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Le retour à la vie normale c’était fait plus doucement que tu ne l’avais anticipé. Tu n’étais pas sans savoir que les rapprochements avec Joaquin étaient en grande partie responsable de cela. Tu avais pris sur toi pour t’occuper de lui, comme tu le lui avais promis cette journée que tu étais revenue. Ce n’était que des petites choses; cuisiner même si tu n’étais pas particulièrement douée, t’assurer que le ménage de l’appartement était fait au fur et à mesure, même si tu avais des tendances bien plus bordéliques que lui. Des petits gestes du quotidien qui prouvaient que tu voulais lui rendre la vie plus facile, que tu voulais être une présence rassurante et non encombrante pour lui. Tu ne voulais pas être un stress de plus dans son quotidien qui avait déjà assez d’anxiogène sans que tu n’en ajoutes, et pour l’instant, tu avais l’impression de réussir dans ta mission de simplicité. Il y avait encore beaucoup de choses à éclaircir, des secrets à dévoiler, mais pour l’instant, tu laissais les choses se faire naturellement, sans pression et sans attente, appréciant seulement découvrir ce nouvel aspect de la personnalité du pompier. Le retour à la réalité toutefois impliquait aussi que tu avais pris énormément de retard dans la correction des différents devoirs et examens de tes élèves, et tu avais prévu de passer ton samedi le nez plongé dans les différentes règles grammaticales et les compositions toutes plus farfelues les unes de tes élèves.

C’est une agréable odeur émanant de la cuisine qui te sort le nez de tes corrections, te rappelant que tu n’as rien avaler depuis plusieurs heures. Tes pas te guident de ta chambre – dans cette pièce où tu n’as pas réellement dormi depuis quelques semaines – jusqu’à la cuisine, là où tu trouves Joaquin devant les fourneaux. « Je t’avais dit que je nous ferais quelque chose pour le lunch. » C’était le plan avant que tu ne perdes la notion du temps. Incapable de résister, tu t’approches du Bates, passe une main dans le bas de son dos et viens déposer un baiser sur sa joue. « Ça sent bon. » que tu commentes, te tournant vers les armoires pour sortir des assiettes et des verres. Tu es sur le point de préparer la table lorsque des coups portés contre la porte d’entrée attirent ton attention. « Est-ce que tu attends quelqu’un? » que tu demandes à Joaquin, surprise par cette interruption. Tu savais qu’il n’avait pas de rendez-vous aujourd’hui, ni qu’il n’avait pas l’intention de travailler, mais comme tu avais prévu de passer la journée à faire des corrections, tu ne serais pas surprise d’apprendre qu’il avait fait ses propres plans pour passer le temps.

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Ça fait du bien de t’étirer après plusieurs heures assise devant ton bureau, le dos courbé à repasser copie après copie. Mais ça ne compare en rien avec les sensations qui t’envahissent dès que ton regard croise celui de Joaquin. C’est encore tout neuf et ça se ressent, dans la manière dont ton corps semble dérivé naturellement vers le sien, le besoin de sentir sa peau sous tes doigts essentielles, même si c’est seulement au passage. « Ma sœur m’a écrit ce matin, elle a besoin de quelqu’un pour garder Antonia. Celle de douze ans, la dernière. » Oh. Tu n'as pas encore eu l’occasion de rencontrer les membres de la famille de Joaquin. Probablement parce que tout est encore si neuf entre vous. Il y a aussi le fait que rien ne semble se faire dans les étapes normales, toi habitant avec lui depuis plusieurs mois déjà. Si ce n’était pas du fait que tu n’as pas d’appartement à ton nom présentement, tu n’aurais probablement été là pour accueillir sa sœur et sa nièce. Est-ce que ça le dérange, que tu sois là? La question se fait une place dans un coin de ta tête, sans que tu n'oses la poser, de peur de la réponse qui pourrait quitter ses lèvres. « Comme tu étais occupée, je me suis dit que ça ne te dérangerais pas que je m’occupe d’elle alors j’ai accepté… » « Oui bien sûr, tu n’as pas besoin de me demander la permission pour recevoir ta famille dans ton propre appartement. » que tu commentes sur un ton que tu espères humoristique, mais qui laisse sûrement entendre un peu trop fort les doutes vis-à-vis ta propre présence dans l’appartement.

