won't you hold me while this storm is in my head?
@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

Jo pouvait faire un effort d’imagination, fabriquer un scénario légèrement différent de celui qu’elle avait imposé à tout le monde depuis plus d’un mois, et prétendre que sa longue absence, elle la devait à une tournée promotionnelle quelque part, à des milliers de kilomètres de l’Australie. Elle pouvait aussi se raconter des histoires sur la nervosité qui ne l’avait pas quittée de tout son trajet en voiture jusqu’à l’imposante villa de Midas, la mettre sur le compte de l’anticipation due à des retrouvailles très attendues qui s’éterniseraient sans doute, et qui seraient heureuses, forcément. Mais travailler sur soi-même, c’était accepter de voir la réalité en face ; mantra à la con si son avis lui était demandé, elle avait passé sa vie à vivre dans le fantasme d’une carrière fulgurante, drapée de gloire et de paillettes, ce n’était pas maintenant qu’elle allait subitement moins se mettre à rêver. Néanmoins, sur l’instant, elle laissa de côté son imagination, et elle relut les textos échangés avec Midas pour s’arrêter sur les tous derniers. Ainsi, elle ne mit pas bien longtemps à rebattre les cartes de ses priorités.

"J’ai bien failli ne pas vous reconnaître. Mais vous êtes quand même toujours aussi ravissante." "Ah ouais, la frange. Merci, Tobias." Ses doigt trouvèrent le rideaux subtilement effilés qu’elle avait sur le front. Adressant un sourire mi-figue mi-raisin au chef de la sécurité de la villa, ce dernier opina avec bienveillance en laissant entrer dans le domaine le taxi qu’elle avait pris depuis l’aéroport. Elle entendit qu’il pépiait quelques ordres au travers d’un appareil qu’il porta à sa bouche sans qu’elle s’en soucie véritablement, déjà au courant que Midas n’était pas présent dans l’immédiat. Il lui avait pourtant dit qu’il voulait la voir à son retour, et ça l’avait soulagée de le lire tel quel, le doute lui étant permis simplement parce qu’elle savait qu’elle n’avait pas fait les choses comme il le fallait, et qu’à défaut de lui devoir vraiment des explications, lui en ayant déjà donné une palanquée, elle lui devait des excuses qu’elle penserait du plus profond de son coeur. Son retour en Australie, elle le faisait la queue entre les jambes, le coeur bien moins lourd que lorsqu’elle était partie, Jo. Ce n’était pas pour autant qu’elle allait parfaitement bien : elle allait mieux, et elle était prête à s’en contenter le temps de reprendre ses marques, mais aussi de cocher les entrées de cette foutue liste qu’elle avait rédigée durant ses dernières nuits d’insomnies.

Après plusieurs mètres, on la fit rentrer à l’intérieur de la villa, on ramena son énorme valise dans la chambre du propriétaire des lieux, et enfin on lui murmura avec gentillesse "Je vous laisse disposer des lieux, ça me fait plaisir de vous revoir." Fais comme chez toi. Elle entendait la voix de Midas le lui dire sans avoir besoin de s’enfoncer trop loin dans ses songes. C’est ce vague excès d’imagination-ci qui la rendit plus nerveuse que tout le reste, mais en même temps, impatiente de le retrouver. Il avait tous les droits d’être fâché contre elle, elle n’était toutefois pas prête à entendre sa voix muée par la colère, aussi pendant qu’elle investissait l’espace pour rejoindre la salle de bain, elle se repassa en boucle ce qu’elle connaissait de ses inflexions, comme une mélodie rassurante qui l’accompagna le temps qu’elle passa seule. C’était injuste de s’attendre à ce qu’il garde sa douceur et sa tolérance. Malgré tout, elle ne supporterait pas le contraire, et elle se rendit compte que c’était ça qui l’angoissait : de ne pas savoir comment faire face au mécontentement légitime de quelqu’un qu’elle avait poussé à l’inquiétude le temps de quelques jours seulement, c’était tout de même quelques jours de trop, et elle en avait conscience. Il n’y avait pas que ça bien sûr, elle était aussi embarrassée d’avoir été obligée de lui admettre qu’elle n’allait pas bien quand sa fuite en avant avait été entretenue par son refus pathologique de demander de l’aide ; elle était contrariée d’être obligée de réaliser en direct qu’il éprouvait de la déception qu’elle n’avait pas réussi à lui parler de ce genre de choses quand il l’avait encouragée à le faire quelques heures à peine avant qu’elle ne prenne la poudre d’escampette.

Elle essaya de ne pas s’appesantir trop longtemps sur tout ça lorsqu’elle se débarbouilla de ses trop nombreuses heures de vol. Elle ne compta pas le temps qu’elle passa sous le jet brûlant de la douche, elle se contenta tout simplement d’en profiter. Une fois terminée, elle resserra l’élastique de la queue de cheval qu’elle s’était faite pour épargner ses cheveux, passa le peignoir de Midas sur son corps humide, et dans un geste de réconfort ultime, respira son odeur au travers du tissu éponge qui caressait sa peau avant de serrer la ceinture à son maximum pour contraindre le vêtement à épouser sa silhouette qui n’était définitivement pas la même que le jeune homme ; dont elle croisa inopinément les yeux quand elle releva la tête. La surprise lui fit dire, presque précipitamment "Tu m’as dit de faire comme chez moi." C’était sa défense, bien qu’il ne l’accusait de rien. Il y eut un très court moment de latence durant lequel elle ne réussit à rien faire d’autre qu’à le fixer avec la bouche légèrement entrouverte, frappée par le constat incontestable qu’il lui avait manqué tellement fort qu’en plus d’avoir envie de le prendre dans ses bras, de l’embrasser, de le toucher, elle avait aussi envie de le lui dire maintenant pour qu’il n’en doute pas une seule seconde ; et puis elle se rappela que c’était sa faute s’ils avaient passé autant de temps séparés ces cinq dernières semaines, et qu’il serait susceptible de le lui faire remarquer. Alors soudainement, trop peut-être, elle baissa les yeux, ne trouvant rien d’intelligent à dire, ne sachant pas non plus ce qu’elle devait faire si ce n’était le laisser venir à elle dans tous les sens du terme, aussi mal placée que mal à l’aise, compte tenu des circonstances.

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/blondewhoregifs

Ma – trop grande – propriété, je ne l’ai jamais autant évitée que depuis que Jo est partie au petit matin il y a quelque chose comme un mois – cela me semble s’est passé il y a dix ans – sans un mot et comme une voleuse. Bien sûr, mot j’ai retrouvé plus tard. Excuses ont été faites en caractères formant un message bien bref dans un message envoyé sur à mon numéro. Raisons ont été données, aussi. Mais cela n’enlève rien à ce que je ressens : d’une part, le sentiment d’avoir été exclu de tout un pan de la vie de ma petite amie et d’autre part (bien que les deux soit finalement liés) le doute. Un fichu doute qui me souffle à l’oreille que si elle est capable de faire ce genre de chose, alors peut-être ne sommes-nous pas sur la même longueur d’onde. Moi, je m’imagine faire ma vie avec Jo. Je me vois lui raconter tous les matins et tous les soirs mes peines, mes déceptions, mes espoirs, mes craintes pour l’avenir – le nôtre, le mien et celui de ma gosse. Je me vois lui parler de mes projets et l’y inclure progressivement. Je commencerai par l’inviter aux fêtes de familles, les plus simples et sans risque, à Noël, nous passerons des vacances ensemble elle et moi, nous deux et Posy. Je lui parlerai de mon désir d’évoluer dans un schéma classique, conventionnel. Peut-être, si j’ai de la chance, elle acceptera de me donner sa main. Je me vois la lui demander, en tout cas, tout comme je me vois lui demander de se lancer dans l’aventure d’avoir des enfants rien qu’à nous.

Avec Jo, je me vois aller loin. Seulement, si de son côté elle me met à l’écart – autant des épreuves qu’elle traverse que lorsqu’il décide de partir à l’autre bout du globe pour suivre une thérapie – voyons nous notre présent et notre avenir avec la même paire de lunette ? Partageons-nous nos notions du couple, de la famille ? Partage-t-elle ma vision de nous deux comme des partenaires ? Deux moitiés d’un duo ? J’aime son indépendance. Mais je ne m’imagine pas avec une femme qui le serait entièrement de moi. Moi, je dépends d’elle. Je suis accro à elle. Mon univers tourne autour d’elle. Elle m’aime. Jo m’aime, je n’en doute pas une seule seconde, parce que je la sais sincère et authentique, parce qu’elle me l’a prouvé maintes et maintes fois. Mais au-delà de m’aimer, est-elle prête à me faire dans sa vie la place que je veux lui faire dans la mienne ? Est-elle trop éprise d’indépendance pour pouvoir un jour partager ma vision du couple ou en tout cas du notre ? Trop fermée ? Trop dure et inatteignable ?

« Tu m’as dit de faire comme chez moi. » Elle est là, en tout cas. Elle est là devant moi, enroulée dans mon peignoir, dans ma salle de bain, dans cette propriété qui était trop grande sans elle. (Elle l’est toujours avec, elle l’est de façon indécente, mais je ne le vois plus lorsqu’elle est là tant elle semble habiter chaque pièce.) Je pourrais me mettre à ses genoux, je pourrais attraper ses mains dans les miennes, les embrasser et la supplier de ne plus partir. Sauf que j’ai besoin de ne pas être celui qui lui court après parce qu’elle est partie. Toutefois, conscient qu’elle doit être profondément mal à l’aise et ne pas savoir ce qu’elle a le droit de faire ou pas, je lui ouvre mes bras pour qu’elle comprenne que je l’y attends pour l’étreindre de toutes mes forces.

« Tu es chez toi. Ça change pas. » Je crois que même si elle me quittait, je préfèrerais encore lui laisser ici pour aller ailleurs. Bien-sûr, c’est excessif, on ne parle pas ainsi d’un bien immobilier valant plusieurs millions d’euros. Seulement, nous avons en quelques mois à peine créé bien trop de souvenirs ici pour que cela ne soit pas à double tranchant. Elle est chez elle ici, elle est chez elle dans mes bras et je n’attends qu’une chose : qu’elle vienne s’y blottir pour que je puisse enrouler mes bras autour de son corps mince, que je puisse venir respirer l’odeur de ses cheveux et caresser les cheveux rebelles à la base de sa nuque du bout des doigts. J’ai cru mourir d’inquiétude quand elle m’a offert sa fuite et le silence. Mais je n’ai pas été bien rassuré lorsque j’ai eu de ses nouvelles et qu’elle m’a avoué qu’elle allait mal, mal au point de chercher de l’aide en Europe et loin de moi.

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@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

Ça ne devait faire de sens pour personne qu’elle soit partie aussi loin, aussi longtemps. En apparence, tout allait bien chez Jo. Mise à part sa déception concernant sa tournée, elle avait réussi à donner le change concernant tout le reste, surtout concernant la mort de Charlie. C’était aussi simple qu’elle faisait comme si ça n’était pas arrivé, la tache lui étant facilité par la manière dont l’information refusait de rentrer dans son système, s’attendant toujours à recevoir un message de sa part. Elle faisait bien semblant, c’était inconscient la plupart du temps. Elle pouvait se targuer d’être brute de décoffrage, d’être rien d’autre qu’honnête quand il s’agissait d’un tas de choses, quand il s’agissait de mettre à nu ses émotions, ce n’était pas la même histoire. Elle était d’une pudeur maladive, elle ne se donnait pas d’autre choix que de se débrouiller. Elle avait vécu seule longtemps, elle s’était accrochée à son indépendance, ayant été à la merci des attentes de son père durant une bonne partie de sa vie pour vouloir, une fois adulte, accepter d’être sous la coupe de quelqu’un qui n’était pas elle, et elle uniquement. Elle avait pris de mauvaises habitudes, elle s’était enfermée dans des mécanismes de défense qui n’incluaient pas de se confier, de demander de l’aide, quand elle n’allait pas bien. Jo ne laissait personne l’atteindre vraiment, c’était une évidence — pas par orgueil, comme on serait tenté de le croire, mais parce qu’elle ne voyait pas l’intérêt d’imposer à quiconque son malêtre au point de devenir une charge.

Elle savait ce que ça faisait de vivre avec les maux de quelqu’un sur la conscience, elle savait ce que ça faisait de s’inquiéter chaque seconde, chaque minute, chaque heure de la journée, elle ne voulait pas se rendre coupable de ça, surtout pas auprès des gens qu’elle aimait ; c’est ce qu’elle avait fait pourtant, et elle le réalisait trop tard — le dicton ne disait pas mieux vaut tard que jamais ? Elle ne laisserait pas sa mauvaise foi interférer dans ses regrets, elle savait qu’elle avait fait une erreur, elle l’avait admise sans chercher à se dédouaner d’avoir voulu gérer les choses à sa façon en repoussant ceux qui auraient été susceptibles de l’aider, Midas en priorité. D’habitude, c’était vers lui qu’elle se tournait quand elle se sentait faiblir, c’était à lui qu’elle voulait laisser la lourde tache de la réconforter quand elle avait besoin de se sentir aimée pour autre chose que ce qu’elle représentait, c’était à lui qu’elle voulait confier son corps, son coeur, son âme sans même douter un instant qu’il ne puisse pas en prendre soin. Sauf que cette fois, elle avait voulu le préserver de la partie d’elle qu’il ne connaissait pas beaucoup, pas enthousiaste à l’idée de lui offrir une version d’elle-même qu’elle trouvait misérable. Là, c’était peut-être bien son orgueil qui parlait, elle qui avait toujours besoin de briller et d’attirer l’attention, elle ne supportait pas que ce soit le cas pour les mauvaises raisons, et la dépression était l’une d’elle ; c’est ce qui lui arrivait, elle n’avait même pas essayé de négocier le diagnostique en se cachant derrière des synonymes à la con pour mieux comprendre ce qui lui était tombée dessus sans préambule.

Il n’y en avait avait pas plus là, de préambule, pendant qu’elle se retrouvait à bonne distance de Midas sans savoir quoi faire d’autre que de baisser les yeux pour ne pas affronter la déception qu’elle verrait surement dans les siens. Elle était nerveuse, elle n’essayait même pas de le cacher, et ce tout comme elle ne cacha pas le soulagement qui la fit relâcher sa respiration quand, apercevant du mouvement de son côté, elle lui adressa de nouveau son attention pour constater qu’il lui ouvrait les bras sans hésiter. Elle n’hésita pas non plus, et ce malgré la certitude qui l’animait depuis des semaines qu’elle ne le méritait pas, qu’elle devrait se résoudre bientôt à l’inciter à s’en aller pour trouver quelqu’un qui saurait mieux estimer ce qu’il lui offrait sans concession. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle avait besoin de le sentir contre elle, alors elle l’enlaça par la taille. Ses doigts encerclèrent son propre poignet pour former un étau autour de son corps qu’elle sentait chaud au travers de ses vêtements. Son poids-plume se délesta complètement sur lui à la seconde où elle arriva près de lui pour poser sa joue contre son torse durant quelques secondes à peine, se blottissant contre lui avec davantage d’aise, même si elle continuait à être nerveuse, n’étant pas sans savoir qu’elle avait quelque chose à se reprocher. Doucement, elle se hissa sur la pointe des pieds pour changer de position, délaissa la taille de Midas de ses bras pour enfin les passer autour de son cou, et nicha son nez dans le creux de sa clavicule qu’elle embrassa par-dessus ses vêtements. Son odeur, plus que ses mots, lui fit instantanément monter les larmes aux yeux.

"Hey." C’est ce qu’elle lui murmura à l’oreille en guise de bonjour pendant qu’elle se grandissait encore pour mieux l’atteindre et qu’elle le serrait contre elle en même temps. Sa voix vibrait sous le coup d’une émotion réelle qui libéra les larmes qu’elle n’avait pas réussi à laisser couler au cours des dernières semaines, trop concentrée sur sa détermination à ne pas craquer pour de bon. Elle le faisait là, même si ça restait timide, et que pour noyer le poisson, prenant un léger recul nécessaire pour le regarder, elle lui fit remarquer en venant froisser le rideau de cheveux brun qu’elle avait sur le front "Je me suis fait couper les cheveux, t’en penses quoi ?" Elle ne craignait même pas que ça ne lui plaise pas. Mais encore une fois, sa pudeur lui rappelait qu’elle était bien là, et que même si elle pleurait pour de vrai cette fois, il valait tout de même mieux qu’elle essaye de gérer ça, pas de se laisser aller complètement. Elle le fit toutefois, cessant enfin de tripoter sa frange pour poser de nouveau sa main sur Midas dont elle agrippa doucement la nuque pour diriger la trajectoire de son visage, et mieux poser son front contre le sien quand elle lui dit dans une inspiration imprégnée par ses larmes "Je suis désolée." C'était toujours difficile pour Jo de dire ces choses-là. Ça l’était moins quand c’était à destination de Midas pour qui elle savait courber l’échine sans juger qu’il avait tort lorsqu’il l’avisait que ce n’était pas si pire de s’excuser, surtout quand on cumulait les offenses "Je sais que tu t’es fait un sang d’encre, c’est pas ce que je voulais." S’il avait besoin de lui dire qu’elle avait mal jugé la situation, elle l’entendrait sans jouer la carte de celle qui s’était laissé dicter la marche à suivre par les pensées dangereuses qui l’avaient traversée, et qui lui ressemblaient encore moins que les larmes roulant sur ses joues maintenant, s’écrasant contre ses lèvres qu’elle osa enfin presser contre celles de Midas. Avant, elle lui répéta  pour faire bonne mesure "Je suis désolée."

