that's entertainment crédit gif - crédit/ssoveiagifs Megan Williams & @Jo Carter

Dans l’avion, j’ai mis toutes les chances de mon côté pour opérer un changement radical dans mon humeur. Elle n’est pas massacrante, mais les sensations que je ressens au niveau de la peau de mon abdomen oscillent entre le chatouillis désagréable et la douleur carrément lancinante et m’empêchent de penser à autre chose qu’à cette tentative de concevoir un enfant tout sauf naturellement dans laquelle nous nous sommes lancés Damon et moi. Ce n’est guère surprenant : les injections doivent être faites quotidiennement toujours approximativement à la même heure si bien que je dors fiv, je mange fiv et je respire fiv depuis déjà quatre jours. D’après les médecins, je devrais en vivre encore une dizaine comme ça avant de passer à la phase suivante et, même si tout fonctionnait parfaitement dès la première tentative, il faudrait encore que je sois surveillée pendant un moment encore, pendant les débuts de la grossesse. Autrement dit, les occasions de me changer les idées doivent toutes êtres saisies à bras le corps.

Et c’est ce que j’ai fait, mais je ne l’ai pas fait pour ça. A l’instar de Shiloh, Jo est une vraie amie et ne représente pour moi ni un faire valoir ni une façon de briller à présent que les projecteurs sont braqués sur elle. Je lui ai dit que je m’inquiétais pour elle, et c’est réellement le cas. Je ne suis pas en mal de ragots concernant son couple ou toute autre célébrité qu’elle doit désormais cotoyer, même si, soyons honnête, ils seraient les bienvenus pour m’aider à penser à autre chose que cet enfant qui ne grandit pas dans mon putain d’utérus. Les écouteurs dans mes oreilles crachent les titres du dernier album de Charlie XCX et, avant de décoller, j’ai assuré à Damon que je n’oublierai pas mon injection ce soir avant de le prévenir que j’éteignais mon téléphone jusqu’au lendemain, mais que je lui donnerais des nouvelles au réveil. A l’adresse de Jo, je pianote un bref message. "j’éteins mon téléphone, mais j’attends rien de moins qu’une voiture pour venir me chercher à l’aéroport et me conduire à l’hôtel puis au concert."

Et bien sûr, la voiture est là lorsque j'atterris. Le passage par la case hôtel me permet juste de me changer pour enfiler le genre de tenue qui colle un peu mieux à l’ambiance "concert de Jo Carter" à savoir court, moulant, rose et révélateur, le tout à la fois. Le genre de pièce qui tomberait dans le vulgaire si elles n’étaient pas signées par un créateur de standing. Je retouche mon maquillage et, un peu moins d’une heure après avoir posé le pied à Sydney, la voiture me dépose à nouveau, au lieu du concert cette fois. Passer par l’entrée des artistes est le genre de luxe auquel je n’avais pas encore eu le droit avant, pas dans une salle comme celle-là en tout cas. On me donne le badge qui me permettra de circuler en coulisses sans être mise dehors comme une malpropre, on me donne quelques consignes et, quelques heures à peine après que j’ai dit à Jo que je sautais dans un avion, on me conduit à elle. Bien sûr, elle n’est pas seule. A-t-elle seulement le luxe de se retrouver sans une nuée d'assistants, danseurs ou que sais-je, alors qu’elle se trouve en pleine tournée ? Le silence qui retombe une fois qu’elle se retrouve enfin seule dans une chambre d’hôtel n’en devient-il pas assourdissant, angoissant ou même carrément déprimant ? Je ne suis pas idiote : elle et son mec sont au moins en froid, au pire bel et bien séparés. « Hey. » En entrant dans la salle et alors que le vigile referme déjà la porte derrière moi, je lui adresse un sourire avant de me diriger vers elle pour l’enrouler de mes bras, au mépris de toute autre personne présente dans la pièce. La prendre dans les bras, c’est bouffer ses cheveux ou des paillettes, littéralement, étant donné qu’elle est déjà presque prête pour la scène. « J’espère que t’as au moins prévu une dédicace au micro pour remercier ta super meilleure amie d’être venue ce soir. » Je lui adresse un sourire ravissant, avant d’observer le reste des présentes dans la pièce en me contentant d’un sourire en guise de salut. « Je t’insulte pas en te demandant si t’es prête. » Bien sûr qu’elle l’est. « Tu te sens comment ? »

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Jo ne pense presque pas à Megan au moment où elle débarque en backstage. Elle sait qu’elle est sur le point d’arriver, ayant bien reçu ses messages et sa demande-express d’être traitée comme la princesse qu’elle sait qu’elle est. Sur l’instant, et ce depuis de longues heures déjà, elle a la tête à autre chose. En l’occurence, c’est à ses petits rituels avant de rentrer sur scène qui commencent par une bonne grosse tasse de thé à la limite d’être brûlé et saturé de miel, passent par la coiffure, le maquillage et l’habillage, et des trucs complètement cons du genre vérifier si elle a bien toutes ses dents en passant sa langue sur chacune d’entre elles en essayant de se souvenir de leur nom ; elle échauffe longuement sa voix, se fait équiper, et passe du temps avec ses danseurs, ses choristes, ses musiciens. Elle ne prend pas vraiment de temps seule, elle n’aime pas ça, pas copine avec le silence, même si au bout d’un moment, elle s’échappe pour appeler nana. Son dernier contact avec le monde extérieur, c’est la consultation rapide de ses textos tandis que, pauvre conne qu’elle est, elle espère avoir la même chance que le jour de sa première où Midas lui a écrit pour lui dire qu’il était fier d’elle. Elle a chialé une bonne heure, et puis parce qu’il le fallait, elle est montée sur scène avec la voix enrouée. Elle a quand même assuré, et personne ne s’est rendu compte de rien. Elle est douée, putain qu’elle l’est, elle sait faire les choses en souffrant le martyre et en rêvant de dire à tout le monde, ses fans y compris, de bien aller se faire foutre, et pourtant, tout est parfait. Sa direction artistique est particulièrement léchée pour des concerts dans des petits salles, et les retombées sur les réseaux sociaux aident le bouche-à-oreille à fonctionner. Les outros osées de Nonsense sont virales désormais pendant que Feather fait monter un peu plus sa côte de popularité : elle n’aurait pas pu espérer mieux, sauf que c’est dur, et si elle s’en cache, c’est parce qu’autour, on compte sur elle.

Sa tournée est petite, il y a tout de même beaucoup de fric au bout. Les producteurs de spectacle sont les pires requins de cette industrie, elle peut difficilement lutter en allant se plaindre à eux sous le prétexte qu’elle est au trente-sixième dessous. Si elle veut évoluer, elle doit prendre sur elle et elle le fait admirablement bien, malgré les circonstances. Ses premières dates sont un succès, et ce n’est pas étonnant puisque les billets se sont vendus si bien que sa maison disque regrette déjà d’avoir été avare sur les dates. C’est bon, très bon, pour la suite, pour la tournée de son prochain album qui sera surement plus importante que celle-ci. Elle ne s’en réjouit pas comme elle devrait, elle subit, en vérité. Ses trajets sont longs, passant d'un état à un autre, ses journées plus encore — celle d’aujourd’hui, elle a commencé tôt, comme toutes les autres. C’est un sacré rythme à tenir, plus dense que les enregistrements en live d’une émission hebdomadaire et elle le sent peser sur elle simplement. Elle n’est pas dans les bonnes conditions, autrement, elle a eu l’habitude de faire ça. Elle connait la vie de tournée, même si celle-ci n’est pas du même acabit que les weekends qu’elle passait avec ses frères dans le van de leur père. Tout ça là, c’était déjà difficile à envisager avant l’épisode de sa pause, ou whatever, avec Midas, elle l’est encore plus maintenant qu’elle a l’assurance définitive de la vivre seule, sans soutien moral, sans soutien tout cours — et on ne dirait pas comme ça, aussi sous ses putains de paillettes, elle a vraiment envie de crever.

C’est pourquoi quand Megan arrive, la prend dans ses bras, et lui demande comment elle se sent, ses yeux se remplissent immédiatement de larmes. Elle les ferme brièvement pour le cacher, pose son menton sur son épaule en jouissant du privilège exceptionnel de ne pas être trop petite, portée par des bottes compensées de douze centimètres aussi pailletées que le reste de sa tenue. Elle n’a pas envie de rompre leur étreinte, elle le fait toutefois, et dissimule ses yeux humides derrière un petit rire qu’elle accompagne de ses premiers mots à son attention "C’est pas la fête du village ici, je fais pas de dédicace au micro." Non, pas contre elle susurre des sous-entendus graveleux sans rougir, et c’est nettement plus marrant. D’habitude, en tout cas. Elle ajoute "Mais si t’insistes, je vais voir ce que je peux faire." Elle pourrait lui proposer de monter sur scène. Elle n’est pas certaine que Megan est venue pour ça. En fait si, elle en est certaine : elle n’est pas venue pour ça, bien qu’au départ, au travers de ses textos, elle les avait remis ses intentions en doute — elle a été paparazzi, elle aime les scoops, même quand ils concernent ses amis. Là, Jo ne le fait pas, remettre ses intentions en doute, et elle prend soin de ne pas lui dire clairement qu’elle se sent comme une vraie raclure du truc le plus dégueulasse qui existe sur terre, et choisit plutôt de lui faire en posant ses deux mains sur ses épaules, prenant un peu de recul pour examiner sa tenue "T’es belle." Pas difficile pour Megan. L’effort de dress-code lui fait sincèrement plaisir cependant "On va pas avoir beaucoup de temps pour parler avant le concert, mais on se rattrapera après. Tu dors avec moi ce soir, ça te va ?" Elle ne lui a pas fait réserver une chambre, elle la veut avec elle après le concert.

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Plus centrée que sur mon quotidien qui, contrairement à ce que les gens auraient pu penser, s’est largement éloigné du star system, je n’ai pas réalisé à quel point Jo était devenue… Et bien qui elle est, à quel point le phénomène Jo Carter avait pris de l’ampleur, à quel point elle était à présent une figure non négligeable de la pop australienne. Bien sûr, il est incontestable qu’elle est l’une des it girl du moment. Lorsque la voiture est passée devant la salle où des gens attendent déjà en file indienne, j’ai repéré bon nombre de jeunes adolescentes - ou tout juste adultes - vêtue d’une façon qui rendait claires leurs intentions : copier la starlette du moment pour lui ressembler le plus possible. Mais cela va au-delà de ça : le sérieux et le professionnalisme avec lequel je suis accueillie et conduite jusqu’à la loge de la brune me donne l’impression de faire partie d’une production solide et maîtrisée et je suis sincèrement heureuse pour mon amie. Elle a bien plus de succès dans le milieu artistique que je n’en aurais jamais, et c’est dans le juste ordre des choses étant donné le gap qui nous sépare en termes de talent ; je ne suis pas assez naïve ou de mauvaise foi pour être incapable de l’admettre. « C’est pas la fête du village ici, je fais pas de dédicace au micro. » - « Désolée, les boules à facettes, les néons et les lumières éblouissantes, j’ai cru. » Je serre Jo contre moi en la titillant avec humour. L’événement ne ressemble aucunement à une fête du village et je me moque bien d’être mise en avant d’une quelconque façon ce soir. Ce qui me préoccupe en revanche, c'est cette étreinte qui s’éternise : cela ne ressemble guère à Jo. Lorsqu’elle me relâche et recule, il me semble voir ses yeux briller. Consciente de la pudeur de la chanteuse, je ne fais pas la moindre remarque. Je me contente d’attraper avec une délicatesse exceptionnelle sa joue, de la caresser du bout du pouce et de profiter de ce geste pour essuyer toute larme qui risquerait de perler au coin de son œil et de ruiner son maquillage si travaillé. Bien vite je retire ma main ; je veux tout sauf qu’elle se sente obligée de parler de ça. Plus tard, après son show et seulement si elle a besoin et envie, promis juré. « Mais si t’insistes, je vais voir ce que je peux faire. » - « Je vais avoir le droit d’être maquillée par une pro moi aussi ? » Tandis que je me fais la remarque que son maquillage de scène doit être une horreur à retirer, je songe que mon quotidien et mes préoccupations ont bien changé, pour en arriver à ce genre de pensée.

