- i'm not a girl, not yet a woman -
@Isabel Flores ↣ crédits gifs/jofridapettersen & ssoveia

Elle a l’air perdu, cette pauvre gamine. Jo n’a pas envie de faire de parallèle avec elle-même, mais le fait qu’elles se ressemblent physiquement, ça lui fait un truc et lui rappelle qu’à son âge, elle était déjà partie de chez elle, et qu’elle aussi, elle mentait sur son âge pour avoir des passe-droits. Elle mentira sur son âge toute sa vie, là n’est pas la question, seulement à l’époque, c’était pour avoir le droit de bosser dans des endroits pas recommandables, ou pour passer des castings qui n’étaient ouverts qu’aux majeurs. Avec le bon make-up, la bonne tenue, la bonne paire de talons, elle réussissait facilement à se vieillir, et ça fonctionnait sans aucun problème. Il faut dire aussi que son attitude a toujours été la même, et qu’elle a joué en sa faveur. Elle donne parfois l’air d’une rombière, et ça ne lui déplait pas, à elle. Ça apporte même un peu de cachet au personnage qu’elle joue en permanence, engoncée dans ses paillettes, planquée derrière son ego "File ton tél, je vais rentrer mon numéro." C’est ce qu’elle dit à la brune quand elles rentrent pour se mettre au chaud, et qu’après lui avoir filé ses pompes (oui, elle est sûre de ne plus en vouloir, qu’elle les garde), elle se rappelle qu’elle le lui a demandé avant qu’elles n’atterrissent là. Elle attend, prend l’appareil, et tire un selfie — parfait, bien sûr — de son illustre personne pour l’ajouter à la fiche contact qu’elle crée à sa sauce, sans demander l’avis à la gamine. Elle s’attribue un emoji couronne, un emoji piment et un emoji flamme qui apparaissent juste à côté de son prénom raccourci, parce que ça la représente bien, qu’elle pense. Elle sélectionne la photo, voit la petite pastille s’afficher quand elle valide le tout, et lui dit en lui rendant son portable "C’est pas une invitation à me harceler, j’ai pas que ça à foutre." Non, c’est juste pour le trajet en taxi qu’elle lui commande dans la foulée avec son propre téléphone qu’elle va récupérer dans son casier qu’elle ouvre à nouveau. Elle s’appuie contre l’ouverture, roule des yeux en entendant la voix au bout du fil, puis coupe la communication quand elle a fait son devoir. Après un regard, elle demande à Isabel "T’as assez d’argent sur toi pour la course, ou t’as besoin de quelque chose ?" Qu’elle profite, elle allonge rarement la monnaie, Jo. Pas parce qu’elle n’en a pas, mais parce qu’elle a suffisamment trimé pour ne pas vouloir le dépenser à tort et à travers. Elle est belle, elle a des restes de célébrité qui lui colle au train, elle peut profiter de la bonté d’âme des autres sans se sentir gênée — et elle le fait, sans honte. Après tout, on a assez profité d’elle, non ?

"Midas." Le plus grosse erreur des gens qui veulent se la mettre dans la poche, c’est de croire qu’en méprisant son ancien concurrent, ils vont réussir à l’attendrir. C’est faux. Elle reprend, lourde son téléphone dans son casier, le referme juste après "Pas l’autre là : Midas." Elle corrige Isabel, et c’est profondément instinctif. Elle n’y réfléchit même pas, ça lui vient comme toutes ses horreurs qu’elle peut dire sans le regretter. Jo, elle a le droit de dire du mal de lui parce qu’il lui a fait du mal — que ce soit indirect, elle s’en cogne : il lui a fait du mal, point final. Mais que les autres se montrent aussi réfractaires à l’idée de lui trouver des qualités ? Qu’ils parlent de lui en se pinçant le nez ? Ça a tendance à titiller sa colère, même deux ans après. Comme si elle, elle devait à tout prix consentir à écouter ceux qui aimeraient l’entendre dire en retour que c’est qu’un connard, qu’il est bien plus quelconque en vrai, que son talent, il le doit à l’autotune, et qu’en plus, il pue de la gueule ; elle aimerait, vraiment, être capable d’être aussi dure et se satisfaire qu’on le déteste. Sauf que non. Elle estime être la seule à pouvoir le haïr de tout son être.

