« Ne dis pas de bêtises. J'ai une maigre contribution là-dedans. » Après tout, c'est Joanne qui voulait un enfant, c'était son rêve. C'est elle qui m'a donné envie d'en avoir, et uniquement avec elle. C'est elle qui l'a porté pendant des mois, et c'est elle qui l'a mis au monde. C'est uniquement grâce à elle que nous avons cette merveille dans les bras, et que nous sommes une famille. Mais comme toujours, elle réduit bien trop son mérite, quitte à le rendre inexistant. Elle pense bien trop peu à elle. La jeune femme se force à manger, à prendre quelques forces. Son corps éprouvé en a bien besoin, même s'il y mieux que la nourriture de l'hôpital -les habitués que nous sommes le savons parfaitement. Décidée à faire quelques pas, elle se lève du lit. Ce doit être le dernier grand débat que nous n'avons pas eu au sujet de notre fils ; le choix du parrain et de la marraine. Cela peut sembler être une sorte de petit titre honorifique aussi, vu la grande famille dans laquelle Daniel a atterri. Il y a peu de chances qu'il se retrouve seul au monde. Tante, oncle et toute une tripotée de cousins seront toujours là pour lui, vu l'esprit soudé qui se dégage de notre arbre généalogique. Pourtant, dans toutes ces ramifications, et parmi nos amis les plus proches, il faut bien en choisir deux qui devront toujours avoir un œil sur le petit, qui devront l'accompagner toute sa vie. Ce n'est pas un choix aisé. Ils sont plus d'un à qui nous pourrions confier cette responsabilité. Côté féminin, Joanne songeait à ma sœur. Elles sont devenues très proches en peu de temps, de véritables confidentes, ce qui est un vrai plaisir à voir. La jeune femme a bien assez de caractère pour ne pas faire tampon entre ma fiancée et moi comme lorsque nous étions séparés. Bien avant la naissance de Daniel, elle en était déjà gaga. J'ai hâte d'admirer le premier contact entre elle et lui. « J'avais plutôt pensé à Madison. » dis-je néanmoins, jouant la carte de l'honnêteté. Je sais que Joanne ne la connaît pas, si ce n'est à travers mes paroles, et que la première impression n'a pas été excellente, réveillant la jalousie qui sommeillait en elle. Pourtant, à ce jour, elle reste mon amie la plus chère, et celle à qui je pourrais confier mon fils les yeux fermés. « Je la connais depuis toujours, j'ai pleinement confiance en elle. Nous avons toujours été là l'un pour l'autre, et je sais qu'elle sera également là pour Daniel à tous les moments de sa vie, quand il en aura besoin. » Elle prendrait ce rôle très au sérieux, je n'en doute pas. « Et après tout, Gaby est déjà la tata. Elle le verra déjà régulièrement et le gâtera beaucoup trop. » Au fond, Gabriella n'a pas besoin de cumuler les titres. En tant que tante, s'il devait nous arriver quoi que ce soit, le petit lui serait confié immédiatement, je pense que Joanne et moi sommes d'accord à ce sujet. Son rôle est déjà précieux. Nous pouvons bien confier l'autre à une personne différente. « Et pourquoi pas Vee ? Comme ça il sera toujours bien habillé. » dis-je pour plaisanter. Victoria serait une affreuse marraine. Côté homme, les pensées de ma fiancée et les miennes se rejoignent concernant Ezra. « J'ai aussi pensé à lui. » j'avoue avec un sourire. Oh, lui aussi sera fou d'amour pour cette petite bouille. Il est déjà dingue de ses neveux, il les gâte dès qu'il en a l'occasion, et son côté grand enfant l'en rend particulièrement proche. Il ferait un parrain d'enfer. « Et à Tom aussi. » j'ajoute. « Il m'a désigné comme parrain de sa fille quand même... » Je ne sais pas pourquoi il me semble qu'il faudrait lui retourner la politesse. Et puis, Thomas a vraiment la tête sur les épaules, il a déjà deux enfants, il sait y faire. Il ferait un guide avisé pour le petit, terre-à-terre. « Mais c'est vrai que je connais Ezra depuis plus longtemps, et tu en es plus proche... » Joanne