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@Danaë Lescaut & Seth Hill ☆ crédit/tumpik

L'heure est à une nouvelle réunion semestrielle dans l'Université du Queensland. Seth, fraîchement débarqué à Brisbane et installé dans son appartement depuis plusieurs semaines, découvre doucement la ville, ses habitants, ses moeurs. Sur le campus, le grand amphithéâtre a la capacité d'accueillir quatre-cent élèves dans ses gradins, et une bonne trentaine de professeurs au centre de leur attention. Debout au fond de l'estrade à côté de ses collègues, caché par le doyen de l'université qui palabre sur l'impérativité de fumer dans les zones dédiées à cet effet, l'archéologue écoute d'une oreille les aventures de jeunes qui auraient mis - volontairement ou non - le feu à des poubelles. Trois en quelques jours, et le semestre ne fait que commencer. "C'est aussi pour cela que je compte sur votre bienveillance et vous prie de respecter les zones prévues pour les fumeurs....", le doyen poursuit. Seth balaye la salle du regard, découvrant tous ces nouveaux visages qu'il devra côtoyer à l'avenir, certains attentifs, d'autres déjà ennuyés par le laius interminable de son supérieur hiérarchique, d'autres encore s'adonnant distraitement à un limage d'ongles ou préférant discourir sur leur téléphone par messages interposés. Parmi eux, seule une minorité est destinée à faire de grandes choses. Les autres se contenteront du reste.

"J'en profite pour vous présenter vos nouveaux maîtres de conférence...", le doyen enchaîne sur les présentations des professeurs qui ont rejoint leurs rangs récemment. L'énumération est plutôt courte, et vient rapidement le tour du nouveau maître de conférence et de recherche en archéologie: "Seth Hill!". Seth lève la main en guise de salut, pour se signaler, s'avançant d'un pas avant de reprendre sa place initiale. N'attendez pas un tonnerre d'applaudissements, ni une ovation. Tous ces jeunes n'ont que faire de qui leur dispense les cours des matières qu'ils ont choisi, un nom ne veut rien dire. Tous, sauf une petite tête que l'homme aperçoit, visage relevé, exposé à la lumière, dont les grands yeux écarquillés le scrutent depuis le troisième rang. Un visage parmi la foule, traits familiers sans pour autant en être totalement certain. Il la connait, il a déjà expériencé ce regard qui le détaille au milieu de la foule. Danaë, est-ce seulement possible?

Il passe le reste de la réunion à essayer de ne pas la fixer, dissimulant son incrédulité derrière un masque de neutralité, passif des émotions de surprise qui se bousculent en lui. Seth a toujours cru au destin, mais a oublié qu'il joue parfois des tours, souvent quand on s'y attend le moins. Il attend sagemment que la réunion - devenue interminable - s'achève enfin, et traîne pour ramasser son sac alors que les étudiants quittent l'amphitéâtre au compte-goutte, visiblement pressés de vaquer à leurs occupations. Lorsqu'il relève la tête, elle est toujours là. Conscient qu'aller la trouver directement éveillerait sans doute des soupçons qui n'ont pas lieu d'être, il remballe ses affaires et se rend ostensiblement dans un couloir adjacent à la salle, moins fréquenté que l'allée principale, non sans avoir jeté un dernier coup d'oeil appuyé au fantôme du passé qui est soudainement réapparu. Ne reste plus qu'à espérer que la jeune femme ait compris le message, et vienne le rejoindre pour confirmer qu'elle est bien la petite fille qu'il a jadis connue.   

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with  @Seth Hill    ☆ crédit/tumpik

La rentrée, comme tout étudiant digne de ce nom, Danaë la tient en aversion. L'assise d'une salle de classe semble bien déprimante, quand on peut tenir un outil dans sa main, ou déterrer un objet par ses propres soins. Sans parler de ses camarades, insectes médiocres mais assez pompeux pour croire qu'une carrière élitiste les attend. Depuis la mort d'Amos, depuis que Raelyn gère seule le Club et qu'elle doit s'y montrer plus présente, la brune a largement délaissé son cortège de fausses relations. Les lubies sociales s'envolent, sa pseudo-bonté s'étiole, et la gamine provocante - pour ne pas dire un brin allumeuse - laisse place à une sombre pétasse arrogante, quoique assez discrète dans l'amphithéâtre pour éviter les embrouilles.

