«  Pas mal d’entrainement. Des heures et des heures de dressage, mais ça en vaut le coup au final. Elle est parfois têtue et j’ai encore quelques petites choses à peaufiner avec elle. » Pas étonnant que la jument soit aussi docile. Cat montre une patience que tu n’auras sans doute jamais, à passer des heures à répéter les mêmes actions pour une évolution lente. Elle est finalement aux antipodes de ce que tu étais, explosif et impétueux. C’était étonnant qu’il y ait une si bonne entente entre vous. « Mes parents ont un ranch, donc je berce dedans depuis que je suis arrivée chez eux, c’est drôle que je ne t’en ai jamais parlé ! » Tu fais mine de réfléchir pendant que des souvenirs lointains de conversations échangées autour d’un verre te reviennent. Les années se sont écoulées à une vitesse telle que de nombreux souvenirs s’étaient endormis et ne demandaient qu’à être réveillés. « Ça me dit quelque chose en vrai. J’crois que si. Du coup oui, ça parait logique, dit comme ça. » Tu réponds, pendant que tu parvenais lentement à remettre des mots sur vos anciens échanges. C’était un sujet que vous aviez abordés plusieurs fois en réalité, en échangeant des souvenirs d’enfance. Tu savais qu’elle avait toujours été proche des chevaux, c’était de là que sa passion était née. Et tu as su qu’elle avait vécu avec eux.

« C’est pas que ça ne me plait pas, mais j’en ai fait pendant longtemps et c’est un investissement de temps que je n’ai plus. » Et chacun choisissait ses priorités. Pendant tes études de médecine, il fallait avouer que tu avais laissé de coté ta seconde passion, le sport. Les heures à étudier ou à l’hôpital avaient rongé doucement tes disponibilités pour faire autre chose. Et ta vie ne tournait presque qu’autour de la chirurgie. Tu n’avais maintenu que quelques séances dans le mois, tentant de garder une activité au moins une fois par semaine. Alors tu ne peux que comprendre Cat qui faisait elle aussi passer son travail avant. T’espères que sa vie professionnelle ne se cassera pas la gueule comme la tienne. Parce que la chute est douloureuse, le souffle est coupé et le coeur se sert trop fort.

Le sourire taquin aux lèvres, elle t’observe, ne détournant pas ses yeux, avant de répondre « Ça peut s’envisager, oui. » Tu lui réponds par le même sourire. « T’as déjà essayé? Histoire de savoir à quel point je vais me ridiculiser, face à toi. » En réalité, t’espères pas. Parce que t’as cette envie de progresser rapidement, comptant sur tes bases d’équilibre et de gainage acquises grâce au surf et à l’escalade. T’as tendance à te surévaluer, et tu penses que tu parviendras rapidement à rattraper les facilité de Cat grâce aux tiennes.
« Y a pas de soucis, le lundi c’est mon jour de repos et en général je l’utilise pour venir ici. » Qu’elle te rassure, appuyant sur le fait que tu ne la gênais en rien. Elle a cette générosité Cat, qui souvent, n’est pas présente chez toi. Ta générosité, tu la réservais aux personnes les plus proches de ton cercle ou alors par intérêt. « Je suis le petit plus de ta journée alors. » Tu fais mine d’être flatté par cette conclusion, un sourire aux lèvres. « On peut manger ensemble à midi, ça me ferait plaisir. » T’en es ravi, et ça se voit. Tu ne cherches même pas à le camoufler. « Cool. Tu connais un endroit sympa par ici? Ou je te ramène au centre ville? » Tu commences par demander, te projettent déjà au déjeuner.
« Ça dépend de ton endurance. » Tu hausses tes sourcils face à la petite provocation, lui adressant un sourire. « Tu fatigueras avant moi. » Que tu rétorques en lui donnant un petit coup d’épaule espiègle, trop sur de toi. Il fallait avouer qu’avec tout le sport que tu pratiquais au quotidien, ton endurance n’était plus à prouver. Tu n’avais cependant pas conscience du degré de difficulté de l’équitation, ni d’à quel point l’exercice pouvait fatiguant. « Tu sais quoi? Si t’arrives à me fatiguer avant ce midi, tu choisis le restau que tu veux. Sinon je m’en occupe. » Tu lui lances, provocateur. T’as de l’énergie à revendre depuis ce matin. T’es été bien calme à ton gout, et tu manques cruellement d’action. Alors c’est une porte de sortie pour te défouler comme tu le souhaitais. Et tous les coups étaient permis. Tu veux juste sentir l’adrénalise accélérer ton palpitant.

