Je remonte la rue slalomant entre les piétons, les yeux rivés sur le mur où je déchiffre les numéros. J'ai l'adresse, j'ai utilisé mon téléphone pour trouver mon chemin. Je n'ai informé personne de cette visite. Je ne crains pas qu'il m'arrive quelque chose, pas ici, mais j'ai peur des questions. Qu'est ce que je fais là, qu'est ce qui motive ma venue ? A vrai dire, c'est parce que je n'ai pas les réponses que je n'en ai parlé à personne. Surtout pas à mon frère. Je ne l'ai pas encore vu, et ce n'est pas le genre de sujet qu'on aborde par message.

Pour l'avoir l'adresse de l'atelier j'ai dû faire quelque recherche. Maeve m'avait proposé de passer quand on s'est croisées à la plage mais sans me donner de détails. Je n'en avais pas demandé non plus. Je me suis repassé cette épisode étrange en boucle. Je ne sais pas quoi en penser, et j'ai un peu honte de mon comportement. J'ai été prise de court, je n'étais pas apte à réfléchir correctement. Il faut croire que je ne suis pas aussi forte que j'essaie de m'en convaincre. Il y a des années de ça j'ai été blessée, peut être plus que pour d'autre rupture, peut être plus que ce que j'ai voulu avouer, c'est facile de se mentir à soi même.

Alors qu'est ce que je cherche en allant la voir ?  Me faire pardonner ? De quoi ? D'avoir été larguée ? J'ai réfléchis longtemps avant de décidé que si je n'y allais pas, j'allais le regretter. Autant crever l'abcès directement. Oui, autant mettre les pieds dans le plat. Il est fort probable que je ne sois pas mal accueillie. C'est moi la rabat joie, pas la gentille Mei qui est toujours souriante, de bonne humeur. C'est moi qui ait fait faner son sourire.

Maintenant je suis face à mon dilemme. Une porte close, une sonnette avec un nom. J'hésite, mord ma lèvre, lève un doigt pour l'écraser contre le bouton. Je ne peux plus faire marche arrière. Le coeur qui bat la chamade maintenant. Le rose me monte aux joues. Je me demande à chaque seconde ce que je fais là, et me dis que j'aurais sans doute dû passé mon chemin. Voilà à quoi mène le désœuvrement des vacances. Voilà que je me met à espérer qu'elle ne soit pas là... Pourtant je ne bouge pas et j'attends en rongeant mon frein.

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@Bryn Coverdale • octobre 2024, atelier de maeve • tenue

Le visage dessiné se décline sur sa toile à reliefs sous les douces sonorités d’une musique d’ambiance relaxante qui est portée par son ordinateur portable branché dans un coin de la pièce, tandis qu’elle martèle le parquet de ses pieds recouverts de chaussettes dépareillées. Ce n’est pas spécialement sous l’impulsion d’une quelconque anxiété qu’elle répète ce geste puisque, entre les murs de son atelier, Maeve se sent davantage en sécurité que dans sa propre chambre. Cet endroit-là, ce petit nid douillet composé de peintures achevées ou non, de toiles encore vierges ou à peine griffonnées, de pots de peinture éparpillés qui ont dégouliné sur les tables en bois et de pinceaux propres ou plantés dans des vases d’eau colorée, est son repaire, le terrain familier où elle se sent à l’abri de tous les dangers, là elle où elle pourrait rester des heures sans même se rendre compte du temps qui passe, en oubliant que, à l’extérieur, derrière les fenêtres entrouvertes qui laissent à peine filtrer le bruit de la ruelle paisible, le monde continue de tourner sans elle. C’est donc un lieu précieux et préservé, et rares sont ceux qui ont été invités à le visiter ; en réalité, bien souvent, elle propose même aux clients d’effectuer le déplacement avec leur tableau plutôt que les convier à la visiter ici, comme si elle craignait que la moindre intrusion puisse faire voler en éclat sa bulle de confort — c’est ce qui a failli se passer avec Milan, d’ailleurs.

Alors, lorsque la sonnette retentit en fin de matinée, elle retient le mouvement de sa main en fronçant lentement ses sourcils, son buste pivotant sur lui-même pour se tourner en direction de la porte, visiblement étonnée d’avoir de la visite puisqu’elle le sait : elle n’attendait personne et n’avait aucun rendez-vous à l’extérieur. Abandonnant son pinceau sur le chevaler après quelques secondes d’immobilité et d’hésitation, Maeve envoie ses deux mains à sa nuque pour attacher ses cheveux bruns en un chignon bordélique, se dirigeant naturellement vers la porte d’entrée puisqu’elle connait cet petit appartement — orchestré en atelier de fortune, comme sa poche. Elle déambule sans se cogner au meuble et sans même hésiter sur quand ralentir le pas pour ne pas se manger un mur, et c’est donc sans encombre qu’elle arrive jusque devant la porte d’entrée, qu’elle ouvre d’une seule main en se cachant un peu derrière le panneau de bois, comme si elle craignait une mauvaise surprise. ’’Bonjour ?’’ la formule de politesse est prononcée avec l’ombre d’une question qu’elle n’ose pas formuler, mais qui questionne largement la raison de cette venue pour le moins inattendue, même si elle n’abandonne pas encore la méfiance car elle ne sait pas qui se tient devant elle. Pas encore.

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- Salut..

Il est facile de comprendre que Maeve ne sait pas à qui elle s'adresse. Son regard est voilé comme d'accoutumée. Il est fort probable que grâce à cette simple réponse à son bonjour incertain, elle ait deviné qui se tient devant sa porte. Cependant ça n'empêche pas que je me sente obligée de préciser :

- C'est Bryn. Coverdale. Enfin Bryn quoi.

Est ce que j'avais besoin de donner mon nom de famille ? Est ce qu'elle connait d'autre Bryn que moi ? Ce n'est pas sûr, ce n'est pas un prénom courant. Je me sens un peu honteuse maintenant.
Je prends une grande inspiration, me retiens de secouer la tête comme pour évacuer la gêne, et décide de me reprendre en main.

- J'espère que je te dérange pas... Je... Tu avais dit que je pouvais passer.

Et maintenant que je suis là, je me dis que j'aurais dû téléphoner.  Je ne sais pas si elle a toujours le même numéro qu'avant, mais les réseau sociaux sont là pour ça non ? J'aurais pu prévenir d'une façon ou d'une autre. J'aurais dû. D'autant que la dernière fois qu'on s'est vues, j'ai sous entendu que je viendrais si je n'avais rien de mieux à faire. C'était faux et je ne sais même pas si c'était une vraie invitation. Maintenant elle regrette peut être ses paroles. Moi en tout cas j'ai l'impression de ne plus pouvoir m'arrêter de parler.

