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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

Dans l’avion, j’ai mis toutes les chances de mon côté pour opérer un changement radical dans mon humeur. Elle n’est pas massacrante, mais les sensations que je ressens au niveau de la peau de mon abdomen oscillent entre le chatouillis désagréable et la douleur carrément lancinante et m’empêchent de penser à autre chose qu’à cette tentative de concevoir un enfant tout sauf naturellement dans laquelle nous nous sommes lancés Damon et moi. Ce n’est guère surprenant : les injections doivent être faites quotidiennement toujours approximativement à la même heure si bien que je dors fiv, je mange fiv et je respire fiv depuis déjà quatre jours. D’après les médecins, je devrais en vivre encore une dizaine comme ça avant de passer à la phase suivante et, même si tout fonctionnait parfaitement dès la première tentative, il faudrait encore que je sois surveillée pendant un moment encore, pendant les débuts de la grossesse. Autrement dit, les occasions de me changer les idées doivent toutes êtres saisies à bras le corps.

Et c’est ce que j’ai fait, mais je ne l’ai pas fait pour ça. A l’instar de Shiloh, Jo est une vraie amie et ne représente pour moi ni un faire valoir ni une façon de briller à présent que les projecteurs sont braqués sur elle. Je lui ai dit que je m’inquiétais pour elle, et c’est réellement le cas. Je ne suis pas en mal de ragots concernant son couple ou toute autre célébrité qu’elle doit désormais cotoyer, même si, soyons honnête, ils seraient les bienvenus pour m’aider à penser à autre chose que cet enfant qui ne grandit pas dans mon putain d’utérus. Les écouteurs dans mes oreilles crachent les titres du dernier album de Charlie XCX et, avant de décoller, j’ai assuré à Damon que je n’oublierai pas mon injection ce soir avant de le prévenir que j’éteignais mon téléphone jusqu’au lendemain, mais que je lui donnerais des nouvelles au réveil. A l’adresse de Jo, je pianote un bref message. "j’éteins mon téléphone, mais j’attends rien de moins qu’une voiture pour venir me chercher à l’aéroport et me conduire à l’hôtel puis au concert."

Et bien sûr, la voiture est là lorsque j'atterris. Le passage par la case hôtel me permet juste de me changer pour enfiler le genre de tenue qui colle un peu mieux à l’ambiance "concert de Jo Carter" à savoir court, moulant, rose et révélateur, le tout à la fois. Le genre de pièce qui tomberait dans le vulgaire si elles n’étaient pas signées par un créateur de standing. Je retouche mon maquillage et, un peu moins d’une heure après avoir posé le pied à Sydney, la voiture me dépose à nouveau, au lieu du concert cette fois. Passer par l’entrée des artistes est le genre de luxe auquel je n’avais pas encore eu le droit avant, pas dans une salle comme celle-là en tout cas. On me donne le badge qui me permettra de circuler en coulisses sans être mise dehors comme une malpropre, on me donne quelques consignes et, quelques heures à peine après que j’ai dit à Jo que je sautais dans un avion, on me conduit à elle. Bien sûr, elle n’est pas seule. A-t-elle seulement le luxe de se retrouver sans une nuée d'assistants, danseurs ou que sais-je, alors qu’elle se trouve en pleine tournée ? Le silence qui retombe une fois qu’elle se retrouve enfin seule dans une chambre d’hôtel n’en devient-il pas assourdissant, angoissant ou même carrément déprimant ? Je ne suis pas idiote : elle et son mec sont au moins en froid, au pire bel et bien séparés. « Hey. » En entrant dans la salle et alors que le vigile referme déjà la porte derrière moi, je lui adresse un sourire avant de me diriger vers elle pour l’enrouler de mes bras, au mépris de toute autre personne présente dans la pièce. La prendre dans les bras, c’est bouffer ses cheveux ou des paillettes, littéralement, étant donné qu’elle est déjà presque prête pour la scène. « J’espère que t’as au moins prévu une dédicace au micro pour remercier ta super meilleure amie d’être venue ce soir. » Je lui adresse un sourire ravissant, avant d’observer le reste des présentes dans la pièce en me contentant d’un sourire en guise de salut. « Je t’insulte pas en te demandant si t’es prête. » Bien sûr qu’elle l’est. « Tu te sens comment ? »

