lift the veil that lies ahead
@Nina Sterling & Landry Chamberlain

Un pas après l’autre, il se mut parmi les couloirs étriqués de l’hôpital, la blouse blanche parfaitement repassée et le pyjama cintré comme il le fallait. Landry avait de l’allure dans sa tenue de travail, comme si elle avait été façonnée pour lui. Adepte des déguisements qu’ils soient visibles ou non, il s’était construit l’image du docteur Chamberlain, celui qui avait toujours le bon mot pour plaire à ses patients mais aussi à ses collègues, et qui était très appliqué dans ce qu’il faisait. Le neurochirurgien avait tout du bon samaritain, du moins, en façade. Car il y avait un cerveau derrière toute cette manière d’agir, une succession d’actions aussi anodines les unes que les autres mais qui constituaient une véritable stratégie. L’objectif : atteindre les sommets. Pour ce faire, il montrait très régulièrement ses capacités au bloc, toujours de manière à ce qu’il soit mis en valeur, complimenté. Musique pour ses oreilles, il dansait sur les louanges de ses aînés, lui donnant le tempo pour écraser la concurrence. La concurrence, un autre pan de sa détermination sans faille, qu’il appréciait consumer à petit feu, pour faire durer le plaisir. Qu’il y ait des dommages collatéraux, ou non.

Landry fit sa ronde habituelle, prit des nouvelles de ses patients et assista ses collègues lorsque les visites étaient multidisciplinaires. Les phrases d’accroche étaient son principal allié, gommant de manière net son indifférence au profit d’une oreille faussement attentive. ‘Alors ton week end ?’ ‘Comment vont les enfants ?’ ‘On est en garde ensemble cette semaine, non ?’ formaient un échantillon représentatif de ce qu’il pouvait débiter. Certains diraient même qu’il pouvait se montrer extraverti. La blague. Mais c’est lorsqu’il s’approcha de l’espace cafétéria que ses iris pétillèrent, tel un enfant devant son gâteau d’anniversaire. Nina, appréhendée par des collègues qui se succédaient, était l’attraction du jour et pour cause, elle revenait d’une mission en Afrique. Si cela pouvait paraître totalement anecdotique pour ceux qui n’étaient pas dans son cercle proche, lui avait très vite intégré l’information lorsqu’il apprit la nouvelle. L’imprévisible rajoutait des inconnus à l’équation, de quoi faire palpiter le neurochirurgien. Un sourire en coin, il garda ses distances, se servit un café suffisamment loin pour passer inaperçu, suffisamment proche pour écouter la conversation. Posé contre le dos d’une chaise, il plaça le gobelet chargé d’excitants à ses lèvres alors que ses prunelles ne quittèrent jamais sa proie. D’autant plus que cette dernière était perspicace, intelligente, de quoi faire durer la danse et donc, le satisfaire.

Il vit une fenêtre, une occasion qu’il ne put laisser passer lorsque le groupe actuel avec lequel elle discutait se détacha d’elle. Landry se leva de sa chaise rapidement, un détour vers la machine à café avant de doubler ceux qui s’apprêtaient à interagir avec Nina. Il passa devant elle – un sourire discret sur son visage avant de hocher la tête en guise de salut – avant de se placer juste à sa droite. « Sterling. » Stoïque, de là où il était placé il découvrait le champ de vision de la jeune femme. D’un regard en coin, il narguait ceux qui devraient patienter pour avoir un moment avec elle. C’était son moment. Elle lui tendit le second gobelet à la boisson ébène, où était soigneusement écrit au feutre noir Welcome back. Ne cachant guère son côté séducteur, le neurochirurgien renchérit, dans l’offensive. « Je suppose que l’on t’a posé la question des centaines de fois déjà et qu’on te la posera encore mais, ton voyage s’est-il bien passé ? » Tournant son visage d’un quart de cercle pour apercevoir sa réaction, il attendrait le eye contact pour reprendre. « On t’a manqué ? » Les on avaient pour valeur un je dans le vocabulaire du Chamberlain. Une arrogance trop peu perceptible tellement il arborait un ton bienveillant à côté, la dualité entre son visage impassible et son attitude charmeuse. « Sache que tout le monde parle de ton retour, même au médico légal. » Un fin rictus, aucun de ses mots n'était superflu, tous participaient à la gradation qu'il avait soigneusement imaginée. « Tout le monde est venu t'accueillir ? » Par 'tout le monde', il entendait surtout 'même Hartfield ?' car là était la pièce maîtresse de son jeu. La suite dépendrait inévitablement des réponses de son interlocutrice et à cela, il ne pouvait qu'être surpris.

