(pacific wellness) @Evelyn Pearson

« Après une analyse approfondie, il apparaît que la situation est complexe »
« À cet âge, la fertilité naturelle commence à décliner significativement. »
« réduit les chances de conception et augmente les risques de complications »
« envisager des traitements : stimulation ovarienne, fiv »
« les résultats ne sont jamais assurés »
« je vous encourage également à envisager un accompagnement psychologique »

Les annonces s’accumulent et se ressemblent toutes, annonciatrices d’un futur toujours aussi peu reluisant, toujours aussi peu glorieux. Toujours aussi peu synonyme de famille. Pendant un instant, Rhett se demande si un mariage ne leur permettrait pas tout de même de s’autoriser à se qualifier de “famille”, là où l’idée d’avoir des enfants s’éloigne à chaque nouvelle précision du spécialiste face à eux. Le meilleur du pays, à ce qu’on dit. Le meilleur, qui ne leur a pas annoncé la moindre nouvelle positive sans ajouter un “mais” à la suite.

Dans son esprit, il fait des parallèles avec le rugby. Il pense à ces matchs perdus d’avance qu’ils ont finalement emportés, il pense à sa capacité à se considérer champion du monde pour un pays qui n’est pas le sien ; et il se dit que vraiment, ça ne mène à rien toutes ces conneries. Aucune expérience de sa vie d’adulte ne peut l’aider en cet instant alors qu’il fait face à un constat contre lequel il ne peut rien. Au moment du conseil d’un suivi psychologique, il laisse échapper un rire faux, désormais bien plus en colère que tout autre chose. Il ne sait pas contre qui ou contre quoi il a décemment le droit d’être en colère, mais il se dit qu’il pensera à ce problème plus tard, dans un second temps seulement.

Parce qu’il apprend à être un foutu adulte qui comprend qu’il n’est pas le seul à vivre cette situation, et surtout qu’il n’est pas le premier impacté, il détend les muscles de sa main et la tourne paume contre ciel, toujours posée sur son genou. Le geste est silencieux pour ne pas dire muet, mais il pivote doucement sa hanche pour rapprocher son genou de la cuisse d’Evie et attirer son attention. Elle peut lui prendre la main si elle le veut, et peut-être même qu'au-delà d’une proposition de sa part, il en vient même d’une demande. « On peut avoir un instant ? » S’il était d’humeur, il aurait noté l’ironie certaine dans l’idée de congédier une personne qui est dans son propre bureau, sur son propre lieu de travail, alors qu’ils n’en sont que des inconnus qui n’auraient jamais pu y mettre un foutu pied. Sur l’instant, il n’y pense pas, faisant de sa question une demande : ils ont besoin de temps à deux, rien qu’eux deux, et le regard qu’il plante dans les yeux du médecin n’en sont qu’une preuve de plus. « T’es prête pour ça ? » Il ne lui demande pas si elle veut reculer ou abandonner. Ce n’est pas une idée qu’il envisage pour l’instant. Les difficultés n’étaient pas prévues, mais elles étaient facilement devinables ; ils auraient dû le savoir et ils n’ont pas le droit d’abandonner au moindre problème. Evie peut encore avoir des enfants. Avec un bon suivi médical tout se passera bien, et ce sont là les seuls mots qu’il a voulu retenir avec le cœur de tout le discours du médecin. Ils ont besoin d’un peu de chance et d’un soupçon de magie. Après ça, tout se passera bien. « Je suis avec toi. » Il ne subira pas les traitements comme il en sera pour Evie, mais il l’épaulera malgré tout. C’est au moins un début à quelque chose, non ? « On peut consulter quelqu’un d’autre. Si t’aimes pas son discours, on peut demander d’autres médecins, y’en a pas qu’en Australie. » Il aide en laissant retomber le poids des décisions sur Evelyn, voilà ce qu’il sait faire de mieux au sujet de cet enfant qu’ils désirent soudainement tous les deux.

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Evelyn mentirait si elle disait s’être attendue à un autre discours que celui qu’ils étaient en train d’accuser dans ce bureau qui en avait vu défiler d’autres, des couples comme eux. Ils avaient certainement le même désir de devenir parents, sinon la démarche de consulter révélerait du masochisme pathologique. Elle, elle avait l’impression de l’être, pathologiquement masochiste, alors qu’effectivement, elle ne s’était pas attendue à mieux de la bouche de quelqu’un qui savait de quoi il parlait. Elle n’était pas idiote, elle avait plus ou moins deviné qu’il faudrait passer par des protocoles, des manipulations, des stimulations pour faire entendre à son corps que son heure était venue, et que si le répit lui avait été accordé jusqu’alors, il fallait enfin qu’il sorte de sa veille pour faire ce qu’on attendait de lui. Elle se mettait à penser que c’était peut-être un signe finalement, le fait qu’elle n’avait jamais voulu d’enfant jusqu’à maintenant, comme si inconsciemment elle savait déjà que quelque chose n’allait pas chez elle, et qu’à défaut de vouloir y remédier, elle avait préféré sciemment l’ignorer en se cachant derrière des convictions qui avaient évoluées parce qu’elle avait rencontré la personne qui lui donnait envie de devenir maman. Elle ne fixa pas le docteur placé derrière son bureau dans les yeux, les siens focalisés sur ses lèvres qu’elle voyait remuer plus qu’elle n’entendait sa voix, ses tympans hermétiques à la liste de choses qu’il faisait pour leur faire entendre que ce serait compliqué, mais pas impossible. Elle eut le sentiment de sortir la tête de l’eau uniquement lorsque Rhett remua à ses côtés pour attirer son attention, et que sa main ouverte, paume vers le haut, elle entendit sa demande silencieuse et y répondit en glissant sa main dans la sienne en réfléchissant à ce qu’ils avaient bien pu faire de si mal tout au long de leur vie pour cumuler les épreuves depuis des mois, si ce n’étaient des années désormais.

