(manly boat harbour) Les deux prochains jours sont off pour elle, et il l’a très bien entendu. Il n’a jamais connu cette possibilité de pouvoir simplement vivre au jour le jour avec une personne qu’il apprécie sincèrement. Cela aurait pu être le cas pendant un temps avec Ruben, mais au fond de lui il savait qu’il n’était pas légitime et ne s’est jamais réellement montré à ses côtés. Avec Mavis, la question ne se pose pas réellement, pour ne pas dire pas du tout, si bien qu’il a occupé sa matinée à se demander comment occuper sa soirée. Elle veut un date, il lui en a promis un qui puisse être digne de quelque chose. Ils sont des amours de jeunesse réunis, merde, ça mérite bien un petit quelque chose. ”T’as pas le mal de mer ?” Elle a nourri son chat, elle a arrosé ses plantes. Ou peut-être qu’elle ne l’a pas fait et peu importe, parce qu’elle était là en début d’après-midi comme convenu et c’est tout ce qui importe pour Ambrose. Elle était là, elle ne l’a pas abandonnée, et si vous pourriez penser qu’un indice ainsi qu’une peur irrationnelle se cachent derrière cette première pensée qui est la sienne, vous auriez totalement raison. ”C’est évidemment une question comme ça et pas du tout un indice.” Il ajoute avec un sourire aussi immense qu’amusé. Et parfaitement insouciant. Bien sûr que c’est un indice, et bien sûr qu’il se moque pertinemment qu’elle devine son idée de sortie. ”Mais si jamais tu trouves ça cool d’avoir réussi à trouver deux places sur un des bateaux pour ce soir, je suis preneur.” Il rajoute dans un sourire plus sérieux mais non moins heureux, attentif à la réaction de Mavis. Les feux d’artifice sur la rivière sont connus de tous mais les places sur les bateaux limitées et vendues depuis longtemps déjà - sauf pour ceux qui savent réellement à qui demander. ”Je suis au regret de t’annoncer que tu ne goûteras pas à mes merveilleux croque ce soir encore.” La cuisine d’un vrai restaurant sera bien supérieure, il en est conscient, mais peut-être qu’au fond il avait réellement apprécié l’instant simple qu’a été la nuit passée. Quand bien même le repas n’est pas son meilleur souvenir.

Il cesse un instant de discuter dans le vent et gare sa nouvelle voiture non loin du port de la ville, ayant déjà fini de jouer avec un pseudo suspens. ”Bon, maintenant j’espère vraiment que t’as pas le mal de mer.” Il reprend un instant, conscient que tout son plan pourrait être ruiné sur ce seul point. L’instant suivant, et après avoir présenté un billet estampillé “Weatherton”, Ambrose se tient sur le pont du bateau, les mains appuyées sur le bastingage, le regard tourné vers les lumières scintillantes de la ville. Le vent frais du soir souffle doucement, apportant avec lui l'excitation palpable de la soirée à venir. Il jette un coup d'œil furtif à Mavis, sa silhouette toujours aussi élégante. The art Boat sera leur repère pour la soirée, ayant juré offrir la meilleure vue sur le spectacle pyrotechnique de Brisbane. Loin de la foule, ils seront au meilleur endroit. Fier de son idée, et simplement heureux de vivre l’instant présent, Ambrose se tourne vers Mavis, un sourire tendre sur le visage. Il se souvient de leurs jours passés, de leurs rêves d'adolescents et des moments volés dans des recoins oubliés de la ville. Ce soir, il veut créer de nouveaux souvenirs, plus brillants, plus précieux. Plus adultes. ”Ca tient la route pour un premier date ?” qu’il demande, mi-sérieux mi-amusé, l’initiative ayant largement été poussée par une Mavis ayant écorché son ego.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/jericho-gifs)

"T’es au courant que mon père possède un bateau, rassure-moi ?" Tous les clichés qui allaient avec le statut du chirurgien reconnu, chef du service de sa spécialité, Leon Barnes les cumulaient. Ainsi, les vacances d’été chez les Barnes, elles collaient à l’image qu’on se faisait du tableau dans les films du genre : avec un léger contre-jour, les cheveux au vent, les tons pastels de l’été sublimés par une bande-son à la guitare acoustique pendant que les vagues roulaient doucement en arrière-plan ; les filles à plat-ventre sur le pont du bateau de la famille, Baz à fomenter sa prochaine bêtise dans son coin pendant qu’il se faisait sermonner par son père qui grattait la surface pour enfin tenter d’apprendre à le connaître, sa mère occupée à bien autre chose, tous profitant de l’insouciance d’un instant en pleine-mer — alors non, elle n’avait pas le mal de mer Mavis, loin de là. Elle fronça le nez, rejetant l’idée que ce qu’il lui demandait là était un indice au sujet de l’endroit où il l’emmenait ce soir, jouant la comédie pour croire que c’était tout le contraire. Elle jeta un regard au profil d’Ambrose qui avait l’air bien trop fier de lui au volant de sa voiture, prêt à répondre à son caprice sous un délai de moins de 24 heures ; l’impression que ça allait vite n’était pas qu’une impression. C’était rafraîchissant, pourtant. Elle n’avait même pas eu besoin de minauder, de lui dire que ça resterait un secret, de lui promettre qu’elle n’en demanderait pas trop souvent, des moments comme celui-ci, ou encore qu’elle comprenait qu’il les réservait pour quelqu’un d’autre. Ils étaient juste partis sur le chemin d’un moment qui la rendait extatique, la faisant se rappeler que ça pouvait être aussi facile que ça, de faire confiance à quelqu’un. Elle prit un peu de recul dans son coin de la voiture, ses sourcils se haussant pour marquer sa surprise, réagissant au fait qu’il daignait enfin lui donner quelque chose de concret au sujet de ce qu’ils allaient faire ce soir "T’es sérieux ? Comment tu t’es débrouillé ?" Elle pourrait croire qu’il avait prévu son coup bien à l’avance si elle n’était pas aussi consciente du caractère imprévu de ce qui s’était passé la nuit dernière. Les feux d’artifice sur la rivière étaient connus de tous en effet, et Mavis ne cachait pas son plaisir de pouvoir être aux premières loges de quelque chose qui lui rappelait la légèreté de la deuxième partie de son adolescence… celle qu’elle associait à Ambrose, ironiquement. Soudain, elle asséna une légère tape sur son propre genou pour signifier sa déception de ne pas avoir le privilège de goûter à nouveau au plat-signature du jeune homme "Dire que je suis restée exprès pour me goinfrer avec ça, j’ai plus qu’à retourner chez moi dès ce soir et à te rendre ta clef." Trahison, disait son regard brillant qu’elle retourna vers lui dans la foulée, ne pensant pas un mot de ce qu’elle venait d’annoncer.

"J’espère que toi non plus. Vu tous tes efforts, ce serait dommage." Elle lui retourna ses inquiétudes, n’attendant pas sa réponse puisqu’elle descendit rapidement de la voiture, prête à en découdre avec ce suspens inutile instauré par Ambrose à qui elle tendit la main lorsqu’ils arrivèrent sur  la marina et qu’elle se rendit compte en jetant un oeil au billet qu'il avait à la main que c’était son sang qui lui avait permis de jouir du privilège de la traversée de ce soir, laquelle était d’habitude difficile, pour ne pas dire impossible, d’accès. Elle fût à deux doigts de le traiter de nepo baby, décida en dernier recours de ne pas tendre le bâton pour se faire battre, et lui lâcha la main quand il appuya les siennes sur le bastingage. Elle, elle porta son regard au loin. Le silence était relatif, mais il était apaisant, la perspective d’un instant qui promettait d’être magique la faisant sourire sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte ; plus fort encore lorsque la voix d’Ambrose se fit entendre à nouveau. Elle le regarda la tête inclinée, accusant une mine sévère d’abord, mais elle ne trompait personne "J’attends de voir le feu d’artifice avant de me prononcer." Elle aurait pu lui avouer qu’en vérité, ses rancards ne se comptaient que sur les doigts d’une main et qu’elle n’avait aucun doute que celui qu’elle lui avait demandé — qu’elle avait exigé, serait plus exact — serait en vérité le meilleur qu’elle n’aurait jamais. Elle lui demanda à la place "Ce sera que nous deux, ou quelqu’un d'autre va nous rejoindre ?" Elle se rendit compte que sa question pouvait prêter à confusion. Sauf qu’elle ne pensait pas à Ruben, et elle ne voulait pas qu’Ambrose croit le contraire "C’était écrit le nom de ton cousin sur les billets, alors je me demande juste." Sincèrement, c’était le vrai sens derrière sa question, elle n’essayait pas de prêcher le faux pour savoir le vrai.

"T’es au courant que mon père possède un bateau, rassure-moi ?"
« Ça n'implique pas que t’as pas le mal de mer. »

Il sait bien que son père possède à peu près tout ce qu’il désire, tout comme il en était de même avec Norman. Ambrose le nierait sûrement, mais ils ont tous les deux grandi dans des milieux privilégiés, que les drames familiaux ont entachés mais pas anéantis. Elle a perdu sa soeur, il a perdu ses parents, et pourtant ils ont grandi sans jamais manquer d’argent ni de rien qui puisse être acheté, ce qui explique sans doute pourquoi ils se sont si bien compris à l’époque et pourquoi leurs ambitions n’ont jamais rien eu de raisonnables ou dignes de Monsieur tout le monde. Ils ont toujours eu les cartes en main pour côtoyer les sommets et ils aspirent toujours à y arriver, chacun ayant déjà entamé son bout de chemin en ce sens. "T’es sérieux ? Comment tu t’es débrouillé ?" Et bien sûr que ça le rend fier d’avoir réussi à l’étonner, d’avoir aussi sûrement réussi à lui faire plaisir. Son sourire en coin en témoigne, il ne cherche pas à le cacher face à elle : ils sont faits du même bois. « J’ai pas beaucoup écouté à ma réunion. » Les détails ne sont pas particulièrement intéressants, il les passe sous silence pour se concentrer sur tout le reste. Mavis veut entendre qu’elle était le centre de son attention et il ne l’en prive pas, parce que cela représente une immense portion de la vérité et qu’il mentirait s’il disait ne pas s’être réveillé en se demandant si la nuit passée était réelle ou issue d’un rêve. La silhouette de la jeune femme à ses côtés a été une réponse suffisante. "Dire que je suis restée exprès pour me goinfrer avec ça, j’ai plus qu’à retourner chez moi dès ce soir et à te rendre ta clef." L’instant est doux et insouciant, les paroles sont ironiques quand on pense que cette nouvelle lubie de croque-monsieur est vieille d’à peine douze heures et qu’ils ont l’un comme l’autre bien plus prononcé ce mot au cours des dernières heures écoulées que pendant toute leur vie. « Ok, peut-être qu’on pourrait s’arranger. Deux clés sur un même trousseau, c’est beaucoup trop. » Il n’a aucune sorte d’envie de retourner à cette situation de statu quo à moitié grisant et à moitié gênant avec Mavis. Il aime ce qu’ils font là, juste là, avec l’insouciance d’une adolescence retrouvée et la réflexion de deux adultes sachant pertinemment que leur histoire, si tant est qu’il y en ait une, n’a rien de normale.