Danaë est seule. Entourée, mais terriblement solitaire. Rien à cirer des présentations de professeurs qu'elle reverra assurément par la suite, ou d'un fonctionnement qu'elle gère depuis plus de deux ans; elle fait acte de présence, et c'est amplement suffisant. Son oreille est distraite par les amours de vacances d'une pauvrette à son côté, tandis qu'un autre explique comment il a sorti un crâne d'entre les sables du désert. Du sexe et des morts, tout un programme. - Et toi, t'as fait quoi cet été ? on l'interpelle, avec un fichu sourire qu'elle voudrait gommer de ce visage juvénile. Il est mignon, il a l'air gentil ce petit con; - j'ai enterré mon père adoptif, pense-t-elle, n'ayant jamais osé le verbaliser. - ça t'regarde ? et là, c'est le blanc dans la travée. Ça a le mérite de couper court aux discussions, au moins pour quelques secondes. Ensuite, évidemment, c'est l'heure du jugement. Mais l'oreille auparavant distraite a coupé court en la matière.

L'attention est dirigée sur la scène, sur un visage qu'elle ne veut pas reconnaitre. Le discours ? Rien à foutre. Le nouveau fantasme des gamines en chaleur se présente, et Danaë jure devant ce dieu à qui elle met la misère, qu'elle encastrera toutes celles qui auront le cran de lui faire du rentre-dedans. Cet oiseau-là, elle se le garde. Il l'a remarquée, elle en a conscience. C'est un jeu de regard qui s'engage, intermittent pour ne pas éveiller les rumeurs, mais assez prégnant pour la déstabiliser. Ne manquait plus que lui pour son équation foireuse; difficile de dire si la brune est ravie ou franchement frustrée. A-t-il des nouvelles de ses parents ? Probablement pas. A-t-il des plans en dehors de l'université ? Elle y mettrait sa main au feu. Peut-il influencer son projet ? Sans le moindre doute, à condition qu'il soit soutien, et pas frein ou commandant de bord. Seth, comme le dit si bien son nom, le seul homme qui puisse rendre sa vie bordélique en un battement de cils.

La réunion prend fin, il était temps. Danaë ne se presse pas, fait mine de jouer avec une ficelle à coudre, et attend que l'amphithéâtre se vide. Personne ne l'attend, c'est idéal. Enfin, elle peut se lever, marcher avec assurance dans la direction opposée, se moquant bien qu'on puisse l'apercevoir; personne ne les a jamais vus ensembles, ils ne risquent pas grand chose. Il est bien là, ce ténébreux qui la surplombe, quand bien même elle tape le mètre quatre-vingt avec ses bottines. - Maître de conférence.. Le fils prodige n'a aucune limite. il est le fils que son père n'a jamais eu, c'est une certitude qui ne nécessite guère de confirmation. Elle le détaille, après toutes ces années; le visage reste jeune, malgré l'expérience qui s'y attache, et Danaë se souvient pourquoi il a si bien représenté son "crush idéal". - C'est un peu ironique que tu viennes me donner des cours ici, pas vrai ? l'homme qui lui a appris à mentir, à se servir des mots comme de puissantes armes; quelque part, celui qui a inspiré son projet du présent, lequel reprend chacun de ses préceptes. - Content de me revoir, Seth ? Ou m'as-tu oubliée depuis le temps ? ce n'est qu'une provocation, car la jeune Lescaut est bien placée pour connaitre les capacités mémorielles de son enseignant. Les commissures s'étirent à peine, tout juste pour montrer son jeu, ce plaisir certain qu'elle ressent à venir le titiller.. Exactement comme avant. Ai-je jamais hanté tes pensées ? As-tu donné mon nom à une momie ?     

