| julron + you make me feel so young |
| | (#)Dim 29 Nov 2015 - 17:15 | |
| Quelques coups de téléphone et quelques heures devant un café plus tard, Jules et moi recommençons assez facilement à retrouver ce lien que nous avions pendant notre année de tournée autour du monde. Néanmoins, je le sens, quelque chose a changé. Autant pour elle que pour moi. Nous sommes deux êtres réservés, et nous savons comment fonctionne l'autre, mais il reste cette petite barrière qui demeure entre elle et moi, et que toutes nos conversations, nos rires et notre nostalgie ne savent pas annihiler. Presque une distance de sécurité qui s'est imposée si naturellement que cela en est déstabilisant. Je crois que nous avons tous les deux peur. Jules pensait s'envoler bien loin de la troupe, de la scène, des souvenirs si chargés en émotions de cette tournée qui l'avait particulièrement vidée ; et me voici m'imposant dans sa vie comme une mauvaise herbe qui revient à la charge quelques mois après l'avoir arrachée. C'est sûrement ainsi qu'elle me voit. Un fantôme d'une époque révolue qui s'accroche à elle alors qu'elle souhaite tourner la page. Pourtant, elle ne me rejette jamais. Je ne sais pas quoi en penser. A vrai dire, de mon côté, je suis particulièrement perdu. J'ai retrouvé ma petite chanteuse, et maintenant ? Je ne sais plus ce que je veux, ce que j'en attends. Si je veux me l'avouer. J'attends qu'une intervention divine me guide un temps soit peu. Peut-être que Noël est la bonne période pour un tel miracle, que les réponses viendront avec la magie des fêtes. Je l'espère. C'est une période que j'adore, les fêtes. Malgré la mort d'Ella, je n'ai jamais été capable de détester Noël. Je n'ai pourtant plus de femme, plus de famille, personne avec qui célébrer et se remplir la panse autour d'un copieux dîner. L'idée d'un Noël seul doit être l'une des plus tristes qui soient pour la majorité des gens. Moi, je m'en suis toujours bien accommodé. Mais cette année, peut-être que la solitude sera moins grande. « Hey, Jules ! Est-ce que je te dérange ? ...Parfait. Il y a le marché de Noël en ville en ce moment, je me disais que nous pourrions y faire un tour. Qu'est-ce que tu en dis ? » Il m'avait fallu une sacré dose de courage pour sortir mon petit téléphone à clapet et appeler la jeune femme pour lui proposer ceci. Je m'attendais à essuyer un refus ; trop fatiguée après le travail, pas d'humeur, n'aime pas Noël. Quelque chose de typiquement Jules. Pourtant, la petite chanteuse a accepté. « Je passe te chercher à dix-neuf heures, d'accord ? » Le rendez-vous est pris. Le regard de mon chat laisserait presque penser qu'elle est fière de moi, et félicite son humain d'avoir trouvé l'audace d'inviter sa jeunette à sortir. « A ce soir, je t'embrasse. » Et le soir arrive bien plus vite que je n'aurais pu l'espérer. La journée fut bien remplie par les cours à l'université et une leçon de piano en fin d'après-midi, avant que je puisse enfin rentrer chez moi pour me rafraîchir sous une douche avant de m'habiller et ressortir aussitôt. Devant ma voiture, je rends compte que la ferraille à quatre roues n'a vraiment pas fière allure. Le modèle commence à dater, les pneus sont assez usés. On devine que je l'utilise bien peu, préférant la marche et les transports en commun au quotidien, même pour me rendre au travail. Non, vraiment, je ne peux pas aller chercher Jules chez elle dans cette auto à l'aile arrière droite légèrement cabossée par l'engin d'un motard mécontent de ne pas avoir pu me doubler. Changement de plan. Une vingtaine de minutes plus tard, je sonne à la porte de la maison de la jeune femme. C'est sans aucune honte que je lui présente les deux vélos qui m'accompagnent : un pour moi, un pour elle. « Mademoiselle, votre carrosse est arrivé. » dis-je avec un sourire, espérant voir une mine surprise sur son joli visage que je pourrais être fier d'avoir fait apparaître. « Je me demande si tu es aussi douée sur les planches que sur des patins. Et il y a une patinoire, là-bas. Nous pourrions peut-être l'essayer, après s'être empiffrés de churros. » |
| | | | (#)Dim 29 Nov 2015 - 20:41 | |
| Elle craignait les fêtes de fin d'année en Australie. Elle ne l'aurait avoué pour rien au monde, mais c'était pourtant la vérité : pour la première fois, elle passerait Noël, son jour préféré, seule. Loin de sa famille, loin de ses amis. Son père l'avait appelée, et avait même accepté de faire une entorse dans ses propres règles – il lui avait proposé de rentrer pour les fêtes. Mais Jules avait poliment refusé, consciente que des progrès ne pourraient être visibles que si elle se confrontait à l'inconnu, qui l'avait tant de fois paralysée par le passé. Et puis, elle ne serait pas tout à fait seule : elle savait qu'il y avait du monde dans les parages. Du beau monde, même. « Aaron, je suis contente de t'entendre. » L'avait-elle saluée, alors qu'un sourire apparaissait automatiquement sur ses lèvres. Elle l'avait attentivement écoutée, et ses précédentes inquiétudes avaient été balayées par une proposition qu'elle s'était empressée d'accepter. « Je serai prête. » Avait-elle répondu avec un peu trop d'empressement. Depuis le coup de fil d'Aaron, il lui semblait que son cœur battait un peu plus vite que la normale. Elle n'avait jamais pensé le revoir après la fin de la tournée, et voilà qu'ils se retrouvaient en Australie, dans la même ville, ensemble. Lorsque la tournée avait pris fin, Jules avait eu le sentiment qu'un gouffre en elle s'était ouvert, et ne pourrait jamais plus se refermer. L'absence d'Aaron l'avait liquefiée, et laissée triste et dépitée. Mais maintenant qu'elle le savait ici, tout lui semblait désormais possible et envisageable. Elle se disait qu'elle avait eu une chance inouïe de le recroiser. Que le ciel l'avait mis sur sa route, et que cela ne pouvait pas être insignifiant. C'était sa chance, et c'était peut-être leur chance à tous les deux. Elle n'avait pas été capable de se remettre convenablement au travail – son esprit voguait déjà vers la soirée qui s'annonçait. Et, pour la première fois, Jules occulta le fait qu'Aaron était un homme marié.
Elle avait passé de longues minutes, sa serviette de bain nouée autour de son corps, à espérer qu'un miracle se produise. Qu'une intervention venant de l'haut-delà l'aiderait à se décider. Son regard était passé d'une tenue à une autre, sans qu'elle ne parvienne à faire un choix. Elle avait d'emblée rejeté les robes aux couleurs criardes – jaune, rose fushia ou bleu turquoise n'étant pas adaptés, selon elle, aux circonstances. Elle voulait être à la fois classe et distinguée, tout en restant naturelle et décontractée. Elle avait soupiré, puis avait finalement fait une croix sur sa panoplie de robes, et s'était rabattue sur une jupe crayon aux motifs colorés qui lui arrivait juste au dessus du genou, et un chemisier blanc. Simple, mais efficace. Elle avait noué ses cheveux en un chignon ample, et avait été coupé dans son élan en entendant la sonnette retentir. Dix-neuf heures, déjà ? Son manque d'entraînement lui avait fait prendre un retard considérable, et elle n'avait pas eu le temps de se maquiller. Elle se dirigea vers l'entrée en se maudissant intérieuement d'être aussi stupide, et ouvrit la porte sur un visage aussi familier que charismatique. « J'adore. » Commenta-t-elle, un sourire aux lèvres, après avoir aperçu les deux vélos. Jules avait passé son enfance dans un monde factice, fait de strass et de paillettes. Elle aurait pu être un pur produit hollywoodien, mais elle n'avait jamais réussi à rentrer dans le moule. Ce monde ne l'avait jamais séduite, et elle n'avait jamais trouvé génial la possibilité de sortir tous les soirs de la semaine, de se coucher éméchée à l'aube, ou d'enchaîner les hommes après quelques rails de poudre blanche. Non, ce qu'elle aimait, elle, c'était les plaisirs simples – comme le fait de se rendre au marché de Noël de Brisbane en vélo, même si sa tenue n'était pas des plus adéquates. « J'aurais dû m'habiller autrement... » Fit-elle remarquer en se mordillant légèrement la lèvre inférieure, en baissant le regard vers ses jambes dénudées. Un jean aurait été l'idéal, mais elle avait voulu se faire belle, se montrer sous son meilleur jour. Pour lui. Elle releva les yeux vers le metteur en scène, cherchant une réponse dans son regard clair ; cependant, elle n'y trouva rien que de l'amusement. « Et puis tant pis. » Dit-elle en refermant la porte à clé derrière elle. Elle ne voulait pas perdre une seule seconde, maintenant qu'elle était en sa compagnie. Les yeux brillants de malice, elle s'empara du vélo que le metteur en scène avait amené pour elle, et laissa les plis de sa jupe après qu'elle soit quelque peu remontée le long de ses cuisses, en dévoilant plus que nécessaire à son goût. « Je te suis. » Elle l'invita à démarrer d'un sourire. « Tu me mets au défi ? » Demanda-t-elle, presque offusquée, alors qu'ils avançaient côte à côte. Elle n'était pas particulièrement inquiète : elle n'était certes pas remontée sur des patins à glace depuis des lustres, mais elle avait eu, jadis, quelques connaissances basiques. Qu'elle espérait bien réactiver promptement, pour ne pas paraître trop ridicule. « De churros ? Je croyais que la spécialité de Noël, c'était le pain d'épice. Oserais-tu déroger à la règle ? » Ils arrivent rapidement au lieu où se déroulaient les festivités. « Regarde. » Dit-elle en pointant du doigt la décoration qui trônait au sommet d'un sapin géant. « Une étoile. » Et dans ses yeux à elle, des centaines de petites étoiles brillaient et pétillaient. Elle avait l'impression d'être une gamine, qui avait droit à son cadeau un peu en avance. « Je suis contente que tu m'aies proposé de t'accompagner. » Avoua-t-elle, alors qu'ils se frayaient un chemin dans la première allée. Emportée par la féerie du moment, elle en oublia sa réserve habituelle et passa un bras sous le coude d'Aaron. « Je n'y aurais probablement pas été, si j'avais été seule. »
