Il avait rencontré un jeune homme peu à-même de comprendre qui il était réellement, et avait pu obtenir quelques informations importantes pour l’étude des sujets. C’aurait été suffisant, s’il n’avait pas rencontré un autre survivant en menant le troupeau jusqu’à l’épave et si la présence de sa petite soeur sur l’île ne l’avait pas obligé à se remettre entièrement en question. Sara était là, au milieu des prédateurs, et s’il lui avait promis de revenir après lui avoir raconté tout ce qu’il savait pour maximiser ses chances de survie jusqu’à ce qu’il lui vienne en aide, Diego n’était pas rassuré. Encore moins lorsqu’il savait que la seule personne sur qui il était convaincu de pouvoir compter parmi les employés avait été le premier à le trahir de la pire façon possible. Son arrivée dans le bunker n’était pas comme toutes les autres, il avait posé son talkie-walkie sur son bureau dans un geste violent, l’appareil claquant contre le métal dans un bruit sourd. Posant ses mains sur sa tête, il avait pris une longue inspiration avant d’enfin poser le regard sur Mateo qui l’attendait là, comme chaque jour, sûrement avec un peu plus de hâte car il rentrait de son infiltration. Avait-il conscience de ce qu’il y aurait appris ? Etait-ce pour ça qu’il ne voulait pas qu’il y aille ? « Je vais te poser une question, une seule, et tu vas y répondre sans bafouiller, sans tenter de m’inventer un truc, on est d’accord ? » Les règles étaient claires, il n’apprécierait pas qu’il tente d’être autre chose qu’honnête alors qu’il était déjà profondément déçu de la façon dont il ne l’avait pas été. Croisant les bras sur sa poitrine pour tenter de garder son calme, il avait planté son regard dans le sien pour poser la question. « Pourquoi tu ne m’as pas dit qu’il y aurait une Gutiérrez dans les passagers ? » La seule réponse valable serait qu’il l’avait fait pour l’expérience, Mateo le savait pertinemment, mais Diego espérait encore qu’il n’utilise pas cette carte là s’il n’était pas entièrement convaincu que c’était le cas. Il s’agissait maintenant de sa famille, de sa petite soeur, et tout venait d’être remis en perspective par un scientifique aveuglé par ses ambitions, sa passion et sa dévotion à un homme et une mission dont il comprenait maintenant peut-être les limites.

Mateo n'avait eu qu'une hâte en se lançant dans ce projet, c'était de s'infiltrer parmi les sujets qu'il espionnait depuis longtemps maintenant. Les choses s'étaient passées selon le plan initial mais jour après jour, alors que sa satisfaction de voir les choses se dérouler comme prévues augmentait, son dégoût de lui même augmentait tout autant. Alors il était ravi de savoir que sa mission était terminée, en tout cas sa première partie de la mission. Désormais les survivants qui avaient croisés sa route le croyaient mort et il était de retour au bunker pour surveiller la situation, mais à distance cette fois. Lorsqu'il avait vu Diego entrer dans la chambre qu'ils partageaient depuis quelques temps, il avait su à son regard qu'il avait découvert la vérité sur la présence de sa sœur sur cette île maudite. « Je vais te poser une question, une seule, et tu vas y répondre sans bafouiller, sans tenter de m’inventer un truc, on est d’accord ? » Inutile d'introduire le sujet en finesse, Diego avait totalement raison de ne pas tourner autour du pot. De toute façon, après les journées qu'il venait de passer, Mateo n'aurait pas eu assez d'énergie pour tenter de faire comme si de rien était. « Pourquoi tu ne m’as pas dit qu’il y aurait une Gutiérrez dans les passagers ? » Sans hésiter la moindre seconde et son regard planté dans le sien, il rétorquait : « Parce que la liste des sujets ne regarde que le service de surveillance. » Il savait que ses doutes, il était inutile d'en parler. Diego était trop dévoué à la cause pour les entendre. Alors Mateo se concentrait sur les faits, sur ce discours qu'il avait répété nombre de fois avec ses collègues du département de contrôle. « Tu aurais pu interférer et ça aurait représenté un risque pour l'expérience. » Et ça, c'était tout sauf souhaitable. « Tout ces gens dehors sont les enfants, frères et sœurs ou parents de quelqu'un. Tu pensais peut-être que ta famille aurait un passe droit ? Le sujet n°123 rentrait dans les critères de sélection, alors elle a été sélectionnée. » C'est bien pour ça qu'il doutait toujours un peu plus de l'expérience et d'E. Vile, bien pour ça qu'il commençait à songer à trouver un moyen de s'échapper de cette île pour ne plus participer à cette horreur. Mais devant Diego, il ne pouvait montrer aucune faiblesse. Il le savait, leur relation s'était terminée à l'instant où les sujets avaient mis le pied dans cet avion.