Que les autres cultivent ce genre de sentiments à son égard, ça lui donne l’impression d’être rien de moins que de la mauvaise foi. Un peu comme ceux qui prétendent ne pas aimer quelque chose parce que c’est trop mainstream : des conneries, ouais. Cependant, Isabel essaye, et Isabel est une gosse qui a surement besoin de l’assentiment des autres pour se sentir exister, alors Jo ne lui en tient par rigueur. Elle le voit bien, qu’elle veut être gentille, et elle reconnait que c’est mignon, dans un sens. Est-ce sincère ? Elle s’en bat les reins, elle doit bien le dire, pour autant, ça réchauffe son coeur, et ainsi, elle ne la fusille pas du regard et n’attend pas pour ajouter, s’approchant d’elle dans l’idée de bientôt s’en aller pour enfin aller bosser "Je croyais que c’était ta mère qui regardait cette émission ?" Elle sourit en biais, se croit maline, et le montre sans gêne, ses bras se croisant sur sa poitrine pendant qu’elle baisse la tête sur ses pieds départis des chaussures qu’elle a jetées, mieux couvertes avec celles qu’elle lui a données "Elles te vont, c’est bon ?" Elle relève les yeux, complète en jetant un regard à sa silhouette "Tu veux un truc pour couvrir tes bras ?"  C’est vrai, il fait super froid dehors. Merde. Elle se transforme soudainement en daronne, ou ?

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@Isabel Flores ↣ crédits gifs/jofridapettersen & ssoveia

Jo est à ça de faire remarquer à Isabel qu’elle a quand même l’air pas mal désespéré, mais admettons. À nouveau, sa grande gueule est ce qu’elle est — beaucoup, beaucoup trop grande, donc —, le jour où elle frappera quelqu’un déjà à terre, il faudra réellement lui adresser l’award de la peste de l’année. Elle ne le fait qu’avec ceux qu’elle ne peut pas blairer, autrement elle reste relativement humaine, elle est juste chiante et pas encore tout à fait finie sur le plan… sur beaucoup trop de plans en fait, alors passons. Pour l’heure, elle ne fait que rouler des yeux en se rendant compte qu’elle n’a pas assez de thunes pour payer le taxi qu’elle s’apprête à prendre. Pour la énième fois, Jo rouvre son casier, pêche de la petite monnaie dans son sac qu’elle raccroche dans la seconde et fait tinter les pièces qu’elle a foré à côté de son téléphone, de son gloss, et de son spray au poivre, les faisant sauter dans la paume de sa main avant de les lui donner sans les compter. De toute façon, ce n’est qu’une dizaine de dollars là encore, ça l’empêchera tout juste d’avoir la honte au cas où sa course atteint un montant qu’un trajet à pied lui aurait fait économiser, mais peu importe, Jo ne va pas se sentir coupable de vouloir qu’elle arrive vivante chez sa mère "Si t’as trop, garde-les, tu t’achèteras une sucette." C’est quand elle débite ce genre de conneries mesquines qu’elle se dit que putain, elle joue vraiment bien à la connasse, et le pire dans tout ça, c’est que ça ne lui déplait pas autant que ça.

Ce qui lui déplait en revanche, c’est le sujet entamé par la brune qu’elle remet à sa place sans véritablement le faire, le niveau de sa rhétorique étant bien en-dessous de ce qu’elle est capable de faire d’ordinaire pour défendre son ancien concurrent. Elle adore qu’on lui polisse le cuir, mais elle n’a pas envie de parler de The X Factor, elle n’a pas envie de parler de sa finale, elle n’a pas envie, par extension, envie de parler de Midas, et elle ne le fait pas, se contentant d’un signe de tête pour chasser ça de l’espace qui la sépare de la jeune femme qu’elle observe et questionne. Les chaussures lui vont, c’est tant mieux, elle croit même comprendre, grâce à ce qu’elle ajoute en refusant la petite laine qu’elle veut lui prêter pour qu’elle n’attrape pas la crève, qu’elle compte les garder. Ça aussi, c’est tant mieux, ça fera de la place dans les placards de Jo, qu’elle se dit sans intention de s’attarder.

La gamine non plus. Elle chasse ses remerciements d’un "Ouais.", reprend aussi vite, sa tête se levant dans sa direction "Hé, tu t’en fous." Sur le coup, peut-être qu’Isabel ne verra pas où elle veut en venir, aussi, faisant quelques pas vers la porte, prête à aller rejoindre son poste, elle précise "Tes copines. T’as su t’en sortir sans avoir besoin d’elles, ça dit que si tu décides de plus les rappeler, elles manqueront pas à ta vie. T’as clairement pas besoin d’elles." Et elles n’ont plus, mais ça, ça parait déjà évident vu qu’elles l’ont laissée en plan sans se soucier un instant de comment elle s’en sortait. Elle lui offre un clin d’oeil en finalité, la dépasse de quelques pas à peine, puis pivote sur elle-même pour terminer son chemin à reculons, et lui faire en même temps "Si tu comptes revenir ici un de ces soirs, présente-toi à l’arrière et bipe-moi. Je te ferais rentrer sans payer et je te placerais dans le coin VIP, personne viendra t’emmerder." Elle termine, réaffirme son ton qui s’est peut-être très subtilement adoucit au passage "Et prends des chaussures de rechange si tu comptes te pointer en talons."