« Cet amour que j’ai deposé à ses pieds. Cet amour que j’ai laissé me consumer. Et ce visage qui aujourd’hui ressurgit. J’aimerais prétendre que tout s’est envolé et que de mon amour il ne reste que le souvenir. Mais mon cœur en morceaux est la preuve encore vivante de ta présence éternelle en moi.»
Peut-être aurait-il dû se promener dans d’autres endroits, rêver ailleurs. Mais le sir Blake était déterminé à se morfondre toujours auprès de ses sources de plaisir : l’art. La littérature avait fait de lui un poète, un romantique même. Mais elle n’avait pas fait que construire l’homme, elle l’avait démoli aussi. Comment aurait-il pu en être autrement ? Après tout, c’étaient les passages lyriques des romans du 19ème et 20ème siècle qui l’avaient fait croire que l’amour était un idéal à atteindre. Un idéal auquel il n’avait jamais renoncé. Mais la vérité c’était que Lawrence avait connu bien plus que des romans aux pages écorchées. Hamlet et son Ophélie étaient sortis du mythe des histoires contées pour prendre vie sous ses yeux. L’amour fulgurant, celui dont on ne sortait jamais vivant et sans cicatrice, l’avait lui aussi envoûté. Un été, voilà tout ce qui lui avait été octroyé. Mais il vivait avec ce souvenir, avec ce songe d’une nuit… et savait que jamais il ne se résoudrait à accepter moins. C’était ainsi qu’il s’était retrouvé à des milliers de kilomètres, loin de son chez lui, seul. Car aucune âme féminine ne pouvait apaiser la sienne. Il ne voulait pas de la compagnie superficielle des femmes d’aujourd’hui. Quels que soient leur rang, il ne voulait pactiser avec une femme qui serait incapable de faire battre son cœur tout comme il avait battu cet été-là.
Fermant les yeux devant une peinture célèbre de Rembrandt qui avait été amenée récemment au musée australien, il se rappela avec la nausée habituelle son passé. Les regards, les jupes qui valsaient dans l’air lors de pas indécents, lors de danses endiablées et surtout… ce rire. Il l’entendait parfaitement. Elle n’avait aucunement besoin d’être en face de lui pour qu’il la sente à ses côtés. Elle l’avait hanté toutes ces années sans jamais lui laisser le moindre repos. Parce qu’il ne voulait pas la laisser partir. Elle était son éternelle. Il ne voulait rien de plus, juste qu’on le laisse chérir l’image chétive et adorable de celle qui autrefois s’était autorisée à sombrer dans ses bras. Souriant, il rouvrit les yeux pour admirer de nouveau la toile qui lui avait inspiré ces souvenirs. Mais après être retombé dans la visualisation de ce qu’il avait aimé autrefois, la peinture semblait soudain fade. Cherchant dans la poche intérieure de son veston son calepin, il le sortit pour chercher un poème soigneusement recopié. Il n’eut pas le temps de faire tourner les pages que son univers bascula. Une voix, un son se détachait non loin de lui. Assis sur un des petits divans en velours rouge du musée, il tendit l’oreille bien que ce n’était pas nécessaire. Son cœur battait à vive allure, certain d’avoir reconnu le glas qui l’enchantait. Quelques secondes plus tôt cela n’était qu’un souvenir mais ici, maintenant, c’était une réalité. Elle était là. S’il savait qu’elle était en Australie, il n’avait appris que récemment que sa ville était exactement la même que la sienne. Abraham lui avait fait part de bien plus que d’une simple localisation. Il lui avait communiqué des desseins, de sombres projets à accomplir. Indécis, Lawrence avait accepté d’y penser. Et bien que l’idée de vengeance le séduisait fortement, il n’avait encore rien planifié, rien mis en place. S’il venait à la rencontrer maintenant, il serait totalement désarmé.
L’homme se demandait néanmoins ce qu’il avait pu advenir réellement d’Hannah. Pas ce qu’il avait pu lire ou entendre dans les journaux et autres presses à scandale. Le côté superficiel ne l’avait jamais intéressé. Ce qui l’intriguait chez Hannah, cela avait toujours été la partie submergée, celle à laquelle personne n’avait accès. Celle à laquelle lui avait eu néanmoins le privilège de goûter. Avec horreur il réalisa que de son côté elle devait avoir passé l’éponge et être passée à autre chose. En effet, qui d’autre aurait vécu avec un souvenir pour seul compagnon pendant toutes ces années ? Il calcula machinalement et réalisa que cela faisait une quinzaine d’années depuis cet été là. S’ils s’étaient croisés, ils ne s’étaient jamais réellement parlés. Il avait beau ressentir ce vide en lui depuis que la jeune femme lui avait envoyé une missive mettant fin à leur histoire, il ressentait aussi énormément de rancœur à son égard. Et si ce qui les unissait auparavant était tout ce qu’il y avait de plus fort et profond, aujourd’hui cela se résumerait probablement à un contact très superficiel. Elle était non seulement celle qui l’avait abandonné en plein milieu d’une passion sans nom mais elle était aussi la fille de celui qui l’avait réellement détruit. Il ne voulait pas l’affronter dans ce musée. Il ne voulait pas lui faire face maintenant ! Il aurait voulu la voir en chair et en os mais le risque ne valait pas la peine d’être pris. Où avait-il la tête ? Il n’était plus le Lawrence de ses vingt ans. Il avait vieilli, n’était pas sur son trente et un et surtout n’avait rien prévu, rien décidé… Il se leva brusquement, tourna les talons pour partir mais se heurta à la présence de celle qu’il voulait fuir. Depuis combien de temps était-elle arrivé dans la pièce ? Il n’en savait rien. Tout ce qu’il savait c’était que c’était désormais trop tard que pour prétendre ne pas avoir été au même endroit qu’elle au même moment. Et surtout, devant la Hannah de 2016, il restait sans voix.