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/blondewhoregifs

Jo ne réfléchis pas avant de s’approcher et de se faufiler entre mes bras tendus, et cela a quelque chose de rassurant. Tout ne se règlera pas en une étreinte – et pourtant, Dieu qu’elle me fait du bien – mais si son premier réflexe est de gagner ma maison et qu’elle n’a pas besoin d’être suppliée pour m’enlacer, les choses ne peuvent pas être trop… Cassées ? Notre couple ne peut pas battre de l’aile, dans ces conditions, et j’ai envie de m’en convaincre. Que ce soit vrai ou non, en bon homme courageux et sans peur, j’ai bien l’intention de faire l’autruche autant de temps que cela me sera possible. Autrement dit : jusqu’à ce que ma frustration, jusque là mise sous cloche – ne finisse par prendre bien trop de place et ne fasse éclater les parois de sa prison de verre.

Là, je sens la chaleur que dégage le corps de Jo au travers de mon peignoir de bain contre mon t-shirt et ça n’a plus la moindre importance. Je pose le bout de mon menton sur le sommet de son crâne et je respire son odeur, et rien d’autre n’a plus d’importance. Elle est si menue que mes bras touchent pratiquement l’épaule qui leur est opposée, pourtant, je ressers encore un peu ma prise, comme si je craignais qu’elle ne s’envole ou ne s’évapore. « Hey. » J’incline la tête vers elle, avant de lui répondre en écho, mon souffle dans ses cheveux. « Hey. » Putain que ça fait du bien d’entendre sa voix. Elle n’a pas appelé là-bas, pourquoi ? Les premiers jours, elle était privée de son téléphone, mais ensuite ? Cela lui était-il interdit ? Avait-elle peur de m’avoir au téléphone ? Pourquoi ? Par crainte de mes réactions ? A-t-elle appelé d’autres personnes ? D’autres que moi ont-ils eu le droit d’entendre le son de sa voix ? Je chasse ses questions au profit d’une certitude : c’est chez moi qu’elle a couru à peine descendue de son avion. « Je me suis fait couper les cheveux, t’en penses quoi ? » Je me recule tout juste assez pour observer sa frange, et je ne la lâche d’un bras que pour passer mes doigts dedans. Après avoir été privé de leur douceur, je ne m’en lasserais jamais plus. « Ça te va bien. » Je suis un homme et la vérité est que cela n’a pas la moindre importance. Elle est magnifique comme ça, je ne lui mens pas ou je ne l’endors pas à grand renfort de boniments, simplement, je la trouverais magnifique quelle que soit sa coiffure. « Tout te va très bien. » Je ne lui demande pas s’il y a une raison derrière cette volonté de changement. Une part de moi n’a pas envie de connaître la réponse et l’autre n’est qu’un homme à des lieux de se douter qu’une femme peut avoir cent-une raisons de se couper les cheveux

« Je suis désolée. Je sais que tu t’es fait un sang d’encre, c’est pas ce que je voulais. » Je pousse un soupir, secouant la tête doucement, assez doucement pour pouvoir garder nos fronts collés l’un à l’autre. « Je sais que c’était pas ton objectif. » Je sais que ce n’était qu’une conséquences – dans les pires moments, je me suis dit que ça n’était qu’un détail à ses yeux, mais jamais je n’ai pensé que c’était ça, son but, de me pousser à m’inquiéter pour elle à en crever. « Je suis désolée. » Elle m’embrasse et, si je lui rends d’abord son baiser, je réalise rapidement qu’elle pleure. C’est rare chez Jo. Venant de ma petite sœur, quelques larmes sur les joues ne me surprennent plus réellement, cela ne m’inquiète plus non plus, mais venant de la chanteuse, mon cœur bat un peu plus vite. Je ne suis pas assez fin psychologue pour réalise que c’est bien qu’elle pleure enfin, que c’est sain qu’elle relâche la pression et son trop plein de sentiments comme un être humain est supposé le faire. Non, je me retrouve simplement dans les chaussures du garçon bien élevé, aux valeurs qui semblent parfois un peu d’un autre temps, et que les larmes d’une femme suffisent à déstabiliser entièrement. Sans la repousser, je mets doucement fin à notre baiser. Je recule mon visage et, de mes pouces sur ses joues, je tente d’effacer ses larmes. « Il faudra qu’on discute de tout ça. Mais pas maintenant, si tu veux bien. » Maintenant, j’ai envie de profiter du bonheur que me procure le fait de la retrouver. « J’accepte tes excuses. Merci. » Ce dernier mot, je l’ajoute dans un soupir tant il ressemble à un aveu de faiblesse. Merci, j’en avais besoin. « C’est pas une façon d’enterrer le sujet. On en reparlera vraiment. » Je ne veux pas qu’elle envisage qu’il s’agisse d’une manœuvre de ma part pour la faire taire. « Mais tu m’as manqué. » Je l’embrasse avec un peu plus de fièvre qu’une seconde auparavant et mes mains glissent pour se poser de part et d’autre de sa nuque. « Et c’est tout ce à quoi j’ai envie de penser dans la prochaine heure. » Et j’espère qu’elle n’a l’intention d’aller nulle part. Je n’ai pas envie de partager ces retrouvailles avec qui que ce soit.

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@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

Au travers du voile de larmes qu’elle avait devant les yeux, Jo tenta un battement de cils exagéré, essayant de réagir au compliment de Midas comme elle le faisait d’habitude. Plus tard, elle lui raconterait pourquoi cette frange, et il comprendrait que ça n’avait aucun sens caché, aucun but particulier, bien qu’une partie d’elle l’avait fait pour mettre en rogne ses équipes qui déploreraient son initiative. Sur le moment, elle avait mieux à faire que ça, et c’était de profiter sans gêne de la chaleur qu’il dégageait, avec un tantinet de culpabilité toutefois, consciente qu’elle méritait à peine sa sollicitude. Elle l’avait blessé, même si ce n’était pas volontaire, il avait toutes les raisons du monde de la repousser, exactement comme elle l’avait fait, seulement ce serait l’insulter que de le croire capable de cette bassesse. Elle ignorait si elle profitait de ça, si inconsciemment, le sachant aussi indulgent, aussi bon, elle ne s’attendait à rien d’autre de lui qu’il lui pardonne ses erreurs. Un peu, mais sans plus, sinon elle ne serait pas aussi nerveuse à l’idée d’un accueil glacial. Il était loin de l’être, et ça la rassurait autant que ça confirmait qu'il était humainement — et sans aucun doute possible aux yeux d’une Jo qui n’était pas toujours objective, qui l’était incontestablement lorsqu'il s’agissait de vanter les qualités humaines de Midas — le meilleur d’eux deux.

"Je te jure que ça l’était pas. Je voulais pas te faire de mal." Partir n’avait aucun autre objectif que de lui permettre de prendre en main ce qu’elle couvait. Elle ressentait le besoin de le justifier avec un serment qu’elle lui fit les yeux dans les yeux, tenant résolument son visage entre ses doigts. Elle avait senti dans les messages qu’ils avaient échangé qu’il remettait en doute la réciprocité de leurs attentes en tant que couple, et elle ne lui en voulait pas, mais elle voulait être limpide, quitte à l’être trop pour que plus jamais il ne la soupçonne de ne pas partager sa vision des choses. Alors là, elle le faisait avec la voix tremblante et les joues baignées de larmes, bien moins véhémente que ces fois où elle trouvait injuste qu’on l’accuse de tous les maux de la terre, il restait que ça sortait de ses tripes, et que s’il fallait qu’elle se mette à genoux pour qu’il la croit, elle le ferait, et tant pis pour sa fierté. Elle l’avait déjà perdue de toute façon, réduite à lui donner un baiser mouillé par ses larmes qu’elle sentait couler sans réussir à comprendre d’où elles venaient, jugeant presque inopportun de pleurer tandis, qu’enfin, elle relâchait la pression accumulée au cours des dernières semaines, qu’elle libérait aussi l’anxiété qu’elle avait alimenté à grand coup d’anticipation lorsqu’elle avait commencé à imaginer à quoi ressemblerait son retour.

"Je sais même pas pourquoi je pleure." Elle lui adressa cet aveu quand il rompit doucement leur baiser, et ce dans un très léger rire qui n’était là que pour atténuer le sentiment qu’elle avait d’en faire trop. Habituellement, ça ne la dérangeait pas, sauf que là, il ne s’agissait pas de marquer les esprits. Elle le laissa effacer les larmes qu’elle avait sur les joues en imaginant qu’elles le dérangeaient ; parce qu’il ne supportait pas de la voir plus fragile, moins forte, parce qu’il n’aimait pas la voir pleurer, tout simplement ? Elle fit taire ses pensées d’une secousse de tête, tendit les bras pour mieux les reposer sur les épaules de Midas qui soulevait l’éminence d’une conversation autour de tout ça "Je sais. Je me défilerai pas." Elle, elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle éviterait cette confrontation. Elle la redoutait, ils en avaient besoin pourtant, autant que Midas avait eu besoin des excuses qu’elle lui avait présenté sans rechigner et pour lesquelles il la remercia dans un souffle qu’elle lui déroba par un baiser rapide, mais tendre "T’as pas besoin de me remercier." lui assura-t-elle, ils avaient dépassé le stade où il devait la supplier pour qu’elle lui dise pardon.

Elle finit par retenir sa respiration, refoulant le reste de ses larmes, suspendue à ce qu’elle le laissait décider pour les prochaines minutes, inapte à les imaginer les passer ailleurs que dans ses bras. Les siens se resserrèrent autour de son cou pour que son corps se rapproche davantage du sien, attirée par la perspective de remplir ce vide qu’elle aussi avait ressenti en partant loin de lui "Je veux tout te dire. Je veux tout te raconter, je t’épargnerais aucun détail si t’as envie de les connaître." lui fit-elle quand il appuya sur sa résolution à parler, mais plus tard, de sa décision de fuir — elle ne le ferait plus —, partageant avec elle le sentiment qui l’animait avant que ses lèvres ne retrouvent les siennes dans un baiser plus fiévreux que les deux qu’ils venaient d’échanger et qui se densifia d’un soupçon d’urgence lorsqu’elle réalisa à quel point elle avait besoin et envie de sentir à nouveau sa peau contre la sienne "Montre-moi." Elle détacha brièvement sa bouche de la sienne. Ses mains imitèrent succinctement les siennes, posées de part et d’autre de sa nuque avec une force douce avant de les faire glisser le long de son torse dont elle sentait les reliefs sous ses doigts pour mieux remonter le bas de son t-shirt et l’inviter à le retirer tout de suite, son désir de proximité la rendant tout à coup plus prompte à l’empressement pendant qu’elle lui répétait en le dévisageant en même temps "Je compte aller nulle part dans la prochaine heure, alors montre-moi comment je t’ai manqué." S'il te plaît, elle ne se laissa pas le temps de l’ajouter, de nouveau dépendante de l’air expiré par Midas dont elle retrouva les lèvres.

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/blondewhoregifs

Dans les faits, je me moque de savoir ce qui lui est passé par la tête et qui l’a poussée à se couper les cheveux. Je me moque de savoir de quel model, actrice ou influenceuse elle s’est inspirée pour adopter cette – jolie au demeurant – frange qui tombe devant ses grands yeux sans les masquer. Ce que je veux connaître, c’est toutes les raisons pour lesquelles elle allait mal au point de s’enfuir et de rejoindre une cure de santé mentale. Ce que je veux savoir, c’est s’il existe des signaux que j’ai raté, des choses que j’aurais pu anticiper, des moments où j’aurais pu l’aider plutôt que de simplement rester spectateur de son mal-être. Ai-je vu qu’elle allait mal ? Force est d’admettre que je serais malhonnête si je répondais "bien sûr !" Je l’ai vue traverser des moments difficiles, mais j’ai mis son silence sur le compte d’une façon de faire son deuil différente des quidams. N’est-ce pas propre à chacun, la façon dont on affronte ce genre d’épreuve ? Je l’ai vue être plus réservée, plus éteinte parfois, mais j’ai mis ça sur le compte de la fatigue ou de la déception de ne pas pouvoir partir en tournée. Dans l’ensemble, j’ai minimisé chacune des alertes qu’elle a pu m’envoyer, j’ai pensé qu’elle remonterait la pente. A-t-elle voulu que je sache ? A-t-elle tenté de m’appeler à l’aide sans savoir comment s’y prendre ? Au contraire, m’a-t-elle caché son mal-être ? Et pourquoi ? Pourquoi a-t-elle eu l’impression qu’elle ne pouvait pas m’en parler, le réflexe de souffrir seule en me laissant spectateur impuissant ? Nous ne sommes pas mariés, pourtant, je vois toute relation comme une promesse d’être là pour le meilleur et pour le pire. A-t-elle pensé que je n’étais pas de taille pour le pire ? Que je ne lui serais d’aucune aide ?

« Je te jure que ça l’était pas. Je voulais pas te faire de mal. » Ma mâchoire se contracte entre ses doigts. Qu’elle répète ce que je sais déjà ne m’aide pas. Pas alors que cela ne fait qu’accentuer à mes yeux que son réflexe de m’exclure de toute décision la concernant n’avait pas pour objectif de me faire du mal, mais parce que c’était c qui était normal à ses yeux. Parce que c’était ça, son premier réflexe. « Je sais Jo. » Doucement mais fermement, j’attrape ses doigts entre les miens pour les ôter de mon visage. Je ne les lâche toutefois pas. Tu ne voulais pas me faire du mal, mais ça m’en fait peut-être encore plus mal de savoir que tout ça n’est le résultat que d’un réflexe. Elle ne le referait pas, elle ne le refera pas, je m’accroche à cette promesse qu’elle m’a faite par message. Sauf que je suis dévoré par le besoin de comprendre pourquoi, et je crains que "parce que j’avais peur que tu me retiennes" ne soit pas une répondre suffisante pour m’apaiser. « Je sais même pas pourquoi je pleure. » - « C’est pas grave. » Elle a le droit de pleurer. Je serais plus affecté si elle n’osait pas le faire devant moi. Mais finalement, n’est-ce pas ce qu’il s’est passé ces derniers mois ? J’essaie de me souvenir de si je l’ai vue verser des larmes pour Charlie, mais j’ai l’esprit trop embrumé pour y parvenir. L’a-t-elle fait ?

« Je sais. Je me défilerai pas. T’as pas besoin de me remercier. » Je hoche la tête. Je ne lui forcerais la main en rien, de toute façon. Si elle n’avait pas voulu en parler, je ne lui aurais pas fait violence : j’en aurais simplement tiré les conclusions qui s’imposent et pris des décisions dans ce sens. « Je veux tout te dire. Je veux tout te raconter, je t’épargnerais aucun détail si t’as envie de les connaître. » Je pousse un soupir, peu équipé pour ce genre de discussions délicates. « Je veux savoir tout ce que t’as envie de partager avec moi. Et ça a toujours été le cas. » Mais je ne veux pas nourrir – plus que je ne le fais déjà – le sentiment que je dois me battre pour ça, que je dois la cuisiner ou lui faire passer un interrogatoire en bonne et due forme. Ce que je veux, c’est qu’elle soit assez à l’aise pour se livrer et que ça lui semble naturel : je ne suis pas de ceux qui forcent ou insistent.