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@Megan Williams ↣ crédits gifs/harley

Jo ne pense presque pas à Megan au moment où elle débarque en backstage. Elle sait qu’elle est sur le point d’arriver, ayant bien reçu ses messages et sa demande-express d’être traitée comme la princesse qu’elle sait qu’elle est. Sur l’instant, et ce depuis de longues heures déjà, elle a la tête à autre chose. En l’occurence, c’est à ses petits rituels avant de rentrer sur scène qui commencent par une bonne grosse tasse de thé à la limite d’être brûlé et saturé de miel, passent par la coiffure, le maquillage et l’habillage, et des trucs complètement cons du genre vérifier si elle a bien toutes ses dents en passant sa langue sur chacune d’entre elles en essayant de se souvenir de leur nom ; elle échauffe longuement sa voix, se fait équiper, et passe du temps avec ses danseurs, ses choristes, ses musiciens. Elle ne prend pas vraiment de temps seule, elle n’aime pas ça, pas copine avec le silence, même si au bout d’un moment, elle s’échappe pour appeler nana. Son dernier contact avec le monde extérieur, c’est la consultation rapide de ses textos tandis que, pauvre conne qu’elle est, elle espère avoir la même chance que le jour de sa première où Midas lui a écrit pour lui dire qu’il était fier d’elle. Elle a chialé une bonne heure, et puis parce qu’il le fallait, elle est montée sur scène avec la voix enrouée. Elle a quand même assuré, et personne ne s’est rendu compte de rien. Elle est douée, putain qu’elle l’est, elle sait faire les choses en souffrant le martyre et en rêvant de dire à tout le monde, ses fans y compris, de bien aller se faire foutre, et pourtant, tout est parfait. Sa direction artistique est particulièrement léchée pour des concerts dans des petits salles, et les retombées sur les réseaux sociaux aident le bouche-à-oreille à fonctionner. Les outros osées de Nonsense sont virales désormais pendant que Feather fait monter un peu plus sa côte de popularité : elle n’aurait pas pu espérer mieux, sauf que c’est dur, et si elle s’en cache, c’est parce qu’autour, on compte sur elle.

Sa tournée est petite, il y a tout de même beaucoup de fric au bout. Les producteurs de spectacle sont les pires requins de cette industrie, elle peut difficilement lutter en allant se plaindre à eux sous le prétexte qu’elle est au trente-sixième dessous. Si elle veut évoluer, elle doit prendre sur elle et elle le fait admirablement bien, malgré les circonstances. Ses premières dates sont un succès, et ce n’est pas étonnant puisque les billets se sont vendus si bien que sa maison disque regrette déjà d’avoir été avare sur les dates. C’est bon, très bon, pour la suite, pour la tournée de son prochain album qui sera surement plus importante que celle-ci. Elle ne s’en réjouit pas comme elle devrait, elle subit, en vérité. Ses trajets sont longs, passant d'un état à un autre, ses journées plus encore — celle d’aujourd’hui, elle a commencé tôt, comme toutes les autres. C’est un sacré rythme à tenir, plus dense que les enregistrements en live d’une émission hebdomadaire et elle le sent peser sur elle simplement. Elle n’est pas dans les bonnes conditions, autrement, elle a eu l’habitude de faire ça. Elle connait la vie de tournée, même si celle-ci n’est pas du même acabit que les weekends qu’elle passait avec ses frères dans le van de leur père. Tout ça là, c’était déjà difficile à envisager avant l’épisode de sa pause, ou whatever, avec Midas, elle l’est encore plus maintenant qu’elle a l’assurance définitive de la vivre seule, sans soutien moral, sans soutien tout cours — et on ne dirait pas comme ça, aussi sous ses putains de paillettes, elle a vraiment envie de crever.