- J'avoue que c'est Lillia qui a demandé à Rebecka l'adresse. Est ce que je tombe mal ?

Je finis les mains dans les poches et le regard rivé au sol. J'ai bien remarqué la petite tâche de peinture sur sa joue, ce genre de petit détail qui me replonge dans un passé plus brillant que le présent actuel. J'aurais fini par tendre la main pour la faire disparaitre, mais pour l'instant je me contente de regarder le bout de mes converses.

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@Bryn Coverdale • octobre 2024, atelier de maeve • tenue

Un instant, devant l’impossibilité de statuer sur l’identité de son visiteur inattendu, Maeve reste méfiante. Et cela se voit, sur un visage aussi expressif que le sien : malgré tous les bons soins qu’elle met dans la faveur de son sourire, elle semble indécise, craintive de ce qui l’attend au détour de cette présence qu’elle n’attendait pas, jusqu’à ce qu’une voix familière vienne adoucir ses appréhensions ’’Salut..’’ elle reconnait ce timbre sans difficulté aucune, et ses épaules s’abaissent en même temps que la courbe de ses lèvres remontent pour la flatter d’une joie qui n’est guère feinte ’’C'est Bryn. Coverdale. Enfin Bryn quoi.’’ la rousse n’a guère besoin d’autant de précisions, Maeve l’a reconnu à la première syllabe qu’elle a prononcé ’’Je sais…’’ pour preuve, elle relâche la tension de ses muscles en s’écartant un peu de la porte, comme pour l’inviter silencieusement à la rejoindre dans son atelier. ’’J'espère que je te dérange pas... Je... Tu avais dit que je pouvais passer.’’ elle est gênée, Bryn, et si Maeve ne peut pas concrétiser son impression en observant ses mimiques et sa gestuelle, elle l’entend suffisamment dans sa voix pour sourire avec un air à la fois doux et amusé, qui n’est en rien moqueur toutefois ’’Et tu as bien fait de venir, je suis heureuse de te voir… Enfin…’’ elle accentue son sourire en fronçant le milieu de son nez, n’ayant désormais plus aucun mal à brandir la carte de l’auto-dérision même s’il n’en a pas toujours été ainsi. ’’…Je suis contente que tu sois venue, c’est ça que je voulais dire.’’ elles ont l’air franchement malignes, les deux, à buter sur chaque mot qu’elles prononcent et à se jouer mille politesses pour ne pas avouer qu’elles sont mal-à-l’aise de ne pas aborder le sujet qui fâche : celui de leur rupture. Ce n’est pas une obligation — du moins, Maeve ne le pense pas, mais peut-être que cela permettrait de crever l’abcès, dissiper l’inconfort pour repartir sur des bases saines ? ’’J'avoue que c'est Lillia qui a demandé à Rebecka l'adresse. Est ce que je tombe mal ?’’ - ’’Pas du tout !’’ elle l’affirme avec toute la spontanéité de son honnêteté, et elle se détache même de la porte pour faire un pas en direction de Bryn, comme pour la retenir inconsciemment ’’J’étais en train de finir un tableau, mais rien d’urgent. Entre…’’ s’il te plaît mais rien n’est moins sûr car la surfeuse donne l’impression d’être sur le point de fuir comme un animal traqué pris dans les phares d’un semi-remorque.

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Je sais.

Bien sûr qu'elle sait. Je ne sais pas pourquoi j'avais besoin de décliner mon identité quasiment entière. Maintenant que c'est fait, j'ai clairement honte. Mais c'est trop tard. Ça a l'air au moins de la faire sourire. Ce qui n'est pas si mal, pas vrai ? Il faut au moins que le fait que je me ridiculise en beauté profite à la jolie Maeve. Parce que ça, on ne peut pas lui enlever, elle est belle. Est ce que c'est ce qui a motivé ma venue. Non. Non ?

Comme si elle ne l'avait pas compris. J'en rajoute une couche et une autre. Elle m'encourage c'est déjà quelque chose de positif. Mais il faudrait que je l'écoute pour réaliser ce qu'elle dit. Même sa blague qui te fait à demi sourire ne suffit pas à te détendre tout à fait.

Histoire d'être sûre qu'elle n'est pas dérangée par ma venue, je fais une dernière proposition, ouvre une dernière porte qui pourrait lui permettre de me laisser devant la sienne. C'est là qu'elle me fait signe d'entrée. J'aurais pu noter les signes, ne serait ce que la tension soit retombée et que son visage se soit éclairé quand elle m'a reconnue. Mais l'anxiété pourrait me pousser à faire n'importe quoi.

Maintenant que l'invitation est lancée, c'est à moi de choisir d'entrer ou non. J'ai fait tout le chemin jusqu'ici, ce n'est pas pour repartir les mains dans les poches. Je n'arriverais pas à justifier mon comportement si je partais maintenant. Et là encore, je m'en voudrais. Je suis venue ici pour lui parler. Je ne sais pas réellement de quoi encore, c'est quelque chose que je découvriras sans doute dans les minutes qui vont suivre.

- Merci... Tu n'auras qu'à me virer quand tu devras travailler...

Il faut que j'essaie de remonter ma propre estime de moi et l'autorisation c'est une bonne façon de le faire. Je dois m'approcher, lui passer devant pour qu'elle puisse refermer la porte. Pour le reste je dois la laisser me guider.

- Comment t'as trouvé cet endroit ?

J'avance dans le couloir pour découvrir l'atelier dont l'organisation doit convenir à Maeve sans aucun doute. Moi je trouve que ça lui ressemble. J'avais presque oublié ce talent qu'elle a, cet univers propre qu'on ne peut pas lui accusé d'avoir recopié. Non c'est unique.

Alors que mes yeux retombent sur elle qui arrive derriere moi, l'ironie du sort veut que je remarque que tout son haut est un hommage au tableau représentant la vague d'Hokusai. L'océan, l'eau... Un petit bout de moi. Mais je chasse l'image et me concentre à nouveau.

- C'est le tableau sur lequel tu travaillais ?

Je le désignes du doigt bien qu'elle ne puisse pas me voir. Mes pas me guident jusqu'à lui à travers la pièce.