Elle ne parla pas, elle laissa Rhett prendre la responsabilité de congédier le médecin de son propre bureau. Elle lui adressa seulement un petit sourire poli qui lui confirmait qu’en effet, ils avaient besoin d’un instant pour, une fois qu’ils furent seuls, prendre une profonde inspiration et tourner la tête vers Rhett. A quoi pensait-il à ce moment-là ? Elle aurait aimé le savoir, mais ne trouva pas l’élan nécessaire pour le lui demander, serrant sa main plus fort dans la sienne, repoussant une longue mèche de cheveux de son visage dans un nouveau soupir  avec l’autre quand il lui demanda si elle était prête. Vaste question qui la fit rire en clignant des yeux "Si je ne l’étais pas déjà, on ne serait même pas ici." Parce qu’encore une fois, elle ne tombait pas de haut en apprenant ce qui l’attendait. Etait-ce le cas de Rhett ? Elle lui retourna sa question, sérieuse "Et toi, tu l’es ?" Prêt, à s’appliquer à lui faire des injections selon un calendrier strict, à l’accompagner à chaque rendez-vous médicaux auxquels elle devrait se rendre, à entendre les détails assurément scabreux des protocoles qu’elle devrait subir au cours des prochains mois, à supporter ses sautes d’humeur dues aux doses d'hormones qu’on lui imposerait comme la solution miracle à quelque chose qui n’arriverait peut-être jamais ? Elle plongea ses grands yeux sombres dans les siens, opina avec certitude à ce qu’il ajouta, ne doutant pas un seul instant qu’il le lui dise pour la rassurer, persuadée qu’il tiendrait sa parole au point qu’avant de se remettre à parler, elle lui donna un furtif baiser sur les lèvres pour affirmer la confiance qu’elle lui accordait "Je sais, ça ne me fait pas peur." Ou pas autant que ça. Ce qu’elle redoutait, c’était la déception de Rhett si rien ne fonctionnait comme prévu, mais aussi l’avis de ceux qui finiraient par savoir dans quoi ils se lançaient et l’image que ça lui donnerait s’ils apprenaient que quelque part, elle n’était bonne qu’à diriger une entreprise, pas à devenir maman. Elle ravala cette réflexion là, se trouvant juste ridicule de l’alimenter au travers des paroles de gens comme sa propre cousine, et fronça les sourcils en rejetant la proposition qu’il lui fit ensuite "Non, il sait de quoi il parle. Et puis soyons honnêtes, à quel point tu es surpris par ce qu’il vient de nous annoncer ?" Elle inclina la tête, détourna brièvement les yeux pour les poser sur la silhouette absente du médecin "Moi je ne le suis pas, ça confirme juste ce que je soupçonnais déjà." Et qui la rendait coupable d’une certaine faute. Du moins, dans une certaine mesure, pensait-elle sans le dire, pas tellement du genre à s’apitoyer sur son sort.

"Si je ne l’étais pas déjà, on ne serait même pas ici." Elle a beau le dire avec assurance, Rhett en est doté de bien moins de son côté. Ils étaient prêts à avoir un bébé, ils l’ont statué il y a bien longtemps, mais à l’époque cela ne venait pas avec un parcours du combattant médical pour arriver au bout du processus. Cela venait d’autant moins avec des incertitudes et des questions, bien plus qu’ils n’ont à ce jour de réponses. Ils se sont lancés dans une aventure dont ils peuvent seulement espérer la finalité, sans avoir réellement le pouvoir de la façonner à leur goût - quoiqu’en dise le médecin, qui a fait de son mieux pour se montrer aussi optimiste que possible. « C’est pas ce qu’on pensait au début. » Il veut la soutenir, mais il veut tout autant lui faire comprendre qu’il n’est pas stupide et qu’il ne lui pose pas la question au dernier moment simplement pour lui demander si elle veut toujours avoir un bébé. Il y a de ça, un peu, mais il y a beaucoup d’autres choses. Surtout, il y a un nombre infinis de nouveaux facteurs qui se sont ajoutés à l’équation dans les dernières semaines, et c’est surtout de ça dont il s’interroge, et de ça aussi dont il craint les répercussions pour Evie et pour son désir d’aller au bout de leur idée. "Et toi, tu l’es ?" - « Oui. Pour moi c’est différent. » Et s’il ne prend pas le temps de préciser en quoi les choses sont différentes pour lui, c’est bien parce qu’il estime que cela n’en vaut pas la peine tant elle peut aisément le deviner par elle-même : il sera là pour elle, il sera là avec elle, mais il n’aura rien à subir personnellement de tous les tests médicaux dans lesquels ils pourraient se lancer suite à ce rendez-vous. Il adaptera tout au plus son propre régime alimentaire pour suivre celui d’une femme qui devrait être au summum de sa forme pour arriver à enfanter, mais rien de plus.