m'en a vaguement fait le résumé de sa visite, et elle avait l'air d'avoir quelques atomes crochus avec lui. Et c'est bien la première fois qu'elle parvient à se lier avec un des Beauregard. Je ne suis pas plus surpris que ça de ne pas chercher à imposer son frère ou sa sœur dans ces rôles. Ils ne sont pas là, ils n'ont pas été présents pour elle de toute sa grossesse. Et ils ne m'apprécient pas beaucoup non plus. Du reste, la jeune femme n'a pas d'amis particulièrement proches. Il y a sûrement James, mais elle ne doit pas oser l'évoquer. « Nous devrions leur faire passer à tous un entretien d'embauche, un par un. » dis-je avec un sourire amusé. Il est si difficile de se décider, peut-être que nous n'y parviendrons pas aujourd'hui, même si nous avons tout le temps de débattre à ce sujet. « Ca me fait penser que je n'ai pas encore annoncé la naissance de notre bonhomme à qui que ce soit. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne ne connaissait pas Madison, ni d'Adam ni d'Eve. Jamie n'avait de cesse de la mentionner et de ne lui trouver que des bons côtés. C'est une personne qui lui était vraiment très proche, et pourtant, il ne l'avait jamais présenté en personne. La fameuse princesse. Tout ce que cette inconnue avait réussi à faire, c'était de rendre la belle blonde particulièrement jalouse, et c'était peut-être la première fois qu'elle ressentait cela par rapport à un homme qu'elle aimait. Elle n'avait pas souvenir de l'avoir tant ressenti avec Hassan - il fallait dire qu'il n'avait d'yeux que pour elle et faisait tout pour éviter ne serait-ce qu'une simple de tension. Elle désenchanta un peu, à l'idée que son fiancé préfère la choisir elle comme la marraine de son enfant. Il avancera certainement l'argument que ce serait la parfaite occasion pour que les deux jeunes femmes fassent enfin connaissance, mais elle n'y croyait pas trop. Joanne ne doutait pas qu'elle était une bonne personne, bien au contraire, c'est plutôt l'idée qu'une femme soit aussi proche de lui qui l'inquiétait. Il suffisait de voir ce qu'il s'était passé avec Hannah, même si Joanne se reconnaissait fautive par rapport à cela. Seulement, elle ne savait pas si elle avait le droit de protester quoi que ce soit, de nouveau. Certes, il y avait eu quelques échanges agréables, quelques gestes de tendresse et des mots d'amour prononcés depuis l'accouchement. Mais était-ce suffisant pour qu'absolument tout soit effacé et qu'il reprenne d'un bon pied ? A s'aimer à nouveau éperdument et en toute déraison, comme ils savaient si bien le faire. Joanne était sceptique, et se dit qu'il n'était pas encore temps qu'elle soit contre lui pour quoi que ce soit. Après, il avait un point concernant Gabriella. Elle endossait déjà le rôle de tante et tous deux savaient qu'elle le porterait à merveille et qu'elle serait toujours là si besoin. Joanne resta songeuse un moment, ne sachant pas si elle pouvait se manifester ou non. "Si tu veux." finit-elle par dire, tout bas. Avait-elle vraiment le choix ? Elle n'avait personne d'autre à proposer, elle n'avait plus personne de proche de son côté. Elle avait encore James, mais il était pris ces derniers temps et pas toujours disponible. Mais qui avait-elle d'autre, vraiment, qui lui était tout particulièrement proche, qu'elle connaissait depuis des années ? Personne. Elle n'avait pas de meilleure proposition que Gabriella. Jamie plaisanta un peu, en mentionnant Victoria. L'idée qu'elle puisse être marraine était des plus grotesque, à n'en pas douter. Choisir un parrain et une marraine était particulièrement compliqué aussi. La décision ne sera certainement pas prise le jour-même. "Tu avais d'autres personnes en tête, pour le parrain ?" demanda-t-elle, curieuse de savoir. Il était vrai qu'ils n'avaient pas encore annoncé à qui que ce soit la venue du bébé. En même temps, Joanne