Pour l’instant, j’ai envie de me sentir normal, de nous sentir comme un couple normal et sans problème. J’ai envie qu’elle me rassure, qu’elle me montre que son départ précipité n’a pas acté son éloignement et que tout peut redevenir comme avant, entre nous en tout cas. J’ai envie de faire l’autruche quelques minutes ou heures de plus puisque je ne suis pas courageux : les discussions qui s’annoncent me déplaisent déjà. « Montre-moi. » Ça, je peux le faire. Ça, cela ne présente aucune difficulté à mes yeux, parce que pour moi rien n’a changé, je ne veux pas que quoi que ce soit change. « Je compte aller nulle part dans la prochaine heure, alors montre-moi comment je t’ai manqué. » Je préfèrerais qu’elle ne compte aller nulle part pendant les prochains jours mais je prends ce qu’elle me donne sans me plaindre, comme je l’ai toujours fait. Sans un mot de plus, je passe délicatement ma main derrière sa nuque pour l’attirer contre moi et l’embrasser à en perde le souffle. Son peignoir est ridiculement facile à lui retirer : j’en défait la ceinture avant de faire glisser mes mains sur ses épaules pour en accompagner la chute. Mon t-shirt le suit de près et j’attire sans tarder ma petite amie contre moi : que c’est bon de sentir sa peau contre la mienne après presque un mois à devoir faire l’impasse sur l’expression la brute et spontanée de tout le désir que je ressens pour elle.

***

La délicatesse et la tendresse n’ont pas cédé face à l’empressement. Nous nous sommes échauffés dans la salle de bain mais, soulevant Jo par les cuisses, je l’ai portée jusqu’à ma chambre pour la déposer avec délicatesse sur le lit. C’est à présent là que nous sommes étendus, elle contre mon torse, et que je contemple le plafond perdu dans mes pensées. Physiquement, rien n’a changé entre nous et, dans un sens, c’est presque rassurant. Je n’ai toutefois jamais imaginé que nous puissions devenir soudainement incompatibles à ce niveau-là. Amusé par cette pensée, je ramasse ses doigts entre les miens pour y déposer un baiser, avant de laisser retomber nos mains jointes sur mon torse. « Tu restes ou tu dois rentrer chez toi ? » Elle doit avoir hâte de retrouver sa grand-mère. Toutefois, quitte à battre le fer tant qu’il est encore chaud, je préfèrerais que nous crevions l’abcès ici et maintenant. Bien sûr, cela ne me rend pas pour autant capable d’aborder moi-même ces sujets brûlants que j’aime habituellement tant éviter.

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@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

Je veux savoir tout ce que t’as envie de partager avec moi. Et ça a toujours été le cas. C’était un rappel. Certes, prononcé avec douceur, ça n’en restait pas moins un qui tendait à faire s’embourber Jo dans un sentiment de culpabilité bien moins latent que le reste, ses regrets étant aussi réels que sa détresse. Elle n’était pas parfaite, elle ne se revendiquait comme telle que lorsqu’il s’agissait de son physique, du reste elle n’était pas gênée d’admettre qu’elle était loin d’avoir reçu les bons outils pour s’épanouir, bien qu’elle n’en faisait absolument pas une excuse. Jusqu’à il y avait quelques mois de ça, elle ne jugeait pas ça catastrophique, ça faisait partie de sa personnalité, et celui à qui ça déplaisait, elle lui montrait la porte. Et puis Midas était revenu dans sa vie. À sa manière, il la poussait dans ses retranchements, lui faisant remettre en perspective ses mécanismes de défense — il bousculait les certitudes de la jeune femme indépendante, mais seule, terriblement seule, qu’elle avait été. Elle ne lui en voulait pas de le faire, elle-même savait que c’était nécessaire, mais comme tout le reste de ce qui lui était tombée sur le coin du nez ces derniers temps, ce n’était pas une partie de plaisir, surtout quand on se traînait un orgueil comme le sien.

Elle l’offrirait pour de bon à Midas plus tard. Si ça pouvait restaurer le somme de ce qu’il savait qu’elle ressentait pour lui, si ça pouvait le rassurer qu’en dépit de ses automatismes, elle regardait dans la même direction que lui, elle était prête à tout, même à se faire violence. Maintenant, ce à quoi elle était prête, ce n’était pas à avoir une discussion à coeurs ouverts, celle qui planait au-dessus de leurs tête ayant au moins autant de densité que l’imminence de ce que Jo lui quémandait sans chercher à se planquer derrière de longs discours. C’était presque la partie la plus facile pour elle, de donner son corps, et elle le fit sans concessions ni regrets, avide de se consacrer aux prochaines minutes sans se soucier de ne pas savoir s’y prendre. Elle savait, c’était une partition qu’elle connaissait encore mieux que les centaines d’autres qui formaient son répertoire, Midas certifiant le statut d’alter ego qu’il avait remporté à la seconde où elle avait croisé son regard.

Le doute n’était plus possible aujourd’hui, il l’était encore moins qu’elle était là, alanguie contre lui, ses doigts traçant des esquisses invisibles à même sa peau, à s’émerveiller, dans le silence retrouvé, feutré, de sa chambre, de l’harmonie parfaite qui régnait entre eux quand ils mettaient leurs corps au service de l’autre. C’était aussi sans fausse note que quand leurs voix s’accordaient. C’était un sentiment qui lui avait manqué autant que lui, l’homme qu'il était, et ce qui lui procurait en terme de sérénité. Elle se décolla de son torse lorsque sa voix la sortit de sa douce apathie, le baiser qu’il donna à ses doigts la faisant sourire doucement. Elle remua contre lui pour mieux investir l’oreiller sur lequel sa tête reposait, posant la sienne tout près pour l’observer sans rien omettre, le trouvant beau à crever sans penser un instant qu’elle manquait d’objectivité, et lui répondit dans un murmure amené par leur proximité "Je voulais passer voir nana tout à l’heure, mais je pensais revenir après et rester quelques jours ici avec toi, si t’es d’accord." Bien sûr qu’elle avait hâte de revoir sa grand-mère. Seulement, prendre du recul lui avait fait réaliser qu’au fond, sa présence auprès d’elle n’était plus vraiment un pré-requis à sa stabilité. Comme tous les autres avant sa petite-fille, Ava avait fini par l’oublier.

Elle pressa ses lèvres l’une contre l’autre, y sentant toujours le goût de celles de Midas à qui elle caressa le visage en retrouvant le silence tout en continuant de le regarder. Ce n’est que quand elle effleura la rangée épaisse de ses cils avec l’un de ses pouces qu’elle retrouva la parole, et que dans un froncement de sourcils et une déglutition discrète, sa tête ne quittant pas l’oreiller qu’ils partageaient désormais, elle s’efforça d’être la plus responsable en entamant ce qui pourraient devenir des hostilités si elle ne pesait pas, au milligramme près, ses paroles "Je te fais confiance." Elle se rappelait des messages qu’il lui avait envoyés, elle les lui remémora en parlant toujours bien trop bas, comme s’ils se disaient des secrets "T’as dit que je te faisais pas assez confiance pour comprendre ce qui se passait, mais c’est pas pour ça que je t’ai rien dit." Elle fit glisser sa main sur lui, sur son cou, prit un instant de plus pour formuler ses explications "Je suis restée seule longtemps. Et je parle pas d’être en couple ou pas avec quelqu’un. Je parle d’être vraiment seule. De vivre seule, de me débrouiller seule parce qu’on a refusé d’entendre que j’avais besoin d’aide et qu’on m’a dit que j’étais plus une charge qu’autre chose." Elle marqua une courte pause, finit par admettre en gardant les sourcils froncés "Je voulais pas que tu me vois comme ça, toi aussi, comme une charge que tu supporterais rien qu’à cause de ce que tu ressens pour moi." Et qu’elle avait l’impression qu’il subissait, parfois. Ça lui fit ajouter dans un très léger rire de façade, sa tête se recalant d’un doux bond sur l’oreiller, ses doigts traçant maintenant des lignes au hasard sur les clavicules de Midas "Je suis déjà pas facile à vivre, je voulais pas en plus que tu te retrouves à composer avec tout ce qui me donnait l’impression de devenir cinglée." Lui fallait-il des exemples ? Elle perdit son sourire, fronça de nouveau très fort les sourcils pour lui en donner rien qu’un seul. Le plus parlant "Je lui ai envoyé des centaines de messages par jour depuis le mois de mars." Elle ajouta, un peu honteuse de sentir ses yeux se remplir de larmes à nouveau "Parfois plus, jamais moins." À Charlie. Elle n’avait pas besoin de la nommer. C’était quand elle avait commencé à se sentir vraiment frustrée qu’elle ne lui réponde pas alors que Megan, elle, ne faisait que lui rappeler qu’elle n’était plus là, qu’elle avait compris que ce n’était pas normal, et qu’elle avait eu peur des répercussions de cette prise de conscience abrupte sur elle.

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/blondewhoregifs

Si je résiste à l’envie de me couler dans mes habitudes, celles que j’ai habituellement après l’amour – quitter le lit pour rejoindre le balconnet de la chambre et m’y allumer une cigarette – c’est à cause de l’angoisse que je ressens toujours à l’idée qu’elle s’en aille. Je n’ose pas me lever, pas plus que je n’ose replacer mon bras pour adopter une position un brin plus confortable : je n’ose pas bouger de peur de briser notre bulle et qu’elle s’en aille, Jo. Je veux la garder serrée contre moi aussi longtemps qu’elle me le permettra et la première question que je lui pose va dans ce sens-là. Je ne suis pas en compétition contre Ava Carter. Toutefois, j’aimerais sincèrement que la brune comprenne que je n’ai pas envie d’avoir à lui supplier de rester. Lui courir après ne m’a pas dérangé, mais parce que j’étais certain de courir pour quelque chose. Là, je ne sais plus vraiment ce qu’elle désire et ce que je suis en droit de faire sans passer pour un pauvre fou, un idiot pathétique. « Je voulais passer voir nana tout à l’heure, mais je pensais revenir après et rester quelques jours ici avec toi, si t’es d’accord. » Doucement, j’embrasse le sommet de son crâne en acquiesçant. Toutefois, pour que ne plane aucun doute, je brise à mon tour le silence. « Tu peux rester ici aussi longtemps que tu veux. J’espère qu’Ava ne s’est pas trop inquiétée. » Ce n’est pas une façon de lui demander si elle a eu le privilège d’être prévenue davantage que je ne l’ai été. Toutefois, je ne nierai pas que la question me traverse l’esprit à l’instant où je prononce cette phrase. Je ne la formule pas ; ce serait mettre de l’huile sur le feu d’une façon aussi puérile que dangereuse.

Nous devons parler mais je suis lâche. Nous devons parler mais, de mémoire d’homme, je n’ai presque jamais été celui qui entamait les hostilités. Je fuis les conversations plus que je ne les provoque et, si je n’ai pas l’intention de fuir celle-là, c’est trop me demander que d’attendre de moi que je crève l'abcès. Je préfère largement profiter de ses caresses sur mon visage, caresses qui font ronronner mon coeur de plaisir. Toutefois, elle finit par faire montre de plus d’audace que moi. « Je te fais confiance. » C’est dur d’y croire étant donné ce qu’il s’est passé récemment ou, plutôt, c’est dur de croire qu’elle me fait confiance pour tout et dans tous les domaines. Je ne doute pas qu’elle me pense capable de la tromper ou de trahir sa confiance d’une quelconque façon. Elle sait que je lui suis dévoué, cœur, corps et âme. En revanche, me fait-elle confiance avec tous ses secrets ? Toutes ses faiblesses et failles ? Si cela avait été le cas, j’aurais su qu’elle allait mal, non ? Elle m’aurait confié à quel point elle se sentait glisser sur une pente dangereuse suite à la mort de son amie. Ou bien son mal-être remonte-t-il plus loin ? Je ne le sais même pas et je suis incapable de parier dessus et je crains que cela en dise beaucoup sur ce qu’elle se confie à moi avec ce genre de sujets. « T’as dit que je te faisais pas assez confiance pour comprendre ce qui se passait, mais c’est pas pour ça que je t’ai rien dit. » La nuance est pour l’instant trop compliquée pour moi, toutefois je ne la contredis pas : j’attends patiemment qu’elle ne désire m’éclairer, parce qu’elle en a trop peu dit par rapport à l’ampleur de l’orage. « Je suis restée seule longtemps. Et je parle pas d’être en couple ou pas avec quelqu’un. Je parle d’être vraiment seule. De vivre seule, de me débrouiller seule parce qu’on a refusé d’entendre que j’avais besoin d’aide et qu’on m’a dit que j’étais plus une charge qu’autre chose. » Ces choses-là, je les ai devinées. Elle ne me les a jamais confiées aussi directement qu’elle le fait là, mais elle m’a dit assez de choses concernant sa famille - en les éparpillant ici et là - et sur la responsabilité qui a été la sienne quand il a fallu que quelqu’un s’occupe d’Ava. Seulement, avec moi, elle ne l’est plus, seule, non ? Pourquoi est-ce que les choses ne peuvent-elles pas être aussi simples que ça ? Le soupir que je pousse, ce n’est pas elle qui me l’inspire, plutôt le constat d’être parfois bien long à la détente et dépassé par ce genre de chose. « Je voulais pas que tu me vois comme ça, toi aussi, comme une charge que tu supporterais rien qu’à cause de ce que tu ressens pour moi. » Je l’observe avec attention, mes yeux baissés vers son visage et mes lèvres jointes pour l’écoute sans être tenté de rétorquer ou de rebondir sur une chose ou une autre. Si j’aspire à être pris en compte, elle mérite de son côté que je l’écoute jusqu’au bout. « Je suis déjà pas facile à vivre, je voulais pas en plus que tu te retrouves à composer avec tout ce qui me donnait l’impression de devenir cinglée. » Imperceptiblement, je referme un peu mon bras autour de ses épaules. Comment ai-je pu ne pas voir qu’elle allait si mal ? Harls me l’a demandé, et j’ai dit que Jo avait vécu des épreuves certes, mais qu’elle les surmontait. Mais me suis-je seulement arrêté pour observer et pour voir vraiment ? A-t-elle été bonne actrice ou bien ai-je été trop aveugle ? « Je lui ai envoyé des centaines de messages par jour depuis le mois de mars. Parfois plus, jamais moins. » J’ai attendu qu’elle me parle de Charlie, ou plutôt de la façon dont elle se sentait après son décès, pendant des semaines. Pourtant aujourd’hui elle me laisse le souffle coupé quelques minutes. Bien sûr, je l’ai remarquée sur son téléphone à plusieurs reprises. Mais Jo est une professionnelle occupée et a beaucoup d’ami. Comment pouvais-je me douter qu’elle continuait d’écrire à une défunte ? « Et maintenant ? Comment tu te sens ? » Je fais les choses dans l’ordre, ou plutôt je remonte le temps petit à petit en me concentrant d’abord sur le présent. « Tout ça, est-ce que ça t’a au moins aidée à aller mieux ? » Elle était en cure. Elle a suivi des thérapies, elle a peut-être même pris un traitement. Comment se sent-elle aujourd’hui ? Guérit-elle encore ? A-t-elle commencé à faire un deuil plus sain ? Autant de questions que je n’ose pas poser et auxquelles j’espère qu’elle répondra à l’aide de mes questions certes un peu bateau mais elles sont toutefois sincères. Je suis sincèrement mort de trouille pour elle avant de l’être pour nous puisque son bien être passe avant tout à mes yeux. « Tu le seras plus jamais seule, tu le sais ça ? » Et ce n’est pas une phrase toute faite ou une déclaration que je lui fais parce que c’est ce qu’il convient de faire. Si elle m’y autorise, je serai à ses côtés jusqu’à la fin des temps. « Et je parle pas seulement d’être en couple ou célibataire non plus. Tu seras plus seule pour rien, que ce soit pour gérer les emmerdes ou pour décharger ton fardeau dans des moments comme celui-là. » Peu habitué aux longs discours, je me sens con. Je passe cependant outre, je tente de prétendre que je ne réalise pas que mes joues rougissent. « Et jamais toi t’en seras un pour moi. Un fardeau, je veux dire. » Je ne l’ai jamais vue comme ça et elle pourrait se retrouver à la rue, malade, sans emploi et sans perspective d’avenir que je ne la verrai pas comme ça pour autant. « Je préfère savoir que tu vas mal et que d’avoir à t’aider à le gérer que de l’ignorer. » Je ne veux pas qu’elle gère ce genre de mal être sans personne. Et, égoïstement, je ne veux pas non plus qu’elle gère ce genre de mal être avec un ou une autre que moi. Bien sûr, je souhaite qu’elle s’entoure, qu’elle garde autour d’elle les amis qui lui font du bien et qui pourront eux aussi l’aider. Mais je ne veux pas qu’elle envisage à nouveau de se débattre contre ce que le destin lui balance à la gueule sans que je ne fasse partie de l’équation. « Maintenant, je vais pas te mentir. Tu sais que je me suis posé des questions quand tu es partie. » Pas des questions auxquelles j’aurais répondu seul ou que j’aurais tranché en sa défaveur sans lui laisse voix au chapitre. Mais des questions que j’ai besoin d’évoquer avec elle. « Quand j’ai dit que je nous voyais comme une équipe, je sais pas si tu réalises ce que j’entends par là. » Je ne parle pas juste de partager les tâches ménagères – je n’en ai d’ailleurs pas à partager grâce à tout le personnel de maison que j’emploie – ou de savoir qui va s’assurer que le frigo soit rempli à la fin de la semaine. Je ne parle même pas de faire front lorsqu’il s’agit de répondre à des journalistes ou de nos interviews. Je vois bien plus loin que ça. « Ce que je veux dire, c’est que je me vois vieillir avec toi. Je me vois te demander en mariage, pas maintenant - » Je la rassure quant à ce qu’il est en train de se passer : je n’ai pas l’intention de lui mettre la pression pour autant. Je ne veux pas que nous fassions tout ça tout de suite, je veux juste être certain que nous regardons bien dans la même direction. « - mais quand le bon moment sera venu. Je me vois organiser une cérémonie en grande pompe parce que tu mérites rien de moins que ça. Je me vois te demande d’emménager avec moi, ici ou ailleurs, si tu veux un château je t’achèterai un château. » Peut-être me trouvera-t-elle un peu trop cavalier ou un peu trop vieux jeu. Mais je n’ai jamais cherché à lui cacher quel genre d’homme je suis. Et puis, quel intérêt y aurait-il à tenter de lui mentir sur la marchandise ? « Je me vois avoir d’autres enfants, si c’est ce que tu veux aussi. Et je suis désolée de te l’avouer mais… » Un sourire mutin étire mes lèvres. « Mais je me vois plus faire ça avec quelqu’un d’autre que toi. » Je ne me suis jamais projeté avec une autre. Mais aujourd’hui, j’ai la certitude que cela ne peut être qu’elle. « Tout ça, c’est pas compatible avec le fait de se cacher des choses aussi importantes. C’est pour ça que je t’ai demandé si tu avais l’intention de le refaire, ou si tu le regrettais. » Est-ce qu’elle comprend ? « Je veux pas que t’aies l’impression que je te fais des reproches. On a passé ce stade-là. » Je veux juste savoir si toi aussi tu veux ces choses-là et tu nous vois de la même façon.

