Même dans ses pires cauchemars, Mateo n'aurait pu imaginer une telle apocalypse. Pourtant, elle se déroulait sous ses yeux, au quotidien. Il n'avait suffit que de quelques semaines pour que la situation ne devienne incontrôlable et à présent cela faisait des mois qu'ils devaient s'adapter pour survivre, luttant jour après jour pour faire face aux zombis, restant les plus discrets possibles pour ne pas se faire attaquer par des humains encore bien en vie mais dépourvus de toute humanité. S'il n'avait pas Diego à ses côtés, Mateo aurait déjà attenté à sa vie. C'est grâce à lui qu'il trouvait encore une raison de se lever chaque matin, et c'est pour lui qu'il continuait de le faire. Voilà trois jours que Mateo avait quitté la maison dans laquelle ils s'étaient installés quelques temps après le début du chaos ; une maison suffisamment excentrée de Brisbane pour être en sécurité mais suffisamment proche de la ville pour pouvoir s'y aventurer en cas de besoin. S'ils avaient pour règle de ne jamais se séparer d'habitude, cette fois ci Mateo était parti seul pour chercher des vivres, refusant que Diego ne s'aventure à l'extérieur de leur cocon sûr alors qu'il s'était fait mal à la cheville et qu'elle était encore fragile. Il aurait dû être de retour il y a plus de 24h mais il avait fait face à quelques obstacles en revenant. Dès l'instant où il était entré et où il avait refermé derrière lui, Mateo avait soufflé un bon coup, se sentant enfin en sécurité. « Diego ? C'est moi. » Il n'avait fallut que quelques secondes à Diego pour venir le rejoindre dans l'entrée, et sans réfléchir Mateo s'était dirigé vers lui pour le prendre dans ses bras, le serrant contre lui. « Joder j'ai cru que je te reverrais jamais. » Avait-il murmuré dans son cou, profitant de l'étreinte quelques instants avant de reculer sa tête pour venir l'embrasser tendrement. « Je suis tombé sur une horde de ces putains de cadavres ambulants. J'ai failli pas m'en sortir, mais je reviens pas les mains vides. » Heureusement, malgré les complications, Mateo avait ramené des médicaments et suffisamment de vivres pour tenir quelques temps sans avoir à se mettre en danger. « Regarde c'que j'ai trouvé. » Un sourire satisfait calé sur ses lèvres, il sortait de son sac un bocal d'olives. Lui détestait ça mais Diego les aimait et par dessus tout, ça lui rappelait le début de leur histoire. De bons souvenirs qu'il était agréable de se remémorer.

Il n’avait pas envie d’être seul mais il n’avait plus le choix, s’étant déjà fait une raison quant à ce qu’ils devaient affronter au dehors. Les maisons étaient des lieux sûrs mais pour qu’elles le restent, il était nécessaire de se procurer denrées, médicaments et armes et ces deux premières ressources manquaient cruellement. Diego avait dû courir pour échapper à une mort - ou plutôt une transformation - certaine et pris dans son élan, il s’était blessé la cheville. Depuis, il avait le sentiment d’être un point mort, un boulet accroché à Mateo qui s’en serait probablement mieux sorti sans lui. C’était du moins ce qu’il espérait alors que les jours passaient sans que jamais il ne revienne. Le temps était long sans lui, et il savait que s’ils attaquaient, il ne saurait pas défendre la maison longtemps alors qu’il pouvait à peine marcher. Et alors qu’il n’y croyait plus… « Diego ? C'est moi. » Entendre le son de sa voix alors qu’il pensait qu’il en serait à jamais privé avait suffit à ce qu’un frisson parcourt son échine. « Joder j'ai cru que je te reverrais jamais. » « Je croyais qu’ils t’avaient eu. » avait-il répondu avant de profiter de leur baiser. Il avait finalement planté son regard dans le sien, comme pour s’assurer qu’il était bel et bien là, qu’il était bien lui-même. Son regard s’était fait un peu plus sombre durant un instant, venant trahir la façon dont il avait sondé le sien pour s’assurer qu’il n’avait pas été mordu. Il n’en pouvait plus, de se méfier de tout, même de lui, mais la méfiance était encore la meilleure arme dans ce scénario catastrophe dans lequel ils avaient été plongés. « Je suis tombé sur une horde de ces putains de cadavres ambulants. J'ai failli pas m'en sortir, mais je reviens pas les mains vides. » Diego avait soupiré, retenant des reproches qui auraient été bien mal venus alors qu’il avait risqué sa vie pour sauver la sienne. « Regarde c'que j'ai trouvé. »  Son visage avait repris un peu de son éclat et il était heureux d’avoir retenu ses mots parce qu’encore une fois, au milieu du chaos, Mateo réussissait à le faire rire.  « Y a que toi pour risquer ta vie pour un bocal d’olives. » avait-il répondu avant de se pincer l’arête du nez, la plaisanterie n’ayant eu d’effet sur lui que durant un court laps de temps.  « Qu’est-ce-que t’entends par “j’ai failli pas m’en sortir” ? Ils t’ont suivi ? T’as croisé du monde ? » Les questions fusaient, parce que s’il ne pouvait plus l'accompagner dans ses périples, il voulait au moins savoir à quel point le monde de dehors changeait. Les zombies étaient une chose mais les voleurs et les désespérés représentaient aussi un risque non négligeable. Se dirigeant vers la fenêtre, Diego avait jeté un oeil au dehors en écartant légèrement le rideau. « Je vais prendre ces médocs et je te laisserai plus partir seul, tu m’entends ? » Ce n’était pas une suggestion mais une affirmation. « Je vais te préparer à manger, un vrai repas, on refera les rations demain. » avait-il lancé en faisant le tri dans ce que Mateo avait réussi à ramener. Trois jours à lutter, il avait besoin de reprendre des forces, et ils reprendraient les bonnes habitudes qui les avaient maintenus en vie plus tard.