avait accouché au beau milieu de la nuit. "Moi non plus." dit-elle avec un léger sourire. "J'ai un peu peur qu'une fois que le message, que tout le monde arrive d'un coup, ou un après l'autre." Le bébé n'avait même pas un jour, l'accouchement s'est compliqué à la fin, et ce n'était pas ces quelques heures de sommeil qui allaient remettre Joanne d'attaque. La preuve, tenir debout quelques temps la fatiguait déjà. Elle finit par se rasseoir dans le lit et recouvrit ses jambes avec la couverture. "Ce serait bien si nous parvenions à modérer un peu les visites. Au moins pour aujourd'hui et demain." C'était certainement trop demandé pour ceux qui n'avait qu'une hâte - de voir le bébé et l'avoir dans les bras. Mais contrairement à ce que ça laisse penser, avoir du monde en permanence dans la chambre était quelque chose de particulièrement épuisant. Joanne regardait avec tendresse son fiancé porter et regarder inlassablement leur bébé. Ils étaient si beaux tous les deux. Elle restait silencieuse, à les observer. Joanne restait un peu pensive, en les regardant, se demandant si tout allait être mieux. L'ambiance à la maison, leur relation. Elle appréhendait un peu. "Vous êtes tellement beaux, tous les deux." dit-elle toute rêveuse.
Fatiguée, il est encore plus facile de lire en Joanne. Le visage de Joanne ne prend plus la peine de nuancer ses expressions, rendant ses pensées transparentes. Et j’avoue ne pas aimer ce que j’y lis, sentant un lourd poids se poser sur mon cœur en devinant son regard bleu perdre un peu d’éclat. Je n’arrive pas à décrypter le cheminement de ses idées, mais la finalité n’est qu’un murmure conciliant qui sonne faux. Je la scrute, les yeux plissés, demandant ce qu’il se passe. Mais je ne dois pas m’attendre à comprendre aujourd’hui. Ce n’est pas le moment pour ce genre de discussion. Pas le moment de mettre fin ou entre parenthèses le bonheur que nous avons la chance de vivre. Je garde néanmoins le sujet dans un coin de mon esprit, rangé dans un tiroir pour s’ouvrira plus tard afin que défaire ce nœud. Ne souhaitant pas imposer quoi que ce soit de cette manière, je me fais plus docile à mon tour. « Tu pourras peut-être enfin la rencontrer quand elle passera voir le bébé. Tu te feras une idée. Je te laisse y réfléchir. » Après tout, difficile de concevoir de confier le titre de marraine de son enfant à une personne que l’on a jamais vu. Par la suite, le problème sera sensiblement le même, puisqu’elles ne se connaîtront qu’à peine. Mais au moins, elle pourra me dire si son pressentiment est bon ou mauvais. A mes yeux, après avoir porté son enfant pendant neuf longs mois, la mère a le dernier mot sur ce genre de décisions. Même si Joanne n’aime pas s’imposer, son avis prévaudra sur le mien malgré tout. Pour le parrain, elle ne s’avance pas plus que moi et cherche à savoir s’il y a un troisième candidat au titre. « Non, seulement Ezra et Tom. » j’avoue en haussant légèrement les épaules. Disons que mon entourage est trop féminin pour que d’autres hommes me viennent à l’esprit. Si Oliver était là, ç’aurait été lui, sans hésiter une seule seconde. Il aurait pris soin de Daniel aussi bien qu’il a su prendre soin de moi et me protéger contre tout. Il aurait été parfait. Mais si Oliver était là, moi je ne le serais pas. Songer à lui me rend soudainement un peu triste, néanmoins je ravale rapidement cette émotion. Elle reste enfouie dans une petite boule au fond de ma gorge qui se serre. Je m’éclaircis la voix pour reprendre ; « J’aime beaucoup Charlie, mais je ne pense pas qu’on puisse compter sur lui. Il ne restera probablement pas en Australie, il ne s’y sent pas chez lui. Et je préfère que son parrain ne vive pas à l’autre bout du monde. » J’espère qu’il ne m’en tiendra pas rigueur. De toute manière, si nous avons d’autres enfants, il y aura matière à contenter les ambitions