« T’es belle. » - « Je suis tout le temps belle. » Mais en ce moment, je suis fatiguée. Les effets secondaires du traitement que Damon m’injecte tous les jours ont été bien plus rapides que ce que je pensais, malgré les avertissements de mon spécialiste, je ne m’attendais pas à être aussi épuisée et à fleur de peau. Irritable et sensible, je passe de la colère aux larmes en passant par des éclats de rire au gré de mes douleurs abdominales. Mes traits sont donc plus tirés que d’ordinaire, mais je compte bien mettre ça sur le dos du trajet en avion tant que je n’aurais pas eu l’occasion d’en parler plus sincèrement avec Jo dans un cadre plus intimiste. « T’as l’air d’une vraie star, de ton côté. » Dans tous les sens du terme. Elle brille plus fort qu’une étoile et elle s’y prend plutôt bien pour masquer le mal-être que je devine qu’elle ressent. Parce que je la connais, j’aperçois les fêlures sur son masque de paillettes, mais je suis presque sûre que seuls ceux qui sont proches d’elles peuvent les détecter eux aussi. Le public ne doit y voir que du feu. Finalement, Jo aurait été une meilleure actrice que moi. « Je suis pas surprise. T’es une naturelle. » Je lui adresse un sourire sincère et dépose un baiser sur sa joue. « J’espère que j’aurais une réduc sur le merch. Je revendrai ça quand la valeur aura triplé parce que tu seras devenue une vraie diva. » Je retiens un plus que tu ne l'es déjà, je veux dire qui aurait certainement quitté la barrière de mes lèvres si je ne l’estimais pas dans un état de sensibilité proche du mien, pour des raisons bien différentes ceci-dit.

« On va pas avoir beaucoup de temps pour parler avant le concert, mais on se rattrapera après. Tu dors avec moi ce soir, ça te va ? » - « Je me disais que c’était un peu trop le bordel pour un palace. » En tournant sur moi-même, j’observe avec curiosité la loge dans laquelle elle se prépare. « J’ai déjà posé mes affaires. » Une valise évidemment, même si je repars demain midi. Je me sens comme une princesse. J’ai l’impression d’être traitée comme Charlie, voilà la pensée que je formule, mais que je ne partage pas à voix haute. Je ressens un douloureux pincement au cœur, et Jo n’a pas besoin de ce genre de remarque ce soir.

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Dans un monde parfait, une production plus sobre aurait accompagné les débuts de Jo sur scène. Seulement, plus le temps passe, plus elle réalise que ce n’est pas si pire d’être une main girl pop. Elle rêve toujours de piano-voix, de jazz et de musical dans le sens le plus strict du terme, mais d’ordinaire, elle s’épanouit dans les mélodies acidulées qui sont les siennes aujourd’hui, et si parfois elle trouve ça réducteur, petite poupée miniature qui laissent parfum et paillettes dans son sillage, elle y trouve largement son compte. Elle peut laisser sa malice s’exprimer, experte du double-sens, et le sarcasme qu’elle maîtrise aussi bien que son charme, il appose une touche personnelle à ce qu’elle propose au public. Son univers est fun, doux et coloré, gorgé de références datées qu’elle remet au goût du jour, puisant dans ce qu’elle connait des années qui ont accueilli la jeunesse de sa grand-mère, celle de ses parents aussi, et quoi qu’en dise d’autres qui la trouvent un peu vulgaire et provocatrice, on la remarque, et c’est tout ce qu’elle veut. Elle s’en fout un peu qu’on la juge trop promiscuous aux yeux des parent relouds des petits jeunes qui l’écoutent et qui, eux, la trouvent dans l’air du temps : ce n’est qu’un personnage qu’elle joue, et elle le joue bien, là encore, n’en déplaise à certains. Elle n’a pas envie de se terrer dans un truc austère qui fait chialer la ménagère, elle n’a pas envie d’écrire sous le prisme de la mélancolie pour faire plaisir à ceux qui estiment que les peines de coeur, ça doit être écrit selon un cahier des charges qui impliquent le pathos — d’autres le font mieux qu’elle, elle n’a pas la prétention de vouloir marcher sur les plates bandes de qui que ce soit, elle voit plus loin que ça : elle veut tout simplement tirer son épingle du jeu, prouver qu’elle à sa place, et elle l’a, c’est indubitable.

Elle se demande parfois ce que son entourage pense de tout ça. Elle ne peut pas tellement compter sur sa grand-mère, et elle ne lui en veut pas, alors elle s’en remet à ceux qu’elle estime assez pour prendre en compte leur avis. Megan en fait partie. Elle est là pour autre chose que la voir chanter ce soir, elle le sait, mais pendant les deux prochaines heures, elle veut faire semblant de ne pas avoir une idée précise de la raison derrière sa visite : sa pause, sa rupture, ce truc vers quoi elle a penché parce qu’elle avait l’impression de ne pas avoir trop le choix considérant le ressenti de celui qu’elle a laissé derrière elle. Elle ne s’attarde pas sur la main qu’elle pose sur sa joue quand elle rompt enfin leur étreinte, se concentre sur autre chose, sur ses paroles sur lesquelles elle rebondit plus mollement que d’habitude parce qu’elle sait bien faire semblant, mais que de temps en temps, elle baisse sa garde et oublie d’être la salope sarcastique que même ses proches finissent par prendre pour la vraie elle — sa faute, elle a bien compris que l’image qu’on a d’elle incombe à sa volonté ferme de ne laisser personne l’atteindre en se planquant derrière son mauvais caractère, pas besoin d’enfoncer le couteau dans la plaie "Hm, on peut même s’occuper de tes cheveux si tu veux." Elle n’a pas besoin de tout ça, Megan. Comme elle le lui dit juste après, elle est belle, c’est un fait, et elle le sait, mais si ça lui fait plaisir, Jo peut mettre son équipe à disposition pour la sublimer encore plus.

Elle se recule, pose sa paume sur le bustier pailletés avec un insert en forme de coeur au niveau du décolleté qui constitue une partie de sa tenue, et avec malice, elle répond à son compliment "J’ai l’air d’une vraie star, parce que j’en suis une." C’est tiède, c’est mou, c’est franchement bien en-dessous de la façon dont elle vend et survend son statut de star montante d’habitude. Sauf qu’elle fait ce qu’elle peut : elle n’a pas envie d’être là, ça se ressent peut-être, elle ne se pose pas la question, et sourit là peine au reste des paroles de Megan "Si tu comptes le revendre, je te propose pas un package gratuit des pièces déjà sold out alors." Ça se vend bien, ces merdes. Ce n’est pas toujours du meilleur goût, c’est vrai. Mais les fans adorent, c’est ce qui compte. Elle marche de quelques pas pour aller s’appuyer contre le coiffeuse éclairée non loin d’elle, hoche la tête en écoutant Megan lui dire qu’elle a déjà posé ses affaires dans la suite qui est réservée à Jo "Je préfère rentrer tout de suite après le concert." Enfin, après être passée faire quelques photos et en signer pour remercier ceux qui ont attendu des lustres pour la voir. Elle est une connasse, mais une connasse reconnaissante… incroyable, non ? "Du coup, si t’as plutôt envie d’aller dîner quelque part après, t’as qu’un mot à dire pour que la voiture nous emmène ailleurs. Et je te laisse le choix du resto, c’est toi l’invitée." Elle, elle picorera à peine de toute façon.

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La Jo que je trouve est à peu près celle que je m’attendais à trouver. Elle donne le change, mais pour quelqu’un qui sait quoi chercher, quoi observer, il n’est pas si compliqué de trouver des indices de son véritable état d’esprit dissimulés sous cette couche de vernis rose à paillettes. Ses piques sont molles et si la brune ne manque pas d’esprit, elle semble en revanche manquer de conviction. Moi, elle ne me dupe pas : il lui manque l’étincelle qui fait qu’elle est Jo Carter et je me fais la réflexion qu’elle doit être terriblement forte pour réussi à la simuler malgré tout. « Hm, on peut même s’occuper de tes cheveux si tu veux. » En forme, elle m’aurait dit que j’en ai grandement besoin après avoir passé deux heures dans l’avion et transit. C’est le cas et la remarque aurait été particulièrement bien envoyée et, en guise de réponse, elle aurait eu le droit à une remarque l’accusant de tenter de rivaliser avec une boule à facette où l’anniversaire d’une enfant de cinq ans à cause de toutes les paillettes dont elle use et abuse pour l’esthétique de sa tournée. Rien de tout ça, juste la proposition de profiter d’une mise en beauté entre les mains expertes de professionnelles et bien qu’un peu décontenancée, je ne perds pas le Nord pour autant. « Je dois faire quoi ? Claquer des doigts et m’installer sur ton fauteuil de princesse et les petites mains apparaissent comme par magie ? » J’ai plus l’air hautain que je ne le suis réellement ou, en tout cas, il s’agit plus d’un genre que je me donne presque inconsciemment que de ma nature profonde. Quoi qu’il en soit, j’aime l’idée d’être traitée comme une vraie princesse et, sans attendre l’accord de qui que ce soit, je m’installe sur la chaise – que dis-je, le trône – qui est de toute évidence réservé à ma starlette d’amie.

« J’ai l’air d’une vraie star, parce que j’en suis une. » - « Moi tu sais, tant que je t’ai pas vue chez Oprah… » Je hausse les épaules, un faux air innocent sur les lèvres tandis que j’observe les palettes de fards à paupière qui trainent sur le plateau de la coiffeuse où la brune a certainement été pouponnée pour ressembler à la parfaite petite princesse de la pop qu’elle est en train de devenir. « Je t’ai vue faire le service et essuyer le bar à L’Electric Playground, je pourrais jamais te traiter comme si t’étais Beyonce. » Mais après tout, il faut bien quelqu’un pour l’aider à garder les pieds sur terre, non ?