« Tu auras sûrement plus d’expérience en cascade que moi pour le coup. » Tu souris, une mou hésitante. Chacun avait ses avantages, ses points forts. Elle savait parfaitement quelle posture adopter sur le cheval, avait l’habitude de l’équilibre sur leur dos, et connaissait leur réaction. Mais tu avais l’aisance d’un apprentissage des chutes, des sauts, et de l’équilibre. C’était différent, et comparer n’aboutirait à rien. « Pas sur un cheval. » A la limite sur une voiture -et à l’intérieur, aussi- ou sur des objets immobiles. Sur les chevaux, t’as jamais tenté. C’est sans doute pour ça aussi, que tu étais si motivé à postuler pour ce travail. Parce que t’apprenais encore.
« Le centre ville sera sûrement mieux. » Tu connais mieux le centre, habitué à sortir autour de chez toi. Le choix sera plus large, et tu pourras l’emmener dans le restaurant que tu souhaites. Le lundi midi, ce n’était jamais plein, alors tu choisiras au moment voulu.

Et lorsque tu la provoques à ton tour, elle rentre facilement dans ton jeu. Tu vois cette petite étincelle de défi briller dans ses prunelles, alors ça te fait sourire. Tu aimes jouer à ce genre de jeu enfantin, la compétition t’attrape facilement. «  On remonte en selle alors ! » Tu te redresses, te détachant de la rambarde pour prouver que tu étais prêt. Elle te tend ensuite le mors que tu attrapes. « Je te montre comment l’installer et on va faire un peu de trot. » Elle s’exécute, te montre comment l’installer sur Kali. Tu observes de nouveau attentivement avant de l’imiter. Ça n’a pas l’air trop compliqué. Elle vérifie et visiblement, tout est installé correctement. Vous remontez ensuite en selle et de nouveau, Cat mène la marche. Vous faites plusieurs tours au pas, calmement, pendant que Catarina te montre de nouveau les gestes. Tu commences d’ailleurs à les intégrer et les exécuter correctement. Ça prend de longues minutes mais au moins, les plus petites bases sont apprises. « Allez ma belle, on lui montre de quoi on est capable… » Tu l’entends lancer à Kali, alors que cette dernière s’élance au trot. Elle s’appuie sur les étriers pour se décoller de la selle. Elle se penche en avant, frôlant l’encolure, pendant que Kali accélère jusqu’à atteindre le galop. Elle saute alors deux obstacles consécutivement, et tu vois bien qu’elle ne touche toujours pas la selle. Toi tu restes à ta place, Néri s’étant arrêtée tout naturellement. Et fièrement, elle revient vers toi, le sourire aux lèvres. Elle est bien fière d’elle, tu le ressens parfaitement. « T’essayes de m’impressionner? » Que tu lui lances, toujours cet air de petit défi sur ta gueule d’ange.
« On va faire un peu de trot et si ça se passe bien, on passera au galop. » Tu acquiesces, alors que vous reprenez le pas lentement, Kali devant, menant la danse. Néri, finalement, c’était plus une suiveuse, se calquant sur le rythme de la plus jeune. « Ça se passera bien. » Tu lui lances, bien confiant. Mais t’en étais persuadé. Il n’y avait pas de raison. « Tu fais quoi comme sport à côté ? » Un fin sourire se pointe aux coins de tes lèvre. « Oulah. Beaucoup. » Tu commences. La liste était longue. Mais tu te contenteras de ceux que tu pratiques régulièrement. « Boxe le mardi et jeudi, parkour le mercredi, et l’escalade, le surf ou du pilotage automobile le week end. » C’était autant du travail que des loisirs. Tous ces sports permettaient de te former, quand tu n’avais pas des stages d’entrainement intensif.
Et puis d’un coup Kali reprend le trot. Cette fois, tu presses tes talons contre l’abdomen pour que Néri la suive. Tu essayes de mimer les mouvements de Catarina, mais il te faut de longues minutes avant de parvenir à trouver le bon rythme. Parce que c’était franchement désagréable de toucher la selle au mauvais moment. Tu restes un peu trop en apnée, la concentration te faisant oublier de respirer. Alors tu te forces à remplir tes poumons d’air. Et quand tu prends le rythme, tu te détends enfin. Tu commences à comprendre comment te positionner pour que ce soit confortable, Catarina te montrant l’exemple. Et lorsqu’elle aperçoit que tu commences à prendre tes marques, elle accélère. Ce que fait aussi Néri. Et ça va vite. Une fois sur le dos, la sensation était différente. Cette fois ci, le but est de ne plus toucher la selle et de te pencher en avant. Ce que tu fais, contractant tous tes muscles pour rester en suspension. Tes ischios chauffent mais pris dans l’euphorie de la situation, tu te contentes de la suivre. Les minutes défilent, et lorsque vous reprenez un rythme plus lent, tu lui lances. « Et toi? C’est juste l’équitation ou? »