Le soutien que Rhett partage avec elle lui vaut un baiser de sa part, lequel se voit accueilli avec bien plus de tendresse que d’envie. "Je sais, ça ne me fait pas peur." Sans doute qu’à force de statuer encore et encore à quel point elle est forte et inébranlable, il se retrouve de plus en plus soucieux de la situation, sans qu’un tel parcours ne soit fait de la moindre logique. "Non, il sait de quoi il parle. Et puis soyons honnêtes, à quel point tu es surpris par ce qu’il vient de nous annoncer ?" - « Quand on a commencé à parler de ce bébé, je pensais pas qu’on allait devoir en passer par là. » Il pensait qu’elle allait arrêter de prendre un contraceptif et que tout se ferait en quelques mois rapides ensuite, qu’elle lui annoncerait être enceinte par une surprise, qu’ils feraient répandre le mot doucement mais sûrement autour d’eux ensuite. Il pensait que la grossesse serait déjà bien avancée dorénavant, là où ils en sont encore à la première étape, avec désormais la certitude nouvelle que rien ne sera simple ou rapide dans toute cette histoire. "Moi je ne le suis pas, ça confirme juste ce que je soupçonnais déjà." - « Tu t’en doutais, toi ? Au début ? » Est-ce qu’elle savait que ce serait difficile ? Est-ce qu’elle l’a laissé se bercer d’illusions sans le prévenir de ce à quoi leur avenir pourrait ressembler, loin des monts et merveilles que Rhett s’était convaincu de vivre par défaut ? « Je sais qu’à notre âge, les gens qui voulaient un enfant l’ont déjà, mais je sais pas… on est pas les premiers non plus à avoir attendu avant de vouloir sauter le pas. » Et si tant d’autres avant eux ont eu le droit à la possibilité de devenir parents, il refuse qu’elle leur passe sous le nez. Ils sont Quelqu’un, ils peuvent tout avoir : la vie ne peut pas leur refuser un enfant dont ils s’occuperaient avec amour, et qui viendrait parfaire leur famille. « D’ici quelques années, on comprendra que ça en valait la peine. » Parce qu’il ne perd pas espoir : ils deviendront parents, et ils le seront d’un enfant qui leur ressemble. Il n’y a aucune autre issue possible. « Si c’est ok pour toi, c’est ok pour moi. » Tout le processus qui vient de leur être dévoilé, aussi barbare puisse-t-il sembler. Rhett l’embrasse sur la tempe, pour lui assurer que son avis sera le sien. Elle est la capiaine de l’équipe sur ce sujet, elle dirige.

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"Non, c’est vrai." Elle ne pouvait qu’être honnête au sujet de leurs attentes lorsqu’ils avaient parlé d’avoir un bébé. Tout aurait dû être facile, tout aurait dû être naturel, et c’était ce à quoi ils s’étaient attendus. Aujourd’hui, la donne avait changé, mais Evie n’était pas moins prête pour autant. Elle avait toujours aussi peur, elle ne pourrait pas dire le contraire si Rhett lui posait la question, mais elle tachait de rester optimiste malgré tout, et ce en se basant sur des analogies pour mieux supporter l’idée que ce sera peut-être long, que ce sera peut-être infructueux aussi. Elle pinça les lèvres pour les rouler un certain moment l’une contre l’autre, se dit que le jeu en vaudrait la chandelle, qu’à la fin de tout ça, ils auraient la satisfaction d’avoir fait ce qu’il fallait pour obtenir ce qu’ils désiraient le plus au monde en ce moment, et ça l’aidait à voir les choses selon un angle plus glorieux que la lutte pure et dure : ce n’était pas une lutte, c’était un chemin plus long à parcourir, et ils le parcourraient ensemble. Doucement, elle retourna la tête vers Rhett "Tu devras attendre aussi longtemps que moi, ce sera à peine différent." Il était un adulte Rhett, il savait très bien ce par quoi Evie devrait passer, et elle, elle comprenait que c’était de ça dont il parlait. Mais dans les faits, les traitements, les examens, mis à part, ils seraient tous les deux dans le même bateau. Elle ne voulait pas qu’il l’oublie sous le prétexte qu’elle en supporterait davantage physiquement parlant, et tant pis s’il se rebiffait en lui disant de ne pas le traiter comme un enfant. Ce n’était pas ce qu’elle était en train de faire, elle voulait qu’ils débutent tout ça sans se sentir coupables de quoi que ce soit, bien qu’elle-même se sentait coupable de ne pas être fichue de faire ce pourquoi son corps était façonné, selon la science, en tout cas.

Elle serra la main de Rhett dans la sienne, déposa l’autre par-dessus pour faire bonne mesure, faisant fusionner leurs paumes avec chaleur et réconfort "Non, pas au début." Elle remettait les choses à leur place, ne voulait pas que Rhett pense qu’elle avait estimé leur chance à moins que zéro dès le début. Elle poursuivit "Mais après quelques mois, quand ça a commencé à prendre beaucoup trop de temps, je sentais qu’il devait y avoir quelque chose, oui." Et c’était en partie pour ça qu’elle avait été aussi ronchon, aussi prompte à perdre patience, sentant déjà le poids de la responsabilité peser sur son ventre vide. Elle médita un instant sur ce que Rhett était en train d’ajouter, s’en voulut de former la question qu’elle lui posa juste après dans son esprit, et hésita avant de la verbaliser. Ça ne servirait à rien de se projeter dans un univers qui n’existait qu’ailleurs, là où ils ne se trouvaient pas, mais une partie d’elle avait besoin de avoir ce qu’il en pensait. Elle lui demanda finalement, du bout des lèvres "Tu crois que si on avait voulu des enfants plus tôt, ça aurait été plus facile ?" Qu’ils seraient déjà en train de pouponner, pas de supporter l’interminable parcours dans lequel ils allaient s’engager de bon gré, certes, avec tout de même un sentiment d’injustice chevillé à toutes leurs expectatives ? S’inclinant pour mieux s’installer dans la chaise qu’elle occupait déjà, Evelyn appuya son dos contre le dossier, la tête toujours tournée vers Rhett "Ça nous laissera juste plus de temps de réfléchir à des tas de choses. Au prénom, à ce qu’on veut faire pour sa chambre… peut-être qu’on pourrait chercher une nouvelle maison, plus près de celle de tes parents ?" Parce que Celie se ficherait sans doute d’accueillir un autre petit-enfant, elle en avait déjà assez pour ne pas se retourner plus que ça sur celui de la fille qu’elle aimait le moins. Attendant que les yeux de Rhett accrochent les siens, elle lui adressa un sourire en même temps qu’il statuait sur la décision à prendre ; il la lui laissait, et peut-être qu’il y avait une forme de lâcheté dans sa façon de lui refiler la patate chaude, mais Evelyn ne le voyait pas de cette façon-là. Elle le laissa l’embrasser sur la tempe, ferma les yeux en même temps, et puis après qu’il se soit reculé, elle prit une profonde inspiration pour d’abord opiner du chef, et enfin lui confirmer à voix haute "D’accord, on le fait."