C’est pourquoi quand Megan arrive, la prend dans ses bras, et lui demande comment elle se sent, ses yeux se remplissent immédiatement de larmes. Elle les ferme brièvement pour le cacher, pose son menton sur son épaule en jouissant du privilège exceptionnel de ne pas être trop petite, portée par des bottes compensées de douze centimètres aussi pailletées que le reste de sa tenue. Elle n’a pas envie de rompre leur étreinte, elle le fait toutefois, et dissimule ses yeux humides derrière un petit rire qu’elle accompagne de ses premiers mots à son attention "C’est pas la fête du village ici, je fais pas de dédicace au micro." Non, pas contre elle susurre des sous-entendus graveleux sans rougir, et c’est nettement plus marrant. D’habitude, en tout cas. Elle ajoute "Mais si t’insistes, je vais voir ce que je peux faire." Elle pourrait lui proposer de monter sur scène. Elle n’est pas certaine que Megan est venue pour ça. En fait si, elle en est certaine : elle n’est pas venue pour ça, bien qu’au départ, au travers de ses textos, elle les avait remis ses intentions en doute — elle a été paparazzi, elle aime les scoops, même quand ils concernent ses amis. Là, Jo ne le fait pas, remettre ses intentions en doute, et elle prend soin de ne pas lui dire clairement qu’elle se sent comme une vraie raclure du truc le plus dégueulasse qui existe sur terre, et choisit plutôt de lui faire en posant ses deux mains sur ses épaules, prenant un peu de recul pour examiner sa tenue "T’es belle." Pas difficile pour Megan. L’effort de dress-code lui fait sincèrement plaisir cependant "On va pas avoir beaucoup de temps pour parler avant le concert, mais on se rattrapera après. Tu dors avec moi ce soir, ça te va ?" Elle ne lui a pas fait réserver une chambre, elle la veut avec elle après le concert.

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Plus centrée que sur mon quotidien qui, contrairement à ce que les gens auraient pu penser, s’est largement éloigné du star system, je n’ai pas réalisé à quel point Jo était devenue… Et bien qui elle est, à quel point le phénomène Jo Carter avait pris de l’ampleur, à quel point elle était à présent une figure non négligeable de la pop australienne. Bien sûr, il est incontestable qu’elle est l’une des it girl du moment. Lorsque la voiture est passée devant la salle où des gens attendent déjà en file indienne, j’ai repéré bon nombre de jeunes adolescentes - ou tout juste adultes - vêtue d’une façon qui rendait claires leurs intentions : copier la starlette du moment pour lui ressembler le plus possible. Mais cela va au-delà de ça : le sérieux et le professionnalisme avec lequel je suis accueillie et conduite jusqu’à la loge de la brune me donne l’impression de faire partie d’une production solide et maîtrisée et je suis sincèrement heureuse pour mon amie. Elle a bien plus de succès dans le milieu artistique que je n’en aurais jamais, et c’est dans le juste ordre des choses étant donné le gap qui nous sépare en termes de talent ; je ne suis pas assez naïve ou de mauvaise foi pour être incapable de l’admettre. « C’est pas la fête du village ici, je fais pas de dédicace au micro. » - « Désolée, les boules à facettes, les néons et les lumières éblouissantes, j’ai cru. » Je serre Jo contre moi en la titillant avec humour. L’événement ne ressemble aucunement à une fête du village et je me moque bien d’être mise en avant d’une quelconque façon ce soir. Ce qui me préoccupe en revanche, c'est cette étreinte qui s’éternise : cela ne ressemble guère à Jo. Lorsqu’elle me relâche et recule, il me semble voir ses yeux briller. Consciente de la pudeur de la chanteuse, je ne fais pas la moindre remarque. Je me contente d’attraper avec une délicatesse exceptionnelle sa joue, de la caresser du bout du pouce et de profiter de ce geste pour essuyer toute larme qui risquerait de perler au coin de son œil et de ruiner son maquillage si travaillé. Bien vite je retire ma main ; je veux tout sauf qu’elle se sente obligée de parler de ça. Plus tard, après son show et seulement si elle a besoin et envie, promis juré. « Mais si t’insistes, je vais voir ce que je peux faire. » - « Je vais avoir le droit d’être maquillée par une pro moi aussi ? » Tandis que je me fais la remarque que son maquillage de scène doit être une horreur à retirer, je songe que mon quotidien et mes préoccupations ont bien changé, pour en arriver à ce genre de pensée.

