Ma vie pourrait être tellement merveilleuse. J'avais commencé à remonter la pente après une début de vie plus que désastreux ici,à Brisbane. J'ai retrouvé l'usage de mes jambes, j'ai de nouveau un travail stable, des amis sur qui compter, mon frère qui m'a rejoint, mon meilleur ami qui est là. Ça ne pourrait qu'être génial à partir de maintenant, non ? Oui. Tout me souriait enfin de nouveau. Mais ce bonheur ne pouvait durer éternellement. Depuis deux ans les moments de bonheur sont très court. Trop court. Et au moment où je les apprécie le plus, une merde me tombe dessus. Et cette fois-ci ce n'est pas n'importe laquelle.

La mort de Daniel. Cet homme que j'ai aimé comme personne d'autre auparavant. Celui qui a compté à mes yeux plus que n'importe qui. Mort. Tout simplement. Une vie de plus de prise dans ce monde si cruel. Cet homme qui m'a détruit, mais avec qui j'ai vécu la passion. Cet homme qui s'est joué de moi, mais avec qui j'ai découvert la magie de l'amour. Cet homme qui n'en avait plus rien à foutre de moi et qui m'a trompé mais à qui j'étais accroc au point d'en oublier ma propre santé autant physique que moral. Au point où j'ai voulu en finir avec la vie. Ce même homme est mort aujourd'hui, alors que moi j'étais à l'aéroport, entrain de joyeusement parler avec mon meilleur ami d'enfance. Il était mon ex, celui qui a gâché ma vie mais qui, en même temps, l'a rendue belle et intéressante. Il représentait tellement pour moi et tant qu'il était encore de ce monde, j'avais ce petit espoir que tout allait pouvoir s'arranger, que je pourrais retrouver cet ami que j'avais découvert en lui. Mais maintenant plus rien ne pourra aller comme je le veux.

Lorsque Myrddin me caresse les cheveux, je parviens à reprendre un peu le contrôle sur mon corps. Assez pour pouvoir stopper mes larmes le temps de me redresser et de lui dire qu'il peut aller se reposer. Il a besoin de sommeil et je me sentirais trop mal de l'obliger à rester ici avec moi. Mais il dit qu'il restera avec moi et qu'il dormira plus tard. J'avais presque oublié à quel point il pouvait être adorable. Je lui souris légèrement. Ce même sourire qui disparaît lorsque mon portable se met à sonner. Je me fige en voyant le nom de la mère de Daniel apparaître sur mon écran et, éclatant à nouveau en sanglot, rongé par la brusque culpabilité qui s'empare de moi, j'annule l'appel. Je pense bien que la mère sait ce qui est arrivé à son fils, mais je ne veux tout simplement pas l'entendre. Pas tout de suite en tout cas. Je n'ouvre les yeux que lorsque je sens une pression sur mon genou et la main de Myrddin sur ma joue et dans mes cheveux.

Je baisse mon regard sur lui lorsqu'il s'accroupit en face de moi et l'écoute me parler. Il me demande des explications, lui-même étant perdu en ce moment même. Il ne sait pas quoi dire ou faire pour m'aider et me dit que parler m'aiderait sûrement pas mal. Je dévie le regard et pince les lèvres.  «Daniel... mon ex copain » soufflais-je  « C'est sa mère qui … qui vient d’appeler » je déglutis et essuies une des nombreuses larmes qui coulent sur mon visage  « Je … je ne sens pas ...je n'ai pas envie de lui répondre. Je ...» j'hoquette et humidifie mes lèvres avec ma langue avant de reprendre  «Je ne saurais pas quoi lui dire » je reprend mon visage entre mes mains  «Putain, qu'est-ce que je vais faire maintenant ? C...comment ça va continuer tout ça ? » je secoue la tête, fermant les yeux.

Ma réaction est-elle légitime ? Est-ce normal de réagir de la sorte en apprenant la mort de son ex copain. Je n’en sais trop rien. Il est tout à fait normal d’en être affecté, mais de là à pleurer de la sorte et d’avoir carrément peur de parler à la mère de Daniel ? Peut-être pas. Mais c’est mon cas. Je l’ai aimé. Oh putain qu’est-ce que je l’ai aimé. Je crois que ce n’est pas humain d’aimer et d’être ainsi accroc à quelqu’un.

A la demande de Myrddin, je lui fournis de plus ample explications. Je précise qui est ce Daniel et que c’est la mère de ce dernier qui vient de m’appeler pour que les sanglots reprennent de la sorte. Encore une fois, mon ami que dit qu’il reste avec moi, qu’il ne va pas m’abandonner. Lorsqu’il me dit que, pourtant, il va falloir que j’avance dans la vie malgré tout, à mon rythme, certes, mais que j’avance, je sanglote à nouveau de plus belle.