"Tu devras attendre aussi longtemps que moi, ce sera à peine différent." Evie persiste et signe pour les mettre dans le même panier, là où Rhett persiste et signe à croire qu’ils ne peuvent pas l’être tant ils s’apprêtent à vivre cette future grossesse d’une façon différente. Ce n’est pas un moyen pour lui de prendre du recul avant de l’abandonner elle et leur enfant, évidemment que non, mais il n’arrive simplement pas à se dire qu’il pourrait vivre cette histoire aussi pleinement qu’elle. Là-dedans, il n’y a pourtant aucune sorte de surprise. Dans une situation plus habituelle, il aurait pris le temps de répondre “mais ça le sera quand même” tel l’enfant avec l’éternel besoin d’avoir le dernier mot qu’il est. Parce qu’il sait qu’elle a bien assez de choses à gérer pour trouver un ennemi au sein de son propre couple, il préfère encore se la fermer.

Il se tait et il se concentre un instant sur leurs mains liées et le maigre réconfort mais réconfort tout de même apporté par ce simple geste. Elle est sa personne, il en est convaincu. Il y pense désormais avec un esprit d’adulte et un recul sur le monde, et il le pense plus que jamais. "Non, pas au début." Au ton de sa voix, il comprend pourtant que le “mais” viendra très bientôt. "Mais après quelques mois, quand ça a commencé à prendre beaucoup trop de temps, je sentais qu’il devait y avoir quelque chose, oui." Rhett se pince les lèvres entre elles un instant, trop peu étonné de la réponse d’Evie pour vouloir feindre la surprise. « On le sentait tous. » Il tente de se montrer solidaire avec elle parce qu’il n’en pense pas moins, mais il précise rapidement ce qu’il cherchait réellement à lui dire. « Enfin tous les deux, je veux dire. » Il n’implique pas le reste du monde et il ne veut pas qu’Evie se mette à penser qu’il a parlé de leurs problèmes à tout le monde autour d’eux, autant parce que ça la blesserait que cela n’est tout simplement pas vrai. Il n’a jamais ressenti le besoin d’expliquer autour d’eux ce qui sonnait déjà comme un échec, lequel n’était non plus personnel mais bien du fait de leur couple. Ils sont supposés être plus forts à deux, pas l’inverse.

"Tu crois que si on avait voulu des enfants plus tôt, ça aurait été plus facile ?" - « Évidemment, oui. » Il ne tranche toujours pas ses faux et ne revoit pas son jugement pour les beaux yeux d’Evie. S’ils s’étaient décidés plus tôt, ils n’en seraient sûrement pas là où ils sont en cet instant, et pour Rhett il n’y a rien qui semble davantage évident en ce monde. « Mais pour ça il aurait aussi fallu se rencontrer plus tôt. » Une phrase simple qu’il ajoute dans un rire simple qui se noie rapidement. Ils auraient mieux fait de prendre cette décision dix ans plus tôt, oui, mais ils auraient aussi mieux fait de se connaître plusieurs années avant encore ; mais il ne lui apprend rien, et ce n’est certainement pas lui qui demandera à Evelyn de ralentir le pas pour mieux peser leurs décisions. Celle-ci l’a déjà bien assez été, et surtout ils n’ont pas le temps de quoi que ce soit sur ce point. "Ça nous laissera juste plus de temps de réfléchir à des tas de choses. Au prénom, à ce qu’on veut faire pour sa chambre… peut-être qu’on pourrait chercher une nouvelle maison, plus près de celle de tes parents ?" Autant de points qu’il a commencé à aborder dans son esprit et pour lesquels il a réfléchi sans aller plus loin dans ses pensées, dans l’éternelle expectative d’un test de grossesse qui reviendrait enfin positif pour leur donner un brin d’espoir, juste un brin. « Ne parle pas de cette proposition à ma mère, elle va vouloir nous installer dans ma chambre d’enfants et le bébé dans celle d’Ethel. » Il souligne avec humour, un sourire parfaitement sincère appuyant ses mots. Evie sait pourtant qu’il aime sa mère, comme tout garçon élevé en enfant roi à qui rien n’a jamais été reproché, mais il espère qu’elle sait aussi qu’il l’aime elle par dessus tout, et leur tranquillité avec. « Mais peut-être qu’on pourrait se rapprocher d’eux, oui. » Ils prennent de l’âge et Rhett et Evelyn peuvent très bien vivre sans être à cinq minutes de leur travail - inexistant pour Rhett, par ailleurs -, alors il mentirait s’il disait que l’idée ne lui plaît pas. « Tu serais pas déçue de déjà partir ? » Il fait de son mieux pour penser à Evie avant tout, mais de son côté il ne trouve aucun affect dans cette maison qui lui a davantage servi à les éloigner plus qu’autre chose, il trouve - avant qu’il ne s’y installe à son tour, évidemment.

"D’accord, on le fait."

Il l’observe un instant, son sourire s’animant autant que son regard se trouve être de plus en plus brillant. Plus que jamais, il croit en cette idée qu’ils vont arriver à fonder une famille, leur famille. « On le fait. » Il répète, acte l’idée. Ils le font, ils auront cet enfant. « Juste… Pas que j’y pense vraiment, mais si jamais on a aucun résultat… On le fait combien de temps ? » Quel est le délai qu’ils s’accordent pour essayer tout et son contraire en terme de médecine avant d’en venir à la conclusion que c’est peine perdue et qu’ils vaudraient mieux pour eux qu’ils abandonnent ? Il ne veut pas aborder le sujet telle une mauvaise augure, mais il veut savoir, il veut connaître sa deadline, et une fois de plus il estime que seule Evelyn peut en décider. « Parce que je sais qu’on en a jamais parlé, mais l’adoption… je l’envisage pas vraiment. » Ce qui est la raison pour laquelle ils n’en ont jamais parlé, parce que le “pas vraiment” de Rhett n’est qu’un doux euphémisme pour lui faire comprendre qu’il n’adoptera jamais un gamin qui n’est pas le sien, parce qu’il sait qu’il serait incapable de l’élever avec un amour similaire.