« Si tu comptes le revendre, je te propose pas un package gratuit des pièces déjà sold out alors. »
« Tu le ferais si t’étais une vraie amie. »

Une main sur le cœur, mon meilleur jeu d’acteur de sortie, je fais mine d’être profondément blessée, le genre de blessure qui vous fait remettre toute votre vie en question. Si je ne change pas de mode de fonctionnement avec Jo, c’est parce que je suppose que ce n’est pas ce dont elle a besoin. Moi, si j’étais à sa place, je préfèrerais qu’elle me traite exactement comme elle le ferait d’habitude, avec un soupçon de sollicitude en plus peut-être mais sans travestir nos habitudes communes pour autant. Toutefois, Jo semble décidée à verser un peu plus dans le sentimentalisme et, loin de me heurter ou de me déranger, cela ne m’aide pas à ne pas me faire du souci la concernant. « Je préfère rentrer tout de suite après le concert. » - « Je suis pas venue pour faire la fête. On rentre quand tu veux. » Je ne suis là que pour elle et pour lui permettre, si elle en a besoin, d’avoir une épaule sur laquelle pleurer. Je ne suis pas forcément la mieux placée pour donner des conseils de vie et relationnels, mais je suis au moins douée pour écouter et témoigner mon empathie. Promis juré, si elle me dit qu’elle a besoin d’être soutenue plutôt que d’entendre mon opinion au sujet de ses problèmes de couple, je garderai ma bouche fermée et je ne ferai que la réconforter. « Du coup, si t’as plutôt envie d’aller dîner quelque part après, t’as qu’un mot à dire pour que la voiture nous emmène ailleurs. Et je te laisse le choix du resto, c’est toi l’invitée. » - « Toi, t’as besoin de quoi ? » A nouveau, je n’ai pas fait le déplacement pour profiter de la vie nocturne de Sydney. « On peut aller au restaurant, on peut aussi rentrer directement à l’hôtel et commander tous les plats du room service. C’est comme toi tu veux. » Je suis l’invitée, mais je ne suis pas celle qui traverse une passe compliquée ou, plutôt pas le même genre de passe. « On peut même faire appeler des gens pour se faire faire les ongles. Puisque t’es une star, ça doit pas être bien plus compliqué que de faire appeler des putes non ? » Certes, nous ne sommes pas seules. Mais puisque je ne suis pas celle qui a une réputation à polir, je me moque de modérer mes propos comme de ma première fois.

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"Pas besoin. J’ai un talkie-walkie." Sans rire. Son équipe la sait exigeante, alors à défaut de lui avoir offert une clochette sertie de diamants pour qu’elle puisse appeler ses serviteurs en usant et abusant d’un ding-ding ! strident, ils lui ont fourgué un talkie-walkie blindé de strass — jusqu’à la petite antenne ou un charm en forme de bisou volé se balance gaiement — qu’elle emmène partout avec elle et qui est branché sur la fréquence de celui que Stefani porte à la ceinture. Ce n’est pas grand-chose, ça a le don de la faire sourire quand elle se retourne pour l’empoigner et le montrer fièrement à Megan qui s’installe sur sa chaise pour recevoir sa mise en beauté. Jo ne lui propose pas de donner son ordre elle-même, elle le fait volontiers à sa place. Le grésillement mécanique quand elle appuie sur le bouton jure avec l’éclat des strass qui se reflètent dans son gloss lorsqu’elle dit, sérieuse "On a besoin d’une intervention capillaire ici, et vite." Elle sait très bien qu’elle n’a pas sa superbe d’ordinaire, qu’elle paraît sans doute triste, molle, éteinte. De ce fait, elle puise dans ses réserves de mauvaise foi pour ajouter, jetant un regard critique à Megan qu’elle a toujours trouvé sublime, qu’importent les circonstances — même en pleurs et couverte de sang, elle reste l’une des plus belles femmes de son entourage, et elle le pense sans manquer un instant d’objectivité, c’est loin d’être leur genre. Ainsi là, elle surjoue quand elle dit à Stefani, mimant l’effarement d’être confrontée au maintien raplapla des cheveux de la blonde "Je suis sérieuse. C’est un code rouge, alors du nerf." Elle abandonne son talkie-walkie sur la coiffeuse derrière elle, fait à Megan avec un air faussement concerné "T’en fais pas, tu retrouveras figure humaine dans moins de temps qu’il faut pour le dire." Et comme la coiffeuse de Jo se pointe quasi-immédiatement, autant dire, donc, qu’elle ne ment pas.

Elle reste là, dos au miroir, mais face à Megan. Elle se fout un peu de gêner sa coiffeuse qui n’est là que pour faire son travail. Elles finissent par l’oublier, de toute façon. Jo laisse Megan disposer de ses doigts de fée comme elle l’entend, elle-même se concentrant sur ce qu’elle lui dit en tachant, en même temps, d’oublier la raison de sa présence ici. Elle a envie de pleurer, en vérité. Elle a aussi envie de lui demander si elle est la pire personne qu’elle connaisse, de lui demander comment elle fait, elle, pour réussir à garder Damon alors qu’elle n’a pas moins de névroses qu’elle, mais l’amour propre qu’il lui reste la somme de rester focus sur ce qui s’annonce. Sa montée sur scène est imminente, et dans sa tenue d’apparat, elle donne l’image parfaite de la starlette qu’elle a toujours rêvé d’être, qu’importe si elle n’a pas encore foulé le plateau de l’émission d’Oprah "Elle fait partie de la liste de Puff Daddy, je suis pas sûre de vouloir la fréquenter, même de loin." qu’elle se défend, répondant aux sarcasmes de Megan avec les sourcils haussés un air de dire c’est le showbiz, baby. Manquerait plus qu’on lui ajoute des rumeurs de participation à un traffic sexuel, tiens, déjà qu’on la traite de pute bien trop souvent à son goût en ce moment "Et moi je t’ai vu le cul à l’air sur des photos olé-olé, et ça bien avant de le voir se faire claquer par Tomlinson sur grand écran l’été dernier, ça fait qu’on est quittes, non ?" Rien à voir, mais rien à foutre : ça ressemble déjà plus à Jo que tout ce qu’elle a dit à Megan depuis qu’elle est entrée dans sa loge.

Ça ne dure pas longtemps cependant "T’aurais pu emmener Damon. Tu vas t’ennuyer à crever avec moi jusqu’à demain." Parce qu’elle n’est pas drôle, ces derniers temps, et que se terrer dans sa chambre d’hôtel, c’est le seul truc qu’elle trouve à faire une fois qu’elle sort de scène, et ça malgré le fait qu’elle s’y sent particulièrement mal à l’aise. Elle sait qu’elle n’aurait pas supporté de voir des gens qui s’aiment se bécoter devant elle, se tenir la main, se regarder avec des yeux en forme de coeur, se satisfaire de respirer le même air, mais elle pense aussi que Damon aurait eu sa place auprès de sa femme s’il l’avait voulu. Il n’est pas là, Megan va devoir traiter avec la mélancolie d’une Jo qui s’effondrera surement une fois départie de sa tenue de scène et de son maquillage. Elle a honte d’avance, mais pas plus que de lui dire en riant par réflexe de protection, lorsqu’elle lui demande de quoi elle, elle a besoin "D’une corde ou d’un flingue, tant que je rate pas mon coup." Elle plaisante, sauf que, pour elles qui ont perdu une amie il y a peu de temps, c’est brutal ; c’est même assez violent. Pourtant, elle-même l’entend, la détresse dans son intonation quand sa voix brise le silence suite à la question de Megan, et ça l’alerte autant que ça la met mal à l’aise de ne pas avoir su la retenir.

La coiffeuse relève la tête, Jo évite son regard en baissant la sienne, et en reprenant, plus sérieuse, effaçant de l’ardoise ce qu’elle vient de dire en devenant soudainement moins satire "Un massage et une bonne nuit de sommeil, ce serait pas de refus." Elle sent sa gorge se serrer, le regrette parce que dans moins de dix minutes, elle devra chanter, et ajoute en espérant se détendre, et ce après une seconde à peine de réflexion "Un repas composé que de desserts aussi. Ou bien, non : un milk-shake avec des frites." Comme elle l’aurait fait avec Charlie. La pensée lui traverse l’esprit, elle ne s’y arrête pas plus longtemps que ça, poursuit "Je risque pas de plus rentrer dans mes tenues. J’ai de la marge." conclut-elle, redressant la tête pour regarder la blonde qui essaye, elle le voit bien. Elle essaye aussi, bondissant sur sa perche sans plus se soucier de sa coiffeuse que Meg ne le fait elle-même "J’ai arrêté les putes, ça commençait à me revenir grave cher." Elle prend une moue dubitative, continue sur sa lancée "Mais si tu te proposes… ton prix sera le mien." Elle lui envoie une grimace espiègle, se décolle de son coin en se dandinant sur ses bottes à talons pour être sûre de ne pas recevoir de tape ou de coup de pied de la part de la jeune femme qu’elle finit par approcher pour, profitant que la coiffeuse se soit reculée, la prendre dans ses bras de côté — deuxième câlin en l’espace de quelques minutes à peine, le record est atteint —, et lui dire enfin en collant sa joue au sommet de son crâne "Merci d’être venue. Tu vas pas le regretter, je te promets." Ou peut-être que si quand elle se rendra compte de l’étendue des dégâts auprès de Jo, et qu’elle se retrouvera sans solution pérenne à lui offrir pour soulager son petit coeur.

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Voir Jo tirer son talkie-walkie de sa ceinture avec un regard bouffi par une fierté qu’elle ne simule, j’en ai l’impression, qu’à moitié, ça suffit accrocher un sourire sur mes lèvres à moi également. Elle l’a évidement recouvert de strass – ou elle l’a fait recouvrir, plus vraisemblablement, et l’agite sous mon nez comme s’il s’agissait d’un sac de luxe qu’elle aurait obtenu alors que tout le monde n’a le droit qu’à une liste d’attente. « On a besoin d’une intervention capillaire ici, et vite. » J’éclate de rire, un peu rassurée de voir que Jo, malgré son ton mou et abattu, est toujours quelque part derrière la petite starlette qui éteinte que j’ai sous les yeux. « Je suis sérieuse. C’est un code rouge, alors du nerf. » Je secoue la tête, amusée malgré son manque d’entrain et d’énergie mise dans le fait de se moquer de moi – par rapport à ce qu’elle est capable de donner – et je m’installe dans le fauteuil qui fait face au miroir rétroéclairé et qui parvient à me donner bien meilleure mine que celle que j’ai depuis le début des injections. « T’en fais pas, tu retrouveras figure humaine dans moins de temps qu’il faut pour le dire. » - « Je suis rassurée : au moins je sais qu’ils t’ont pas remplacé par un clone, un robot ou un hologramme. » Comme dans cet épisode flippant de la série Black Mirror. J’ai à peine le temps de répondre que la porte s’ouvre sur une jeune femme équipée de tout un tas de brosses, peignes et ustensiles de coiffeur : elle a mis moins d’une minute à rejoindre la loge de la chanteuse. « Je suis impressionnée. » Il s’agit là d’un tout autre niveau que ce que j’ai connu sur le tournage de Nine. Là où ce dernier a pris plusieurs semaines à être filmé, tout doit être dans l’instantané, lors d’un concert. Je pourrais prendre goût à ce genre d’avantage, à sa place. Et je ressens un pincement au cœur en songeant, avec tristesse, qu’elle ne doit pas être vraiment en état d’en profiter autant qu’elle le ferait dans un contexte différent.