Malheureusement, tu n’as pas le temps de t’attarder trop longtemps sur ce point que vous êtes interrompus par des coups contre la porte. Joaquin s’occupe d’aller ouvrir, et une jeune fille lui saute au cas, un large sourire illuminant l’entièreté de son visage. « Tito!! » Tu observes la scène avec quelques mètres de distance, n’osant pas trop t’imposer alors que Joaquin prend sa nièce dans ses bras, laissant de la place à sa sœur pour qu’elle dépose un sac appartenant sans doute à sa fille dans l’entrée. L’échange entre frère et sœur t’échappe complètement, les mots prononcés par Soledad étant tous en espagnol, un langage que tu as étudié il y a longtemps, à l’école secondaire, mais dont tu ne te souviens pas de grand-chose. C’est seulement lorsque son regard croise le tien qu’elle revient à l’anglais, un air de surprise s’emparant de son visage. « Oh pardon! Je ne savais pas que tu étais avec quelqu’un… » Tu offres un petit signe de la main à la sœur de Joaquin, alors qu’il s’empresse de faire les présentations. « Soledad, je te présente Autumn. C’est l’amie dont je t’ai parlé, qui vit ici le temps que son appartement soit remis en état à cause de la tempête… » Ce serait mentir que de dire que le mot amie ne te fait pas grimacer, mais tu essayes de ne pas prendre offense à cette description. Tu n’es pas complètement surprise de la réticence de Joaquin, mais est-ce que c’est quelque chose qui allait durer encore longtemps? Il évite ton regard, et quelque chose te dit que peut-être que vous n’êtes pas complètement sur la même page, contrairement à ce que tu croyais. Il se met à lui parler en espagnol à nouveau, et tu te demandes s’il lui dit quelque chose à ton sujet, bien que tu doutes que ce soit le genre du pompier de parler contre toi à ton insu. Ou de parler contre toi, tout court. C’est toi, qui t’imagines le pire encore. Une mauvaise habitude dont tu essayes très fort de te défaire. « Ravie de te rencontrer Autumn, Quino a raison, je file ou je vais être en retard. Besos carinos. » « Moi de même. » que tu as à peine le temps de dire avant qu’elle ne disparaisse aussi vite qu’elle est arrivée.

Antonia est la première à vous rappeler ce que vous étiez en train de faire avant son arrivée, se dirigeant avec enthousiasme vers la cuisine. « Des humitas, tito tu es parfait! » Son excitation te fait sourire et t’aide à chasser les quelques nuages gris qui se sont installés contre ta volonté au-dessus de ta tête. « T’as de la chance de vivre avec Tito, il cuisine tellement bien… » « Tu as bien raison. Je lui ai dit que j’allais cuisiner pour lui pour l’aider, mais il est bien meilleur que moi. » Ce n’est pas pour autant que tu n’essayes pas, mais le meilleur cuisinier dans cet appartement, ce n’est clairement pas toi. Surtout pas lorsqu’il s’agit de faire des spécialités chiliennes, ce qui semble faire le plaisir de la pré-adolescente. « C’est super jolie Autumn! C’est comme la saison? » Tu hoches la tête. « Ça a toujours été la saison favorite de ma maman. Et comme je suis née le premier jour d’automne, elle s’est dit que c’était le prénom parfait pour moi. » que tu lui expliques, comme tu l’as déjà fait une centaine de fois avec une centaine de personnes différentes. Ça t’agaçait avant, mais tu as appris à apprécier ton prénom. L’automne et ces couleurs variables, souvent vu comme une fin, mais aussi une saison dans laquelle on prône le confort et le bien-être. C’est cette version dont tu as envie de t’inspirer désormais. « Mais c’est pas aussi jolie qu’Antonia. » que tu rajoutes, ce qui semble faire plaisir à la nièce du pompier. « Tu veux m’aider à mettre la table pendant que ton oncle finit de cuisiner? » que tu lui proposes, ce à quoi elle répond positivement rapidement. « Et il faudra que tu me racontes toutes les meilleures histoires de ton Tito. » Rien comme l’honnêteté d’une enfant pour apprendre à connaître quelqu’un, après tout. Tu offres un regard moqueur à Joaquin, curieuse de voir où cette conversation va mener.