« Je croyais qu’ils t’avaient eu. » Mateo lui même avait cru qu'il allait mourir, et ceux à plusieurs reprises durant ces dernières 72h. Il n'en revenait pas d'avoir pu rentrer, d'avoir eu la chance de pouvoir serrer à nouveau Diego dans ses bras. Et alors qu'il réalisait la chance qu'il avait d'être encore en vie, le regard inquiet de Diego l'avait ramené à la réalité. « Je vais bien. Même pas une petite griffure à déplorer. » Sortir de la maison, c'était prendre à tout instant le risque de mourir ou pire, de se transformer en l'un de ces zombis. Heureusement pour eux il n'avait pas été touché et, surtout, il avait trouvé de quoi faire rire celui qu'il aimait. « Y a que toi pour risquer ta vie pour un bocal d’olives. » La réflexion l'avait amusé. « Franchement, le clin d'œil valait le coup de prendre quelques risques. » S'ils n'avaient plus ce genre de détails auxquels se raccrocher, que leur restait-il ? « Qu’est-ce-que t’entends par “j’ai failli pas m’en sortir” ? Ils t’ont suivi ? T’as croisé du monde ? » Mateo s'était installé à table avant de répondre. « Que des morts. J'ai dû ruser parce qu'ils se sont regroupés en grandes hordes et que j'ai failli me retrouver coincé dans une impasse. Tu m'aurais vu, j'ai dû grimper sur le toit d'une boutique pour m'en sortir. » La situation à l'extérieur était dramatique mais il parvenait toujours à s'amuser et dédramatiser, d'une manière ou d'une autre. « Je vais prendre ces médocs et je te laisserai plus partir seul, tu m’entends ? » « Je suis content que t'aies pas été là. Ils deviennent de plus en plus sauvage, et j'ai l'impression qu'ils sont plus rapides aussi. T'aurais pas pu suivre avec ta blessure, c'était la bonne chose à faire de te reposer. » Il n'osait pas imaginer ce qui aurait pu se produire s'il avait laissé Diego l'accompagner. « Je vais te préparer à manger, un vrai repas, on refera les rations demain. » Il avait hoché la tête, un léger sourire sur ses lèvres. « J'ai tellement faim, je vais pas dire non. » Il avait pu grignoter en chemin, mais rien qui ne valait un repas chaud pris en compagnie de Diego. « Comment ça va ? Tu as moins mal ? » Les trois jours qu'il venait de vivre avaient été épuisants, et même s'il était convaincu que Diego en attendait le récit, Mateo voulait lui aussi avoir de ses nouvelles.

« Je vais bien. Même pas une petite griffure à déplorer. » C’était un miracle, de le voir presque intact, avec seulement quelques traces de salissure sur le front. Il avait lutté, c’était évident, mais il était revenu indemne et continuait de garder sa bonne humeur qui était devenue si importante dans leur quotidien. Alors l’idée qu’il ait ajouté aux risques déjà évidents qu’il avait pris le contrariait. « Franchement, le clin d'œil valait le coup de prendre quelques risques. » Il s’était autorisé à rire avant de répondre et le son lui avait semblé extrêmement faux tant il en avait perdu l’habitude. « Si j’étais pas aussi content de te voir, je t’engueulerais. Des risques on en prend tous les jours, c’est pas la peine de tenter le diable… » Il avait prononcé ses mots avec un sourire triste sur le visage, signifiant qu’il lui était reconnaissant d’avoir tenté de ramener un peu de normalité dans leur quotidien malgré la crainte que cela pouvait soulever chez lui. Diego, resté sur la banc de touche, avait besoin de savoir, et il l’avait suivi du regard quand il s’était déplacé pour s’installer avant de tout lui raconter. « Que des morts. J'ai dû ruser parce qu'ils se sont regroupés en grandes hordes et que j'ai failli me retrouver coincé dans une impasse. Tu m'aurais vu, j'ai dû grimper sur le toit d'une boutique pour m'en sortir. » Le récit lui donnait des frissons, l’imaginer affronter tout cela seul le rendait presque malade alors qu’il savait pourtant qu’il n’était pas la personne la mieux placée pour aider dans ce genre de situation. Il était plutôt celui à qui on devait porter secours, il le savait, mais Mateo était le genre de personne pour qui il aurait risqué sa vie sans y réfléchir une seule seconde. « Je sais pas comment tu fais pour tout prendre à la rigolade. » Il avait soupiré mais ce n’était pas un reproche, plutôt une façon de souligner à nouveau à quel point ils étaient différents. Quand Diego s’inquiétait, Mateo détournait le sentiment pas une touche d’humour, et même juste après un affrontement avec les zombies, celui-ci réussissait à se mettre à rire. Il déchargeait la pression de la manière la plus improbable qu’il soit. « Je suis content que t'aies pas été là. Ils deviennent de plus en plus sauvage, et j'ai l'impression qu'ils sont plus rapides aussi. T'aurais pas pu suivre avec ta blessure, c'était la bonne chose à faire de te reposer. » « Tu crois qu’ils évoluent ? » Il n’avait pas pris le temps de rétorquer quoi que ce soit alors que Mateo appuyait à nouveau sur son inutilité. Parce qu’il savait que ce n’était pas son intention et parce qu’il était bien plus inquiet par le reste des propos de son petit-ami. Et à voir son regard et la façon dont il s’apprêtait à changer de sujet, Diego savait qu’il regrettait déjà amèrement d’avoir donné tant de détails. « J'ai tellement faim, je vais pas dire non. » Et même s’il l’avait fait, il se serait activé aux fourneaux, parce qu’il en avait besoin. « Comment ça va ? Tu as moins mal ? » « Je suis tellement aux aguets que je pense pas du tout à la douleur. » Il avait haussé les épaules, dans d’autres circonstances, avant le chaos notamment, Diego aurait utilisé sa blessure pour se plaindre et être choyé, mais tout était différent. Cette cheville blessée, aussi futile aurait-elle été normalement, pouvait lui coûter la vie dans le monde tel qu’il était aujourd’hui alors il ne voulait pas y penser. Faire abstraction. « De toute façon, j’ai pas le choix. S’ils attaquent, je devrais fuir. » Supporter la douleur, courir comme si ses deux pieds fonctionnaient de la même façon. Il s’était arrêté pour fixer Mateo un instant, et ses regards devenaient de plus en plus insistant parce qu’il réalisait que ces instants pourraient s’arrêter en une fraction de seconde. « Voyons voir… Sardines en boîte et riz. De quoi te faire un festin. » Il ne comptait pas manger, pas alors qu’il était resté là seul à se servir dans les maigres provisions qu’il leur restait. Il avait encore le ventre plein de la veille, et préférait laisser une double ration à Mateo. « Quoi ? T’as risqué ta vie pour nous deux je peux au moins me sentir utile en préservant ce qu’on a. » Il le voyait dans ses yeux, qu’il le traîtait encore comme avant, comme si rien ne s’était passé. Les règles avaient changé et ils devaient être forts individuellement, pas seulement ensemble.