« Elle fait partie de la liste de Puff Daddy, je suis pas sûre de vouloir la fréquenter, même de loin. » - « C’est moche la jalousie. Je suis sûre que tu feras les plus gros plateaux toi aussi, un de ces jours. » La jeune coiffeuse s’affaire à présent sur mes cheveux avec un fer à boucler avec une dextérité qui m’impressionne. Aucun petit cheveu tiré, aucune sensation de brulure lorsqu’elle approche le fer près de mon crâne : c’est une pro, et je ne suis pas surprise que Jo n’ait le droit à rien d’autre que le meilleur. « Et moi je t’ai vu le cul à l’air sur des photos olé-olé, et ça bien avant de le voir se faire claquer par Tomlinson sur grand écran l’été dernier, ça fait qu’on est quittes, non ? » Le rapport n’existe pas, mais elle me tire toutefois un sourire amusé. « Tu t’en es toujours pas remise hein ? C’est devenu un genre de nouveau kink pour toi, c’est ça ? » Dans d’autres circonstances, je lui aurait demandé si elle et son mec versent dans le jeu de rôle, s’ils se mettent dans mon rôle et celui de Micah pour rejouter toutes les scènes de Nine et pimenter ainsi leur vie sexuelle.

« T’aurais pu emmener Damon. Tu vas t’ennuyer à crever avec moi jusqu’à demain. » - « On aurait dormi tous les trois dans la même chambre là aussi ? » Difficile de dire lequel aurait tenu la chandelle, je suppose que cela aurait dépendu de l’ambiance de la soirée : Damon a tout mon amour mais il m’arrive parfois d’être intenable en compagnie de Jo. « Toi entre nous dans le lit ? Je suis pas certaine que tu sois le genre de personne que Damon imagine dans ses fantasmes de plan à trois. » Plan à trois qui ne quittera jamais le domaine du fantasme, s’il était utile de le préciser. Quoi qu’il en soit, Jo est bien trop castratrice pour l’homme doux et sensible qu’est mon époux. J’ignore de quelle façon elle se comporte dans l’intimité, mais si elle est avec ses partenaires comme elle se comporte avec ses amis, il doit leur falloir une sacrée dose de confiance en eux et de résilience pour ne pas se laisser écraser.

« D’une corde ou d’un flingue, tant que je rate pas mon coup. » L’envie de blague me passe instantanément. Comment ne pas penser à Charlie, alors que le seul tiers de notre trio qu’il me reste évoque ce genre de chose. Il s’agit d’humour noir, je ne peux pas envisager une seule seconde qu’il en soit autrement, mais je dévisage tout de même la brune avec sérieux. Elle ne peut pas en être à ce genre d’extrémité pour une peine de cœur, si ? « Un massage et une bonne nuit de sommeil, ce serait pas de refus. » Je ravale un dis-moi vraiment comment tu vas qui attendra que nous soyons seules. En présence de la coiffeuse qui, lorsqu’elle l’a entendue évoquer une alternative radicale, a levé les yeux et interrompu ses mouvements, je lui adresse un sourire qui manque de conviction. Je ne la crois pas capable de se faire du mal, mais il n’en reste pas moins vrai qu’elle m’a inquiétée. Après Charlie, après Saül, après l’année – de merde, soyons franches une seconde – que j’ai passée, j’ai du mal à rire à cette plaisanterie, pourtant habituellement adepte d’humour noir. « Un repas composé que de desserts aussi. Ou bien, non : un milk-shake avec des frites. Je risque pas de plus rentrer dans mes tenues. J’ai de la marge. » - « Et moi, je croise toujours les doigts pour avoir besoin d’en acheter des plus larges d’ici quelques mois. Je te suis. » Je ne suis pas enceinte, mais j’ai foi en ce premier round de fécondation in vitro. « J’ai arrêté les putes, ça commençait à me revenir grave cher. Mais si tu te proposes… ton prix sera le mien. » - « Nan, faut que je me prépare à devenir une mère de famille respectable. » Plaisanter comme si mes difficultés pour concevoir un enfant avec Damon n’existaient pas me fait un bien fou, mais la redescente risque d’être difficile. Ce soir, lorsque je m’enfermerai dans la chambre d’hôtel pour me faire ma piqûre journalière, j’aurais certainement à nouveau envie de chialer face à cette injustice de plus.

Sans crier gare, Jo profite que la jeune fille qui s’affairait autour de mes cheveux semble avoir terminé pour me prendre à nouveau dans ses bras. Surtout, je pose ma main sur son avant-bras et penche ma tête vers la sienne pour que ma tempe entre en contact avec son front. « Merci d’être venue. Tu vas pas le regretter, je te promets. » Je la garde dans mes bras un instant, avant de tourner la tête pour déposer un baiser sur son front et lui adresser un sourire. « Je pourrais regarder le show depuis où ? »

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Jo pense qu’elle aurait préféré être remplacée par un clone, un robot, ou un hologramme, mais elle le tait, et emprunte une petite mine pédante qui manque cruellement de conviction pour démontrer à Megan que c’est bien elle, qu’elle est là, et que personne ne pourra jamais la remplacer, c’est évident. Elle doute de ça sans l’exprimer, pas très à l’aise avec l’idée d'amenuiser sa valeur même si elle en aurait le droit si seulement elle en avait le temps. Elle verra ça plus tard, pour l’instant, elle s’intéresse plus ou moins au ravalement de façade de sa copine par sa coiffeuse qui devient bientôt rien de moins qu’un meuble, la conversation poursuivant son cours sans trop de sérieux. Mentionner brièvement Micah, ça la rend un peu amère, au point qu’à la rhétorique de Megan, Jo répond "Mon rêve de terminer en sandwich entre vous deux, t’as pas idée." Si elle n’était pas aussi directive, surement qu’ils n’en feraient qu’une bouchée. Entre le premier qui fait la taille d’une armoire à glace avec options intégrées, et la seconde qui a des pastèques accrochées en permanence au thorax, autant dire que si Jo n’avait pas le caractère, elle ne ferait pas le poids entre deux statures comme celles-ci. Encore que, elle a de la poigne, c’est une certitude que Micah, d’ailleurs, ne peut réfuter. Peu importe, ça ne l’intéresse pas de toute façon. Elle ne fait que mentir, jouer, exagérer, et tenter de faire bonne figure. La suite, elle lui vient toute seule, et finalement, elle est la seule à en rire parce qu’elle est la seule à comprendre la référence "Qui sait, peut-être dans mon prochain clip." Son hilarité prend la forme d’un très léger souffle relâché par ses narines qui frémissent quand, sans prévenir, des larmes lui montent aux yeux. Pour les cacher, elle opère un léger tour sur ses hanches, et empoigne une gourde en provenance de son merch — une collaboration très lucrative avec une marque qui fait fureur chez les gamines qui bouffent, respirent, dorment TikTok — de laquelle elle boit une gorgée d’eau qui lui brûle la gorge. Comme son rire, la blague est courte, rapide, et lui donne envie d’annuler son concert pour aller se rouler en boule dans un coin où elle n’aura pas l’impression d’être une sale chienne mal éduquée — personne ne lui a jamais dit qu’elle en était une, mais c’est ce qu’elle a l’impression d’être et là, elle exagère à peine. Enfin, elle pose sa gourde, mime une nausée quand Megan échange la place de Micah contre celle de Damon. Ce n’est rien de moins que de la mauvaise foi, celle des gosses qui refusent de manger des choux de Bruxelles parce que c’est vert et que ça pue, mais ça accentue bien sur l’idée que l’image la répugne autant parce que Damon, et bien, est Damon (et qu’au-delà de commencer à l’apprécier, vraiment, il est le mari de Megan, et que Jo a des défauts, mais lorgner sur les mecs de ses copines, c’était le truc de Charlie, pas le sien), que parce que… eww, tout simplement. Sa grimace parle pour elle, elle fait quand même "Et tu vois, moi qui me prends pour le nombril du monde, si y a bien un scénario dans lequel j’ai pas envie de me retrouver sous aucun prétexte, c’est celui-là." Et le dit aussi respectueusement qu’elle sait parfaitement que Megan plaisante et essaye d’alléger l’atmosphère, tout simplement. Elle est à ça de lui demander si elle s’inquiète pour sa vie sexuelle, à vouloir lui soutirer des infos sur ses kinks et s’épancher sur les fantasmes de son mari, mais elle n’a pas envie que ça l’incite à lui dire d’aller voir ailleurs pour soulager la tension, quand l’ailleurs n’aura jamais, jamais, jamais le même attrait et encore moins la même intensité que les derniers mois qu’elle a passé avec Midas.

Elle passe vite sur l’excès de zèle qu’elle vient de faire en démontrant par une blague douteuse à quel point elle ne se sent pas bien et préfère se concentrer sur l’information que Megan laisse échapper tandis qu’elle, elle se vante de pouvoir manger ce qu’elle veut sans grossir. Elle ronchonne, prend du recul sur Megan qu’elle a rejoint pour lui offrir ses bras "Promets-moi que tu t’habilleras jamais avec des vêtements de maternité classiques, ceux qu’ils taillent dans des rideaux hideux, et qui n’avantagent personne." Elle ne sait pas dans quelle mesure elle peut se montrer inquisitrice à ce sujet. Elle a encore l’image de Megan couverte de sang gravée sur la rétine, Jo, et si bien sûr, le traumatisme lié à cette scène en particulier n’est pas égal à celui que la blonde a vécu dans sa propre chair, elle ne peut s’empêcher de se montrer curieusement pudique à ce propos, peut-être plus qu’elle ne l’a jamais été à propos de n’importe quel sujet. Ça ne dure pas cependant, et elle reprend à sa suite "Sauf que tu seras jamais une mère de famille respectable avec les pare-chocs que tu te traînes." Sa coiffeuse en aura entendue des vertes et des pas mûres aujourd’hui, mais cette fois, elle se permet de rire. Jo espère toutefois qu’elle n’ira pas cafter à Stefani ce qu’elle a lâché à propos de la corde et du flingue ; elle n’a pas envie de voir son psy débarquer en trombe, elle n’a pas envie de lui mentir davantage en lui disant que bien sûr que je mange et que je dors, vous croyez que j’aurais cette gueule si c’était pas le cas ? Elle poursuit sur sa lancée "Par contre, la plus canon, ça c’est sûr que tu le seras, y a pas à douter." Jo, elle a une dent contre les mères parfaites, celles qui se vantent de leur engagement envers leurs enfants en leur préparant des putains de chasse au trésor et en dépouillant leur père de leur fric pour réaliser tous leurs caprices.Du coup, elle espère que Megan, quand elle l’aura, son mioche, elle filera des urticaires de jalousie à ces salopes qui ne supporteront pas de voir une jeune femme de son âge aussi à l’aise dans son rôle tout en étant au prime de sa beauté.