« Je me rends compte que ça m’avait manqué… » Tu lui souris, et plus les secondes s’étirent, plus tu as ce regard malicieux. « "Que tu m’avais manqué", tu voulais dire? » Tu t’amuses à rectifier, jouant avec ses mots. Tu reprends tes vieilles habitudes petit à petit, t’amusant à lui faire les yeux doux.
« Je fais de la course à pied et de la méditation. » Tu acquiesces. Ça lui va bien. Elle est calme, Cat, en tout cas, de ce que tu connais d’elle. T’as l’impression que rien ne peut la perturber. « J’te vois bien en pleine méditation. » Que tu ricanes. Ca lui va bien. T’es pas sur de savoir tenir deux minutes à méditer, toi, impatient, incapable de maitriser ce surplus d’énergie. « L’escalade et le surf j’ai toujours voulu en faire, mais pas le temps de m’y mettre avant. » Qu’elle ajoute. « Appelle moi le jour où tu veux en faire. J’te montrerai. » Chacun son tour. Tu serais ravi de lui enseigner, parce que t’aimes être entouré. « Et pas le pilotage? » Tu demandes, moqueur. T’es pas certain qu’elle serait à l’aise dans une voiture qui s’élance à pleine vitesse ou qui marque le bitume de ses roues noires dans un dérapage.