Son regard la perçait presque. Il ne disait rien, immobile auprès du divan qu’il venait de quitter. Hannah… C’était bien elle. S’il avait laissé le flux d’émotions qui le prenaient au cou l’envahir, il aurait certainement pleuré. Car elle était superbe. Magnifiquement superbe. Mais une beauté tellement froide en comparaison à celle qui autrefois se tordait sous ses doigts avec le regard rieur. « Hannah… » murmura-t-il. Il devait faire ou dire quelque chose de plus mais il était sans voix. Perdu dans une sorte de continuum ou l’espace et le temps ne comptaient plus. Tendre la main pour la toucher aurait été une erreur fatale et pourtant cela aurait probablement été la seule manière pour lui de se convaincre qu’elle n’était pas un simple mirage, le fruit de son imagination. « It is such a pleasure to meet you here. » Foutaises. Il n’avait aucun plaisir ici. Il était juste terriblement confus. Mais sa voix ne le trahissait pas. Après tant d’années à avoir été persécuté par la haute société, il avait appris à maîtriser ses émotions et à n’en laisser transparaître aucune. Le loup solitaire était devenu un expert dans l’art de la dissimulation. Le jeune Lawrence savait déjà y faire, il savait se fondre dans une foule et prétendre y être à sa place. Aujourd’hui, l’homme qu’il était devenu, savait tout garder pour lui. Et le regard surpris et presque mélancolique posé sur Hannah s’était vite dissipé pour laisser place à un visage plus assuré et dégageant une certaine désinvolture trompeuse. « What are you doing in town ? » Pouvait-il plus la vexer ? La Miss Siede actuelle était une icône par ici. Tous la connaissaient de par ses images sulfureuses qui défilaient sur des affiches publicitaires, de par ses personnages adorés sur scène. Pouvait-il vraiment être passé à côté de tout cela ? Oui. Il l’avait fait même pendant quelques mois. C’était facile à comprendre, dès qu’il voyait son nom quelque part, il sautait le paragraphe qui s’y rapportait. Car elle était une faille, une faiblesse… et s’y intéresser n’aurait fait que lui donner plus de relevance, plus d’existence, plus de force pour le mettre à terre.
Hannah savait qu'elle avait passé l’âge de déprimer, elle n’avait plus dix-sept ans, ne pouvait pas se tourner dans ses draps de soie et exiger que son père lui achète quelque chose, n’importe quoi, pour faire passer l’ennui et la peine. Ça ne fonctionnait plus comme ça, quelque part, la brune avait envie de revenir à cette époque dorée où tout avait encore un semblant d’innocence et de nouveauté. Maintenant ? Elle n’en était plus aussi certaine. Elle avait un goût amer dans la bouche et tout l’alcool et les cigarettes du monde ne pourrait pas soigner ce remède là. Si seulement c’était entre ses lèvres... c’était partout désormais et même son coeur, elle avait l’impression qu’il pouvait aussi disparaitre sous un coup de talon et qu’elle pouvait passer à autre chose. Dramatique ? Bien sûr qu’elle l’était, c’était ce qu’elle devait faire pour vivre et Hannah avait toujours été trop fragile. Trop généreuse, trop aimante et bien trop sotte. Les épaules redressées, les regards froids et les diamants, c’était pour les autres, c’était pour faire fuir et pour que personne ne vienne fouiller et se risque à voir. Se risque à voir qu’elle ressentait bien plus fortement qu’une personne normale et c’était bien pour cela qu’elle était incapable de faire les choses à moitié. Jamie avait laissé quelque chose de froid dans son coeur, elle était certaine désormais, l’échange n’avait pas été équitable et Hannah pouvait retourner ça dans sa tête dans tous les sens, ça n’allait rien changer. Ce qui avait été fait était fait et il n’y aurait personne pour la redresser.
Elle n’aurait laissé personne le faire de toute façon, c’était complètement impensable dans son monde. Il lui fallait quelque chose d’autre, quelque chose qui ne serait qu’à elle et qui ne serait pas corrompu par les mains des autres, juste quelque chose pour l’inspirer. En temps normal, comprenez à New York, Hannah aurait saisi la première jupe qui lui serait tombée sur la main et serait allée s’installer sur les marches du MET avec un bon roman, juste pour oublier quelques heures qui elle était. Hannah était le genre de lectrice naïve qui pouvait tout gober et tout accepter d’une intrigue du moment que tout était écrit sur le papier, c’était ça le compromis. Mais pas de MET à Brisbane et même elle réalisait que ce n’était guère raisonnable de se payer un billet d’avion maintenant. On avait besoin d’elle ici, la troupe, les producteurs et agents qui ne cessaient de la contacter depuis la première, un mal pour un bien donc… C’était au musée de Brisbane qu’elle s’était donc réfugiée pour la journée, certaine de ne croiser personne d’indésirable, Joanne devait forcément être chez elle à cause de sa grossesse et Jamie devait être avec elle. Pas de journaliste, rien à part le silence quasi-religieux de l’endroit et son roman. Rien d’autre que les pages et les mots, et elle respirait un peu plus et elle s’oubliait pour des héros qui avaient des problèmes et des préoccupations qu’elle pouvait comprendre, elle qui était réfugiée là, un chapeau posé sur ses mèches brunes, son gilet noir encore sur le dos, cachant sa robe blanche, son sac sur une épaule et ses boucle brune sur l’autre. C’était presque comme retomber en enfance quelque part et retrouver toutes ces histoires qu’elle aimait tant et qu’elle allait ensuite raconter à Nathan, pour avoir le plaisir de voir son père s’émerveiller aussi. Un rire presque sincère, presque innocent fini par lui échapper et elle ferma son roman une seconde, un soupir au bord des lèvres.