Elle accueille le baiser de Megan sur son front avec un froncement de nez et essuie la trace qu’elle lui a laissée avec sa paume et avec, sur le visage, l’air d’une sale gosse effrontée qui refuse l’affection d’un proche parce que c’est sale, même si ça fait du bien. Elle la lâche doucement, enjoint sa coiffeuse d’un regard de continuer son ouvrage, et se recule avant que Megan ne lui pose une dernière question. Dans moins de quelques minutes, on viendra la chercher, elle le ressent dans chaque atome de son être calé sur un rythme infernal qui a eu le temps de s’imprégner en elle en moins de temps qu’il n’en faut pour l’espérer, ainsi il ne leur reste vraiment pas beaucoup de temps à passer ensemble. Lentement, mais discrètement, Jo se met en condition, recentrant sa concentration sur ce qui va bientôt se passer ; sa respiration change, sa posture aussi, son menton se redresse, la chute de ses reins se cambre légèrement. Elle prend toutefois le temps de répondre à Megan avant qu’on ne vienne la chercher "Depuis la tribune réservée aux VIP. Tu seras tout prêt, et je te verrai, t’as intérêt de danser." Elle ne pourra pas s’en empêcher, c’est ce qu’elle se dit, un sourire en biais fendant ses lèvres. Soudain, elle entend le grincement de la porte de sa loge, et la tête du régisseur passer au travers pour lui dire à l’instant où elle même tourne son visage dans sa direction. On est à moins cinq minutes. C’est l’heure, Jo "Je sais, une seconde." lui répond-elle, et l’appréhension qui commence à se former dans son ventre la rend nettement moins accessible tout à coup, et pourtant, elle fait à Megan dont elle croise les yeux dans le miroir "Loupe pas le début, hm ?"

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« Mon rêve de terminer en sandwich entre vous deux, t’as pas idée. Qui sait, peut-être dans mon prochain clip. » - « Ta cible c’est pas les gamines de quatorze ans ? » Je lève un sourcil, feignant la surprise simplement pour le plaisir de la titiller. Je crois qu’une part de moi a envie de se prouver que si elle répond à mes piques - piques qui restent bien gentilles - c’est qu’elle ne va pas si mal que le torrent médiatique autour de sa prétendue rupture avec son petit ami peut le laisser penser. Même si, étant donné l’accueil mou que j’ai reçu, je suis à présent à peu près certaine qu’elle n’a plus rien de prétendue. « Ce serait con qu’il soit pegi 18 ton clip. » Comme Nine a lui-même été interdit en salle pour les moins de dix-huit ans dans les pays les plus puritain en raison de scènes qui faisaient plus que suggérer et de semi-nuditée. Ce que j’ai à dire de ça, c’est qu’il aurait été dommage de me recruter moi comme actrice principale et de ne pas mettre en avant mes atouts.

« Et tu vois, moi qui me prends pour le nombril du monde, si y a bien un scénario dans lequel j’ai pas envie de me retrouver sous aucun prétexte, c’est celui-là. » Les affaires de fesses et les hommes étant l’un des piliers de nos conversations - j’exagère à peine, ils le sont lorsque nous ne sommes pas dans un contexte plus intimiste puisque nous sommes toutes les deux incapable de nous livrer sans que toutes les planêtes soient alignées, alors certainement pas en public - je ne suis pas surprise de la tournure des choses. Je suis même un peu rassurée ; Jo ne va pas bien, elle traverse certainement une passe amoureuse compliquée, mais elle ne va pas aussi mal que ses blagues lugubres peuvent le laisser penser. Non ? Je garde l'œil ouvert, malgré tout inquiète à cause des propos qu’elle tient en qu’elle tente de faire passer pour de l’humour. « Pas à moi. » Je me contente de ça, réprimandée gentiment pas la coiffeuse qui tire un peu plus fort sur mes racines pour gentiment me rappeler à l’ordre et m’astreindre à rester immobile. « Promets-moi que tu t’habilleras jamais avec des vêtements de maternité classiques, ceux qu’ils taillent dans des rideaux hideux, et qui n’avantagent personne. » - « Tant que j’ai pas fini mes études, la seule chose qui me rapporte un peu d’argent c’est mon corps - » Une partie bien spécifique de mon corps, dirait Jo. « - alors t’as pas à t’inquiéter. Et avant que tu fasses la moindre blague, je parle des partenariats. » Et pas de prostitution ou de films pornos. Je connais assez Jo pour anticiper ce genre de blagues graveleuses.

« Sauf que tu seras jamais une mère de famille respectable avec les pare-chocs que tu te traînes.  » La jeune employée étouffe à peine un rire et mes yeux roulent dans leur orbite. Pour parachever de donner l’impression que je suis excédée, je pivote légèrement la tête en arrière pour m’adresser à elle. « Faut pas l’encourager. Elle parle déjà que d’eux sans avoir besoin d’aide. » Eux, les deux composantes de ma poitrine à laquelle la brune a trouvé tout un tas de surnoms depuis des années. « Par contre, la plus canon, ça c’est sûr que tu le seras, y a pas à douter. » - « Aawww, tu te rattrapes, c’est mignon. » En pressant mes lèvres l’une contre l’autre, je fais mine d’envoyer un baiser dans sa direction. Malgré toutes ces politesses, je sers son avant-bras un peu trop fort lorsqu’elle le passe autour de mes épaules. Les marques d’affection ne sont pas notre mode de communication habituel. Je sens Jo fébrile et je me prends d’un coup un revers de conscience, parce que je n’ai pas été assez là, parce qu’entre le décès de Charlie, le suicide de Saül et ma fausse couche, j’ai été accaparée par mes propres problèmes et que, peut-être que c’est ça, une amitié d’adulte, mais que j’aurais voulu faire mieux malgré tout. Ce soir, plus tard. « Depuis la tribune réservée aux VIP. Tu seras tout prêt, et je te verrai, t’as intérêt de danser. » - « J'agiterai les jumeaux rien que pour toi. » Je dépose un baiser de plus sur sa tempe, avant de lui adresser un sourire bien plus tendre que les quelques blagues que nous partageons et qui sont pourtant aussi notre façon d’être là l’une pour l’autre. Au moment où un agent technique vient chercher Jo, je quitte mon fauteuil de princesse et me redresser. « Loupe pas le début, hm ? » - « Merde à toi. » En guise d’encouragement, je claque sa fesse de ma main dominante. « Mets le feu. » Je lui adresse un clin d’oeil, et tandis qu’elle quitte la pièce escortée par toute l’équipe technique, je laisse une de ses assistantes me guider jusqu’à la tribune en question.

***

Bien sûr qu’elle était formidable. Je n’ai pas besoin de le lui dire, mais je l’ai fait quand même lorsqu’elle est revenue en coulisse. Mais à présent, ce n’est plus ce qui me préoccupe. Le trajet jusqu’à l’hôtel s’est fait en silence, j’ai prétendu que je n’y voyais pas clair dans ses arguments bidons à base d’adrénaline qui redescend pour expliquer son mutisme mais nous sommes à l’hôtel. Il n’y a plus d’équipe, plus d’assistante, plus de chauffeur ou de groupies. Il n’y a plus que nous deux et alors qu’elle sort de la douche - j’ai attendu mon tour patiemment assise sur le lit aux draps blancs - je l’interpelle. « Je vais poser une seule fois la question, et si tu me dis que tout va bien je ferai semblant de le croire, c’est promis. » Je pince les lèvres, et j’ajoute d’un ton plein de sollicitude. « Comment tu vas ? Pour de vrai, pas pour le show. »

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C’est facile avec Megan de penser à autre chose, c’est surtout facile de faire de la dérision pour dissimuler qu’elle a envie d’être partout, sauf ici. Les piques s’enchainent, Jo n’y répond pas réellement à la hauteur de ce qu’elle a l’habitude de faire et se concentre sur ce qui l’attend bientôt. Sur cette scène qui change de soir en soir, mais qui, grâce au décor, à ce coeur bordé d’ampoules supposé représenter le sien (dont l’état laisse à désirer, qui a eu cette putain d’idée de décor  en fait ?), ce miroir qui reflète les paillettes qu’elle porte et qui, sous certains angles, offre son vrai elle à un auditoire qui n’y voit pas grand-chose, aveuglé par son talent, et cette plateforme qui lui donne une vue d’ensemble sur ses spectateurs, reste en fait toujours la même. Elle a le trac comme tout le monde, elle le laisse l’envahir un instant. Ça part de son ventre, et ça remonte, remonte, jusqu’à atteindre son coeur qui pulse si fort dans sa poitrine qui pourrait s’ouvrir en deux quand elle pense que ça là, elle l’a fait plus d’une fois, et que plus d’une fois, elle l’a fait avec Midas. Elle ne se laisse pas le temps de se laisser imprégner par cette idée ; d’un bon coup de pied aux fesses, elle la chasse en se disant qu’elle sait faire, que c’est probablement le seul truc qu’elle sait faire d’ailleurs, et qu’elle le fait mieux que certains autres qui ne méritent pas d’avoir réussis avant elle. Elle ne campe pas dessus, elle y est arrivée finalement, c’est ce qui compte, et c’est comme ça qu’elle se console — grâce à la marée de bras tendus vers elle qui l’accueillera une fois que les premières notes de Read your Mind résonneront.

Alors elle suivra son propre conseil, celui qu’elle donne, malicieuse, à ceux qui lui en quémandent lorsqu’ils s’aperçoivent qu’elle a ça dans le sang et qui se demandent comment elle gère cette attention décuplée : elle imaginera son public dans des tenues qui n’en sont pas, et puis très vite, elle sera tellement à l’aise qu’elle prendra sens de ce qu’elle fait, de la folie que ça représente, et qu’à la fin, elle regrettera que ce soit déjà terminé tant elle sait dans le fond de son âme qu’elle ne saurait vivre sans ça, même si elle l’a déjà fait — et ça été affreux. Elle traîne des pieds pour monter sur scène ces derniers temps, c’est aussi sûr que ça lui déplaît au fond, de mépriser la seule chose qui lui fait profondément du bien d’ordinaire, qui la porte et la métamorphose, mais elle fait déjà bien trop semblant pour en plus prétendre que sa tournée l’enchante. C’est le cas dans une certaine mesure seulement, et ça creuse sa culpabilité parce qu’elle se dit, en rentrant le soir dans sa chambre d’hôtel, que son père a toujours eu raison, et qu’elle n’est qu’une foutue ingrate. Quand elle quitte sa loge, elle sent toujours la claque que Megan lui a donné sur les fesses et à laquelle elle a répondu par un frisson de plaisir surjoué. Maintenant, elle n’est rien de plus que concentrée, ses pas menant jusqu’à son emplacement qui a des allures de petite boîte qui coulissera par le haut pour qu’elle s’offre à ceux qu’elle entend déjà s’impatienter, son nom, ses chansons ricochant en écho dans sa tête avant qu’elle n’enfonce ses émetteurs dans ses oreilles et qu’elle se retrouve coupé de tout, sauf de la régie qui l’encourage. Et puis la lumière s’éteint, le métronome s’enclenche, les minutes deviennent des secondes, et enfin…

