font? » C’était une forme d’affection, comme pour les chats?

« Suis moi, on va aller vers les mangeoires. » Et la revoilà partie avec aisance sur son cheval. Tu fais une petite moue indécise, jetant un oeil peu convaincu à Néri avant de renouveler la pression de tes talons contre son ventre. Et cette fois ci, elle accepte le démarrage et suit docilement Kali. Tu ne sais pas si tu dois t’en réjouir ou prendre ça comme une provocation. La brune s’arrête quelques mètres plus loin, descend de sa jument, et tu en fais de même. Elle vient retirer les mors des chevaux, les laissant tranquillement s’alimenter à leur bon vouloir. « On va faire une petite pause. » Elle commence à s’éloigner et tu la rejoins rapidement en quelques foulées, t’adossant contre la barrière pour observer les deux juments. « Comment tu le sens jusqu’à maintenant ? » Elle croise les bras, s’installant à coté de toi. Tu fais une petit moue pensive, avant de finalement poser les yeux sur elle. « En vrai, ça va. Dépendre d’un autre être vivant pour les entrainements c’est… particulier. » Aussi frustrant qu’amusant, en soit, parce que tu ne pouvais strictement rien faire sans le bon vouloir du cheval, contrairement à la boxe où tu pouvais toujours frapper dans un sac si Ollie ne se pointait pas au rendez vous. T’avais l’habitude de pratiquer un sport dans l’excès, cherchant l’essoufflement et le coeur qui bat à tout rompre. T’as besoin de cette dose d’adrénaline quand tu frôles tes limites, et que ton corps est à deux doigts de lâcher, uniquement soutenu par ton mental. Et l’équitation, pour l’instant, t’en étais bien loin. Tu n’en étais pourtant qu’à l’introduction, mais t’étais un impatient. T’avais besoin de tout, tout de suite. « Mais ça change, et c’est pas plus mal. Et puis j’ai une super prof. Donc j’ai pas à me plaindre. » Ça faisait longtemps que tu ne l’avais pas complimentée tiens. Le naturel revenait si vite. « Tu fais du cheval depuis combien d’années toi, au total? Parce que ce qu’entre ce que je vois et ce que je fais, j’ai l’impression ça n’a rien à voir. » Tu ajoutes, un sourire amusé au creux des lèvres. « Et à part faire de tours de carrière et des sauts comme ça, tu fais d’autres choses avec elle? » Du horse ball, du dressage, de la voltige, t’en sais trop rien. Il parait que les disciplines sont assez variées. « D’ailleurs je te retourne la question. Comment toi tu le sens, jusqu’à maintenant? » Avec son oeil extérieur, c’était toujours interessant d’avoir son avis sur la question.

« Elle lui fait comprendre qu’il faut la suivre. » Tu hausses tes sourcils étonnés, jettent un œil à Neri qui semblait plus concentrée à présent sur Kali que sur la nourriture. « Mais elle est vachement intelligente ta jument. » Que tu ne peux t’empêcher de constater, surpris face à une compréhension de la situation qui t’étonne. Tu ne pensais pas qu’ils pouvaient communiquer entre eux de façon si claire et compréhensible. Presque humaine puisqu’à la place de Kali, tu aurais fait la même chose. « Avec le temps, j’ai pu associer quelques bruits de bouches avec des instructions. » C’était donc ça. Kali avait une connaissance parfaite du langage codé de Catarina, et s’exécutait sans le moindre mal. Cette jument était d’une docilité et d’une intelligence admirable. « Un claquement de langue peut vouloir dire “on y va”, deux “arrêtes-toi” et suivant l’intonation ça peut être pleins de choses. C’est un petit code que j’ai instauré entre elle et moi. » Tu l’observes longuement, toujours aussi impressionné. « Ah ouais. » Tu souffles, étonné de cette subtilité de communication. « C’est Kali qui est particulièrement intelligente ou c’est juste un apprentissage compliqué? » Tu l’imagines passer des heures à lui apprendre ces ordres fastidieux. Ça te semble étrangement être le plus logique. 