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@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

Elle n’avait jamais eu l’intention de rentrer chez elle, juste d’y faire un saut pour constater par elle-même que tout allait bien pour sa grand-mère, qu’elle n’avait besoin de rien. En ne sachant pas comment serait l’accueil de Midas, Jo gardait cette alternative dans sa manche, sinon ce qu’elle comptait vraiment faire au cours des prochains jours, c’était non seulement retrouver ses marques auprès de ses équipes et reprendre le travail, surtout de rattraper le mois qu’elle ne venait pas de perdre en se soignant, certes, qu’elle avait tout de même passer beaucoup trop loin de lui et de ce que ça impliquait. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, elle n’aurait même pas tenté de négocier s’il lui avait refusé un séjour prolongé à ses côtés. Il ne le fit pas, ce n’était pas une surprise, elle ferait semblant si elle prétendait le contraire. Elle se sentait toutefois soulagée qu’il lui assure qu’elle pouvait rester sans hésiter, la faisant se lover plus confortablement encore contre lui et répondre au baiser qu’il lui donna au sommet de son crâne par un qu’elle déposa sur son épaule "Elle s’inquiète plus pour moi depuis longtemps. Je suis même pas sûre qu’elle se soit aperçue de quoi que ce soit, je suis beaucoup moins à la maison qu’avant." Il s’interrogeait sur l’inquiétude qu’Ava réservait à sa petite-fille, elle pouvait le rassurer sur le fait que ça ne l’avait probablement pas impactée. Ça n’avait pas impacté grand-monde, elle le craignait, son absence n’étant pas exceptionnelle sur la forme puisqu’elle était plus souvent ailleurs qu’ici, en Australie. Dans les faits, elle n’avait vraiment alerté qu’une seule personne, et c’était celui qui se tenait à ses côtés.

Elle avait la sensation que c’était à elle de débuter la grande conversation qu’ils devaient avoir. Elle était une pro du déni, elle aurait pu initier un acte deux à leurs retrouvailles pour noyer le poisson, se perdre dans l’intensité de leurs ébats, prolonger encore et encore, en demander toujours plus, plus fort, pour mieux repousser l’échéance jusqu’à ce qu’ils tombent de sommeil tous les deux. Mais sa conscience lui rappelait qu’elle se sentirait plus légère si elle faisait les choses dans l’ordre. C’était à sa portée, et en dépit du fait que c’était tout de même putain de pénible de revenir sur ses erreurs et ses failles, elle avait envie de soulager le coeur et l’esprit de Midas avant tout. Il s’était posé des tas de questions, elle n’avait même pas besoin de lui demander de lui en faire la liste pour le savoir, alors sans faire plus de mystère, elle voulait lui apporter des réponses. Elle lui avait dit qu’elle ne se défilerait pas, et Jo n’était pas lâche, elle tenait ses promesses, quoi qu’elles impliquaient. Elle déroula doucement ce qu’elle voulait lui dire, lui fut reconnaissante qu’il la laisse s’exprimer sans l’interrompre. Elle le voyait attentif à ce qu’elle était en train de lui donner, c’était toujours le cas. Jo ne connaissait pas une seule personne de son entourage proche plus intéressée par ce qu’elle avait à raconter que lui ne l’était, et en prendre la mesure, c’était creuser davantage sa culpabilité quant à son incapacité chronique à se confier à lui pour ne pas le rendre tributaire de ce qu’elle couvait, de ce qu’elle portait dans son coeur et sur ses épaules. Elle ne voulait pas qu’il soit malheureux parce qu’elle l’était, c’était aussi simple que ça ; alors qu’elle, elle prenait toutes les offenses qu’on lui faisait comme si on les lui faisait à elle, qu’elle était touchée par ce qui le touchait et le rendait triste, nerveux, ou en colère. Peut-être n’était-elle tout simplement pas capable de comprendre cette réciprocité parce qu’elle était inédite pour elle, qu’elle avait toujours eu l’impression de donner plus, de ressentir plus, de s’investir plus ? Elle-même ne savait pas exactement.

Elle cligna des paupières pour chasser le voile de larmes qu’elle avait devant les yeux lorsqu’elle avait mentionné Charlie sans la citer toutefois, focalisa son attention sur ceux de Midas quand il lui demanda comment elle se sentait "Mieux. C’est pas encore optimal non plus, je dors pas très bien. J’ai des angoisses, surtout la nuit." Elle ne lui raconta pas qu’elle avait passé un nombre incalculable de nuits allongée dans la baignoire attenante à la chambre qu’on lui avait assignée, le néon de la salle de bain dans la figure, allumé jusqu’au petit matin, à écrire, à fredonner sans savoir ce qu’elle ferait de ça. En revanche, elle hésita un instant avant de lui avouer "Je fais des crises de panique aussi." Depuis des mois en vérité, bien avant la mort de Charlie, ça n’était même pas lié. Seulement, elle avait juré de ne pas se défiler. C’était embarrassant de dire les choses de cette manière, mais encore une fois, c’était la seule option raisonnable à envisager pour faire amende honorable "On m’a prescrit un traitement pour mieux dormir. On m’a dit de continuer à le prendre, sauf que j’ai pas envie de m’y habituer et de plus savoir fermer l’oeil sans ça." De devenir dépendante en somme, et ce pour des raisons évidentes qui impliquaient la mort subite de l’une de ses meilleures amies, il ne fallait pas être psy pour percuter. Elle replaça sa tête sur l’oreiller qu’elle partageait avec lui, laissa ses doigts vagabonder sur sa peau en baissant les yeux dessus pour suivre les arabesques qu’elle dessinait au gré du cheminement de ses pensées "J’ai un suivi avec un thérapeute des environs, je vais le rencontrer dès demain. Je sais pas trop à quoi m’attendre, ni combien de fois par semaine je vais devoir le voir." Elle laissa un silence s’installer après le soupir qu’elle poussa doucement, et puis elle reprit un peu plus bas, son regard s’arrêtant sur la bouche de Midas avant de retrouver ses yeux "Je lui envoie plus de messages. J’ai compris qu’elle est morte pour de vrai et que c’est plus possible qu’elle me réponde." Je suis pas folle, c’est ce qu’elle avait envie de lui soutenir pour réhabiliter son bon sens et sa crédibilité, deux choses qu’elle avait l’impression d’avoir perdu en même temps que Charlie.

Elle resta un petit moment sans rien dire, cherchant à deviner sans questionner Midas comment il prenait ce qu’elle était en train de lui dire. Est-ce que ça lui faisait du mal ? Est-ce qu’il s’en voulait d’avoir manqué d’un peu de vigilance ? L’idée que la réponse puisse être que oui lui vrilla les entrailles et lui donna envie de le serrer dans ses bras en lui assurant qu’elle travaillait dur pour une guérison complète, qu’elle irait bien, que ce n’était pas sa faute. Elle remua d’ailleurs pour s’approcher encore plus de lui, l’espace qui les séparait étant déjà quasi-inexistant, mais il reprit la parole. Elle se stoppa, la main qu’elle avait posé sur son torse remontant jusqu’à son cou dans une longue caresse, ses doigts effleurant la limite entre sa mâchoire et sa nuque où elle cajola ses cheveux en ne quittant pas ses yeux des siens, se laissant happer par ce qu’il lui disait, et par la conviction qu’il y mettait tout en voyant la pudeur qui était la sienne s’étaler sur son visage sans qu’elle ne réussisse pas à trouver ça adorable. Il ne parlait pas beaucoup de sentiments en dehors de ses chansons Midas, mais quand il le faisait, Jo avait bien souvent le souffle coupé, admirative du courage qu’il avait d’être aussi transparent au sujet de ce qu’il ressentait. Elle n’osa pas l’interrompre malgré l’envie qu’elle avait de rebondir sur chaque chose qu’il lui disait, consciente qu’il avait besoin de laisser-aller ses émotions sans que son élan ne soit coupé au risque de briser son désir d’aller jusqu’au bout pour qu’elle comprenne enfin à quel point c’était clair dans son esprit, et que la seule option qu’il avait, lui, c’était elle, et personne d’autre. Là encore, elle ne pourrait pas prétendre être surprise, mais il n'avait jamais été aussi explicite sur ses attentes. En plus de l’émouvoir au plus profond de son coeur et de son âme, des larmes luisant dans ses yeux, ça eut l’effet d’un véritable électrochoc sur elle, et alors qu'elle savait parfaitement au fond qu’elle ne voyait pas les choses différemment que lui, elle prit conscience que c’était essentiel qu’elle s’inspire de ce qu’il venait de faire pour mettre les choses au clair et ne plus lui donner la moindre raison de douter qu’ils soient ou pas sur la même longueur d’onde.

"J’ai pas entendu de reproches dans ce que tu viens de me dire." Elle entendit sa propre voix, rauque, gorgée de larmes, briser le temps de latence qui retomba quand il termina. Elle allait prendre son temps pour réagir à tout ce qu’il venait de lui dire, remontant doucement le fil du schéma clair, net, précis qu’il venait de lui dessiner en rougissant, peut-être, mais avec une résolution qui remettait toutes les convictions de Jo le concernant bien à leur place. Bouleversée, elle ne comptait pas le laisser croire plus longtemps qu’elle l’avait fuit, lui, alors après avoir fermé brièvement les yeux pour se recentrer,  inspirée profondément pour chasser sa pudeur de là, elle commença à son tour, ne cessant de caresser les cheveux de Midas avec ses doigts "Moi je t’ai répondu que je regrettais pas d’être partie me soigner, pas d’être partie sans rien te dire." Il disait souvent qu’elle était compliquée, il n’avait pas tort, elle le réalisait. Certaines subtilités venant de la psyché de Jo étaient à l’image des tenues qu’elle portait : de la dentelle, rien de moins fin que ça "Ça, bien sûr que je le regrette. Si j’avais su comment te dire ce que je ressentais sans que ça t’affecte, j’aurais fait les choses autrement, mais je voulais pas que tu prennes sur toi ce que je ressens, là." Elle lui prit doucement la main, posa sa paume dans le creux de sa poitrine pour qu’il sente son coeur battre la chamade pour tout un tas de raisons qui firent gonfler sa voix, déjà soumise à ses émotions. Elle ajouta, ne voulant pas qu’il se fasse des idées, gardant finalement la main dans la sienne "Pas parce que j’estime que t’as pas les épaules. Je sais que tu les as, c’est même pas la question." Elle fronça les sourcils "Je sais ce que ça fait de vivre avec le poids des maux de quelqu’un d’autre sur les épaules, tu comprends ? J’avais pas envie de ça pour toi, c’est si mal que ça ?" Peut-être n’aurait-elle pas dû choisir à sa place, en réalité. Mais la panique avait été telle qu’elle n’avait pas jugé bon lui laisser voix au chapitre. C’était leur grande différence : là où Midas savait rester rationnel, posé, adulte tout simplement, Jo réagissait sous le coup de ses émotions, bien souvent mauvaises, tout comme ses réactions, gamine capricieuse qui gérait sa frustration en piquant des colères et en détruisant tout sur son passage.

Se sentant soudainement trop exposée, sa pudeur s’étendant à sa nudité qui ne la dérangeait jamais d’habitude, elle se releva juste un peu pour s’appuyer contre la tête de lit tandis qu’elle continuait, la gorgée serrée, tirant légèrement sur le drap pour le remonter sur elle, adressant à Midas un regard sans équivoque "Je sais que tu t’es posé des questions, je sais que t’as douté, et je comprends pourquoi. Mais je suis là maintenant, si t’as encore des questions, j’y répondrais." Elle tenait quand même à anticiper qu’il veuille lui demander si elle, elle avait douté. Elle secoua la tête "Je suis pas partie avec le moindre doute nous concernant. C’est pas à nous que je voulais échapper." Vraiment pas, elle pourrait le jurer sur tous les textes sacrés, même sur la putain de biographie de Britney si ça faisait foi de serment inviolable. Elle ferma les yeux, inspira profondément à nouveau, un sourire fugace s’affichant sur son visage quand elle lui dit dans un murmure "Y a pas un seul truc que je m’imagine pas faire avec toi, Midas." Elle retourna la tête dans sa direction, affirma ses paroles dans un nouveau froncement de sourcils "Tout ce dont tu viens de parler, ça m’a jamais une seule fois dans ma vie traversé l’esprit, pas même quand j’étais gamine, tu le sais." Ils en avaient parlé pendant la tempête "Mais là, plus je réfléchis à ce que l’avenir me réserve, plus je l'imagine avec toi inclus dans le tableau, plus je réussis à me dire que tout ça, ça me fait envie." Même les enfants. Elle réfléchissait parfois, surtout quand Posy n’était pas très loin, et elle se disait qu’elle supporterait plus ses  propres gamins que ceux des autres. C’était quelque chose comme une valeur universelle, non ? Il le faudrait de toute façon, parce qu’elle ne voulait pas ressembler à ses parents ; et à propos de ça, elle lui  confia quand même, ses yeux dérivant juste un peu des siens pour choisir le meilleur terme à accoler à ce qu’elle ressentait à ce sujet "Ça me terrifie. Je sais pas si je saurai répondre à la vision que tu te fais d’une bonne épouse et d’une bonne maman. J’ai pas eu les bons exemples, et je sais que c’est pas une excuse, je m’en sers pas comme d’une excuse." La justification était posée, presque douce, elle était toutefois précipitée, comme si elle craignait qu’il l’accuse de se cacher derrière pour expliquer ses failles. Elle baissa brièvement la tête, sentit sa gorge se serrer encore plus, simplement parce qu’elle avait beaucoup pensé à sa mère pendant sa cure, qu’elle aurait aimé comprendre ce qui l’avait poussée à ne jamais la protéger de son père. C’était un problème à soulever en thérapie, elle se concentra sur la suite de ce qu’elle voulait dire à Midas à la place, relevant la tête pour reprendre là où elle s’était interrompue "Ça me terrifie quand même moins de savoir que tu seras là pour me guider." Elle synthétisa sans aucun doute, résolue. L’arrière de son crâne reposant toujours contre la tête de lit, elle la tourna vers lui "C’est avec toi que je veux faire tout ça. Si c’est pas avec toi, j’en veux pas, ça m’intéresse pas." Et comme lui avant, elle le rassura, après quelques secondes à le dévisager sans baisser les yeux, en lui disant "Pas maintenant, quand ce sera le bon moment."

won't you hold me while this storm is in my head ?
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/blondewhoregifs