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| | | | (#)Jeu 3 Déc 2015 - 18:23 | |
| Dans sa jupe étroite et son joli chemisier, il est vrai que Jules n'a pas vraiment la tenue adéquate pour une balade en vélo. Je n'avais pas pensé que la jeune femme pourrait s'habiller de la sorte -à vrai dire, je n'avais absolument rien anticipé. Elle est adorable. Je me dis que j'aurais pu moi-même faire un effort, mais je crois que les rendez-vous avec les femmes remontent à trop longtemps pour moi pour que je puisse avoir encore ce genre de réflexes. C'est étrange, quand même. Je me demande si elle s'apprête toujours autant, ou si elle l'a fait pour l'occasion. Pour moi. Tu rêves bien trop, vieil homme. « Ce sont les aléas des surprises de ce genre. Mais ne t'en fais pas, tu es très jolie quoi que tu portes. » dis-je en haussant les épaules. Je comprendrais que, du coup, elle préfère prendre le bus ou sa propre voiture pour conduire jusqu'au marché de Noël. Mais, plus aventureuse que ça, elle décide de quand même prendre le vélo, quitte à remonter sa jupe autant qu'il le faut pour pouvoir pédaler. En voyant la quasi-totalité de ses jambes ainsi dénudées, mon pied rate plusieurs fois la pédale et je manque de trébucher avec mon propre engin. Mettant cela sur le compte de ma maladresse, je finis par réussir à me mettre en selle, et en route. Sur le chemin, le long de la piste cyclable qui longe le bitume réservé aux autos, nous discutons un peu en file indienne. « Tout à fait ! Je te mets au défi de réussir à ne pas ressembler à un petit canard boiteux sur des patins à glace ! » je lance à celle qui me suit de près. Il faut le dire, la plupart des gens n'ont pas vraiment fière allure sur des patins. Ils se tiennent et glissent sur la lame d'une manière qui leur donne l'allure d'une bande de canetons tournant en rond sur la glace. Cela me fait toujours rire. « Ah, c'est vrai, le pain d'épice. Nous pourrons en manger aussi. Après les churros. » j'ajoute, déterminé à dévorer un peu de ces barres d'huile, de pâte et de cholestérol dont je suis beaucoup trop friand. « Les marchés de Noël sont bien fais pour se goinfrer, non ? » De toute manière, il est absolument impossible de ne pas succomber à plusieurs délices. De la soupe à l'oignon, du pain avec du fromage, une assiette de charcuterie, un hot-dog, une galette, suivie d'une brochette de fruits au chocolat, d'une pomme d'amour, d'une part de gâteau au chocolat, et puis, plus tard, juste parce que les senteurs mettent en appétit même sans faim, on se surprend à grignoter quelques bonbons, une pâtisserie, une gaufre, une crêpe ou de la guimauve. Jules devant toujours prendre un peu de poids pour ne pas s'envoler au moindre courant d'air, ce genre de sortie sera bénéfique à son régime. En arrivant sur la place, je dispose les vélos de part et d'autre d'un réverbère et les attache ensemble à l'aide d'un antivol. Ainsi, nous pouvons nous balader sans être encombrés. Au pied su sapin géant, la jeune femme, redevenue petite fille, remarque l'étoile au sommet de l'arbre. « Elle doit être énorme. » dis-je en me brisant la nuque pour l'observer, comme de nombreux autres passants. Tout ce qui orne ce sapin est gigantesque. Cela donnerait envie d'y grimper pour admirer la vue sur tout le marché depuis là-haut. Jules m'avoue qu'elle ne pensait pas venir ici, pas seule. « Vraiment ? Tu aurais raté quelque chose. C'est un événement vraiment sympathique. » J'y viens tous les ans, même seul, mais souvent accompagné de quelques amis. L'ambiance est assez magique. « J'adore aller de stand en stand et écouter la musique ou sentir les odeurs changer de l'un à l'autre. L'air est tellement chargé de milliers de sons et de parfums. » Bien sûr, le regard brille devant les paillettes, les guirlandes, les lumières qui clignotent. Mais je préfère écouter les chants de Noël, les cris des enfants, les discussions autour de moi dans cet endroit qui parvient miraculeusement à arracher tout le monde à son téléphone pour échanger avec sa famille ou son voisin. Nous nous baladons ainsi dans la foule côte à côte. « J'ai lu tes articles dans le journal. » dis-je en sachant très bien que cela l'embêtera, et qu'elle virera sûrement au rouge pivoine. « Je trouve que tu écris très bien. » j'ajoute avant qu'elle ne me colle un poing de mouche dans le bras pour me punir de la taquiner de la sorte. « Est-ce que ta famille va venir te rendre visite pour les fêtes ? » |
| | | | (#)Dim 6 Déc 2015 - 22:26 | |
| « C'est gentil. » Répondit-elle finalement, après que ses joues se soient teintées d'un rouge pivoine. Elle appréciait sincèrement le compliment, mais sa timidité maladive se manifestait d'une manière évidente – un peu trop évidente à son goût, d'ailleurs. Elle se demanda ce qu'il pouvait bien se passer dans l'esprit d'Aaron – il devait vraiment la prendre pour une gamine, puérile et enfantine. L'innocence même – plus encore qu'il ne pouvait sans doute l'imaginer. « Si je tombe, je t'assure que tu auras ma chute sur la conscience. » Dit-elle sur un ton qui ne laissait pas de place à l'appel. Cette virée au marché de Noël allait-elle virer à la honte suprême pour Jules ? Dès qu'il s'agissait de danser, de faire des sauts élégants et autres pirouettes acrobatiques, elle maîtrisait. Mais reproduire les mêmes prouesses sur de la glace... Elle imaginait déjà son élégance naturelle s'envoler rapidement. « Et évidemment, si tu viens en plus me relever, je serai couverte de honte jusqu'à la nuit des temps. » Ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie – même s'il y avait un fond de vérité dans ses propos. Elle s'était apprêtée pour lui, pour être jolie. Elle avait voulu lui faire bonne impression, et si elle finissait les quatre fers en l'air, elle doutait de son succès. Mais elle ne comptait pas se laisser abattre aussi vite et surtout, aussi facilement. « Si je deviens obèse, je n'aurai aucun scrupule à dire que c'est de ta faute. » Et elle ne plaisantait qu'à moitié, même si elle savait que le chemin à parcourir avant d'en arriver à ce stade était encore bien long. « Moi, ça me donne plus envie de m'émerveiller que de m'empiffrer. Mais l'un et l'autre ne sont pas forcément incompatibles. » Fit-elle remarquer en haussant les épaules. Aaron et Jules attachèrent finalement leur vélo au pied d'un réverbère, et s’engouffrèrent ensuite dans l'allée centrale du marché de Noël. Tout avait été fait pour rappeler l'ambiance magique de Noël, et éveiller l'imaginaire des petits et des grands. « C'est sympathique quand on est plusieurs. Mais quand on est seul... » Elle ne finit pas sa phrase, mais le sous-entendu était aussi clair qu'évident. Personne n'avait envie de passer les fêtes de fin d'année seul, sans âme vive pour partager quelques moments hors du temps. Alors vadrouiller seule dans les allées du marché de Noël, ça n'était pas loin d'être de l'auto-flagellation. « Moi, ce que je préfère, ce sont les couleurs. » Rouge, vert et doré pour la grande majorité. Des couleurs qui semblaient faire tout un tas de promesses joyeuses et pleine d'optimisme, allant complètement à l'encontre des actualités souvent tristes et maussades. « Et l'ambiance, aussi. Hors du temps. Figée, et façonnée par la légèreté, la joie de vivre, et l'insouciance. » La fragile Jules ne résistait pas au symbolisme de Noël, et essayait toujours de profiter pleinement de cette parenthèse enchantée – parce qu'elle savait pertinemment qu'elle ne durerait pas. La preuve ? Aaron ouvrait les hostilités. Offusquée par tant d'ingratitude de la part du metteur en scène, elle avait donné un coup de poing dans le bras d'Aaron. Elle savait très bien que la violence ne résoudrait pas ses problèmes, mais ça avait été sa première réaction. « Tu m'énerves. » Commenta-t-elle en posant ses mains sur ses hanches. Elle lui jeta un regard désapprobateur, et repoussa même ses propres limites en ajoutant : « Puisqu'il en est ainsi, je boude. » Dit-elle en croisant les bras. Elle continua d'avancer dans l'allée, s'arrêtant devant tel ou tel stand, et ignorant superbement Aaron. En tout cas, c'était ce qu'elle voulait lui faire croire pendant quelques temps – mais elle abandonna bien vite, et finit par se retourner vers le metteur en scène. « Ok, j'abandonne. Je n'y arrive pas. » Concéda-t-elle, à