Elle sent l’eau lui couler sur le visage, sur le corps, et ça représente une satisfaction moindre. Ces putains de paillettes sont inattaquables, elles restent accrochées à elle malgré tous les baumes, tous les démaquillants, tous les gels et toutes les éponges qu’elle sollicite pour les retirer chaque soir, que ce soit de ses yeux ou de ses bras qui ressortent rougis des minutes qu’elle a passé à se faire du mal pour en éliminer le maximum. Elle n’y est pas allée de mains mortes, elle sent les trainées de ses ongles sur sa peau qu’elle a triturée, malaxée, malmenée, mais son peignoir cachera ça aux yeux de Megan qu’elle imagine étendue sur son lit à l’attendre au mieux pour la féliciter encore, au pire pour la questionner sur ce qui s’est passé avec Midas. Peut-être prend-t-elle plus de temps pour sortir de la douche à cause de ça, et peut-être qu’elle les sent déjà, la boule et les larmes dans sa gorge qui forment quelque chose qu’elle déteste et qui lui donne le sentiment d’être fragile. Elle ne l’est pas, c’est ce qu’elle se répète en manoeuvrant avec sa serviette pour maintenir ses longs cheveux dans une coiffe bien trop lourde pour sa tête qui brinquebale quand, sortant de la salle de bain, elle fait à Megan "À ton tour." Elle espère qu’elle lui laissera un peu de répit et sautera sur l’opportunité d’une salle de bain libre. Seulement, la blonde s’accroche à l’adage qui dit de battre le fer tant qu’il est encore chaud — ça la fait soupirer, fermer les yeux, et se couler lentement, lasse, sur son lit sur lequel elle se pose sans rien dire d’abord. Elle n’a pas envie d’éclater en sanglots et de lui offrir un tableau aussi pathétique qu’il sera risible puisque finalement, elle ne vit rien de plus qu’une rupture, et qu’elle a raillé plus d’une niaise de réagir comme si le monde s’effondrait pour ne pas mériter qu’on la raille en retour — et ça parce que son monde s’est effondré, et qu’elle s’en fout qu’on lui dise qu’elle extrapole, c’est ce qu’elle ressent, qu’on la laisse tranquille à la fin "Je sais pas." La question de Megan est générique, la réponse de Jo l’est tout autant, et pas par esprit de contradiction ou rien de ce genre : juste parce que, authentiquement, elle ne sait pas comment elle va, elle sait juste que son corps a pris le relai et que son esprit, une fois sur deux, est ailleurs, flottant entre le moment où Midas lui a dit qu’il ne la reconnaissait plus et celui où elle l’a entendu lui dire de rester, que c’était lui qui s’en allait. Ses yeux se mouillent, elle s’emmitoufle un peu plus dans l’épaisseur de son peignoir, enfonce sa joue dans l’oreiller qu’elle a remonté contre la tête de lit pour être plus confortable, et ajoute après un instant de réflexion qui n’en est qu’un que parce qu’elle ne sait pas quel angle envisage pour lui faire entendre sans craquer que c’est plutôt critique, toute cette histoire "Je vais devoir me chercher un endroit où vivre après la tournée, tu voudras m’aider ?" Vite, elle complète "Si t’es pas trop prise par votre projet bébé. C’est pas grave sinon, Stefani fera l’affaire." En fait non, elle ne fera pas l’affaire. Mais elle regarde autour d’elle Jo — figurativement parlant —, et elle ne voit pas grand-monde, à part Megan.

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Il y a un an, je n’aurais pas été aussi préoccupée que je le suis actuellement. Certains diraient que, grandir, c’est décoller les yeux de son nombril mais je sais que ce ne sont que des foutaises : la seule raison pour laquelle je suis plus attentive à ce que Jo traverse et à son comportement hautement inhabituel, c’est parce que je me reproche encore de ne pas l’avoir été assez pour Charlie. De notre trio il ne reste plus que Jo et moi et je suis terrorisée à l’idée qu’il lui arrive quelque chose à elle aussi. Après tout, est-ce si inconcevable ? Ne m’a-t-elle pas confiée à demi-mots que, après sa victoire, elle prenait des trucs pour ne pas se sentir mal ? Je n’ai pas relevé parce qu’il était question de Charlie, dans cette discussion, mais je suis rarement sourde à ce genre de confession. Alors, même si cela ne nous ressemble pas, même s’il s’agit davantage du genre de comportement que j’adopte avec Shiloh, pas parce que je l’aime plus, mais parce que je sais Jo solide - je préfère l’étouffer que de la négliger. « À ton tour. » Je ne m’exécute pas tout de suite. Lorsque j’entrerai dans cette salle de bain, je perdrais l’occasion de cuisiner Jo au sujet de sa potentielle rupture et de son état moral et je ne suis pas certaine de réussir à en créer une autre. Je me lève du lit certes, mais c’est pour mieux me diriger vers ma valise de laquelle je sors d’abord un pyjama en coton - je déteste la sensation du satin contre ma peau - puis le nécessaire qui renferme tout ce dont j’ai besoin pour mes injections. Dans un hôtel comme ça, pas besoin de produits de bains. En revanche, ce que contient la jolie pochette, j'en ai besoin, et j’en ai besoin à des heures régulières ; si bien que je jette un coup d'œil à ma montre avant de la retirer pour m’assurer que je suis dans ma fenêtre.

« Je sais pas. » Au moins, ce n’est pas un oui qui aurait été un mensonge. Jo s’est laissée tomber sur le lit dans son peignoir de bain et, déposant tout ce que j’ai récupéré dans ma valise sur les draps à côté d’elle, je m’assied à nouveau, glisse une jambe sous mes fesse, et l’observe sans prononcer un mot. J’ai peur de lui couper l’herbe sous le pied si je l'interromps. « Je vais devoir me chercher un endroit où vivre après la tournée, tu voudras m’aider ? » Je la dévisage en silence et, alors que je m’apprête finalement à ouvrir la bouche, elle me coupe, elle se précipite presque pour ajouter. « Si t’es pas trop prise par votre projet bébé. C’est pas grave sinon, Stefani fera l’affaire. » Je pousse un soupir triste, avant de m’allonger à côté d’elle. Tant pis si mon maquillage tâche un peu les draps blancs de la chambre d’hôtel. « Oui, bien sûr que je t’aiderai. » J’esquisse un sourire encourageant en gardant mon regard dans le sien. Démaquillée et sans ses tenues à paillettes et à stress, elle me semble d’un coup bien plus triste et fatiguée. Je voudrais proposer à Jo de s’installer dans la chambre en plus de notre appartement le temps de ses recherches, mais les choses sont compliquées. Les injections me rendent irritable et Damon et moi sommes toujours tendus et à fleur de peau. Je suis persuadée que nous ne devons notre front uni qu’au tempérament doux et conciliant et mon mari. « Tu vivais avec lui ? » Je tente de comprendre les indices qu’elle me donne, puisqu’elle aborde le sujet alors que je lui demande comme elle va, j’en déduis que cela a un rapport avec tout ça. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Je cherche à comprendre, pas à assouvir ma curiosité et si elle me rabroue, je n’insisterai pas. « Vous vous êtes disputés ? » J’ai l’impression que Jo était avec Midas depuis une éternité et, pendant tout ce temps, elle avait l'air sur son petit nuage. La lune de miel est-elle simplement terminée ? Est-ce juste une histoire triste et banale du genre qui pousse de nombreux couples à se séparer à l’approche de leur premier anniversaire ou quelque temps après l’avoir dépassé ?

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L’espace d’un instant, Jo caresse l’idée de faire semblant de s’endormir pour ne pas avoir à parler à Megan. C’est lâche, mais elle ne sait pas comment aborder la conversation sans craindre de se mettre à pleurer pour de bon. De ce fait, elle consulte en silence des options de ce type en se disant que la blonde ne lui tiendra pas rigueur de contourner la conversation. Elle ne le fait pas cependant, et si elle n’est pas particulièrement explicite au sujet de la question qu’elle ne lui pose pas pour l’heure, le doute n’est pas permis lorsqu’elle se met enfin à parler "Merci." Elle l’aidera à se trouver un endroit où vivre, c’est une maigre consolation, il faut le dire. Elle pourrait retourner chez sa grand-mère, sauf qu’elle a trop honte pour le faire. Elle y a cru, à cette avancée plutôt agréable dans sa relation avec Midas, faire un retour en arrière, ça lui donnera le sentiment d’avoir échoué, et comme c’est définitivement le cas, elle ne réussira pas à regarder ni Ava ni Richard dans les yeux. Et puis elle ne veut perturber personne, surtout pas sa grand-mère qui perd de plus en plus pied, ainsi elle n’a qu’un choix à faire, et elle compte le faire au plus tôt. Elle est une putain de star, merde, elle n’a pas besoin de supplier pour qu’on l’héberge. Elle n’est pas Crésus, elle gagne suffisamment bien sa vie pour pouvoir s’offrir un toit sans avoir à faire l’impasse sur ses repas ou ses loisirs, alors elle va s’y tenir à ce projet, ça la contraindra à se bouger et à cesser de se morfondre. En plus, elle a besoin d’un semblant de stabilité, surtout après des semaines sur les routes à se demander ce qu’elle va bien pouvoir foutre d’elle-même quand elle sera de retour à Brisbane.

Les chambres d’hôtel ? Elle en a sa claque, quand bien même celle où elle a trouvé refuge avant de partir en tournée est luxueuse. Jo veut un endroit à elle, un endroit qu’elle ne se sentira pas obligée de partager avec qui que ce soit qu’elle ne supporte pas et duquel elle ne se sentira pas obligée de partir en cas de conflit. Elle sera seule, toute seule, et ça l’angoisse plus qu’elle n’osera l’avouer à qui que ce soit "Je vais peut-être prendre un chat pour pas être toute seule." Elle pense à voix haute "Tu le garderas quand je serais en déplacement ?" Elle pose la question à Megan, ne pense pas à sa potentielle grossesse, au fait que les chats sont les ennemies numéro un des femmes enceintes. Elle ne fait qu’ajouter ça au travers des deux questions successives de la blonde à qui elle tente d’offrir un sourire avant de lui répondre puisqu’il le faut, qu’elle ne peut pas éternellement manoeuvrer pour éviter le fond du sujet "Depuis juillet. Ça s’est fait vite, j’ai pas eu le temps de t’en parler." Elles sont des adultes occupées, des adultes avec des problèmes, des adultes qui ont vécu des choses difficiles aussi et qui célèbrent leur évolution dans la vie en les couvant comme si elles s’attendaient à ce qu’on s’en empare pour se les approprier quand elles leur appartiennent complètement, ces progrès qu’elles ont fait pour s’en sortir. Megan ne lui en voudra pas, elles ne sont pas l’une sur l’autre, mais Jo sait que ça la surprendra qu’elle le lui confirme ; une partie d’elle n’ignore pas que la blonde la pense incapable de s’engager et là, c’est elle qui ne lui en veut pas de le penser.