« Mieux. C’est pas encore optimal non plus, je dors pas très bien. J’ai des angoisses, surtout la nuit. Je fais des crises de panique aussi. » Je bois ses paroles sans accorder la moindre importance à toute source de distraction. Je ne suis pas de ces hommes qui font semblant d’écouter. Parfois, je ne sais pas quoi dire, pas comment répondre, mais j’écoute toujours réellement, sans jamais me contenter de tendre tout juste l’oreille. J’entends. J’analyse. Je surinterprète aussi, parfois. Mais pas aujourd’hui, aujourd’hui je me demande simplement comment je peux l’aider et quoi dire : je ne peux pas me contenter de rester muet face à ce genre d’aveu, non ? « On m’a prescrit un traitement pour mieux dormir. On m’a dit de continuer à le prendre, sauf que j’ai pas envie de m’y habituer et de plus savoir fermer l’œil sans ça. » - « Tu dois avoir besoin de te reposer malgré tout. Peut-être qu’il faut lui donner une chance, non ? » Je suppose que lorsqu’il sera temps de se sevrer – le terme est horrible, on dirait qu’elle consomme des substances récréatives – elle sera accompagnée comme il se doit. « C’est pas comme si tu décidais seule de t’enfiler des plaquettes de xanax, puisque tu as vu des médecins. » Je resserre mon bras autour de sa nuque, pas parce qu’elle tente d’échapper à leur étreinte, mais parce que je ressens le besoin d’être certain qu’elle est là et qu’elle ne va nulle part pour l’instant. « J’ai un suivi avec un thérapeute des environs, je vais le rencontrer dès demain. Je sais pas trop à quoi m’attendre, ni combien de fois par semaine je vais devoir le voir. » J’acquiesce d’un signe de la tête alors qu’elle répond à ma question avant que je la formule : et maintenant ? Je suis rassurée de voir que, même ici, elle continue à prendre les choses au sérieux. Il est bien beau de s’envoler pour se soigner à Ibiza, mais si elle avait été livrée à elle-même une fois de retour en Australie j’aurais eu du mal à en comprendre l’intérêt. « Ce sera la même chose que là-bas, non ? » A-t-elle résolu tous ses problèmes en à peine plus d’un mois ? Je suppose que déballer à nouveau toute sa vie à un inconnu doit la rendre nerveuse, mais elle sait au moins un peu mieux comment appréhender ce genre de rendez-vous, à présent. « Je lui envoie plus de messages. J’ai compris qu’elle est morte pour de vrai et que c’est plus possible qu’elle me réponde. » Cette fois-ci, si je la ramène contre moi en resserrant mon bras, c’est pour pouvoir embrasser le sommet de son crâne. « C’est normal que ce soit compliqué tu sais. » C’est ce que je lui aurais dit si elle avait souhaité s’ouvrir à moi après la mort de Charlie. « Elle était si jeune, et c’était si… Soudain et violent. » Je n’ai fréquenté Charlie qu’à deux ou trois occasions puis nous avons doucement perdu le contact. Si à moi cela m’a fait bizarre d’apprendre son décès, je n’ose imaginer ce que cela a été pour ses proches, pour Jo. « Si tu m’avais dit que ça ne t’avait rien fait, que tu n’avais rien ressenti ou pas eu de mal à gérer la situation… Tu ne serais pas humaine. »  Ou en tout cas, elle ne serait pas la femme qu’elle et dont je suis résolument épris.

Epris au point d’arriver à mettre des mots sur ce que je ressens, ou en tout cas à produire tous les efforts du monde pour parvenir à quelque chose d’intelligible. Epris au point de passer outre le sentiment cuisant provoqué par ma pudeur et le rouge qui me monte aux joues pour dire tout ce que je ressens, tout ce que j’envisage depuis que nous nous sommes trouvés. Je le sais depuis longtemps que je veux toutes ces choses. Si je ne l’ai pas appris, c’est en grande partie faute d’être un taiseux, mais aussi un peu parce que je n’étais pas certain que ce soit partagé. Que l’amour que je lui porte l’es, je n’en ai plus le moindre doute depuis longtemps. En revanche, nous sommes différents elle et moi, assez pour que je l’ai plus d’une fois soupçonné de ne pas vouloir de ces choses-là, et pas uniquement avec moi mais tout court.

Dieu soit loué, elle ne laisse pas un silence que j’aurais trouvé gênant s’installer. Lorsque je finis de parler elle digère mais reprend la parole à son tour d’une voix serrée par les larmes. Evidemment, ma gorge se noue, pas à cause de l’angoisse, mais parce que je méprise ce phénomène pourtant naturel qui fait monter des larmes jusqu’à ses yeux. Si j’en avais le pouvoir, je ferai en sorte qu’elle n’ait jamais envie de pleurer parce qu’elles me désarment, ses larmes qu’elle retient. « J’ai pas entendu de reproches dans ce que tu viens de me dire. » Bien. Je pèse souvent mes mots avec elle – Jo est susceptible et le fait qu’elle serait capable de se vexer que je l’affirme prouve bien mon point – mais, cette fois, je ne l’ai pas fait. J’ai parlé avec mon cœur et elle l’a reçu sans chercher la petite bête. Peut-être va-t-elle réellement mieux. Peut-être est-elle apaisée, aussi. « Moi je t’ai répondu que je regrettais pas d’être partie me soigner, pas d’être partie sans rien te dire. » Je ne me souviens plus de ses mots exacts et, de toute façon, je n’ai pas envie de jouer à qui a dit quoi. Je sais que si j’ai mal réagi au début de nos échanges – en plus d’être en colère et inquiet à cause de ses décisions – c’est parce que ses excuses ont tardé. D’ailleurs, les vraies, elle ne me les a présentées qu’aujourd’hui. Je n’ai pas l’intention de lui tenir rigueur d’une chose pour laquelle je l’ai pardonnée, toutefois. « Ça, bien sûr que je le regrette. Si j’avais su comment te dire ce que je ressentais sans que ça t’affecte, j’aurais fait les choses autrement, mais je voulais pas que tu prennes sur toi ce que je ressens, là. » J’ai envie de lui demander comment elle pouvait penser une seule seconde que sa façon de faire ne m’affecterait en revanche pas, elle, mais je ne le fais pas. Je n’ai jamais eu une once de mesquinerie en moi et avoir le dernier moi, dans le cas présent, m’intéresse moins que d’être rassuré quant à sa volonté d’avancer avec moi. « Pas parce que j’estime que t’as pas les épaules. Je sais que tu les as, c’est même pas la question. Je sais ce que ça fait de vivre avec le poids des maux de quelqu’un d’autre sur les épaules, tu comprends ? J’avais pas envie de ça pour toi, c’est si mal que ça ? » A nouveau, je hoche la tête. Je comprends. Mais je ne veux plus qu’elle cède à ces réflexes-là, si bien que je me permets de lui répondre en espérant qu’elle ne soit pas coupée pour autant dans sa lancée. « Je veux vivre avec le poids de des maux sur les épaules, c’est compris ? » Je ne veux plus qu’elle en vienne à des extrémités qui m’inquiètent bien plus pour éviter ça. « Je préfèrerais qu’ils disparaissent, pour toi. » Pas pour moi. « Mais tant qu’ils sont là et dès lorsqu’ils reviendront, je veux les partager avec toi. » Je préfère ça que de savoir qu’elle souffre seule et je préfère également ça au fait de me sentir con d’être passé à côté de son mal-être.

« Je sais que tu t’es posé des questions, je sais que t’as douté, et je comprends pourquoi. Mais je suis là maintenant, si t’as encore des questions, j’y répondrais. » Mes questions étaient sous-entendues dans ma tirade : veut-elle de tout ce que j’ai évoqué ? A part cela, il n’y a rien qui soit pressant, qui nécessite que je gâche nos retrouvailles en remuant toutes les choses pour lesquelles elle a ressenti le besoin de s’enfuir à l’autre bout du monde. « Je suis pas partie avec le moindre doute nous concernant. C’est pas à nous que je voulais échapper. » - « Je sais. » Je l’ai compris dès que j’ai su qu’elle n’était pas à Ibiza pour profiter des fêtes légendaires qui s’y tiennent pendant l’été Européen. Ce dont j’ai douté, c’est de vouloir les mêmes choses qu’elles puisqu’à mes yeux, ses actions traduisaient une réponse négative. Maintenant, je comprends mieux ce qu’elle a fui, même si j’espère qu’elle n’aura plus jamais à le faire. « Y a pas un seul truc que je m’imagine pas faire avec toi, Midas.  » Je suis autant ému que je suis soulagé. J’aurais respecté qu’elle m’annonce ne pas recherche ces choses-là, mais j’en aurais eu sans l’ombre d’un doute le cœur brisé. Je ne l’aurais pas quittée, non, mais je suppose que cela aurait petit à petit terni notre relation au point que nous finissions par nous séparer malgré notre amour, mais parce qu’être ensemble nous aurait rendu malheureux. Je ne veux plus songer à cette alternative toutefois, pas alors qu’elle n’existe pas. « Tout ce dont tu viens de parler, ça m’a jamais une seule fois dans ma vie traversé l’esprit, pas même quand j’étais gamine, tu le sais. » Et je m’en doute, c’est peut-être bien la raison qui m’a poussé à m’interroger sur ses envies et ses objectifs. Si la générateur de mes parents partait du principe que toutes les femmes nourrissent le désir de devenir mère et femme au foyer ce n’est pas mon cas, j’ai appris à évoluer malgré mon éducation parfois un tantinet archaïque et surtout, Jo est Jo. Une femme fantastique et à l’opposé des clichés de genre autrefois véhiculés. « Mais là, plus je réfléchis à ce que l’avenir me réserve, plus je l'imagine avec toi inclus dans le tableau, plus je réussis à me dire que tout ça, ça me fait envie. » Doucement, je monte l’une de mes mains à son visage pour le caresser du bout des doigts et ramener une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Evidemment, mon cœur bat à un rythme effréné dans ma poitrine. Il pourrait exploser tant il est heureux et comblé de l’entendre dire ses choses-là. « Ça me terrifie. Je sais pas si je saurai répondre à la vision que tu te fais d’une bonne épouse et d’une bonne maman. J’ai pas eu les bons exemples, et je sais que c’est pas une excuse, je m’en sers pas comme d’une excuse. » Je secoue la tête pour lui dire je sais. Elle a rencontré Harls, pourquoi s’encombre-t-elle encore de la peur de pouvoir être une mauvaise quoi que ce soit à mes yeux ? « Ça me terrifie quand même moins de savoir que tu seras là pour me guider. » - « Je suis pas parfait, loin de là. Et certainement pas en tant que père. » En tant qu’époux, je ne peux dire. En tant que personne, je suis conscient d’avoir mon lot de défaut, comme tout un chacun. « Ce que je veux dire c’est que t’as pas besoin de me placer sur un piédestal et de paniquer en te disant que tu seras jamais au niveau. Vraiment, j’ai merdé un certain nombre de fois, je le ferai à nouveau, toi aussi, mais c’est normal, y’a personne qui nous apprend ce genre de chose. » A être parent. A être un bon exemple, une bonne personne, tout simplement.

« C’est avec toi que je veux faire tout ça. Si c’est pas avec toi, j’en veux pas, ça m’intéresse pas. » A nouveau j’embrasse le sommet de son crâne. « Alors on le fera. » Aussi simplement que ça. « Pas maintenant, quand ce sera le bon moment. » Je me laisse aller à un léger rire. Il est bref, contenu ; je ne veux pas qu’elle pense que c’est d’elle que je ris. Toutefois, je me permets de préciser. « C’était pas une façon de te mettre la pression. J’ai pas besoin de tout ça maintenant. T’as pas à avoir peur de retrouver une bague dans mes affaires le mois prochain. » Je sais déjà que je veux un avenir avec elle, mais je n’ai pas la moindre envie ou intention de griller les étapes ou de brusquer les choses, de la brusquer elle. « Je sais aussi qu’on a pas grandi en ayant les mêmes aspirations à ce niveau-là. » Un peu plus sérieux, je l’attire à nouveaux contre moi pour l’enlacer de mes deux bras cette fois et la serrer le plus fort possible contre mon torse. « Merci. » Je le lui souffle à l’oreille. « D’être revenue. » J’ai eu peur, sincèrement peur de voir cet avenir auquel j’aspire s’écrouler comme un château de cartes.

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@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

Jo n’aimait pas l’idée d’être sous traitement, elle l’aimait encore moins que, l’an dernier, sous une surveillance médicale douteuse basée sur la seule parole de son équipe de l’époque, on lui avait prescrit plus que des somnifères. Si elle devait rester totalement honnête, elle y avait pris goût, elle en avait même abusé pour mieux supporter le chambardement autour de sa victoire et du reste. Et puis son entourage s’en était aperçu, et ça l’avait effrayée de verser dans le putain de cliché de la starlette qui se dope pour faire face à la réalité. Aujourd’hui, elle était médicalement encadrée de près, et elle était consciente des risques. Mais Charlie semblait l’être aussi selon ses propres dires, alors quelle était la limite à ne pas dépasser, quel stade fallait-il atteindre pour que ça devienne un problème de se soigner avec ce genre de choses ? Elle ne dit rien de plus à ce sujet, elle opina mollement, pas encore tout à fait convaincue que c’était la bonne solution, bien qu’à Ibiza, on lui avait expliqué, en schématisant, que ces médicaments-là fonctionnaient comme des pansements : elle en avait besoin, il n’y avait pas de mal à les utiliser. Du reste, viendrait un temps où son corps et son esprit retrouveraient leur autonomie. Elle pinça les lèvres, préféra se concentrer sur la suite de ce qu’elle partageait avec Midas, et lui avoua dans la foulée "Je suis juste nerveuse à l’idée de devoir tout reprendre du début. Je veux pas être obligée de raconter cent fois la même histoire." Elle ne voulait pas être obligée non plus d’en faire voir des vertes et des pas mûres à un nouveau thérapeute juste parce qu’elle avait besoin de le tester pour voir ce qu’il avait dans le ventre et décider si oui ou non, elle pouvait lui faire confiance. C’est ce qu’elle ferait pourtant, y prenant un certain plaisir, elle ne prétendrait pas le contraire. Ça l’épuiserait encore plus, sauf qu’elle n’allait pas abandonner tous ses mécanismes de défense d’un claquement doigts. Il n’y avait pas de magie là-dedans : la magie n’existait pas.

Elle se laissa ramener contre le torse de Midas, ferma douloureusement les yeux en l’entendant rebondir sur Charlie et sur sa mort. Elle sentit ses émotions se mettre en alerte et refuser de réagir vraiment à l’évidence qu’il soulignait, et lui dit "J’arrive toujours pas à savoir si je suis triste ou si je suis en colère." Ça expliquait en partie pourquoi elle ne pleurait jamais tout à fait quand il s’agissait de ça. Elle réussissait à le faire pour d’autres choses, elle avait les yeux qui se mouillaient plus facilement que d’habitude pour tout un tas d'autres choses, mais lorsqu’il s’agissait de Charlie, il n’y avait que sa gorge qui se serrait, comme si ses cordes vocales l’empêchaient d’exprimer ce qu’elle ressentait et qui n’était peut-être pas bon à dire. Quand on savait à quel point elle les utilisait, ses cordes vocales, ça avait une vraie signification, aussi profonde que ça lui faisait mal d’y songer "J’arrive même pas à savoir si je suis en colère contre elle ou contre moi. Qu’est-ce qui va pas chez moi ?" Ça la fit très brièvement rire de poser la question tout haut, mal à l’aise au fond d’avouer qu’elle n’était pas capable d’étiqueter correctement ses émotions. La colère restait celle qui la dominait le plus sur une base régulière, mais là, elle ne savait pas si elle l’était contre Charlie parce qu’elle avait refusé de l’écouter, ou contre elle-même parce qu’elle n’avait pas assez insisté pour qu’elle l’écoute justement ; ou encore contre Megan de lui avoir imposé d’intervenir à sa place. Elle s’enfonça brièvement dans ses pensées, cessa graduellement de sourire "Je lui avais proposé qu’on parte toutes les deux pour un weekend entre filles. Peut-être que si j’avais réussi à la convaincre au lieu de croire aux conneries qu’elle m’a dites, on n’aurait pas cette conversation aujourd’hui." Est-ce que c’était sain de vouloir réécrire l’histoire ? Surement pas. Seulement, elle ne pouvait pas s’en empêcher, et c’était pour ça qu’elle ne réussissait pas à dormir, nuit après nuit. A nouveau, elle ferma les yeux, prenant une profonde inspiration, son nez venant se nicher dans le creux de l’épaule de Midas en ne voulant pas lui avouer cette fois qu’elle avait au contraire le sentiment de ne pas être très humaine, de n’être rien de plus qu’une machine qui était pour la première fois confrontée à des sentiments d’une nature beaucoup trop humaine pour savoir comment les traiter sans faire planter tout son système.