"J’attends de voir le feu d’artifice avant de me prononcer."
« Mes efforts reposent sur le talent des pyrotechniciens ? Pas facile. »

Il ironise. S’il pense effectivement que cela n’a rien de juste que le jugement de Mavis puisse reposer sur la qualité d’un spectacle qu’il ne dirige pas, il ne doute que trop peu du rendu pour craindre un flop. Il a gagné un point pour la surprise et un autre pour le lieu ; et le reste n’est que suppléments. "Ce sera que nous deux, ou quelqu’un d'autre va nous rejoindre ?" Il accuse une seconde de doute, son regard croisant celui de Mavis pour lui demander muettement s’ils pensent à la même chose et si, de fait, elle est sérieuse à ainsi oser lui poser une telle question.  "C’était écrit le nom de ton cousin sur les billets, alors je me demande juste." Ambrose a besoin d’une seconde supplémentaire pour jauger sa réaction et de se demander si elle n’est pas en train de se rattraper aux branches, et il décide de croire que cela a tout d’un quiproquo et rien de plus. « J’ai demandé un service à James mais il n’a pas prévu de venir, non. » Il a d’autres chats à fouetter en cet instant, raison pour laquelle sa venue n’a même pas été envisagée un seul instant, ni même proposée. Il lui a promis un date, et il sait à peu près que cela repose justement sur l’idée qu’ils soient deux et pas un de plus - que ce soit Ruben, James, ou Dieu sait qui encore. « Juste toi et moi. » Et s’il ne doute pas qu’elle l’avait compris, il le répète simplement parce que ces mots lui font du bien. Juste eux deux, sans se prendre la tête. « J’espère que tu peux vivre avec une félonie d’usurpation d’identité sur la conscience. » Il murmure contre son oreille, profitant sans s’en rendre compte des remous du bateau pour rester près d’elle une seconde de plus et poser sa main contre son dos. Finalement, ils suivent le personnel pour se rendre dans la salle couverte par une verrière translucide, lavée avec grand soin. La petite morsure de la soirée ne les atteindra pas, même sur leur table placée en bordure de bateau, d’où ils devraient avoir la meilleure vue.

« T’as déjà eu des dates ? Des vrais dates ? » Il mime d’y penser soudainement alors que la question s’est longtemps posée dans son esprit, lui qui se demande depuis tout ce temps si elle a insisté pour avoir un date parce qu’elle tenait à ce qu’ils fassent les choses dans l’ordre ou simplement parce qu’elle voulait avoir un date, un vrai, en dehors des histoires d’un soir qu’elle a vraisemblablement connues grâce à l’application. Parlant de ça, il reprend. « Je l’ai supprimé. L’app. J’étais pas très impliqué. » Il ne lui demande pas si elle en a fait de même et il jure ne pas vouloir le savoir, de toute façon.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/jericho-gifs)

Elle aimait les hommes malins, Mavis. Ça se vérifiait ici, avec Ambrose qui lui rétorquait quelque chose qui la poussa à le regarder avec l’air sévère de ceux qui pensent ne joue pas au plus malin avec moi quand c’était tout ce qu’ils désiraient, tout ce qui les faisaient craquer, si on poussait les choses plus loin. Après la nuit dernière, difficile de rester objectif, tant est si bien que, pragmatique d’habitude, elle savait qu’il y avait comme quelque chose qui ressemblait drôlement à de l’empressement qui rentrait en ligne de compte dans la prise d’initiative du jeune homme, laquelle lui avait certes été soufflé par Mavis elle-même, sauf qu’elle n’avait jamais pensé qu’il la prendrait autant au sérieux. C’était un homme de paroles, elle n’en avait pas l’habitude, elle se laissait surprendre par cette qualité qui le rendait fascinant à ses yeux. Ou bien c’était la transparence avec laquelle il répondait à ses questions qui en était le responsable ? Difficile à dire, tout était inédit dans ce qui se passait maintenant, et rien n’était désagréable, au contraire. Que ce soit la complicité qu’il y avait entre eux, restes de ce qu’ils avaient vécu en étant jeunes, à celle qui s’était affirmée depuis qu’ils avaient partagé le même lit, échangeant déjà des private jokes dont elle se délectait sans bouder son plaisir, c’était léger et insouciant, tellement que, s’entendant rire comme la dernière des idiotes, charmée par les réponses d’Ambrose, elle se jugea d’être aussi facile à contenter alors que, dans le passé, elle s’était montrée beaucoup plus dure en affaires que ça.

Mais c’était Ambrose, c’était différent "J’espère au moins que t’as pensé au pot de vin pour qu’ils glissent mon prénom au milieu de leurs prouesses techniques. C’est pas pour te mettre la pression, mais c’est au moins coeff 10 sur la note finale." Elle prit un air revêche qui ne tromperait personne, surtout pas Ambrose qu’elle regarda avec un sourire qui lui montait jusqu’aux yeux. Elle le perdit juste une seconde ou deux, curieuse d’en savoir plus sur ce qu'il avait prévu, sa langue fourchant pour lui faire réaliser qu’ils étaient câblés sur la même fréquence, et que quand elle parlait de quelqu'un d’autre, Ambrose pensait à l’autre personne. Elle n’essaya pas de méditer sur ce que ça lui inspirait, elle n’avait pas envie de tout gâcher, vraiment pas, alors elle se corrigea parce qu’elle ne couvait aucune arrière-pensée ce soir, ou en tout cas, pas celles qui menaient à ce quelqu'un d’autre qu’ils ne citaient pas "Dommage, j’aurais bien voulu le remercier pour la robe." Elle l’avait déjà fait, elle lui avait envoyé un mot malgré le désastre que la soirée dont ils ne parleraient pas avait été, mais le faire en personne, c’était encore mieux que les discours polis rédigés d’une écriture penchée. Plus tard. Pour l’instant, elle s’appliqua à sourire de nouveau à la précision d’Ambrose qui lui confirma que ce soir, ils ne seraient que tous les deux "Juste toi et moi. Ça me va." Si jamais il en doutait, ce qui ne semblait pas être le cas cela dit, elle lui donna une piste concernant le fait avéré que c’était bel et bien ce à quoi elle avait songé quand elle avait parlé de date. Elle se serait contentée d'un rien à dire vrai, mais la petite-fille riche en elle était ravie de pouvoir jouir d'un certain standing grâce aux accointances et affiliations de celui qui l’accompagnait ce soir. Elle sentit sa main se poser dans son dos, refusa de lui faire remarquer que prendre le tangage du bateau comme une excuse pour la toucher, c’était la chose la moins subtile qu’il avait faite au cours des dernières heures, et leva la tête pour affronter son regard. Ce n’était qu’un jeu, n’est-ce pas ? Elle pouvait se permettre de brouiller les lignes, de s’amuser des secrets qu’elle gardait pour titiller quelque chose chez un homme dont elle voyait l’espièglerie animer les traits, et dont elle sentait le souffle sur son visage. Elle décida de lui murmurer en retour, sa tête s’inclinant doucement vers la sienne pendant qu’elle détachait soigneusement toutes ses syllabes "Je peux vivre avec pire que ça sur la conscience, Ambrose, je devrais pouvoir m’en sortir. Sauf si on me demande mon avis sur la dernière collection de la maison, là ça va poser problème." Le bout de sa langue roula entre ses dents, l’intensité du regard qu’elle finit par rompre faisant peser quelque chose de dense entre eux avant que le personnel ne se montre pour les guider jusqu’à leur table.

S’asseyant en face d’Ambrose, la vue qu’ils avaient par-delà la baie vitrée la rendit coupable de ne pas lui accorder toute son attention le temps d’un longue minute — jusqu’à ce que sa voix la ramène à nouveau à lui, et que les sourcils haussés, se laissant doucement ployer en arrière pour s’adosser à sa chaise, il attira subitement toute sa considération "Pourquoi, t’as besoin que je te fasse l’historique de tous mes rencards pour tenter de rivaliser ?" On en est là ? ne dit-elle pas, ses yeux se plissant sous le sourire qu’elle lui offrit, gagnant du temps pour ne pas admettre tout de suite que si elle donnait bien le change, elle restait en vérité plutôt novice dans l’action-même d’enchaîner les dates dans le premier sens du terme — ceux qui ne se terminaient par un doux baiser sur la joue, et rien d’autre. Finalement, elle dut lui admettre, plus penaude que timide "Pas vraiment. Je suis aspirante neurochirurgienne, j’ai pas le temps pour ce genre de choses." C’était l’excuse toute trouvée, celle qui lui vint sans qu’elle n’eut besoin d’y réfléchir tant ça la gênait un peu en vérité, de devoir avouer qu’il y avait quelque chose pour quoi elle n’était pas douée, pour quoi elle n’était pas très à l’aise non plus. Elle se mordit l’intérieur de la joue, repoussant loin dans sa tête les deux ans qu’elle venait de passer à devoir se contenter de miettes, ne s’appesantissant pas sur le fait que le seul semblant de rendez-vous que Ruben lui avait offert, c’était lorsqu’il avait appris son avortement et qu’il l’avait emmenée sur la côte pour qu’ils en discutent ; là où sa femme avait appris plus tard qu’il l’avait trompé, oh l’ironie. Elle prit une profonde inspiration, le liseré satiné de sa robe gondolant pour se replacer juste après, et s’inclina en sens inverse histoire de venir s’accouder à la table cette fois, ses yeux retrouvant ceux d’Ambrose dans un plissement de paupières qui l’aida à faire la focale sur ce qu’il lui disait là "Qu’est-ce que t’essayes de me dire ?" En l’informant qu’il avait supprimé l’application de rencontres qu’ils utilisaient tous les deux ? Qu’il en attendait de même d’elle ? Elle n’essaya pas d’anticiper sa réponse, il la lui donnerait s'il en avait envie, et posa ses doigts contre sa joue, son menton délicatement soutenu dans le creux de la paume de sa main alors que, tout haut, elle remarqua que "Tu m’as l’air trop doué pour ça pour ne pas être coutumier du fait, toi, par contre." Elle parlait des dates. Elle ravala son sourire, pensant à autre chose l’instant d’après — l’esprit de Mavis tournait vite, c’était à son audience de s’en figurer "T’étais sérieux quand t’as dit que tu traînais sur ce truc pour te chercher une femme ?" Et quand elle disait femme, elle pensait épouse.

"J’espère au moins que t’as pensé au pot de vin pour qu’ils glissent mon prénom au milieu de leurs prouesses techniques. C’est pas pour te mettre la pression, mais c’est au moins coeff 10 sur la note finale." Comme s’il allait risquer sa carrière pour ses beaux yeux (oui, bien sûr que oui, il a déjà joué avec le feu avec Ruben et même s’il le regrette un brin, il serait sans doute prêt à recommencer, encore et encore). « Avec un petit coeur pour le “i”, évidemment. » Il s’amuse, papillonne des cils, joue le parfait gentleman qui en fait à peine trop pour conquérir sa dulcinée. En somme, rien de très crédible mais qui a au moins le don de l’amuser sur l’instant. En parallèle, il la rassure quant à la possibilité de remercier James plus tard: il ne risque pas de s’envoler et eux deux ne risquent pas de se perdre de vue, si bien qu’il y a de grandes chances pour que son frère finisse par demander à voir qui est cette fameuse Mavis dont le prénom revient toujours plus régulièrement dans les discussions. « Critique la dernière collection et ça ne fera qu’accélérer ton invitation. » Il se retient au dernier moment, lui qui s’apprêtait à ajouter “à la table de Norman” alors que Norman n’est plus, justement. Là où il est, il ne risque d’inviter personne et puisque cette idée amène un flot de tristesse chez Ambrose, il tente de la chasser rapidement, bienheureux que ce moment soit celui choisi par le personnel pour les amener à leur table.

Une fois assis, il est le premier à reconnaître que son sujet de discussion premier est d’un bateau et d’un ringard absolu. Pourtant, il a besoin de connaître la réponse, sans pour autant être capable d’en expliquer les raisons exactes. C’est viscéral. "Pourquoi, t’as besoin que je te fasse l’historique de tous mes rencards pour tenter de rivaliser ?" Au fond, oui, cela joue sûrement dans l’équation. Mais il n’y a pas que ça. « C’est juste que j’ai dix ans d’inconnu dans ta vie. » Ce n’est pas juste ça, mais c’est au moins une partie véridique des raisons derrière sa question. Il y a tant d’elle qu’il ignore, et il n’a plus assez confiance en l’Humain pour être capable de foncer tête baissée, maintenant. "Pas vraiment. Je suis aspirante neurochirurgienne, j’ai pas le temps pour ce genre de choses." Mots qu’il partageait avec sa famille ne le voyant pas ramener l’amour de sa vie à la maison, ni pas grand monde par ailleurs. Lui aussi est occupé. Différemment, il ne l’est pas moins, raison pour laquelle il ne cherche pas à creuser davantage et se contente d’hocher la tête. Elle n’a pas eu beaucoup d’histoire et il la croit, aussi simplement que ça, le prénom de Ruben représentant toujours une omerta entre eux.