Sa colère était lisible et compréhensible, et s’il avait bien compris ce qui était en train de se tramer, Mateo s’attendait à ce que la discussion ait lieu à un moment ou à un autre. « Parce que la liste des sujets ne regarde que le service de surveillance. » Il était pragmatique et professionnel comme ils lui avaient toujours demandé de le faire, et cela ne faisait qu’amplifier les sentiments de Diego qui se retenait tant bien que mal de ne pas l’attraper par son t-shirt. « Tu aurais pu interférer et ça aurait représenté un risque pour l'expérience. » Un rire mauvais s’était échappé de ses lèvres alors qu’il avait fait un demi tour sur lui-même pour ne plus lui faire face, à lui et à ce calme apparent devant un constant qui lui, le rendait fou. « Tout ces gens dehors sont les enfants, frères et sœurs ou parents de quelqu'un. Tu pensais peut-être que ta famille aurait un passe droit ? Le sujet n°123 rentrait dans les critères de sélection, alors elle a été sélectionnée. » « Epargne moi ta morale, ma petite sœur n’est pas un foutu numéro Mateo ! » Diego avait haussé le ton, pour la première fois depuis bien longtemps, et c’était bien parce qu’il était en train de perdre pied. Il était hors de lui, de la savoir en danger et de constater qu’en réagissant ainsi, il décrédibilisait totalement le projet en lequel il croyait fermement quelques heures encore auparavant. Mateo était resté silencieux, parce qu’il savait qu’il avait raison et que Diego voyait probablement enfin clair dans les doutes qu’il avait tenté de lui exposer une fois, une unique fois avant de comprendre que le sujet devait définitivement être clos avec lui. « Je me méfiais de tout le monde sauf de toi et finalement, t’étais celui dont j’avais le plus à craindre. Tu m’as fait tes longs discours concernant tes incertitudes sur le bien fondé de l'expérience et la seule putain de fois ou t’aurais pas dû simplement t’en tenir à ta mission, tu l’as fait ? » Ses arguments sur ce point seraient probablement bien moins paralysant que l’étaient ceux expliquant la présence de Sara ici. « Vous l’avez sélectionnée comment ? Pourquoi ? » Etait-il lui-même un pion dans l’expérience et ce depuis le début ?  « Tu comptais me le dire, ou t’espérais que je m’en rende pas compte ? » Son regard planté dans le sien, réalisant que cette trahison-là faisait bien plus mal que toutes les autres, Diego s’attendait à un minimum de sincérité, quoique ce soit pour apaiser sa fureur.

« Epargne moi ta morale, ma petite sœur n’est pas un foutu numéro Mateo ! » Il avait beau dire ce qu'il voulait, Diego avait tort sur ce coup. Chacun des survivants qui avait participé à cette petite mise en scène et qui était désormais sur cette île n'était plus qu'un sujet d'expérience rentrant dans certains critères d'étude, et rien d'autre. « John Cole sujet n°66, Mia Bosko sujet n°497, Lena Edwards sujet n°111... je continue ou il t'en faut d'autres ? C'est tous des putains numéros Diego, c'est comme ça et on y peut plus rien ! » Il était trop tard pour retrouver une bonne conscience, trop tard pour comprendre qu'ils étaient fous de se lancer dans cette aventure et de suivre un malade dans ses délires malsains. Peut-être que la science était une excuse suffisante pour certains pour sacrifier toutes ces vies, mais à présent, ce n'était plus suffisant pour lui. Et visiblement, Diego le rejoignait enfin sur ce terrain là. « Je me méfiais de tout le monde sauf de toi et finalement, t’étais celui dont j’avais le plus à craindre. Tu m’as fait tes longs discours concernant tes incertitudes sur le bien fondé de l'expérience et la seule putain de fois ou t’aurais pas dû simplement t’en tenir à ta mission, tu l’as fait ? » Il n'y avait aucune réponse à apporter, aucune qui aurait pu justifier ces actes. Mateo restait là, silencieux, fixant Diego alors qu'il était en train de décharger toute sa haine contre lui. « Vous l’avez sélectionnée comment ? Pourquoi ? » Parce que c'était encore un réflexe, Mateo se contentait de répondre objectivement avec la catégorie dont la soeur de Diego faisait partie. « Catégorie des jeunes femmes célibataires en âge de procréer, niveau d'études et de revenus faibles. Pourquoi elle est pas une autre, je peux pas te dire. » Il ne s'était pas occupé de choisir ce nom là. Il tenait à ce qu'il le sache. « C'est pas moi, si jamais ça a encore la moindre valeur pour toi. » Plus rien n'en avait à l'instant. Des innocents étaient en train de mourir, les scientifiques étaient en train de douter de leurs collègues, le docteur E. Vile était en train de se