Elle chercha son téléphone dans son sac, peut-être qu’il était temps de rentrer, la dernière chose qu’elle voulait c’était tomber sur un ou deux paparazzi en sortant d’ici. Hors de question. Hannah se leva, cherchant une sortie la plus proche et ce fut là que tout sembla basculer. « Lawrence ? » Elle avait murmuré elle aussi, presque clouée sur place par ce visage familier et pourtant si étranger à la fois. Pourtant elle ne rêvait pas, il était là, celui qui avait partagé ses songes et ses espoirs pendant tellement de nuits et qui avait été le premier à briser son coeur... le tout premier.Dear Lawrence, this would probably be my last letter, I have to think about myself and I’m going to turn seventeen soon and… La brune pouvait se revoir dans sa chambre, le stylo plume à la main, les yeux remplis de larmes. Qu’avait été son excuse à l’époque ? Oui, elle avait prétexté qu’elle était trop jeune, trop incertaine et avait repoussé l’homme qu’elle avait… qu’elle avait aimé. Hannah ne s’attendait pas à ce souvenir aussi précis, ni encore les articles de journaux qu’elle se rappelait encore avoir lu sur lui, son père lui avait dit de ne plus poser de questions, de ne dire à personne que c’était avec cette homme-là qu’elle avait perdu sa virginité et… Lawrence Blake était devenu un fantôme. Juste un fantôme dont on ne parlait pas en soirée. Et pourtant il était là, plus vieux, plus marqué, plus réel… Le brun avait changé, physiquement, ce n’était plus un garçon, mais définitivement un homme qui s’adressa à elle. Avec un recul certain, avec une voix maitrisée… Oh oui bien sûr, Hannah aurait pu rire, elle aurait pu en pleurer, elle lui avait brisé le coeur, n’est-ce pas ? Et ignorée et maintenant, il avait grandi, il avait oublié. Mais... Se souvenait-il lui avoir promis son coeur, à elle ? La première. Il ne pouvait pas l’avoir oublié, il pouvait prétendre et prendre ses distances autant qu’il le souhaitait mais si Hannah savait bien une chose, c’était qu’elle avait marqué l’homme qui se tenait à quelques mètres d’elle à tout jamais. « A pleasure really ? You'd lie just to stay polite, I suppose that’s the right thing to do… » La brune eut un sourire pour lui aussi, rangeant son livre dans son sac et prétendant s’intéresser au tableau. Lawrence ne savait pas qui elle était, il n’avait absolument pas la moindre idée de la femme à qui il avait donné naissance en quelque sorte en retournant sur le campus après cet été là. Il ne savait pas qu’elle s’était moquée de tous après, surtout des hommes et qu’elle avait juré de tous les regarder courber l’échine devant elle. Elle doutait que le Blake soit choqué face à sa très longue liste d'amants, mais il fallait avouer que c’était réconfortant. Hannah avait momentanément oublié sa peine, presque possédée par la rancoeur encore plus grande qu’elle avait pour lui, le premier qu’elle avait aimé.
« For your information, I live here, I've been here for four year now. » Devait-elle mentionner son père ? Hannah cessa sa contemplation du tableau un instant et fixa de nouveau l’homme. Elle avait refusé au fil des années de savoir ce qu’il était devenu, avait refusé que Rosalie lui donne de ses nouvelles, ce n’était pas comme ça qu’elle voulait revoir Lawrence. Aujourd'hui semblait être un bien meilleur jour pour recommencer à jouer. « But I think I should probably leave you alone right ? » Elle posa la question alors qu’elle amorçait déjà un mouvement pour partir, Hannah passa tout près de lui et lâcha un simple : « If I'm correct that was your thing back then… I could be wrong. It’s been a long time after all. » et s’éclipsa vers le tableau suivant. Hannah avait trouvé une nouvelle partie d’échec, restait à savoir si Lawrence pouvait jouer, en ce qui concernait Hannah, elle estimait ne plus rien avoir à perdre, Jamie ayant gagné la partie précédente.
Plus rien n'avait d'importance désormais. Devant lui se dessinait une femme, le souvenir d'une adolescente... Et tout ce que le sire Blake était capable de faire c'était de se taire. La dévisager ainsi était le comble de la grossièreté dans le monde dont il était issu. Mais il ne s'en souciait pas. Car il s'était totalement perdu devant cette rencontre inattendue. Il ne s'agissait pas d'une vieille voisine retrouvée après des années, elle n'était pas une collègue de lycée dont il avait perdu la trace ni même un membre de la famille qui avait déménagé... Non, elle était la première à avoir gravé son nom sous sa peau. La première, la dernière, l'unique. Inconsciemment, il pensa "L'éternelle". Parce que Lawrence avait fréquenté des femmes, ça oui. Mais aucune n'avait pu essuyer le goût amer qu'il avait gardé de cette expérience ratée. Pourtant il ne pouvait y penser sans sourire. Parce que bien qu'elle, cette odieuse mais splendide jeune fille, l'avait détruit de l'intérieur, elle avait aussi donné un sens à la vie de Lawrence. Certes, elle le lui avait ôté en partant. Mais ces mois d'été avaient mérité toutes les peines possibles. Parfois il se disait même que tout ce qu'il avait enduré par la suite n'était que pure justice. Il devait compenser le trop plein de bonheur auquel il avait eu droit par des douleurs énormes. Car rares sont ceux qui ici bas avaient la chance de goûter à des plaisirs aussi doux et merveilleux que celui de l'amour pur, de l'amour chaste, de l'amour éternel.