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@Bryn Coverdale • octobre 2024, atelier de maeve • tenue

Maeve attend, incertaine, contre la porte ouverte de son atelier, que Bryn prenne une décision. L’issue de cette conversation sur le palier ne peut décemment pas se solder par le départ prématuré de la surfeuse, mais la petite rêveuse ne peut s’empêcher de nourrir précisément cette inquiétude, comme si elle craignait d’avoir manqué quelque chose dans leur échange et que le malentendu ait surpassé sa bonne volonté à l’accueillir : la peintre veut réellement que Bryn la rejoigne à l’intérieur, et il ne s’agit pas d’un effort de politesse qu’elle formule pour prouver qu’elle a été bien élevée, non, c’est une volonté concrète, appuyée et affirmée, qu’elle semble avoir toutes les misères du monde à démontrer. ’’Merci... Tu n'auras qu'à me virer quand tu devras travailler...’’ a-t-elle retenu son souffle, Maeve ? Elle a un soupir de réconfort qui se transforme en sourire soulagé sur ses lèvres, tandis qu’elle se décale un peu plus sur le côté pour laisser tout le loisir à Bryn de faire son entrée. ’’Comment t'as trouvé cet endroit ?’’ elle referme la porte en verrouillant le haut de celle-ci, non pas pour garder la rousse prisonnière mais parce que ce geste lui est machinal, surtout depuis que Milan a débarqué à l’improviste pour lui aboyer dessus — même si, au final, le vilain garnement n’est pas tant un mauvais bougre. En tant que femme seule, les possibilités de se retrouver en mauvaise posture sont nombreuses mais si on rajoute son handicap par dessus le marché, difficile de ne pas avoir l’esprit de méfiance. ’’Ça… C’est une longue histoire.’’ elle fait durer le suspens en brandissant un sourire malicieux, ses pieds se tournant vers Bryn tandis que ses mains prennent appuie sur ses hanches, bras légèrement arqués vers l’arrière ’’Un ami qui déménageait, il avait du mal à le vendre parce que l’agencement des pièces est un peu bizarre, parait-il… Alors je lui ai proposé de le racheter, comme j’avais besoin d’un atelier. Au début, il n’était pas emballé…’’ elle émet un petit rire en rehaussant ses épaules, avant de relâcher la position de ses bras pour faire quelques pas vers la pièce centrale, tout en poursuivant ’’Il avait peur que l’appart finisse sous des jets de peinture mais, je crois que je m’en sors plutôt bien.’’ en réalité, les murs ne sont plus aussi blancs qu’avant mais difficile d’éviter tous les accidents quand on pratique ce métier, n’est-ce pas. ’’Tu veux boire quelque chose ?’’ interrompant ses pieds nus sur le parquet en bois, elle presse ses lèvres l’une contre l’autre en attendant la réponse de Bryn, quelques boucles brunes tombant sur son front ainsi que sur ses tempes. ’’C'est le tableau sur lequel tu travaillais ?’’ elle retient un sourire amusé avant de dire, sans reproche ni colère ’’Il va falloir que tu me décrives un peu plus le tableau…’’ plusieurs sont sur des chevalets, certes, mais il n’y a qu’une seule toile qui a le tabouret disposé devant elle. ’’Si tu parles de la vague… Non. Il faut que j’achève quelques détails mais j’attends que la dernière couche sèche. Après… Il pourra peut-être être exposé chez toi, si tu l’acceptes et qu’il te plaît…’’ elle a prononcé les derniers mots avec un soupçon de retrait, comme hésitante, craignant d’avouer que le tableau est bien pour Bryn ; aurait-elle eu le courage de lui en parler si la belle surfeuse ne s’était pas manifestée aujourd’hui ? Probablement pas, mais maintenant qu’elle se tient devant elle, inutile de faire semblant.

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Avec les mois passés ensemble je me suis habituée à voir Maeve évoluer à l'aveugle fans son environnement, il n'empêche qu'il y a toujours des moments, comme maintenant, où ça me déroute. Sans doute parce qu'à nouveau je réalise qu'elle ne se contente pas de se mouvoir dedans sinon de le modeler à sa façon. Ce n'est pas sur la décoration, c'est surtout son art. Comment fait elle pour peindre sans voir ? Comment fait elle pour être aussi juste ? Voire même et principalement, comment fait elle pour reprendre une toile en cours ? Moi je suis bien incapable de faire de belles choses de mes dix doigts. Seule la cuisine est une activité manuelle qui ne s'avère pas avoir un rendu chaotique principalement parce que j'aime manger et que c'est une bonne motivation. Non vraiment, je ne sais pas comment elle fait. Alors oui, je comprends qu'elle veuille être reconnue pour son talent et pas seulement parce qu'elle est une artiste peintre aveugle. Mais dieu que c'est impressionnant.
J'écoute son histoire en hochant la tête tout en regardant autour de moi. Quand elle parle de jet de peinture je souris.

- Ça donne un style unique à l'endroit. C'est sans doute pas ta meilleure création, mais la plus authentique c'est sûr.

Je tourne mon visage vers elle pour reprendre.

- Un jour les gens se battront pour rentrer dans cet appartement et visiter là où tu peignais.

Une prémonition ? Je ne suis pas un oracle.

Tu as du café... ? Je peux en faire si tu as de quoi ?

C'est peut être plus pratique même si c'est sa proposition. Loin de moi l'envie de la traiter comme une handicapée mais je veux vraiment l'aider. Mais il faut croire que j'oublie pourtant. J'oublie qu'elle ne voit pas, ou plutôt je ne vois pas, ne fais pas attention aux autres tableaux. C'est forcément la vague qui retient mon intérêt. Quoi qu'il arrive je suis toujours attirée par l'océan. Avant que je n'ai eu le temps de reprendre, elle complète semblant avoir deviné mes pensées. Je suis prise de court quand à sa proposition. Mon regard posé sur le tableau fait des vas et viens avec son visage maintenant à demi tourné vers moi. L'idée se dessine dans mon esprit qu'elle a peint se tableau pour moi. Ça ne fait que quelques jours qu'on s'est vu. Quelques jours pendant lesquels dire que je n'ai pas pensé à elle serait mentir effectivement. La réciproque est vraie ? Voilà qu'il me laisse sans voix pendant quelques secondes, mon cerveau s'imprégnant a la fois du tableau ainsi que de l'information.

- tu l'as fait... Pour moi ?

Est ce que j'ai besoin de demander ? Est ce que ce n'est pas évident ?