« Si j’étais pas aussi content de te voir, je t’engueulerais. Des risques on en prend tous les jours, c’est pas la peine de tenter le diable… » Mateo avait lancé un sourire charmeur, bien content d'avoir évité l'air réprobateur de Diego et une remontrance de sa part. Il était bien conscient que son petit-ami avait raison, mais il fallait bien admettre qu'à l'extérieur, les choses se passaient si vite qu'il n'avait pas souvent le temps de prendre une décision réfléchie avant d'agir. Il suivait son instinct, et jusqu'ici, même si ça lui faisait parfois prendre quelques risques, ça lui réussissait aussi plutôt bien. « Je sais pas comment tu fais pour tout prendre à la rigolade. » Mateo ne prenait pas tout ça a la rigolade, il était conscient des dangers. Mais laisser cette situation prendre une partie de sa personnalité alors qu'ils lui avaient déjà tout pris ? Très peu pour lui. « Tu crois qu’ils évoluent ? » C'était effectivement sa crainte mais pour l'instant il n'avait aucun moyen de prouver sa théorie. Et en l'absence de certitudes, Mateo préférait ne pas inquiéter Diego pour de simples suppositions. « J'en sais rien, mais j'espère pas. » Les choses étaient déjà bien assez compliquées pour qu'on vienne leur rajouter des difficultés. Pour autant, ce qui intéressait Mateo à présent, c'était de savoir comment son petit ami se portait. « Je suis tellement aux aguets que je pense pas du tout à la douleur. » La mine de Mateo était grave à nouveau et il était venu se pincer les lèvres, ressentant bien l'angoisse constante dans laquelle ils étaient à chaque instant. « De toute façon, j’ai pas le choix. S’ils attaquent, je devrais fuir. » Il était venu attraper sa main délicatement, son regard plongé dans le sien. « Hey, ne pense pas à ça. Tout va bien. » Au moment où ils se parlaient, ils n'avaient aucune raison de s'inquiéter de ce qui pouvait bien se tramer à l'extérieur de leur petit havre de paix. « Voyons voir… Sardines en boîte et riz. De quoi te faire un festin. » Mateo avait froncé les sourcils, pas sûr d'avoir bien saisi où Diego voulait en venir. « Quoi ? T’as risqué ta vie pour nous deux je peux au moins me sentir utile en préservant ce qu’on a. » « Tu sais que tu me dois rien du tout, hein ? » Ces derniers temps il avait dû prendre certains risques pour assurer leur survie, mais il n'en voulait absolument pas à Diego qui n'avait d'autre choix que de se reposer pour essayer de guérir. A ses yeux, ils étaient tous les deux des éléments indispensables et lui ne se voyait certainement pas réussir à survivre sans l'aide et le soutien de son petit ami. Mateo l'avait observé allumer le gaz pour s'occuper du riz et disposer le tout sur la table devant lui. Ils avaient une chance inouïe d'avoir accès à un minimum de confort et il était plus que conscient qu'ils faisaient bien d'en profiter autant qu'ils le pouvaient. « Je mangerais pas seul Diego. On partage et c'est pas négociable. » Avait-il lancé d'un air des plus sérieux. Et alors qu'il avait avalé la moitié de sa portion en quelques secondes à peine, affamé, il avait fait une pause pour parler de ses craintes à Diego. « Je pense qu'on devrait.. réfléchir à bouger d'ici bientôt. » Ce n'était pas une chose facile à dire ni à accepter, mais il était clair pour lui que leur situation, presque royale au vue du contexte, arriverait bientôt à sa fin. « En plus du fait que ça s'agite de plus en plus en ville, toutes les boutiques que j'ai faites arrivent déjà en fin de stock et ça va être de plus en plus compliqué de trouver à manger. » Il haïssait le fait d'être un oiseau de mauvaise augure et d'être porteur d'un tel message, mais il fallait bien qu'il se montre honnête. « Je te dis pas qu'on doit partir tout de suite, mais je crois qu'on devrait se préparer à cette éventualité. »

La description de l’attaque qu’il avait subie faisait froid dans le dos et pourtant, elle n’était aucunement étonnante. Les zombies grouillaient, se multipliant à une vitesse folle pour leur laisser de moins en moins de chance de leur échapper. L’idée qu’ils aient pu également trouvé une façon d’être plus forts rendait les inquiétudes du mexicain encore plus vives. « J'en sais rien, mais j'espère pas. » Il le connaissait assez pour savoir qu’il minimisait des propos qu’il regrettait déjà, mais que le constat avait dû être sans appel. Ils ne pouvaient pas penser avec certitude, se contentant de suppositions, mais les faits parlaient parfois d’eux-mêmes. Et si cela se vérifiait, le danger était encore plus intense, et Diego n’était probablement plus en mesure de l’éviter - et s’il était constamment effrayé, le sentiment s’était intensifié. « Hey, ne pense pas à ça. Tout va bien. » Sa main dans la sienne, il se sentait forcément plus fort, mais le soulagement n’était que de courte durée. Il avait haussé les épaules, il avait beau se forcer à se focaliser sur le positif, il était bien trop infime pour que les doutes ne prennent pas le dessus. La meilleure façon de ne plus penser était de s’activer et il avait fait cuire le riz pour accompagner les quelques sardines de la boîte. « Tu sais que tu me dois rien du tout, hein ? » Installé à table, il était resté silencieux, parce qu’il savait que Mateo était encore plus têtu que lui. « Je mangerais pas seul Diego. On partage et c'est pas négociable. » Attrapant une fourchette pour picorer quelques bouchées dans l’assiette de Mateo, il avait laissé s’échapper un rire. « On dirait pas que t’as envie de partager, pourtant. T’as rien mangé du tout dehors ? » Son appétit l’amusait autant qu’il le contrariait, et si sa proposition de le laisser manger