Il la regardait et il semblait deviner qu'elle savait qu'elle avait toujours de l'emprise sur lui. Pas forcément elle la Hannah d'aujourd'hui mais elle, le fantôme de la gamine qu'il avait adorée autrefois. Celle qu'il avait chéri avant de détester. Passant sa main sur son coeur inconsciemment, il avait effleuré le carnet contenant ses pensées. Parce que justement celles-ci se dirigeaient vers la poésie et vers ses amoures passées. C'était dans son édition d'Hamlet qu'il avait conservé la terrible lettre qu'elle lui avait envoyé. Une sorte de clin d'oeil cynique qu'il faisait à Shakespeare. Qu'aurait donc pensé ce dernier de l'histoire de Lawrence? Oh, ils étaient clairement à la hauteur des tragédies qu'aimait mettre en scène le célèbre dramaturge. Et leur histoire collait parfaitement à la poésie sombre de ses vers. Baudelaire en aurait fait une belle pièce. Mais c'était Shakespeare qui inspirait Lawrence. Il voyait la trame avec facilité: deux gosses de riche, éperdument amoureux qui se séparent après que l'homme ait volé la vertu de sa bien-aimée. Un scandale éclatant et le jeune homme incriminé par le père même de celle qu'il avait sauvagement aimée. Une chute sociale, l’opprobre, l'humiliation et l'exclusion de la société. Et enfin cet amour inachevé qui continuait d'assoiffer l'un des héros principaux. Lawrence se demandait quelle fin Shakespeare leur aurait donné. Se serait-il fait tué par le père après qu'il ait découvert que sa fille était de nouveau dans les bras de son Don Juan? Aurait-elle épousé un frère du jeune homme tandis que celui-ci se serait laissé emporter par la maladie?Seraient-ils morts sous le joug d'un poison mortel? Et il regardait Hannah, réalisant que la voir ainsi devant lui... c'était déjà un poison pour sa vie. La distance qu'ils affectaient tous deux était tellement risible. Ils avaient partagé la vie ensemble, leur personne, leur intimité et aujourd'hui, ils se comportaient comme deux étrangers qui se rencontrent à la gare avant de prendre chacun un train différent.
Il entendit son prénom murmuré par la voix d'Hannah et un murmure froid traversa sa peau. Cette voix n'avait pas changé elle. Cette façon de prononcer son prénom était semblable à une dague qu'elle faisait glisser le long de son échine, l'amenant lentement jusqu'à se jugulaire pour le menacer avec la douleur des souvenirs. Pourtant il demeurait impassible. Il le devait. Il lui avait tout offert autrefois et elle l'avait détruit. Il ne pouvait se permettre ce luxe à nouveau. Tout simplement parce qu'il savait qu'il ne s'en relèverait pas. Il ne s'était toujours pas relevé complètement du premier assaut. Et sa fierté lui indiquait de ne plus ployer devant ce regard noisette qui le hantait. C'est pour cela que les mots sortirent nonchalamment, comme s'il ne se souciait en rien de ce qui se passait, comme s'il était parfaitement à l'aise. Et Hannah de lui répondre avec ce petit sourire presque ironique. Oui elle avait raison, la bienséance voulait qu'il soit poli. Lui cependant désirait crier, la prendre par les bras et la secouer pour lui demander amèrement ce qu'elle attendait qu'il fasse. Comment était-il supposé se comporter? Mais cette rage intérieure, cette affreuse tristesse restèrent silencieuses tandis qu'il souriait poliment bien qu'affichant une moue navrée "Well I guess that's what I'm supposed to do, don't you think?" La politesse était une des premières choses à maitriser dans leur monde. Et bien qu'il aurait probablement dû lui cracher aux pieds parce qu'elle était la fille du plus misérable des hommes sur terre, il ne pouvait agir de la sorte. Pas s'il voulait continuer à discuter avec elle. Il fit un pas pour se tourner vers la peinture qu'elle préférait regarder désormais."Though I must say it really is a pleasure to see you, you didn't change that much." Evidemment, elle avait changé un peu. Mais l'âge n'avait fait que solidifier les traîts principaux d'Hannah. C'était comme s'il ne pouvait voir en elle que ce qu'il avait toujours vu: son âme. L'enveloppe corporelle n'était là que pour duper ceux qui ne s'intéressaient pas à la vraie Hannah. Et Lawrence, bien que tenté d'oublier qui elle était, n'arrivait pas à le faire.