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@landry chamberlain & nina

Dans son dos, elle peut entendre ses internes glousser comme des adolescents, si fiers de leur guet-apens. Elle n’avait qu’eu le temps de passer se changer dans les vestiaires avant d’être entraînée dans cette salle de pause, coincée autour d’une dizaine de personnes, ravie de son retour et avide de lui sous tirer la moindre information sur son voyage. La traduction de son pire cauchemar. Si elle aime avoir toute l’attention sur sa personne, elle déteste devoir se plier aux conversations mondaines. Les questions fusent sans que personne ne lui propose une tasse de café et, au fur et à mesure des minutes qui s’écoulent, sa patience se réduit à peau de chagrin. Du coin de l’œil, elle foudroie les internes, jurant intérieurement de leur coller les tâches les plus ingrates pour le reste de la semaine. « Oui, c’était une expérience particulièrement enrichissante. » Qu’elle affirme dans un sourire de circonstance. Certains s’étonnent de ne pas avoir été prévenus de son absence, d’autres s’émerveillent de son courage et il y a les autres… Les jaloux maladifs qui cherchent à dénigrer son projet. Ceux qui l’amusent le plus en sommes. « Tu devrais sortir de Brisbane parfois, Winston. » Lui qui se voulait si critique sur les dispensaires du tiers monde, comme il ne cessait de le répéter à tort et à travers. Tout cela l’ennuyait profondément, Nina voulait s’échapper, faire le tour du service, voir les patients. Mais les conversations de bienséance font partie du travail, laissant entrevoir aux autres qu’elle était une compétitrice hors pair et que la titularisation promise à la fin de l’année serait pour elle, et personne d’autre.

« Sterling. » Elle venait tout juste de s’isoler pour avoir la chance d’obtenir une tasse de café noir. « Chamberlain. » Bien sûr qu’il allait s’inviter à la petite fête, toujours prêt à ramasser les miettes des autres, celui-là. Par politesse, et parce qu’elle préférait encore échanger avec le neurochirurgien plutôt que les autres vautours présents dans la salle, elle lui tend un gobelet du précieux sésame caféiné. « Je suppose que l’on t’a posé la question des centaines de fois déjà et qu’on te la posera encore, mais, ton voyage s’est-il bien passé ? » Surprise par un tel intérêt, elle hausse un sourcil curieux dans sa direction. « On t’a manqué ? » Elle lâche presque un soupir de soulagement, rassurée de voir sa vraie nature refaire surface. Elle connait assez ses tours de passe-passe pour en avoir la réponse parfaite. « J’aurais pas tenu un jour de plus sans toi, Chamberlain. » Le sarcasme s’écoulait entre ses mots, mais ils ne savent que jouer de ce pain là entre eux.

« Sache que tout le monde parle de ton retour, même au médico légal. » - « Comment tu te sens ? Pas trop fébrile de ne pas être la discussion du jour ? » Lui qui vendrait père et mère pour être sous la lumière des projecteurs. Toujours à s’incruster de partout, à écouter dans les couloirs. Lui qui connaît tout de la vie de l’hôpital et qui pourrait bien mettre un terme à certains de ses doutes. « Tout le monde est venu t'accueillir ? » Elle ne va pas entrer si facilement dans son jeu. Prendre de la distance lui avait permis d’avoir une vue d’ensemble sur sa propre situation, et au milieu du puzzle sans fin était venu s’additionner toutes les petites remarques que Landry dissimulait dans le moindre de leur échange. « Qu’est-ce qui se passe, Landry ? Mon mari a mangé ton sandwich en salle de pause ? » Il ne s’approchait jamais sans raison et évoquer Ruben était une porte ouverte pour venir titiller l’ego de Chamberlain. Elle releva les yeux pour lui adresser un regard empli d’innocence, attendant la moindre de ses réactions.