"Qu’est-ce que t’essayes de me dire ?" - « Rien. » Le brun rétorque aussitôt, sans doute un brin sur la défense. Il sous-entend bien trop de sujets à la fois pour oser en parler à voix haute, parce qu’il passerait pour un fou et que tout le monde pense bien plus de choses qu’il n’en dit. Il veut lui dire qu’il ne cherche personne d’autre qu’elle, il veut lui dire qu’elle est suffisante, il veut lui dire qu’il n’a pas besoin de dix dates pour s’en rendre compte et il veut lui dire qu’il aimerait bien qu’elle en pense tout autant, pour qu’ils soient de fait sur la même longueur d’onde. Mais il répond simplement rien, parce que tout est plus facile ainsi. "Tu m’as l’air trop doué pour ça pour ne pas être coutumier du fait, toi, par contre." Il rétorque d’un rire nerveux. « Je suis un allumeur, donc ? » Il n’en rigole pas réellement, pas totalement, mais ses mots sont empreints d’une ironie bien réelle : elle pourrait répondre oui qu’il ne lui en tiendrait pas rigueur. A bien y repenser, ce ne serait pas beaucoup éloigné de la vérité. Il aime plaire, il aime être aimé. Il se lasse pourtant vite, lui qui n’est pas prêt à fournir autant d’efforts dans une relation que dans sa carrière. "T’étais sérieux quand t’as dit que tu traînais sur ce truc pour te chercher une femme ?" Sur ce sujet, il prend le temps de s’humecter les lèvres avant de répondre, son regard croisant celui de la jeune femme. « J’y étais pas pour les plans cul. » Il se tient de préciser qu’il n’a pas besoin d’une application pour savoir à qui envoyer de messages si une telle envie gronde en lui, mais l’idée est bien présente. « Mais c’est pas comme si j’avais cherché activement non plus. » Il y était pour se sentir désiré ; comme tout le monde sur ce genre d’appli, non ? « Pourquoi ? » Elle a le droit de parler sans filtre, il s’octroie le même droit à son tour. « Tu cherchais quoi, toi ? » Il penche légèrement la tête sur le côté, signe qu’elle a plus que jamais toute son attention. Elle l’a trouvé, lui, mais il est encore loin d’être certain de la cohésion d'ensemble de leurs desseins.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/jericho-gifs)

Tout juste Auguste, c’est le regard qu’elle lui retourna, index dressé comme un revolver droit dans sa direction, d’accord pour que le i de son prénom soit surplombé d’un petit coeur en pyrotechnie, même si ce n’était que dans leur imagination. D’habitude, elle savait à quoi elle jouait, maîtrisant les règles au point de faire croire à n’importe quel nigaud qu’elle les avait crées, mais ce soir, elle n’en avait qu’une vague idée. Elle ne voulait pas être le genre de femme qui pensait avec une partie précise de son anatomie, et ce n’était pas le coeur qui était impliqué ici. Elle ne voulait pas non plus que ce dernier soit soumis à la dure réalité des sentiments, se remettant de quelque chose qu’elle n’avait pas su anticiper correctement. Ceux qu’elle ressentait pour Ambrose, elle pourrait essayer de les nier autant qu’elle le voulait, ils existaient bel et bien. Malgré tout ce qui s’était passé la nuit dernière qui la rendait prompte à s’emballer, malgré ce qui grouillait en elle lorsqu’elle repensait à ses mains, à ses lèvres, à son nez dans le creux de son épaule, ils étaient doux et ils étaient purs, ses sentiments. Elle n’avait pas envie de rationaliser, de chercher une logique implacable à la facilité avec laquelle ils reprenaient les choses juste comme ça, en un claquement de doigts, alors qu’hier encore, elle croyait le détester autant qu’elle détestait Ruben — Mavis n’en était plus sûre ce soir. Ambrose lui donnait de l’attention, et elle la savait sincère. Serait-elle pérenne, cependant ? Elle n’avait pas envie d’espérer, sauf que sur l’instant, c’était tellement séduisant de se laisser porter et de couver tout contre elle le sentiment de ne pas avoir à faire grand-chose à faire pour qu’il daigne lui accorder tout ça, la laissant confirmer ce qu’elle savait déjà, et c'était qu'elle méritait d’être traitée comme ça.

Assise en face de lui, elle s’étonna de sa première question. Par instinct, elle lui en posa une à son tour, mais elle n’était pas sur la défensive pour autant. En fait, elle réalisa même qu’il avait raison, et lui proposa dans un soupir profond, qui n’était pas appelé par la lassitude, mais bien par la sérénité d’une soirée tiède sur l’avant d’un bateau dont l’ancre aurait pu être levée rien que pour eux si elle avait voulu se raconter des histoires "OK, on va faire quelque chose si t’es d’accord." Elle plia ses avants-bras sur la table, des deux côtés d’une assiette invisible, le bout de ses doigts marquant la cadence en passant de l’un à l’autre avec dextérité pendant qu’elle continuait "Je te laisse me poser toutes les questions que tu veux, mais c’est pas sans contrepartie." En effet, dix ans s’étaient écoulés, et à leur âge, ça avait des allures d’une vie ; ils avaient tant de choses à rattraper, que ça lui donnait le tournis. Elle pencha la tête, lui donnant sa fameuse contrepartie à respecter "Tu me laisses te poser toutes les questions que je veux aussi, et ça implique aucun tabou, aucune date butoir, ou circonstance en particulier. Qu’importe ce qu'on est en train de faire, si un truc nous passe par la tête, on se lance, et l’autre répond." Elle avait dit sans tabou, ça voulait dire que, même si l’obligation ne serait imposée à personne, la réflexion se devait d’être courte pour apporter à l’autre une réponse concise, honnête, qui ne sera pas enveloppée dans du beau papier doré.

Il semblait que ça avait déjà commencé, Mavis enchaînant les questions, Ambrose y répondant avec concision. Elle eut un sourire au rien qu’il lui offrit comme réponse cette fois et qui lui fit lui dire en retour "J’ai l’impression que c’est pas aussi simple que ça." Pourquoi avait-elle l’impression qu’il avait toujours quelque chose sur le bout de la langue ? Elle le savait bon orateur, elle le savait déterminé à faire passer ses idées, pourquoi se retenait-il de se servir de ses compétences dans sa vie privée, au point que parfois, il se laissait tout bonnement écrasé ? Pas là, la manière dont il rebondit sur sa réflexion la faisant réaliser qu’elle l’avait peut-être vexé. Elle ne comptait pas s’excuser, mais elle dit à sa suite "J’ai pas dit que t’étais un allumeur. J’ai dit que tu savais t’y prendre pour traiter ceux qui t’intéressent de la bonne façon, et que ça se voyait." Elle ne l’avait pas dit en ces termes, ses pensées cadraient pas mal avec tout ça toutefois, et elle voulait qu’il l’entende comme un compliment, pas comme un reproche. Bien qu’ils étaient toujours vides, elle attrapa l’un des verres disposés devant eux par le pied, puis elle le replaça au millimètre près la seconde d’après, ses yeux baissés remontant vers Ambrose qu’elle observa. Il devint plus vigilant lorsqu’elle l’interrogea sur ses intentions derrière son inscription sur l’application de rencontres qu’ils utilisaient tous les deux. Sa langue humecta ses lèvres, celle de Mavis se colla à son propre palais lorsqu’il rouvrit la bouche et que de la sienne sortit un léger rire, plus un souffle qu’elle ne réussit pas à retenir, tout comme ses paroles d’ailleurs "J’imagine que non. Tu sais qui appeler dans ces cas-là, hm ?" Elle ne put s’en empêcher, et peut-être qu’elle le regretta, cette fois. Mais elle ne s’attarda pas, se décalant légèrement de l’axe de la table lorsqu’elle se courba de nouveau en arrière pour s’adosser à sa chaise et faire prendre à son observation d’Ambrose un peu de recul. Ses lèvres marquèrent un sourire inversé quand il lui demanda pourquoi elle lui avait posé cette question en particulier, se basant simplement sur ce qu’il lui avait dit l’autre fois "Comme ça. J’ai toujours été curieuse, et je le suis là, c’est tout." C’était vrai, elle avait les mêmes intentions que lui en vérité, combler les années qu’ils avaient passé à ne pas se fréquenter, à faire leur bout de chemin chacun de leur côté sans imaginer qu’un jour, ils se retrouveraient à partager d’autres points communs que le milieu duquel ils venaient, que leur ambition respective. Elle marqua un temps à sa question suivante, n’oubliant pas que dans la proposition qu’elle venait de lui faire, réfléchir impliquait de le faire vite, quitte à être brute — elle ne le fût pas vraiment ici parce qu’elle n’en savait rien, ce qu’elle cherchait, dans cette cour des miracles dématérialisée "Je voulais juste essayer." Se rasseyant convenablement, elle retrouva sa position initiale : coudes sur le bord de la table, menton dans le creux de sa paume, petit doigt près de sa bouche, regard plongé dans celui du jeune homme, tandis qu’elle poursuivait, sereine malgré le tambour joué par son coeur dans sa poitrine "Miser sur la chance pour tomber sur quelqu’un de pas trop mal et voir un peu ce que je risquerais en me laissant tenter." Sans délai, elle haussa subtilement les sourcils, plus interrogative que jamais lorsqu’elle finit par lui demander "Je risque quoi, Ambrose ?"

« Y’a pas besoin de deal pour ça. » Se parler franchement et répondre franchement. Ils ne devraient jamais ressentir le besoin d’en faire une affaire conclue, pas vraie ? Pourtant, il n’en veut pas à Mavis de ressentir le besoin de le statuer à voix haute, parce qu’il est aussi bien placé qu’elle pour savoir qu’ils se disent tout sans jamais tout se dire, justement. Ils osent certains mots et certaines questions mais il reste persuadé qu’une immense zone d’ombre subsiste dans leurs vies et qu’ils cultivent cette obscurité en toute connaissance de cause. « Mais c’est ok. » Il ajoute malgré tout, ne voulant pas qu’elle puisse penser qu’il ne suivra pas son plan. Bien au contraire, il signe. Il ne sait pas s’il s’agit totalement d’une bonne idée, mais il veut croire qu’il s’agit d’un plan pour l’avenir. D’un bon plan.

Rapidement, il se souvient pourquoi il préférait les réponses vagues, encore incapable de jauger s’il va trop vite ou s’il se montre au contraire bien trop lent dans l’idée d’une relation avec Mavis, si bien qu’il se retrouve à répondre par un “rien” particulièrement utile dans cette situation. "J’ai l’impression que c’est pas aussi simple que ça." Ce n’est évidemment pas aussi simple que ça et il tend à lui faire comprendre par le regard qu’il partage avec elle, sans rien en dire de plus. Son index joue avec un défaut sur la nappe, une couture sortie de son axe qui titille la pulpe de son doigt. "J’ai pas dit que t’étais un allumeur. J’ai dit que tu savais t’y prendre pour traiter ceux qui t’intéressent de la bonne façon, et que ça se voyait." A ses yeux, il s’agit d’une explication qui se veut être du pareil au même, quand bien même elle se montre effectivement un brin plus flatteuse que le simple terme d’allumeur. « C’est le cas. » Il ne nie pas cette description faite de lui et ne donne pas tort à Mavis. Il aime caresser autrui dans le sens du poil et il aime quand cela finit par tourner en sa faveur, pour une raison ou pour une autre. Il aime ça au point d’en avoir fait son aspiration dans le monde du travail, puisque c’est bien ce dont est fait le métier de politicien. En réalité, il ne nierait pas non plus être un allumeur. Bien que le terme se montre infiniment moins flatteur, il pense qu’il n’est pas bien loin de sa description, et peu importe tant que cela ne regarde pas le monde entier.