la fois agacée et amusée par sa plus grande faiblesse. Aaron lui faisait tourner la tête, et elle perdait vite la raison quand il était dans les parages. « Non. Mon père aurait aimé, mais j'ai préféré refuser. » Avoua-t-elle en haussant les épaules. Elle s'était longuement entretenue avec lui et lui avait, pour la première fois, tenu tête. « Il voulait que je prenne le large pendant un moment, et ce n'est pas en rentrant à la première occasion que ça va s'arranger. » Expliqua-t-elle devant l'air surpris qu'affichait Aaron. Il la connaissait bien, et la savait proche de sa famille. Elle n'était donc pas surprise qu'une pareille révélation le laisse plein d'incompréhension. « Et toi ? Des projets ? » Demanda-t-elle en s'arrêtant devant un stand de nourriture. Elle pointa du doigt les churros, que l'homme était en train de faire sous leurs yeux. « Je crois que ton vœu est sur le point de s'exhausser. » Elle lui offrit un large sourire, et s'empressa de commander quelques churros pour Aaron. Elle tendit un billet à l'artisan, et il lui donna en échange les friandises qu'elle avait réclamé. Jules le mit immédiatement dans les mains d'Aaron, et attendit qu'il commence à manger avant d'en faire tout autant. « Ma ligne va en prendre un coup, mais tant pis. » Dit-elle en piquant dans le cornet du metteur en scène. Elle irait nager demain, histoire d'éliminer les excès de la soirée. Ils continuèrent de déambuler dans les allées, et Jules eut un léger sourire en voyant, de loin, la patinoire se dessiner sous ses yeux. « Il semblerait que la fin de ma fierté approche à grand pas. » Dit-elle à voix basse. Ils se rapprochaient de la patinoire, doucement mais surement. « J'ai hâte de voir tes talents. » Et voilà qu'elle essayait de renverser la vapeur, pour ne pas perdre la face trop vite. |
| | | | (#)Ven 18 Déc 2015 - 20:25 | |
| Comme tous les soirs, le marché de Noël est plein. Des rues noires de mondent se lève un brouhaha indéfini duquel percent parfois un rire ou un cri. Alors que la foule s'amasse du côté des stands, Jules et moi marchons sur une ligne imaginaire légèrement en retrait, au bord du courant de personnes allant dans le sens inverse. De là, nous pouvons entrevoir les étalages sans avoir tous les enfants se cognant sur nos genoux. Tous les ans, et ce dans tous les pays, les villages éphémères de ce genre se ressemblent tous, tout le temps. Des chalets les uns à côté des autres, proposant souvent la même chose d'un continent à l'autre, et faisant résonner les mêmes musiques dans l'air. Cela pourrait sembler ennuyeux de retrouver ces mêmes images tous les mois de décembre, sans aucune surprise. Et pourtant, je vois dans ce rituel quelque chose de rassurant. Il est des choses qui ne changent pas, qui ne perdent pas de leur magie, quoi qu'on en dise, et Noël en fait partie. Cette ambiance est hors du temps, comme le dit Jules, et, dans un sens, a le pouvoir de réunir toutes les populations autour d'une même célébration, une période pendant laquelle le monde semble un peu plus en paix, où tout le monde respire enfin. Après tout ce qu'il se passe sur la surface du globe en ce moment, nous en avons tous bien besoin. « On se sent un peu comme des enfants à nouveau. » je renchéris sur les dires de la jeune femme. Même si, au fond, elle en est encore une. Elle n'est sortie de cette période innocente que depuis peu. Elle est encore tellement jeune, et bien plus proche de cette période légère de la vie que de la mienne. Lorsque je lui avoue avoir lu certains de ses articles, Jules se braque. Le coup qu'elle me donne me fait plus rire qu'autre chose. Je la regarde, presque attendri, filer quelques pas plus loin en me tournant le dos, et m'ignorant complètement. « Tu vois ! L'esprit de Noël et la régression en enfance ! » dis-je assez fort pour qu'elle m'entende -elle et tous les deux cent mètres alentours. Je continue de lui emboîter le pas jusqu'à ce qu'elle cède et cesse sa comédie. Je lui donne un petit coup de coude comme pour dire qu'elle réussira peut-être la prochaine fois à me bouder plus longtemps. La jeune femme m'apprend finalement qu'elle ne fêtera pas Noël en famille, refusant de retourner au pays pour voir son père. Je ne sais pas ce qui l'a tant cassée que ça après la tournée de la troupe, mais cela semble avoir été assez violent pour l'isoler à l'autre bout du monde, et que même les fêtes de fin d'année ne puissent pas rompre cet exil. Je suis vraiment curieux de savoir ce qu'il s'est passé, mais je garde mes questions pour moi. Elle m'apprécierait pas que je me montre trop intrusif. « Mais tu ne vas pas passer les fêtes toute seule quand même, si ? » je demande pour m'assurer qu'elle aura de la compagnie, des amis, des proches avec qui se trouver, et s'embrasser en se souhaitant une bonne année. « Non, pas de projets… » je réponds pour ma part. Un tête-à-tête avec Livia, un excellent vin avec un peu de foie gras sur des toasts devant un classique du cinéma italien me conviendra très bien. C'est mon programme depuis cinq ans, et je n'ai pas besoin de plus. Nos pas nous mènent jusqu'à un stand de churros. Je n'ai pas le temps de dégainer mon porte-feuille de Jules me paye le cornet. Ah, les femmes de ces dernières générations qui veulent à tout prix montrer qu'elles peuvent faire comme les hommes dans tous les détails du quotidien. Je souris en coin et la remercie avant de mordre dans une des barres de pâte frite. « Si la mama t'entendait... » dis-je en l'écoutant dire que cette gourmandise se répercutera sur sa ligne, levant les yeux au ciel. « Elle a toujours estimé qu'une vraie femme se doit d'être généreuse. Dans tous les sens du terme. » On ne faisait pas plus typiquement italienne traditionnelle que ma mère. Elle aimait vivre dans le passé d'une Italie où chaque gnocchi est fait à la main, à l'empreinte du pouce. Elle ne jurait que par le don de soi, si catholique qu'elle était. Elle ne cessait de me décrire le profil de la femme à marier, quand j'étais enfant. Une femme comme elle, en somme. « Elle était très, très généreuse. » j'ajoute avec un petit rire. Je pense que c'est cela qui l'a tué, ses organes n'arrivant plus à contenter la masse de son propre corps. Mais elle est morte des plus comblées. Quand je lève les yeux de mon cornet de churros bien entamé, j'aperçois la patinoire au bout de la rue, sur la grande place de la mairie. La remarque de Jules me fait rire de nouveau. « Je ne me suis jamais vanté d'avoir le moindre talent sur des patins. » Je ne me serais pas permis un tel mensonge. S'il est bien quelqu'un qui ressemble à un canard à trois pattes une fois sur la glace, c'est bien moi. Je passe bien plus de temps les fesses par terre et les quatre sabots en l'air que debout sur ces fines lames. « Bien au contraire. Si j'arrive à faire plus de deux pas sans me casser quelque chose, on pourra parler de miracle de Noël. » Ce n'est pas faute de persévérer tous les ans. Mais je suppose que mon centre gravitationnel est particulièrement défaillant -ou une autre chose dans cette veine supposée me garder sur mes deux jambes. « Tu ne seras pas toute seule à te ridiculiser sur la glace. » On a tendance à pense que je suis une personne se prenant trop au sérieux à cause de ma timidité et ma discrétion naturels, mais c'est grandement se tromper. Me mettre moi-même dans ce genre de situations est sans doute un de mes plus grands talents, puisque je n'ai plus peur du ridicule à mon âge. « Mais c'est plus drôle ainsi, non ? Il n'y a pas de challenge sinon. » |
| | | | (#)Jeu 24 Déc 2015 - 0:20 | |
| « Je ne suis plus une enfant ! » S'exclama-t-elle, franchement outrée que l'on puisse penser l'inverse. Elle n'était certes pas une adulte accomplie, mais de là à être comparée à une enfant... Non, elle ne pouvait définitivement pas laisser passer un tel affront. Elle ne lui fit pourtant pas le plaisir de se retourner, et continua d'avancer sur quelques mètres avant de finalement céder. C'était plus fort qu'elle : elle n'arrivait pas à bouder pour une raison aussi futile – une preuve indéniable de sa sortie de l'enfance. Elle attendit qu'Aaron la rattrape pour poursuivre sa découverte du marché de Noël. « Si. Mais ça ne me dérange pas plus que cela. » Dit-elle, guère inquiète à l'idée de passer le réveillon et Noël seule. De toute façon, les fêtes hivernales n'étaient plus aussi joyeuses, depuis que son frère était dans le coma, suite à un grave accident de moto. Ses parents faisaient semblant, son frère aîné faisait semblant, et Jules n'échappait pas à la règle dans cette mascarade. Alors maintenant qu'elle était loin du cocon familial, elle se disait que ce serait deux jours comme les autres du reste de l'année. Elle n'avait pas fait de sapin, n'avait pas fait de cadeaux, et n'avait rien acheté à manger de particulier pour le réveillon. Peut-être s'autoriserait-elle une orgie de foie gras sur pain d'épices, son péché mignon. « Je suis plutôt solitaire. » Ajouta-t-elle en haussant les épaules. Aaron était bien placé pour le savoir ; en un an de tournée, le nombre de fois où Jules était sortie avec l'ensemble de la troupe pouvait se compter sur les doigts