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@Bryn Coverdale • octobre 2024, atelier de maeve • tenue

Évidemment que son atelier est un bordel, comme l’avait craint l’ancien propriétaire. Il est en bordel principalement parce qu’il est le lieu de travail de l’artiste qu’elle est, et qu’elle n’a pas le temps de ranger minutieusement après chaque tableau : elle pourrait sans nul doute être plus aguerrie à la tâche — comme elle l’était à la villa et dans son ancienne chambre mais, la pièce principale du lieu que découvre Bryn est disons « un bordel organisé ». Elle saurait parfaitement trouver n’importe quel pinceau ou tube de peinture dans les nombreuses étagères et plan de travail, et si elle ne s’excuse pas d’un « c’est le désordre » c’est parce qu’elle pense que Bryn doit se souvenir de sa façon de travailler… Du moins, Maeve l’espère. ’’Ça donne un style unique à l'endroit. C'est sans doute pas ta meilleure création, mais la plus authentique c'est sûr. Un jour les gens se battront pour rentrer dans cet appartement et visiter là où tu peignais.’’ elle émet un petit rire cristallin en pivotant sur ses jambes dans un mouvement souple, ses bras s’étendant légèrement de chaque coté de son corps avant que ses mains ne se rejoignent finalement sur le devant de celui-ci. ’’Tu crois ?’’ cela voudrait dire qu’elle a eu un succès bien plus grand que ce que son esprit lui permet d’imaginer, et cela la laisse un instant rêveuse… Bien qu’elle ne soit pas matérielle, l’idée d’avoir suffisamment d’argent pour réaliser ses rêves l’emplit d’un sentiment particulièrement agréable, elle ne chercherait pas à mentir à ce sujet. ’’La première chose que je m’achèterais…’’ elle fait mine de réfléchir alors qu’elle possédait la réponse avant de poser la question ’’Un chien d’assistance !’’ un sourire délicat prenant place sur ses lèvres, elle passe derrière une table pour d’abord tâtoner sur celle-ci afin de récupérer tous les pinceaux, qu’elle plonge ensuite dans un grand récipient en verre. De toute façon, elle a envie de profiter de ce moment avec Bryn, peindre vient de passer au second plan avec l’arrivée de la jolie rousse.

’’Tu n’as pas eu trop de mal à trouver ?’’ demande-t-elle en affichant un sourire complice, ses yeux fixés sur un point invisible à travers la pièce, pas tellement dans l’axe pour donner l’illusion qu’elle regarde Bryn. ’’Tu as du café... ? Je peux en faire si tu as de quoi ?’’ les mains appuyées sur le bord de la table, elle les fait lentement coulisser pour la contourner en suivant la voix de la surfeuse, parvenant ainsi jusqu’à elle. ‘’Dans la cuisine, oui…’’ hésitant un instant à saisir sa canne, la petite brune tend une main timide en sa direction, osant finalement demander ’’Je peux ?’’ elle n’ose pas prendre son bras sans son autorisation alors elle attend sagement que celle-ci lui soit donnée — s’il lui est donnée. Si elle souhaite l’accompagner jusqu’à la cuisine ce n’est pas parce qu’elle ne lui fait pas confiance mais il n’y a pas de quoi s’asseoir autour d’une tasse réconfortante dans la pièce principale, et puis si Bryn croise ses valises répandues aux quatre coins de l’appartement, il va bien falloir lui donner une explication… Reste à savoir comment elle va formuler qu’elle s’est brouillée avec sa meilleure amie de longue date et qu’elle a fui leur colocation sur un coup de tête.

Mais elles ne décampent pas tout de suite, les deux anciennes amoureuses, puisque leur attention commune est partagée sur la toile qui retranscrit à merveille le mouvement d’une vague imposante, dont les remous blancs s’échouent tout autour devant un ciel chaleureux. Elle a osé avouer qu’il était pour Bryn, mais Maeve ne sait pas tellement si c’était une bonne idée ; elle doit avoir l’air bien ridicule maintenant, pas vrai ? ’’tu l'as fait... Pour moi ?’’ incapable de savoir si la question cache de la joie ou du dégoût, elle mordille le coin de sa lèvre en attendant quelques secondes avant de prendre la parole, n’osant pas s’avouer qu’elle craint encore plus d’être ridicule maintenant ’’Oui, il est pour toi mais…’’ mordillant le coeur de sa lèvre inférieure, elle cligne plusieurs fois des yeux sans éclaircir sa vision, se forçant à achever sa sentence d’une seule traite et d’une toute petite voix effacée : ’’…mais tu n’es pas obligée de l’accepter.’’ elle a pensé à respirer ? Elle a visiblement oublier pourquoi elle a des poumons, Maeve, puisqu’elle a l’impression d’être en apnée. Une apnée ridicule pour rester dans le thème général.

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Un chien d'assistance. C'est un achat qui semble aller de soi non ? Pas la peine de demander pourquoi elle n'en a pas déjà un. Nous vivons après tout dans un pays qui n'a pas pour coutume d'aider les plus démunis à se nourrir, alors ce genre de besoin qui n'est pas une nécessité de première urgence quand les cannes sont bien moins chères et plus faciles à remplacer. Elle en parlait déjà il y a des années de ça. Pas de doute que le chien serait heureux avec elle. Peut être un peu trop ?

- Sûr que si le chien pouvait te prévenir avant que tu fasses cramer des choses en essayant de faire à manger, tout le monde pourrait en bénéficier.

Oui je me moque. La première fois depuis que nous nous sommes recroisées que je m'autorise ce genre de comportement. Une marque que je perds malgré moi un peu de cette réticence à son égard. Le fait que je sois venue de mon plein gré sans y avoir été invitée est déjà un indice en soit mais quand même.

- Avec l'adresse ça a été. Heureusement les rues de Brisbane n'ont pas changé comparé à tout le reste.

De nombreuses choses ont évolué. Je n'ai plus les petites adresses intéressantes, je ne connais plus les magasins. Ça fait longtemps que je suis partie, et c'est comme devoir apprendre une langue que j'aurais apprise à l'enfance : j'ai les bases mais il me manque tout le vocabulaire.

Naturellement je me propose pour faire le café. Peu importe la machine ou l'instrument je devrais m'en sortir, au moins pour soulager mon hôte. Je sais qu'elle est capable de se débrouiller mais parfois c'est épuisant de toujours devoir tout faire seule. Il faut aller dans la cuisine, je ne sais pas où c'est mais la suivre semble évident. Ou plutôt l'accompagner apparemment. Je comprends quand elle me demande si elle peut que cette requête correspond à s'accrocher à mon bras pour me suivre. Je regarde la main tendu et n'hésite qu'une fraction de seconde pour décoller mon bras le replier et le tendre jusqu'à ce qu'il rentre en contact avec elle. Ensuite seulement je fais le pas en avant pour me rapprocher un peu comme si c'était l'épreuve la plus coûteuse de ce processus. Je ne dis rien de plus. Si j'avais espéré y voit clair avec cette visite je dois dire que pour l'instant aucune lanterne ne s'est allumée.

