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@Isabel Flores & Jo Carter Brisbane - 2022

Josephine n’a pas de critique à faire sur les parents des autres vu ceux qu’elle se traîne. Certains diraient surement qu’ils ne sont pas si pires en comparaison. Isaiah est d’un charme fou, charismatique et ambitieux, Michelle est dévouée,  patiente et magnifique ; ils forment un couple de cinéma qui, à bien y regarder, a toujours été un modèle d’amour véritable, tellement d’ailleurs que chacun se pardonnent ses vices sans broncher. Puisque les six enfants Carter n’ont jamais manqué de rien, ils ne sont vraiment pas à plaindre, tout le monde s’entend à le croire, n’est-ce pas ? Ils ont quand même bossé pour le compte de leur père pendant des années, et ça sans toucher un rond en contrepartie alors non vraiment, ils ne sont pas à plaindre ; ils ne parlent pas du reste, ils ne parlent jamais du reste, c’est un secret familial, de ceux qu’on préfère renier que mettre sur la table. Mais putain, quand même : la mère d’Isabel, elle est loin de faire partie du haut du panier, elle non plus. C’est triste. Comme tout ce qu’elle lui raconte depuis tout à l’heure en fait. Jo hoche la tête, n’appose rien de plus à ce qu’elle lui confie. Elle se dit juste que ça ne devrait pas exister, les enfants qui grandissent trop vite. Elle en fait partie, alors ça par contre, elle se bien se permettre de le dire. Elle ne le fait pas toutefois, elle a déjà reçu une question en retour de la part de la jeune femme, elle ne voudrait pas tendre l’autre joue pour se faire battre. Dans deux jours, elles ne se donneront même plus l’heure, elles n’ont pas besoin d’être amies non plus ; comme elles ne le sont pas et ne le seront probablement jamais, elle n’a pas non plus besoin d’insister davantage pour connaître ses déboires avec ce patron qu’elle a mentionné. Elle cumule tant de malchances cette gosse qu’elle se demande si elle n’est pas échappée d’une quelconque fanfiction — de là à finir comme la Mary-Sue de l’histoire, ça se joue à une prophétie près, et qui la frappera peut-être si, un jour où l’autre, elle réussit enfin à avoir un peu de chance. C’est ce qu’elle lui souhaite, bien qu’elle ne le lui dit pas là encore, préférant s’attarder sur les règles de la maison Carter qui ne sont pas difficiles à suivre. Jo est plus cool que ça avec ses invités d’ordinaire, mais vu qu’Isabel a l’air d’amener le mauvais sort avec elle, elle préfère cadrer les choses, et ne pas lui donner l’impression d’être dans un club de vacances. Ce n’est que deux jours, elle ne rechignera pas à suivre les directives de quelqu’un qui se montre prévoyant. A nouveau, elle est déjà bien gentille de l’accueillir sous le toit de sa grand-mère sur la base d’un coup de fil désespéré, elle ne tient pas à ce qu’elle se sente assez à l’aise pour faire comme chez elle. Elle n’est pas chez elle.

Et pourtant, elle est presque aux petits soins pour elle — tout est relatif. Elle lui dépose un flacon de paracétamol devant elle, flaire qu’elle a chopé quelque chose qui, elle l’espère, la quittera avec une bonne douche et une bonne nuit de sommeil "C’est pas mamie, c’est nana." la reprend-t-elle, un sourcil arqué. Elle hésite un instant à lui parler de sa maladie, mais elle est perdue, pas demeurée, cette gamine : elle finira par se rendre compte de quelque chose, d'autant qu’elles prendront leurs repas toutes les trois, et qu’en plus, Jo lui demande de garder un oeil sur elle quand elle sera au boulot. L’hésitation la quitte finalement, elle ajoute avec l’air de ne pas y toucher "Elle a Alzheimer, alors sois patiente. Elle aime tous les jeux en général, elle a juste oublié comment on joue à une majorité d’entre eux, mais c’est un bon exercice pour elle, donc si c’est ton truc à toi aussi…" Fais-toi plaisir, qu’elle pense, décollant les fesses du bord de la table pour débarrasser le bol d’Isabel. Elle jette son contenu dans l’évier, met en route le broyeur, et répond à ce qu’elle ajoute au sujet du port du masque pour protéger Ava de son rhume "C’est bon, on va pas chipoter non plus." Nana n’est pas aussi fragile que ça. Elle est vieille, elle est malade, mais c’est une femme robuste qui ne vacillera pas devant un rhume — tant qu’Isabel ne lui éternue pas au visage, ça devrait être gérable. Elle lui propose dans la foulée "Si tu veux te débarbouiller, la salle de bain de l’étage est libre." Celle de sa grand-mère, attenante à sa chambre, est chasse-gardée autant que ses quartiers, inutile de le signaler "Je vais te sortir des serviettes et des draps, tu les mettras toi-même." Pour le lit qu’elle va occuper. Elle termine sa petite vaisselle, se sèche les mains avant de reprendre la pomme qu’elle a laissé de côté tout à l’heure, et ajoute en passant à ses côtés, son regard ne la quittant pas jusqu’à ce qu’elle tourne à l’angle de la pièce "Si t’as encore un creux, les placards sont jamais vides." Elles ne mangent pas de céréales, mais du reste, rien ne manque ici.

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