Elle prend un petit temps avant de répondre au reste de ses questions et glisse ses mains jointes sous son oreiller pour mieux s’y recaler, un profond soupir lui échappant quand elle songe à la manière d’expliquer ce qui s’est passé. Elle n’a pas besoin qu’on la juge, et si elle adore Megan, elle sait que c’est ce qui lui pend au nez si elle rentre dans les détails. Elle hésite à le faire, ça la pousse sans doute à supposer tandis qu’elle retrouve le silence. Après un instant, elle ne fait que confirmer d’un "Il me déteste." Elle le ressent comme ça "C’est pas grave." Menteuse "J’ai pas fait grand-chose pour que ce soit le contraire. Je suis une connasse." C’est un vilain mot qu’elle prononce dans un léger rire de façade, si tant est qu’il y en a encore une à sauver. Elle pense être pire en vérité, peut-être à tort. Elle n’essaye pas de se convaincre du contraire, rumine ses névroses, ses manquements, ses erreurs, et pose son regard sur Megan qui s’est installée à ses côtés "Ma dernière chanson, tu sais ?" Elle commence, presque tout bas, un peu comme si les murs pouvaient l’entendre, rassemble ses genoux qu’elle sent fébrile sous la matière duveteuse de son peignoir "Je voulais que Micah joue dans la vidéo, et je lui en ai pas parlé avant de l’acter. Il l’a appris sur les réseaux, il l’a mal pris à cause de tout ce qui s’est passé —" Inutile de lui rapporter ce qui s’est passé, elle est bien assez au courant. Personne ne l’est pas à moins de deux kilomètres à la ronde "— et j’ai pas su plaider la cause de ma décision quand il m’a demandé pourquoi je lui permettais ce coup de projecteur alors qu’il fait tout depuis des mois pour nous monter l’un contre l’autre en accusant Midas de me manipuler, entre autre." Elle déloge une main de sous son oreiller pour suivre du bout de l’index l’ondulation d’une boucle blonde qui traîne près de l’oreiller sur lequel Megan a posé sa tête "Y avait pas vraiment à argumenter pour expliquer mon choix, en vrai. J’ai fait une connerie, c’est tout. Mais c’est monté crescendo, on s’est dit des choses qu’on aurait pas dû se dire, même sur le coup de la colère." A parts égales, elle ne prétendra pas s’être écrasée face à la colère de Midas, Megan ne la croirait pas de toute façon.

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« Je vais peut-être prendre un chat pour pas être toute seule. » Si Jo n’avait pas l’air profondément malheureuse, j’aurais éclaté de rire et l’aurais raillée. Comment m’en vouloir quand ce n’est vraiment pas le genre de chose que je l’entendais dire un jour, encore moins avec sérieux. On en est là alors, je me fais la remarque à voix basse et écoute celle qui dit tu vas rebondir, tu verras puisque je sais qu’elle ne doit avoir aucune envie d’entendre ce genre de connerie. Personne n’a envie de rebondir quand il a le cœur brisé, ni même de penser à rebondir. « Tu le garderas quand je serais en déplacement ? » - « Hum ? Ouais, s’il s’entend avec Bowie si tu veux. » Puisqu’elle oublie certainement qu’en plus d’avoir un jardin maintenant - j’aurais peur que son nouveau compagnon s’échappe et que je ne le retrouve pas - j’ai aussi un chien. « Mais c’est une bonne pâte. Y’a plus de chance que ce soit le chat qui le terrorise plutôt que l’inverse. » Je tente d’imaginer Jo en vieille fille à chat. L’image est si incongrue que je dois résister à l’envie de la partager avec elle.

« Depuis juillet. Ça s’est fait vite, j’ai pas eu le temps de t’en parler. » Rien de surprenant à ça. Avec les cours j’ai été prise, et j’ai l’impression que Jo a été sur les routes tout l’hiver. Si j’en crois de toute façon l’actualité et si mes calculs sont bons, elle n’a pas dû vivre longtemps avec son Midas avant que les choses tournent au vinaigre. « Et quoi, la cohabitation s’est passée moins bien que prévu ? » Ce serait tristement banal. Vivre ensemble change bien des choses, et ce même si l’on a l’habitude de passer le plus clair de son temps chez l’autre. Une fois que l’endroit devient chez nous, on commence souvent à remarquer les petites habitudes agaçantes de l’autre. Entre Damon et moi, inutile de dire que je suis certainement celle qui en a le plus, si on omet que Damon fumait beaucoup de cigarette avant de tenter de réduire pour arrêter quand le bébé sera là, alors je doute d’être celle qui a eu besoin de s’adapter entre mon mari et moi. Et puis, la première année, nous avions chacun notre chambre et notre salle de bain, ça aide. « Il vit pas dans un manoir avec dix-huit chambres et quarante-six salle de bain ? » Ca aussi, sur le principe, ça doit aider à s’acclimater. Mais Jo est intense : je suis sûre que ce qu’elle aime c’est justement le fait d’être tout le temps l’un sur l’autre. J’étais comme ça avant de trouver en Damon une figure apaisante.

« Il me déteste. » Jo passe à table, et me confirme que les choses ont l’air plus grave que des cheveux qui traînent dans la douche ou la lunette des WC relevée. « C’est pas grave. » Bien sûr. A d’autres. « J’ai pas fait grand-chose pour que ce soit le contraire. Je suis une connasse. » Dans l’absolu, j’ai moins de mal à la croire sur ce point-là. Toutefois, je suis certaine que les choses sont un peu plus compliquées et nuancées que ça. J’ai déjà vu Jo se fustiger, elle a cette tendance-là, mais je ne l’ai jamais vue aussi triste que ça pour un mec. Je ne l’ai jamais vue triste pour un mec, avant lui. « Ma dernière chanson, tu sais ? » Je hoche la tête. Je suis une bonne amie : je suis sa carrière, même si j’ai d’autres préoccupations ces derniers temps. « Je voulais que Micah joue dans la vidéo, et je lui en ai pas parlé avant de l’acter. Il l’a appris sur les réseaux, il l’a mal pris à cause de tout ce qui s’est passé et j’ai pas su plaider la cause de ma décision quand il m’a demandé pourquoi je lui permettais ce coup de projecteur alors qu’il fait tout depuis des mois pour nous monter l’un contre l’autre en accusant Midas de me manipuler, entre autre. » Ah. Je reste impassible parce que Jo n’a pas besoin de lire sur mon visage ce que je pense de tout ça. Elle n’a pas besoin d’être jugée non plus, et je ne le fais pas. Visiblement, elle est de tout façon déjà bien au fait de ses mauvais choix et a l’air de se sentir assez coupable comme ça. Je suis une bonne amie, quoi qu’on en pense et malgré ma façon particulière de montrer aux gens que je tiens à eux. Je n’ai pas l’intention d’ajouter une dose de culpabilité à celle qu’elle doit déjà ressentir. « Y avait pas vraiment à argumenter pour expliquer mon choix, en vrai. J’ai fait une connerie, c’est tout. Mais c’est monté crescendo, on s’est dit des choses qu’on aurait pas dû se dire, même sur le coup de la colère. »Je pousse un soupir. Le développement est inédit, mais la conclusion est vieille comme le monde. La colère et la tristesse font souvent ressortir des choses que chacun garde pour soi et de la pire des façons. Je me demande ce qu’elle avait à reprocher à son prince charmant, tout comme je m’interroge sur ce qu’elle a pu lui dire pour qu’elle soit dans cet état-là et pour qu’elle affirme sans détour qu’il la déteste.  « Je le connais pas. » Mais j’ai vu les vidéos qui tournent, et ils ne ressemblaient pas à un homme qui ressent de la haine. Il avait plutôt l’air d’un petit garçon, son mec. « Mais de ce que j’en ai vu, il a pas l’air de  te détester. » Il a certainement aussi mal au cœur qu’elle. Je ne les ai jamais vus tous les deux, mais ils ont tous les deux l’air de s’aimer sincèrement, ou c’est en tout cas l’impression que j’ai toujours eu en écoutant Jo parler et en observant leurs quelques apparitions communes. « Bon, t’as pas l’air d’avoir besoin de moi pour te dire que t’as eu une idée de merdre. » Elle le sait, elle l’a admis - auprès de lui ? Si je me base sur ce que je sais de Jo et de sa fierté, je penche pour un non, mais je sais aussi que les gens sont souvent différents dans l’intimité et avec ceux qu’ils aiment - et nous n’avons pas besoin de revenir dessus. « Mais toi, t’as envie de quoi ? De le récupérer ? De passer à autre chose ? De l’oublier et de rebondir ? » Mes conseils ne sont pas toujours les meilleurs, surtout lorsqu’il est question de relations amoureuses, mais je tente au moins de les adapter à ses besoins et à la situation. « Parce que vous pouvez certes pas reprendre ce que vous vous êtes dit, mais y’a rien qui est irréparable, non ? » Après tout, Damon est tombé amoureux de moi tout en sachant que j’ai conspiré avec son père pour arranger notre mariage. Les gens changent, les gens présentent leurs excuses et ils grandissent. Sa situation n’est pas la fin du monde, elle n’est pas obligée d’être la fin de quoi que ce soit si c’est ce qu’elle veut. « T’as envie de réparer ? Et lui, tu sais ce qu’il veut ? »

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Elle a oublié Bowie. Est-ce que c’est vraiment important, de toute façon ? Non. Parler de son projet d’adoption d’une boule de poils, ce n’est qu’un moyen pour elle s’envisager ses confessions sans tomber dans le mélodrame alors qu’elle n’a envie que de ça, être dramatique, et dire à sa copine qu’elle se sent vide. Une partie d’elle à envie d’en rire, d’empoigner son téléphone pour laisser un message à Midas histoire de lui dire qu'il a tort quand il lui reproche d’être trop indépendante pour la vision du couple qu’il entretient puisque maintenant qu’elle se retrouve seule, elle ne sait même pas faire un pas devant l’autre sans penser à lui. L’autre partie trouve ça franchement pathétique par contre, et se somme de se reprendre au lieu de réagir comme une gamine une fois que les portes sont fermées, à refuser de dormir, de manger, et de parler à qui que ce soit d’autre que son reflet dans le miroir qu’elle fustige parce que, c’est vrai au fond, c’est la faute de qui d’autre, toute cette merde ? Elle se recale sur son oreiller, sa joue tout contre ses mains jointes, s’y niche et renifle par réflexe, avant de marmotter un "On verra." qui met sur pause ses projets imminents de devenir une vieille fille à chat.

Elle sait que Megan l’imagine, elle sait qu’elle se retient de se foutre d’elle pour ça. Elle sait aussi qu’elle se retient de lui dire qu’elle s’en remettra ; ce n’est pas dans son agenda. Jo ne compte pas soigner ce qui la rend malade depuis quelques semaines, elle veut l’entretenir pour ne se laisser aucune chance de passer à autre chose, ce qui lui semble absolument impossible dans tous les cas étant donné qu’en plus de son refus catégorique de voir son avenir sans Midas, lui-même a parlé de pause, pas de rupture. La frontière est mince, il suffit d’un pas de travers pour la dépasser, ça aussi, elle le sait. Megan lui pose des questions, elle tente sans doute d’alléger un peu ce qui pèse sur les épaules de Jo, mais elle n’a pas envie de rire, ça paraît évident, alors elle ne répond pas à ses suppositions. Elle ne lui dit pas que non, la cohabitation s’est parfaitement passée, et qu’à côté des intrusions de cette pute d’Harleen, du moins quand elle réussissait à les traiter comme des anecdotes, moins comme des affronts, elle ne s’était pas sentie aussi rapidement chez elle que dans cette villa où elle se serait vue passer une vie entière si tout s’était déroulé différemment. Qu’elle comptait réapprendre à Midas que sortir de chez soi, c’est plus sain que se terrer dans le luxe, et qu’à terme, elle lui aurait peut-être glissé de chercher un endroit moins inutilement démesuré pour vivre tous les deux, comme des gens normaux, exactement comme il aurait voulu le rester s’il n’était pas devenu un phénomène. Ça lui semble trop privé pour être partagé, même avec quelqu’un d’aussi proche qu’une meilleure amie qu’elle a vu dans une position bien plus intime encore que celle qu’elle occupe elle-même en ce moment — une meilleure amie qui a l’air d’en connaître pas mal, des fake news, à propos de son petit ami. Elle grimace, Jo "Une villa. Arrête de lire des conneries sur les sites de gossip, ils savent même pas inventer des rumeurs crédibles quand ça le concerne. Il se prend pas pour le roi du monde." Alors qu’il pourrait, en toute objectivité. Les dix-huit chambres n’existent pas, les quarante-six salles de bain non plus. En revanche, le spa, la salle de projection, le tipi dans la chambre de Posy, le court de tennis, ils sont de trop, mais ils sont là, et ça, elle ne le rajoute pas.