Le fait qu'elle semble avoir peint pour moi, n'arrange d'autant pas la situation. Je suis interloquée le moins qu'on puisse dire et va jusqu'à plissé les yeux d'incompréhension quand elle émet un mais. Mon visage s'éclaire enfin quand elle dit que je ne suis pas obligée de l'accepter. Elle ne semble pas très à l'aise de toutes ses confessions. D'autant que dans cette position, impliquant une proximité plus importante que précédemment, tu ne peux pas en louper une miette. C'est malheureusement pas réciproque comme toujours. Je suis troublée, le pincement au coeur est réel, ça fait mal. Ce n'est pas une douleur lancinante, ça ne dure pas longtemps, mais assez pour le rappeler que c'est là. Je ne sais pas si un jour elle me l'aurait montré en réalité si je n'étais pas venue. Peut être que oui ?

C'est ce moment que je choisis finalement pour me mettre en route et parler en même temps, juste pour avoir une bonne raison de détacher mon regard de son visage.

Je l'accepte.

Je mords ma lèvre inférieure me demandant si ce que j'ai en tête doit ou non être prononcé. Est ce que c'était une bonne idée de venir la voir ? On aurait pu restées chacune dans son coin.

T'es la seule à jamais avoir peint pour moi.

Ce n'est pas la première fois. Pas un tableau de cette envergure bien sûr. L'image semble s'être imprimée dans mon esprit. Étrangement plus les secondes passent, plus je sens que je replonge dans ma réticence initiale. Auto défense ?
Je cligne des yeux plusieurs fois, j'en aurais presque oublié ce que nous sommes initialement parties faire.

Il faut que tu me dises qu'elle porte...

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@Bryn Coverdale • octobre 2024, atelier de maeve • tenue

’’Sûr que si le chien pouvait te prévenir avant que tu fasses cramer des choses en essayant de faire à manger, tout le monde pourrait en bénéficier.’’ - ’’Eh !’’ la syllabe unique s’étire en longueur sur sa langue quand, sourcils froncés sous la fausse vexation mise en avant, Maeve se tourne vers Bryn en apposant une main sur sa propre hanche, bras en équerre, comme si cela pouvait suffire à imposer une quelconque posture d’autorité alors que, même avec une expression contrariée au visage, elle paraît toujours autant inoffensive. ’’Je me suis améliorée figure-toi.’’ d’accord, elle se donne du crédit et enjolive grandement ses facultés à faire cuire quelque chose sans le faire brûler mais, eh, quelqu’un a déjà essayé de cuisiner les yeux bandés ? Non ? Bah voilà. ’’Je suis sûre que mon chien mangerait ma nourriture sans râler, lui.’’ la remarque l’amuse plus qu’autre chose, puisque c’est bien la preuve que Bryn commence à faire tomber les pierres du mur qui les séparait et, cela ne peut que réjouir celle qui se languissait de retrouver le caractère tout à fait mutin de la surfeuse. Elle lui a manqué, bien sûr qu’elle lui a manqué, il n’y a rien de plus vrai que cette phrase même si elle n’est pas avouable, du moins, Maeve ne se pense pas légitime de lui dire. Comment le pourrait-elle, avec quelle audace pourrait-elle formuler que son absence lui a longtemps pesé alors qu’elle est celle qui a décidé de leur rupture ? C’est un droit qu’elle ne s’accorde pas, la peintre, qui s’estime déjà chanceuse de pouvoir l’accueillir dans sa tanière confortable et douillette.

Car si elle est partie en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle n’a pas pu emporter toutes ses babioles d’un coup ; deux valises seulement, le strict nécessaire avant de trouver quoi s’installer mais, finalement, la situation semble durable alors elle a demandé à Lincoln de ramasser ses dernières affaires, surtout ses plantes, bougies, peintures et peluches, qui sont désormais dispersés aux quatre coins de l’appartement qui n’en est pas vraiment un. Il faudrait qu’elle se trouve autre chose, elle le sait, mais elle n’a pas le courage, ou pas l’envie. Ou bien les deux. ’’Avec l'adresse ça a été. Heureusement les rues de Brisbane n'ont pas changé comparé à tout le reste.’’ - ’’Tu trouves que j’ai changé, moi ?’’ demande-t-elle de but en blanc, étirant ses lèvres sous l’ombre d’un petit sourire quand ses doigts s’accrochent les uns aux autres au niveau de sa poitrine, comme si elle était soudainement nerveuse. Si Bryn considère qu’elle a changé, est-ce en mal ou en bien ? Et pourquoi a-t-elle besoin d’obtenir une réponse à cette question ?

