Billie porta son regard pour la dixième fois en moins de cinq minutes sur l’horloge au-dessus de la porte de son nouveau bureau. Évidemment l’aiguille des minutes n’avait pas bougée, enfin si…de quelques millimètres à peine, mais rien de conséquent. La jeune femme passa une main dans ses longs cheveux ondulés, petit geste nerveux en cette journée qui lui paraîtrait soit atrocement longue, soit au contraire, épouvantablement courte. Qui avait-il de particulier en ce beau vendredi d’octobre? Un nouveau job, tout bêtement. La quarantenaire avait passé tout le mois de septembre à s’installer dans son nouvel appartement de West End, s’était remise en question un bon nombre de fois puis s’était mise à éplucher les nombreuses annonces du web à la recherche d’un emploi qui lui permettrait de rester dans le domaine du livre…

Écrire un nouveau roman était trop tôt encore…le Podcast c’était hors de question, elle n’arrivait même plus à ouvrir son site internet depuis la disparition de sa sœur et donc l’argent commençait malheureusement à manquer. Bien sûr ses parents s’étaient offerts de payer les frais de logement pour le mois prochain, mais Billie restait une femme forte et beaucoup trop fière pour accepter un tel don. Changer de pays ne la changerait pas du tout au tout, mais c’était avant tout pour aller de l’avant et se permette un nouveau départ loin du drame, elle se disait qu’en acceptant l’argent de ses proches ce serait comme permettre à son passé de refaire inlassablement surface. C’était hors de question.

On en était donc là, le premier jour de son nouveau boulot en tant que béta reader. Savait-elle se qu’elle faisait? Absolument pas et ça lui foutait une chienne monstre.

En quoi consistait principalement son job? Lire des premiers jets, donner son impression sur ses lectures et conseiller des auteurs. Elle se sentait apte à lire certes mais tout le reste lui était totalement nouveau et le fait d’avoir écrit deux bouquins n’était pas vraiment un plus comme elle aurait pu le penser en donnant sa candidature. Désormais assises à son bureau un peu trop terne, elle ne pouvait plus reculer. Billie attendait son rendez-vous de 8h30 avec impatience, nervosité et appréhension. On l’avait informé à son arrivé qu’une agente de comm viendrait la voir, mais pour qu’elle raison? Elle n’en avait aucune idée.

À nouveau et sans même prêter attention à ce qu’elle faisait, ses yeux s’enlignèrent encore sur l’horloge, puis sur la porte alors qu’un toquement raisonna. Complètement affolée, Billie inspira profondément et se repositionna sur sa chaise avant de lancer, le plus jovialement possible : Oui, c’est ouvert.