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S’ils s’étaient rencontrés plus tôt, ils auraient rencontré moins de difficultés pour concevoir. S’ils s’étaient rencontrés plut tôt, ils n’en seraient pas là aujourd’hui en somme, et c’est sur ça qu’Evelyn se focalisa le temps de quelques minutes, surement pour échapper à la réalité de ce qui était en train de se passer, en leur imaginant un destin un tantinet différent. Ça la fit remettre en perspective la vie qu’elle avait vécu et les rencontres qu’elle avait faites avant Rhett. C’était aussi clair, qu’à l’époque, elle n’était pas dans l’optique d’alimenter ce genre de désir de toute façon : aucune d’elle ne lui avait donné envie de se lancer dans cette aventure qu’était la maternité, mais qu’en était-il de Rhett ? Elle ne lui avait jamais vraiment posé la question par crainte d’être heurtée par la réponse, mais elle le soupçonnait d’avoir nourri des envies de devenir père en voyant son amour de toujours avoir son propre enfant. Avait-il regretté que ce ne soit pas avec elle à la place d’Evelyn ? Avait-il un jour imaginé que ce serait avec elle qu’il aurait l’enfant qu’il désiré tant aujourd’hui ? Aujourd’hui, ça ne la blesserait pas de l’entendre le lui dire parce qu’elle ne doutait pas instant qu’il l’aimait elle, et personne d’autre. Alors peut-être estimerait-il qu’elle n’avait pas à lui poser la question, peut-être estimerait-il que c’était indélicat de le faire dans un tel moment, mais elle s’excuserait platement plus tard parce que, maintenant qu’elle y avait pensé, elle ne pouvait plus ignorer qu’elle s’était posée la question, de ce fait elle lui demanda "Tu n’as jamais voulu d’enfant avec Jenna ?" Elle n’avait pas besoin de lui dire que cette question, il pouvait y répondre comme il pouvait choisir de ne pas le faire, l’obligation ne pesant jamais sur les interrogations d’Evie qui se mit tout de même à souhaiter qu’il lui réponde, ne serait-ce que pour avoir l’information et composer avec.

Elle laissa un rire filer en s’imaginant soudainement partager une maison avec les parents de Rhett "Les premiers temps, ce ne serait peut-être pas si pire que ça. C’est bien à ça que servent les grands-parents, non ?" A soulager les parents épuisés par les nuits incomplètes de leur nouveau-né, entre autre. Elle plaisantait évidemment, jamais elle n’imposerait un rythme de nourrisson à des gens d’un certain âge, encore moins aux parents de Rhett qu’elle avait suffisamment en estime pour ne pas vouloir leur imposer ne serait-ce que l’enfer des premiers mois. La mère de Rhett s’en réjouirait, elle en était certaine, mais la conscience d’Evelyn le lui ferait payer tout le reste de sa vie. Elle hocha la tête lorsque Rhett confirma que sa proposition n’était pas mauvaise, haussa les épaules pour anticiper la réponse à la question qu’il lui posa ensuite "Non, je m’en moque. Ce n’est qu’une maison, on en trouvera une autre." Qui plairait à Rhett, dans laquelle il se sentirait vraiment chez lui, ayant toujours eu l’impression que c’était un sentiment qu’il ne réussissait pas à ressentir en s’étant installé à ses côtés. Elle ne lui en voulait pas, elle lui offrait simplement l’opportunité d’enfin pouvoir mettre son coeur à l’aise dans un endroit qu’il serait fier d’appeler sa maison.

Pour l’instant, leur priorité était ailleurs, plus précisément dans la décision prise par Evelyn et qui trouva racine auprès de Rhett dont le sourire fit en naître un sur le visage de la jeune femme dont le coeur se mit à battre la chamade sous le liseré fin du chemisier qu’elle portait sur le dos. Elle ne réussissait pas à déterminer si c’était de peur ou de bonheur, tout ce qu’elle savait c’est qu’ils faisaient les choses comme il le fallait pour maximiser leurs chances de voir leur rêve s’accomplir. Ça voulait tellement dire de choses sur eux, sur leur détermination, sur leur amour aussi que ça lui fit monter les larmes aux yeux. Elle les sécurisa d’un index passé en-dessous de ses paupières inférieures pour qu’elles ne coulent pas, renifla doucement, déjà occupée à retourner toute son attention sur Rhett qui lui posait une question somme toute légitime, à laquelle elle n’avait pas voulu penser jusqu’alors, craintive quant à l’échéance que ça leur laisserait pour voir leur désir se concrétiser ; elle aimait programmer tout et son contraire, mais ça, c’était différent, ça témoignait de long chemin qu’ils auraient à parcourir, et c’était un tantinet effrayant. Cependant, elle ne voulait pas prendre la décision seule, elle ne voulait pas exclure Rhett de rien entourant tout le processus, aussi elle lui demanda plus qu’elle ne lui répondit "Qu’est-ce que tu en penses toi ? A quel point tu te sens capable de supporter l’attente ? De supporter tout ça ?" Rhett était moins patient qu’elle ne l’était, mais sur l’instant, ce n’était évidemment pas ce petit défaut qu’elle mettait en avant, mais bel et bien ses attentes sur la question ; elle voulait toutes les connaître, bien qu’elle en connaissait déjà une grande partie. C’était elle qui vivrait le plus gros de ce qui les attendait, certes, elle n’était tout de même pas seule à le vivre, et ça, elle voulait que Rhett l’enregistre pour de bon, tenant à le garder à ses côtés, et à le faire participer sans jamais lui donner le sentiment de n’être qu’un figurant. Elle avait besoin de sa présence, elle avait besoin de lui tout simplement. Rejetant d’un signe de tête ce qu’il ajouta, elle lui dit "On n’en a jamais parlé parce que je sais ce que tu penses, et que je pense la même chose que toi." Elle lui donna un baiser sur le dos de sa main, replaçant celle qui ne la tenait par dessus quand elle fit reposer le poing que formaient leurs paumes liées sur ses genoux "Quitte à attendre des mois et des mois avant d’avoir un enfant, autant que ce soit biologiquement le nôtre." Elle admirait les parents qui se lançaient dans les démarches d’adoption, mais elle avait le même avis que Rhett sur le sujet : ce n’était pas adapté à leurs désirs, ils n’avaient pas besoin d’en discuter.