de parrainage de tout le monde. « Et je ne connais pas assez bien le reste des frères Beauregard. » Ils constituent tout ce que j’ai comme famille, et même si elle est particulièrement grande, en restreignant le choix à ceux dont j’ai réellement pu me rapprocher, la liste devient limitée. Berçant machinalement Daniel dans mes bras, je continue de réfléchir à une dernière alternative. « Il y a bien Lehyan, sinon. » dis-je finalement quand son nom m’apparaît comme une illumination. Il vit juste en face, on ne pourrait pas faire plus proche comme parrain. Joanne a un bon contact avec ses filles, et malgré le peu de temps que j’ai à lui consacrer, il reste ce que j’ai de plus ressemblant à un meilleur ami. Il n’a jamais manqué de déplier son canapé pour moi lorsque j’en avais besoin. Il est dévoué, une personne sur qui on peut compter, qui aime ses enfants plus que tout. Oui, à la réflexion, Lehyan me semble être un tout aussi bon choix. A voir l’avis de la jeune mère sur la question. Elle m’avoue la peur d’être assaillie par les visiteurs, et elle a sûrement raison ; à peine le message annonçant la naissance de notre fils sera envoyé que le monde se bousculera au portillon de cette petite chambre pour le voir. Et je ne doute pas que toute cette agitation soit un peu trop difficile à tenir pour Joanne seulement quelques heures après cet accouchement éprouvant. « Je ne compte pas laisser qui que ce soit vous visiter toi et le bébé aujourd’hui ou demain. » dis-je en ne laissant aucun choix à ce sujet – même si je doute que la jeune femme ait envie de contredire une telle volonté. Elle est bien trop fatiguée et faible, je suis moi-même encore éreinté, et Daniel a besoin de calme dans ses premiers jours. « Je vous garde un peu juste pour moi. » j’ajoute pour me justifier. Autant s’accorder quelques jours uniquement pour nous trois. Nous partagerons notre fils avec le monde extérieur plus tard. Joanne retourne déjà s’allonger. Il est assez difficile de la voir aussi fragile sans rien vraiment pouvoir faire pour l’aider. Le temps fera son œuvre, elle retrouvera des couleurs, sera plus en forme dans quelques jours. Son corps a été particulièrement éprouvé. Je m’approche du lit et finis par lui confier Daniel. Pour ma part, je retourne auprès de mon sac ; « Tu sais que je t’ai dit que j’ai pris des livres. » dis-je en fouillant dans les affaires que j’ai apportées. « Je me suis dit qu’en huit mois, tu avais eu le temps de dévaster la bibliothèque au moins trois fois. Alors j’ai emmené la seule chose que tu n’as pas encore lu. Et moi non plus d’ailleurs. » Mais nous allons avoir pas mal de temps à perdre pendant cette semaine de repos, alors c’est sûrement le moment ou jamais. Je tire enfin hors du sac les deux journaux que m’avait offert Joanne pour Noël, celui du soldat et de l’infirmière. Une lecture qui nous permettra à tous d’en savoir plus sur la personne dont notre fils tient son prénom.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie plissa ses yeux lorsqu'il entendit la sorte d'acceptation concernant le choix de la marraine. Et comme elle aurait pu le prédire, il aurait aimé qu'elle lui laisse une chance en faisant finalement sa connaissance lorsqu'elle viendrait voir le petit. Bien une chose étrange, que de rencontrer la marraine en devenir le jour où celle-ci venait le petit bout de chou. C'était ça, ce qui sonnait faux. Elle ne doutait pas de la confiance que Jamie lui donnait, il avait certainement toutes ses raisons. Et elle aimerait le croire au point de lui faire tout aussi confiance, mais elle n'était malheureusement pas de ce genre là. Du moins, la logique que Jamie avait en tête ne collait pas avec ses mœurs à elle, encore une fois. Mais elle n'avait pas le courage de résister, ni l'envie qu'une tension apparaisse au beau milieu de ce si grand bonheur, alors elle