Peu importe la réponse à la question qu’elle a posé, Maeve abandonne ses pinceaux, tubes de peintures et toiles pour se consacrer à sa visiteuse, qui est suffisamment généreuse pour lui céder son bras : entourant biceps de sa petite main, la rêveuse la remercie d’un sourire complice en s’apprêtant à faire quelques pas sur le parquet en bois mais, l’attention de Bryn est retenue ailleurs. Il y a de nouveau comme un flottement de gêne, entre elles, quelque chose d’indescriptible qui la pousse momentanément à croire qu’elle n’aurait jamais dû avouer que le tableau était bel et bien pour la rouquine, mais elle n’est guère la plus éclairée lorsqu’il s’agit de mensonges, alors elle a délivré la vérité sans pouvoir s’en empêcher, comme si sa bouche n’avait pas attendu l’autorisation de son cerveau. Le corps tendu, frustrée de ne pas pouvoir se rendre compte de l’expression de Bryn, Meï attend sagement une quelconque manifestation qui pourrait l’aiguiller sur la réaction de sa comparse et, sans qu’elle s’en rende compte, elle a refermé ses phalanges autour de son bras comme si elle avait cherché à la retenir ’’Je l'accepte.’’ qu’elle réponde par la positive sans rejeter son offrande, ça la soulage d’une tension qu’elle avait senti peser sur son être, toute l’appréhension relâchée la fait sourire avec grand soulagement, sans encore défaire l’étau de ses doigts autour de sa peau, même si sa prise ne doit pas être très forte ’’T'es la seule à jamais avoir peint pour moi.’’ un privilège qu’elle n’a curieusement pas envie de partager, puisqu’elle considère que c’est son domaine et son love language ’’C’est plus facile pour moi de m’exprimer comme ça.’’ que cherche-t-elle à dire avec le tableau destiné à Bryn ? Mystère. Même pour elle, oui. ’’Il faut que tu me dises qu'elle porte...’’ elle ne s’était même pas rendu compte qu’elles avaient marché dans le couloir tant elle avait été accaparée par ses pensées et, c’est en tournant son menton pour redresser sa nuque qu’elle répond, d’un ton lointain ’’Porte de gauche. L’autre, c’est ma chambre… Enfin…’’ quelque chose qui y ressemble de loin puisqu’elle ne dort pas dans un lit mais dans un canapé, mais cela suffit à la faire sourire avec un mouvement d’épaules qui se veut nonchalant, tandis qu’elle profite d’être dans la cuisine pour libérer le bras de son interlocutrice. ’’J’ai des petits gâteaux, ça te dit ?’’ elle connaît suffisamment la pièce pour pouvoir s’y déplacer sans sa canne blanche, effectuant une traversée tranquille jusqu’à un placard qu’elle ouvre mais, sa main reste suspendue dans le vide lorsqu’elle rajoute, avec un sourire espiègle ’’Achetés au supermarché, donc ils ne seront pas cramés, je te rassure.’’ prenant les fameux paquets composés par différents biscuits, elle part ensuite s’installer à la table en y déposant son butin ainsi que ses coudes, en attendant que Bryn finisse de batailler avec la machine à café. ’’Besoin d’aide ?’’ promis, c’est proposé sans élan rieur dans la voix. Ou presque.

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J'ai l'impression d'être dans les montagnes russes. Dans un grand 8 les yeux bandés et avec le train qui part en arrière. Impossible de contrôler ma tête qui se cogne, mes cheveux me fouettent le visage et mon coeur semble rester accroché en haut alors que le wagon entame sa descente. Vraiment, je n'ai aucune sensation de maîtrise, je ne sais pas ce que je fais là, et j'ai la simple impression de me laisser aller au grès du vent. Ou plutôt des conversations que vous avez. Ça fait un peu le même effet. C'est comme ça que vous pouvez blaguer sur les plats cramés de Mei, dont même son chien ne voudrait pas, à être coincées parce que trop près, dans tous les sens du terme.

Quand elle me demande si elle a changé j'ai un moment de panique. Qu'est ce que je peux répondre à ça ? Aucune réponse n'est correcte, c'est le genre de question compliquée ou chaque issue peut être mauvaise. Oui, tu as changé, ça peut être perçu comme tu n'es plus la personne que je connaissais, que j'aimais. Non tu n'as pas changé, ça veut dire qu'elle n'a pas évolué. Personne ne veut stagner.

- Je suis pas sûre d'en avoir assez vu pour me prononcer.

C'est ce qui s'appelle botter en touche. Pour le tableau en revanche... Je ne pensais pas qu'un jour Mei se remettrait à produire de l'art pour moi. Sans doute parce que je ne pensais pas la voir, déjà pas à la plage et pas plus aujourd'hui. Pourtant, c'est moi qui suis aller vers elle cette fois, elle n'a rien demandé. Mais elle m'a peint un tableau. Donc oui, je l'accepte. Ça ne veut pas dire que j'accepte tout le reste de cette situation pour le moins... Perturbante. Je sens que le vent de panique qui semble avoir aussi pris Maeve de calme un peu après que j'ai accepté son cadeau. Pour moi ce n'est pas encore la panacée. C'est très étrange de se trouver proche de quelqu'un qu'on a si bien connu par le passé et qui est une inconnue aujourd'hui.

- Je sais...

Oui, je le sais. Ça ne veut pas dire que ça soit plus facile. Je préfère donc avancer. Dans tous les sens du terme. Sur le moment je ne tilte pas quand elle dit que la porte à côté c'est sa chambre. Ça aurait pourtant dû me mettre la puce à l'oreille. Mais je suis perturbée.
Donc je me laisse guidée même si c'est moi qui l'emmène. Je découvre ainsi la cuisine, et c'est là que nos chemins se séparent. Elle arrive à me tirer un sourire alors qu'elle dit que les gâteaux n'ont pas été fait par ses soins. Mais cette fois ci, je ne dis rien, un peu comme si le moment où je l'ai taquinée tout à l'heure avait été imaginé. J'essaie tout de même de mettre un peu de chaleur dans ma voix pour ne pas sembler trop froide.

- Non, juste dis moi où sont les tasses.

Pour le reste, ça semble assez simple et à portée de main. Pendant quelques secondes je reste songeuse jusqu'à ce qu'enfin une cloche semble s'être agitée dans mon esprit.

- Tu m'as parlé d'une chambre ? Tu habites ici aussi ? Tu n'étais pas en coloc ?

Ai je rêvé quand elle m'en a parlé ? N'y avait il pas un chat ?

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@Bryn Coverdale • octobre 2024, atelier de maeve • tenue

Évidemment que dans tout cela il y a un soupçon de « on fonce et on verra après », et elle n’est pourtant pas la plus téméraire au monde, Maeve, mais ses tentatives pour tenter de briser la glace entre elles semblent commencer à porter leurs fruits. Bryn est largement moins sur la défensive, moins en retrait, et le simple fait qu’elle se soit déplacée jusqu’ici sans y avoir été invitée est la preuve tangible que leur lien n’est pas tout à fait rompue. La surfeuse glisse sur leur conversation comme sur une vague souple, de celles qui ne chahutent que trop peu et qui permettent une balade tranquille sur le dos de l’océan, même si elle tient tout de même une mesure presque diplomate quand elle répond ’’Je suis pas sûre d'en avoir assez vu pour me prononcer.’’ pour le moins prudent. Maeve ne rétorque rien, lui renvoie la suffisance d’un sourire doucereux en lui laissant volontiers le rôle de la tempérance, une casquette qui lui va suffisamment bien pour qu’on ne puisse pas lui reprocher.