« T’es belle. » - « Je suis tout le temps belle. » Mais en ce moment, je suis fatiguée. Les effets secondaires du traitement que Damon m’injecte tous les jours ont été bien plus rapides que ce que je pensais, malgré les avertissements de mon spécialiste, je ne m’attendais pas à être aussi épuisée et à fleur de peau. Irritable et sensible, je passe de la colère aux larmes en passant par des éclats de rire au gré de mes douleurs abdominales. Mes traits sont donc plus tirés que d’ordinaire, mais je compte bien mettre ça sur le dos du trajet en avion tant que je n’aurais pas eu l’occasion d’en parler plus sincèrement avec Jo dans un cadre plus intimiste. « T’as l’air d’une vraie star, de ton côté. » Dans tous les sens du terme. Elle brille plus fort qu’une étoile et elle s’y prend plutôt bien pour masquer le mal-être que je devine qu’elle ressent. Parce que je la connais, j’aperçois les fêlures sur son masque de paillettes, mais je suis presque sûre que seuls ceux qui sont proches d’elles peuvent les détecter eux aussi. Le public ne doit y voir que du feu. Finalement, Jo aurait été une meilleure actrice que moi. « Je suis pas surprise. T’es une naturelle. » Je lui adresse un sourire sincère et dépose un baiser sur sa joue. « J’espère que j’aurais une réduc sur le merch. Je revendrai ça quand la valeur aura triplé parce que tu seras devenue une vraie diva. » Je retiens un plus que tu ne l'es déjà, je veux dire qui aurait certainement quitté la barrière de mes lèvres si je ne l’estimais pas dans un état de sensibilité proche du mien, pour des raisons bien différentes ceci-dit.

« On va pas avoir beaucoup de temps pour parler avant le concert, mais on se rattrapera après. Tu dors avec moi ce soir, ça te va ? » - « Je me disais que c’était un peu trop le bordel pour un palace. » En tournant sur moi-même, j’observe avec curiosité la loge dans laquelle elle se prépare. « J’ai déjà posé mes affaires. » Une valise évidemment, même si je repars demain midi. Je me sens comme une princesse. J’ai l’impression d’être traitée comme Charlie, voilà la pensée que je formule, mais que je ne partage pas à voix haute. Je ressens un douloureux pincement au cœur, et Jo n’a pas besoin de ce genre de remarque ce soir.

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Dans un monde parfait, une production plus sobre aurait accompagné les débuts de Jo sur scène. Seulement, plus le temps passe, plus elle réalise que ce n’est pas si pire d’être une main girl pop. Elle rêve toujours de piano-voix, de jazz et de musical dans le sens le plus strict du terme, mais d’ordinaire, elle s’épanouit dans les mélodies acidulées qui sont les siennes aujourd’hui, et si parfois elle trouve ça réducteur, petite poupée miniature qui laissent parfum et paillettes dans son sillage, elle y trouve largement son compte. Elle peut laisser sa malice s’exprimer, experte du double-sens, et le sarcasme qu’elle maîtrise aussi bien que son charme, il appose une touche personnelle à ce qu’elle propose au public. Son univers est fun, doux et coloré, gorgé de références datées qu’elle remet au goût du jour, puisant dans ce qu’elle connait des années qui ont accueilli la jeunesse de sa grand-mère, celle de ses parents aussi, et quoi qu’en dise d’autres qui la trouvent un peu vulgaire et provocatrice, on la remarque, et c’est tout ce qu’elle veut. Elle s’en fout un peu qu’on la juge trop promiscuous aux yeux des parent relouds des petits jeunes qui l’écoutent et qui, eux, la trouvent dans l’air du temps : ce n’est qu’un personnage qu’elle joue, et elle le joue bien, là encore, n’en déplaise à certains. Elle n’a pas envie de se terrer dans un truc austère qui fait chialer la ménagère, elle n’a pas envie d’écrire sous le prisme de la mélancolie pour faire plaisir à ceux qui estiment que les peines de coeur, ça doit être écrit selon un cahier des charges qui impliquent le pathos — d’autres le font mieux qu’elle, elle n’a pas la prétention de vouloir marcher sur les plates bandes de qui que ce soit, elle voit plus loin que ça : elle veut tout simplement tirer son épingle du jeu, prouver qu’elle à sa place, et elle l’a, c’est indubitable.

