Novembre 2023. Tu n’avais plus eu de nouvelles de Lena durant des mois, ni directement, ni indirectement via les réseaux. Malgré les appels ignorés, les messages restés sans réponses, tu avais multiplié les tentatives de reprise de contact. Dans un premier temps, la culpabilité t’avait poussé à te montrer docile, compréhensif, presque doux. Puis la frustration a muté tes messages en des accès de colère, enchainant les reproches dans le vide. Perdre Lena pour une photo avait été si décevant, ou blessant, que tu as fini par l’imiter et te résoudre à rester dans le silence. Tu lui en voulais. Tellement. Et quelques mois de mutisme ont fini par te faire croire que ta colère s’était apaisée, alors tu as tenté de simplement feindre l’ignorance. T’étais au dessus de tout ça pas vrai? Au dessus d’une gamine qui te rejette.
Ton coeur a loupé un battement lorsque tu as vu le nom de Lena s’afficher sur ton écran. Et tu la détestes de te faire ressentir ça quand les rancoeurs étaient tenaces. Un rebond d’exaspération a finalement été soufflé par les excuses de la blonde, à qui visiblement tu ne parvenais pas à refuser grand chose. T’étais trop attaché à elle, à votre amitié qui durait depuis des années maintenant, à toutes ces choses, bonnes ou mauvaises, que vous aviez vécus ensemble, et qui avaient renforcé ce lien. Alors tu lui avais fini par lui proposer de passer te voir le lendemain, pour sans doute répéter tout ce que tu lui avais déjà par téléphone. Elle sait simplement comment s’y prendre avec toi, comment calmer tes excès comme elle l’a toujours fait.

Et le lendemain, comme convenu, tu entends la sonnette retentir. Tu prends ton temps, bailles, t’étires, simplement pour la plaisir de faire patienter celle que tu devinais être Lena sur ton palier. Tes mesquineries enfantines, elle en a l’habitude, ce n’était pas la première fois que tu réagissais comme un gosse. Tu finis néanmoins pour ouvrir la porte, le visage fermé, le regard dédaigneux. Tu ne peux pas lui offrir un sourire trop rapidement, la victoire serait trop facile -bien qu’elle semble déjà l’avoir remportée en entrant dans ton appartement. « J’espère que t’as bien choisi la pizza. » Pas un bonjour, ni un merci. Mais elle connaissait tes gouts, avec le temps, Lena. Elle avait suffisamment commandé pour toi pour connaitre tes préférences épicées. Tu refermes la porte derrière elle pour la laisser s’installer dans le salon, où tu l’y rejoins. Elle avait ses habitudes, et cet appartement, elle le connaissait par coeur. « T’as pris le café? » C’est pas comme si tu allais la foutre dehors si elle ne l’avait pas acheté. Mais tu ne louperas pas une remarque acide. Tout était une bonne excuse pour accuser Lena de trahison. Plus qu’une trahison, c’était un abandon que tu avais ressenti en réalité. Et plus t’étais blessé, plus tu te montrais haineux. Alors ton message incendiaire n’avait rien d’étonnant. Et ce regard accusateur qui ne la lâche pas ne l’était pas non plus. « Alors, t’as fini de jouer avec ton guignol? » Tu commences doucement -plus ou moins- les hostilités, reportant la faute sur une situation que tu n’as jamais appréciée, la relation fictive de Lena et Micah. Tu n’avais rien contre l’acteur, tu ne le connaissais pas en réalité, et tu n’avais aucune envie de le rencontrer. Parce que la relation qu’ils entretenaient était trop étrange, et tu avais du mal à comprendre l’interêt de se compliquer la vie à ce point. C’était si compliqué que tout avait fini par lui exploser au visage. Je te l’avais dit. Non? Tu ne lui avais jamais caché avoir toujours trouvé cette situation ridicule. Et finalement, le temps lui avait prouvé à quel point tu avais raison. « C’est pas faute de t’avoir dit que c’était une idée de merde. » Tu étais assez peu objectif, empruntant parfois une jalousie déraisonnable. Tu n’aimeras sans doute jamais les hommes qui fréquentent et fréquenteront Lena. Alors forcément, ça ne pouvait qu’être une idée de merde.