d'une main. Elle n'aimait pas les soirées qui se résumaient à boire de l'alcool, danser, et finir dans une débauche totale. Elle ne goûtait pas non plus aux mondanités, qui n'étaient pour elle qu'une cérémonie où il fallait se faire (bien) voir, quitte à trahir la personne que l'on était vraiment. « C'est bien aussi, j'imagine. Ça vous laisse du temps et l'occasion de partager quelque chose, rien que tous les deux. » Fit-elle remarquer d'une voix douce. Mais alors qu'elle prononçait ses mots, elle sentit une douleur enserrer sa poitrine – une douleur qui lui avait été familière par le passé, et qu'elle avait tenté d'amenuiser dès la fin de la tournée. Cette douleur, vive et indescriptible, lui rappelait vicieusement que cet homme, qu'elle aimait à en perdre la raison, n'était pas sien. Il avait une femme, une vie de couple, et semblait heureux et comblé. Le paradoxe de la situation la déchirait entre deux extrêmes ; d'un côté, la volonté de le voir poursuivre sur sa lancée et de l'autre, l'espoir de voir son mariage se fâner. Elle se mordit l'intérieur de la joue, et préféra poursuivre sur un autre sujet. Un peu moins épineux, un peu moins douloureux. « Laisse ta mama en paix. » Répliqua-t-elle, sans pour autant masquer une pointe d'amusement. Elle était surprise qu'Aaron se laisse aller à quelques confidences sur sa défunte mère, mais elle fut ravie de pouvoir en apprendre plus. « Elle avait l'air d'avoir beaucoup de caractère. » Fit-elle remarquer. Mais quand on connaissait la réputation des mamas italiennes, ce n'était guère surprenant. Jules était persuadée que le machisme italien n'avait été inventé que pour masquer une réalité bien ancrée devant des amis un peu trop fiers. Jules goûta à la blague sur la générosité, et secoua la tête en levant les yeux au ciel. « Je suis sûre qu'elle aurait aimé que tu lui rendes hommage de cette manière, alors. » Dit-elle en prenant un deuxième churros du cornet. Mais les mots d'Aaron avait une résonnance particulière, et Jules était émue. Son discours à propos de sa mère était d'une sincérité désarmante, et il aurait fallu être aveugle et sourd pour ne pas s'en rendre compte. « Elle te manque beaucoup ? » Finit-elle par demander d'une petite voix. Elle ne l'avait jamais interrogé sur sa famille, et préférait attendre qu'il lui livre quelques détails. Sans jamais lui forcer la main. Leur discussion prit un tournant nettement moins dramatique, alors qu'ils évoquaient légèrement le fait d'aller faire du patin à glace. « Allez viens, tant pis. Soyons fous. » Déclara-t-elle en haussant les épaules. Il lui avait lancé un défi, et elle ne comptait pas s'y soustraire. Elle se sentait pousser des ailes en sa compagnie, et cette démonstration improbable sur la glace en serait une preuve supplémentaire. « Ne parle pas de malheur, s'il te plait. » Grommela-t-elle alors qu'ils faisaient un pas en direction du chapiteau qui abritait les centaines de paires de patins à glace. « J'apprécie le sacrifice. » Plaisanta-t-elle, presque soulagée de savoir qu'Aaron n'était pas un pro de la glisse. Elle salua poliment la personne qui était en charge de donner les patins, et demanda sa pointure. Elle attendit qu'Aaron en fasse de même avant de se diriger vers l'un des bancs mis à leur service pour enfiler ses patins. Elle sentit son rythmne cardiaque accélérer sensiblement, maintenant qu'elle s'apprêtait à faire le grand saut. Timide mais pas dégonflée, elle osa mettre un premier pied sur la glace. Puis un deuxième. Elle s'accrocha aussitôt au rebord de la patinoire, et attendit qu'Aaron vienne la rejoindre. « Alors ? Tu te dégonfles ? » Demanda-t-elle, volontairement provocatrice. Elle eut un sourire narquois, et poursuivit sur sa lancée. « Je te trouve nettement moins sûr de toi, tout à coup. » Evidemment, elle se moquait de lui. Elle n'allait tout de même pas laisser passer une occasion aussi belle – et puis de toute façon, elle était sûre qu'il en ferait tout autant dès que l'occasion se présenterait. Elle lui tendit une main amicale, l'invitant à venir la rejoindre. « Si c'est trop difficile pour nous, on se servira de ces trucs pour gosses là-bas. » Dit-elle en pointant du doigt une sorte de chaise en bois. Un enfant s'asseyait dessus, et un autre s'emparait des poignées derrière pour le pousser. Ça avait l'air nettement plus simple, avec ce truc. c'est mon cadeau perso ce rp bon réveillon |
| | | | (#)Dim 3 Jan 2016 - 16:14 | |
| Même au sein de la troupe, cette sorte de seconde famille que l'on adopte pendant un an, Jules a toujours été un peu en retrait. Néanmoins, je la pensais plus proche de sa vraie famille. Pourtant, la voilà ici, à l'autre bout du monde, loin de chez elle à nouveau, et sans la moindre volonté de rentrer pour les fêtes, cette période de l'année qui permet de garder ces liens bien serrés. Alors même si je connais assez bien la jeune femme pour savoir qu'elle apprécie d'être dans son coin, je suis tout de même assez perplexe à l'idée qu'elle passe le réveillon seule. Quoi que cela ne semble pas la déranger outre mesure. « Je le sais bien. » dis-je tout bas avec un léger sourire. Son côté solitaire, un brin morose, c'est aussi ce qui fait que Jules est Jules. Pour ma part, rien de prévu d’inhabituel pour les fêtes. J'ai bien envie de proposer à la jeune femme de les passer ensemble, puisque nous serons tous les deux seuls, mais j'ai peur d'essuyer un refus, qu'elle me trouve étrange. Et puis, je n'ai pas l'occasion de le lui demander ; alors qu'elle parle, un enfant percute mes jambes, trop occupé à dévorer son hot-dog pour regarder où il va. Sa mère me présente de plates excuses, et moi aussi pour ne pas avoir vu le petit. Je remarque que son passage a laissé derrière lui une belle trace de ketchup sur mon pantalon. Tant pis. De toute manière, je crois que je ne suis pas au bout de mes peines pour ce soir. Je profite de notre passage au stand de churros pour prendre une serviette supplémentaire et essayer d'atténuer les dégâts. Sur le tissu sombre, on ne voit quasiment plus rien. Grignotant enfin ma gourmandise, j'évoque ma mère. Oh, elle n'aurait pas aimé Jules. Du tout. Trop petite, trop fine, trop frêle, trop mélancolique, et trop artiste. C'était une femme très concrète qui n'a jamais approuvé mon parcours, mais elle ne m'aimait pas moins. « Oh, oui, elle avait du caractère. Une vraie italienne. » Je peux encore très distinctement le son de sa voix qui portait énormément résonner à travers toute la maison. Pour déjeuner, elle y ajoutait le tintement insupportable d'une cloche qu'elle agitait à tout va pour nous appeler. Elle faisait toujours de la cuisine pour quinze. « Bien sûr qu'elle aurait aimé, elle était très fière d'elle. » je rétorque à Jules. Je suppose que c'est une autre culture, et des dizaines d'années avant sa naissance. Peut-être qu'elle ne peut pas comprendre. Elle me demande si ma chère mère me manque. J'hausse les épaules, termine mon churros et passe mes doigts sur mes lèvres pour ne pas perdre une miette de sucre. « Non, plus maintenant. Elle est partie il y a longtemps. Le temps de la peine et du manque est passé. » Au bout d'un moment, on se fait à l'absence, on ne veut lus être triste en pensant à la personne disparue, et on ne garde que les bons souvenirs qui nous font sourire à chaque fois qu'on l'évoque. Papotant, nous arrivons assez vite au niveau de la patinoire. Je suis assez certain de finir les quatre fers en l'air une ou deux fois, histoire de bien me ridiculiser. Mais à mon âge, on sait que le ridicule ne tue pas, et que le rire apporte quelques minutes de vie supplémentaires. Alors autant foncer. Patins aux pieds, je laisse Jules passer devant et faire quelques pas sur la glace. A mon tour, je pose une lame ; la sensation d'équilibre précaire est atroce. Quelle idée j'ai eu. Bien sûr, la jeune femme ne manque pas l'occasion de se moquer en me voyant peu sûr de moi. « Ne fais pas la maline ! Sinon le karma va pas te rater. » Surtout sur la glace. Allez, patin gauche sur la patinoire, on y est. Je m'accroche au bord, les genoux tremblotant un peu. Puis j'attrape la main que me tend Jules. Il est vrai que les sortes de luges ont l'air bien plus faciles pour évoluer sur la glace, cela ferait presque envie. Mais ma fierté n'est pas d'accord avec ça. « Je croyais que tu n'étais plus une enfant ? » je demande pour taquiner Jules à mon tour. Parvenant à me tenir plus droit sur mes jambes, même si je ressemble toujours à un canard boiteux, nous pouvons suivre le courant des personnes qui tournent en rond. Avancer devient de plus en plus facile avec l'habitude, au fil des minutes. Et puis, je ne lâche pas la main de la jeune femme, et cela me met en confiance. Je me dis qu'il s'agit surtout de se tenir l'un à l'autre au cas où l'un de nous deux tomberait, histoire de le retenir. Mais la vérité est que j'aime ce contact, et que je n'ai pas envie de décroiser nos doigts. « Alors, est-ce que tu as rencontré du beau monde depuis que tu es à Brisbane ? » j'interroge histoire de faire la conversation, savoir comment se déroule son installation, son adaptation à la vie australienne. Pour savoir si elle a rencontré quelqu'un aussi, oui. Quelqu'un qui l'intéresse. Je me sens assez coupable et égoïste d'être jaloux de cet homme hypothétique. Après tout, mes intentions par rapport à Jules sont loin d'être claires, mes sentiments sont très flous et inavoués, même pour moi. Je n'ai pas vraiment le droit d'en vouloir à qui que ce soit qui lui ferait la cour comme il se doit, assumant parfaitement ses émotions et ses envies, alors que je suis bien incapable de vraiment faire un pas vers elle, lui avouer mes pensées. Non, je n'ai pas vraiment le droit d'être jaloux. Complètement happé par mes pensées, je ne fais plus attention à où je vais. Forcément, j'oublie d'esquiver une personne sur ma route, la percute, et tombe sur la glace, lâchant la main de Jules pour ne pas l'entraîner dans ma chute avec mon poids. Laissé faussement dépité et blasé, je m'exclame ; « Et voilà, ça c'est fait ! »