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@Danaë Lescaut & Seth Hill ☆ crédit/tumpik

Les chemins se croisent et s'éloignent, la vie est ainsi faite. Sans surprise, après la chute de l'empire Lescaut, la route que Seth empruntait alors l'avait mené vers des horizons plus profitables, sous un ciel moins nuageux que la tempête qui avait balayé la famille de Danaë. Se faire discret, être en sécurité, tirer son épingle du jeu peu importe le prix à payer. Partir sans regarder dans le rétroviseur, juste tracer, sans se retourner. Certains objets valent parfois la peine d'être enterrés, si c'est pour mieux les retrouver plus tard, il est bien placé pour le savoir. Or Danaë n'est ni un objet, ni à la même place où l'archéologue l'avait laissée, des années plus tôt. Il est des relations que même le temps ne peut amoindrir, aussi la jeune femme a parfaitement compris le signe - imperceptible pour le commun des mortels - que Seth lui a envoyé. La voilà désormais face à lui, toute grande sur des bottines à talons qui lui font des jambes interminables, longues et fines, la hissant sous le regard de Seth sans qu'il ait besoin de se tordre le cou pour admirer combien la petite fille qu'elle était avait bien grandi. Le visage aux joues arrondies d'enfant qui l'écoutait jadis raconter ses péripéties a fait place à un tableau de féminité, plus mature, et de grands yeux de biche qui semblent avoir traversé bien des orages pour en arriver là. Seth y reconnait pourtant la lueur d'intelligence qui l'a toujours caractérisée, et l'expression de confiance dans ses prunelles emplies de détermination. Danaë semble être devenue la meilleure version d'elle-même, comme une relique qu'on aurait restaurée pour la sublimer - il ne l'avait jamais envisagée de cet oeil-là - et Seth ne put que s'étonner devant ce spectacle à la beauté décadente, bien qu'il n'en montra rien.

"On a la vie qu'on se donne.", répond-t-il, un demi-sourire sur les lèvres, quand la jeune femme lui parle de limites. Lui qui met un point d'honneur à ne s'en donner aucune, de limite, se complait à penser qu'il mène sa vie comme bon lui semble, sans personne pour tirer les ficelles. Et le destin le lui rend plutôt bien, quand on y pense. Un nouvelle ville, un nouveau travail, de nouvelles opportunités... et le retour de sa première et fidèle auditrice, cette enfant qu'il affectionnait tant, et à qui il se plaisait d'apprendre toutes les ficelles d'un métier peu conventionnel, peignant à travers ses paroles innocentes l'art du mensonge. L'ironie de la retrouver ici et maintenant est incontestable, comme si la boucle n'avait pas encore été bouclée. "Penses-tu que j'aie encore beaucoup à t'apprendre?", lui demande-t-il, un éclair lubrique - réaction involontaire de sa part, induite par l'émotion - dansant furtivement dans son regard. Leur passé commun à part, il y a bien des choses qu'il aurait envie de lui apprendre, là tout de suite, mais ce genre de leçons ne figure pas dans le cursus universitaire standard.

Il aurait pu s'excuser d'être parti comme un voleur, quand les parents de la jeune femme sont tombés, mais le quart d'heure est davantage à la légèreté qu'aux banalités sérieuses, et puis ce n'est pas son genre, d'être désolé. "Content" de la revoir n'est pas exactement l'adjectif qui convient. Bien que son visage ne soit pas un exemple d'expressivité, intérieurement il est excité comme l'on découvre les joyaux de la couronne dans les alentours d'une sépulture antique, et il a envie de prendre le temps de savourer ce moment, cette nouveauté, comme il le prend lorsque son pinceau découvre les contours d'une statue divinement moulée dans le marbre. Danaë est un trésor enfoui sous le sable et qu'il pensait perdu, mais jamais il ne lui dira. "Comment tu t'appelles, déjà?", la provoque-t-il à son tour, plantant son regard dans le sien, se délectant par avance de sa réaction. Il n'a rien oublié, et son élève non plus, visiblement.

La curiosité de l'archéologue est piquée au vif, et si Brisbane demeurait jusqu'aujourd'hui un échiquier vierge et sans surprise, une partie prometteuse vient tout juste de démarrer. Enfin un jeu qui en vaut vraiment la peine, l'un de ceux où tremble la main à chaque déplacement de pion, la peur délicieuse de la gâchette du destin qui vous noue les tripes et vous offre sa meilleure adversité. Quoiqu'il advienne, le jeu en vaut la peine. Sera-t-il différent cette fois? L'élève aura-t-elle dépassé le maître?    