Elle se demande parfois ce que son entourage pense de tout ça. Elle ne peut pas tellement compter sur sa grand-mère, et elle ne lui en veut pas, alors elle s’en remet à ceux qu’elle estime assez pour prendre en compte leur avis. Megan en fait partie. Elle est là pour autre chose que la voir chanter ce soir, elle le sait, mais pendant les deux prochaines heures, elle veut faire semblant de ne pas avoir une idée précise de la raison derrière sa visite : sa pause, sa rupture, ce truc vers quoi elle a penché parce qu’elle avait l’impression de ne pas avoir trop le choix considérant le ressenti de celui qu’elle a laissé derrière elle. Elle ne s’attarde pas sur la main qu’elle pose sur sa joue quand elle rompt enfin leur étreinte, se concentre sur autre chose, sur ses paroles sur lesquelles elle rebondit plus mollement que d’habitude parce qu’elle sait bien faire semblant, mais que de temps en temps, elle baisse sa garde et oublie d’être la salope sarcastique que même ses proches finissent par prendre pour la vraie elle — sa faute, elle a bien compris que l’image qu’on a d’elle incombe à sa volonté ferme de ne laisser personne l’atteindre en se planquant derrière son mauvais caractère, pas besoin d’enfoncer le couteau dans la plaie "Hm, on peut même s’occuper de tes cheveux si tu veux." Elle n’a pas besoin de tout ça, Megan. Comme elle le lui dit juste après, elle est belle, c’est un fait, et elle le sait, mais si ça lui fait plaisir, Jo peut mettre son équipe à disposition pour la sublimer encore plus.

Elle se recule, pose sa paume sur le bustier pailletés avec un insert en forme de coeur au niveau du décolleté qui constitue une partie de sa tenue, et avec malice, elle répond à son compliment "J’ai l’air d’une vraie star, parce que j’en suis une." C’est tiède, c’est mou, c’est franchement bien en-dessous de la façon dont elle vend et survend son statut de star montante d’habitude. Sauf qu’elle fait ce qu’elle peut : elle n’a pas envie d’être là, ça se ressent peut-être, elle ne se pose pas la question, et sourit là peine au reste des paroles de Megan "Si tu comptes le revendre, je te propose pas un package gratuit des pièces déjà sold out alors." Ça se vend bien, ces merdes. Ce n’est pas toujours du meilleur goût, c’est vrai. Mais les fans adorent, c’est ce qui compte. Elle marche de quelques pas pour aller s’appuyer contre le coiffeuse éclairée non loin d’elle, hoche la tête en écoutant Megan lui dire qu’elle a déjà posé ses affaires dans la suite qui est réservée à Jo "Je préfère rentrer tout de suite après le concert." Enfin, après être passée faire quelques photos et en signer pour remercier ceux qui ont attendu des lustres pour la voir. Elle est une connasse, mais une connasse reconnaissante… incroyable, non ? "Du coup, si t’as plutôt envie d’aller dîner quelque part après, t’as qu’un mot à dire pour que la voiture nous emmène ailleurs. Et je te laisse le choix du resto, c’est toi l’invitée." Elle, elle picorera à peine de toute façon.