seul n’avait pas été retenue, Diego restait conscient de la nécessité de se freiner. Et Mateo, lui, avait des idées bien plus radicales encore. « Je pense qu'on devrait.. réfléchir à bouger d'ici bientôt. » C’était donc à ça qu’il devait l’air soucieux qu’il tentait de masquer derrière l’assurance et l’humour. Mateo avait une idée en tête, et le regard de Diego avait suffi à lui indiquer de développer davantage son point de vue. « En plus du fait que ça s'agite de plus en plus en ville, toutes les boutiques que j'ai faites arrivent déjà en fin de stock et ça va être de plus en plus compliqué de trouver à manger. » Diego s’était pincé l’arête du nez, cherchant encore à faire sens de la vitesse à laquelle les choses s’étaient dégradées, de la façon dont même lorsqu’ils pensaient avoir touché le fond, les choses continuaient à s’empirer. « Je te dis pas qu'on doit partir tout de suite, mais je crois qu'on devrait se préparer à cette éventualité. » « Bouger mais pour aller où ? » Une autre ville qui serait elle aussi prise d’assaut ? Une campagne plus éloignée encore, ou les denrées seraient encore plus rares ? « Je sais pas si les choses seront mieux ailleurs, elles pourraient même être pires. » Son regard inquiet s’était plongé dans le sien, il comprenait sa position mais ne pouvait négliger le fait que s’ils savaient ce qu’ils quittaient, ils n’avaient aucune idée de ce qu’ils trouveraient ailleurs. « T’as croisé personne dehors ? Je veux dire, je t’avais déjà proposé qu’on essaie de trouver des alliés… Ils se multiplient, on à tout intérêt à ne pas rester que tous les deux. » Diego avait posé son front contre le sien, comme pour s’excuser de ce qu’il venait de lui demander. C’était le plan initial - rester dans leur bulle et ne faire confiance à personne d’autre.

Il était difficile de s'imaginer que la situation pouvait être pire qu'elle ne l'était, et pourtant Mateo avait accepté le fait qu'ils ne savaient ce qui pourrait encore leur tomber dessus. Avant cette épidémie zombie, si quelqu'un leur avait dit que les choses deviendraient aussi chaotiques, il ne l'aurait évidemment pas cru, laissant ce genre de scénarios bien loin dans l'imaginaire collectif. Pourtant, ils en étaient bien là. Pour l'heure, il ne voulait que penser à son assiette remplie de riz et sardines à l'huile. Un régal qu'il s'était empressé d'attaquer tout en veillant à ce que Diego mange, au moins un peu. « On dirait pas que t’as envie de partager, pourtant. T’as rien mangé du tout dehors ? » « Si, si, sinon j'aurais pas survécu tu te doutes. » C'était un véritable estomac sur pattes, alors ne rien manger trois jours, même si c'était une situation qui pouvait arriver en ces temps troublés, c'était quelque chose qu'il évitait par dessus tout. « J'avais un paquet de barres de céréales protéinés périmé de seulement une semaine. Je t'en ai laissée une dans le sac d'ailleurs, elles étaient au chocolat. » Rien de très nutritif mais ça lui avait fait du bien au moral, il fallait bien l'admettre. Ce qui n'allait pas faire de bien, en revanche, c'était la nouvelle qu'il venait de lancer à Diego sur un éventuel déménagement à prévoir. « Bouger mais pour aller où ? » Il entendait l'inquiétude dans sa voix. « Je sais pas si les choses seront mieux ailleurs, elles pourraient même être pires. » « Je sais. » Ils étaient dans l'incertitude et Mateo était incapable de savoir quelle solution était la meilleure pour leur donner le plus de chances possibles. « T’as croisé personne dehors ? Je veux dire, je t’avais déjà proposé qu’on essaie de trouver des alliés… Ils se multiplient, on à tout intérêt à ne pas rester que tous les deux. » Il secouait la tête de gauche à droite. Il n'avait vu que des morts. « Non, cette fois ci j'ai croisé personne. Mais de toute façon tu sais ce que je pense de s'allier à des inconnus... » C'était bien trop risqué à son goût, vu les dingues qui traînaient dehors et qui étaient encore pire que les zombies eux mêmes. « Il faudrait réussir à trouver un de ces camps de survivants gérés par l'armée, mais je doute qu'ils soient accessibles... je suis sûre que c'est les cibles principales des hordes. » Tant de monde regroupé au même endroit, ça attirait forcément ces monstres. « Peut-être qu'on pourrait trouver une ferme abandonnée, un peu plus loin de la ville ? Si on se débrouille bien on pourrait devenir autosuffisants ? » Mateo n'y connaissait pas grand chose mais avant tout ça, il avait vu des reportages sur des familles qui vivaient de cette façon là, totalement autonomes. Peut-être pourraient-ils y arriver, eux aussi. « Je vois que ça te donne pas très envie mais... j'ai peur qu'on finisse par se faire attaquer ici sans avoir préparé de plan de secours. J'aimerais juste qu'on y pense, au moins. »

Le fait d’être resté seul pendant aussi longtemps alors qu’il ne l’avait plus été depuis longtemps l’avait amené à réfléchir et rien de positif n’était ressorti de cela. Mateo était la seule chose à laquelle il semblait pouvoir se rattacher dans ces moments obscurs et le savoir dehors, probablement en difficulté, voire mort, lui avait coupé l’envie de garder espoir. Il n’avait jamais été du genre défaitiste, mais s’il devait avancer seul, il était persuadé qu’il n’en aurait jamais été capable. Alors il adaptait son discours, évitait de partager l’intégralité de ses angoisses, tentait de mimer cette bonne humeur qui ne quittait jamais Mateo. « Si, si, sinon j'aurais pas survécu tu te doutes. » Il lui avait adressé un sourire en coin, parce qu’il se rappelait en effet de la façon dont il mangeait à intervalles réguliers avant que les