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La période est mal choisie pour un retour fracassant dans sa vie. Danaë a suffisamment à gérer : des relations compliquées, un travail en dents-de-scie et des projets à mettre en route, sans parler des ennemis du Club, de la pression constante mise par Raelyn et de la gestion de ses propres émotions - en bonne archéologue, elle enterre tout profondément, et prie pour que les labours contemporains ne fassent rien remonter. Gare à celui qui exposera la dynamite au grand jour; la jeune Lescaut elle-même ignore de quoi elle serait capable, si le démon venait la piquer.

Les sables du désert lui ont ramené le dieu rouge, la personnification du désordre et l'allégorie du conflit; incarnera-t-elle la parèdre Nephtys, ou l'antagoniste nécessaire, Horus ? Difficile de se positionner, surtout après tant d'années. Difficile de concevoir sa prospérité, alors que ses parents croupissent tous deux dans une cellule. Difficile de le considérer en mentor, quand la gamine qu'elle était s'est soigneusement élevée, jusqu'à profiter de l'aura d'une criminelle émérite. Danaë n'est plus la petite innocente qui se cachait entre les cercueils, qui parlait aux statues et tentait de lire les papyrus à la nuit tombée; l'insolente a forgé sa réputation, des objectifs, des compétences, qui font aujourd'hui d'elle une figure prête - ou presque - à être traitée d'égal à égal. - Qu'on s'invente, aussi. mentir, c'est sans doute leur verbe préféré; ils ont cravaché l'un et l'autre, bien sûr, mais quelle part tient le mensonge dans leur réussite ? Elle l'observe sans ciller - un avantage du deuil, qui la rend plus intraitable et moins enfantine qu'à l'accoutumée; ils se cherchent déjà, c'est prégnant et elle en a toute conscience. Ils se testent, bien sûr, c'est un passage obligatoire après tant de distance, après une éternité de silence. - J'ose espérer. Sinon, tu ne me sers à rien. pragmatique encore, intérieurement amusée de pouvoir le défier ouvertement tout en usant de son charme - sa technique - glacial. Il faut prendre la mesure de ce nouveau chapitre, des nouvelles composantes qui ornent une relation à construire : elle n'a plus rien de l'enfant, ils ne sont plus sous l'égide de ses parents mais dans la dynamique enseignant-étudiante, qui cause autant de problèmes qu'elle peut générer de fantasmes. - ça dépend qui me demande. s'arque cette fois la commissure, ne dévoile qu'à peine ses ivoires prétentieuses, avant de changer de stratégie. - Quand la mémoire vous reviendra.. Vous savez à peu près où me trouver. et, comme si le retrouver n'était pas un big deal, Danaë s'écarte et tourne doucement les talons. La nonchalance fascine et agace ses proches, c'est une aptitude nouvellement développée que Seth devra apprivoiser. Ceci étant, d'aussi loin qu'elle se souvienne, tel est exactement le type de jeu qu'il affectionne.

Elle prendra le risque de l'exposer, pour voir combien il tient à sa carrière. Elle jouera sûrement, plus encore que dans ses pires rôles; Seth a besoin d'être stimulé, et de courir après ce qui lui échappe. Quoi de mieux qu'une jouvencelle devenue femme, une jeune érudite pompeuse dont il ne connait plus la moitié des aptitudes ? Come get me.      