La réponse de Mavis lui parvient telle une claque. "J’imagine que non. Tu sais qui appeler dans ces cas-là, hm ?" - « Aucun tabou, donc ? » Même sur le sujet de Ruben ? Est-ce que c’est vraiment ce dont elle a envie, elle qui déteste par dessus tout entendre toutes les histoires qui relient les deux hommes, tantôt par dédain, tantôt par jalousie, tantôt par Dieu sait quelle ribambelle de sentiments encore. Il s’enfonce contre son fauteuil, croise les bras, attend avec plus de sérieux que jamais la réponse de Mavis : est-ce qu’elle veut sincèrement s’aventurer sur ce terrain-là ? Il lui a dit ne pas s’être inscrit sur ce site de rencontre pour trouver des coups d’un soir et il le pense, mais elle a tout aussi raison lorsqu’elle statue qu’il ne cherche pas ce genre d’histoire justement parce que Ruben se suffit à lui-même sur ce sujet - quand il n’évite pas tous les messages et appels d’Ambrose, mais cela reste un autre sujet. "Comme ça. J’ai toujours été curieuse, et je le suis là, c’est tout." Bien qu’il pense qu’elle est effectivement d’une curiosité rafraîchissante, il pense aussi qu’elle a beaucoup d’idées derrière la tête et qu’il n’y a pas que ça. Malgré tout, il n’en dit pas davantage et se contente de cette explication, laquelle lui suffit. "Je voulais juste essayer." Elle n’a jamais eu de temps à accorder à des relations humaines, il l’a entendue, il l’a comprise. Elle voulait essayer ; Ambrose hoche la tête. "Miser sur la chance pour tomber sur quelqu’un de pas trop mal et voir un peu ce que je risquerais en me laissant tenter." La suite de sa phrase, il la devine aisément, si bien que son esprit parle en même temps que Mavis. "Je risque quoi, Ambrose ?" Il ne prend même pas le temps de finir son inspiration qu’il lui répond déjà, sans doute pressé de crever l’abcès. « J’ai jamais connu de happy ending. » Il a brisé le cœur de toutes les personnes qui ont croisé son chemin. Il y a deux maigres exceptions, dont une qu’elle connaît déjà. Le reste, absolument tout le reste, il s’est appliqué à écraser leurs espoirs et sentiments dans le creux de sa main, usant et abusant souvent de ses ambitions politiques pour l’expliquer. Même Cassie, au final, n’a pas échappé à cette règle alors même qu’ils ne s’aiment pas : il l’a plaqué, comme tous les autres. « Et j’y suis pour quelque chose. » Il ne jouera pas la carte du Calimero. Pas face à Mavis. « Et si je devais expliquer ça, je dirais que c’est parce que je suis pas foutu de tourner la page. » Parce que depuis le jour où il est tombé amoureux de Ruben, il n’a jamais su passer à autre chose. Et c’est peut-être de ça dont il a besoin, au final: d’une personne qu’il aimait avant même de savoir qu’il pouvait aimer les hommes, et surtout un en particulier. « Mon diagnostic, c’est un risque de cœur brisé. » Il le dit sans fierté aucune, n’ayant pas envie de jouer ce genre de rôle, encore moins avec Mavis. Ce n’est pas en brisant le coeur des gens qu’on peut se faire apprécier. « Mais je dirais aussi que t’as une chance d’être immunisée, parce que… t’es toi. » La métaphore médicale n’ira pas plus loin, sa connaissance du milieu n’égalant certainement pas la sienne. « Et moi Docteur ? » Qu’est-ce qu’il risque, lui ? Quitte à se montrer transparents, l’heure est sans doute bienvenue pour ce genre de discussion.

Finalement, avant de la laisser répondre il inspire rapidement et lève son index pour marquer sa prise de parole imminente. « Tu sais ce dont j’ai envie avec toi, je te l’ai pas vraiment caché. » Il a des sentiments pour elle, il a une affection évidente, et il n’est pas du genre coureur de jupons à miser sur plusieurs chevaux en même temps pour décider au dernier moment lequel mérite réellement son investissement. Malgré tout, il sait qu’il existe une ombre au tableau et il veut qu’elle en soit consciente, elle aussi. « Mais je compte pas arrêter de le voir. » Il n’en serait de toute façon pas capable, alors il a lâchement et simplement décidé de ne pas lutter.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/jericho-gifs)

Les bases venaient d’être posées. Ils se parleraient sans détour. Ça lui faisait un peu peur à Mavis, elle qui avait toujours tendance à jouer pour parvenir à ses fins, elle venait de mettre elle-même en place un piège duquel elle ne réussirait pas à se dépêtrer. Elle remarqua la réserve d’Ambrose lorsqu’elle l’interrogea sur ce rien qu’il avait laissé échapper, se perdit un instant dans les explications silencieuses qu’il lui donna en se mordant le bout de la langue pour ne pas lui faire remarquer que c’était exactement pour ça que c’était important de mettre des règles en place pour qu’ils puissent se parler. Tous les deux, ils avaient trop l’habitude d’évoluer sous le couvercle rassurant du secret que leur premier réflexe, ce n’était pas d’être sincères, mais de réfléchir au meilleur moyen de garder le contrôle de l’image qu’ils reflétaient et qui était importante à leurs yeux, quoi qu’ils prétendraient pour s’en défendre. Elle dériva son regard du sien, observa un long instant la dextérité qu’il appliquait à la tache qu’il laissait ses doigts accomplir, eut peut-être quelques flashbacks de la nuit dernière, tandis qu’il traquait le pli disgracieux sur la nappe qui drapait la table qu’ils partageaient. Elle se somma de reprendre contact avec l’instant présent, songea immédiatement que l’explication qu’elle-même venait de lui donner sur ce qu’elle pensait de son talent pour les rencards n’était pas suffisante pour qu’il le prenne pour un compliment. Tant pis. Contrairement à lui, elle n’avait pas l’habitude de caresser qui que ce soit dans le sens du poil, aussi devait-il se contenter de ça pour comprendre qu’elle ne l’insultait pas.

Elle le fit peut-être un peu quand elle mentionna Ruben sans vraiment le faire, parlant de lui comme d’une entité qui ne fallait pas nommer, un Tu-Sais-Qui mystérieux qu’elle n’osait même pas prononcer. Presque brusquement, en un battement de cils, ses yeux se reposèrent sur Ambrose pour sonder à quel point il était prêt à aller dans les détails à ce sujet. S’il laissait cette porte ouverte, elle le drainerait jusqu’à la dernière goutte ; elle lui demanderait comment ils s’étaient rencontrés, combien de temps ils étaient restés ensemble, s’ils avaient des projets d’avenir et ce que ça lui avait fait d’apprendre qu’il l’avait remplacée par l’autre, cette femme qui était une ennemie pour elle, qui n’était qu’une victime pour lui. Aucun tabou, donc, elle haussa les épaules "Sauf si t’as des choses à cacher." Spontanément, elle se cala sur sa posture. Mavis croisa les bras sur sa poitrine en s’enfonçant dans sa chaise, ses yeux ancrés dans sa direction, les remous du bateau ne la gênant pas pour rester droite, stoïque, déterminée à garder solidement les pieds au sol malgré ce que ça lui ferait d’être confrontée aux souvenirs de quelqu’un qui avait partagé une vraie relation avec Ruben. Se cachaient-ils à l’époque, se disaient-ils des secrets, se faisaient-ils des promesses ? Elle ravala ses questions, répondant à celles d’Ambrose qui avait toute son attention.

Elle se courba de l’autre côté, et même si la table les séparait, elle avait comme l’impression de s’être soudainement rapprochée de lui. Un coude vissé à la table, elle le regarda enchaîner sur la réponse à la question fatidique dont elle venait de le gratifier, assurant ses arrières pour ne pas se lancer à l’aveuglette dans quelque chose qui ne lui faisait pas peur, mais qu’elle savait suffisamment dangereux pour que, pour une fois de sa vie, elle choisisse de prendre ses précautions. Il n’hésita pas, comme l’imposait les règles de leur nouveau jeu, et elle l’écouta attentivement. Il se plaçait en responsable de sa malédiction à ne pas connaître les fins heureuses. Elle aurait voulu commenter que ça la changeait d’entendre un homme prendre ses responsabilités, n’ayant connu que l’inverse au cours des deux dernières années, mais elle s’abstint puisque c’était moins ça qui l’intéressait que le reste. Elle lui avait demandé ce qu’elle risquait à se laisser tenter, et elle voulait sa réponse, pas une synthèse de la vie amoureuse désastreuse d’un homme qui avait pourtant tout pour la réussir, cette vie. Elle arqua un sourcil à l’instant où la sentence tomba, se laissa à rire en prenant sens que, lui aussi, considérait qu’elle pouvait tout supporter, même qu’on lui brise le coeur. Cette fois, elle ne se retint pas de commenter, sa voix se faisant murmure, sa mine légèrement sarcastique se fronçant adorablement en même temps "Parce que je suis incroyablement mature pour mon âge et que je comprends tout sans qu'on s’échine à m’expliquer, hm ?" De fait, elle ne prenait rien personnellement ; jusqu’à ce qu’elle le fasse, et que sa rancoeur se transforme en vendetta. Ouais, elle la connaissait bien, cette réplique là. Elle secoua la tête "Que je sois forte, c’est pas une invitation à me faire des crasses. J’attends mieux que ça." J’attends mieux de toi, laissa-t-elle son regard préciser, s’autorisant à être exigeante parce qu’elle l’avait toujours été de toute façon, à quoi bon le cacher.

Il lui retourna sa question, elle se prépara à lui répondre, mais se fit couper l’herbe sous le pied par son interrogateur lui-même. La bouche entrouverte, les yeux levés vers lui, elle inclina la tête sur le côté pour l’observer sous un angle différent "Tu m’as pas caché que tu voulais me sauter, ça c’est vrai." Et il l’avait fait par ailleurs. Ça faisait un point pour lui "Et ça te paraît peut-être clair, mais ça l’est pas pour moi. J’en ai connu d’autres, des plans comme ça." Un seul en vérité, celui qui avait commencé par personne ne doit savoir, de la discrétion, pas de sentiments et qui avait terminé par je t’aime, mais je l’aime plus que toi. De nouveau, elle verrouilla son regard au sien pendant quelques instants, ne le pressant pas à reprendre la parole tout de suite, attendant juste qu’il cesse de parler en énigme comme l’exigeait le marché qu’ils venaient de passer. Il lui avait donné une clef de son appartement, il lui avait bien dit ne pas aimer qu’elle traîne sur les applications de rencontres, il lui avait bien dit avoir supprimé la sienne de son côté, mais c’était des gestes et des informations génériques qui conviendraient à n’importe quelle autre, elle avait besoin de plus que ça. Et elle l’obtint, mais pas sous la forme qu’elle attendait. Elle secoua la tête, la baissant en même temps tandis que ses yeux rompaient enfin le contact visuel avec ceux d’Ambrose. Pendant quelques secondes à peine, Mavis resta là, à secouer la tête, sa lèvre inférieure mordue, prisonnière de ses dents de devant, pendant qu’elle recevait une entaille de plus. Pas dans son coeur, dans son ego, qui ne supportait pas qu’il se montre aussi catégorique sur quelque chose qui le faisait souffrir pourtant. La question lui avait traversé l’esprit bien sûr, sauf qu’elle aurait aimé la soulever elle-même et ne pas se prendre brutalement la résolution de quelqu’un à ne pas lutter en pleine figure.