Il se relança quand Midas lui parla à coeur ouvert et qu’elle ressentit le besoin d’être aussi honnête avec lui qu’il venait de l’être avec elle. Elle la voyait, la résolution dans son regard translucide lorsqu’il affirma à nouveau qu’il était prêt à prendre sur lui tout ce qu’elle ne voulait pas lui faire subir parce que c’était son fardeau, et définitivement, même si l’épiphanie n’était pas aussi brutale que ça, elle comprit pourquoi c’était lui qu’elle aimait et personne d’autre. Elle le repoussait sans cesse, et il ne l’acceptait pas parce qu’il avait compris qu’elle crevait de trouver ça, quelqu’un qui chercherait à décortiquer pourquoi sans essayer de la faire changer, tachant surtout à l’accompagner pour qu’elle évolue avec les bons outils. Ça la remuait si fort qu’elle acquiesça sans délai "D’accord." Elle se détestait d’avoir cette toute petite voix maintenant, elle se détestait aussi de penser que ce serait putain de dur de tenir la promesse qu’elle se faisait en silence de ne plus jamais le tenir à l’écart de ce qu’elle ressentait parce qu’elle avait des années de mauvais réflexes derrière elle et que sa mauvaise foi était une épine dans son pied. Elle lui demanda, se mouvant pour se retrouver sur le ventre à ses côtés, et ses mains se refermant doucement sur les côtés de son cou, ses doigts enfoncés dans les cheveux qu’il avait sur la nuque "Mais si ça devient trop lourd pour toi, je veux que tu me le dises." Si elle devenait le fardeau qu’elle ne voulait pas devenir pour lui, ça la détruirait. Ça la détruirait aussi qu’il envisage de l’abandonner, mais elle se consolerait avec la certitude qu’elle avait depuis le premier jour de ne pas mériter sa bienveillance ; partir lui offrirait une opportunité de trouver une femme plus douce, plus gentille, plus facile, si différente d’elle qu’elle en crèverait de jalousie pour sûr, mais ce serait moins pire que de savoir qu’elle était un boulet pour lui. Elle compléta après un court instant de réflexion "J’ai plus envie qu’on se sente tous les deux acculés pour se dire les choses, alors ça vaut aussi pour toi, OK ?" Elle ne lui donna pas le choix que d’affronter ses yeux, elle posa sa main sur sa mâchoire pour qu’il ne tourne pas la tête "Quoi que tu ressentes, je veux que tu le partages avec moi pour qu’on le gère tous les deux." Comme un couple qui parlait de faire leur vie ensemble.

Comme c’était le cas à l’instant "T’es pas parfait, parce que personne ne l’est. Mais ça annule pas que tu sois pas qu’un bon père : t’es un très bon père, crois-moi." Crois-moi, parce qu’elle avait une unité de mesure qui partait du sien, de père, et qu’à partir de ça, elle se jugeait plutôt bien placée pour reconnaître ceux qui craignaient et ceux qui ne craignaient pas. Midas se plaçait dans la seconde catégorie, et autant son objectivité était à remettre en cause quand on la voyait le regarder avec des coeurs dans les yeux, autant là, elle n’avait pas besoin d’être autre chose qu’objective en le lui affirmant avec autant de conviction, autant de volonté de lui faire entendre que c’était un fait avéré, dont il pouvait être fier. Ce n’était pas tout ce que Jo pensait à propos de sa paternité, qui n’était pas toujours facile à avaler pour elle, qui ne le serait toujours pas quelques temps encore, qui changeraient quoi que ce soit à ça en particulier ; elle avait de quoi craindre de ne pas être à la hauteur de ça, de son aisance à s’occuper de sa fille, à prendre soin d’elle, et à tenir son rôle sans jamais perdre perdre patience ou la traiter comme un objet à façonner selon ce qu’il imaginait pour elle et son avenir. C’était juste naturel pour lui, et elle l’enviait sans nul doute pour ça, doutant plus que sur n’importe quoi d’autre d’être capable de ça, elle aussi, et ce malgré la vérité qu’elle venait de lui offrir en cadeau de retour : à un certain point, elle aurait envie de s’y essayer quand même. Elle secoua la tête à la négative "Je te place pas sur un piédestal, pas à ce sujet-là." Elle enchaîna "Je t’ai vu avec Posy. Je t’ai vu t’occuper d’elle, je sais de quoi je parle." Et elle le lui précisa sans faillir à confronter son regard, mais ne céda pas à l’envie qu’elle ressentait de lui dire qu’il avait les capacités de lui apprendre comment faire ce genre de choses, consciente que ce serait, ça, un vrai poids à lui mettre sur les épaules alors qu'il était clair que ni lui ni elle ne considérait qu’il y avait urgence.

C’était évident pour Jo. Ça l’était autant pour Midas qui s’attela à la rassurer après qu’elle lui rendit le baiser qu’il déposa au sommet de son crâne par un, puis deux, puis trois petits baisers qu’elle lui vola sur les lèvres "Je sais. Moi non plus." Elle non plus n’avait pas besoin de tout ça maintenant. De bague, de bébé, de château non plus d’ailleurs, et elle le lui dit avec un léger sourire "J’ai pas besoin d’un château au fait, j’aime bien cette maison." Ça ne voulait pas dire qu’elle s’installerait demain, juste qu’elle s’était acclimatée à la démesure de cet endroit pour s’y sentir à l’aise sans pour autant que son nom ne soit écrit sur la boîte aux lettres. Elle reporta son attention sur Midas, si tant était qu’elle l’avait détournée, ce qui était impossible pour elle dans l’immédiat "Et moi je compte pas arrêter de prendre une contraception dès demain, alors je crois qu’on peut conclure pour de bon qu’on est sur la même longueur d’ondes, hm ?" Ça apposait un point final aux échanges de textos houleux qu’ils avaient eu il y a un mois de ça. Elle se blottit à nouveau contre lui quand il l’enlaça, se sentant toute petite dans ses bras, protégée comme elle ne l’avait jamais été et comme elle n’avait jamais autorisé personne à la protéger jusqu’alors, et poinçonna son cou et sa mâchoire de baisers furtifs quand il murmura à son oreille pour la remercier d’être revenue. Elle lui assura après un instant, tenant à lui dire ce qu’elle allait lui dire maintenant les yeux dans les yeux, une main tenant son menton pour qu’il baisse la tête juste assez pour la regarder "Je partirai plus." Pas sans le lui dire, ça elle voulait qu’il n’en doute pas. Elle lui demanda pour faire bonne mesure "Tu me crois ?"

won't you hold me while this storm is in my head ?
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/blondewhoregifs

« J’arrive toujours pas à savoir si je suis triste ou si je suis en colère. » Je ne peux pas attester de ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, je n’ai jamais eu à surmonter de deuil, pas du genre en tout cas. J’ai perdu mes grands parents maternels, mais ils sont partis au terme d’une longue vie bien remplie, sans que cela ne soit brusque ou injuste. La famille a fait son deuil, j’ai été triste un temps, puis les choses ont repris leur cours parc qu’il s’agit de notre destin à tous lorsque l’on atteint ce genre d’âge. Toutefois, les émotions qu’elle évoque ne me choquent pas vraiment. « Tu ressens surement les deux et je crois pas que ce soit anormal, tu sais. » Malgré ma maigre expérience de la question. « J’arrive même pas à savoir si je suis en colère contre elle ou contre moi. Qu’est-ce qui va pas chez moi ? » Rien, ou en tout cas pas à mes yeux. « Pourquoi contre toi ? » Elle n’a rien à se reprocher. Elle n’a pas poussé son amie dans la drogue et ne l’a pas entrainée dans ce genre de comportement dangereux. Elle a été une bonne amie de plus, de ce que j’ai pu constater en tout cas. « Je lui avais proposé qu’on parte toutes les deux pour un weekend entre filles. Peut-être que si j’avais réussi à la convaincre au lieu de croire aux conneries qu’elle m’a dites, on n’aurait pas cette conversation aujourd’hui. » La colère d’abord. Les négociations ensuite. Je n’avais jamais été confronté à la réalité des cinq étapes du deuil, mais je crois en reconnaître au moins quatre – s’ajoute aux deux premières la dépression et le déni – qui se mêlent dans le récit que ma petite amie me fait de la façon dont elle surmonte le décès de son amie. « T’es pas responsable de ce qui lui est arrivé Jo. D’aucune façon. » Elle ne pouvait pas lui prendre la main et la forcer à arrêter ses comportements autodestructeurs. « C’était une adulte. Tu pouvais pas lui forcer la main. Tu pouvais pas l’aider plus que ce que t’as essayé de le faire. T’as fait ce qu’il fallait et ce qu’on pouvait attendre de toi. » Ce qu’elle-même était en droit d’attendre d’elle-même en tant qu’amie. Elle ne pouvait pas réaliser de miracle, tout simplement.

« D’accord. Mais si ça devient trop lourd pour toi, je veux que tu me le dises. » Je hoche la tête, conscient qu’il n’y a aucune situation où je considèrerais que ses problèmes sont trop lourds pour que je puisse les supporter. Je n’ai pas la prétention d’être un surhomme mais, pour elle, je serais prêt à déplacer des montagnes. En acquiesçant, je ne fais pas de promesse que je n’ai pas l’intention de tenir. En revanche, je fais une promesse que j’ai l’intention de ne jamais avoir à tenir. « J’ai plus envie qu’on se sente tous les deux acculés pour se dire les choses, alors ça vaut aussi pour toi, OK ? » Je lui dis déjà les choses la plupart du temps, non ? Je m’interroge un instant, avant de réaliser que ça n’a pas la moindre importance. Compter les points importe peu. Savoir qui s’ouvrait le plus jusque-là n’a pas la moindre importance – même s’il est évident que c’était moi. Je peux lui promettre sans avoir l’impression de mentir que c’est ce que je veux pour l’avenir. C’est le cas. « Je te dirai les choses, c’est promis. » Cela nous demandera tous les deux des efforts pour des raisons différentes. Moi parce que je suis quelqu’un de pudique et qui a du mal à ne serait-ce que mettre des mots sur mes ressentis – ce n’est pas comme ça que j’ai été élevé, pas le genre de qualité que l’on attend d’un homme dans le milieu d’où je viens – et elle parce qu’elle a l’habitude de tout garder pour elle jusqu’à ce qu’elle exploser. « Quoi que tu ressentes, je veux que tu le partages avec moi pour qu’on le gère tous les deux. » A nouveau, je hoche la tête en j’embrasse son front. « C’est promis. » Je me répète, mais j’ai vraiment à cœur de faire tout ça et surtout qu’elle le fasse aussi. « Y’a d’autres choses que Charlie ? Ces derniers mois ? » Je ne suis pas en train de dire que la mort de l’une de ses meilleures amies n’est pas une raison suffisante pour sombrer comme elle l’a fait. Je chercher simplement à lui offrir l’opportunité de continuer à s’épancher sans honte ou sans crainte de m’en dire trop d’un coup si d’aventure c’est ce qu’elle ressentait.

« T’es pas parfait, parce que personne ne l’est. Mais ça annule pas que tu sois pas qu’un bon père : t’es un très bon père, crois-moi. » Un sourire étire mes lèvres. Bien sûr que j’aime ce qu’elle affirme. Ma fille est la prunelle de mes yeux et je ne veux rien d’autre que le meilleur pour elle. Toutefois, je suis conscient que sans être un père indigne de ce nom, j’ai encore une marge de progression. « Je te place pas sur un piédestal, pas à ce sujet-là. Je t’ai vu avec Posy. Je t’ai vu t’occuper d’elle, je sais de quoi je parle. » Je secoue la tête : nous avons dit que nous nous confierons les choses à partir de maintenant. A défaut d’être certain que je saurai toujours mettre les mots sur mes maux, je peux au moins m’ouvrir à elle à ce propos. Je l’ai déjà fait avec mon cousin, l’exercice est plus simple désormais. « J’ai pas dit que j’étais pas un bon père, mais parfait, ça je le suis pas. » Ne serait-ce que parce que je ne donne pas à mon enfant la place principale dans mon existence. Je vois moins Posy que je ne le voudrais, mais je ne suis pas autant disposé à donner moins de place à ma carrière ou à ma relation. « Y’a un jour où elle souffrira de pas pouvoir sortir avec son père dans la rue, de faire des choses normales. » Pour l’instant, elle ne le réalise pas encore tout à fait. Toutefois, j’ai conscience que plus le temps avance, plus l’échéance se rapproche. « Et au-delà de ça, je suis passé à côté de beaucoup de choses. J’étais pas avec elles - » La fille et la mère, que je ne nomme pas. « - pour la plupart des grandes étapes de sa vie. Depuis un an et demi j’essaie de lui faire plus de temps, mais c’est difficile avec une vie comme la nôtre. » Elle me comprendra, elle. Et il y a quelque chose d’agréable, de soulageant dans le fait de pouvoir se confier à quelqu’un qui comprendra. « L’an dernier on a fini à l’hôpital parce que je savais même pas que ma gamine était allergique aux cacahuètes. » Posy n’a pas eu de séquelles, mais son visage a doublé de volume et elle avait du mal à respirer. Je n’ai jamais eu aussi peur que ce jour-là. Alors oui, ce simple fait fait de moi un père aimant. Mais le meilleur qu’il soit, non. « Je me suis rendu compte là-bas que je connaissais même pas les choses les plus basiques en termes de santé. Si elle était vaccinée, à jour dans ses rappels, si elle suivait un traitement de fond. » Et si elle avait des allergies mortelles, mais je n’ai pas besoin de le répéter. « J’essaie de faire mieux un peu tous les jours. Et c’est ce que tu feras aussi quand ce sera ton tour, tu t’amélioreras avec le temps qui passe. » Les enfants sont résilients. Les erreurs fatales ne sont pas à la portée du parent de base tant qu’il a un minimum de bonne volonté et c’est le principal.

« Je sais. Moi non plus. » Personne n’est pressé et il y a quelque chose d’agréable à l’idée de savoir que nous allons faire les choses doucement. Moi, j’ai envie de profiter de chaque moment. « J’ai pas besoin d’un château au fait, j’aime bien cette maison. » J’éclate de rire alors qu’elle parsème ma nuque de baisers. Distraitement, je passe une main dans ses cheveux, avec douceur pour ne pas tirer sur les nœuds que mes doigts rencontrent. « Je sais pas si on peut décemment appeler ça une maison. Mais je suis content de savoir que d’avoir deux spas, une salle de cinéma et je ne sais combien de chambres te suffit. » Je mets ma seconde main sur le cœur, comme si j’étais profondément soulagé. « Vraiment. T’es pas si difficile à satisfaire finalement. » Je crois qu’il n’existe pas une seule femme qui ne serait pas satisfaite par le luxe indécent que mon logement propose. Ce qui explique certainement mon ton amusé et légèrement taquin. « Et moi je compte pas arrêter de prendre une contraception dès demain, alors je crois qu’on peut conclure pour de bon qu’on est sur la même longueur d’ondes, hm ? » J’embrasse son front, avant de faire écho à ses paroles. « On est sur la même longueur d’onde. » Je le sais à présent. Et je l’affirme en ces mots pour la rassurer, pour qu’elle sache que je ne crois plus le contraire, que je ne m’inquiète plus à ce sujet comme j’ai pu le faire il y a plusieurs semaines lors de notre échange de message après son départ. Ma peur de la voir disparaître en revanche ne disparaitra pas de sitôt. Je n’ai pas peur qu’elle m’abandonne, pas alors qu’elle me promet de ne plus le faire. « Je partirai plus. Tu me crois ? » Toutefois, elle a implanté une peur irrationnelle dans mon esprit. Celle qui lui arrive quelque chose. Celle de la perdre. A moi de la combattre, je sais qu’elle a fait ce qu’il fallait pour m’en guérir à son niveau. Alors c’est à mon tour de prendre son visage en coupe, et je lui réponds. « Oui, je te crois. » Je l’embrasse d’abord doucement, puis passionnément. « Tu veux que je te remontre encore à quel point tu m’as manquée ? Je voudrais pas que tu l’oublies. » Espiègle, j’accompagne mes paroles de baisers juste derrière son oreille. Dieu que j’aime la sentir frissonner entre mes bras.