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La reconnaître parmi la foule ne veut pas dire qu'il la connait, telle qu'elle est aujourd'hui, et Seth s'en rend bien vite compte. Danaë n'a plus de la petite fille qu'elle était jadis que les traits fins et beaux de son visage de poupée, lui-même émacié par des années d'épreuves dont l'archéologue n'imagine pas le moindre détail. Que lui était-il arrivé après l'emprisonnement de ses parents? Qu'a-t-elle traversé pour en arriver là, pour que son chemin recroise à nouveau le sien à des milliers de kilomètres où la dernière conversation s'était évaporée dans les murs de la demeure des Lescaut? Tant de questions qui trouveraient probablement leur explication dans les paroles de la jeune femme, le moment venu. Ou pas d'ailleurs. Leur relation passée n'implique aucune redevance ni aucun lien dans le présent ; elle ne lui doit rien. Tout comme elle, Seth a tracé son chemin sans pitié et sans retour en arrière, ne se souciant que peu à l'époque de ce qu'il adviendrait des partisans de ses parents emprisonnés. C'est le seul moyen de survivre, le seul qu'il connaisse. Et c'est aussi cela qui a fait de lui l'homme qu'il est aujourd'hui. Il esquisse un léger sourire à la remarque de la jeune femme, appuyant combien il est d'accord avec ses propos : oui, on a la vie qu'on se donne, et oui, bien sûr, celle que l'on s'invente aussi. Toute vérité n'est pas toujours bonne à dire, parfois les mensonges sont bien plus divertissants et crééent des situations que l'on ne se serait pas vu offrir sans quelques paroles bien placées.

Les mots de Danaë sont tranchants et Seth y décèle avec amusement le jeu auquel il lui a appris à jouer, alors qu'elle n'était qu'une enfant. Tester, doucement. Titiller, parfois. Provoquer, toujours. Selon l'étudiante, si Seth n'a plus rien à lui apprendre, il ne servirait à rien. Cette remarque faillit le faire éclater d'un rire froid, mais il se contente d'un soupir désabusé, levant les yeux au ciel. "ça m'avait presque manqué", souffle-t-il non sans une pointe d'ironie, plus pour lui-même que pour son interlocutrice. Le souvenir des années de service pour la famille Lescaut remonte à la surface comme un film en accéléré, une bande annonce rétro de sa vie alors bancale qu'un seul homme a dirigé vers la bonne route, façonnant les premières versions d'un monstre désormais accompli et indépendant. C'est sans compter sur celui que l'archéologue a en face de lui, monstre indolent déguisé en ange pour mieux tromper ses adversaires... et qui visiblement a oublié qu'on ne doit pas leur tourner le dos.

Il aurait laissé n'importe qui d'autre partir, parce que n'importe qui d'autre n'a pas d'importance à ses yeux. Alors pourquoi le souvenir de cette petite fille curieuse et avide d'histoires farfelues en aurait? Trop tôt pour le découvrir, trop tard pour penser avant d'agir. "Tu n'es plus la petite fille qui habite ma mémoire, Danaë", constate-t-il alors que la belle tourne les talons. Il ignore pourquoi, mais il n'a pas envie que cet échange se termine, du moins pas tout de suite. Leur relation est comme les vieux objets qu'il déterre : poussiéreuse et pleine de souvenirs. Et aussi, le trou sur la frise chronologique de la jeune Lescaut, tâche mystérieuse entre leur dernière entrevue et ce jour, cultive toute la curiosité de Seth, qui y trouve une nouvelle énigme à déchiffrer. Il fait quelques pas vers elle - grande première pour lui - tandis qu'elle met son évasion sur pause. "Ce que nous avons à nous dire dépasse une simple conversation de couloir, tu ne penses pas?", question rhétorique ou dépassement de sa propre pensée, il s'attend à ce qu'elle le rembarre mais n'en a cure. "Tu fais quoi, ce soir?", demande-t-il. Est-ce une invitation? Peut-être. Est-ce étrange de la part d'un professeur envers son élève? Allez savoir. Le doyen n'est pas là pour épier cette conversation, les murs n'ont ici que des oreilles distraites, et puis, ses parents ne sont plus là pour veiller sur elle, créature majestueuse et provocante dénuée de tout chaperon.
   

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Oh, il n'est certainement pas prêt pour ce qui l'attend. Et si la réciproque est vraie, Danaë ne sait pas encore sur quel degré de priorité la placer. Ils n'ont jamais été du genre à se sauter dans les bras, à laisser transparaître le plaisir en de longues et chaleureuses effusions : c'est d'autant plus prégnant avec quelques années de plus, il faudra encore donc encore lire entre les lignes. La brune va tacler, sans doute plus qu'à l'accoutumée; le mordant du deuil et l'outrecuidance de sa personnalité se mêlent à l'idée qu'on ne traite pas un dieu du désordre en courbant l'échine.