"Oh, so this means, in the end, you realized you couldn't live so far from me!" Il avait un sourire ironique sur le visage. Il aurait pu prétendre qu'il était étonné qu'elle soit à Brisbane depuis si longtemps et que leurs chemins ne se soient pas croisés mais c'eut été ridicule. Ils ne voulaient pas se voir. Elle, il ne savait pas exactement pourquoi mais il ne pouvait qu'imaginer le déshonneur de se savoir souillée par un homme aussi indécent qu'il était supposé l'être. Et lui, lui eh bien... comment aurait-il pu souhaiter affronter à nouveau sa chute sociale dans les yeux de celle qu'il avait tant estimée? Elle confirma qu'il était mal venu pour elle de traîner en sa compagnie en faisant un pas pour partir et secouant la tête avec dépit, il répondit presque méchamment "Oh yes, I imagine your daddy wouldn't aproove this" dit-il en se désignant avec elle du doigt. "Yes, yes you should definitely leave." Son sourire amer se dressa sur son visage tandis qu'elle lui plantait un dernier couteau dans le dos. Vigoureusement, alors qu'il venait de planter son regard sur un tableau sans intérêt, il fit volte face pour la regarder droit dans les yeux. Elle se défilait en marchant vers une autre toile et instinctivement, il la suivit avant de la contraindre à le regarder aussi. Sa main sur son bras l’électrifiait mais il ne desserrait pas l'étreinte de ses doigts autour de ce membre presque décharné. L'obligeant à lui faire face, il chercha à parler sans que sa voix ne tremble et très froidement demanda "What's this supposed to mean?" Il avait été vexant en mentionnant l'emprise qu'avait son père sur elle mais il n'avait fait qu'évoquer une réalité. Là, elle faisait tout autre chose selon lui, elle l'attaquait. Alors que rien n'indiquait qu'elle l'autorisait à envahir son espace personnel, il fit un pas pour se rapprocher d'elle. Ce qui d'antan était un mouvement apprécié et désiré sonnait là plus comme une menace silencieuse. Il se sentait insulté et surtout bafoué. Il avait suffisamment pâti des blâmes de la société pour des fraudes qu'il n'avait pas commises. Il ne tolérerait pas qu'elle lui impute une rupture pour laquelle il n'avait aucune faute. "You're only trying to make me look like a fool don't you? This is just a game to you I guess. What's to win for you?" Ses yeux pétillaient tandis qu'il l'interrogeait. Qu'avait-elle à gagner en se moquant de nouveau de lui? Pourquoi chercher à le démolir à nouveau. "Do you need this to make your life look a little bit better?" Au moment où ces mots traversèrent ses lèvres, il les regretta. Car Hannah avait toujours été imbuvable, hautaine et méchante. Et il savait, oui il savait, que cela n'était en effet qu'une carapace pour fuir ce monde cruel qui ne comprenait rien à qui elle était. Plus faiblement, il ajouta très vite "Don't do this. I'm not asking you to invite me into your life, I'm not asking you anything actually but just don't do this, don't act as if I wouldn't know who you are or as if I wouldn't care." Il lui avait offert une petite part de vulnérabilité en précisant qu'il pouvait encore tenir à elle. Pourtant cela contrastait avec la dureté des traits fermés de l'homme qui se tenait devant Hannah. Il s'était mordu la langue mentalement quand il avait dit à voix haute "who you are" au présent alors qu'un temps passé aurait pu mieux s'appliquer. Mais quelque part en lui, alors qu'il la regardait, il se disait qu'il continuerait toujours de la connaître. Parce que la Hannah de cet été là c'était le fond de son âme qu'elle lui avait révélé. Et ça, ça ne change jamais, si?
Hannah avait ce qu’il fallait pour exercer le même métier que son père c’était certain. Une bonne assurance, du répondant et surtout le point le plus important, elle savait précisément là où appuyer pour que cela fasse mal. Son père lui avait répété pendant des années, on se fichait bien de savoir si la personne était innocente ou pas, tout ce qu’il fallait faire c’était se mettre les bonnes personnes dans la poche et ce en peu de temps, il était ensuite absolument impossible de le faire oublier ce qu’il venait de dire. Et la brune n’était peut-être pas diplômée en droit, ne passait pas à la barre pour gagner sa vie mais elle avait bien retenu les quelques leçons de vie que Nathan lui avait enseigné. Car déprimée ou pas, coeur brisé ou non, personne ne marchait sur les pieds d’un Siede et ce n’était pas parce qu’il s’agissait de Lawrence qu’Hannah allait se montrer clémente. Il avait un sérieux avantage par rapport aux autres. Il l’avait vue douce, il l’avait connue innocente, avait vu un semblant de la vraie Hannah, un peu comme Jamie dans un sens, mais c’était bien quelque chose qu’elle ne comptait pas lui redonner de nouveau. Elle avait ses raisons pour être en colère contre le brun, contre cet homme qu’elle avait tant aimé et qu’elle avait porté toute seule dans son coeur. Tout ça pour quoi ? Pour qu’il soit gracié, pour qu’on lui dise de l’oublier et qu’il se tienne devant lui aujourd’hui pour lui faire des leçons de moral. Vraiment, qu’ils jouent à ce petit jeu parfait, Lawrence allait perdre. Elle n’avait plus seize ans, elle n’avait plus peur de ses émotions ou de dire quelque chose qui sortait de l’ordinaire.
Si le brun était vexé désormais, c’était juste parce qu’Hannah avait dit la vérité, il était seul, il avait toujours été seul, même lors de leur jeunesse, il avait toujours pris une certaine distance sur leur monde, pour consigner dieu seul savait quoi dans son précieux carnet. Critique ? Probablement. Un artiste ? Hannah ne l’avait jamais su dans le fond et ça ne l’intéressait pas. Quoi qu’il en soit, Lawrence était là, juste là, sa main refermée sur son avant bras. Un simple contact qui la ramenait tellement d’années en arrière mais Hannah ne fit rien pour se dégager de son emprise. Il croyait que quoi, il allait la traiter de petite fille à papa et qu’elle allait perdre les pédales ? Elle en avait vu d’autres. « Darling trust me… You already look like a fool. » lâcha lentement la brune avec un sourire aux lèvres. Elle avait remarqué qu’il s’était rapproché d’elle, Lawrence voulait des explications, au nom de quoi ? Il méritait certainement qu’elle le gifle et qu’elle mette le plus distance possible entre eux mais elle ne le fit pas. La brune se rapprocha également de lui, le silence du musée paraissant un peu trop pesant à cette seconde. Les silences n’avaient jamais été un problème pour eux, jusqu’à maintenant. Leur été s’était fini trop brusquement trop rapidement et la vie les avait marqué. Hannah était curieuse, elle savait qu’il n’était pas vraiment énervé contre elle, pas uniquement contre elle, il devait détester également tout ce que cette riche héritière devait représenter. Hannah fit un pas de plus vers lui, elle le fixa, certainement d’un peu trop près. Peut-être qu’elle cherchait dans ses prunelles celui qu’elle avait aimé, celui qui pouvait encore rêver… peut-être. « Then don't act like you have any right over me Lawrence. » La voix d’Hannah était à peine plus élevée qu’un murmure et pourtant son regard était froid.