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Ce n’est pas ce à quoi tu t’attendais en sortant de ta chambre, mais le changement de situation t’arracha tout de même un sourire. Tu ne pensais pas rencontrer des membres de la famille de Joaquin aujourd’hui, ne pensais surtout pas entendre Joaquin te qualifier d’amie auprès de sa sœur, mais il serait mentir de dire que tu n’étais pas curieuse de voir ce que l’après-midi vous réservait en compagnie d’Antonia. La jeune fille radiait d’un bonheur et d’une simplicité qui ne pouvait que te faire sourire. Avec la table dressée et le repas prêt à être servi, tu ne pus t’empêcher d’accorder toute ton attention sur la jeune fille, curieuse d’entendre ce qu’elle pourrait te dire sur son oncle. Tu ne t’attendais pas à entendre des choses bien compromettantes sur Joaquin, ce n’est pas ce à quoi tu t’attendais de la part d’une pré-adolescente de douze ans, mais il y avait quelque chose d’honnête et de direct chez les enfants qui te laissaient croire que peu importe la manière dont elle choisirait de décrire son oncle, tu pourrais la prendre au mot sans hésitation aucune. « Attention à ce que tu dis Tonia, sinon... » Les fausses menaces t’arrachent un léger rire, alors qu’Antonia lève les mains, l’air de dire qu’elle est innocente. « Je raconte toujours la vérité sur toi Tito! Que tu es un oncle gentil et bon cuisinier… Un super héros qui sauve les gens et qui éteint les incendies. » Ce n’était rien que tu ne savais pas déjà, mais de voir la fierté et l’admiration dans le regard de sa nièce avait quelque chose de touchant, n’aidant en rien les sentiments grandissant que tu avais à l’égard du pompier. « Il t’a dit qu’il m’a déjà sauvé la vie? » que tu lui avoues, ayant droit à un air de surprise de la part de la jeune fille. Deux fois plutôt qu’une tu avais envie de préciser, mais comme elle risquait de te poser des questions, tu te voyais mal lui expliquer les raisons qui avaient mené à votre rencontre. « C’était pendant la tempête, je me suis retrouvée coincée dans mon appartement et c’est Quino qui m’a secouru. » que tu admets, évitant tout détails potentiellement provoquants. « Wow, t’es vraiment un héros Tito! » s’exclame Tonia, ce à quoi tu ne pouvais qu’acquiescer d’un hochement de la tête.

« Tu ne réussiras pas à lui soutirer quoi que ce soit sur moi… » Tu lui offris une grimace pour toute réponse. « Ça valait la peine d’essayer. » L’envie de te lever et de venir déposer un baiser sur sa joue était grande, mais tu ne voulais pas mettre Antonia mal à l’aise, ou même qu’elle se pose des questions auxquelles Joaquin ne se sentait clairement pas prêt à répondre, alors tu t’assis sur tes mains pour t’empêcher en tendre une dans sa direction. « Il te reste beaucoup de boulot? » Un soupir s’échappe de tes lèvres à l’idée de toutes les copies qu’il te reste encore à corriger. « Beaucoup trop. Rappelle-moi de ne plus jamais demander une absence de trois mois. » que tu lâches sur un ton faussement plaintif. Devant le regard interrogatoire de Tonia, tu expliques. « Je suis enseignante au lycée de Brisbane. J’enseigne l’anglais aux huitièmes années. » Selon l’école qu’elle attendait, il n’était pas impossible que Tonia soit ton élève dans quelques années. Joaquin finit de placer votre repas dans vos assiettes avant de venir s’asseoir sur la chaise libre, entre sa nièce et toi. « Les feuilles ne se mangent pas, il faut ouvrir et manger la farce à l’intérieur. C’est un plat sans viande, si vous en voulez je dois avoir un reste de bœuf en sauce dans le frigo qu’on peut réchauffer… » « Pas besoin, c’est parfait comme ça. » que tu le rassures, suivi par un hochement d’approbation de la part de Tonia qui était déjà prête à se régaler, clairement plus familière avec la cuisine de Joaquin que tu ne pouvais l’être. T’es parfait que tu murmures sans son une fois que le regard de Joaquin croisa le tien, certaine de ne pas attirer l’attention de sa nièce trop occupée à dévorer un humitas avant d’en demander un autre avant même que tu n’aies le temps d’ouvrir ton premier.