Elle s’en tape, ce n’est pas ça qui lui manque "Je sais ce que tu penses, mais le dis pas." qu’elle murmure presque après avoir raconté à Megan ce qui s’est passé. Elle doit crever d’envie de la juger, et dans le fond, elle ne lui en veut pas. Si les rôles étaient inversés, Jo aurait tenu le même genre de pensées. Plus acides encore, parce que la vie sentimentale des autres, ça a le même effet qu’un bonbon sur elle : c’est son péché mignon d’en connaître le moindre détail, midinette qui glane les potins. Elle peut avoir un avis, Meg, mais Jo n’a pas besoin de le connaître parce qu’elle a compris son erreur et qu’elle la paye assez cher pour ne pas vouloir qu’on en rajoute à la facture. Elle a vraiment mal, elle ne fait pas semblant pour se faire plaindre, sinon elle se comporterait comme elle le fait maintenant aux yeux du monde entier, et ce n’est pas ce qu’elle fait. Elle garde la face, elle reste digne, et elle se produit presque tous les soirs depuis des semaines sans donner l’impression d’aller mal. On ne peut pas dire que c’est le cas ici, ses yeux se remplissant de larmes lorsque Megan pointe du doigt que, malgré ce qu’elle avance, Midas ne semble pas la détester "Peut-être pas, mais il est malheureux, et c’est de ma faute." Ça la fait se détester elle-même, c’est déjà trop. Elle soupire fort quand Megan confirme qu’elle a eu une idée de merde et lui lance un regard qui se voudrait peu amène s’il n’était pas mouillé. Elle se redresse de son oreiller, défait la serviette qu’elle a sur la tête pour la balancer au pied du lit et n’ajoute rien, pas certaine de réussir à se montrer tranchante alors qu’elle lui a pourtant demandé de la boucler au sujet de son avis sur la question.

Elle enchaîne avec quelques autres que Jo lui laisse le temps de lui poser, se laissant de nouveau tomber en arrière en se fichant bien de mouiller son oreiller avec ses cheveux humides "On parlait de mariage et de bébé —" Elle anticipe la réaction de Megan, ajoute dans la foulée "— pas pour tout de suite, pour dans quelques années." Reste que… "Mais on en a discuté." Ce qui la surprendra peut-être, mais franchement, elle s’en fout "Tu crois vraiment que j’ai envie de passer à autre chose ? C’est pas un mec de passage, je l’ai attendu sept ans." Littéralement. Elle secoue la tête à la négative, le crâne contre son oreiller, quand elle lui demande si elle sait ce que Midas veut, lui "On se parle pas depuis des semaines." C’est un mensonge qu’elle corrige vite, ses sourcils se fronçant en même temps qu’elle chasse une larme qui roule sur sa joue "On s’est envoyés quelques messages, mais c’est du small talk plus qu’autre chose." Elle sent sa gorge se serrer quand elle lui rapporte "Il m’a dit qu'il était fier de moi, le premier soir de ma tournée." Ce qui n’entre pas vraiment en jeu pour régler quoi que ce soit, c’est un fait. Ça compte toutefois pour elle, alors elle le voit comme un signe de quelque chose de positif, même si elle ne sait pas où elle en est de son côté "Je sais pas comment faire pour réparer." Elle peut l’admettre à Megan parce qu’elle sait qu’elle non plus n’a pas reçu les bons outils pour devenir la femme qu’elle est aujourd’hui, mais qu’elle a quand même réussi à s’en sortir, non ? Alors pourquoi pas elle ? Elle tourne la tête dans sa direction, cherche son regard même si elle est un peu gênée de lui en adressé un aussi larmoyant "J’en ai envie, mais j’ai peur de ce que je suis capable de dire et qui jettera de l’huile sur le feu." Par fierté, Jo serait plus que capable de ne rien arranger, de tout empirer, et quelque chose lui dit que Megan ne pourra pas être en désaccord avec elle sur ce point là. Elle chasse ça, affirme l’instant d’après "Lui, il est pas si difficile à lire que ça, et je le connais. Je sais qu’il attend que ça, que je fasse le premier pas." Alors t'attends quoi, connasse ? qu’elle s’entend penser en même temps.

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Dans deux semaines, Jo se serait remise avec son mec et n’aura plus besoin de penser à prendre un chat. Les montagnes russes semblent être la pierre angulaire de sa relation de couple, ou bien suis-je biaisée par le fait qu’elle ne se montre bavarde sur ce sujet que dans les moments où tout semble aller mal. Lorsqu’elle est heureuse, elle est étonnement secrète. Je ne lui en tiens toutefois pas rigueur : je ne suis pas amie avec elle que pour obtenir des informations croustillantes à propos de la vie sentimentale du couple phare du moment. « Une villa. Arrête de lire des conneries sur les sites de gossip, ils savent même pas inventer des rumeurs crédibles quand ça le concerne. Il se prend pas pour le roi du monde. » - « Damon et moi on a une villa. » Une villa dans laquelle elle est venue tremper les pieds dans la piscine juste après la mort de Charlie. Elle visualisera donc parfaitement la différence. « Lui, ça m’étonnerait qu’il joue dans la même cour que non. » Mais du reste, je me moque de savoir dans quel genre d’endroit vivent les un pour cent. Lorsque cela sera chez Jo également, j’exigerai d’être invitée au palace mais, pour l’instant, cela me fait surtout une belle jambe. « Je sais ce que tu penses, mais le dis pas. » Je ne suis pas là pour l’enfoncer. Si je confirme que son idée était de toute évidence mauvaise ou en tout cas mal exécutée, je ne m’appesentis pas dessus. Je passe rapidement à autre chose ce qui, en connaissant mon opiniâtreté, peut être considéré comme une faveur que je lui fais.

« Peut-être pas, mais il est malheureux, et c’est de ma faute. » - « Toi aussi t’es malheureuse. » Ce n’est pas un concours entre elle est lui. Si elle a dans l’intention d’avancer, elle doit se débarrasser de sa culpabilité écrasante. Elle aura peut-être des excuses à présenter - je ne peux que supposer sans connaître tous les tenants et aboutissants - mais se fustiger ne sert à rien. « Ça sert à rien de te flageller. » Cela ne débloquera pas sa situation.

« On parlait de mariage et de bébé - » J’écarquille les yeux, surprise par l’annonce de Jo qui m’a longtemps raillée pour mes choix de vie qui lui semblaient trop conventionnel pour ce à quoi je l’avais habitée. A son tour, la voilà qui rêve de jouer les mamans et femmes de la maison et je suis sincèrement surprise. Est-ce lui qui déteint sur elle ? Je ne connais pas Sterling, je ne peux donc que supposer. « - pas pour tout de suite, pour dans quelques années. Mais on en a discuté."  » - « Ok, whaou. » Elle est donc sérieuse à propos de cette relation. Je le savais, mais je ne savais pas qu’elle l’était à ce point. Si elle n’étais pas si malheureuse, elle aurait eu le droit à quelques plaisanteries mais, pour le moment, je me retiens. Il sera toujours temps de lui rendre la monnaie de sa pièce quand tout se sera arrangé entre eux. « Tu crois vraiment que j’ai envie de passer à autre chose ? C’est pas un mec de passage, je l’ai attendu sept ans. » Je pince mes lèvres et tends une main vers Jo, dont je ramène une mèche derrière son oreille, caressant au passage doucement sa tempe. « On se parle pas depuis des semaines. On s’est envoyé quelques messages, mais c’est du small talk plus qu’autre chose. » Le dialogue n’est pas complètement rompu, ce qui ne fait que confirmer ce que je lui ai déjà dit : ni l’un ni l’autre ne semble adopter l’attitude de quelqu’un qui veut passer à autre chose après une séparation. « Il m’a dit qu'il était fier de moi, le premier soir de ma tournée. » - « Ouais, donc il te déteste clairement pas. » J’en étais déjà persuadée en le voyant pleurer sur l’écran géant d’un stade sur instagram, mais ce qu’elle dit apporte un peu plus d’eau à mon moulin. « Il t’a dit je te quitte ? Comment ça s’est passé ? » Ils se sont disputés, ils s’envoient des messages, petit à petit je tente de tirer la situation au clair. La rupture n’a pas l’air aussi nette que j’ai cru qu’elle l’était au début. « Je sais pas comment faire pour réparer. J’en ai envie, mais j’ai peur de ce que je suis capable de dire et qui jettera de l’huile sur le feu. » Je pousse un soupir, avant de m’appuyer sur mon coude pour me redresser avec sérieux, sans quitter Jo des yeux. « Lui, il est pas si difficile à lire que ça, et je le connais. Je sais qu’il attend que ça, que je fasse le premier pas. » - « Et toi, t’as pas envie de le faire, c’est ça ? » Par fierté ? Parce qu’elle a peur qu’il la rejette ? D’empirer la situation, commen elle l’a dit il y a quelques secondes de ça ? « Qu’est-ce qui l’a mis en colère, le fait que t’aies proposé à Micah ou le fait que tu le lui ai caché ? » J’ai vu la vidéo en question, je sais donc qu’elle a dû changer d’avis et je n’ai pas besoin de lui demander pourquoi. Elle l’a certainement fait pour lui, c’est déjà un bon début ? « Il a dit quelque chose quand le clip est sorti ? » L’a-t-il remerciée ? A-t-il semblé surpris ? A-t-il simplement joué au roi du silence ? Je ne connais pas sa moitié, alors je tente de le cerner au moins un peu pour comprendre comment aider Jo. De toute façon, suivre mes conseils en matière de relations amoureuses n’est que rarement une bonne idée mais, au moins, j’essaie. « Qu’est-ce que tu pourrais dire pour empirer la situation ? Qu’est-ce qui te fais peur ? » Craint-elle de se laisser dépasser par sa colère ? N’est-elle pas capable de la mettre de côté pour que son couple fonctionne ? Moi, je crois qu’elle ne se donne pas assez de crédit et qu’elle peut être bien moins gauche que ce qu’elle pense, si tant est qu’elle y mettre du siens.