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| | | | (#)Mer 6 Jan 2016 - 17:14 | |
| « Atten... » Jules n'eut jamais le temps de finir sa mise en garde : un gamin, haut comme trois pommes, venait de percuter Aaron. Tous deux échangèrent un bref regard, avant que les adultes ne s'excusent mutuellement. Le regard de Jules dévia sur l'enfant, qui ne devait pas avoir encore cinq ans, et qui semblait être complètement indifférent à ce léger flottement, signe d'un certain malaise. Preuve en est, il continuait de manger et n'avait visiblement pas réalisé qu'il était observé par une tierce personne. Ils se remirent ensuite en route, et Jules, quelque peu moqueuse, demanda : « Alors, tu es toujours convaincu que je suis une enfant ? » Elle n'avait pas pour habitude de baver ou de rentrer dans les gens quand elle mangeait, elle. Aaron s'arrêta pour prendre une serviette en papier, et essaya d'enlever le plus gros de la trace laissée par ce gamin. « Ne t'en fais pas, on ne voit quasiment rien. » Commenta-t-elle, après l'avoir attentivement observé faire. Elle laissa échapper un petit rire en voyant son air grognon, mais celui-ci disparut aussi vite qu'il était apparu. « N'est-ce pas une caractéristique commune aux Italiens ? » Demanda-t-elle, taquine. Elle n'était pas sans savoir que les Italiens étaient très fiers d'eux, et avaient, généralement, une haute estime d'eux-même. Et à la réflexion, ce n'était pas franchement très différent de la façon dont les Américains – sudistes en particulier – pouvait se comporter. « Cela dit, ce n'est pas très marqué chez toi. » Fit-elle remarquer. Il n'était pas particulièrement vantard, ni aussi macho que ses compatriotes. L'influence de ses multiples expériences à l'étranger ? Peut-être. L'influence de sa femme ? Plus probable. « C'est une chance. » Murmura-t-elle, en repensant à son propre frère, allongé sur un lit d'hôpital depuis de longs mois. Pas tout à fait mort, mais loin d'être vivant. Les soins quotidiens. Le kinésithérapeute qui passait chaque jour, pour entretenir les muscles au repos de son frère. Sa mère, à son chevet, qui lui parlait de la pluie, du beau temps, et des projets que chacun avait. Son père, qui restait silencieux dans un coin de la pièce. Et son frère aîné, chirurgien pédiatrique, qui ne cessait de vérifier son dossier médical. « Mon frère me manque. » Finit-elle par lâcher, tout en prenant soin d'éviter le regard d'Aaron. Elle avait mis du temps avant de lui avouer ce qu'il s'était passé, mais une fois mise en confiance, elle n'avait plus eu aucune raison de garder cela pour elle. « Il t'en reste un peu là, gourmand. » Dit-elle en désignant de son index quelques paillettes de sucre qui restaient collées sur sa joue. Ils descendirent jusqu'à la patinoire, et se préparent à entrer en piste. Les premiers pas de Jules furent hésitants – mais elle tenta de le masquer en charriant le metteur en scène. « Laisse mon karma où il est. Tu vas me porter la poisse. » Finit-elle remarquer en secouant la tête. Jules n'était pas la personne la plus rationnelle au monde, loin de là : par conséquent, elle était intimement persuadée que provoquer le destin n'était jamais une bonne idée. Elle lui tendit une main amicale pour l'encourager à venir la rejoindre, et il s'en empara volontiers. Ce simple contact l'électrisa plus qu'elle ne l'aurait voulu, et elle sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Elle essaya de masquer son trouble par tous les moyens, alors qu'ils s'intégraient dans le flot des patineurs. « Ce n'est pas une question d'enfant, c'est une question de... Sécurité. » Répliqua-t-elle, alors qu'elle sentait que son équilibre était plus précaire que jamais. Elle se sentit vaciller, mais la poigne ferme d'Aaron l'aida à rester debout. Et à garder sa fierté, accessoirement. « Un peu. » Dit-elle en réfléchissant. Elle ne sortait pas beaucoup, et pourtant : le peu de fois où elle avait mis le nez dehors, elle était tombée sur des gens adorables. « Lehyan Hope. Il tient un café, juste en bas de mon bureau. Mais lui me connaissait déjà : il a vu notre opéra. » Dit-elle en souriant légèrement. Cette situation l'avait d'abord mise mal à l'aise, mais le propriétaire du bar l'avait rapidement rassurée. Il ne l'avait jamais jugée, et lui avait parlé à cœur ouvert. « Enzo Valentine, un agent des STUPS. Je l'ai rencontré un peu par hasard, mais je crois que l'on s'est bien trouvé. » Pour des raisons aussi diverses que variées – à commencer par le fait qu'ils soient tous deux poisseux dès qu'il s'agissait de relations amoureuses. « Il s'est mis en tête de me présenter du monde et de me caser. Du coup, je sors assez régulièrement avec lui. » Dit-elle, pensant à la dernière fois où ils s'étaient vus. Ils avaient mangé ensemble quelques jours plus tôt, à la taverne. Et leur entrevue n'avait pas tourné comme escompté. « Voilà pour les plus importants. » Conclut-elle. Elle avait espéré que cette réponse susciterait une réaction de la part d'Aaron, mais elle ne s'était certainement pas attendue à ce qu'il chute, quelques secondes plus tard. « Merci d'avoir ouvert le bal. » Plaisanta-t-elle, après s'être mise accroupie pour être à sa hauteur. Elle lui sourit, et se redressa. Elle l'aida, du mieux qu'elle put, à en faire tout autant et manqua à son tour de s'étaler sur la glace. Ils auraient été beaux, tiens. « Comment va ton égo ? » Demanda-t-elle, une fois qu'ils furent à nouveau stabilisés. « Je suis désolée de te l'annoncer, mais nous allons devoir nous y remettre. Notre survie est encore loin. » Dit-elle en pointant du doigt les gradins, quasiment vides. « A moins que tu n'aies envie de t'adonner à quelques prouesses supplémentaires. Je précise d'emblée que je ne suis pas contre, d'ailleurs. » Moqueuse, elle ? Bon, d'accord, mais juste un tout petit peu. Elle n'aurait pas dû ; d'ici quelques secondes, cette histoire de karma referait surface, et lui ferait faire un grand écart sur la piste. |
| | | | (#)Mar 26 Jan 2016 - 19:33 | |
| Souriant en coin, mon silence admet qu’il y a bien des caractéristiques communes à bon nombre d’italiens qui nourrissent les clichés. Après tout, ils ne naissent pas sans fondements, et la haute estime de soi typiquement italienne est une réalité que je ne saurais nier. Jules souligne que ce n’est néanmoins pas quelque chose de très remarquable chez moi. « Ce doit être l’influence Australienne. » Je ne parle pas plus fort que les autres, pour ne pas dire que je parle bien moins et plus bas que la majorité des gens, et comme elle le dit, je ne suis pas particulièrement débordant de fierté. En revanche, comme un bon vieux cliché, il m’arrive de beaucoup parler avec mes mains, illustrer ainsi mes dires, ou même faire passer un message sans l’articuler. Je suis également capable d’être aussi lunatique que mes compatriotes. Non, je ne suis pas un italien complètement raté. L’influence de mon pays et de l’éducation de mes chers parents ont ancré bien des choses en moi. Ma mine devient profondément désolée quand j’entends Jules mentionner son frère. Elle m’avait parlé de lui, et son état stationnaire dans un long coma. Une épreuve qui doit être difficile pour toute la famille. La jeune femme semble particulièrement affectée. « Je le comprends. » dis-je tout bas, sans insister sur le sujet. Je ne suis pas là pour la faire déblatérer au sujet de son frère, lui miner le moral et cette sortie. Elle en parlera plus longuement et dans le détail si elle le souhaite, elle sait parfaitement que je suis une oreille attentive si besoin est, et que je peux tout entendre. Sauf peut-être qu’elle ne s’est attaché qu’à des hommes depuis son arrivée à Brisbane et que l’un d’eux cherche à lui trouver sa moitié en lui faisant rencontrer du monde. Sur le coup, mon sang ne fait qu’un tour, mon cœur rate un battement, et, distrait, je m’étale sur la patinoire. Bien sûr, la jeune femme ne manque pas l’occasion de se moquer de moi –comme d’habitude. Je lui adresse un faux regard noir, assassin, pour seule réponse. Puis je me dépêtre de là et me remets debout sur mes patins non sans mal avec l’aide de Jules. Lorsqu’elle glisse dangereusement, je la retiens du mieux que je peux histoire que nous ne finissions pas tous les deux par terre. « Mon égo ? Je crois que j’en ai laissé quelques morceaux sur la glace. » je réponds en riant. Et j’ai encore bien des occasions d’en éparpiller sur la surface de la patinoire avant que nous ne rejoignons les gradins pour nous asseoir. « Ca ne s’apprend pas ! » dis-je à propos de mes exploits de patineur. Mais je me passerai bien de risquer de me faire mal de nouveau. Nous avançons donc vers les gradins, avec prudence. Ce qui n’empêche pas Jules de tomber à son tour. « Ta chance tournera quand nous devrons retraverser la piste pour sortir, j’en suis certain. » dis-je avant qu’un grand ‘’boum’’ se fasse entendre à côté de moi lorsqu’elle termine les fesses sur la glace. Et je n’hésite pas à rire de bon cœur. Chacun son tour. « Ou avant. » Je l’aide à se remettre debout, malgré mon propre équilibre précoce. Tant que la voie est libre, nous filons jusqu’à notre salut pour reposer nos jambes, jouant même à qui atteindra les gradins en premier. Sans surprise, Jules arrive avant moi. Je m’assois à côté d’elle. « Alors on cherche à te "caser", hein ? » dis-je en espérant que cela n’ait l’air de rien. Mais personnellement, j’ai l’impression que mon amertume vis-à-vis de ce Enzo se sent à des kilomètres à la ronde, et qu’il ne serait pas étonnant que Jules le remarque. « Fini la vie de solitaire ? » |