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@Nina Sterling & Landry Chamberlain

Aguerri de la mascarade, Landry cachait à la perfection sa satisfaction d’interagir avec la Sterling, après l’avoir épiée un certain temps dans un coin de la salle de pause. Au-delà du fait qu’il n’agissait jamais sans arrière pensée, il n’avait aucun mal à avouer que Nina figurait parmi ses interlocutrices favorites. Elle était intelligente, charmante, comprenait les nuances dans le jeu de Landry et le temps n’avait fait que le confirmer. Forcément, il se demandait à chaque fois à quel point elle voyait à travers les épaisseurs qui composaient son personnage. Il ne faiblissait pas pour autant, après tout il y tenait à son image du neurochirurgien parfait. « Chamberlain. » Son sourire se dressa, une réponse tout à fait anodine mais qui ne manquait pas de le faire réagir. « Ouf. Content que tu ne m’aies pas oublié. » Mimant la goutte de sueur qu’il essuya de son front d’un coup de main, il apposa ses lèvres sur le gobelet et ingérer la boisson couleur ébène. « Ou pire, que tu ne confondes toujours pas les neurochirurgiens de cette hôpital. » Écarquillant grossièrement les sourcils, une pique facile qui ciblait son collègue avec qui Nina partage sa vie – du moins aux dernières nouvelles. Une façon pour lui de jauger à quel point il pourrait aborder le sujet avec son interlocutrice, à quel point il pouvait continuer à parsemer son jugement d’incertitude.

« J’aurais pas tenu un jour de plus sans toi, Chamberlain. » Quand bien même l’ironie était très clairement perceptible, Landry accepta la louange histoire de satisfaire son ego. Ce qu’il aimait tant dans leurs conversations, c’est qu’elles pouvaient à tout moment devenir des joutes où le sarcasme régnait en maitre. Et le sarcasme était une arme qu’il avait soigneusement façonnée pour un usage quotidien. « Et moi donc. Les journées sont d’un ennui lorsque tu n’es pas là. » Comme s’ils interagissaient tous les jours. Non pas que cela déplairait à Landry, bien au contraire. Il reprit, non sans un brin de dramatisme. « Je n’imagine pas ça me ferait si tu partais plusieurs mois ou même si tu partais tout court… Rassure moi, tu ne comptes pas quitter l’hôpital de sitôt ? » Peut-être que cette mission à l’étranger était également un test pour évaluer à quel point elle était attachée à ces lieux. Le neurochirurgien, lui, y voyait un moyen d’alimenter le doute : accepterait-elle de travailler au même endroit que lui une fois la vérité sous ses yeux.

« Comment tu te sens ? Pas trop fébrile de ne pas être la discussion du jour ? » Une moue faussement décontenancée, avait-il déjà été le centre de l’attention ici, du moins de son point de vue. Encore une fois, il n’y verrait aucun objection, à condition que cela soit en lien avec son professionnalisme ou son talent. « Je vais m’en remettre. Mais c’est bien parce que c’est toi. » Clin d’œil, il se doutait qu’elle n’avait pas demandé à être le sujet de toutes les attentions et même qu’elle n’appréciait pas du tout cette situation. « Qu’est-ce qui se passe, Landry ? Mon mari a mangé ton sandwich en salle de pause ? » Sa parole manqua de l’étouffer alors qu’il but une seconde gorgée de café, la surprise venant dilater ses iris azurées. « Mari ? Qui ça ? » Un sourire en coin, la malice coulait dans ses veines. « J’avais presque oublié que tout le monde faisait des erreurs, même Nina Sterling. » Elle-même lançait le sujet de Ruben, de quoi lui faciliter le travail. Pour autant, il ne pouvait s’empêcher de commenter, après tout elle n’était pas passée à côté de la rivalité entre le Hartfield et lui. « Il mange comme nous ? Je croyais qu’il se nourrissait d’aigreur nuit et jour. » C’était de bonne guerre, surtout que ce genre de paroles permettrait à Landry – à travers les réactions de son interlocutrice – d’estimer l’état d’avancement de son enquête. Enquête qu’il suivait comme un feuilleton, en somme.