Tenant son bras, Meï hausse simplement ses épaules quand son annonce n’est guère une surprise pour celle qui se fend d’un concis « je sais ». Elle sait, cela ne veut pas dire grand-chose, dans le fond, juste de quoi renvoyer l’image du passé qu’elles ont partagé et qui permet à la plus âgée d’être suffisamment familière de l’autre pour lui rappeler mais, est-ce positif ou un reproche déguisé ? Bryn aurait-elle préféré que Maeve mente concernant le tableau fait pour elle ? Elle est mystérieuse, Bryn. C’est difficile de lire entre ses lignes, compliqué de suivre ses cheminements intérieurs tant elle oscille entre le chaud et le froid, faisant un pas en avant pour en effectuer ensuite deux en arrière. ’’Non, juste dis moi où sont les tasses.’’ les bras chargés de paquets de biscuits, elle se retourne vers Bryn — plus ou moins — en expliquant ’’Le placard juste au-dessus de la machine.’’ malgré toute sa perplexité concernant le comportement ambivalent de sa visiteuse, qui la met grandement en déroute il faut bien l’avouer, Maeve maintient son sourire affable flanqué sur ses lèvres, puis étale les gâteaux devant elle avant d’appuyer son menton dans la paume de sa main, son petit doigt tapotant brièvement la peau lisse de sa joue. ’’Tu m'as parlé d'une chambre ? Tu habites ici aussi ? Tu n'étais pas en coloc ?’’ oh voilà le sujet qui fâche, pense-t-elle en pressant ses lippes l’une contre l’autre, sentant une petite boule de tristesse se loger dans son ventre en lui faisant passer l’envie d’avaler une seule miette des biscuits qui se trouvent devant elle. ’’Si. J’étais en coloc.’’ mais c’est révolu désormais, et en faire l’annonce lui comprime autant le coeur que la gorge mais, joignant ses petites mains sur la table, paume contre paume, elle se murmure qu’elle a déjà vécu pire, pas vrai. ’’Mais je me suis disputée avec quelqu’un et j’ai dû la quitter rapidement. Donc je vis ici, en attendant de trouver quelque chose.’’ un peu pathétique dit comme ça, mais après s’être sentie ridicule Maeve se rassure en se persuadant que ce n’est pas vraiment pire ’’Il faudrait que je recherche une coloc parce que je n’ai pas envie de vivre seule,’’ ou plutôt la solitude lui est très compliquée à la longue, mais elle n’a pas envie de cocher la case « misérable » après « pathétique » et « ridicule » ’’Je pense aller dans une agence, ce sera plus simple pour tout le monde.’’ surtout pour elle, en réalité. Mais il y a un point positif à aborder ce sujet encore douloureux : Bryn a retenu ce qu'elle a dit la dernière fois...

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Je me mets à la tâche qui m'a été attribuée. Faire le café m'aide à réfléchir de manière un peu plus posée peut être. Maeve n'étant plus dans mon champ de vision c'est comme si je pouvais relâcher la pression. Même si je sais qu'elle ne peut pas me voir, les conventions sociales font que je ne peux pas m'empêcher de poser un masque sur mes émotions. Je ne sais pas trop ce qui se passe. Je pensais que mes sentiments seraient plus tranchés, que je saurais comment me comporter, j'ai l'impression d'être aussi aveugle qu'elle et c'est loin d'être agréable.


Dans la tempête j'arrive tout de même à faire quelques calculs. Elle m'a dit qu'elle était en coloc il y a quelques jours de ça. Je peux me tromper, mais elle m'avait donner des détails. Difficile à croire qu'en un si cours laps de temps elle ait déménagé. Ou alors c'était prévu ? Il est possible qu'elle ne m'en ait pas parlé non plus. Notre conversation fut courte et nous n'avons pas tout abordé. J'ai rapidement la réponse. Je me retourne alors que je viens d'enclencher une capsule dans la machine après avoir installé une tasse sous la buse. Je fronce légèrement les sourcils.

- Dis moi que c'est toi qui es partie et qu'on t'a pas mise dehors quand même ?!

Oui , c'est du soucis qui colore ma voix à cet instant. Elle n'a pas l'air si soucieuse quoi que toujours gênée.
J'appuie sur le bouton pour faire couler un premier café et m'appuie sur le plan de travail. Je l'écoute reprendre croisant les bras sur ma poitrine.

- J'espère que tu vas trouver ça... C'est pas évident de vivre avec des inconnus...

Ça m'est arrivée plus d'une fois. En club il faut souvent partager des chambres quand on a pas de quoi de loger.

- Qu'est ce qu'il s'est passé pour que toi t'en vienne à partir ?

Il est clair que pour moi, Mei n'est pas du genre à jeter les gens. Sauf moi évidemment.
Cependant je me reprends vite.

-  T'es pas obligée de me répondre si tu n'en as pas envie.

Tu fais une moue désolée qui demeurera invisible. Je finis par me retourner pour prendre la tasse et la poser devant Mei. Je prends doucement sa main pour lui faire attraper la anse par pur réflexe et me détourne rapidement en me rendant compte que je n'ai pas demandé.

- Attention c'est chaud.

A nouveau je me tourne et profite de ce qu'elle ne me voit pas pour laisser s'affaisser un peu mes épaules. Je fais tout de même le second café pour moi.
Il faut que j'arrive à me débarrasser de ces sentiments embarrassant, sinon ça n'aura eu aucun sens cette visite impromptue.

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@Bryn Coverdale • octobre 2024, atelier de maeve • tenue

L’odeur du café emplit la pièce, propageant des effluves réconfortantes qui font sourire la brune installée à la petite table de la cuisine, bras croisés devant elle comme si elle essayait de limiter l’espace qu’elle occupe ; elle a bien compris que Bryn était mal-à-l’aise mais, elle ne parvient pas tellement à identifier pourquoi. Doit-elle crever l’abcès de leur rupture maintenant ? Cela lui semble être prendre le risque que la surfeuse s’envole aussi brutalement qu’elle est apparue et, étrangement, Maeve n’a pas envie de la voir partir. Cela lui paraît tout bonnement insensé — ça doit l’être, quelque part, mais la peintre a envie de conserver sa présence revenue dans sa vie, sans savoir si elle a vraiment le droit de se réjouir de son retour.