« Tu ne tiens pas en place, finalement, t’as toujours besoin de bouger... » Et ce qui ressemblait à de l’hyperactivité frôlait en réalité la dépendance. Ta source d’adrénaline à l’époque, tu la trouvais dans les jeux et bien souvent le poker. Aujourd’hui, tu te soignes en reportant ta dépendance sur le sport. Il parait que c’est plus sain. C’est surtout moins couteux. Mais tu pourrais te briser un os ou te foutre en l’air, dans la recherche de cette adrénaline. « J’en conclues que tu abandonnes? » Elle ne pourrait pas t’épuiser. Visiblement pas avec une heure ou deux d’équitation.
« À l’opposé du calme qu’il faut pour être chirurgien. » Ton sang ne fait qu’un tour. Et cette transposition soudaine, ce sujet inattendu, et cette remarque pourtant anodine, ça te fait bien plus mal que tu ne le laisses paraitre. Ton coeur se sert, se met à battre trop vite, et tu l’observes longuement, sans savoir quoi dire. Si tu étais encore médecin, tu lui aurais expliqué que c’était pour ça, que tu avais choisi la traumatologie. Mais là était le problème. Tu ne l’étais plus. Et chaque fois que tu repensais à la chirurgie, ça te remuait. Parce que t’as cette impression de remise en question de tes compétences médicales. Encore. Ça ravive un souvenir que tu n’as jamais soigné, que tu t’es contenté de mal enterrer pour ne plus y penser. Et ça vient de refaire surface, quelques secondes, sans que tu t’y attendes. « Eum… » Tu parviens à articuler, reprenant lentement contenance. « Il faut croire. » Que tu conclues brièvement.
« On va peut-être arrêter pour aujourd’hui, Néri et Kali ont bien travaillé ce matin. Je vais pouvoir te montrer ce qu’on fait après un entraînement du coup. » « Ok. » Tu l’observes donc, pendant qu’elle défait les selles, retire les mors et attache les juments à un poteau. Elle va ensuite chercher un tuyau d’arrosage. Le pelage des chevaux sous la selle est déjà trempé, avant même que Cat ait le temps de les arroser, preuve de leur séance musclée. Ceux qui avaient le plus travaillé aujourd’hui, c’était elles. Et même si les cavaliers n’était pas en reste sur l’effort physique, ça ne peut être comparable aux juments. Elle te tend le tuyau pour que tu arroses Néri, ce que tu fais comme si c’était une belle plante. Tu prends soin de refroidir et humidifier chaque parcelle de peau, et le souffle de la jument se pose, appréciant visiblement cette douche. Elle sèche à l’aide d’une serviette le plus gros du pelage et tu l’imites, frottant avec énergie. Lorsqu’elle passe au massage, tu te contentes d’observer, peu enclin à improviser. Tu n’as jamais été Kiné. C’est un soigneur qui vient s’occuper de Neri, alors tu te les regardes faire. « Je te montrerais les gestes une prochaine fois. » « Pas de soucis. Je suppose que c’est pas simple non plus. » Elle retourne dans le boxe de sa jument, te faisant signe de la suivre. Une fois là bas, elle retire son casque et tu fais de même, ayant presque oublié que tu le portais encore. Par automatisme, une fois enlevé, tu ébouriffes tes cheveux, tentant de redonner un peu de volume à tes boucles. Elle s’occupe ensuite de brosser sa jument puis s’occupe de ses sabots. Tu lèves un sourcil étonné en observant l’outil qu’elle utilise pour les lui cureter. T’as l’impression qu’on lui plante bout de métal dans le pied, même si tu te doutes bien que ce n’est pas le cas. « Tu fais quoi là exactement avec ses sabots? »
Et une fois tout ça terminé, elle offre une étreinte à Kali, lui promettant de se revoir rapidement. « Il faut encore nettoyer le matériel de Kali et on pourra aller manger. » « Tu passes plus de temps à t’occuper d’elle avant et après qu’à la monter non? » Et pour les passionnés, c’était sans doute quelque chose de plaisant. Toi, tu trouves ça quelque peu fastidieux; mais travailler avec un être vivant demandait plus d’entretien et de temps qu’avec une voiture. « Tout ça se sont des choses que tu ne feras pas, je pense. Normalement ils ont des équipes de soigneurs pour s’occuper de toute cette étape. » « Je suppose que toi, tu fais tout ça par plaisir. » Et pendant qu’elle finit de nettoyer les affaires, toi tu l’observes. Au début. Et tu finis après de longues minutes le nez dans ton téléphone pour passer le temps. « Et avec toutes ces années, y’a des trucs sympas qui te sont arrivés? A part ton salon de thé je veux dire. » Tu lui demandes pour faire la conversation, le temps qu’elle finisse.

« On va où, du coup ? » Tu relèves la tête de ton écran, et lui offres un sourire. « Je t’emmène si tu veux? Sauf si ça te fait faire un détour pour rentrer chez toi. Dans ce cas on se suit. » Toi, faire de la route, ça ne te dérangeait pas. C’était ton plaisir, de rester derrière le volant. « On va dans un restau à Spring Hill. J’aime bien y aller, on y mange bien et l’ambiance est assez posée. » Il oscillait entre le gastronomique et le petit bistrot, trouvant un équilibre qui te plaisait. La décoration était moderne, l’ambiance tamisé en soirée, le jour, tu n’en savais trop rien.