Que pensait-il ? Les années étaient passées par là, ce n’était plus comme avant, il ne pouvait pas juste espérer reprendre là où ils avaient laissé leur petite idylle d’enfants. La brune n’était certainement plus une enfant et elle pouvait voir à quel point il avait été gourmand à l’époque, lui qui aurait du être adulte et responsable. Mais c’était du passé, leur passé, pourquoi le nier ou tenter d’inventer autre chose ? Hannah n’avait aucune raison d’avoir des regrets elle le savait, cependant Lawrence ne pouvait pas débarquer dans sa vie, jouer à son petit jeu de loup solitaire et espérer avoir quelque chose en retour. Il ne réalisait pas qu’il avait face à lui une Hannah différente. Dans ses dernières lettres, elle lui avait exprimé son désir de grandir, de se produire sur scène, de voir le monde, d’apprendre une autre langue et de se dépasser. Il ne savait même pas qu’elle avait fait toutes ces choses-là, toute seule, sans l’aide de personne, sans le soutien d’un homme pas même celui de son père. C’était son propre talent qui l’avait porté dans des salles de théâtre différentes, devant des photographes différents et dans les magazines. Il ne la connaissait pas et elle ne le connaissait pas, et dans le monde de cette Hannah grandie et changée, les hommes n’avaient pas vraiment d’importance. Il n’y avait rien d’autre à lui montrer et il n'y avait rien d’autre à ajouter, du moins par pour lui. « You don’t know who I am, you have absolutely no idea of who I am. But I won’t blame you, most men never do find out. Women are usually luckier, but then again, it depends on my mood. » Elle glissait aussi facilement un commentaire sur sa bisexualité, chose qu'il ne pouvait pas vraiment savoir dans le fond. « I’m not doing anything except telling the truth, or maybe I should go ask to my dad first, hmmm ? » Un autre sourire et une autre remarque tout aussi facile, elle n’était pas la seule à lancer des piques, Lawrence n’était pas un saint, loin de là. « You’ve changed, you grew up into an asshole apparently…. Can I have my arm back now ? »
Il avait espéré que le temps le guérirait. Il avait vécu des années loin d'elle, loin de ce monde qui l'avait détruit. Pourtant il avait suffi d'un regard pour qu'il se retrouve à nouveau plongé dans ce chaos sentimental. Il n'était plus amoureux, il était sous l'emprise d'une rage contenue. Parce que Hannah n'était pas n'importe laquelle de ses exs. Elle était celle à qui il avait voué un réel culte. Elle s'était immiscé dans sa vie sans qu'il ne sache réellement ce qui lui arrivait. Et il n'avait compris que trop tard à quel point l'amour qu'il lui portait pouvait être vénéneux. Parce qu'elle n'était pas n'importe quelle fille, elle ne deviendrait pas n'importe quelle femme... elle était une future dame de glace. Le genre qui vous écraserait en respirant seulement. Et cette femme-là était devant lui en cet instant.
Au cours des années, il s'était toujours représenté Hannah sous un voile nostalgique. Il l'imaginait dansant sous les rayons du soleil, dans cette petite robe d'été qui était tombée de son corps la première nuit. Il l'avait revue sous mille angles, ne se lassant jamais du sourire sincère qu'elle portait à ses lèvres lorsqu'il posait les yeux sur elle. Parce que ce qu'ils avaient eu était magique. Mais voilà que la magie cédait la place à la désillusion. Ne restait-il rien de tout cela dans le coeur de la reine des glaces? Elle avait souligné qu'il était hypocrite de se parer de politesses et il avait senti un pieu se planter dans son coeur en réalisant que le mieux qu'il pouvait attendre d'elle c'était justement cela... de la politesse. Il n'obtiendrait probablement plus rien d'autre. Amer, il refoulait ses songes et cherchait à faire face à celle qui semblait dure et droite devant son premier amant. Elle lui avait porté un coup presque fatal en osant sous-entendre que c'était lui qui avait eu un mauvais comportement auprès d'elle, qu'il était parti. Et saisi par la fourberie du reproche, il avait agi sans réfléchir. Retenant celle à qui il avait confirmé qu'elle aurait mieux fait de partir, il cherchait à la faire parler. Si seulement il avait pu se taire, si seulement il l'avait laissé s'en aller. Le venin vint se planter en lui et il ne répondit pas. Il était fou n'est-ce pas? Croire qu'il aurait pu discuter normalement avec elle... c'était de la folie. Mais quelque part au fond de lui, il avait espéré qu'elle n'aurait pas jeté leur idylle aux oubliettes. Il pensait que derrière les racontars de son père, elle aurait gardé l'estime qu'elle avait pour lui. Mais Nathan Siede avait tout saccagé et une lueur de réelle folie brilla dans le regard de Lawrence. Oui, il se vengerait. Non pas pour la déchéance sociale que le scandale lui avait imposé... mais pour le regard méprisant qu'Hannah portait sur lui. Qu'importe ce que ça lui coûterait, il n'avait plus rien à perdre, il avait déjà tout perdu. Elle ne serait jamais de son côté, elle se moquait déjà de lui alors qu'elle n'avait rien vu de ce qu'il était devenu. "I should have guessed she would become superficial." Il ne prononça pas ces mots mais les pensa très fort. Parlant plutôt pour chercher à apaiser les tensions présentes, en lui demandant de ne pas faire comme si leur histoire n'avait eu aucun impact, comme si il ne savait pas qui elle était. Et elle frappa à nouveau. Il n'avait éffectivement aucun droit sur elle. Silencieux, il la pénétrait du regard, attendant qu'elle parle, qu'elle parte, qu'elle décide... il n'en avait plus rien à faire. Pourtant il murmura sévèrement et avec reproche "I never had any right on you. Don't do as if I didn't know that already." Et il se blessait mortellement en disant cela. Parce qu'il avait sincèrement cru qu'il avait des droits sur son coeur. Parce qu'il avait pensé que leur amour était tellement vrai, tellement pur, qu'ils n'étaient plus qu'une personne séparée en deux corps. Et maintenant, elle le forçait inconsciemment à renier tout. Parce qu'il ne voulait pas la laisser le dominer comme s'il était un chien, un gueux sans la moindre valeur à ses yeux. Si elle voulait fouler ce qu'ils avaient eu, alors il irait se rouler dans la boue avec elle.