Une fois le repas terminé et la cuisine de nouveau rangée, tu profites d’un moment où Antonia s’éclipse à la salle de bain pour venir passer tes bras autour de Joaquin et profiter d’une proximité que tu ne t’es pas permise depuis son arrivée. « Elle est vraiment adorable. Et ta sœur a l’air gentille aussi. » Des quelques secondes d’interactions que tu avais pu avoir avec elle, du moins. « Y’a vraiment des airs de famille. » que tu commentes avec un sourire, ne pouvant pas t’empêcher de t’imaginer à quoi pourraient ressembler vos enfants, si les choses devaient un jour se rendre à ce stade entre Joaquin et toi. C’est ce qu’il espérait après tout, fonder une famille, et c’était un rêve que tu caressais aussi depuis bien longtemps, même si tu n’y avais pas accordé beaucoup d’attention depuis plusieurs années. « Du coup… je conclus que t’as pas dit à ta famille, pour nous deux? » que tu lâches sur un ton qui ne se veut pas accusateur, mas qui ne cache pas particulièrement bien ton agacement face à ce fait.

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Tu pourrais t’y faire, à ce genre de moments. Une conversation qui coule facilement, des sourires qui s’échangent ici et là, la main de Joaquin qui trouve le chemin de ta cuisse sous la table, loin des yeux curieux de sa nièce. Après trois mois passés chez tes parents, tu aimerais pouvoir dire qu’une même ambiance règne quand tu es en compagnie de ta famille, mais ce n’est pas le cas. Il y a toujours fausseté et jugement sous tous les commentaires faits par tes parents, l’une des raisons pour laquelle tu as décidé de t’établir loin d’eux. Alors tu accueilles chaque compliment qu’Antonia fait à l’égard de son oncle. Captures chacun des regards pleins de fierté que Joaquin offre à sa nièce. Tu te demandes comment c’est, quand tous les Bates se retrouvent sous le même toit. Ça doit être bien différent que chez les Galloways, et il y a un petit pincement de jalousie qui se loge dans ta cage thoracique à cette pensée. Peut-être qu’un jour, tu auras la chance de te retrouver parmi eux, de découvrir comment c’est, dans une belle et grande famille où tout le monde se soucie des autres, qu’importe ce qui se passe.

Mais ce n’est pas pour tout de suite, si tu en juges la décision de Joaquin de te présenter comme une amie. Tu t’étais dit que tu attendrais avant de faire le moindre commentaire, mais l’absence momentanée d’Antonia dans la cuisine fait que les mots t’échappent plus rapidement que tu ne l’avais prévu. Même si tu es bien, là dans ces bras, qu’il y a le goût de ses lèvres encore sur les tiennes suite à ce baiser trop bref qu’il vient d’y déposer. Même si tu sais que tu ne risques que de créer des problèmes, si tu tentes d’aller trop vite. C’est un problème chez toi, Autumn. Aller à toute vitesse ou ne pas avancer du tout. Tout ou rien. Blanc ou noir. Tu y travailles. Tu y travailles si fort. Mais parfois, c’est tout simplement plus fort que toi. « Ça reste récent Auty et… et si la différence d’âge me dérange un peu, je peux t’assurer que ça sera pire avec eux… » Tu t’en doutais, mais de l’entendre des lèvres de Joaquin, ça confirme l’une de tes plus grandes peurs. « Tu penses qu’ils n’approuveront pas de moi? » que tu murmures, ton corps se détachant machinalement de celui du pompier. C’est une vérité à laquelle tu devais te prévoir et pourtant, y faire face potentiellement te parait soudainement insupportable, insurmontable. Une montagne à conquérir alors qu’il y a tout le poids du monde sur tes épaules. « Mais ça ne m’empêche pas de vouloir donner une chance à cette relation, je leur dirais en temps et en heure Auty. Laissons-nous le temps de profiter aussi du calme que nous offre mon silence sur cette relation. Le jour où ils sauront, nous ne serons plus tranquilles. » « Qu’est-ce que tu veux dire? » que tu lui demandes, ton inquiétude montant en flèche, imaginant déjà que tu puisses être la cause de conflit au sein de la famille de Joaquin. « La dernière chose que je veux c’est de te créer des problèmes Quino. » Il a déjà bien assez à gérer dans sa vie sans que tu ne viennes y mettre le bordel avec ton âge et tes problèmes et tes mauvaises habitudes. C’est comme si tu réalisais soudainement tout ce que le pompier avait tenté de t’expliquer, mais que tu avais préféré repousser simplement pour pouvoir être avec lui. Comment est-ce que tu avais pu croire que tout serait simple? « Je… On pourra en discuter plus tard. » que tu te reprends rapidement, consciente que ce n’était qu’une question de secondes avant qu’Antonia ne vous rejoigne à nouveau.