Elle s’échina à ne pas lui dire qu’elle le trouvait lâche, faible, mais elle le pensait sur l’instant. Elle n’avait pas l’intention de se montrer conciliante, même si elle savait que c’était difficile de se défaire de l’emprise de Ruben, même si elle savait ce que ça faisait d’être le centre de son univers le temps des minutes qui étaient passées en sa compagnie. Prenant sur elle pour ne pas blesser Ambrose comme il venait de la blesser, tenant assez à lui pour contenir son ressentiment, elle lui dit en relevant la tête "Et moi je compte pas être traitée comme une option toute ma vie." Si ce n’était pas assez clair, elle était en train de lui dire que c’était tant mieux pour lui, mais non merci. Elle ajouta, reprenant le fil de ce à quoi il l’avait empêché de répondre pour lui dire ça là, ce qu’elle n’avait pas envie d’entendre "Tomber amoureux de moi, c’est ça que t’aurais risqué. C’est ce que lui a fait, même s'il te dira le contraire." Terminant sa phrase avec plus de sérieux qu’elle ne l’aurait voulu, elle se tortilla sur sa chaise pour fureter un instant dans son sac et en sortir la clef qu’il avait donné il y a quelques heures à peine. Elle la fit glisser dans sa direction du bout de son index, lui disant en même temps "Je suis pas la seule à mériter mieux que ça, tu sais." Sous-entendu que lui aussi. Le pire, c’était qu’il ne réalisait pas à quel point, et c’était curieux venant d’elle, mais ça la rendait tellement triste qu’elle le sentait en effet, son coeur se briser. Elle ne s’en inquiéta pas toutefois, continuant sur sa lancée "Mais c’est ton choix, et je le respecte. T’auras qu’à lui donner, il en fera meilleur usage que moi."

"Sauf si t’as des choses à cacher."
”Pas avec toi.”

Il répond laconiquement. Ce n’est pas une tournure toute trouvée pour faire plaisir à Mavis mais bien la vérité: il ne pourrait pas en dire de même face à qui que ce soit d’autres mais il sait au moins que la jeune femme face à lui sait que tout a un prix et surtout le succès. Elle sait aussi que ce prix est élevé. Si quelqu’un peut le comprendre, c’est elle. Elle pourrait juger certaines de ses décisions douteuses ou mal raisonnées, mais elle en comprendrait le fond. Sauf sur le sujet de Ruben, sûrement: là, il n’y a rien de raisonné ni de raisonnable, il n’y a rien à expliquer de façon stratégique non plus. Il était jeune, con et amoureux et si maintenant il est un peu moins jeune, tout le reste n’en est pas moins valable.

La réponse arrive lentement mais sûrement lorsqu’elle l’interroge sur les risques et il se trouve à parler à l’allure où il réfléchit, ne ressentant pas le besoin d’exercer un filtre trop puissant sur ses mots. Il y en a un, oui, toujours, mais elle a le droit au tableau complet et presque totalement exhaustif : il ne lui promet pas le paradis, encore moins la perfection. "Parce que je suis incroyablement mature pour mon âge et que je comprends tout sans qu'on s’échine à m’expliquer, hm ? Que je sois forte, c’est pas une invitation à me faire des crasses. J’attends mieux que ça." La réponse ne lui plaît de toute évidence pas et il ne lui en tient pas rigueur, bien conscient que la conclusion de “tu es toi” manque d’explications. Il espérait simplement qu’elle savait avoir une meilleure place dans l’estime d’Ambrose plutôt que celle d’une femme seulement forte. Des comme ça, il en connaît beaucoup de par son métier, mais aucune n’est Mavis. ”C’est pas ce que je dis.” Elle est mâture, elle est intelligente et oui, bien sûr que ces deux points jouent dans la balance. Malgré tout, ils ne sont que deux parmi tant d’autres, et à aucun instant il pensait en venir à la finalité qu’il aurait davantage la possibilité de faire des crasses à Mavis plutôt qu’à d’autres. ”Tu me pousses à donner le meilleur, au contraire.” Elle est exigeante, intransigeante. Elle ne laisse rien passer, et elle fait partie des rares face à qui il ne souhaite pas échouer, et dans le regard de qui il refuse de voir une lueur de déception. C’est aussi ça Mavis, pour lui. Elle est un moteur, entre bien d’autres choses. ”Et tu me pousses aussi à travailler sur ma patience, je vais pas te mentir.” Il ajoute dans un sourire en coin, bien plus amusé dans son propre esprit qu’il ne tente d’amuser Mavis. Si elle a une chance d’échapper à la conclusion générale, c’est pourtant pour une seule raison bien précise. ”Parce que j’ai vraiment envie que ça fonctionne.” Il appréciait ses autres histoires sur l’instant où elles étaient vécues mais il n’arrivait jamais à visualiser plus loin. Elles avaient ce quelque chose en trop, ce quelque chose d’absent. Aucune n’avait l’étoffe suffisante avant elle.

"Tu m’as pas caché que tu voulais me sauter, ça c’est vrai." - ”Rappelle moi qui a fait le premier pas.” Il n’a pas hésité un seul instant à la sauter, évidemment, mais il répond froidement pour lui faire comprendre qu’il n’a pas uniquement réfléchi avec ses désirs primaires. L’idée était toujours présente dans un coin de son esprit, depuis le premier jour où ils ont repris contact, mais il aurait accepté qu’elle ne reste qu’une idée. "Et ça te paraît peut-être clair, mais ça l’est pas pour moi. J’en ai connu d’autres, des plans comme ça." Il aurait aimé qu’elle ait davantage confiance en lui, sur ce point là. Il aurait aussi aimé ne pas être associé à “d’autres” et à “des comme ça”, mais il ne s’en formalise pas davantage, sans doute parce qu’il sait que la conclusion qu’il a à apporter de son côté est bien plus assassine que les doutes évoqués par Mavis. Il sera toujours là, et ce n’est pas négociable. "Et moi je compte pas être traitée comme une option toute ma vie." Il sent la discussion lui filer entre les doigts, Mavis étant toujours plus prompt à prendre des décisions à chaud qu’il ne l’est lui-même. ”T’es pas mon option.” Ambrose rétorque dans le vif de la discussion, ses mots sans doute perdus au milieu du flot continu de paroles de la blonde. Pourtant c’est vrai, il ne la considère pas comme son option, il ne la voit pas comme tel non plus. "Tomber amoureux de moi, c’est ça que t’aurais risqué. C’est ce que lui a fait, même s'il te dira le contraire." Et c’est ce qu’elle a fait en retour envers Ruben, même si elle lui dirait le contraire. Le serpent se mord la queue, peu importe le point de vue pris. Ambrose, lui, se mord la lèvre lorsqu’il comprend qu’elle cherche la clé au fond de son sac et il serre un peu plus quand c’est effectivement ce qu’elle en sort et lui tend. "Je suis pas la seule à mériter mieux que ça, tu sais." Au fond, il le sait très bien. Il n’y a rien dont il se montre fier dans ce qu’il partage par intermittence avec Ruben. "Mais c’est ton choix, et je le respecte. T’auras qu’à lui donner, il en fera meilleur usage que moi." Il dévisage la clé un instant avant de reprendre aussitôt. ”Est-ce que je t’aurais intéressé si j’avais pas été un moyen de le rendre fou de rage ?” Sa tête bascule à nouveau sur le côté, signe qu’il est plus que jamais attentif à ses mots. Ils avaient pris le temps de se retrouver avant que la vérité n’éclate mais tout s’est accéléré après cet aveux seulement, entre deux disputes en venant à les laisser exercer un silence radio. Il ne dit pas que tout a été facile mais il dit tout de même qu’ils ont leur date et que Ruben bouillonne de rage dès qu’il est question d’eux deux. ”Je sais qu’un de vous deux doit rester dans l’ombre.” Il n’abandonne toujours pas l’idée de fréquenter Ruben. Promettre le contraire ne serait qu’une façon de se forcer à mentir à Mavis tôt ou tard, alors il n’essaye même pas. ”Et c’est à toi que j’ai donné cette clé.” Juste à elle, si bien qu’il refuse de la reprendre et la laisse plutôt trôner sur la table entre eux. ”C’est pas toi, l’option.” Bien d’autres couples ont fonctionné de cette façon avant eux, et notamment des couples de pouvoir. Ce n’est qu’une formalité, ce n’est qu’une phrase dans l’histoire. ”Je m’imagine aucune vie avec lui.” Aucune vie publique, du moins. Il se l’imaginait au début de leur histoire mais maintenant l’idée est morte et enterrée, ce qui lui permet sans doute de ne plus avoir le moindre espoir de quoi que ce soit avec Ruben ; ce qui lui permet sans doute aussi de simplement profiter de ce qui lui est offert et l’accepter tel quel. ”Mais je m’imagine être vraiment amoureux de toi.” Le terme est trop fort pour ce qu’ils vivent à l’instant présent mais il l’imagine sans mal pour l’avenir. ”Reprends ça, s’il te plaît.” Ils n’ont pas besoin d’une clé en guise d’épée de Damoclès.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/jericho-gifs)

Ambrose n’avait rien à lui cacher. Elle l’avait parfaitement entendu, sa réponse, bien que laconique, ne tombant pas dans l’oreille d’une sourde. Elle continua d’ailleurs de les garder bien ouvertes, ses oreilles, alors que de l’autre côté de la table, il continuait sans qu’elle n’en perde la moindre goutte, suspendu à ses lèvres qu’elle regardait remuer en se demandant comment se terminerait tout ça. C’était une histoire de quitte ou double, son point de fusion vacillant entre état solide et liquide, son coeur ne sachant pas très bien si elle devait s’émouvoir ou s’agacer de ce qu’il était en train de lui dire. Elle adorait Ambrose, elle adorait son esprit, mais elle n’était pas aussi tendre que lui, à considérer que les caresses se devaient d’être mielleuses pour atteindre celui qu’elle avait en face d’elle. Elle avait l’amour-vache Mavis, elle ne savait pas aimer sans détester un peu, et sur l’instant, elle ne savait pas très bien dans quel état se mettre pour supporter ce qu’elle était en train d’entendre, et ça la déstabilisait en plus de la challenger. Il lui disait qu’elle mettait sa patience à rude épreuve, elle pouvait aisément lui retourner le compliment — ça en était un, pas vrai ? Elle fronça les sourcils, une nouvelle question lui traversant l’esprit "Pourquoi maintenant ?" Pourquoi avait-il envie que ça fonctionne maintenant quand dix ans étaient passés sans qu’il ne daigne lui accorder la moindre attention ? Est-ce que réaliser que l’homme qu’il aimait de tout son coeur ne lui donnerait jamais rien d’autre que des miettes le poussait à ouvrir son esprit à d’autres éventualités, ou était-il en train d’essayer de l’endormir pour la garder à ses côtés, apeuré de la voir déjà filer ?

Elle se retint de le contredire au sujet de ses velléités de la mettre dans son lit, ayant pourtant sur le bout de la langue la véracité des faits qui s’étaient déroulés dans la nuit : elle était venue chez lui, et elle l’avait invité à la rejoindre sous la douche, c’est vrai, seulement c’était bel et bien lui qui avait lancé les hostilités en l’embrassant. Elle en avait envie, elle ne lui avait pas menti en lui avouant qu’elle y avait toujours pensé, mais elle n’aurait rien initié d’autre s’il ne l’avait pas fait, plus attirée par la braise que par le feu. La preuve, elle battit en retraite, échaudé par la mise au point qu’il venait de faire, pas prête à se laisser consumer par la flamme destructrice qui portait le nom de Ruben et qui marquait la fin de quelque chose qui avait repris il y avait à peine 24 heures. Elle n’était pas prête à se lancer dans une histoire qui la placerait à nouveau dans le rôle de la suppléante, elle n’avait plus envie, jamais, de tenir ce rôle dans n’importe quelle conjoncture, et c’était une promesse qu’elle se faisait à elle-même ; qu’il lui assure qu’elle n’était pas son option, ça déclencha quelque chose dans son bas-ventre, un courant électrique qui lui fit serrer les jambes et fixer le jeune homme avec résolution, et pourtant elle décida de rester de marbre, craignant la couleuvre qu'il tenterait de lui faire avaler pour l’amadouer. Avait-elle un problème de confiance envers autrui ? Depuis quelques mois, sans doute que oui. Elle ne s’en soucia pas sur l’instant, résolue à camper sur ses positions, cherchant à se soigner des blessures que Ruben lui avait causées au cours des dernières mois. Elles étaient encore à vif, elle craignait que son savoir en la matière n’était pas assez étendue pour accepter d’en recevoir de nouvelles qui feraient juste empirer les anciennes, et empirer leur guérison.