Il n'avait pas pris de nouvelles d'elle, il avait évité de s'intéresser à sa vie et s'en portait mieux ainsi. Quelle ne fut donc pas sa surprise d'entendre de celle qu'il avait tant aimée qu'elle était... bisexuelle? Il ne s'y attendait pas et se demanda quel était le but de cette confession. "What am I supposed to do with that? Should I congrat you for your open mind? Well, congratulations, you're openminded in at least one way!" Il pestait intérieurement. S'il s'était tenu à l'écart des potins qui la concernaient c'était pour ne pas avoir à l'imaginer avec un des hommes qui figureraient à ses côtés. Maintenant il saurait que même les femmes pouvaient passer dans le lit de la voluptueuse Hannah. Elle répondit et il fut prit de nausée. "Yes? Telling me the truth? Does your father know all the truth about you golden child?" Parce que son père à lui, il savait tout sur Lawrence. Son père l'avait fait et défait. Mais Hannah pouvait-elle affirmer la même chose? Et si oui, était-elle la raison pour laquelle Nathan Siede avait décidé de détruire Lawrence?
Elle souriait constamment, cachant ainsi ce qu'elle ressentait. Elle n'avait pas changé. Elle avait beau prétendre que si, il voyait toujours la gamine apeurée qui cherchait à se protéger du regard inquisiteur de la société. Ses sentiments devaient juste être enfouis bien plus loin en elle qu'avant. Il réalisa qu'il la tenait toujours par le bras et quand elle lui en fit la remarque, relâcha instantanément sa prise. C'était inconscient. Probablement qu'une part de lui s'accrochait à elle. Il aurait voulu pouvoir la toucher tout comme sa main touchait son bras. Mais son esprit était fermé. "Yes I became an asshole... so that's what you think of me, uh?" Il recula, prit de la distance et s'assit dans le velours rouge qu'il venait de quitter. "I have to ask though, is this what you think or what you've been taught to think?" La société avait porté un jugement sur lui, la presse en avait fait un bouc émissaire. Rares étaient ceux qui avaient imaginé qu'il puisse réellement être innocent. Et pourtant pour toute personne qui y regardait de plus près, cela piquait les yeux. "Would you have dared to talk to me if we wouldn't have been alone here?" Il l'accusait clairement d'être superficielle, d'être dirigée par son père et par les préceptes de la société. Mais il avait changé de ton. L'accusation n'était plus tant voilée de mépris que de tristesse. Il changeait de stratégie.
Contrairement à ce que Lawrence semblait penser, Hannah n’espérait absolument rien quand elle provoquait de la sorte. Elle se contentait de récolter le résultat et d’aviser en conséquence. Aussi, alors qu’il relâchait son bras, Hannah prit conscience de plusieurs choses.
La première était qu’une part d’elle était contente de le revoir, impossible d’oublier son premier amant et surtout pas son premier amour. La liste des hommes qui étaient passés dans le lit d’Hannah était peut-être longue mais lui, Lawrence, aurait toujours une place particulière. Il lui avait fait découvrir une part d’elle qu’elle n’aurait jamais soupçonné et rien que pour ça, elle ne pourrait jamais se montrer ingrate, pas complètement du moins. Elle avait été jeune à l’époque, naïve dans un sens, se contentant de se renseigner sur le sexe dans les divers livres qui peuplaient sa vie, mais un contact, ce n’était pas la même chose. C’était mille fois plus réel, plus sensuel et c’était quelque chose qui faisait battre votre coeur, vous laissait sans voix pendant la nuit jusqu’au petit matin... Ce qu’Hannah réalisa aussi c’était qu’il était incapable de reculer, de la laisser partir et il s’en voulait pour ça, elle était sa faiblesse et il se maudissait pour ça. Il avait beau faire semblant de ne pas s’intéresser à elle et revêtir tous les masques possibles... Hannah connaissait bien toutes ces parades-là, elle les avait elle-même utilisées pendant des soirées où tout ce qu’elle avait envie de faire était hurler. Ils l’avaient même fait ensemble plus jeune, tous les deux ennuyés par ce que le rang exigeait d’eux. Elle connaissait Lawrence beaucoup plus que n’importe quel homme qui avait partagé son lit. Elle pouvait reculer, il était encore temps de faire demi-tour et se trouver une autre distraction mais, dernière chose qu’Hannah venait de réaliser, c’était qu’elle ne pouvait pas reculer.