| | | | (#)Mar 2 Fév 2016 - 21:52 | |
| « N'en fais pas tout un plat, je suis la seule à te connaître ici. » Fit-elle remarquer malicieusement. Comme pour s'assurer de la véracité de ses propos, elle jeta un coup d'oeil aux alentours – personne ne pointait du doigt le metteur en scène en riant, ce qui était plutôt bon signe. « Ça restera entre nous, promis. » Assura-t-elle, un peu plus sérieusement. C'était un petit secret – leur petit secret, pour être plus précis. Ils pourraient désormais y faire référence de manière détournée ou sous-entendue, ou encore s'envoyer une oeillade complice lorsque quelqu'un évoquerait une cabriole à la réception douteuse. Jules savait que ce n'était rien du tout – une infime goutte d'eau dans un océan – mais malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher d'être heureuse de partager un peu plus avec Aaron. Et d'ici quelques instants, elle aurait d'autres anecdotes à partager avec lui. Grand écart facial. Ce n'était pas la figure gymnastique de Jules, parce qu'elle demandait un peu plus d'échauffement et d'efforts. Mais en cet instant précis, elle n'était pas en mesure de faire la difficile : elle remercia sa souplesse d'avoir amorti sa chute. « Je manque d'entraînement pour la chute finale. Ou plutôt, d'élégance. » Concéda-t-elle, alors que le metteur en scène lui tendait une main pour l'aider à se relever. Main qu'elle s'empressa de saisir. « Merci. » Dit-elle une fois remise sur pied. Ils se dirigèrent maladroitement vers les gradins, qui étaient quasiment vides. Elle grimpa jusqu'au troisième rang, et s'installa. Là, ils pourraient parler plus posément – et sans risquer de se casser une jambe. « Il semblerait. » Dit-elle alors qu'Aaron prenait place à ses côtés. Elle songea à Enzo, qui s'était mis en tête de lui trouver quelqu'un qui pourrait lui faire mener une vie un peu moins solitaire. Un homme qui prendrait soin d'elle, qui serait gentil et galant, et qui se montrerait patient. En somme, Enzo s'était mis en quête de l'homme idéal pour Jules – sans grande réussite, pour le moment. « Pas franchement. » Répondit-elle en haussant les épaules. Elle se pencha et dénoua les lacets de ses patins à glace, pour être un peu plus à l'aise. La solitude, Jules avait fini par s'en accommoder. « Comme tu peux indirectement le constater, cette idée saugrenue n'a pour le moment pas portée ses fruits. » Il n'y avait personne qui l'attendait chez elle. Personne qui lui faisait signe depuis la patinoire. Personne qui n'essayait de la joindre, personne qui ne l'invitait au restaurant, personne qui ne l'embrassait tendrement avant d'aller se coucher. Un mal pour un bien, pensa Jules. Ses sentiments pour le metteur en scène étaient toujours bien présents, et elle ne pouvait les occulter. Si jamais elle venait à rencontrer quelqu'un, il lui faudrait sans doute un temps fou avant de pouvoir effacer complètement de son esprit Aaron Wyler – sans pour autant être sûre de pouvoir y parvenir définitivement. « Mais je ne désespère pas. » Dit-elle à voix basse. Des sentiments contraires l'habitaient : une partie d'elle s'accrochait avec déraison à Aaron et à ce qu'il représentait. L'autre partie, sa raison, lui hurlait de le fuir et de donner une chance à quelqu'un qui serait plus méritant et surtout, plus disponible. Elle n'avait, pour le moment, jamais pu s'y résoudre. « Il est temps que j'aille de l'avant, et que je trouve quelqu'un avec qui partager mon existence. » Ajouta-t-elle, comme pour mieux s'en convaincre. Elle avait vingt-cinq ans – la vie devant elle, comme lui avait répété mille fois son père. Et quand on avait la vie devant soi, on pouvait se permettre de rêver, et de faire tout un tas de choses. « Mais je préfère la qualité à la quantité, alors je ne précipite rien. J'attends de voir où tout cela me mène. » Jules était une personne sérieuse et réfléchie, et elle ne comptait pas se jeter dans une histoire sentimentale sans lendemain. Elle était de toute façon beaucoup trop honnête pour essayer. « Et toi alors ? Dis-moi en plus sur ton quotidien. » Réclama-t-elle, pleine d'enthousiasme. « Je te préviens, je veux tout savoir. » Dans les moindres détails. Enfin, sauf les détails sur sa vie privée. Ça, elle s'en passerait volontiers. |
| | | | (#)Jeu 11 Fév 2016 - 18:19 | |
| Quelle idée de vouloir caser ma Jules. ‘’Ma’’ Jules. C’est idiot, mais quelque part j’aimerais qu’elle puisse se contenter de moi comme seul entourage masculin. Ou du moins, qu’elle évite les fans, et encore plus les voisins qui veulent lui faire rencontrer l’âme sœur. Et si elle en avait une, quelque part dans cette ville ? Et si elle finissait par se trouver quelqu’un ? Ce n’est pas le cas pour le moment, et j’avoue que cela me soulage dans un sens. Je ne crois pas être prêt à voir la jeune femme amoureuse de quelqu’un. De quelqu’un d’autre. Je crois. Je n’en sais rien. Un tas d’émotions contraires me traversent. Je serais heureux pour elle si elle trouvait son bonheur auprès de quelqu’un qui la mérite. Je le serais encore plus si je n’avais pas à la partager. Si ce quelqu’un était moi. C’est bien la première fois que toute l’ambivalence de ma situation me saute autant à la figure, si bien qu’elle m’insupporte particulièrement. Le moi actif prend le moi passif par les épaules et le secoue de toutes ses forces, lui hurlant dessus de faire quelque chose, prendre position, et enfin décider si oui ou non je suis capable de céder Jules à quelqu’un d’autre. Je ne peux pas rester entre deux chaises, jaloux sans me l’avouer, sans oser lui faire des avances, sans assumer mon envie de lui en faire. Me connaissant, je complique tout. Il serait si simple de se dire que j’ai ma chance autant que n’importe qui d’autre et foncer droit devant. Mais je n’ai jamais été doué pour les émotions simples. « Tant mieux. » dis-je après un moment de silence, le temps de me tirer de mes pensées, après qu’elle m’ait avoué n’avoir trouvé personne et préférer agir prudemment. « Je veux dire… ça me semblerait trop rapide, te connaissant, de trouver quelqu’un si rapidement. Trop précipité pour quelqu’un qui est habitué à être plus… réservée. » Rattrapes-toi, Aaron. Je bafouille, nerveux, souriant sans savoir pourquoi, perdu dans mes paroles. « Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faudrait pas te forcer et te retrouver au bras de la mauvaise personne juste par principe. » Ca sonne pas mal, ça. Maintenant, la question est : qui serait la bonne personne ? Un homme que j’approuverais ? Mais est-ce que mon jugement a quoi que ce soit à faire là-dedans ? Moi ? Peut-être. C’est déjà un grand pas en avant, ce ‘’peut-être’’. Jules reprend en m’interrogeant sur ma vie. « Il n’y a vraiment rien à dire sur mon quotidien. » J’hausse les épaules. En réalité, je ne sais jamais si ma vie est particulièrement ennuyeuse, donc je ne sais pas quoi en dire, ou si elle est trop remplie par de multiples activités, alors je ne sais jamais par où commencer. « Je vogue entre l’université et le théâtre. Je loue un petit atelier dans lequel je me rends quand je peux pour ne pas perdre la main. Mais je ne crois pas que ce que je fais parle aux australiens. » Je ne vends pas grand-chose, j’expose peu. En Italie, je pouvais quasiment vivre de mes sculptures. Ici, j’ose à peine en rêver. Ca ne colle pas, voilà tout. « Je donne des cours particuliers de piano à quelques gamins. C’est assez amusant, lorsque leurs mains sont trop petites pour atteindre toutes les notes. » Je souris à cette image. Je donne rarement de cours aux adultes, même s’ils sont plus dociles que les petites têtes blondes. N’ayant pas d’enfants, et sachant que je n’en aurai sûrement jamais, j’apprécie ce contact avec eux ainsi. « Je m’occupe autant que je peux. La vie d’un solitaire aussi, je suppose. » |
| | | | (#)Mer 17 Fév 2016 - 22:06 | |