« Je sais pas si c’est vraiment fait pour moi… » Comme c’est étonnant. Tu n’imaginais pas la brune s’amuser avec le volant d’une voiture sur un circuit. C’était bien différent de l’image que tu te faisais d’elle, si calme, si sérieuse.
« Je nettoie afin de vérifier qu’elle n’a pas de blessures ou autre post entraînement ou balade. » Oh. Etonnante de façon de nettoyer. Tu te penches légèrement quand elle semble avoir fini et remarques la forme initiale du sabot bien plus propre. Ça n’avait rien à voir. « Ça arrive souvent des blessures? » Il parait que le pire pour un cheval, c’est la blessure d’une patte. Ils étaient si lourds que soigner un membre semblait bien compliqué. Ce n’était peut être qu’une rumeur. Mais tu trouvais que ça avait une certaine logique, vu le nombre de kilos que supportait une patte bien fine pour le gabarit.

« Pas grand chose en réalité… Je me suis vachement investie dans mon travail de kiné, puis dans le salon de thé, du coup il n’y a pas eu grand chose à côté et toi ? » La vie reprenait son calme après des chamboulements soudains, entre sa séparation et son changement d’emploi. Et ces nouveauté étaient largement suffisantes pour plusieurs années. « Pas grand chose non plus. Des copains qui se marient, d’autres qui divorcent. Parfois les deux. Tu savais que Jack et Isa s’étaient mariés d’ailleurs? » C’était un couple d’amis que vous connaissiez tous deux pendant vos années d’études, sans en être réellement proches. Vous ne les fréquentiez que pendant quelques soirées, et la plupart des nouvelles, tu les avais aujourd’hui via Instagram. « J’ai hésité à prendre un chien à un moment donné aussi. Puis finalement non. Des broutilles quoi. » Tu avais frôlé l’adoption juste pour combler ta solitude, alors que tu te renfermais sur toi même. Les choses ne se sont pas faites et finalement, c’est sans mieux doute comme ça. T’es trop souvent dehors, à droite à gauche, et tu n’avais pas assez de temps à offrir à un animal. Et lorsque tu voulais sauter dans le premier avion pour aller voyager, tu n’avais pas à te soucier de ce que tu laissais derrière toi. « J’ai l’impression que tout est passé si vite. » Et ça avait quelque chose de déstabilisant que de constater que le reste de ta vie n’avait pas tant changé. Au moins, du coté professionnel, vous aviez pu évoluer.

« J’habite à West End, il vaut mieux que l’on se suive. » Elle attrape son casque, et vous marchez jusqu’au parking, alors que tu ne cesses de passer une main dans tes cheveux, trop aplatis par la bombe. « Ok. » Elle pose ses bottes et son casque dans la voiture, les troquant contre des baskets. « Au pire on passe d’abord chez moi, je pose la voiture et je mets mes bottes à l’air pour éviter que ça ne sente trop le cheval… » Tu l’observes quelques instant, alors que tu détaillais ses traits. Est ce que c’était une invitation? Tu ne sais pas comment interpréter la proposition, ne sachant pas si elle était parfaitement innocente. Tu supposes? T’en sais rien? « Ouais pas de soucis. Envoie moi ton adresses sur le téléphone, comme ça je te rejoins là bas. » Une fois le message reçu, tu montes dans ta voiture, lances le GPS et tu prends la route.
Il faut croire que ta conduite est plus nerveuse -ce qui n’a rien d’étonnant- puisque tu te gares peut être deux minutes avant l’arrivée de Cat. Tu l’attends sagement sur le pas de sa porte et lui offres ton plus beau sourire lorsque tu aperçois sa silhouette. « Tu te traines. » Que tu provoques innocemment, l’air de rien. « Tu préfères que je t’attende en bas ou? » Que tu montes. Tu ne sais pas encore bien sur quel pied danser. Alors tu restes à ta place, lui laissant l’option de ne pas t’inviter à rentrer. Parce qu'après tout, elle ne l'avait pas fait clairement. Elle avait juste besoin de passer chez elle.