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@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

"Parce que j’aurais pu mieux faire." Jo ne se laissa pas le temps de réfléchir à la réponse à accorder à Midas. Il voulait ses émotions à l’état brut, elle allait les lui donner malgré ce que ça impliquait pour elle qui n’aimait pas faire ça, que ce soit avec lui, ou avec quelqu’un d’autre. Elle la sentait, la colère monter doucement en elle quand elle s’arrêta juste une seconde pour se reconnecter à ses souvenirs et lui faire, en rogne contre elle-même, même si elle tacha de temporiser en parlant tout bas "Elle, quand elle a compris que je prenais trop de Xanax, elle m’a pas laissée le choix d’arrêter. Moi, j’ai fait ce que je fais jamais : je lui ai laissé le bénéfice du doute. J’ai choisi exactement ce moment précis pour être autre chose qu’une emmerdeuse, j’ai un sens du timing impeccable, putain." Elle serra les dents en terminant sa phrase. Elle aurait pu agir autrement, elle était la mieux placée pour le savoir. Elle aurait pu faire ce qu’elle avait eu envie de faire dès qu’elle avait passé la porte de son appartement : la choper par les cheveux, la faire plier de force, et la menacer de lui faire pire que ça encore si elle la prenait une seule fois de plus à s’en foutre plein le nez — Charlie aurait riposté, l’une d’elle serait surement morte dans tous les cas, de toute manière. Elle secoua la tête à la négative, retrouvant les yeux de Midas qu'elle avait abandonné un temps par pudeur "Peut-être que je suis pas responsable. Mais je l’ai pas beaucoup aidée non plus. J’ai juste laissé couler en me disant que ça irait, qu’on verrait ça plus tard." Là, sa voix se brisa dans le murmure qu’elle lui donnait, et ça la fit soupirer très fort par le nez, refermer les yeux brièvement avant de se raccrocher à ce qu’elle décelait dans les paroles de son petit-ami qui essayait d’être l’homme rationnel et sensé qu’il était, démuni de devoir traiter avec la culpabilité de celle qu’il savait loin d’être responsable en dépit de ce qu’elle croyait farouchement, et qui lui faisait dire le genre de choses qu’elle dit juste ensuite, ne réussissant pas à être apaisée au sujet de tout ça, même si le réconfort venait de Midas qu'elle écoutait plus que les autres "Je suis jamais là. Si je l’étais un peu plus, personne aurait eu besoin d’attendre quoi que ce soit de moi." Megan n’aurait pas eu à lui rapporter les événements, elle n’aurait pas eu à lui demander d’intervenir non plus.

Ils étaient sur une bonne lancée. Jo n’avait pas envie d’être la seule à faire des promesses et à être rassurée de pouvoir s’épancher sans crainte auprès de Midas. Elle ne l’avait jamais craint, à dire vrai, c’était simplement dans sa nature, dans son éducation, et dans la somme des choses qu’elle avait été forcées de mettre en place pour survivre, que de tout garder pour elle. Elle était à l'aise avec Midas, c'était le cas depuis le premier jour de leur rencontre. Elle voulait qu’il ressente la même chose, alors lui dire qu’elle ne bouderait pas ses confessions, ça lui paraissait important ; il avait eu des secrets pour elle, lui aussi, l’avait-il déjà oublié ? Elle hocha la tête quand il lui promis de l’égalité dans ce qu’ils venaient d’établir pour leur avenir commun, et ferma les yeux avec aise en recevant son baiser sur le front, sa main venant guider son visage pour qu’il laisse ses lèvres un instant de plus à cet endroit. Elle eut cependant un léger rire nerveux quand il lui demanda s’il y avait autre chose qui pesait sur les derniers mois passés "Tu veux dire à part ma fausse-victoire, notre rupture, ma grand-mère qui m’a oubliée, mes parents qui sont de retour, mon père qui a pas changé d’un poil, toi qui te fait agresser, la fausse-couche de Megan, mon album qui se fait descendre par les critiques, ma tournée qui en est à peine une vraie, mon compteur d’amis qui a radicalement baissé, mes doigts cassés et les rumeurs qui sortent sur nous toutes les, hm, disons vingt-deux secondes ?" Bien que sur l’instant, elle listait ses mésaventures avec espièglerie, elle se rendait compte d’une chose évidente pourtant : ça en faisait beaucoup pour une seule personne, non ? Toujours allongée près de Midas, elle parvint cependant à hausser les épaules, balayant ça avec inertie, mais un serrement au coeur quand elle lui dit "Charlie, c’était le bouquet final. Après ça, il devrait plus rien m’arriver." J’ai raison ? se retint-elle de lui demander, ne voulant pas dépendre de ce que Midas ne pouvait pas deviner au fond, bien qu’elle le croyait capable de tout, même de contrer le destin pour qu’il tourne à son avantage. Il l’avait déjà fait, après tout.

C’était à son tour de le rassurer "Je veux pas que tu penses que je te juge, c’est pas du tout ce que je suis en train de faire." Elle pinça doucement ses lèvres l’une contre l’autre, y sentant la morsure laissée par celles de Midas après leur moment passé à s’éteindre, et plissa les paupières en levant la tête dans sa direction, son corps toujours proche du sien, l’un de ses genoux reposant contre lui et le draps dissimulant partiellement sa propre nudité "Mais je peux te poser une question ?" Il ne le lui refuserait pas, de ce fait elle prit les devants en rebondissant sur ce qu’il lui disait maintenant "Pourquoi t’essayes pas ? De sortir avec elle pour de vrai, de faire ce que des centaines d’autres célébrités font en s’occupant de leurs enfants et en agissant comme des gens normaux ? Pas en révélant au monde entier qui elle est pour toi, simplement en la couvant un petit peu moins ?" A nouveau, elle anticipa ses paroles, ne voulant pas que ça se transforme en rebuffade qui le forcerait à citer celle qui n’avait pas sa place ici, dans cette chambre, surtout pas après qu’ils se soient dits toutes ces choses qui en établissaient d’autres "Je sais, t’es pas le seul à décider. Sauf que toi aussi, t’en souffres, tu m’en parles depuis que tu m’as dit qui elle était vraiment pour toi. Je le vois que ça te fait quelque chose." Parce qu’elle le connaissait. Qu’elle l’avait observé de près il y a sept ans, qu’elle l’observait de plus près encore aujourd’hui, et qu’elle le faisait minutieusement. Alors d’accord, elle ne faisait pas étalage de ses notes, loin d’être partageuse, mais elle les utilisait à bon escient. Elle reconnaissait les signes de sa frustration quand il s’agissait de sa fille, elle avait aussi observé leur dynamique au milieu de laquelle elle ne voulait pas s’imposer. Elle était une pièce rapportée de choix, certes, elle restait une pièce rapportée malgré tout, et elle en avait assez conscience pour que ça ne lui fasse pas mal. Elle saisit tout de suite ce qu’il ajouta au sujet de la vie comme la leur dont il parlait "Hm, elle est petite, mais elle évolue vite, c’est difficile de la suivre à distance, et tu voyages beaucoup." synthétisa-t-elle. À une nuance près, on aurait pu croire qu’il parlait de sa grand-mère, alors en effet, elle comprenait. Continuant de l’écouter, elle buta sur ce qu’il lui révéla à propos d’un incident lié à Posy "C’était quand ?" Inquiète pour de vrai, elle se releva juste un peu pour mieux entendre ce qu’il ajoutait, et secoua de nouveau la tête à la négative quand elle prit sens de ce qu’il sous-entendait "Ça, c’est pas ta faute." Et parce que là encore, elle n'avait pas envie que qui que ce soit d'autre que la gamine soit citée, Jo lui assura sans mauvaise foi "Encore une fois, je veux pas que tu penses que je juge qui que ce soit." Bien sûr qu’elle la jugeait, l’autre, et pas qu'un peu. Mais là n’était pas le sujet, alors elle le ferait plus tard. Elle en aurait l’occasion plus d’une fois, elle en était sûre "Mais t’as même pas sa garde alternée. Vous faites ça à votre sauce, en fonction de ta présence ici, sans que ce soit encadré, et c’est une très bonne chose pour Posy, je suis pas en train de dire le contraire." Vraiment pas, elle n’avait rien à dire sur la question, et elle ne dirait jamais rien sur la question. Elle savait où était sa place, elle n’essayait de prendre celle de personne "Mais tu peux pas te rendre coupable de ton ignorance sur ce sujet si on te tient pas au courant quand c’est nécessaire. Tu viens de le dire toi-même, t’étais moins présent avant, et tu veux que ça change." Si on le tenait à l’écart de ce genre de choses, c’était évidemment son devoir de faire en sorte du contraire, mais encore fallait-il que les antécédents de la gosse soient connus et déclarés. Là encore, elle n’avait rien à dire sur le sujet, alors elle n'en dit rien de plus, gardant simplement à l'esprit que Posy était interdite d'arachides, et qu’au cas-où, elle devrait au moins demander à Midas comment intervenir si elle en ingérait par erreur. Plus tard. Tout comme plus tard elle se soucierait de réussir à faire mieux quand son tour de fourguer des tares et des névroses à leurs propres enfants viendrait.

Le ton s’allégea. Jo roula des yeux sans qu’un sourire ne vienne creuser une fossette dans sa joue pendant qu’elle se corrigeait, prouvant qu’au fond, elle était à peine agacée " OK, ton domaine outrageusement luxueux et m’as-tu-vu, ça te va mieux ?" Elle attira le drap un peu plus à elle pour s’en draper en se redressant doucement après une autre succession de baisers dans le cou de Midas, puis elle poussa un soupir de soulagement feint quand il la jugea moins difficile à satisfaire qu’il le pensait "Ah putain, merci d’enfin le reconnaître. Je me tue à le dire depuis genre, toujours." C’était à peine croyable, pas comme la promesse qu’elle lui fit de ne plus le quitter, et qu’elle voulait qu'il enregistre pour de bon et ne doute jamais plus que son avenir, elle le voyait à ses côtés, et nulle part ailleurs. Et il la croyait, c’était tout ce qui comptait. Avant que ses lèvres n’entrent en contact avec les siennes, elle lui murmura dans un nouveau sourire "Tu m'as manqué." Et se laissa saisir par la douceur, et puis par la passion du baiser qu’il lui donna, qu’elle lui rendit en sentant l’opportunité poindre sans intention de la laisser filer. Ça la fit fit exhaler un oui mutin à la proposition qu’il lui fit juste après "Mais j’espère que t’es prêt à recommencer encore et encore." Redevenue stoïque, elle ne parvint pas à le rester très longtemps quand elle sentit ses baisers derrière son oreille, et que le temps de se laisser charmer par la perspective alléchante qu’il lui offrait maintenant, frissonnant au contact de sa peau contre la sienne, ses pensées se dispersèrent tandis qu’elle se laissait à nouveau couler contre lui. Ses yeux se fermèrent doucement, lui expliquant dans une très profonde inspiration "Parce que ma mémoire me joue des tours. Tu sais, à cause du vol, des escales, du jet-lag, tout ça quoi."

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/blondewhoregifs

« Elle, quand elle a compris que je prenais trop de Xanax, elle m’a pas laissée le choix d’arrêter. Moi, j’ai fait ce que je fais jamais : je lui ai laissé le bénéfice du doute. J’ai choisi exactement ce moment précis pour être autre chose qu’une emmerdeuse, j’ai un sens du timing impeccable, putain. » L’information concernant le Xanax ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Je ne prétends pas ne pas avoir entendu non plus, et je ne l’enfouis pas assez profond dans mon esprit pour pouvoir l’oublier. Non, je ne rebondis pas dessus parce que le moment et mal choisi et qu’il n’y a plus d’urgence – elle l’a dit elle-même, elle a arrêté – mais je n’oublierai pas qu’elle a été malheureuse au point d’en venir à ce genre de solution. Je me contente de lever un sourcil pour l’instant, mais nous en reparlerons lorsque le cœur de chacun ne sera pas à vif. « T’as fait ce que t’as pu. » Elle est allée voir Charlie. Elle a tenté de lui proposer de l’aide, elle a essayé d’être là pour elle, combien d’amis de la blonde peuvent-ils en dire autant ? Je n’en sais rien, je ne la connaissais pas réellement, mais je me doute que ma petite amie a dû être l’une des seules présentes pour elle ; c’est dur, de se manifester dans ce genre de circonstances. Cela demande un courage que peu possèdent. « Peut-être que je suis pas responsable. Mais je l’ai pas beaucoup aidée non plus. J’ai juste laissé couler en me disant que ça irait, qu’on verrait ça plus tard. » Je suis certain que ce n’est pas ce qu’elle a fait. Je suis certain qu’elle s’est sentie démunie avant toute chose et quoi qu’il en soit, elle ne devrait pas être celle qui porte ce genre de fardeau. « Je suis jamais là. Si je l’étais un peu plus, personne aurait eu besoin d’attendre quoi que ce soit de moi. » Doucement, mes doigts s’enroulent autour de sa nuque que je presse assez fermement pour qu’elle relève son regard et le plonge dans le mien, mais certainement pas assez pour lui faire mal d’une quelconque façon. « Jo, t’étais pas sa mère, sa sœur ou sa petite amie. Tu as ta propre vie, tes propres problèmes et c’est normal. » Qu’elle ne puisse pas dédier 100% de son temps à ceux qui ne tiennent qu’un rôle d’ami. Bien sûr, il est important, loin de moi l’idée de prétendre le contraire. Mais à leur âge, chacun trace aussi son propre chemin sans avoir le temps à allouer aux autres que celui que l’on a à quinze ou vingt ans. « T’étais pas responsable d’elle. » Au nom de quoi l’aurait-elle été ? « Personne n’aurait dû attendre quoi que ce soit de ta part la concernant. Pas au-delà de ce qu’implique le rôle d’ami. » A savoir soutenir et épauler. Pas prendre la personne par la main pour la forcer à se soigner. En plus de tout ça, la mort de Charlie a été un regrettable accident dû à une drogue coupée avec quelque chose qui n’aurait pas dû se trouver là : pas le résultat d’une longue bataille contre les paradis artificiels. Tout a été bien trop soudain pour que la brune ne soit tenue responsable ou ne porte le chapeau de quoi que ce soit. J’ignore si elle s’est mise elle-même dans ce rôle là ou si d’autres ont fait peser ce poids sur ses épaules mais, quoi qu’il en soit, je m’applique à le lui ôter.

« Tu veux dire à part ma fausse-victoire, notre rupture, ma grand-mère qui m’a oubliée, mes parents qui sont de retour, mon père qui a pas changé d’un poil, toi qui te fait agresser, la fausse-couche de Megan, mon album qui se fait descendre par les critiques, ma tournée qui en est à peine une vraie, mon compteur d’amis qui a radicalement baissé, mes doigts cassés et les rumeurs qui sortent sur nous toutes les, hm, disons vingt-deux secondes ? Charlie, c’était le bouquet final. Après ça, il devrait plus rien m’arriver. » Je pousse un soupir triste et, dans un geste doux, je l’attire contre moi pour poser mon front contre le sien. « Je voulais dire quelque chose qui te fais du mal et dont j’ai pas conscience. » Un peu de tout ça alors, bien que je sois soulagé de ne pas avoir appris grand-chose non plus. « J’aurais dû te dire. Pour la solitude. » Elle a évoqué son compteur d’amis qui diminue à vue d’œil, et je n’ai pas beaucoup de mal à me sentir connecté à elle : la célébrité, de façon paradoxale, a cet effet. Jamais autant de personnes n’ont connu mon prénom et mon nom de famille et, pourtant, je ne me suis jamais senti aussi peu entouré que pendant les années où j’ai commencé à exploser. Maintenant, il y Jo, les choses vont mieux. « On sauve pas des vies, on va pas dans l’espace non plus. Mais pour autant, je pense que c’est à nous que les gens ont le plus de mal à s’identifier. » Peut-être est-ce prétentieux. Peut-être sommes nous à l’origine des barrières entre nous et le reste du monde. Toutefois, il s’agit de mon opinion, et j’aurais dû avertir Jo avant que sa notoriété n’explose. « Pourquoi tu crois que j’habite dans un endroit où on peut pratiquement faire tout ce qu’on pourrait faire dehors. » Être privé du droit à une vie normale : voilà le choix que nous avons fait. J’ai l’impression d’avoir failli à mon devoir de tenter de la préparer au mieux à ça. Ne m’est-il pas conféré par le simple fait d’être entré dans cet univers-là avant elle ?