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Tu aimerais pouvoir dire que c’est lassant, les montagnes russes d’émotions qui passent d’un extrême à un autre dans le temps de le dire, et ce l’est en rétrospective, mais sur le moment, c’est trop brutal pour être au chose que douloureux et prenant. C’est ainsi que tu vis tes émotions depuis toujours, dans les plus grandes folies qui soient, et si tu as appris à tempérer tes réactions dans les dernières années, ça ne change en rien tout ce qui passe à l’intérieur de toi présentement. La panique qui prend désormais toute la place d’un moment qui se voulait doux et agréable, la réalité qui te rattrape avec une telle puissance que tu as l’impression de voir tout ce monde autour de toi, autour de vous éclater en mille morceaux. Il y a trop de choses qui se passent en même temps, tu n’arrives pas à te concentrer sur quoique ce soit, si ce n’est le fait que bientôt vous ne serez plus seuls et que tu n’as pas du tout envie d’offrir une telle scène à Antonia. Et sans même que tu n’aies besoin de dire quoique ce soit, il sait ce dont tu as besoin, le pompier, quand ses mains viennent agripper ton visage avec douceur pour te forcer à croiser son regard. « Auty… » Ton nom te ramène au moment présent, te force à te concentrer seulement sur son regard foncé et non plus sur la tempête qui cause dégâts ici et là dans ton système. « Regarde-moi Mariquita… » Ta respiration se calme tant bien que mal alors que clair rencontre foncé et en lui, tu retrouves cette safe space qui t’a attiré vers lui d’abord et avant tout. « Tout va bien. » Tu voudrais argumenter, lui rappeler tous ses propres points quant au fait que votre couple est atypique et promets bien des défis, mais tu te contentes de hocher vaguement la tête, le laissant prendre le contrôle, bien trop consciente que ce dernier t’échappe cruellement dans le moment. « Il y aura forcément des désaccords au début, mais ils finiront par accepter parce qu’ils vont t’adorer, je te le promet… » Un autre hochement de la tête, même si tu n’es pas certaine de le croire. Ça remonte à il y a bien longtemps, la dernière fois où tu as reçu l’approbation de la famille du garçon que tu fréquentais. Avec Kieran, c’était loin d’être aussi simple et tu crains que malgré toutes les belles paroles du pompier, tu n’arrives pas à faire aussi bonne impression que tu le voudrais.

Let go of negative thoughts.
They are not doing you any good.

Tes mains viennent trouver celles de Joaquin contre ton visage et tu te forces à lui offrir un léger sourire, refusant de donner un contrôle total à la panique qui subsiste dans ton système. « Et quand je disais qu’ils ne nous laisseraient plus tranquille, je parlais du fait que tu seras invité tous les dimanches, que ma mère passera son temps à t’appeler et qu’elles te demanderont sans arrêt quand est-ce que je te demanderais en mariage ou si tu veux des enfants… » Si cette vision est bien plus douce que celle que tu t’étais construite dans ta tête, là où tu n’étais qu’un problème dans la vie du pompier, elle n’en est pas moins anxiogène. Joaquin a raison, vous êtes encore bien trop récent pour penser à ce futur qui semble attendu par la famille du Bates. Le mariage et les enfants et les promesses d’un toujours que tu n’es pas certaine de pouvoir faire à nouveau, éternellement effrayée de te retrouver à nouveau dans une situation où tu pourrais faire mal à celui qui compte le plus pour toi. « Je veux pouvoir profiter de toi Autumn… Je veux pouvoir continuer de t’avoir, égoïstement, rien que pour moi encore un peu. » Son sourire te fait fondre et un dernier regard vers la porte de la salle de bain encore fermée te convainc de venir poser tes lèvres sur les siennes avant de devoir passer le reste de l’après-midi sans pouvoir le faire. « Je pense bien pouvoir permettre ça encore un peu. » que tu lui réponds sur un ton taquin, te sentant légèrement rassurée, mais consciente plus que jamais que les pressions extérieures risquent de vous mener la vie dure une fois hors de votre petit cocon plein de confort. « Merci. » que tu lui murmures avant de remettre un peu de distance entre vous. Ce n’est qu’un petit mot, mais ça veut dire tellement. Merci de m’écouter. Merci de savoir quoi dire. Merci de ne pas prendre peur quand la panique pointe le bout de son nez.