Presque. Elle ne sait plus comment le considérer. Enseignant ? Ami perdu ? Mentor ? Un pauvre crush de gamine, une réalité fort lointaine, comparé à ce qu'elle est devenue. Le rapport de force n'a plus rien à voir. - Non, en effet. reconnait-elle, stoppant son mouvement tandis qu'il se rapproche. Le jeu a déjà commencé, l'accordéon se contracte une première fois. - Mmh.. ça dépend, t'as de nouvelles anecdotes sous le coude ? elle joue la carte du souvenir, comme si le seul intérêt entre eux était déterminé par l'art, l'archéologie, les voyages et les trouvailles. Mais Danaë est profondément partagée, scindée entre le présent bouleversé et un passé révolu, dans lequel flotte le doux souvenir d'Amos. C'est encore récent, d'autant plus douloureux; les journées n'ont plus la même teinte, depuis qu'il ne vient plus faire quelconque remarque sur ses excès, ou sa façon d'être "prudente". Elle l'a remballé cent fois, et rêve pourtant de l'entendre à nouveau lui faire la leçon. Mais ce n'est qu'une image, la fantasmagorie perdue d'un fantôme qu'elle traîne dans un coin de sa tête, qui ne doit en aucun cas occulter son instant présent, et le fait qu'elle ait à gérer le retour de Seth. - Si tu comptes m'inviter, fais le franchement. c'est l'une des rares personnes qu'elle ne peut toiser, mais le timbre sonne tout comme; la gamine était modelable, la version adulte a bien plus de répondant. - Je ne suis plus une petite fille. répète-t-elle, affirmant encore ce que son corps crie haut et fort. Danaë n'en énoncera pas plus; le regard figé dans le sien, brûlant de mélancolie et d'une excitation nouvelle, à se demander ce qu'il trouvera, cette fois, pour accaparer son temps.     

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Les certitudes s'étiolent avec les minutes qui passent. Comment pourrait-il en être autrement? L'eau a coulé sous les ponts et les années ont fait leur oeuvre, les épreuves façonnant la nouvelle Danaë dont Seth ignore tout. Petite, elle était facile et amène, mais petite, ses parents étaient encore présents pour s'occuper de son éducation. Et ce n'est là qu'un tour de l'adversité parmi d'autres, ce que l'archéologue peut parfaitement imaginer en regardant l'animal blessé en face de lui, montrant les dents pour dissimuler son passé douloureux et ses potentielles faiblesses. Aujourd'hui, elle a toute une histoire à raconter, presque aussi longue que les anecdotes listées par son ancien conteur d'aventures. "A ton avis?", rétorque-t-il, comme s'il supposait qu'elle connaissait déjà la réponse avant même d'en avoir posé la question. Evidemment, la vie et la carrière à double facette de Seth ne s'est pas arrêtée avec la chute des Lescaut. Pire, cet évènement a marqué l'avènement d'un ère nouvelle et tellement satisfaisante qu'il en aurait honte d'évoquer tout ça maintenant, au risque de froisser la demoiselle quant aux bienfaits qu'a eu sur lui l'émancipation de son employeur. Il respecte beaucoup trop la mémoire du Père Lescaut pour ça, de toute façon. On ne crache pas dans le puits qui nous a fourni de l'eau quand on avait soif.