ne dit rien. Elle acquiesça simplement d'un signe de tête. Elle n'était pas une personne exigente, et ne plaçait pas la barre trop haut, mais pour le coup, il en faudrait beaucoup qu'elle donne ainsi sa confiance, en quelques minutes d'échange. Joanne ne voulait pas non plus le contrarier, ce n'était certainement pas le moment. Tout semblait aller si bien dans leur couple depuis qu'elle s'était réveillée mais il semblerait que les mauvaises habitudes soient revenues au galop. Elle se demandait si elle devait encore bien rester à sa place, ne rien dire et subir afin de ne pas le contrarier. Joanne ne savait plus vraiment où elle en était et appréhendait énormément cette rencontre là. Ce qui l'attristait beaucoup, à côté de cela, c'était qu'elle n'avait plus personne de son côté avec qui elle était très proche. Personne à qui elle serait prête à confier son bébé. Mis à part ses parents qui auront certainement décidé de rester sur Brisbane pour les années à venir. Ils répondront toujours présents si leur fille avait besoin d'aide, à n'en pas douter. Toutes les personnes qu'elle côtoyait désormais, c'était pas le biais de Jamie. Et ça lui créait une sorte de forme de solitude dont elle ne parlait à personne. Le couple était tout aussi indécis concernant le parrain. Jamie mentionna un nom supplémentaire, son meilleur ami, et voisin par la même occasion. Pourquoi pas. Il ferait certainement un excellent parrain, et la question de la distance ne se posait pas vraiment. Joanne demandait avec embarras qu'il n'y ait pas trop visites pour les premiers jours. Son fiancé régla rapidement la question en exigeant n'avoir aucune visite, ni le jour-même, ni le lendemain. L'entendre le dire fut presque comme un soulagement pour elle, craignant que les premières personnes ne veuillent arriver dès le premier jour. Et la jeune femme était encore bien affaiblie suite aux derniers événements. Une journée supplémentaire de calme ne lui pouvait que faire du bien, et elle voulait encore profiter de ces moments là avec la famille qu'elle venait tout juste d'agrandir. Juste tous les trois. Joanne lui sourit tendrement, en guise de remerciement. Elle avait un peu froid et boutonna son gilet. Jamie s'approcha d'elle afin de lui confier l'enfant. Daniel dormait à point fermé, imperturbable. Elle regarda Jamie déballer les fameux livres de son sac. "Jamie..." dit-elle tout bas, en comprenant ce qu'il comptait lui faire lire. Elle déposa avec beaucoup de précaution Daniel dans le berceau fournit par l'hôpital et le recouvrit d'une petite couverture. Elle invita ensuite son fiancé à s'asseoir à côté de lui. "Je te l'ai déjà dit, c'est ton cadeau." dit-elle tout bas, d'un air tendre. joanne lui caressa la joue avec le dos de ses doigts. "Je sais à quel point tu adore les vieux documents ainsi. Et si je le lis, ce ne serait plus pareil. Ce serait t'enlèverait le plaisir d'être le premier à découvrir ce qu'ils confiaient dans leurs journaux." Elle l'embrassa tendrement sur la joue. "Je ne les lirai que tu y auras déniché tous les secrets que tu pouvais rechercher." dit-elle avec un sourire tendre, à voix basse. "Ne t'en fais pas pour moi, je trouverai largement de quoi m'occuper. Entre dormir, manger, regarder un peu la télé, allaiter, le bichonner, te bichonner..." dit-elle avec un petit rire, jetant un rapide coup d'oeil à leur garçon, dormant toujours paisiblement. Son regard revint ensuite sur Jamie. Il semblait passionné rien que par la couverture de ces journaux. Difficile de croire qu'ils avaient plus de soixante-dix ans. Il était tellement beau. "Je t'aime." dit-elle avec une voix rêveuse, en toute spontanéité. Comme si cela faisait une éternité qu'elle ne lui avait pas dit.