"Tu n’as jamais voulu d’enfant avec Jenna ?" Et si le prénom de son ex petite-amie est prononcé dans un tel contexte, il se doute bien que cela n’a rien à voir avec une simple curiosité ou une pensée fugace. Si elle pense au couple qu’il formait avec Jenna en cet instant, c’est parce que ses pensées vont bien plus loin encore et il n’est pas certain d’aimer l’idée. Il ne peut pas l’empêcher de réfléchir, mais il aimerait au moins l’empêcher de douter. « Non, j’ai jamais réfléchi sérieusement à l’idée. » Il vivait pour le sport, il n’avait pas le temps de pleinement vivre pour leur histoire d’amour en parallèle. Si sa carrière avait été différente, peut-être qu’il aurait effectivement nourri ce rêve avec sa petite amie de longue date. Aujourd’hui, personne ne pourrait le deviner, pas même lui. « Pourquoi ? » Il a besoin de savoir pourquoi la question vient maintenant, il n’y tient déjà plus. Son interrogation n’est pas accusatrice, il le jure.

"Les premiers temps, ce ne serait peut-être pas si pire que ça. C’est bien à ça que servent les grands-parents, non ?" L’idée fait rire Evie et elle fait sourire Rhett, qui serait heureux de découvrir la joie de ses parents lorsqu’ils sauront que la famille s’apprête à connaître une génération de plus - quand bien même sa nièce existe déjà, elle est loin d’être encore une enfant. « Il ou elle sera pourri gâté par eux, je te préviens. » Et si c’est tout ce qu’ils doivent craindre au moment de la venue au monde de leur enfant, ce n’est évidemment pas un problème. Il pense déjà aux problèmes de l’avenir, à peu près certain que celui relatif à la fecondité peut déjà s’avérer comme réglé maintenant qu’ils sont dans un cabinet médical. "Non, je m’en moque. Ce n’est qu’une maison, on en trouvera une autre." Il hoche simplement la tête, acceptant par la même occasion la proposition d’Evelyn de se trouver (encore) un nouveau chez eux. Ils chercheront avec de nouveaux critères, ils penseront à se demander si la maison est adaptée ou non à la vie d’un très jeune enfant connaissant une absence totale d’instinct de survie. Ils feront ça bientôt, très bientôt, et cela le remplit d’une joie parfaite et certaine qu’il n’aurait jamais cru connaître avant qu’Evelyn arrive dans sa vie et la change d’une telle manière et profondeur.

On le fait. Ils sont une équipe qui acceptent d’essayer une nouvelle stratégie parce que celle communément appliquée ne fonctionne pas, et sur ce point il n’y a aucune honte d’aucune sorte à y avoir, pas vrai ? Tous les moyens sont bons pour arriver à la victoire, tant qu’ils y arrivent. "Qu’est-ce que tu en penses toi ? A quel point tu te sens capable de supporter l’attente ? De supporter tout ça ?" Ce ne sont pas les questions qu’il se pose pour sa personne, parce qu’il continue de croire qu’il n’est pas en tête de ligne dans cette histoire et qu’il est encore moins de la chair à canon. Il ne vivra pas les traitements, il ne pissera pas sur un bâton tous les quatre matins dans l’espoir d’y voir un signe - réellement, un signe. « Je sais pas. Je veux pas mettre de deadline. Je saurais même pas laquelle mettre. » Il croit en eux et en leur plan, si bien qu’il veut tout autant croire qu’ils n’auront pas besoin de se mettre une date limite après laquelle ils devraient abandonner : elle sera forcément tombée enceinte avant. Forcément. « Ça reste juste entre nous, on en discute entre nous. » De l’attente, des échecs, de leur capacité à supporter les traitements ou non. Ruben et Lara ont tous deux connu un certain discours, mais ils n’auront jamais tous les détails de leur couple, raison pour laquelle Rhett tente de la rassurer désormais : cela ne regarde qu’eux et puisque tel est le cas, ils n’auront qu’à parler entre eux le moment venu s’ils sentent qu’ils ne sont plus capable de continuer à attendre. Il ne veut pas penser qu’un tel jour puisse exister, mais il sait que cela reste une éventualité. « Et on se dit tout, ok ? » Le ‘ok’ est rhétorique, bien plus pour lui que pour elle tant il a pour habitude de ne jamais parler de ce qu’il pense ou ressent. Il fera des efforts, et ce sera une partie de sa contribution. "On n’en a jamais parlé parce que je sais ce que tu penses, et que je pense la même chose que toi. Quitte à attendre des mois et des mois avant d’avoir un enfant, autant que ce soit biologiquement le nôtre." Il hoche la tête, son avis se calquant parfaitement sur celui de sa compagne. Il est heureux pour les couples qui adoptent et ces enfants qui arrivent à trouver une seconde chance mais il sait qu’il n’en serait pas capable de son côté. Peut-être qu’au fond, il est rassuré d’entendre la même idée de la part d’Evelyn.