vivres ne commencent à manquer. Que les magasins soit pillés et que les risques de se faire tirer dessus pour un paquet de pâtes deviennent presque aussi sérieux que ceux de se faire contaminer. « J'avais un paquet de barres de céréales protéinés périmé de seulement une semaine. Je t'en ai laissée une dans le sac d'ailleurs, elles étaient au chocolat. » Ils avaient fini l’assiette si rapidement que la sensation de satiété n’avait pas eu le temps d’apparaître. Jetant un coup d’oeil au sac puis à Mateo, son sourire l’avait motivé à en sortir la barre de céréales. « Merci. » Il n’avait jamais été aussi heureux de croquer dans une barre de céréales, sa voix emplie d’émotion. C’était une bien maigre consolation face à ce que Mateo venait de lui exposer. « Je sais. » Il avait évidemment pesé le pour et le contre avant de lui parler de son idée, il le savait, mais l’inquiétude demeurait la même, au point de demander à nouveau s’il avait pu trouver un quelconque soutien à l’extérieur. « Non, cette fois ci j'ai croisé personne. Mais de toute façon tu sais ce que je pense de s'allier à des inconnus... » « Que des morts, tu l’a déjà dit, je sais. Mais j’avais espoir que peut-être… » Le regard de Mateo parlait toujours suffisamment, et Diego avait abandonné sa phrase, parce que ses arguments étaient trop valides pour que les siens aient un poids. « Il faudrait réussir à trouver un de ces camps de survivants gérés par l'armée, mais je doute qu'ils soient accessibles... je suis sûre que c'est les cibles principales des hordes. » Plantant son regard dans le vide, Diego réfléchissait, cherchant à comprendre si les zombies étaient capables de penser à ce point. « Peut-être qu'on pourrait trouver une ferme abandonnée, un peu plus loin de la ville ? Si on se débrouille bien on pourrait devenir autosuffisants ? » Il allait répondre quand Mateo avait repris. « Je vois que ça te donne pas très envie mais... j'ai peur qu'on finisse par se faire attaquer ici sans avoir préparé de plan de secours. J'aimerais juste qu'on y pense, au moins. » « Je sais que cet endroit tiendra pas le choc, mais le quitter me donne l’impression d’abandonner, de les laisser gagner. » Il avait pris son visage dans ses mains, parce qu’il espérait encore naïvement qu’un antidote ou une autre solution viendrait à bout de cette invasion et que leur vie reprendrait son cours. « Si tu ne veux pas te fier aux autres, la ferme est une meilleure option que les camps de survivants… » Pourtant, il préférait la seconde option, parce que s’il adorait leur duo et leur bulle, il savait qu’ils ne seraient jamais plus forts qu’avec des alliés. « Tu voudrais qu’on fasse des repérages quand ma cheville ira mieux ? Ou qu’on se dirige vers les fermes qu’on connaît en espérant qu’un comité d’accueil ne nous y attendra pas ?  » Les deux options étaient dangereuses. Tout était dangereux.

« Merci. » « Que des morts, tu l’a déjà dit, je sais. Mais j’avais espoir que peut-être… » Il savait combien c'était important de se fixer des objectifs pour ne pas se laisser aller, qu'il fallait essayer de penser positif. Lui le faisait mais d'une toute autre façon. « Le seul espoir sur lequel on puisse miser c'est nous même. Qu'on réussisse à rester tous les deux. » Pendant un moment Mateo avait cru en l'humanité. Il avait cru qu'ils pourraient traverser cette épreuve et en ressortir plus forts, que des solutions allaient être trouvées, que ces monstres seraient anéantis ou qu'un antidote serait inventé. Ils en étaient bien loin aujourd'hui et la seule chose qu'il avait la force d'espérer, c'était de pouvoir vivre auprès de son petit-ami le plus longtemps possible, de se créer avec lui un avenir meilleur rien qu'à eux deux. Cet avenir, il l'imaginait semé bientôt de plusieurs embûches cependant, dont l'épreuve de quitter ce lieu qu'ils occupaient depuis plusieurs mois maintenant. « Je sais que cet endroit tiendra pas le choc, mais le quitter me donne l’impression d’abandonner, de les laisser gagner. » Il ne pouvait que comprendre ce discours mais Mateo s'inquiétait énormément de ce qui risquait de leur tomber dessus à l'avenir. Ces hordes de zombis étaient de plus en plus massives et impressionnantes. Si à présent Mateo avait appris à gérer quelques individus facilement, faire face à un tel nombre de morts était tout bonnement du suicide. Trouver un camp de réfugiés ou s'éloigner des grandes ville semblait être leur meilleure option. « Si tu ne veux pas te fier aux autres, la ferme est une meilleure option que les camps de survivants… » Analyse très juste, qu'il s'était contenté d'appuyer d'un vif mouvement de tête. « Tu voudrais qu’on fasse des repérages quand ma cheville ira mieux ? Ou qu’on se dirige vers les fermes qu’on connaît en espérant qu’un comité d’accueil ne nous y attendra pas ?  » Difficile de savoir comment agir au mieux. « Je sais pas du tout comment on peut procéder. Avec l'essence qui nous reste on a pas tellement droit à l'erreur... » S'ils décidaient de partir, il avait peur qu'aucun retour en arrière ne soit possible s'ils ne trouvaient pas les ressources nécessaires. « Peut-être qu'on devrait essayer de rallumer la radio ? Si ça se trouve on arrivera à tomber sur quelqu'un qui diffuse encore, sur des infos utiles... » Ou de tomber dans un piège voué à leur voler toutes leurs ressources, au choix. Mais il avait du mal à réaliser qu'ils devraient tous les deux abandonner leur havre de paix sans aucune garantie de retrouver un tel lieu. « Toi, tu en penses quoi ? » Après tout ils étaient deux, hors de question que Mateo soit le seul à prendre des décisions dans cette affaire.