Elle fronça plus fort les sourcils lorsqu’il lui demanda s’il l’aurait intéressé s’il n’avait pas été un moyen de rendre Ruben fou de rage. Elle lui fit sans délai "Sois pas injuste." Elle ne le laisserait pas penser ce genre de choses. Elle le laisserait encore moins émettre un quelconque jugement en sa défaveur quand chacun d’eux semblait pourvu d’une morale discutable, moins intéressés par les impacts de leurs actes que par leur petite personne. Elle précisa, résolue "J’ai jamais parlé de toi avec lui, pas même quand il a insisté pour savoir comment on se connaissait. J’ai gardé ça pour moi, je t’ai laissé faire ce que tu voulais, et je t’ai posé aucune question à ce sujet." Qu’il lui dise le contraire s’il osait. Plus intensément que les dizaines d’autres fois où elle avait sondé ses yeux à distance, elle y plongea les siens "M’accuse pas de me servir de toi. Je suis pas un ange, mais je suis pas lui." Elle avait joué avec leur histoire lorsqu’ils s’étaient tous les trois retrouvés à la même table, mais avant ça ? Mavis n’avait jamais tiré parti de son lien spécial avec Ambrose pour faire enrager Ruben. Elle aurait pu, qu’il se pose la question était légitime, mais ce n’était pas moins blessant tant elle avait fait tout son possible pour préserver ce qui leur appartenait à eux, et eux seuls. Elle sentait qu’il n’avait pas terminé. Elle lui laissa la place de s’exprimer, restant accoudé d’un seul côté à la table, sa tête doucement inclinée sur le côté, les traits toujours un peu tendus. Elle ne retint pas le petit rire qui fila d’entre ses lèvres lorsqu’il parla d’ombre, lorsqu’il lui précisa que c’était à elle qu’il avait donné la clef de chez lui. Les yeux de Mavis glissèrent sur cette dernière, trônant au centre de la table, lui demandant en même temps "Je suis quoi ? L’élue ?" Elle plissa les paupières en remontant graduellement son regard dans sa direction "Parce que je suis une femme, c’est ça ?" Elle n’était pas naïve, et la haute-société était sacrément rétrograde ; il devait y avoir de ça dans la volonté d’Ambrose de préférer s’afficher avec elle qu’avec Ruben, elle en était certaine, et c’est bien pour ça qu’elle restait sur ses gardes, même quand il lui répéta qu’elle n’était pas son option. Elle marqua un vrai temps de réflexion, le fixant toujours en essayant de ne pas se laisser conter une belle histoire par ce qu’elle voyait briller dans ses yeux, par cette beauté à laquelle elle était sensible ni par leurs souvenirs communs qui restaient importants et doux à son coeur. La voix basse, la tête remuant de droite à gauche, ses traits se plissant tous en même temps, elle reprit "J’ai envie d’y croire, mais je sais pas, Ambrose. Je repense à ce qui s’est passé au gala, et ce que t’es en train de me dire, ça colle pas avec le souvenir que j’en garde." Il arguerait qu’elle l’avait chassé, et c’était vrai. Mais il avait choisi de suivre Ruben plus tôt avant ça, et ça l’avait marquée parce qu’il n’avait pas hésité une seule seconde à faire de lui le centre de son monde le temps de quelques secondes. Dans ces cas-là, comment croire qu’elle n’était pas une vulgaire option quand il était capable de la délaisser de cette façon ? Elle continua "Tu t’imagines amoureux de moi, mais pas aussi amoureux de moi que tu l’es de lui." Elle anticipait la gifle, laquelle finirait par lui être assénée, elle en était persuadée "Je veux pas être la plus impliquée. Je veux pas entendre dire à un moment donné que je le suis justement trop et que malgré tout, je peux pas rivaliser." Elle ne voulait pas tout donner pour ne rien recevoir, elle ne voulait pas se mettre en danger pour recevoir un bouquet d’épines en guise de remerciements, et ça, elle était sûre qu’il le comprendrait. Il le fallait, parce qu’elle n’avait pas envie de le lui expliquer maintenant, sentant une pression singulière peser dans le fond de sa gorge lorsqu’elle mettait en parallèle ce qui s’était passé lors de sa dernière discussion avec Ruben et qui était le point de départ de ses craintes immédiates. Elle déglutit, pinça les lèvres durant quelques secondes, et enfin elle lui dit, refusant de répondre à sa requête avec les paupières lourdes, mais la voix sûre "Non, pas tout de suite. Je préfère qu’on termine la soirée avant de me décider à la garder."

Pour la première fois depuis longtemps, Ambrose ne comprend sincèrement pas. Il ne comprend pas d’où vient la question, d’où vient ce "Pourquoi maintenant ?" dont il n’arrive pas à cerner l’origine. Il ne sait pas s’il doit y voir une simple question sincère ou bien une remise en question de la sincérité de leurs discussions et des moments passés ensemble. Ses sourcils se froncent lentement, il arrête même de malmener la nappe en tissu du bout de son ongle. "Parce que je te connais." Il a pris du recul, elle aussi. Ils ont vécu, ils ont grandi, ils ont découvert d’autres choses et d’autres personnes. Ils se sont découverts eux aussi au passage, sûrement, et cela permet aujourd’hui de faire dire à Ambrose qu’il sait plus que jamais à quoi s’attendre à imaginer une relation avec Mavis. Il connaît les côtés positifs, il connaît les côtés négatifs aussi. Dire qu’il a pensé à elle durant tout ce temps serait un mensonge mais il ne l’a jamais complètement oubliée et loin de là. Peut-être qu’il avait simplement besoin d’un coup de main du destin pour se reprendre. "Ca m’a paru évident." Depuis qu’ils ont repris contact, il n’a jamais gardé trop loin cette idée dans son esprit. "Pas toi ?" Elle est celle qui lui fait passer un interrogatoire, raison pour laquelle il se sent légitime à lui renvoyer la question.

Le contre-coup l’étonne mais ne lui fait pas peur. Mavis n’a jamais eu peur de marquer ses positions, il l’entend sans mal. "Sois pas injuste." Et il ne le sera pas davantage, voulant croire en ce qu’elle lui annonce quand elle assure ne jamais parler d’Ambrose avec lui, quand bien même cette idée se veut peut-être plus vexante qu’autre chose au final. Il aurait adoré être un de leurs sujets de conversation, dans le fond. "M’accuse pas de me servir de toi. Je suis pas un ange, mais je suis pas lui." - "Doucement, c’est le procès de personne." Il refuse qu’on se serve de lui pour expirer une rage contre Ruben, quoiqu’elle lui semble tout à fait légitime. "Je suis quoi ? L’élue ?" Est-ce qu’elle a besoin d’un titre pour être rassurée ? Il se pose à son tour la question une seconde de plus, évidemment pas assez stupide pour répondre qu’elle est effectivement l’Elue. Ce n’est pas ce dont il s’agit. Il l’a choisie, oui, mais cela n’a rien à rapprocher d’une quelconque théologie ou quoi que ce soit associé au divin, au destin, aux astres ou Dieu sait quoi encore. "Parce que je suis une femme, c’est ça ?" Et elle sait qu’il y a une part de ça, tout comme Ambrose ne cherche pas à le nier complètement. Il y a de ça, mais il ne peut pas la laisser croire qu’il n’y a que ça. "Tu crois que je me posais la question quand j’avais quinze ans ?" En réalité ? Oui, quand même. Il se demandait si les personnes dont ils se rapprochaient pourraient devenir sa femme et élever une famille à ses côtés. Il était aussi un brin trop romantique, un brin trop naïf, mais tout n’était pas nécessairement corrélé à la politique - juste “beaucoup”. "T’es toi et y’a une chance pour que tu m’aimes au-delà de tout le reste. Ca me semblait être très suffisant." Elle n’est pas déjà mariée, elle n’est pas un homme, et surtout il y a une chance pour qu’elle puisse l’aimer sans qu’il reste dans l’ombre d’une autre. Ca, et tout ce qu’elle est pour elle-même, sans qu’Ambrose tente de chercher en autrui ce que Ruben n’aurait jamais pu lui offrir, même si ça avait fonctionné entre eux.

"J’ai envie d’y croire, mais je sais pas, Ambrose. Je repense à ce qui s’est passé au gala, et ce que t’es en train de me dire, ça colle pas avec le souvenir que j’en garde." Il se renfrogne et soupire lentement, semblant maintenant comprendre qu’aucun argument ne semble être suffisant pour retrouver la confiance de Mavis. Et s’il comprend le fond de sa peur, il ne va pas plus loin, persuadé qu’il a agi pour ne pas faire de vagues, qu’il est allé chercher un verre au bar avec lui mais a rejoint la table dans un temps particulièrement raisonnable. Ce n’est pas comme s’ils s’étaient éclipsés pour aller aux toilettes, ce qui aurait totalement pu être plausible si elle n’avait pas été impliquée. "Tu t’imagines amoureux de moi, mais pas aussi amoureux de moi que tu l’es de lui." - "Non, me fais pas dire ce que j’ai pas dit." Cette remarque là, il ne la laisse pas exister une seule seconde avant qu’il y ajoute son avis contraire et bien différent. Il peut l’aimer, il peut le faire sans le moindre effort, et il peut le faire à un niveau égal à celui de Ruben. Il peut faire les deux en même temps, il en est persuadé. "Je veux pas être la plus impliquée. Je veux pas entendre dire à un moment donné que je le suis justement trop et que malgré tout, je peux pas rivaliser." Et enfin, il hoche la tête, murmurant un “ok” convaincu. Maintenant, enfin, il comprend le fond de ses craintes, sans doute parce qu’il en connaît des similaires. "C’est promis." Son coude se pose sur la table, son petit doigt décalé du reste de sa paume pour qu’elle le serre du sien en retour: c’est promis et il veut que ce soit aussi acté. Il ne peut pas lui promettre monts et merveilles, mais il peut au moins lui promettre le respect. "Je suis impliqué aussi." A son tour, il n’a pas envie qu’elle pense le contraire. Il a besoin de Ruben dans l’équation, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas impliqué, qu’il l’aimera moins. "Non, pas tout de suite. Je préfère qu’on termine la soirée avant de me décider à la garder." La clé continuera donc de trôner sur la table en attendant, parce qu’il ne compte pas y toucher le moins du monde. Tout dans la façon dont elle avance ses mots lui fait dire que la décision est déjà prise de garder cette clé mais il refuse de s’en vanter, ni de s’avancer de trop. Il connaît un peu trop son tempérament pour ça. "Qu’est-ce que t’attends ?" Elle a statué ce qu’elle ne voulait pas, elle a précisé tout ce à quoi elle refuserait de s’abaisser, mais elle n’a pas simplement dit ce qu’elle attendait d’une relation, de leur possible-probable-future-relation. "Qu’est-ce qui t’a toujours manqué ?" Pour enfin tisser une vraie relation, finalement. "Je te vends pas monts et merveilles." Si elle a besoin d'une relation qu'il ne peut pas lui offrir, il pense être en capacité de simplement le lui dire et lui souhaiter de trouver sa bonne personne.