Le reste de l’après-midi se passe sans accroche. Si tu disparais un moment pour avancer dans tes corrections, il n’est pas difficile pour Antonia de te convaincre de venir t’installer avec elle et Joaquin pour regarder un film. Tu te sens spéciale, quand tu réalises que la jeune fille se sent assez en confiance avec toi pour te parler de ses amis à l’école et des petits problèmes qui semblent si grands dans son esprit encore enfantin. Tu l’écoutes, la conseilles comme tu le ferais un de tes élèves, mais avec une tendresse qui dépasse légèrement ce que tu te permettrais dans un contexte scolaire. Tu l’aimes bien, la gamine, et tu espères avoir la chance de passer du temps avec elle à nouveau. Et c’est ce que tu lui dis, quand sa mère vient la chercher en fin de journée, et que tu lances un « À la prochaine. » avant de disparaître, laissant à Joaquin la chance de faire ses aurevoirs sans que tu ne l’observes. Tu n’as pas à attendre longtemps avant que Joaquin ne vienne te rejoindre dans ta chambre, là où de nombreuses copies traînent encore ici et là sur ton bureau. Tu n’as pas eu le temps de faire toute la correction que tu voulais faire aujourd’hui, mais c’est un problème pour plus tard. À l’heure actuelle, c’est le pompier qui retient toute ton attention. « Hey dis-moi, ça veut dire quoi mariquita? » Tu tournes la chaise de ton bureau dans sa direction, te souvenant du terme qu’il a utilisé à ton égard dont tu ne connais pas la définition. « T’as passé un bel après-midi? » que tu lui demandes, espérant n’avoir fait aucun faux pas avec sa nièce.

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Il est difficile de te replonger dans tes corrections après quelques heures passées avec Joaquin et Antonia. Tu n’as pas particulièrement envie de remettre la tâche à plus tard, mais ton esprit est loin de toutes les règles de grammaire et de vocabulaire qui attendent que tu leur offres toute ton attention. Tu prends une copie, prétends en lire quelques mots avant de lâcher un léger grognement et la reposer sur ton bureau, t’avouant vaincue d’avance. Quand Joaquin vient te rejoindre avec une boisson fraîche qu’il tend dans ta direction, tu es plus qu’heureuse d’utiliser sa présence comme distraction, surtout après plusieurs heures à ses côtés sans pouvoir le toucher et l’embrasser au gré de tes envies. Un sourire nait naturellement sur tes lèvres lorsque tu sens ses lèvres se poser au-dessus de ta tête, ce genre de gestes et de petites attentions qui te rappelle que tu es entre de bonnes mains avec Joaquin, que malgré les peurs et les obstacles, rien ne touchera à ça, à la base de ce que vous êtes, de ce que vous pouvez devenir. « Mariquita veut dire coccinelle. C’est un peu comme ma biche, mon chat, ma princesse… Un petit surnom affectueux. » « Je préfère mariquita à ma biche, sans hésitation. » que tu lui avoues avec un léger rire, heureuse de constater que malgré ta panique un peu plus tôt, cette dernière ne semble pas avoir laissé de trace indélébile sur le reste de votre journée. Tu t’en serais voulu d’avoir gâcher le moment à cause de tes tendances à voir tout en blanc, ou dans ce cas particulier, tout en noir.