T’as l’impression qu’elle réfléchit, tant sa réponse n’est pas spontanée. Ça ne prend que quelques secondes, mais un petit silence s’imposait brièvement. « Je serai pas longue. » « Pas de soucis. » Raté. C’était clair, ce n’était pas une invitation. Pas volontaire, en tout cas. Alors tu te contentes de répondre à son sourire, trop habitué à ce genre de situations avec elle. Ça a toujours été comme ça avec Cat. Lorsque tu avais un infime espoir qu’il puisse se passer quelque chose, elle parvenait toujours à remettre les choses à leur place, vous figeant dans une relation amicale qui n’évoluait pas, ou qui ne devait pas évoluer. Ce n’était pas la première fois que tu te posais des questions sur les intentions de Cat. Ce n’était pas non plus la première fois que tu étais déçu. Pourtant flirter avec elle était devenu une habitude et dépasser le stade de l’amitié simple, un défi. Un peu trop facilement séduit par les femmes inaccessibles, la difficulté devenait un enjeu. Et Cat, c’était ton nouvel enjeu. Elle monte les escaliers pour entrer dans l’immeuble, pendant que tes yeux glissent sur sa silhouette. Et puis la porte se referme, te laissant seul, sur le perron.
Tu savais rarement sur quel pied danser avec elle. Peut être parce que tu es trop têtu pour lâcher l’affaire. Peut être parce que son rejet n’est pas assez clair. Elle n’a décliné aucune invitation pour se revoir. Pourtant, entre les cours d’équitation, de voltige, le salon de thé, et les sessions de surfs ou escalades, vous en aviez mentionnés en un certain nombre. Peut être parce qu’elle était trop polie. Ou peut être parce qu’elle voulait renouer contact. Tu préfères pencher pour la deuxième option. Alors de nouveau, le temps d’attente, tu le combles avec ton téléphone, laissant ton doigt faire défiler les messages, vidéos et photos. C’est à peine quelques minutes plus tard que tu vois Cat revenir dans l’empressement, s’arrêtant à quelques centimètres de toi, évitant la collision de justesse. « On a l’impression que t’as couru un marathon. » Que tu te moques, face à cette précipitation soudaine. Elle s’est sans doute dépêchée pour éviter de te faire attendre trop longtemps au pas de sa porte. « On y va? » Tu lui offres un sourire. « Oui. » Tu rejoins ta voiture, montes du côté conducteur, la laissant prendre place du côté passager. Tu enclenches le moteur et prends la direction du restaurant. La circulation est assez fluide et il ne te faut que quelques minutes pour atteindre ta destination. Tu finis par trouver une place dans une rue juste à côté et te gares sans encombre.

Le dîner se passe dans le calme, seulement coupé par des éclats de rire lorsque vous vous remémorez des souvenirs partagés, bien souvent arrosés. La nostalgie prend part au repas, et parfois tu te contentes de l’observer, sourire aux lèvres, comme si vous aviez encore vingt ans. C’est une bouffée d’oxygène, une cure de jouvence, et t’as l’impression qu’hier encore, Cat recevait son diplôme. Pourtant les années filent à toute vitesse, et en un clignement de paupières, tout avait changé autour de toi. Tu ne comptes le nombre de fois où l’euphorie s’empare de toi alors qu’elle te rappelle un souvenir oublié, le nombre de nouvelles d’anciens camarades de soirées qu’elle t’offre. La discussion est fluide et confortable.
Et le repas se termine sans que tu ne vois les heures défiler, jusqu’au moment de terminer le café et régler l’addition. Comme tu lui avais promis tu l’invites, puisqu’elle t’offre le cours. Tu la raccompagnes jusqu’à chez elle en voiture et descends de celle ci pour lui dire au revoir. « Ça m’a fait vraiment plaisir de te revoir Cat. » Tu conclues, toujours ce même sourire charmeur sur tes lèvres rosées. « Je te renvoie un message dimanche pour te confirmer pour lundi prochain. Mais si tu veux aller faire un peu surf ou d’escalade, hésite pas. » Tu relances, renouvellent l’envie de la revoir.