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C’était un peu curieux, la manière dont Ambrose paraissait sûr de lui à son sujet. Elle avait du mal savoir si ça lui était dicté par ce qu'ils avaient fait la nuit dernière, bien qu’elle avait trop de respect pour lui pour le croire sincèrement aussi trivial dans sa façon de distribuer son affection, ou si c’était ce qu’ils avaient vécu dans le passé qui l’incitait à être aussi catégorique dans son choix immédiat de réponse. Ça ne la rendait pas perplexe dans le sens péjoratif du terme, ça la rendait simplement plus curieuse encore de connaître la moindre nuance de son ressenti, admettant sans mal que ça flattait son égo d’être la source directe des certitudes qu’elle voyait défiler dans ses yeux dont elle ne réussissait pas tout à fait à se défaire, ramenée à eux à chaque fois qu’il prenait la parole. Elle inclina la tête sur sa propre épaule, brisa enfin le contact de son regard avec le sien le temps de se reconnecter à ce qu’elle, elle ressentait, lorsqu’il la questionna en retour. Honnête, elle voulait à tout prix le rester, alors elle lui dit après avoir pris une profonde inspiration "Je me suis pas penchée dessus à l’instant où on s’est revus." Elle avait besoin de connaître les intentions d’Ambrose, elle comprenait sans mal qu’il ressente le même besoin de son côté. Elle lui avait dit qu’elle lui donnerait des réponses claires, elle se tenait à sa parole sans y passer un joli ruban autour, quitte à endosser le mauvais rôle, ou du moins, celui de la jeune femme pragmatique qu’elle était devenue à force d’évoluer dans un milieu qui demandait un tantinet de faculté d’analyses pour résoudre des énigmes. Elle haussa doucement les épaules, continuant de lui expliquer avec patience "Tu venais de perdre ton oncle, et quelques temps après, j’ai appris qu’on fréquentait le même homme. L’évidence s’est pas invitée dans l’équation tout de suite, même si ça m’a paru plutôt naturel par la suite, c’est sûr." Et alors ? Où allait-elle avec tout ça ? Elle n’en savait pas grand-chose. Et pourtant, une partie d’elle ne pouvait s’empêcher de lui hurler que naturel, c’était un synonyme d’évident et qu’elle était simplement en train de chercher compliqué dans quelque chose qui avait toujours était si simple à ses yeux que ça l’avait rassurée et réconfortée.

Qu’il la remette à sa place au sujet de Ruben, ça ne jouait pas en sa faveur. Mavis ne dit rien à ce propos, s’accommodant d’une oeillade fixe dans sa direction, plus inquiétante que tendre, sur l’instant — et puis elle se montra peut-être un peu plus belliqueuse que prévu par la suite, quand à sa question mettant en avant les facilités que ça lui ouvrait de s’afficher avec une femme plutôt qu’avec un homme, il répondit par une autre qui se reposait sur ce passé dont il ne réussissait pas à se défaire pour justifier son intérêt au présent. Mavis ne voulait plus parler du passé, ne l’avait-il pas encore compris ? Elle secoua la tête "Je te parle pas de quand t’avais quinze ans, je te parle de maintenant. C’est maintenant qui m’importe, Ambrose." Ils avaient statué qu’ils n’étaient plus des adolescents, l’avait-il déjà oublié ? Elle poursuivit, se renfonçant dans sa chaise en même temps que ses yeux passaient de l’un à l’autre des siens "C’est pas notre avant que je questionne. J’étais là, je sais ce que je ressentais et j’ai la prétention de croire que je sais aussi ce que toi, tu ressentais. J’ai pas besoin de revenir sur ça." Elle ne le remettrait jamais en question ; ça lui ferait de la peine de le faire et de se rendre compte qu’elle avait trop romantisé quelque chose qui n’était pas vouée à durer parce qu’ils étaient jeunes, concentrés sur autre chose. C’était sacré dans tous les cas, elle voulait le laisser là où ça se trouvait, et au pire, raccorder les points qu’ils s’étaient appliqués à tracer au fil des années où ils ne s’étaient pas côtoyés pour remettre leur histoire au goût du jour et la faire évoluer, cette fois pour de vrai. Mais tout avait changé aujourd’hui, ils avaient changé : ils se connaissaient sur le papier, sauf que dans les faits, ils avaient encore besoin de s’apprivoiser, et elle, elle n’était pas assez naïve pour croire au contraire, même quand à nouveau, Ambrose basa ses convictions sur le ressenti de l’adolescent qu'il était alors.

Mavis, elle basait les siennes sur ses observations récentes. Sa conclusion était qu’elle était déjà la grande perdante du duel qui l’opposait à Ruben pour récolter toute l’attention d’Ambrose "C'est pas utile que tu le dises. Je l’ai vu." Il pourrait la contredire autant qu’il le voulait, elle n’était pas aveugle. Elle l’était encore moins qu’elle l’avait pris en plein visage, cette réalisation, et que vivre avec dans l’instant présent, alors qu’il cherchait à la convaincre qu’elle avait tort de se référer à son analyse, c’était aussi douloureux que le promesse qu’il était en train de lui faire. Graduellement, elle baissa son regard sur le petit doigt qu’il dressa dans l’espace qui les séparait dans l’attente qu’elle le saisisse pour la sceller, mais elle hésita "Tu réalises que quand il sera au courant, il va nous faire vivre un enfer ?" Elle lui posait la question, pas certaine qu’il avait déjà vécu avec le poids de la jalousie de Ruben sur les épaules. Pour l’instant, tout comme elle l’avait fait avec sa clef d’appartement qui trônait toujours au milieu de leur table comme un indicateur du vent qui soufflait à intensité variable, elle refusa de crocheter son petit doigt à celui d’Ambrose, se concentrant sur les dernières questions qu’il lui posa en lui faisant comprendre du regard qu’elle avait besoin d’y réfléchir encore un peu. Finalement, trouvant difficile de le regarder droit dans les yeux pour répondre à ces questions-ci, elle releva une épaule pour y poser la pointe de son menton, puis croisa les bras au bord de la table pour s’octroyer un peu de chaleur, lui disant "De la considération, c’est ce qui me manque et c’est ce que j’attends." Elle précisa, consciente que la considération, c’était vaste et nébuleux comme critère "De la vraie considération, je veux dire. Pas juste des miettes qu’on me donne parce que je ressemble à ou que je remplace quelqu’un d’autre." Difficile de ne pas comprendre où elle voulait en venir ; c’était le drame de sa vie, après tout. Elle regarda d’horizon qu’elle ne voyait que grâce au chemin éclairé autour du lac, continua avec la conclusion de son raisonnement qu’elle donna à Ambrose en retournant enfin la tête vers lui "J’ai envie qu’on me choisisse à chaque fois, c’est tout." En faisant non de la tête, elle décroisa ses bras, ses sourcils se fronçant pour marquer la nuance qu’elle s’apprêtait à apporter à son discours "Même si c’est pas parfait, même si c’est pas exclusif. Je crois même pas que ce soit possible d’aimer qu’une seule personne au fond, et je me moque de ça, c’est pas important." Vraiment, elle n’était pas assez sotte pour croire en ce genre de choses. Les moeurs changeaient, et si ça ne faisait pas bon-chic bon-genre d’y adhérer quand on faisait partie du milieu duquel ils venaient tous les deux, elle avait encore le droit d’avoir ses propres opinions sur la question, et le sien c’était qu’aimer une seule personne, ce n’était pas possible. Elle conclut comme si elle ne s’était pas interrompue "Ce qui l’est, c’est que ce soit vers moi qu’on revient à chaque fois parce que je suis au-dessus et que je suis la seule à compter vraiment." L’ironie de tout ça, si on s’y arrêtait juste un peu, c’était qu’elle voulait tout simplement endosser le rôle que Nina occupait dans le coeur et dans la vie de Ruben, mais dans le coeur et dans la vie de quelqu’un d’autre. Sauf que l’expliquer de cette façon là, c’était exclu de son agenda.

Il ne s’est pas penché dessus à l’instant où ils se sont revus non plus, pour ce que ça vaut, et il s’agit d’un épisode bien assez difficile de sa vie pour qu’il n’ait besoin de personne pour lui rappeler que son oncle et père d’adoption venait de mourir. Il sait que Mavis ne pense pas à mal, ce qui est la seule raison pour laquelle il prend sur lui pour éviter tout commentaire sur ce point. Elle parle de naturel, il parle d’évidence et sans doute qu’il commence à perdre patience dans cette discussion où ils semblent tous les deux vouloir la même chose mais plus que tout avoir le dernier mot. "Je te parle pas de quand t’avais quinze ans, je te parle de maintenant. C’est maintenant qui m’importe, Ambrose." - "Avec qui est-ce que je passe du temps maintenant ?" Ils n’ont plus quinze ans, ni l’un ni l’autre. Il le sait, il ne reviendra pas dessus, il n’est même pas réellement nostalgique de cette époque. Aujourd’hui, justement, il ne comprend pas le temps alloué par Mavis au décorticage de chacun de ses mots ainsi qu’à toute l’énergie donnée pour en venir à la conclusion qu’il la méprise, qu’il ne l’apprécie pas vraiment, qu’il cherchait uniquement à la sauter ou Dieu sait quoi encore. "C'est pas utile que tu le dises. Je l’ai vu." S’il ne répond rien à ça, c’est bien plus parce qu’il sait qu’il s’agit d’un terrain glissant que parce qu’il cherche à la ménager. Il n’est pas objectif quand il s’agit de Ruben et il n’est pas mesuré dans ses sentiments envers lui non plus. Il le sait, il n’argumentera pas davantage pour clamer le contraire. Cela ne l’empêche pas de penser et ressentir tout ce qu’il a déjà dit au sujet de Mavis, mais elle n’est effectivement pas la seule dans son esprit. Au moins, elle le sait.

Elle ne répond pas à sa promesse faite par un petit doigt levé et il s’enfonce plutôt dans sa chaise à son tour en guise de seule réponse. "Tu réalises que quand il sera au courant, il va nous faire vivre un enfer ?" Est-ce que c’est finalement tout ce qui lui fait peur, dans le fond ? Pas de ne pas être suffisante, pas de ne pas être celle qui le rend heureux mais bien d’attirer les foudres de Ruben ? Il la pensait plus forte que ça mais, dans le fond, il la comprend plus que jamais sur cette idée. Tout le monde est fort jusqu’à un certain point, même ceux que personne n’a jamais vu flancher devant les obstacles. "On peut gérer ça." Ce n’est pas ce qui fait peur à Ambrose. Il n’a pas hâte du moment où Ruben l’apprendra, ça non, mais il ne compte pas ajouter un mensonge au mensonge et nier qu’il y a un quelque chose entre Mavis et lui. "De la considération, c’est ce qui me manque et c’est ce que j’attends." Il balance machinalement sa tête de droite à gauche, sincèrement déçu d’entendre de tels mots. De la considération, il lui en octroie naturellement. Il n’a pas besoin de se forcer pour ça, il n’a pas besoin que cela découle d’un sacrifice non plus. Il la considère énormément, Mavis, et finalement il est surtout attristé si elle ne le ressent pas de cette manière à son tour. "De la vraie considération, je veux dire. Pas juste des miettes qu’on me donne parce que je ressemble à ou que je remplace quelqu’un d’autre." Comprenant où elle veut en venir et surtout ce à quoi elle fait référence, il n’attend pas davantage avant de répliquer sur ce point. "C’est toi. C’était déjà toi avant." Même à l’époque où sa sœur était encore dans le tableau, c’est avec elle qu’il s’évadait pour jouer à l’adulte. "J’ai envie qu’on me choisisse à chaque fois, c’est tout." Il inspire rapidement et reprend la parole dans le même élan. "Tu veux qu’on rende ça officiel ?" Il ne lui aurait pas fait cette proposition en temps normal, pas alors qu’ils n’en sont qu’aux balbutiements de ce quelque chose de nouveau, mais si elle a besoin de cette assurance pour comprendre qu’il ne souhaite pas l’abandonner d’une quelconque façon, alors la proposition a lieu d’être. Elle sait qu’il a besoin d’afficher une certaine constance dans sa vie privée et que la fin de ses fiançailles a grillé toutes ses cartes sur ce point, si bien qu’il n’a pas le droit à une erreur supplémentaire. Il ne craint pas qu’elle en soit une.