« Je pratique depuis au moins vingt ans... » Tes lippes s’étirent, posant tes yeux sur elle avant d’observer de nouveau les juments. « T’as commencé vachement jeune. » Que tu conclues. L’équitation, c’est un truc de passionnés. La plupart des cavaliers commencent souvent jeunes leur apprentissage et se retrouvent bien vite experts à l’âge adulte. C’était un monde à part, d’élites, qui avaient une façon de voir les choses bien différente: le cheval avant tout. Avant les sorties, avant les soirées, avant toute autre activité. « Je faisais du dressage et du saut d’obstacle, j’ai gagné quelques compétitions… Mais avec Kali je fais beaucoup de balades et un peu de saut. Je ne referais plus de compétitions. » Tu inclines doucement la tête en reportant ton attention sur elle. Alors elle a fait de la compétition? Elle a poussé son apprentissage jusqu’à se mesurer à d’autres cavaliers, pour visiblement les dépasser. « Pourquoi? Finalement ça ne te plait pas, la compet? » T’aimais ça, toi, bien au contraire. La fierté mal placée, ça te poussait souvent jusqu’à tes limites, et te faisait penser différemment. Tu sortais de tes habitudes, pour évoluer, et ne pas stagner sur des acquis. T’es toujours dans les extrêmes, incapable de te contenter de ce que tu avais déjà. 

« Et pour répondre à ta question, je pense que ça se passe plutôt bien pour toi. Tu as des facilités et tu montres assez d’empathie et de douceur pour appréhender l’équitation et ton cheval. » Et bien. C’était bien la première fois qu’on te qualifiait d’emphatique et de doux. Même avec tes patients. T’as une certaine carence de ces domaines là qui avait été bien souvent soulignée. Et pourtant. Tu adoptes un comportement bien différent avec les bêtes. Tu te montres presque plus humain avec les animaux, plus sensible. T’as toujours eu cette compassion et cette admiration pour eux, sans réellement savoir d’où elle venait. D’autant plus que vous n’aviez jamais eu d’animaux durant ton enfance, et que les seuls que tu côtoyais régulièrement à l’époque, c’était les poissons pendant les sessions de plongée avec ta mère. « du coup si tu continues comme ça je ne doute pas que ça se passera bien. On est jamais seuls quand on pratique l’équitation, c’est un sport qui se fait à deux et tant que tu auras du respect pour tes montures, ça devrait aller. » Tu hausses tes épaules, un sourire aux lèvres. Elle vient poser sa main sur ton bras, te rendant ton sourire. Et par ce simple geste, tu en profites pour noyer tes pupilles dans les siennes, quelques secondes, comme tu as toujours aimé le faire. « Ça en fait des compliments. J’en demandais pas tant. » Tu ne parviens pas à rester sérieux bien longtemps. C’était trop compliqué pour toi, préférant te réfugier dans des plaisanteries. Parce qu’il faut croire que t’es pudique, et que tout ce qui pouvait toucher aux sentiments et aux émotions, t’as bien du mal à en parler. Tu préfères tout tourner à la dérision. « Maintenant, tout ne s’apprend pas en un claquement de doigts, donc il va te falloir quelques cours encore pour maîtriser les bases et après tu pourras attaquer la voltige. » De nouveau, tes épaules se haussent. Tu ne sais plus si ta première motivation est de voir Cat, ou d’apprendre l’équitation. Et tant que tu pouvais concilier les deux, ça t’arrangeait bien. « Je me doute. Je l’ai bien vu. » Que tu ajoutes, bien conscient du fossé qui vous sépare, elle et toi. Tu ne rattraperas jamais son niveau, tu le sais. Tu aimerais juste avoir un semblant d’aisance qui pourrait s’en approcher. 
« Je devrais pouvoir te trouver quelqu’un pour ça. » « Tu voudrais faire quelques leçons avec moi? » Tu lui proposes, l’innocence marquant tes traits demandeurs. Elle ne t’a pas mentionné avoir exercé cette discipline. Alors autant apprendre. Non? D’autant plus avec toi. Ça faisait un argument de plus pour accepter ta proposition. 
« Si tu veux, on peut se donner rendez-vous ici les lundis à 9h... » Tu lui offres un large sourire, visiblement ravi de la proposition. « Sans problème. C’est sympa de te libérer pour me faire des cours. Je te paye le repas ce midi? » Et les autres aussi, sans doute. C’était ta façon de la remercier sans même le dire. Parce qu’elle te donne son temps, sa patience, et son énergie. Tu en es conscient. Et c’est suffisant. « Par contre, je t’aiderai, les prochaines fois, pour tout préparer, hein. » Pas besoin qu’elle s’affaire à s’occuper de tout avant ton arrivée. « Ça dure combien de temps en général, un cours? » Tu demandes, par pure curiosité.