Ils étaient heureux avant, parce que tout était simple et que leur vie était devenue la plus banale des routines. S’ils pouvaient parfois se lasser, ils donneraient tout ce qu’ils possédaient pour pouvoir y revenir et reprendre leurs habitudes là où ils les avaient laissées. C’était cruel, cette sensation d’avoir été privé des plus belles années de leurs vies parce qu’un scénario de film d’horreur était devenu leur réalité. Mais s’ils nageaient dans le bonheur auparavant, il était difficile de savoir la réalité de leur relation et c’était dans l’adversité que tout s’était vérifié. Ils s’aimaient, plus que tout. « Le seul espoir sur lequel on puisse miser c'est nous même. Qu'on réussisse à rester tous les deux. » Un maigre sourire avait étiré les lèvres de Diego, qui dans d’autres circonstances, se serait permis de se moquer gentiment de ces quelques mots philosophiques. Aujourd’hui, ils étaient les bienvenus, venant apaiser un temps la crainte qui envahissait sa poitrine. « Je sais pas du tout comment on peut procéder. Avec l'essence qui nous reste on a pas tellement droit à l'erreur... » C’était probablement l’une des denrées la plus rare, la première à avoir été pillée. Diego se rappelait encore la fois où ils avaient du en venir aux mains avec ces hommes venus siphonner leur réservoir - c’était la toute première fois qu’il se battait, la toute première fois qu’il avait du panser les plaies de Mateo. « Peut-être qu'on devrait essayer de rallumer la radio ? Si ça se trouve on arrivera à tomber sur quelqu'un qui diffuse encore, sur des infos utiles... » Son regard vagabondait dans la pièce alors qu’il réfléchissait, sans dire que sa volonté était celle de rester ici. Il l’avait déjà fait, et Mateo avait exposé son point de vue qui était plus que valide. « Toi, tu en penses quoi ? » Soupirant et tapant sur ses cuisses pour se donner l’impulsion, il s’était levé pour allumer la radio. « J’en pense que je vais t’écouter, toutes les décisions que t’as prises jusque là ont été payantes. » Comment aurait-il fait, sans lui à ses côtés ? Il y avait fort à parier qu’il serait déjà mort, ayant laissé son destin dans les mains de n’importe qui par crainte d’être seul. Les grésillements de la radio n’avaient pas réussi à dissimuler le bruit sourd et soudain à l’extérieur. « T’as entendu ? » Leurs expressions étaient devenues les mêmes avant qu’ils se dirigent d’un même pas vers la porte. « Joder, Mateo, attrape un fusil ! » avait lancé Diego sur un ton ferme mais peu élevé pour ne pas se faire repérer - à l’extérieur, il voyait un zombie. « Je crois que t’as bien été suivi… J’en vois pas d’autres pour l’ins… » Il n’avait pas eu le temps de finir sa phrase, l’un d’eux avait brisé la vitre pour attraper son bras.

Dans le tumulte de ces derniers mois, aucun plan n'était le bon plan. Aucune solution n'était parfaite, aucunes garanties ne pouvaient être faites. La seule chose sur laquelle Mateo et Diego pouvaient compter c'était leur amour et le soutien qu'ils s'apportaient tous les deux. Ensemble, ils survivraient. Ensemble, ils feraient ce qui était en leur pouvoir pour avancer malgré tout. Chaque jour, des nouveaux problèmes se mettaient en travers de leur route et pourtant, chaque jour, ils se tenaient prêts à les affronter parce qu'ils n'étaient pas capable d'abandonner. Parce qu'ils avaient décidés que ça valait le coup, même après toutes ces morts, même après que leur vie aie changée du tout au tout. Alors même si c'était compliqué de devoir quitter la vie qu'ils s'étaient faite ici, dans cette maison ; cette stabilité, ils le devaient pour survivre. Parler de ces plans pour l'avenir était à la fois extrêmement anxiogène mais aussi galvanisant, dans un sens. Mais si Diego n'était pas prêt, Mateo refusait de le brusquer à partir. De toute manière, il avait bien trop envie de passer quelques jours à se reposer après son aventure dehors. « J’en pense que je vais t’écouter, toutes les décisions que t’as prises jusque là ont été payantes. » La radio avait donc été rallumée dans l'espoir d'y entendre un message, n'importe lequel. Mais en plus du grésillement de la radio, un son était venu les interpeller à l'extérieur de la maison. « T’as entendu ? » Il avait hoché la tête rapidement pour seule réponse et ils s'étaient tous les deux dirigés vers la porte. Dehors, un zombie les attendait. « Joder, Mateo, attrape un fusil ! » Ni une ni deux il s'était exécuté, et alors qu'il faisait signe à Diego de ne plus parler pour ne pas risquer de se faire entendre... « Je crois que t’as bien été suivi… J’en vois pas d’autres pour l’ins… » Violemment, un zombie était parvenu à briser la vitre et était venu attraper le bras de Diego. Dans un élan vif, Mateo était venu sauter sur la tête de zombie avec le couteau du repas, qu'il avait gardé dans la main. Mieux valait éviter de faire du bruit pour attirer toute la horde à leur fenêtre. Sa main devant sa bouche, il indiquait à Diego de garder le silence religieusement. La horde toute entière était en train de s'approcher de la maison, mais ils n'avaient pas encore repéré l'accès nouvellement créé par la fenêtre brisée. Sans faire le moindre bruit, Mateo avait remis la plupart de ses courses dans le sac qui traînait encore sur la table et il avait invité Diego à le suivre le plus discrètement possible dans le garage, fermant la porte derrière eux. « On a 2 minutes pour se barrer de là avant que la sortie du garage soit bloquée par ces putains de cadavres ambulants. » Le départ était donc avancé à.. maintenant. « Prends tout ce qui peut nous être utile ici et on s'en va. » Ils n'avaient qu'une chance de s'échapper ou tout était perdu. Prenant un instant pour respirer et réfléchir, Mateo s'était tourné vers Diego, se rappelant qu'il avait été attrapé par l'une des créatures. Ça ne voulait rien dire, il n'était pas forcément blessé, mais il devait savoir. « Ça va bébé, t'as rien ? »