« C’ets trop dur» soufflais-je entre deux sanglots « Je … je ne vais jamais y arriver » Je suis bien loin d’être stable psychologiquement parlant. Je le sais ça, J’ai totalement conscience qu’il suffit d’un seul petit grain de sable pour enrayer la machine et me faire à nouveau basculer dans une vraie dépression. Je n’ose même pas imaginer les conséquences que peuvent avoir la mort d’un proche sur moi.

Mais pour l’instant je suis là, avec Myrddin qui parvient peu à peu à trouver les mots et à me rassurer. Il me dit que je n’ai pas besoin de dire quoique ce soit à la mère de Daniel tant que je n’en aurait pas envie. J’hoche doucement la tête, silencieux pour lui donner raison, avant de la secouer lorsqu’il me demande si je veux un thé ou un café. «Non … » disais-je faiblement « J’ai envie de rien» je me pince le slèvres et dégluti, détournant le regard. Je le porte vers l’extérieur et m’essuies encore le reste des larmes qui perlent encore sur mes joues, puis je reporte mon attention sur mon ami. « Tu … je vais aller faire un tour dehors» je déglutis et regarde vers la porte «j’ai envie d’être seul »

Ça peut sembler tellement égoïste et pourtant je pense que Myrddin peut le comprendre, non ? Je me retourne vers lui « ça va aller» lui disais-je, tentant de me montrer assuré «Vraiment je … je serais de retour avant ce soir » je tourne mon fauteuil, m’avance vers la porte, pose une main sur la clenche et appuie quelques instants mon front contre la porte. Je ferme les yeux et crispe mon visage. Je vais aller trouver refuge chez mon frère. Ou Gaby. Je vais peut-être même passer un rapide coup de fil à Jamie. Il me comprendra, j’en suis sûr. Et ensuite ? Eh bien, j’aviserais.

Mais au moment d’ouvrir la porte, je m’immobilise. Est-ce vraiment la meilleure des solutions ? Je peux aussi très bien reste ici, à demander un peu de chaleur humaine à Myrddin. Il y arrive très bien lui et continuera à me rassurer. Dans un soupir, je referme la porte à clef et me tourne vers mon ami. Il n’a pas bougé. Je croise son regard puis détourne les yeux et me dirige vers ma chambre. Je me transfert rapidement sur mon lit, enlève mon jeans mais garde mon t-shirt et me glisse sous la couverture. Malgré la chaleur, je frissonne et remonte la couverture jusqu’à mon menton. Dormir est peut-être la meilleure des solutions maintenant.

Je suis confus, je ne réfléchis plus correctement. Jamais je n'aurais cru qu'apprendre ce genre de nouvelles me bouleverserait tant. Je suis déjà passé par une phase de deuil en apprenant la mort de mon père à mon réveil et c'était, je crois, pire que tout, étant donné que l'enterrement avait eu lieu bien avant que je ne sorte du coma. Mais là il s'agit de mon ex copain, celui que j'ai éperdument aimé et … oui, pour qui j'ai littéralement mis ma vie en jeu. Je n'ai pas l'esprit clair lorsque je me retrouve face à Myrddin. Je lui dis que je veux être seul et je suis sur le point par partir lorsque je me reprend. Je ne sais pas si sortir dans ces conditions là sera aussi bénéfique que je ne le pense. Au contraire. Ne risquerais-je pas de péter à nouveau les plombs ? Sachant que Myrddin vient d'arriver et que je suis sa seule accroche ici, dans cette nouvelle ville, je n'ai tout simplement pas le droit de faire quelque chose que je regretterais plus tard.

Alors je referme la porte et m'en détourne. Je croise le regard de mon ami, le soutiens quelques instants avant de me diriger, en silence, vers ma chambre. Là je m'assois sur mon lit, enlève mon jeans mais garde mon t-shirt et me roule en boule sous la couette. Je ferme les yeux et ne prends qu'aveuglément en compte que Myrddin ne tarde pas de me rejoindre dans ma chambre. Il dit qu'on va le faire comme quand on était petit et que je faisais un cauchemar. Ou lui. J'ouvre les yeux, le regarde un instant puis tente de sourire légèrement. Mais ça ne fonctionne pas. Alors silencieux, il se déshabille puis se glisse à son tour dans le lit. Je le sens qui s'approche de moi avant qu'il ne m’entoure de son bras. Il s'installe plus confortablement puis me glisse à l'oreille qu'au moins ainsi je sais qu'il est là car il ne compte plus me lâcher.

 « Merci » soufflais-je en me blottissant un peu plus contre lui. J'attrape sa main dans la mienne et ferme à nouveau les yeux  « Je suis content que tu sois là» je ramène un peu, du mieux que je peux, mes jambes vers moi puis soupire doucement  « Désolé que … je ne voulais pas que ça se finisse comme ça et ...» je préfère me taire, me sentant sur le point de craquer à nouveau.  « Repose toi bien» finissais-je par dire en enfouiant mon visage dans mon coussin.