| « C'est ce que je pense aussi. » Dit-elle en haussant les épaules. Jules avait chaleureusement remercié Enzo pour son aide et son enthousiame. Elle avait joué le jeu, et essayé – en vain. Difficile d'aller contre sa propre nature, même lorsque l'on fait tout cela pour notre propre bien. « Je n'ai pas l'habitude d'être irréfléchie et d'agir dans la précipitation. » Ajouta-t-elle, validant ainsi les paroles du metteur en scène. « Je ne vois pas pourquoi ça devrait être différent aujourd'hui. » Et ce, même si la solitude commençait à la peser de plus en plus. Elle n'était pas désespérée – elle avait la foi. Elle savait qu'un jour, tôt ou tard, elle rencontrerait la personne qui était faite pour elle. Réctification : elle avait rencontré cette personne. Cette personne qui lui faisait face, sans avoir conscience qu'il faisait battre son cœur un peu plus vite qu'à l'accoutumée. « On apprend de ses erreurs. Mais si je pouvais éviter d'en commettre une, c'est vrai que ce serait plus... Pratique. » Est-ce qu'à la longue, elle pourrait céder à une tentation extérieure ? Ressentir quelque chose pour une autre personne qu'Aaron ? Est-ce qu'elle se donnerait corps et âme à un autre ? Pourrait-elle accorder sa confiance à quelqu'un qui n'avait rien à voir avec lui ? Elle avait déjà réfléchi mille fois à ces questions, s'était torturée l'esprit, mais sans jamais trouver de réponse. « C'est ce que tu crois. Il y a toujours quelque chose à dire. » Elle ne lui avait rien caché de sa vie, et elle comptait bien en savoir un peu plus sur la sienne – quitte à lui tirer les vers du nez si cela s'avérait être nécessaire. « Tu as besoin d'un coup de pouce ? » Finit-elle par demander, quelque peu hésitante. Elle savait que son art relevait du domaine privé ; elle n'avait jamais eu aucun droit de regard, et ne voulait pas le brusquer en lui forçant la main. Il le lui avait dit : un jour, il lui montrerait. Elle pouvait faire preuve de patience, mais les propos de son ami lui firent mal au cœur. « Je ne veux pas m'immiscer dans ta vie d'artiste, je t'assure, ça n'a rien à voir avec cela. Évidemment je serai ravie de découvrir ton univers, ne crois pas l'inverse, mais je ne veux pas que tu te sentes obligé de me le dévoiler. C'était juste une proposition pour te rendre service. » Expliqua-t-elle avec précipitation. Résultat ? Il n'y avait aucune cohérence dans ses paroles, elle avait bafouillé deux fois, et elle se sentait rougir comme une adolescente de quinze ans que l'on vient de prendre en faute. « Oublie. » Conclut-elle maladroitement, détournant le regard pour tenter de reprendre un semblant d'apparence. En plus de la trouver franchement intruse, il allait désormais penser qu'elle était ridicule. La totale. Jules avait envie de se donner des baffes pour se punir d'avoir été aussi stupide. Par chance, Aaron enchaîna sur autre chose, lui permettant de souffler et de se remettre de ses émotions. « C'est vrai que ça doit être mignon. » Acquiesça-t-elle, rêveuse. Elle imaginait Aaron, entouré de deux têtes blondes essayant de se surpasser sans pour autant parvenir aux effets escomptés. Et elle trouvait ça beau. Elle se disait que ce rôle devait bien lui aller. « La vie d'un solitaire ? » Répéta-t-elle en secouant la tête, un petit sourire en coin. Elle se moquait gentiment de lui, trouvant ses propos quelque peu... Exagérés. « Tu es professeur à l'université, tu donnes des cours de piano à des gamins, et tu es marié. » Enuméra-t-elle en levant les doigts un par un pour lui prouver qu'il avait tort, et qu'il en faisait trop. « Ce n'est pas ce que j'appelle être solitaire. Ou alors, tu es un solitaire bien entouré, mon cher. » Elle le titillait, juste pour le plaisir. Parce qu'ils se connaissaient bien, qu'ils pouvaient se permettre quelques familiarités et que leur relation, devenue fusionnelle avec le temps, leur avait toujours autorisé quelques petits écarts. Comme celui qu'elle s'apprêtait à faire, si Aaron lui en donnait la permission. « Je peux te poser une question personnelle ? » Demanda-t-elle après quelques secondes d'hésitation. Elle avait repensé avec douceur à son expression alors qu'il parlait des cours de piano qu'il donnait aux enfants. Son petit sourire amusé, et la tendresse qu'elle pouvait percevoir dans son regard. Elle n'avait jamais abordé la question avec lui – et craignait un peu d'obtenir la réponse, autant être honnête – mais sa curiosité avait fini par l'emporter. Il hocha la tête, et elle se lança. « Pourquoi tu n'as jamais eu d'enfants ? » Elle se mordilla la lèvre inférieure, et se soutint pas son regard plus de quelques secondes. « Tu as l'air de bien t'entendre avec eux, et d'aimer être en leur compagnie. » Souligna-t-elle, comme pour lui prouver que sa question était légitime.
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| | | | (#)Mer 24 Fév 2016 - 16:22 | |
| Evoquer mon quotidien, ma vie, me met toujours assez mal à l’aise. Je n’aime pas spécialement parler de moi, en revanche, je me passionne facilement pour les autres –quand je me donne la peine de me pencher sur leur cas. J’aime prendre la vie de mes interlocuteurs et l’observer sous tous les angles, l’analyser, en trouver les tenants et les aboutissants, et plus encore, les voir évoluer, changer. Les autres sont fascinants, et moi… Moi, je me vois comme simple spectateur. Quelqu’un qui n’a rien d’intéressant à raconter. Mais je me lance quand même et livre un résumé concis de mes activités à Jules. Ne pas pouvoir vivre de mon art comme cela était le cas en Italie a tendance à me rendre un peu triste. Je me complais parfaitement en tant que professeur, et j’ai largement de quoi m’occuper à côté, je m’épanouis au théâtre par exemple. Néanmoins, je ne fais plus corps avec ces sculptures que j’aime tant. La jeune femme, curieuse, aimerait justement les découvrir. Elle me sait très secret à ce sujet. Ce n’était pas le cas à Rome, à l’époque. Ce doit être le fait de ne pas rencontrer de succès ici qui me rend plus frileux. « Je serais ravi de te montrer ce que je fais. » dis-je quand même avec un petit sourire. Lui montrer l’atelier, lui dévoiler un peu plus mon univers. Me rapprocher un peu d’elle. « Peut-être qu’un jour je trouverai mon public en Australie et j’aurai l’honneur d’avoir droit à un article de ta plume dans le journal. » j’ajoute avec un petit coup d’épaule complice. Cela pourrait être une drôle de situation, n’empêche. Quoi qu’il en soit, cela me ferait plaisir d’accueillir Jules dans mon antre, même si cela signifie prendre le risque qu’elle n’aime pas ce qu’elle y verra. J’hausse les épaules lorsqu’elle me met face au monde qui m’entoure, m’assurant que je suis loin d’être seul. J’étais marié. Je ne le suis plus vraiment. Ou alors, je suis l’époux d’un fantôme. Mais je ne reprends pas la jeune femme là-dessus. Je n’ai pas envie de plomber l’ambiance avec ce genre de sujets. « Je me vois quand même comme un solitaire. J’ai un entourage superficiel, et très, très peu de monde ayant une place dans ma bulle. Et je m’accroche un peu trop au passé. » Dans le fond, en dehors de Jules, il n’y a quasiment personne que j’inclus autant dans mon espace vital. Peut-être Jordan, la petite assistante fraîchement embauchée. J’ai conscience que personne ne peut déclarer vraiment me connaître. Je suis bien trop renfermé pour ça. Discret. Sur sa lancée, Jules souhaite me poser une autre question. Personnelle. Je lui donne l’autorisation de la formuler d’un simple signe de tête. Me confier à elle n’est pas un problème. Sa présence m’est douce et réconfortante. Parfois j’aimerais savoir ce que cela fait, de la prendre dans mes bras, et sentir la chaleur de ce petit corps envahir le mien. Humer son parfum de plus près. Mes yeux s’arrondissent lorsqu’elle demande pourquoi je n’ai pas d’enfants. Pourtant, il est vrai que j’aime être entouré de têtes blondes. On m’a souvent dit que je savais y faire avec eux. « Ma femme… » Je soupire. Il n’est jamais facile de l’évoquer. Je m’éclaircis la voix et reprends ; « Ma femme et moi avons préféré vivre pour nous deux uniquement. Nous aurions pu avoir des enfants, je pense qu’elle aurait fait une très bonne mère. Mais nous nous sommes dit qu’il valait mieux profiter de notre couple, faire de grands voyages, nous concentrer sur nos carrières respectives. Vivre à fond, mais en tête-à-tête. » Ella avait aussi peur de transmettre sa maladie à un enfant, ou encore, de m’abandonner seul avec lui, puisque l’issue de son existence était inévitable. Elle ne pensait pas avoir de fibre maternelle, mais je pense surtout qu’elle s’y refusait. « Avec le recul, je me rends compte que nous aurions quand même du vivre aussi cette grande étape, histoire de véritablement expérimenter toutes les facettes de l’existence. » Et qu’elle parte en ayant tout vécu. Je me demande si elle y a pensé, dans son lit d’hôpital. Si elle a eu ce regret, cet unique regret, alors que nous avons passé notre vie à les chasser, faire tout ce que nous voulions. « Pas que je regrette notre décision de ne pas avoir d’enfants, mais… Nous aurions pu mieux y réfléchir. » Néanmoins, notre mariage aura été parfait le temps qu’il a duré. J’ai encore le temps de refaire ma vie, je sais qu’elle le voudrait. En revanche, pour les enfants, il est trop tard. « Je suis bien trop vieux pour ça maintenant. » dis-je avec un sourire. Ce n’est pas grave. Je continuerai de très bien vivre sans cela. Je donnerai des cours de piano aux enfants des autres, et cela me conviendra. « Tu penses que tu en auras un jour, des enfants ? » je demande à Jules. Je me doute qu’il est trop tôt pour qu’elle se pose vraiment la question. |