Le désarroi que ressentait toute la population n’était pas dû qu’à cette fatalité à laquelle ils devaient faire face chaque jour. Ils avaient appris à se terrer chez eux, à se cacher sans cesse et à faire de chacun de leurs déplacements une mission entière. Les habitants n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes parce que les vivres manquaient et qu’ils avaient du cesser de vivre dans une abondance dont ils n’avaient probablement jamais pris conscience avant que le mal ne vienne les frapper. Non, le désarroi s’amplifiait jour après jour, au fil des différents traumas qu’amenait cette nouvelle vie qui leur était imposée. Des membres déchiquetés, des enfants éventrés, les bains de sang étaient venus rythmer leur quotidien pour les plonger dans une terreur telle qu’elle les avait obligés à décupler chacun de leurs sens. Et c’était son ouïe que Diego avait mis à l’épreuve alors que la radio aurait pu dissimuler les gémissements de ces monstres, leurs pas lourds et la façon dont ils étaient venus gratter à leur porte. Il avait agi, mais mal agi, et il s’était bêtement mis en danger, au point qu’il ne se retrouve dans un état de choc l’empêchant de prononcer le moindre mot après l’événement. « On a 2 minutes pour se barrer de là avant que la sortie du garage soit bloquée par ces putains de cadavres ambulants. » Finalement, c’était un mal pour un bien, parce que Diego n’était pas sûr qu’ils seraient parvenus à un terrain d’entente. Trouver une solution qui leur convenait à tous les deux était compliqué et encore une fois, la fatalité les avait rattrapés pour les obliger à agir sans réfléchir, ils n’en avaient pas le temps. « Prends tout ce qui peut nous être utile ici et on s'en va. » Comme anesthésié par la peur plus que par la douleur, Diego s’était exécuté, sans un mot, s’agitant comme un robot dénué de sentiments. « Ça va bébé, t'as rien ? » Ces mots l’avaient comme remis en état, et il s’était tourné lentement vers Mateo pour le fixer afin de reprendre ses esprits. Sans un mot, il s’était jeté à son cou pour lui accorder une étreinte comme si elle serait la dernière. Plaçant ses mains de chaque côté de son visage, il l’avait embrassé avant de se diriger dans la voiture et c’était lorsque Mateo avait démarré qu’il s’était décidé à parler. « Il m’a bien entaillé, mais ça va aller, j’ai pris la trousse de secours avec moi. » avait-il commencé en s’attelant à nettoyer sa plaie pour y apposer une compresse et la fixer là. « Si c’était une morsure j’étais foutu… » Plaquant sa nuque contre l’appuie-tête, il avait fermé les yeux. « Si c’était arrivé, tu aurais dû me tuer. Je veux que tu me promettes que tu le feras, si ça arrive. Promets-moi de pas réfléchir et de te sauver la vie. »  Ses yeux étaient maintenant brillants, alors que les larmes menaçaient de s’effondrer sur ses joues. Ils avaient frôlé la catastrophe, ils avaient dû - encore - tout quitter, et l’angoisse que tout se termine le tiraillait maintenant que la blessure avait amplifié un peu plus son état de fatigue.

Parfois, Mateo se demandait combien ils étaient encore, comme eux, à lutter pour leur survie. L'état dans lequel les rues étaient laissées, complètement à l'abandon, des cadavres au sol partout et des hordes de zombies régissant la ville ne lui laissait aucun espoir quand au sort de l'humanité. Alors il s'imaginait qu'ils ne restait qu'eux, parfois. Il savait que c'était loin d'être le cas mais il était impossible de dire si des communautés entières avaient survécus dans certains camps comme il avait pu l'entendre au début de l'épidémie, ou si aujourd'hui ces havres de paix n'existaient plus que dans son imaginaire.. En tout cas, s'il ignorait pour quelle destination ils partaient aujourd'hui, Mateo savait qu'ils n'avaient d'autre choix que d'agir. D'ici quelques minutes les zombies auraient pris d'assaut la maison et Diego et lui auraient finis soit complètement dévorés jusqu'à l'os, soit ils auraient rejoint ces créatures mi mortes mi vivantes. Aucune de ces deux possibilités ne lui donnait vraiment envie. « Il m’a bien entaillé, mais ça va aller, j’ai pris la trousse de secours avec moi. » Les lèvres pincées, il était resté concentré sur l'action, avait démarré la voiture et avait tiré sur le mécanisme d'ouverture de la porte pour pouvoir sortir du garage. Sans regarder en arrière Mateo avait pris la route dans la direction qui les éloignerait le plus du centre de Brisbane. Heureusement pour eux, la horde était bien trop lente pour espérer les suivre, et leur rapidité d'action leur avait permis de s'échapper sans aucun dégâts. Ou presque. « Si c’était une morsure j’étais foutu… » Le problème, c'est que Mateo, deux jours plus tôt, avait fait face à deux zombis qu'il avait dû abattre dans une arrière boutique. Ces deux zombis semblaient relativement frais, donc transformés depuis peu, et l'un d'entre eux n'avait aucune morsure sur le corps... uniquement de profondes griffures sur le bras. Il n'avait pas eu la preuve qu'il s'était transformé à cause de ces griffures, mais Mateo ne pouvait pas être certain du contraire non plus. « Si c’était arrivé, tu aurais dû me tuer. Je veux que tu me promettes que tu le feras, si ça arrive. Promets-moi de pas réfléchir et de te sauver la vie. » « Ne parlons pas de ça tu veux... » Il n'osait pas s'imaginer la scène et pourtant, il savait qu'un jour cela risquait d'arriver. Ou bien l'inverse ; que Diego doive le tuer lui. « Si le pire devait arriver, je ferais ce que j'ai à faire. Tout comme tu le feras si quelque chose devait m'arriver. » Qu'il avait dit d'un ton un peu plus grave que ce qu'il aurait voulu. « On a suffisamment d'essence pour rouler sur plusieurs dizaines de kilomètres alors on a le temps de réfléchir à quoi faire. Essaie de pas t'endormir, reste sur tes gardes, ok ? » Non seulement deux paires d'yeux ne seraient pas de trop pour repérer les endroits intéressants mais en plus, Mateo se méfiait de la blessure de son petit-ami qu'il n'avait pas eu le temps d'examiner jusqu'ici.