jouer d'eux tous. « Tu comptais me le dire, ou t’espérais que je m’en rende pas compte ? » Machinalement il avait secoué la tête de gauche à droite. Il était inutile de mentir ou d'élaborer un quelconque stratagème maintenant, il était bien trop tard pour ça. « Tu voulais que je te dise ça comment au juste ? » La question était rhétorique, les explications qui suivaient étaient plus concrètes et il espérait qu'en un sens, sa justification trouve grâce aux yeux de Diego. « Quand j'ai essayé de te dire que l'expérience était peut-être pas aussi bienfaitrice que ça, tu m'as dis de me taire. Alors je voulais pas risquer de finir dans l'enclos des t-rex si j'osais encore contredire les intentions d'E. Vile devant toi. » Mateo avait fini par penser que leur relation, ou même que toute relation humaine était dérisoire pour Diego face à l'expérience pour laquelle il donnait tout depuis si longtemps. Il avait fini par penser que malgré tout, Diego lui aussi n'était plus qu'un pantin déshumanisé comme bon nombre de leurs collègues. Savoir qu'il s'était trompé dans son analyse le rassurait un peu, en un sens, mais il s'en voulait plus que tout de ne pas avoir essayé d'agir pour sauver la pauvre Sara.

La limite était juste là, sans que jamais il ne s’en aperçoive, et maintenant qu’elle avait été franchie, Diego avait le sentiment de ne plus rien contrôler. C’était ce qu’il haïssait le plus, lui qui avait l’habitude d’être organisé, sûr de lui et d’avoir les réponses à chacun des problèmes qui pouvaient se poser à lui. Ici, il n’avait plus les clés, et savoir qu’il les aurait peut-être eues s’il ne s’agissait pas de Mateo finissait de le mettre profondément en colère. « John Cole sujet n°66, Mia Bosko sujet n°497, Lena Edwards sujet n°111... je continue ou il t'en faut d'autres ? C'est tous des putains numéros Diego, c'est comme ça et on y peut plus rien ! » Il avait détourné le visage pour laisser s’échapper un rire mauvais, incapable de lui indiquer qu’il avait raison parce que cela aurait signifié qu’il avait tort et ce n’était pas une étape qu’il était prêt à franchir. Il avait déjà fait trop de pas en arrière, et la situation était en train de dégénérer d’une façon qu’il n’aurait jamais pu prévoir, sauf peut-être s’il avait pu compter sur l’honnêteté de Mateo qu’il pensait avoir méritée. S’il devait répondre à une seule question, c’était celle-ci : pourquoi elle ? Pourquoi Sara ? « Catégorie des jeunes femmes célibataires en âge de procréer, niveau d'études et de revenus faibles. Pourquoi elle est pas une autre, je peux pas te dire. » Une grimace pour réflexe, Diego s’était frotté le visage pour effacer la terrible image qu’il venait de donner de sa petite sœur, s’efforçant de calmer la rage qui menaçait de l’obliger à écraser son poing sur son nez. « C'est pas moi, si jamais ça a encore la moindre valeur pour toi. » « J’étais déjà passablement énervé, et t’es en train de jubiler parce que tu peux utiliser ma soeur comme argument pour démonter l’expérience. Je sais pas ce qui me retient… » Le regard qu’il posait sur lui était mauvais, et pourtant, au fond, il savait pertinemment qu’il avait raison et qu’il obtenait peut-être simplement la monnaie de sa pièce. C’était dur, et derrière ses yeux voilés de rage se cachait encore le regard d’un homme aux sentiments sincères. « Tu voulais que je te dise ça comment au juste ? » Des opportunités de le faire, Diego en voyait plein, mais leur temps libre avait été occupé à tout autre chose et ce genre de propos aurait eu vite fait de casser l’ambiance. « Quand j'ai essayé de te dire que l'expérience était peut-être pas aussi bienfaitrice que ça, tu m'as dis de me taire. Alors je voulais pas risquer de finir dans l'enclos des t-rex si j'osais encore contredire les intentions d'E. Vile devant toi. » « Je t’aurais jamais fait ça et tu le sais. Pas à toi. » avait-il répondu sans trop y réfléchir, son ton se faisant plus bas. « Mais j’ai eu tort de réfléchir comme ça quand toi t’as eu aucun remord à me trahir. Je savais que nous deux ça amènerait un tas de problèmes, mais jamais j’aurais imaginé que tu me plantes un couteau dans le dos. » Il était déçu, triste probablement aussi, mais par-dessus tout, il était complètement démuni. « Je vais l’aider, et tu vas me couvrir. Tu t’assureras de me trouver des excuses quand Vile me cherchera et que je serai en train d’habituer toutes les races à l’odeur de Sara. » Ce n’était pas négociable, et il espérait qu’il lui accorderait au moins ça maintenant qu’il avait littéralement livrée sa petite sœur aux dinosaures.