| | | | (#)Dim 28 Fév 2016 - 22:10 | |
| « Je sais. Un jour. » Dit-elle, restant volontairement évasive. Il lui avait déjà dit qu'il lui ferait découvrir son univers, quand l'occasion se présenterait. Objectivement, Jules savait que si l'occasion n'était pas un minimum provoquée, cela n'arriverait jamais. Aaron ne risquait pourtant pas pas grand chose : elle était conquise par avance. Elle avait, dès le premier jour, eu du respect pour lui. Le temps avait fait son œuvre, et à ce profond respect avait été ajouté un élément crucial : ses sentiments. Elle acquiesçait à tout ce qu'il disait, lui faisait une confiance aveugle, ne le remettait jamais en cause. Elle le regardait avec de grands yeux émerveillés – des yeux de fille amoureuse. et elle brûlait aujourd'hui d'impatience d'entrer dans son monde, dans son antre artistique – en somme, d'en apprendre davantage sur lui et sa passion. « Arrête. » Dit-elle en baissant les yeux et en rougissant légèrement, mais en acceptant avec plaisir sa légère accolade. Elle prenait avec plaisir tout rapprochement, mais une partie de son esprit lui rappelait sans cesse qu'elle espérait plus. Beaucoup, beaucoup plus. « Je suis sûre que tu noircis le tableau. » Dit-elle d'une voix mal assurée. C'était ça, les artistes : ils avaient une sensibilité à fleur de peau, et prenaient tout trop à cœur. « Arrête, je vais finir par me sentir privilégiée. » Plaisanta-t-elle, alors qu'Aaron avouait ne pas laisser beaucoup de place aux gens dans sa vie. Pourtant, elle ne se trouvait pas si mal lotie : elle l'avait vu deux fois en peu de temps. Elle ne s'en plaignait pas – loin de là ! – mais avait tout de même du mal à imaginer qu'il ne se comportait pas avec tout le monde comme il le faisait avec elle. « Ce n'est pas moi qui vais te blâmer pour ça. » Commenta-t-elle avec un sourire qui se voulait compatissant. Tout n'avait pas toujours été rose par le passé, mais elle y trouvait néanmoins deux « consolations » capitales : le souvenir d'un frère vif et actif (bien que chiant au possible), et sa rencontre, presque providentielle, avec Aaron. Cet homme qu'elle pensait connaître, mais qui lui semblait en même temps si inaccessible. Elle se permit une question relativement personnelle, et écouta la réponse avec attention. « C'est une façon de voir les choses. » Concéda-t-elle d'une voix neutre. Mais ce n'était pas la sienne. Elle pouvait comprendre et accepter ; après tous, les arguments du metteur en scène étaient parfaitement recevables. Comme il le disait si bien, ce choix avait eu des aspects positifs : sa femme et lui avaient pu vivre leur vie comme ils l'entendaient. Ils n'avaient aucune entrave, aucune attache. Ils avaient accompli leurs rêves. C'était une chance, quand on y pensait. Jules espérait, un jour, pouvoir être capable d'en dire autant. « Vous avez fait ce que vous aviez envie de faire. Personnellement, je trouve que c'est plutôt un beau bilan, pour le moment. » Nombreux étaient ceux qui rêvaient d'en faire autant – à commencer par elle-même. Mais son cœur se serra brusquement lorsqu'Aaron avoua penser qu'il était trop tard pour lui. Elle eut de la peine en constatant sa résignation – comme si cette expérience là n'était désormais plus qu'un rêve impossible à concrétiser. « Il n'est jamais trop tard, Aaron. Jamais. » L'adverbe avait été plus soufflé que dit clairement, et semblait ouvrir une porte aux possibilités. Elle avait envie de nouer ses doigts aux siens, d'embrasser la peau pâle de son cou, de lui dire que tout devenait possible quand on le souhaitait. Elle avait envie de s'installer sur ses genoux, de passer un bras autour de son cou en lui disant qu'elle était prête à se lier éternellement à lui, s'il le souhaitait. Elle aurait été prête à tout sacrifier pour lui. Juste pour effacer l'ombre qui s'était glissée dans son regard clair, alors qu'elle lui avait posé une question aussi personnelle que déroutante. « Je ne le pense pas, j'en suis sûre. » Affirma-t-elle avec conviction. Et plus le temps passait, plus cette idée saugrenue martelait son esprit. Son désir de maternité se faisait de plus en plus présent. Elle ne précipiterait rien – ce n'était pas dans son genre – mais elle savait que dans un futur plus ou moins lointain, elle aurait un enfant. « Je ne sais pas si je suis prête. Je ne suis pas sûre d'être capable d'être une bonne mère. Mais j'ai vraiment envie de vivre cette expérience. » Dit-elle, sans chercher à dissimuler ses doutes. « Je n'en avais pas conscience avant de partir en mission en Ouganda. Mais là-bas, ça m'a sauté aux yeux. C'était comme une évidence. » Expliqua-t-elle, les yeux brillant d'émotion.
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| | | | (#)Jeu 10 Mar 2016 - 10:41 | |
| Il vaut mieux être seul que mal accompagné est une devise que j'applique à la lettre. Mais j'applique encore mieux une variante personnelle consistant à dire qu'il vaut mieux être avec soi-même qu'accompagné tout court. La grande majorité des gens ne comprennent pas ce besoin d'être seul. Une personne seule au restaurant ou au cinéma est forcément quelqu'un de triste, sans amis, qui a besoin qu'on le plaigne et qu'on le prenne en pitié. Pourtant je me sens bien avec mes pensées, je peux faire ce que je veux, quand je le veux. Je suppose que je me suis énormément habitué à la liberté que j'avais avec ma femme, et que je ne souhaite m'entourer que de ceux avec qui j'ai la même symbiose qu'avec elle. Ceux qui ne deviennent pas des contraintes au bout d'une heure. C'est pourquoi j'aime tout particulièrement la compagnie de Jules. Elle n'a rien à voir avec Ella, mais lorsqu'elle est près de moi, je ressens une harmonie, une entente parfaite. Il n'y a pas de sourire forcé, de silence embarrassant. Tout est simple, naturel, fluide. La jeune femme rit, ne croyant sûrement pas à son statut de privilégiée. « Tu l'es. » dis-je avec un sourire, mais beaucoup de sérieux. Elle est spéciale pour moi, elle ne sait pas encore à quel point -et je ne sais pas si elle l'apprendra un jour. Sa présence réchauffe mon coeur, son sourire m'inspire de la confiance, sa voix vibre jusqu'à mon âme, et son regard me fait sentir vivant. Elle est le remède le plus efficace que j'ai pu trouver jusqu'à présent contre ce deuil qui s'éternise. Il faut dire qu'après avoir eu une première vie aussi belle et riche en aventures et en amour, il semble particulièrement difficile de tourner la page et de se faire à l'idée que le dernier chapitre d'un premier livre clôt cette partie de ma vie, et que j'ai encore le temps pour en commencer un nouveau. Jules n'est pas a première à me dire que je peux encore avoir des enfants -à condition de trouver la partenaire idéale- ou enfin réussir à vivre de mon art en Australie. ''Il n'est jamais trop tard'' est un mantra que je commence à connaître. « Tu es jeune, belle, et pleine d'optimisme. » je lui réponds. Trois qualités que je n'ai plus vraiment depuis quelques années. Pour elle, bien sûr qu'il n'est jamais trop tard. Si une erreur lui coûte une année, ce n'est pas grave, elle en a tant d'autres devant elle pour se rattraper. Je n'ai plus ce luxe, et je préfère me murer dans les souvenirs de ce que j'ai eu la chance d'avoir pour terminer sur cette belle note plutôt que je prendre les nouvelles cartes qui me sont distribuées et me lancer dans une partie qui pourrait être désastreuse. Mon sourire s'élargit en voyant Jules si sûre de son envie d'avoir un enfant un jour, sa détermination. C'est une évidence pour elle, mais comme toutes les jeunes femmes, elle est pleine de doutes. « Tu seras une bonne mère. » je lui assure en prenant l'une de ses mains dans la mienne tout naturellement. Pendant une seconde de flottement, alors que je réalise ce contact, mon regard atterrit dans le sien. Je peux garder cette main, si elle me le permet, ou la relâcher immédiatement. Mais je crois que nous sommes tous deux à court de réaction à ce sujet. Alors je la serre un peu, en caresse le dos avec mon pouce, puis la lui rend timidement. Gêné, je m'éclaircis la gorge, fourre ces fichues mains dans mes poches, et reprends avec un petit rire nerveux; « Et en plus tu chanteras des berceuses comme personne. » Cette fois, un léger silence s'installe, de quoi me mettre mal à l'aise. Je reprendrais bien cette main pour retraverser la patinoire, pour nous balader dans le marché jusqu'à retrouver nos vélos. Il commence à se faire tard, et le ciel devient plus sombre minute après minute. « Je devrais peut-être te raccompagner. » dis-je finalement. |
| | | | | | | | julron + you make me feel so young |
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