« Je suis content de vivre ça avec toi. » Il dégage une mèche du visage de la brune et reprend après les quelques secondes habituelles qui le poussent à réfléchir un minimum. « Enfin, pas ça ça, mais de fonder une famille. » L’idée renaît peu à peu grâce à la détermination d’Evie, et de ça il lui est reconnaissant. « Ca ira avec le travail ? Le stress ? » Et sans doute qu’à force, elle sait bien qu’il est prêt à lui demander de se retirer à tout instant pour qu’elle se concentre uniquement sur ce bébé, tout comme il sait que c’est une idée qu’elle refuse d’entendre, raison pour laquelle toutes les questions relatives à l’enfant et à son travail restent particulièrement floues.

you don't need to believe in hereafter,
just believe in me
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Je réfléchis juste." Parce que la situation lui donnait à réfléchir tout simplement "J’avais envie de savoir si ça t’avait déjà frôlé l’esprit comme, tu sais, elle vient tout juste d’avoir un bébé." Elle ne citait pas Jenna pour mettre Rhett mal à l’aise, tout comme elle ne citait pas Jenna pour faire naître un conflit qui n’avait pas lieu d’être. Elle n’avait jamais jalousé la jeune femme, ce ne serait pas maintenant que ça commencerait. Elles faisaient toutes les deux parties de la vie de Rhett à un certain point — Jenna dans le passé, Evelyn dans le présent. Elle ne se mettait pas en compétition avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas,  elle ne se mettait pas en compétition avec une autre femme, tout simplement, elle n’avait pas ce défaut là et n’alimentait pas grand-chose à son sujet si ce n’était une curiosité passagère, qu’elle ne soulagerait pas en allant la rencontrer, par exemple. Elle savait juste qu’elle existait, qu’elle avait compté pour Rhett, et que ça s’était terminé. Ça lui suffisait amplement pour dormir paisiblement sur ses deux oreilles. Tout n’avait pas vocation à être profond, et ça, ça ne l’était pas.

"Si tu comptes sur moi pour les gronder de trop le gâter, je crains que tu te trompes de partenaire, partner." lui fit-elle dans un léger rire quand les parents de Rhett s’invitèrent dans la conversation. Elle ne verrait aucun inconvénient à ce que leur enfant soit traité comme un roi ou comme une reine parce qu’elle-même ne comptait pas le traiter ou la traiter autrement. S’ils réussissaient à avoir un bébé — quand ils l’auront, ce bébé —, ce serait très certainement le seul. Il aurait la chance de vivre dans un environnement où il ne manquerait de rien, ou la vie serait facile et douce, ou en tout cas, Evie s’appliquerait à ce qu’elle le soit pour lui ou pour elle. Elle ne l’avait pas toujours été pour elle-même, elle ne s’était pas toujours sentie aimée, elle refusait que ça arrive à l’enfant qu’elle s’apprêtait à avoir avec Rhett alors oui, ils lui donneraient des valeurs et des principes, ils lui donneraient surtout tout ce dont un enfant pouvait rêver, et tant pis si ça faisait parler les parents parfaits qui se feraient grand plaisir de les critiquer.

Ils ne le seraient pas tout de suite, eux, des parents parfaits. Ils ne le seraient même probablement jamais, ça ne faisait pour autant pas reculer Evie qui venait de confirmer que ce projet qu'ils avaient à coeur de mener à son terme venait d’entrer dans sa phase d'action. Une fois que le médecin reviendrait dans son bureau, ils pourraient lui annoncer qu’ils étaient d’accords pour mettre le protocole en marche. Ça l’émouvait à raison, même si elle s’obstina à ne pas le montrer en ne laissant pas les larmes qu’elle avait dans les yeux couler sur ses joues, son attention dirigée sur Rhett qui prenait les commandes et voyait les choses de façon plus rationnelles qu’elle sur le coup. Il lui demandait combien de temps ils se donnaient, et Evie n’avait pas de vraie réponse à lui donner, tout comme lui-même n’en avait pas d’ailleurs tandis qu’elle lui retournait la question, soucieuse qu’ils prennent toutes les décisions tous les deux. A nouveau, elle s’enfonça dans sa réflexion, fronça les sourcils en poussant loin son pouvoir d’anticipation pour essayer d’imaginer à quel point ils supporteraient l’attente. Ils avaient déjà essuyé des mois et des mois de tests infructueux, leur patience était déjà mise à rude épreuve, saurait-elle en supporter davantage ? Elle pinça les lèvres, hocha la tête sans acquiescer à quoi que ce soit de particulier sortant de la bouche de Rhett, la sienne se rouvrant quand elle lui dit "On laisse les choses se faire jusqu’à ce que ce soit trop dur à encaisser ? Ce sera ça, notre limite." Et comme ils étaient particulièrement robustes, ça revenait presque à s’imposer une durée illimitée, mais ça n’avait pas d’importance, puisqu’elle finirait bien par tomber enceinte avant le délai imparti, non ? Elle l’espérait, elle s’y accrochait, s’accrochant en même temps à la main de Rhett qu’elle tenait dans la sienne et qu’elle serra plus fort "Entre nous et le médecin." le corrigea-t-elle, presque pour faire de l’humour, trop consciente désormais que chaque donnée concernant sa santé serait scrutée par l’équipe du médecin qu'ils avaient choisi. Ils formaient une équipe de trois, c’était la configuration optimale pour qu’ils remportent enfin le droit de l’avoir, ce bébé. Cette fois, elle hocha la tête pour acquiescer à ce que Rhett lui disait "Bien sûr, même les choses désagréables, OK ?" Parce qu’il y en aurait, des choses désagréables à dire, elle en était persuadée, et que si elle réussirait à arrondir les angles de son côté, Rhett aurait d’abord le réflexe d’intérioriser plutôt que de lui en faire part. Elle ne voulait pas de ça, elle voulait qu’ils forment une véritable équipe, celle qui soutiendrait l’arrivée imminente d’un petit être qui n’aurait qu’eux pour assurer son avenir.

