Tu entends la sonnette retentir une fois. Tu ne bouges pas, emmitouflé dans ta couette bien confortable, comme un cocon. Une seconde fois. Tu pousses ce qui ressemble à un grognement, très peu enclin à repousser tes draps chauds. Une troisième fois, et la sonorité se fait bien plus longue. Un bruit strident qui finit par te réveiller, et tu cherches sans doute trop brutalement ton téléphone, si bien que tu donnes un grand coup dans le réveil situé sur ta table de chevet. Il s’écrase au sol, et le bruit du plastique au sol t’interpelle. Tu te redresses alors sur tes coudes pour voir l’objet étalé et déboité, quelques pièces ayant pris leur liberté. Tu soupires, retirant ta couette d’un coup sec, pour poser tes pieds sur le plancher de ton appartement. Tu attrapes le réveil que tu observes minutieusement, curieux de savoir s’il était réparable. Tu tentes de replacer les pièces détachées là où elles semblaient se situer, plissant tes yeux encore rouges. Tu passes peut être une minute, concentré, à tenter de le rafistoler, tentant de le rebrancher plusieurs fois sans que l’écran ne s’allume. Et cette fois ci, c’est ton téléphone qui fait des siennes. Il se met à sonner, te coupant dans ton activité manuelle, empruntant une sonnerie que tu supportais plus avec les années. « Putain de xylophone de merde. » Tu pestes avec virulence. Et la sonnerie typique des iPhones s’éteint quand tu parviens à remettre la main sur le smartphone. Il faudra que tu la changes. Sinon c’est ton mobile qui finira contre le plancher la prochaine fois. Tu lâches ton réveil au sol -de toute façon t’avais perdu patience pour les réparations- et observes ton écran. Tu aperçois alors les notifications des messages de Kendall. Il est devant ta porte. Tu fronces tes sourcils, ne parvenant pas à comprendre ce qu’il faisait là. Les souvenirs de la veille sont flous, autant parce que tu viens de sortir du lit que parce que ton taux d’alcoolémie peinait à redescendre. Tu remontes la conversation, redécouvrant des messages envoyés à trois heures de matin, sans doute en sortie de boite. Tu ne te souvenais plus avec précision des échanges, te rappelant vaguement avoir discuté avec lui. Et tu n’avais aucun souvenir du rendez vous que vous vous étiez donné. Ce dont tu te souvenais parfaitement en revanche, c’est de ton altercation avec Lewis. Et à peine la scène avait commencé à te revenir que ton esprit s’échauffait à nouveau. Quel trou du cul ce mec. Tu soupires en répondant à Kendall, lui indiquant que tu venais lui ouvrir. Tu enfiles simplement les premiers vêtements qui trainaient, un jogging rouge et un t-shirt bleu. T’aimais les vêtements colorés, mais t’es pas certain de l’accord. Tu te diriges ensuite vers l’entrée de ton appartement, tournes tes clés dans la serrure, et appuies sur la poignée pour ouvrir à celui qui patientait sans doute depuis trop longtemps sur le palier. « Salut. » Que tu grommelles, de façon presque inaudible. Tu refermes la porte derrière lui, enclenchant la serrure par automatisme. T’as mal au crâne. Déshydraté, tu attrapes un verre vide pour le remplir d’eau du robinet, et le boit d’une traite. « Tu veux quelque chose? » Tu parlais d’un verre. Mais s’il avait quelque chose à te dire t’étais aussi preneur. Parce que malgré tout, Lewis avait réussi à semer un sentiment de culpabilité, que t’essayais d’étouffer depuis hier. Et tu lui en voulais pour ça. Parce que tu commençais à t’en vouloir à toi. Alors que tu n’as pas été convié aux funérailles de son père, et que t’as simplement pas voulu reprendre contact avec Kendall en t’imposant dans un moment si compliqué. Tu ne sais pas gérer les crises. Pas ce genre de crises. Tu le sais. Il le sait. Tout le monde le sait. Tu te contentes toujours d’aborder des sujets superficiels, et le sérieux te mettait bien souvent dans une position bien moins confortable que tes railleries. Et quel message t’aurais du lui envoyer? Désolé que ton père soit mort, bisous, on se voit bientôt? Alors, comme d’habitude, t’as préféré ignorer, et simplement attendre que l’orage passe. « J’avais zappé que tu venais ce soir. » T’avais zappé votre discussion tout court.