C'est qu'elle mord, la tigresse! Seth ne lui connait pas ce répondant, ce tranchant, et l'envie irrémédiable de la remettre à sa place le prend aux tripes, bien qu'il n'en fasse rien. D'un point de vue extérieur, pas sûr qu'attraper une élève par la gorge soit la meilleure façon de prodiguer une éducation saine et constructive. Mais cet affront ne sera pas oublié, même s'il passe dessus dans ce couloir qui n'est ni le lieu ni l'endroit. Seth fait un pas de plus dans sa direction, se dressant devant elle comme les prédateurs se font grands devant leur proie, dans une sorte de démonstration ridicule de la loi du plus fort. Sa main s'engourdit presque et il se freine pour ne pas calmer la petite fille qui vient de le toiser, la plaquer contre le mur et lui rappeler que le respect se mérite dans la mutualité. Un sourire diaboliquement malin se dessine sur les lèvres de Seth, qui se joue de cette situation. "Vingt-et-une heure ce soir, au casino de Fortitude Valley.", siffle-t-il. Il est conscient de rentrer dans son jeu et de lui laisser l'avantage sur ce coup-là, mais à charge de revanche, la petite fille ne peut se prendre la fessée devant tant d'yeux curieux. Sans le savoir, il vient de lui donner rendez-vous dans un lieu qu'elle connait déjà bien. "Si tu viens pas je garde mes anecdotes pour une autre, qui sera peut-être un peu plus enjouée à l'idée de les entendre.", ajoute-t-il froidement avant de reculer. La proximité ne le dérange pas mais elle devient parfois brûlante, et bien qu'il aime jouer avec le feu, la glace finit toujours par en avoir raison. Il tourne lentement les talons, ce n'est pas elle qui fuit, c'est lui qui s'en va. "N'oublie pas de faire tes devoirs avant.", il fait exprès, pour l'infantiliser, parce qu'elle crie haut et fort qu'elle n'est plus une petite fille, et aussi parce que lui, ça l'amuse, de la tourmenter comme si elle en était encore une.      
   

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L'orage plane sur Brisbane, et sur son année universitaire. Va-t-il contrecarrer ses plans, ou en devenir un moteur ? Cette vilaine machinerie tourne en boucle dans la petite tête brune, et si le masque se garde bien de faire valoir ce pan émotionnel, il n'en demeure pas moins présent, comme la braise d'un feu dormant. Seth est le genre d'homme et de professionnel qu'il faut avoir dans sa poche, plutôt que dans l'équipe rivale; Danaë s'en doutait petite, mais n'avait jamais projeté l'affaire plus loin. En grandissant, cette réalité lui saute aux yeux : d'une façon ou d'une autre, elle doit revenir dans ses petits papiers - et vice-versa, car l'infante a bien poussé.

Elle ne s'attendait pas à de telles retrouvailles, tournant plus vers le défi ou la confrontation que vers une "réunion de famille"; quelque part, c'est sa faute, mais elle serait bien en mal de le verbaliser, d'admettre sa peine au risque de sentir les grains d'une tempête s'immiscer dans la brèche de son cœur. La petite mort ressemble à une douche froide, et ceci bien malgré elle; la gamine aux yeux pétillants sommeille quelque part, fossilisée comme Pompéi par l'éruption d'une vie complexe, attendant patiemment qu'un spécialiste daigne la révéler au jour. Qui de mieux que Seth dans cette entreprise ? Seulement, Danaë a-t-elle la volonté de refaire surface, ou souhaite-t-elle s'enfouir plus loin encore ? Il n'a pas apprécié, le titan, son ton plus que suffisant; sans l'aplomb offert par le deuil, ses prunelles sombres auraient déjà dévié de la mire semblable. A quoi songe-t-il, lorsqu'il la toise ? Aimerait-il la punir ? Pire, voudrait-elle être punie ? - Tu vois, c'était pas si difficile. la roulette russe lui enlève ses proches depuis toujours, et la rend plus acide à mesure que le temps passe; Raelyn aurait pu, à maintes reprises, lui offrir ses plus belles gifles pour répondre à ses affronts.. Seth sera probablement soumis à cette même tentation. - Qui d'autre ? Elles ? sa main balaie l'espace vide de l'amphithéâtre, comme pour souligner les présences fantômes qui pleurnichaient un peu plus tôt. - Elles te lasseraient en trente secondes. c'est l'opinion qu'elle porte de ses congénères, petites connes assistées et naïves, dramas queens de pacotille.

Cette fois, elle le regarde filer vers la sortie. Il pue l'assurance, le vice, et la renommée; putain, il est beau cet enfoiré. - Oui papa. susurre-t-elle, comme l'écho d'un jeu malsain. Il va lui rendre la vie dure, et elle en fera de même; la suite au Casino, sur son terrain de jeu - une aubaine. Mais de là à partir gagnante ? Ce serait mal connaitre la bête.