Tout s’était passé à une vitesse folle, l’adrénaline leur permettant d’agir dans la rapidité sans jamais se poser de questions. Ils étaient nombreux les événements de ce genre à sans cesse leur rappeler la réalité des choses et à les obliger à rester sur leurs gardes. Ils ne dormaient jamais réellement sur leurs deux oreilles et Diego ne se souvenait pas de la dernière fois où il était sorti profiter d’une promenade sans avoir la boule au ventre. Ils ne sortaient plus, sauf si cela était absolument nécessaire, et chacun de ces moments ressemblaient plus à un parcours du combattant qu’à une balade. « Ne parlons pas de ça tu veux... » Diego avait soupiré, ne sachant pas s’il coupait court à la conversation pour s’épargner ou, comme à son habitude, le protéger lui. S’il abordait le sujet, c’était parce qu’il avait besoin de cette promesse parce que l’idée de le perdre était une chose, le fait de le condamner à une mort horrible en était une autre. « Si le pire devait arriver, je ferais ce que j'ai à faire. Tout comme tu le feras si quelque chose devait m'arriver. » Son air était grave, et le regard de Diego était resté posé sur son profil durant un certain temps. Le silence dans lequel ils avaient été plongés était pesant, tant la discussion avait pris un virage dramatique. « Pourquoi j’ai l’impression que tu parles comme si y avait plus d’espoir ? » Diego en avait fait de même, mais il faisait suite à sa blessure. Mateo, lui, n’avait aucune raison de ne pas le rassurer comme il le faisait normalement et la gravité du ton de son petit-ami avait eu raison de lui. « Qu’est-ce que tu me dis pas ? » Ses mains se crispaient sur le volant, et il avait changé de sujet. « On a suffisamment d'essence pour rouler sur plusieurs dizaines de kilomètres alors on a le temps de réfléchir à quoi faire. Essaie de pas t'endormir, reste sur tes gardes, ok ? » Il n’y avait aucun risque qu’il s’endorme alors qu’il était maintenant empli de doutes et que la façon dont les yeux de Mateo l’ignoraient renforçait ses craintes. Ils avaient passé le reste du trajet dans ce même silence pesant avant que devant eux se dessine enfin un corps de ferme où Mateo s’était arrêté sans le consulter.  « Si c’était habité, le bruit du moteur les aurait fait sortir. » avait-il lancé en s’aventurant dehors. Ils avaient fait le tour, prudemment, et c’était une fois qu’ils avaient constaté que l’endroit était déserté qu’il s’était tourné vers Mateo. « Soit ils vont revenir, soit ils ont dû partir en vitesse et on ferait mieux d’en faire autant. » Il n’était pas en confiance, pas ici, plus depuis que le doute se lisait dans son regard. « Mateo dis-moi pourquoi t’as l’air si sûr que je suis foutu. » avait-il demandé, son regard sombre planté dans le sien.

« Pourquoi j’ai l’impression que tu parles comme si y avait plus d’espoir ? » Il n'avait pas répondu, son regard concentré sur la route, au loin. Il n'avait pas répondu parce qu'il ignorait quoi répondre. Il était incapable de se montrer rassurant et refusait de se montrer pessimiste parce qu'il n'avait aucune vraie preuve qui lui permettait de l'être, et pourtant, il ne pouvait s'empêcher de trop penser à tout ce que cela pourrait impliquer si son hypothèse était juste. Pour le moment, il voyait cette possibilité mais il restait détaché de la situation comme pour s'en protéger. « Qu’est-ce que tu me dis pas ? » Mateo avait préféré changer de sujet, parlant plutôt de leurs plans d'avenir et des solutions qu'ils devraient trouver plutôt que de se concentrer sur ses craintes et sur les scénarios catastrophes qui habitaient désormais son esprit. Peut-être que ces derniers jours passés à l'extérieur et leurs horreurs qu'il avait dû affronter étaient encore trop ancrés en lui pour qu'il ne puisse voir les choses comme elles étaient vraiment. Peut-être était il en train de devenir paranoïaque, que la folie était en train de la gagner pour de bon ? Le silence dans la voiture était pesant et Diego l'avait brisé juste après que Mateo ne se soit arrêté devant l'entrée d'un corps de ferme, perdu au milieu de nul part. « Si c’était habité, le bruit du moteur les aurait fait sortir. » Ils s'étaient rendus compte que l'endroit était abandonné après en avoir fait le tour. A l'intérieur, aucun bruit ne s'était fait entendre. Il n'y avait ici ni de vivants, ni de morts errants. « Soit ils vont revenir, soit ils ont dû partir en vitesse et on ferait mieux d’en faire autant. » « S'ils se sont fait attaquer c'était il y a plusieurs jours, ou il y aurait encore des morts dans le coin. » C'était plus une supposition qu'un certitude, mais en tout cas, le terrain était plutôt plat et aucun zombi ou aucune horde ne semblait apparaître à l'horizon. « On peut faire le tour à l'intérieur, passer au moins la nuit ici, et on voit demain ? » Il ne disait pas qu'ils devraient s'installer là mais qu'au moins cet endroit lui paraissait suffisamment sécurisé pour y passer quelques heures et se reposer, quoi qu'il aurait du mal à dormir sur ses deux oreilles en craignant que l'homme qu'il aimait ne puisse se retourner contre lui dans la nuit. « Mateo dis-moi pourquoi t’as l’air si sûr que je suis foutu. » « C'est rien Diego, je suis épuisé. Je pensais rentrer me reposer et je me suis fait virer de ma maison à peine arrivé. Je suis juste un peu... » Inquiet, triste, abattu. Il avait perdu son optimisme, et pour une seule raison : il avait peur de perdre Diego. Avoir perdu la maison était un coup de massue, risquer de perdre son petit ami serait insurmontable. Après avoir soufflé un bon coup, il se décidait à lui dire la vérité.  « De ce que j'ai pu voir dehors, j'ai cru comprendre que.. parfois, une griffure, si elle est assez profonde, peut suffire à transformer quelqu'un. C'est certainement lié plus à l'infection d'avoir été en contact avec un corps en décomposition que le virus lui même, mais.... » Il avait la gorge serrée en parlant, son regard fuyait celui de Diego. Même en essayant de se confondre en hypothèses médicales, il ne pouvait minimiser la peur qu'il ressentait à cet instant.