Je lui lance un regard faussement contrarié et terriblement sérieux –trahi par un petit rictus au coin de la bouche. « Il est hors de question que tu me bichonnes. Ca, c’est mon travail à temps plein pendant toute la semaine. » dis-je avec un ton laissant bien comprendre que ce point n’est absolument pas discutable. Joanne soit se reposer, prendre soin d’elle, reprendre des forces. Elle ne doit se soucier que d’elle-même et de son bébé. Et moi aussi. C’est tout ce qui compte à ce moment. Je passe complètement au second plan pour une période indéterminée, je le sais bien, et cela me convient. J’ai eu tout le loisir de parler des semaines à venir avec la thérapeute qui me suit. L’arrivée d’un enfant n’est pas quelque chose d’évident pour les personnes comme moi, m’a-t-elle fait comprendre, et il sera important d’être encore plus en contrôle qu’habituellement. Cela deviendra une habitude, avec le temps, tout un nouveau mode de comportement à adopter afin que notre fils n’ait pas à subir mes mauvais jours et mes épisodes de colères noires, ni les épisodes tristes qui m’habitent parfois. Il n’est pas question d’être aussi nocif et destructeur envers mon fils que mes parents ont pu l’être envers moi. L’on m’a expliqué qu’il n’y a aucune raison qu’il soit dans la même veine que moi, à condition de trouver un équilibre, et Joanne aura la lourde tâche d’y contribuer. Peut-être regrettera-t-elle bien vite d’avoir voulu fonder sa famille avec moi. Parfois, aimer ne fait pas tout. Aimer ne fait pas un bon compagnon ni un bon père. Mon regard se pose sur les journaux, leur couverture abîmée par le temps, celui du soldat étant bien plus détérioré que l’autre. Depuis Noël, ils ne cessent d’attiser ma curiosité, et je n’ai toujours pas trouvé ni le temps ni le courage d’en parcourir les pages. Je ne sais pas vraiment pourquoi, l’attraction qu’ils exercent est à la fois fascinante et effrayante à mes yeux. Dieu sait que je suis un impatient, et pourtant, je continue d’attendre avant de les ouvrir. Je pensais que la venue au monde de notre Daniel est le moment parfait pour tout découvrir de celui du passé. « Et je n’ai pas apporté ces journaux pour les lire seul dans mon coin. » je reprends, n’acceptant pas d’essuyer un refus de la part de Joanne. Elle me connaît bien, et je sais que c’est pour cette raison et pensant bien faire qu’elle me déboute. Mais ce cas est particulier. « J’ai envie de partager ça avec toi. » dis-je en posant mon regard sur elle. Nos yeux se croisent, et pendant une seconde étrange, nous semblons revivre un de ces premiers regards que se lancent les couples fraîchement amoureux. Un petit regain dans la flamme qui nous anime, soufflée par l’arrivée de notre fils. A cet instant, il semble fortifier le lien entre nous qui s’était étiolé. « Je t’aime aussi. » je réponds tout bas, un léger sourire aux lèvres. J’approche pour capturer ses lèvres, une main posée sur sa joue pour attirer un peu plus son visage vers le mien, et faire durer cette caresse autant de temps que possible. Mon cœur s’accélère un peu. Elle est magnifique, ma future femme, la mère de mon fils. Nous irons mieux, me dis-je. Nous ne pouvons qu’aller mieux. Je lui souris tendrement et reprends le cours de la conversation. « J’ai aussi pris mon ordinateur. Je te rappelle qu’on a du pain sur la planche pour que tout soit prêt avant que toi et Daniel rentriez à la maison. » Il faut commander les nouveaux meubles, la peinture, se débarrasser des anciens. Cela va nous combler quelques longues heures, même si nous avons tendance à tomber plus facilement d’accord en matière de décoration que pour choisir un parrain et une marraine pour notre petit bout. Je me lève, vais chercher la machine, et la dépose sur mes genoux. J’aurai toute la semaine pour les préparatifs, mais voilà que j’ai déjà terriblement hâte d’accueillir Daniel à la maison, et le voir découvrir son nouvel environnement, son foyer.
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