Au fond de lui, Mateo avait compris il y a bien longtemps que cette expérience, la raison pour laquelle lui et Diego étaient sur cette île, finirait tôt ou tard par s'immiscer entre eux. Aussi agréable leur relation avait-elle pu être elle n'était qu'une distraction passagère dans le chaos qu'ils s'apprêtaient à causer et à subir par la même occasion. La colère de Diego était plus que justifiée, pour autant, Mateo refusait de porter à lui seul le fardeau et la culpabilité dans cette situation. Essayer de s'expliquer était compliqué, mais il tentait malgré tout sa chance, quoi que jusqu'ici il réussissait plus à énerver son partenaire qu'à apaiser leur conversation. « J’étais déjà passablement énervé, et t’es en train de jubiler parce que tu peux utiliser ma soeur comme argument pour démonter l’expérience. Je sais pas ce qui me retient… » Il aurait pu le frapper, il se serait laissé faire. Il aurait pu comprendre que Diego ait besoin d'exprimer sa colère par un tel geste, pour se défouler, même si en réalité cela n'aurait servit strictement à rien. De toute façon c'était trop tard. Quoi qu'il avait pensé la même chose, au sujet de l'opinion de Diego sur Vile, qu'il était trop embrigadé pour le faire changer d'avis, alors qu'aujourd'hui cette possibilité semblait s'offrir de nouveau à lui. S'il avait su, il aurait insisté, il aurait essayé de parler de ses doutes plus sincèrement encore. Mais il avait craint de finir dénoncé à Vile, alors il avait abandonné l'idée. « Je t’aurais jamais fait ça et tu le sais. Pas à toi. » Comme de nombreuses fois auparavant, leurs regards ne se lâchaient pas. Mais cette fois ci, la tension qui régnait était loin de celle qui les liait habituellement. Non, Mateo n'avait aucune certitudes concernant ce que Diego aurait pu entreprendre contre lui ou non. Et c'était certainement ces doutes qui venaient d'instaurer, sûrement pour toujours, à nouveau une distance entre eux. « Mais j’ai eu tort de réfléchir comme ça quand toi t’as eu aucun remord à me trahir. Je savais que nous deux ça amènerait un tas de problèmes, mais jamais j’aurais imaginé que tu me plantes un couteau dans le dos. » Il n'en démordrait pas mais pour autant Mateo s'efforçait de se justifier comme il le pouvait. « Je te l'ai pas dit, mais encore une fois c'est pas moi qui l'ait sélectionnée. Tu peux pas me le mettre entièrement sur le dos. » Même s'il avait tenté d'interférer, il n'était pas sûr du tout que les choses auraient jouées en la faveur de la jeune Gutiérrez. « Je vais l’aider, et tu vas me couvrir. Tu t’assureras de me trouver des excuses quand Vile me cherchera et que je serai en train d’habituer toutes les races à l’odeur de Sara. » Nerveusement, Mateo s'était mis à rire avant de reprendre son air le plus sérieux. « Non. Tu retourneras pas sur le terrain pour la voir c'est hors de question. » Non pas qu'il n'avait pas envie d'aider Sara à affronter l'île et ses dangers, mais c'était surtout qu'il n'avait aucune envie de voir Diego prendre le moindre risque. « C'est trop tard et c'est trop risqué maintenant. » Tous les scientifiques et subordonnés de Vile étaient sur le qui-vive et n'auraient pas laissé passer le moindre comportement suspect venant de l'un de leurs collègues. « Fais ce que tu peux pour limiter les risques avec les dinosaures, mais le reste, t'oublie. Je refuse que tu risques de te faire exécuter par Vile pour trahison à la cause. » Ses sentiments pour lui étaient sincères et même si Diego venait à le détester pour toujours pour son inaction et ce secret qu'il avait gardé, il mettrait tout en œuvre pour le protéger. « Je peux me débrouiller pour lui fournir un peu de matériel et une carte de l'île avec les zones à éviter. Mais pour le reste, ce sera à elle de jouer. » Et déjà là, il prenait un sacré risque, mais il était prêt à le faire. Pour lui.