Elle bascula juste un peu en arrière, la tête tournée vers Rhett pour le regarder et lui laisser disposer de l’angle nécessaire à la caresse qu’il voulait lui donner, remettant une mèche de cheveux derrière son oreille pendant qu’elle le regardait, conquise par ce qu’elle voyait, encore plus par ce qu’il lui disait. Elle murmura dans un léger sourire "J’ai compris. Moi aussi." Elle aussi était heureuse de vivre ça avec lui — pas ça ça, mais de fonder une famille qui serait la leur, même si elle serait réduite en comparaison de celles dans laquelle chacun d’eux avait grandi. Elle se laissa aller à déposer un baiser sur ses lèvres, puis un autre, avant d’opiner à la question qu’il lui posa "Je suis persuadée que ça ira, oui." Mais elle entendait l’inquiétude dans sa voix, ne voulait pas la balayer d'un revers de main sous le prétexte qu’ils n'y étaient pas encore. Elle le rassura "Je ne compte pas m’arrêter de travailler, c’est vrai, mais si ça devient un problème à un moment donné, je déléguerais quelques temps." Ça ne lui ferait pas plaisir, mais ils se lançaient dans un protocole qui demandait des efforts, les siens, plus particulièrement, c’était évident  "Je te le promets, OK ?" Le OK était rhétorique, elle n’avait pas pour habitude ne pas tenir ses promesses, surtout celles qu’elle faisait à Rhett.

"Je réfléchis juste." Il a du mal à croire qu’Evelyn se contente de réfléchir alors qu’elle est ce genre de personne dont l’esprit et le cerveau sont en éternelle stimulation. Il a aussi du mal à croire que donner son avis sur l’instant aurait quoi que ce soit d’une bonne idée. "J’avais envie de savoir si ça t’avait déjà frôlé l’esprit comme, tu sais, elle vient tout juste d’avoir un bébé." Ce n’est pas une information qu’il aurait pu ignorer, ni qu’elle aurait pu ignorer. Ce n’est pas non plus une information dont il cherche à parler, parce qu’au fond de lui il sait que son désir d’avoir un enfant n’est pas totalement étranger au simple fait que Jenna soit devenue mère peu de temps auparavant. « Non, ça n’a rien à voir. » Il rétorque avec dureté, sans doute plus qu’il le voudrait et qu’il avait anticipé. Il ne veut tout simplement pas qu’ils creusent davantage cette histoire précise.

D’autres sujets se font aujourd’hui leur place dans leur quotidien ; des sujets que Rhett n’aurait jamais osé envisager il y a un an de ça et qui le rendent pourtant profondément heureux aujourd’hui. "Si tu comptes sur moi pour les gronder de trop le gâter, je crains que tu te trompes de partenaire, partner." Il partage avec elle un regard en biais, un instant perdu dans ses pensées alors qu’il visualise un peu trop facilement les scènes qui feront d’elle une mère aimante et particulièrement à l’écoute pour leur enfant. « Je pense que je serai capable de vivre avec. » Rhett ironise donc simplement, après avoir bien assez pesé le pour et le contre d’une vie entière aux côtés d’Evelyn et d’un enfant dont ils devront toujours s’occuper, peu importe ce qui pourrait finalement advenir d’eux. "On laisse les choses se faire jusqu’à ce que ce soit trop dur à encaisser ? Ce sera ça, notre limite." Ce n’est pas une réponse qui peut aider à anticiper la durée dont il sera réellement question mais il n’est pas aveugle au point de ne pas savoir qu’Evelyn n’a pas plus le don de lire l’avenir que c’est son propre cas. Il hoche la tête, accepte leur sort, ajoute un sourire pour se montrer un brin enthousiaste : dans un monde parfait, ils n’auront même pas à se demander s’ils ont bel et bien atteint leur limite. "Entre nous et le médecin." - « On lui dira juste ce qu’il a besoin de savoir. » Ils ne garderont pas pour eux des informations qui pourraient lui être utile mais ils ne seront pas ce genre de couple à divulguer leur vie à tout va : ils ne l’ont jamais été, il n’y a aucune raison pour que cela commence maintenant.

"Je suis persuadée que ça ira, oui." C’est tout ce qu’il veut envisager à son tour. Ils n’ont pas fait tout ce chemin et eu toutes ces discussions pour que cela tourne mal ensuite. "Je ne compte pas m’arrêter de travailler, c’est vrai, mais si ça devient un problème à un moment donné, je déléguerais quelques temps." Son regard sonde une seconde de plus que de raison celui d’Evie avant qu’il ne finisse par hocher la tête. C’est évidemment la réponse qu’il souhaitait entendre, si bien qu’il n’en demande pas davantage. "Je te le promets, OK ?" Evie encore proche de lui, il en profite pour déposer un baiser contre sa joue, signe de l’affection toute particulière qu’il lui porte. « Ok. » Il souffle contre son oreille sans remettre en question ses mots. « On y va ? » Paradoxalement, il lui demande surtout si elle se sent prête à ce qu’ils demandent au médecin de revenir pour commencer les véritables discussions et tout le processus pour fonder une famille. Avec une habitude née trop tôt, Rhett pose sa main contre le ventre d’Evelyn, son pouce remontant à l’opposé de ses autres doigts pour couvrir davantage de surface, comme s’il pouvait la protéger aussi facilement. « Tu seras parfaite. » Elle l’est déjà, mais elle le sera d’autant plus en tant que mère, très bientôt.