’’Dis moi que c'est toi qui es partie et qu'on t'a pas mise dehors quand même ?!’’ est-ce de l’inquiétude qu’elle sent poindre dans la vie de Bryn ? Il semblerait que oui. Preuve que la surfeuse se soucie d’elle, de ce qui pourrait lui arriver… Même si le sujet abordé est difficile, réaliser qu’elle a toujours une petite place, pour elle, dans son coeur, revigore le sien d’un sentiment suave. ’’Je suis partie, rassure-toi. J’aurais pu rester mais… Ça n’aurait pas été viable sur le long terme.’’ et Maeve n’est pas suffisamment forte pour encaisser une ambiance foireuse sur le long-terme, elle préfère encore essuyer une solitude qui lui est douloureuse ; au moins, elle peut déambuler entre les murs de l’appartement sans craindre de tomber sur la mauvaise personne au détour d’une porte ou d’un couloir. ’’J'espère que tu vas trouver ça... C'est pas évident de vivre avec des inconnus...’’ raison pour laquelle elle avait emménagé avec sa meilleure amie et un ami, mais preuve que même avec son entourage proche, elle n’est pas à l’abri de finir dans une embuscade de querelles ’’Avec ceux qu’on connaît non plus.’’ elle le marque avec une pointe d’aigreur dans la voix, qui est davantage de la tristesse que de la colère, mais l’essor lui fait baisser le menton pendant quelques secondes, comme s’il lui fallait tempérer intérieurement ses émotions avant de poursuivre la conversation ’’Qu'est ce qu'il s'est passé pour que toi t'en vienne à partir ?’’ elle remonte ses épaules en ne sachant pas tellement comment formuler la chose, si bien que ses épaules restent ainsi crispées pendant quelques secondes le temps de lui laisser le bénéfice de la réflexion ’’T'es pas obligée de me répondre si tu n'en as pas envie.’’ - ’’Ce n’est pas ça,’’ ce n’est pas une question d’envie, disons, mais elle ne voudrait pas se montrer injuste dans sa façon de présenter la situation ’’Une dispute avec ma meilleure amie. Pas le genre de trucs qu’on peut réparer, si tu te demandes.’’ et elle n’en dira pas plus : l’explication se suffit à elle-même. ’’Attention c'est chaud.’’ laissant sa main être guidée jusqu’à la anse, elle lève le menton pour sourire à Bryn, réconfortée par la bienveillance qu’elle lui accorde même si ce n’est pas sans effort ’’Merci…’’ entourant sa tasse de ses deux mains pour se réconforter, elle hésite un instant puis, décidant de rompre le voile poli de leurs échanges, elle lance : ’’Peut-être qu’on devrait en parler, tu ne crois pas ?’’ machinalement, elle fait coulisser une main sous sa chaise pour rejoindre la bordure de sa chaise, ne sachant pas tellement si elle fait bien de mettre les pieds dans le plat de la sorte ’’Je crois que tu es venue pour ça, dans le fond. Pour vider ton sac ou pour avoir des réponses. Dans les deux cas, tu peux.’’ et elles pourront enfin passer à autre chose toutes les deux, peut-être, mais encore faut-il que Bryn ne se dérobe pas.

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La nouvelle est quelque peu alarmante. C'est le genre de choses qu'on ne peut pas prendre à la légère quand on est dans le cas de Maeve. Encore que dans son malheur, elle a de la chance : elle a cet appartement dont elle peut disposer pour dormir aussi apparemment. Cependant je comprends qu'il n'est pas évident pour être d'être seule. Déjà parce qu'elle n'est pas où plus habituée à l'être, mais aussi parce que d'un côté pratico pratique ce n'est pas la situation la plus simple. Être indépendante c'est dur. Je le sais déjà à mon échelle alors que je n'ai aucun handicap. Donc c'est bien normal que je m'inquiète, non ?

Si moi je veux en parler, ça n'a pas l'air d'être son cas. Je peux le comprendre c'est aussi pour ça que je fini par changer mon fusil d'épaule en lui disant qu'elle n'est pas obligée de me parler. Je comprends qu'elle ne compte pas le faire. Les explications sur une dispute, une dispute qui semble irréversible n'iront pas plus loin. Je mords l'intérieur de ma joue, et ne rajoute rien.

Je lui sers son café, et retourne auprès de la machine un peu comme si c'était mon garde fou à moi. Une bonne excuse pour ne pas être proche d'elle. Stupide.
Je suis de dos quand sa voix pleine d'hésitations lance la fameuse phrase : on devrait en parler. J'ai presque envie de faire la naïve en demandant parler de quoi. Mais je reste de dos encore et toujours, regardant le café coulé et finalement la tasse pleine et fumante. Est ce que je suis venue pour ça comme elle le sous entend ? J'ai envie de partir. Une envie forte qui me pousserait à m'enfuir sans demander mon reste. Mais être adulte c'est affronter ce genre de situation non ? Clairement je n'ai pas envie de l'être. Je voudrais juste me dérober... Je lui dois la vérité. Du moins, c'était effectivement pour ça que j'etais venue, au moins pour m'excuser.

Je soupire et me retourne m'appuyant à nouveau contre le plan de travail. Je croise ses yeux aveugles, et baisse les miens.

- Je... J'étais venue pour m'excuser.

J'essaye de rassembler au mieux mes idées.

- J'ai pas été juste avec toi quand on s'est vue. Je m'attendais pas à te voir là et j'ai pas su comment réagir. Je voulais pas te mettre mal à l'aise, ni même te forcer à partir.

Je prends mon café entre mes mains et regarde sa surface fumante. Je suis aussi là parce que je voulais la voir. Je n'ai aucun argument pour justifier ça. J'avais juste envie de la voir. Est ce que c'est mal ? Je ne peux décemment pas lui dire ce genre de choses directement, je ne sais pas comment cette information pourrait interprétée, je ne sais pas le poids qu'elle y accorderait, les idées qu'elle se ferait de ça. Même moi je ne sais pas quoi penser de cette envie de voir mon ex qui m'a brisé le coeur. Je ne devrais sans doute pas être là d'ailleurs.

- Je sais pourquoi tu...

M'a quittée ? Abandonnée ? Rejetée ? Trop pathétique.

- tu as pris cette décision. J'ai pas envie d'en reparler.

Je ne peux pas dire que c'était notre décision, même si je comprends, je n'ai apparemment toujours pas digéré. Je me sens encore plus ridicule. Sans même le dire je viens d'en faire l'aveu. Là encore, elle ne peut pas voir mes joues rouges, elle ne peut pas voir la détresse sur mon visage, et c'est tant mieux pour moi. Je fais de mon mieux pour contrôler ma voix, ne pas sembler agressive, ne pas avoir l'air accusatrice. Ce n'est pas mon intention. Bien sûr elle serait en droit de dire qu'elle veut en parler, et qu'il faut le faire. Je ne sais pas ce qui pourrait être dit de plus sur le sujet. Je décide qu'il faut arrêter de parler et bois du café, ce qui ne manque pas de me brûler la langue.