« Je veux pas que tu penses que je te juge, c’est pas du tout ce que je suis en train de faire. » Je sais qu’elle ne le fait pas. Pas alors qu’elle me couve de ce regard tendre et attentif. « Mais je peux te poser une question ? » Je hoche la tête simplement, ajustant la position de ma tête contre l’oreiller sans cesser de la dévorer des yeux. « Pourquoi t’essayes pas ? De sortir avec elle pour de vrai, de faire ce que des centaines d’autres célébrités font en s’occupant de leurs enfants et en agissant comme des gens normaux ? Pas en révélant au monde entier qui elle est pour toi, simplement en la couvant un petit peu moins ? » L’un ne va pas sans l’autre à mes yeux, malheureusement. Si je sortais trop souvent avec Posy, son identité finirait inexorablement par arriver aux oreilles de la presses. Je considère déjà comme un miracle le fait d’avoir gardé le secret aussi longtemps. Certainement le dois-je au fait d’avoir commencé à être plus présent dans sa vie que de façon sporadique il y a à peine un an. « Je sais, t’es pas le seul à décider. Sauf que toi aussi, t’en souffres, tu m’en parles depuis que tu m’as dit qui elle était vraiment pour toi. Je le vois que ça te fait quelque chose. » - « Parce que je suis pas le seul à décider, mais pas comme tu crois. » Elle fait certainement référence à la mère de ma princesse et, s’il est vrai que Harleen a son mot à dire dans tout ça, ce n’est pas pour son bien-être à elle que je fais tous ces efforts pour garder mon secret. « C’est pas vraiment à Harls que je pense quand je dis ça. C’est à Posy. J’aimerais qu’elle choisisse si elle veut de tout ça. » Ce que j’évoquais finalement il y a quelques minutes à peine : la face cachée d’être toujours sous les projecteurs. « Et elle est encore trop petite pour le faire. Je voudrais qu’elle ait le choix quand elle sera plus grande. Pas pouvoir sortir dans la rue sans être photographiée et suivie par les paparazzi, être regardée différemment par tous les enfants à l’école… C’est pas anodin. » C’est un choix qui aura un impact fort sur son quotidien, sur ses relations, sur beaucoup de choses finalement. « Je suis pas assez naïf pour penser que toute l’attention que je reçois est innocente et bienveillante. » Et elle en recevra une similaire s’il est révélé au monde entier qu’elle est ma fille. J’ai toujours vu ces enfants de star en couverture de magazines people comme une tragédie.

« Hm, elle est petite, mais elle évolue vite, c’est difficile de la suivre à distance, et tu voyages beaucoup. Hm, elle est petite, mais elle évolue vite, c’est difficile de la suivre à distance, et tu voyages beaucoup. C’était quand ? » - « Y’a un peu plus d’un an. En avril l’an dernier. » Maintenant, je ne peux m’empêcher d’avoir peur de lui faire manger quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire. « Ça, c’est pas ta faute. » C’est un peu plus compliqué que ça à mes yeux. « Je suis juste content qu’il ne soit rien arrivé de grave. » Cela aurait pu, mais la présence d’équipes médicales sur le site de l’événement ont évité le drame et je remercie le ciel à ce sujet à chaque fois que j’y songe. « "Encore une fois, je veux pas que tu penses que je juge qui que ce soit. Mais t’as même pas sa garde alternée. Vous faites ça à votre sauce, en fonction de ta présence ici, sans que ce soit encadré, et c’est une très bonne chose pour Posy, je suis pas en train de dire le contraire. » Et je n’interprète pas ses mots comme un quelconque jugement. « Mais tu peux pas te rendre coupable de ton ignorance sur ce sujet si on te tient pas au courant quand c’est nécessaire. Tu viens de le dire toi-même, t’étais moins présent avant, et tu veux que ça change. » - « Je suis pas non plus tout blanc tu sais. On peut pas vraiment dire que j’ai été proactif à ce sujet-là jusqu’à il y a peu. Harls gérait - » Ou, je le crains, elle ne gérait pas toujours grand-chose, même si je suis convaincu qu’elle est une bonne mère à plein de sujets. « - et, finalement, ça m’allait bien de ne pas avoir à m’en préoccuper. Mais oui, je veux faire mieux. » C’est ce qui compte et, j’espère que lorsque viendra son tour de faire des erreurs, elle se souviendra elle aussi que le plus important restera sa détermination à s’améliorer pour ses enfants.

« OK, ton domaine outrageusement luxueux et m’as-tu-vu, ça te va mieux ? » - « C’est bien mieux. J’ai quand même investi pour impressionner les filles. Reconnaître que ça claque, c’est quand même la moindre des choses. » Je gonfle la poitrine à la façon d’un adolescent insolent et vaniteux. Elle sait que c’est faux et c’est tout ce qui importe. « Ah putain, merci d’enfin le reconnaître. Je me tue à le dire depuis genre, toujours. » Je hoche la tête, prétendant être convaincu par une chose que nous savons tous les deux fausses. Toutefois, elle n’est pas si compliquée qu’on le prétend, Jo. « Tu m'as manqué. » Je n’ai pas attendu de l’entendre pour me saisir à nouveau de ses lèvres et les emprisonner des miennes. « Mais j’espère que t’es prêt à recommencer encore et encore. » Ma main que je laisse remonter lentement le long de sa colonne vertébrale pour venir à nouveau se nicher sur sa nuque prouve que je suis bel et bien prêt à recommencer encore et encore. « Parce que ma mémoire me joue des tours. Tu sais, à cause du vol, des escales, du jet-lag, tout ça quoi. » Je l’aime lorsqu’elle est espiègle et mutine, Jo. Un sourire franc étire mes lèvres et, sans cérémonial, je la renverse le dos pour pouvoir me placer au-dessus d’elle, embrasser ses lèvres, avant de laisser courir mes lèvres dans son cou, puis sur sa gorge exposée. Elle frémit et mes doigts caressent ses flancs pour accentuer ce phénomène. « Bien sûr. Je fais ce qu’on me demande tu sais, je suis un garçon obéissant. » Le fait que j’en crève d’envie n’a évidemment rien à voir dans tout ça.

won't you hold me while this storm is in my head?
@Midas Sterling (crédit gif/rampld)

"J’aurais pu faire plus." Jo n’avait pas été efficace pour accomplir la mission que Megan lui avait confiée. Ça la torturait. Si elle avait eu l’impression d’avoir fait ce qu’il fallait, si elle n’avait pas pensé que Megan exagérait à cause de son histoire, elle n’aurait pas mieux vécu la mort de Charlie, loin de là, mais elle aurait plus accepté qu’elle était déjà une cause perdue au point de se fournir à n’importe qui. Là, elle avait juste le sentiment profond d’avoir été complaisante, elle se haïssait pour ça. Elle entendait les arguments de Midas, elle buvait ses paroles sans en laisser une goutte de côté, sa tête se levant sous la pression qu’il exerça sur sa nuque, mais elle préféra ne pas rebondir dessus pour ne pas lui donner le sentiment qu’elle réduisait ses efforts à des boniments en le contredisant. Il n’était pas là quand elles avaient eu leur dernière conversation, il n’était pas là pour voir qu’elle avait été bien loin de la pugnace Josephine qui obtenait tout ce qu’elle voulait juste parce qu’elle le voulait et qui n’hésitait pas à rentrer dans le tas si c’était nécessaire. Elle ne l’avait pas fait là, elle s’en voudrait jusqu’à la fin de sa vie, et une part d’elle redoutait que ceux qui comptaient sur elle lui en voudraient, eux aussi.

Elle ne voulait pas le rendre triste en faisant l’inventaire des mauvaises passes qu’elle avait traversées. Seulement, il lui avait demandé de s’ouvrir, alors elle le faisait. En tout cas, elle le faisait jusqu’à un certain point, n’ajoutant pas que l’épisode des Fidji lui avait aussi mis une belle claque dans la gueule. Ça lui avait fait du mal de ne pas se sentir comprise, soutenue, mise au pied du mur d’une situation qu’elle aurait (peut-être) mieux géré si elle n’avait pas été contrainte et forcée. Ils en reparleraient, ce n’était pas le plus urgent sur le moment tandis qu'il affinait sa question "Non, rien." Reculant son front de celui de Midas en posant ses deux mains sur ses mâchoires, elle reprit sur ce qu’il choisit de retenir de la liste de ce qui lui pesait sur le coeur "Tu te souviens de ce que tu viens de me dire à propos de Charlie et de mes responsabilités dans ce qui lui est arrivé ?" Ils avaient établi qu’ils étaient responsables l’un de l’autre, à propos des affres de la célébrité, Midas n’était décemment le responsable de rien du tout, et elle voulait qu’il l’enregistre "C’est exactement la même chose. T’aurais pas pu changer grand-chose à ça, c’est comme ça." Elle se laissa une seconde pour ajouter, détournant brièvement son regard pour le poser sur le plafond et se revoir, dans son adolescence, à suivre les moindres faits et gestes de ses célébrités préférées. Elle savait comment tout ça fonctionnait, elle avait lu assez de magazines pour avoir une idée précise de ce que ça faisait, d’être connu dans le monde entier, même si ça restait encore bien loin de la réalité "Et puis je suis pas aussi idiote que j’en ai l’air, je me doutais que des trucs allaient finir par changer." Même si sa carrière n’avait pas décollé après tout ça : leur relation l’aurait mise sur le devant de la scène dans tous les cas. Un instant encore, elle garda le silence pour réfléchir, et puis faisant passer tout un côté de ses cheveux défaits d’une épaule à l’autre, elle regarda à nouveau Midas "C’était mon rêve. J’ai eu ce que je voulais, non ? Je m’adapte." Doucement, mais elle le faisait avec plus ou moins de panache, en ayant tout de même encore beaucoup à apprendre comme il le savait. D’ailleurs, c’était de lui qu’elle voulait apprendre, de la manière dont il avait géré les choses au fil des années, bien qu’elle n’était pas sûre de tout à fait partager sa résignation à propos de la solitude induite par leur statut de demi-dieux. Elle aussi l’avait connue, d’une façon bien différente de celle-ci,  la solitude, mais aujourd’hui, elle lui paraissait moins angoissante parce qu’il était là, avec elle — elle voulait qu’il le ressente comme ça, lui aussi, qu'il sache que c’était fini. Elle l’écouta parler, et comme plusieurs fois auparavant, elle réalisa combien il avait dû souffrir de sa solitude. Elle l’entendait dans le son de sa voix, elle le voyait dans sa façon de déclamer son discours, comme s’il y avait longtemps réfléchi pour être aussi catégorique, comme s’il l'avait subi sans y pouvoir grand-chose surtout. Ça lui fendait le coeur, lui tordait le ventre. Elle tendit le cou pour pouvoir nicher sa tête dans le creux de son épaule, posa ses lèvres sur sa peau, tendit la main pour la poser sur son visage pendant que ses sourcils se fronçaient lorsqu’elle lui assura sans aucune espèce d’hésitation "T’es plus tout seul, je suis avec toi." Elle lui avait promis qu’elle ne partirait plus, elle comptait le lui rappeler chaque fois qu’il en douterait.

Elle n’ignorait pas que ses bagages en la matière ne lui permettaient pas de se mettre dans les chaussures de Midas au sujet de la médiatisation de sa paternité. Mais là encore, ça lui faisait de la peine de le sentir entravé. C’était tel d’ailleurs que quand il cita Harls, elle ne roula même pas des yeux, se concentrant davantage sur la réponse à la question qu’elle venait de lui poser que sur le fait que l’autre n’avait pas besoin d’être citée pour qu’elle sache qu’il parlait d’elle. Elle s’en chipoterait plus tard, attentive à Midas, et à lui seulement "Pour l’instant, elle veut juste passer du temps avec toi." conclut-elle en comprenant ce qu’il lui disait, mais en trouvant ça bien radical dans le fond. Qu’importait la situation des parents d’un enfant, ils étaient forcés de prendre des décisions pour eux, non ? C’était à eux de les rendre raisonnables, et celles prises pour Posy lui semblait bien trop extrêmes, tellement d’ailleurs que c’était ce qui nourrissait son affection pour elle. Mise sous cloche, c’était peut-être ça qui la rendrait malheureuse, tôt ou tard, cette gamine. Évidemment, elle ne pouvait pas s’exprimer sur ça, ce n’était pas ses affaires, bien que ça la touchait vraiment. Ne sachant pas quoi dire de plus par crainte d’empiéter sur un terrain qui lui était interdit, elle dit à Midas "C’est une bonne gamine. Quand elle aura l’âge de se rendre compte de tout ça, je suis certaine qu’elle fera des choix qui te surprendront." Elle ajouta, sûre de pouvoir avancer ça, contrairement au reste "Tu veux la protéger, c’est normal." Et s'il doutait encore d’être un bon père après ça, elle ne savait pas quoi lui dire d’autre pour l’en convaincre, et ce malgré l’épisode de sa réaction allergique à la cacahuète "Moi aussi." ponctua-t-elle quand il lui dit qu’il était content que rien de plus grave ne lui arrive. Si elle laissa un léger rire lui échapper l’instant d’après, ce n’était évidemment par lié à cet incident, mais bien à ce qu’elle lui confia ensuite avec le haut du nez légèrement froncé "C’est bizarre si je te dis qu’elle m’a un peu manqué ?" Un peu manqué, ou comment atténuer un peu l’impression qu’elle avait de s’investir auprès d’une enfant qui n’était pas la sienne seulement parce qu’elle était raide amoureuse de son père "Je lui ai ramené des coquillages. Je sais pas ce qu’elle en fera, je sais même pas si elle aime ça, mais j’ai pensé que ça lui ferait plaisir pour décorer sa chambre." Elle avait pensé à lui ramener un souvenir, même si elle n’était pas partie en vacances, ce qu’elle n’avait fait pour personne d’autre, pas même pour sa grand-mère. Cet aparté filant rapidement, elle se recentra sur ce qu’il lui disait et n’objecta pas quand il s’appliqua de nouveau à citer la mère de sa fille. Ce Harls lui était insupportable, et elle profita qu'il détourne  brièvement les yeux pour rouler très légèrement les siens, mais ne dit rien de plus. Là encore, elle craignait de déborder si elle se laissait aller à apporter quoi que ce soit à la discussion. Tout ce qu’elle savait, c’est que Midas était déterminé à tenir son rôle et qu’elle l’y encouragerait pour le bien de sa fille, et son bien à elle uniquement "Si c’est vraiment ce que tu veux, c’est ce que tu feras." Faire mieux. Je t’aiderai se retint-elle d’ajouter, un peu gênée de le penser étant donné que, dans les faits, elle n’avait pas les armes nécessaires pour le faire et qu’elle ne voulait pas s’attribuer des talents qu’elle n’avait pas, surtout pas ceux-là.

Elle en avait d’autres La comédie en faisait partie "Je sais pas avec qui tu passes ton temps pour devenir aussi exaspérant, mais va falloir revoir tes fréquentations, Sterling." Le ton devenait badin, et pas que le ton d’ailleurs, la perspective d’un nouveau moment d’intimité ravissant une Jo déjà conquise par le contact des lèvres de Midas sur sa peau. Elle s’étira sous lui, coula ses ongles de ses épaules à son cou, assiégeant délicatement ses cheveux dans lesquels elle plongea le bout de ses doigts au fur et à mesure que ses baisers dérogeaient de leur trajectoire pour descendre toujours plus bas. Il était un garçon obéissant, ce n’était donc pas difficile de le faire plier à sa requête, et c’est ça qui lui fit très doucement tirer sur ses cheveux pour lui faire relever la tête et silencieusement lui demander de revenir à son point de départ pour qu’elle puisse le regarder les yeux dans les yeux "Juste deux minutes." Elle anticipa la complainte, ses genoux jouant l’alternance entre ses hanches quand elle lui demanda, ses doigts toujours dans ses cheveux, ses yeux ne restant pas fixés sur les siens, mais sur sa bouche, la sienne remuant quand elle lui demanda "Tu viens avec moi chez nana ?" Elle tendit le cou pour embrasser sa bouche, lui expliqua le plan qu’elle avait à l’esprit en laissant sa tête rebondir sur l’oreiller "On l’emmènera dîner avec Richie. Il va surement t’accaparer tout le reste du temps, il aime ce que tu fais. Je te brieferai sur le nom de ses petits-enfants, ils parlent tout le temps d’eux." Ça la fit sourire sincèrement d’imaginer qu’à un moment donné, le vieillard lui demanderait des places de concerts pour ses petits-enfants comme s’il ne faisait pas partie de la seule famille que Jo considérait vraiment et que ça ne lui conférait pas ce genre de passe-droit étant donné le lien très spécial qu’elle avait avec le chanteur préféré de ses petites-filles. Elle l’embrassa encore une fois, puis une autre, et encore une autre, terminant sa suite par un baiser plus ferme "Je veux que tu viennes avec moi. Je veux pas sortir sans toi. On reprendra tout ça quand on sera rentré." Ils recommenceraient tout ça quand ils seraient rentrés. Une chose était sûre, c’était que Jo ne comptait pas privilégier le plan qu’elle venait de lui exposer et qu’elle comptait bien se rappeler avant de sortir à quel point son absence avait été un supplice pour Midas — le sien, ce serait peut-être d’avoir ses ardeurs titillées, et tandis qu’elle raffermissait la pression de ses mains autour de son cou, de ses genoux pressés contre ses flancs et celles de ses lèvres près des siennes, elle lui dit dans un souffle "Je compte pas te laisser respirer une seule seconde maintenant que je suis revenue. T’as quelque chose à dire là-dessus ?" Que ce soit oui ou non, elle profita du moment de latence apportée par sa question pour reprendre le dessus et capturer ses lèvres à nouveau.