« Et oui, j’ai passé un très bon après-midi. Tu es douée Mariquita… avec les enfants. » Tes joues rosissent légèrement sous le compliment. « Je sais pas si on peut encore dire que Tonia est une enfant, je suis pas certaine qu’elle approuverait. » Tu sais trop bien comment les jeunes ils sont à cet âge-là, à ne plus vouloir être vu comme des enfants qui dépendent des adultes, impatients de grandir, souvent trop pressé de laisser leur innocence derrière. Tu ne pouvais qu’espérer qu’Antonia ne vieillirait pas trop vite. « Et puis je passe mes journées avec des jeunes de son âge, j’ai l’habitude. » que tu commentes, balayant le compliment de Joaquin du revers de la main, plus par habitude que parce que tu ne le crois pas sincère. « Et toi, tu as passé un bon après-midi? Je peux t’aider à faire les corrections si tu as besoin. » Tu viens passer une main sur son visage, touchée par son offre même si jamais tu ne le ferais souffrir en lui demandant de lire et corriger les compositions de tes élèves. « T’es un amour de proposer, mais crois-moi, t’as pas envie de te plonger là-dedans. » Il va sans dire que certains élèves semblent oublier qu’il y a des enseignants qui doivent lire et corriger les compositions une fois qu’ils ont mis les mots sur le papier, et ce ne sont pas toutes les histoires qui font particulièrement du sens. « Je pense que je vais finir tout ça demain. J’ai plus la tête à ça. » Non, tu as envie de passer le reste de la journée avec Joaquin. Envie de mettre tes responsabilités de côté pour quelques heures et simplement profiter d’être dans le moment présent avec ton petit ami. « Tu m’as pas dit comment ça s’est passé ton rendez-vous à l’hôpital ce matin. » que tu lances soudainement, te souvenant pourquoi tu avais eu quelques heures seule pour te concentrer sur tes corrections à la base. Comme toujours, la simple idée que le cancer du Bates puisse s’être aggravé crée un nouvel amas d’inquiétude dans le fond de ton ventre, mais tu espères que la présence calme et sereine de Quino fasse augure de bonnes nouvelles.

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Tes doigts jouent doucement dans ses cheveux, le mouvement possiblement aussi relaxant pour lui qu’il ne l’est pour toi. C’est agréable, de le sentir proche de toi de la sorte. Il y avait si longtemps que tu n’avais pas expérimenté une telle intimité que tu n’étais pas certaine que ça te viendrait facilement, aisément. Tu avais crains aussi que le changement d’amis à amants viendrait avec des complications entre le pompier et toi, mais ce n’avait pas été le cas dans les dernières semaines. Si le monde extérieur risquait de prendre plus de temps à se faire à l’idée de vous, vous n’aviez aucun mal à être vous entre les murs de cet appartement et peut-être bien que Joaquin avait marqué un point important plus tôt, quand il avait dit vouloir en profiter égoïstement, à l’abri des jugements et du regard d’autrui.

Si tu étais heureuse d’entendre qu’il avait passé un bel après-midi en ta compagnie et que tu avais peur de teinter le tour avec ta prochaine question, tu avais besoin de savoir comment son rendez-vous à l’hôpital avait été. Tu avais été à ses côtés depuis les débuts, ou du moins, dès le moment où il avait enfin osé t’avouer son diagnostic, et tu prenais sa santé à cœur, ayant suivi de près chaque suivi, chaque traitement, en espérant bientôt l’entendre te dire qu’il était en rémission, qu’il avait gagné la bataille. « Ils pensent qu’il va falloir opérer. » Ce n’était pas la nouvelle que tu espérais entendre, bien au contraire. Ton sourire s’efface aussitôt de ton visage, malgré l’optimisme que Joaquin persistait à dégager, sans doute pour te garder calme malgré une nouvelle vague d’émoi qui s’empare de toi. « La chimio fonctionne bien, ça réduit la taille de la tumeur qui n’était déjà pas bien grosse, mais si on veut être certains que ça fonctionne, il faut ouvrir et la retirer… » Tu hoches la tête sans trop t’en rendre compte, les mots mettant un moment à réellement s’ancrer dans ton esprit. « Ils font souvent ça et ils ne sont pas trop inquiets pour le déroulement de l’opération. » « Ça reste une opération Quino, c’est pas quelque chose à prendre à la légère… » Et tu savais que peu importe la certitude des médecins et des chirurgiens, la simple idée de le savoir endormi, sur une table d’opération sans la certitude de savoir qu’il allait se réveiller à nouveau, ça te pétrifiait totalement. « Est-ce qu’ils ont dit quand ils voulaient faire l’opération? » Probablement qu’il n’y avait pas de temps à perdre, pas de chance à prendre que la tumeur puisse grossir à nouveau ou quelque chose du genre. En vérité, tu n’y connaissais absolument rien, tes connaissances en matière de science et de médecine s’arrêtant à ce que tu avais pu apprendre au lycée et en regardant Grey’s Anatomy, mais tu te faisais déjà un devoir de te renseigner autant que possible sur la procédure, et dans un monde idéal, la convalescence et ce qui mènerait à la rémission du pompier. « Ils sont confiants? Que l’opération puisse mener à une rémission? » Tu avais besoin de l’entendre, que cette étape, aussi terrifiante qu’elle puisse être, soit la clé à une guérison que tu espérais de tout ton cœur.