"Ce qui l’est, c’est que ce soit vers moi qu’on revient à chaque fois parce que je suis au-dessus et que je suis la seule à compter vraiment." Et il reviendra toujours vers elle, même après avoir passé la soirée ou la nuit avec Ruben. Il ne lui ment même pas sur ce point, et elle semble l’accepter en statuant qu’aimer une seule personne ne fait pas non plus partie de son agenda. Il a un plan plus large où ils pourraient se retrouver tous les trois mais il reste conscient qu’il est trop tôt pour le proposer sans qu’elle n’explose face à lui. "Ok." A leur côté, le serveur arrive pour leur demander les boissons qu’ils prendront, faisant ainsi se rappeler à Ambrose où ils sont et ce à quoi ils occupent leur soirée. La discussion trouve un temps de pause particulièrement bienvenu, lequel prend fin lorsque le vide se fait à nouveau près de leur table. "Fais moi confiance." Il reprend simplement, d’un ton loin d’être trop empathique. Il parle à une adulte, pas à une enfant. Elle peut lui faire confiance et il veut qu’elle le comprenne, même si elle n’a jamais eu d’exemple en ce sens durant toute sa vie. Il n’est pas son ennemi, pas un adversaire, pas un quelque chose à écraser pour arriver au sommet. Il peut être son allié et il veut être son allié. "Laisse nous une chance." Il ne peut pas promettre que tout sera parfait, mais il va essayer parce que merde il est temps d’être heureux.

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Et avec qui est-ce que je passe du temps maintenant ? "Touché." Elle le lui dit sans sourire, admettant sa défaite sans chercher plus loin que ça, retournant à son silence, tout de même un peu chiffonnée de s’être faite avoir sur ce coup-là. Parlementer avec un politicien, c’était plus difficile que de le faire avec un médecin, elle devait le reconnaître avec une pointe d’agacement, mais aussi un soupçon de convoitise, les deux fusionnant pour rendre évident le désir qu’elle ressentait pour lui ce soir, comme tous les autres soirs avant celui-ci. Ambrose avait une capacité certaine à contrer ses arguments pour qu’elle entende qu’ils n’étaient que des parades pour qu’elle garde l’impression de tout contrôler quand au fond, elle n’avait pas grand-chose à craindre, c’est pas vrai ? Elle connaissait Ambrose, et s’ils avaient grandi et évolué en effet, elle aimait se dire que dans son coeur, il restait le garçon qu’elle avait connu quand ils étaient jeunes, qu’il avait gardé sa pureté malgré les failles qu’il semblait accuser au niveau de sa morale. Elle voulait croire que quand ils parlaient tous les deux à l’époque, il pensait ce qu’il lui disait, exactement comme il pensait ce qu’il lui disait maintenant et qui la touchait bien plus qu’elle n’était capable de le lui avouer, pas du genre sentimentale au point de fondre en larmes quand on lui montrait un peu de considération. De la vraie considération, donc, celle dont elle avait besoin, celle dont elle avait envie.

Il y avait toutefois une ombre au tableau, et pas des moindres. Ils pouvaient la gérer dans les faits, elle n’avait pas peur de Ruben de son côté, et à entendre Ambrose, il semblait que lui non plus. Mais tout de même, il se laissait dicter ses sentiments par lui, alors qu’en était-il vraiment de tout ça finalement ? Quel pouvoir avait-il exactement sur lui ? Est-ce que ça le regardait ? Mavis fixa Ambrose après cette réponse, mais elle ne dit rien de plus, enfoncée en elle-même, à se demander si elle n’essayait pas de compliquer quelque chose de très simple. Ils s’aimaient bien, tous les deux, alors qu’est-ce qui la retenait d’accepter de se lancer ? Ce n’était pas qu’une question de recevoir ce qu’elle méritait, elle était à peu près certaine que de ce côté-là, Ambrose ne faillirait pas. C’était tout le reste à côté. Elle n’avait pas peur de Ruben, elle avait peur du reste en revanche ; de ce que ça lui ferait d’être encore une fois méjugée sur sa valeur, et c’est ce qu’elle essaya de faire comprendre à Ambrose dont la réponse l’atteignit quelque part en elle, au point d’en ressentir quelques papillons dans le ventre, mais aussi des frissons sur sa peau. Il était sincère, elle refusait d’en douter, malgré tout, elle lui demanda "T’es pas en train de me faire une réponse de politicien ?" En même temps, elle lui piqua son geste de tout à l’heure, celui auquel elle avait refusé de se plier parce qu’elle avait besoin de creuser avant, de prendre du recul pour mesurer les risques qu’elle prenait si elle se ratait en sautant à pieds joints dans quelque chose qui la terrifiait peut-être bien plus que prévu ; elle posa son coude sur la table, son petit doigt décalé du reste de sa paume pour qu’il vienne le serrer du sien en retour tandis qu’elle ajoutait "Tu me le jures ?" Que ce c’est toi, c’était déjà toi avant, il ne le lui reprendrait pas une fois qu’ils descendraient de ce bateau ?

Sa proposition suivante, elle lui fit froncer les sourcils, mais elle comprit rapidement à quoi ça l’engageait, de lui demander si elle voulait qu’ils officialisent aussi vite une relation à peine consommée. Il la prenait de court, elle devait bien l’avouer. Ça la poussa à faire retrouver le dossier de sa chaise à son dos, la tête penchée sur le côté pour accrocher son regard avec le sien. Elle marqua un temps de silence, toutefois elle tacha de ne pas pousser sa réflexion trop loin, et finit par lui faire "T’as pas peur qu’on juge que c’est trop tôt de t'afficher avec une autre femme alors que t’as rompu tes fiançailles il y a quelques mois à peine ?" Elle ajouta dans la foulée, magnanime "J’émets de conditions, mais je veux pas te mettre dans l’embarras non plus. Je sais ce que ton image veut dire pour toi."’ Son image et sa carrière. Elle était la plus à même de comprendre, et c’est pourquoi elle préférait d’abord s’assurer qu'il était sûr de lui avant de répondre que oui, elle voulait qu’ils rendent ça officiel. De toute façon, elle n’eut pas le temps de s’exprimer davantage. Le serveur vint les déranger plus ou moins pour une bonne cause, et pendant qu’ils commandaient tous les deux, elle en profita pour reprendre le clef qui n’avait pas quitté le table pour enfin la ranger dans son sac. Ambrose remarquerait le geste, ça deviendrait une garantie qui les empêcheraient de palabrer plus longtemps sur l’idée que, bien avant qu’il l’invite à leur donner une chance, elle avait déjà pris sa décision. Elle remercia le serveur du regard quand il les quitta, retrouva le regard du jeune homme assis en face d’elle sans aucun délai alors qu’il lui demandait de lui faire confiance, de leur laisser une chance. Elle lui sourit, détournant très brièvement le regard en même temps "J’avais raison. T’es plutôt pas trop mauvais pour les dates." Et elle fronça le nez, plissa les yeux un moment cette fois avant de retrouver son sérieux pour lui apporter une réponse claire, ses doigts venant attraper le pied de son verre désormais rempli et qu’elle porta à ses lèvres avant de lui dire "Me le fais pas regretter, d’accord ?" Elle but une gorgée — juste de l’eau gazeuse, elle ne buvait pas d’alcool, il le savait —, et l’avala assez vite pour pouvoir enchaîner sans latence "Je plaisante pas. J’estime pas que je prends un risque avec toi, moi aussi je te connais." lui fit-elle savoir, tenant à récupérer ce qui lui appartenait au moins de moitié  ; cette histoire qui était la leur, et qu’ils reprenaient là, juste comme ça "Mais je tiens à la dignité qu’il me reste, alors sois à la hauteur." Elle ne poussa pas le bouchon au point de lui demander à nouveau de le lui promettre. Par contre, elle posa de nouveau son verre, et puis elle se pencha doucement au-dessus de la table en espérant qu’il fasse le même chose pour qu’elle puisse cueillir un baiser sur ses lèvres.

Il lui fait sûrement une réponse de politicien sans même le savoir, oui, mais cela ne l’empêche pas de penser sincèrement que lui et Mavis ont du potentiel. Ils en avaient en étant gamins, ils en ont encore plus maintenant qu’ils sont de jeunes adultes déjà presque accomplis. A son tour, pourtant, il accuse une seconde de réflexion avant de répondre au geste de Mavis, geste qu’il a pourtant initié lui-même il y a quelques secondes à peine. Il ne lui en faut pas davantage pour y répondre positivement et se pencher à son tour sur la table pour attraper son petit doigt du sien, les faisant revenir dix ans en arrière. "Tu me le jures ?" Sans y réfléchir, il lui répond d’un ton calme et posé. "Je te le jure." Il y en a eu d’autres, un en particulier, mais ça elle le sait bien. Cela n’empêche qu’elle a toujours occupé une place particulière ; et ça aussi elle le sait, maintenant, alors qu’il était pourtant persuadé qu’il n’aurait pas besoin d’argumenter pour le lui faire savoir.

Le meilleur moyen qu’il trouve pour lui faire comprendre qu’il a confiance en l’existence d’un nous reste encore d’officialiser cette nouvelle situation aux yeux de tous. "T’as pas peur qu’on juge que c’est trop tôt de t'afficher avec une autre femme alors que t’as rompu tes fiançailles il y a quelques mois à peine ?" Il est terrifié à cette idée et il ne cherche même pas à le cacher.  "Si, ça sera forcément trop tôt pour l’avis des gens." Mais il pense pouvoir atténuer cette idée en racontant qu’ils étaient déjà en couple quand ils étaient gamins et qu’ils se sont retrouvés dans une épreuve difficile de sa vie. Le timing entre la fin de ses fiançailles et le retour de Mavis dans son quotidien n’aidera pas beaucoup, mais personne ne lui enlèvera la tristesse incommensurable suite à la mort de Norman. En d’autres mots, il a besoin d’y réfléchir mais il sait qu’il peut s’en sortir, si jamais officialiser une relation qui n’existait pas hier encore est ce dont elle a envie. "Mais je te le proposerais pas si j’en étais pas capable." Il ne lui aurait pas proposé si ça avait été pour revenir sur son idée quelques temps après. Si elle veut officialiser, ils le feront, parce qu’afficher leur couple ne lui fait pas peur, que ce soit face au reste du pays ou face à Ruben tout particulièrement. "Dis moi juste si t’en as envie." La décision de Mavis sera sienne, sur ce point au moins.

Leur discussion trouve un instant de répit lorsque le serveur s’interpose pour simplement faire son travail et il observe Mavis ranger la clé dans son sac. Il n’en fait aucun commentaire, il ne laisse rien échapper sur son visage non plus, et pourtant c’est un profond soulagement qui l’emporte sur tout le reste. "J’avais raison. T’es plutôt pas trop mauvais pour les dates." Au départ du serveur, cette remarque le prend pourtant de court et il ajoute à son tour un sourire sur son propre visage. "Me le fais pas regretter, d’accord ? Je plaisante pas. J’estime pas que je prends un risque avec toi, moi aussi je te connais." A cela, il n’y a qu’une réponse qui subsiste dans son esprit. "Me le fais pas regretter non plus." Peu importe le sujet en particulier, peu importe ce qui pourrait arriver entre eux, autour d’eux: il ne veut pas regretter, il ne veut pas donner une fois de plus son âme dans une relation qui ne mènerait nulle part. Par mimétisme, il ponctue à son tour ses paroles d’une gorgée de son verre ; du vin pour sa part. "Mais je tiens à la dignité qu’il me reste, alors sois à la hauteur." Le geste initié est assez naturel pour qu’il se penche à son tour sur la table et l’embrasse ; une situation qu’ils peuvent encore compter sur les doigts d’une main. "Tout ira bien." Ambrose murmure finalement. Ils seront heureux, ils seront vraiment heureux. Ils ont tout pour l’être, pas vrai ? Alors ils feront tout pour que cela existe et, surtout, qu’un tel bonheur se pérennise.