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La Jo que je trouve est à peu près celle que je m’attendais à trouver. Elle donne le change, mais pour quelqu’un qui sait quoi chercher, quoi observer, il n’est pas si compliqué de trouver des indices de son véritable état d’esprit dissimulés sous cette couche de vernis rose à paillettes. Ses piques sont molles et si la brune ne manque pas d’esprit, elle semble en revanche manquer de conviction. Moi, elle ne me dupe pas : il lui manque l’étincelle qui fait qu’elle est Jo Carter et je me fais la réflexion qu’elle doit être terriblement forte pour réussi à la simuler malgré tout. « Hm, on peut même s’occuper de tes cheveux si tu veux. » En forme, elle m’aurait dit que j’en ai grandement besoin après avoir passé deux heures dans l’avion et transit. C’est le cas et la remarque aurait été particulièrement bien envoyée et, en guise de réponse, elle aurait eu le droit à une remarque l’accusant de tenter de rivaliser avec une boule à facette où l’anniversaire d’une enfant de cinq ans à cause de toutes les paillettes dont elle use et abuse pour l’esthétique de sa tournée. Rien de tout ça, juste la proposition de profiter d’une mise en beauté entre les mains expertes de professionnelles et bien qu’un peu décontenancée, je ne perds pas le Nord pour autant. « Je dois faire quoi ? Claquer des doigts et m’installer sur ton fauteuil de princesse et les petites mains apparaissent comme par magie ? » J’ai plus l’air hautain que je ne le suis réellement ou, en tout cas, il s’agit plus d’un genre que je me donne presque inconsciemment que de ma nature profonde. Quoi qu’il en soit, j’aime l’idée d’être traitée comme une vraie princesse et, sans attendre l’accord de qui que ce soit, je m’installe sur la chaise – que dis-je, le trône – qui est de toute évidence réservé à ma starlette d’amie.

« J’ai l’air d’une vraie star, parce que j’en suis une. » - « Moi tu sais, tant que je t’ai pas vue chez Oprah… » Je hausse les épaules, un faux air innocent sur les lèvres tandis que j’observe les palettes de fards à paupière qui trainent sur le plateau de la coiffeuse où la brune a certainement été pouponnée pour ressembler à la parfaite petite princesse de la pop qu’elle est en train de devenir. « Je t’ai vue faire le service et essuyer le bar à L’Electric Playground, je pourrais jamais te traiter comme si t’étais Beyonce. » Mais après tout, il faut bien quelqu’un pour l’aider à garder les pieds sur terre, non ?

« Si tu comptes le revendre, je te propose pas un package gratuit des pièces déjà sold out alors. »
« Tu le ferais si t’étais une vraie amie. »

Une main sur le cœur, mon meilleur jeu d’acteur de sortie, je fais mine d’être profondément blessée, le genre de blessure qui vous fait remettre toute votre vie en question. Si je ne change pas de mode de fonctionnement avec Jo, c’est parce que je suppose que ce n’est pas ce dont elle a besoin. Moi, si j’étais à sa place, je préfèrerais qu’elle me traite exactement comme elle le ferait d’habitude, avec un soupçon de sollicitude en plus peut-être mais sans travestir nos habitudes communes pour autant. Toutefois, Jo semble décidée à verser un peu plus dans le sentimentalisme et, loin de me heurter ou de me déranger, cela ne m’aide pas à ne pas me faire du souci la concernant. « Je préfère rentrer tout de suite après le concert. » - « Je suis pas venue pour faire la fête. On rentre quand tu veux. » Je ne suis là que pour elle et pour lui permettre, si elle en a besoin, d’avoir une épaule sur laquelle pleurer. Je ne suis pas forcément la mieux placée pour donner des conseils de vie et relationnels, mais je suis au moins douée pour écouter et témoigner mon empathie. Promis juré, si elle me dit qu’elle a besoin d’être soutenue plutôt que d’entendre mon opinion au sujet de ses problèmes de couple, je garderai ma bouche fermée et je ne ferai que la réconforter. « Du coup, si t’as plutôt envie d’aller dîner quelque part après, t’as qu’un mot à dire pour que la voiture nous emmène ailleurs. Et je te laisse le choix du resto, c’est toi l’invitée. » - « Toi, t’as besoin de quoi ? » A nouveau, je n’ai pas fait le déplacement pour profiter de la vie nocturne de Sydney. « On peut aller au restaurant, on peut aussi rentrer directement à l’hôtel et commander tous les plats du room service. C’est comme toi tu veux. » Je suis l’invitée, mais je ne suis pas celle qui traverse une passe compliquée ou, plutôt pas le même genre de passe. « On peut même faire appeler des gens pour se faire faire les ongles. Puisque t’es une star, ça doit pas être bien plus compliqué que de faire appeler des putes non ? » Certes, nous ne sommes pas seules. Mais puisque je ne suis pas celle qui a une réputation à polir, je me moque de modérer mes propos comme de ma première fois.