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Tu lui en voudrais presque, d’oser sourire alors que tu as l’impression de n’être qu’un paquet de nerfs sur deux pattes. Fort heureusement pour toi, Joaquin est bien plus solide face à tout cela que tu ne puisses l’être. Peut-être que ce sont toutes les années à agir en tant que pompier. Le préparant constamment au pire. Peut-être que ce sont simplement ces années de plus qui lui offre un recul dont tu n’es pas encore capable. « Mariquita… Je sais que ce n’est pas rien. » Tu voudrais lui dire d’effacer ce sourire, mais tu n’en as pas le cœur. Pas alors qu’il attrape tes mains, vient déposer des baisers contre tes doigts, te forçant à garder les pieds sur terre, dans une réalité où tout va encore bien, que les nouvelles restent bonnes, malgré les prochaines étapes qui te paraissent les plus épeurantes de toute. « Ils sont confiants. Si l’opération a lieu, qu’ils retirent toute la tumeur, il ne devrait pas rester de cellules cancéreuses. Elles ne se sont pas éparpillées dans le reste des poumons, donc théoriquement, si ils l’enlèvent, ce serait terminé… » Ça sonne bien tout ça, mais tu ne passes pas sans entendre très fort le théoriquement qui te laisse savoir que même si le plan est positif, il n’est pas sans risque. « Le plus tôt sera le mieux, c’est ce qu’ils ont dit. » « Et tu te sens prêt? » que tu lui demandes, parce que si ce n’était que de toi, il aurait l’opération demain et jamais à la fois. Parce que tu veux le savoir en rémission, mais tu ne peux t’imaginer de devoir attendre d’avoir de ses nouvelles pendant qu’un chirurgien l’ouvre pour le débarrasser de cette satanée tumeur. Tu sais que dans tous les cas, tu ne pourras choisir aucune de ces options, et peut-être que tu as besoin d’un peu de temps pour te faire à tout ça, mais la vérité, c’est que ce n’est pas toi au centre de tout ça. C’est lui et peu importe ce qui l’attend, tu seras là.

Il se relève et vient s’asseoir sur le bord de ton lit, et tu roules ta chaise pour te retrouver une nouvelle fois près de lui. Cette fois-ci, tu te lèves finalement de la chaise et viens t’installer à califourchon sur ses genoux, tes bras passant autour de son cou. « J’ai toujours voulu partir en mer avec le bateau de mon père. » Tu l’écoutes, un peu surprise par la tournure de cette conversation. « Est-ce que ça te dirait de venir avec moi? » Tu clignes des yeux, les mots te manquant pour répondre à une telle requête lancée si soudainement. « On partirait après l’opération, mais ça veut dire que tu louperais sûrement encore des cours puisque ça se ferait qu’en janvier de l’année prochaine… Le temps qu’on planifie la date, la rémission en suivant… » « Pourquoi tu veux attendre après l’opération? Pourquoi pas avant? » que tu lances sans trop y réfléchir. Pas que tu ne veuilles pas attendre six mois avant de mettre ce projet à terme, ou que tu ne penses pas encore être avec lui rendu là, mais plutôt qu’il te semble primordial, maintenant plus que jamais, qu’aucune minute ne soit perdue. « Je veux dire, si c’est quelque chose que tu veux vraiment faire, pourquoi attendre? » Pas que tu voulais être défaitiste ou croire que rien ne se passerait comme prévu, mais si un voyage sur le bateau de son père était quelque chose qui lui tenait à cœur, pourquoi reporter à plus tard ce qui pourrait en valoir la peine maintenant? « Et ça me ferait plaisir de t’accompagner en mer Quino, vraiment. » que tu le rassures, venant déposer tes lèvres contre les siennes. « J’adorerais faire cette aventure avec toi, et en apprendre davantage sur l’homme responsable d’avoir élevé quelqu’un aussi spécial que toi. »