Non, pas quand il était là, pas quand il était à sa portée. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il avait fait et la brune passait sûrement pour la méchante de l’histoire mais elle aussi, elle avait eu mal. Elle avait été dévasté quand il avait regagné l’université, elle avait versé des larmes en voyant que leur été était fini. Attendre n’était pas une option quand on avait promis l’éternité à quelqu’un, Hannah s’était sentie tellement vide lors de cette rentrée là, tellement moche et hideuse et ... oui, elle avait choisi l’issue la plus facile, mais elle s’était libérée, elle avait fait ce qu’il y avait de mieux, elle ne se voyait pas plonger dans les ténèbres à chaque fois qu’ils étaient séparés. Elle lui avait dit je t’aime cet été là et elle l’avait pensé, pensé de toutes ses forces de jeune fille mais ils n’avaient pas pensé à l’aspect négatif de leur amour, à tout le reste. Elle ne pouvait pas dépendre de quelqu’un si jeune, pas vrai ? Hannah soupira dans le présent, le regardant s’asseoir, ils étaient encore seuls face à ce tableau, seuls pour quelques minutes alors elle pouvait se permettre de lui expliquer pourquoi elle était encore là. « And what ? Miss the opportunity to say hello to a good friend ? » Là, Hannah était sarcastique, elle le faisait exprès et elle aurait bien voulu avoir une bonne cigarette juste pour pouvoir lui renvoyer la fumée à la figure, juste parce que. Parce qu’il avait tort de se concentrer uniquement sur l’enveloppe et qu’il faisait comme tous les autres au final. Dans le fond, la brune espérait... un peu plus de lui ? Oui, sûrement.
Hannah eut un autre soupir avant de s’asseoir elle aussi. Elle lui tournait volontairement le dos, ses jambes de l’autre côté, pensive. Il l’accusait à tort, elle lui aurait parlé quoi qu’il advienne, on n’effaçait pas les années aussi facilement et si Hannah avait bien retenu quelque chose de ces dernière semaines passées au coté de Jamie, c’était qu’il fallait bien en profiter et souvent ne pas se poser de question. Même si c’était foncièrement mal et que ce n’était pas rationnel. « In case you haven’t noticed I’m not just a narcissistic bitch... I do have a heart. » Un coeur qui avait appartenu à Lawrence, qui était toujours à lui dans un sens, il n’était pas le seul à avoir pris quelque chose, meme s’il était le premier à l’avoir fait. « I did wonder about you, for a while, I read the newspapers and everything, and then I moved on. It’s called having a life. » L’héritier Blake, destitué, les gens à New York avaient été fascinés par l’histoire et c’était son père qui avait été obligé d’intervenir pour qu’on autorise le reste de la famille dans les hauts cercles de la société. Pour montrer qu’il n’y avait que Lawrence à blâmer. Est-ce qu’Hannah y avait cru ? Ça ne lui avait pas paru avoir de l’importance à l’époque, c’était comme ça, ça n’était qu’un jeu d’apparences et de qui arriverait à faire tomber les autres de leur trône le premier. Lawrence n’était pas le seul à payer les pots cassés, c’était comme ça, juste un jeu, un jeu qui impliquait des vies comme celle de l’homme. Hannah était du bon côté de la médaille pour le moment et elle en avait parfaitement conscience, autant en profiter, pas vrai ? Ça avait été toujours été sa philosophie de vivre et malgré les insultes et les moqueries, oui, elle était née avec une cuillère en or dans la bouche, elle n’allait pas avoir honte quand elle se servait de la dite cuillère pour se nourrir, bien au contraire. « You want to insult me ? You want to blame me because I do have an awful amount of money ? Because I do happen to be close to my dad...? Please you wouldn’t be the first one. We both know we don’t need a reason to hate each other Lawrence, we have enough of those. »
Le monde se dérobait sous ses pieds. Avait-il vraiment aimé de toutes ses forces? Avait-il été capable d'un amour qui vous ôtait la raison et vous perdait dans un tourbillon d'émotions? Tout cela avait-il été réel? Il lui suffisait d'un regard d'Hannah pour savoir qu'il n'avait pas inventé tout cela. Il lui avait suffi de l'entendre rire au loin pour se rappeler à quel point toute leur histoire avait été forte. Parce qu'elle avait encore le don, même maintenant, de faire naître en lui une flamme qu'il détestait voir allumée. Car elle en était l'unique propriétaire. Les femmes s'étaient succédées dans le lit de Lawrence. Elles avaient toutes eu une place dans ses bras et il les avait respectées comme un gentleman se le doit. Mais jamais aucune n'avait eu la moindre chance. Bien qu'inconscientes de cela, elles s'aventuraient toutes sur un chemin foulé autrefois par une première. Une première femme dont l'élégance n'avait d'égale que sa froideur. Une Hannah Siede qui avait gravé son nom en cicatrisant à jamais le coeur de Lawrence. Aurait-il pu prétendre que tout cela n'avait été qu'un rêve? Il avait devant lui ce rêve vivant, cette silhouette droite qui le défiait du regard et il savait qu'il pourrait la haïr tant qu'il voudrait... Elle serait toujours Hannah. Et ça, la déchéance sociale, les regards noirs sur son nom, les paroles cruelles de la femme elle-même, ça... rien ne le lui enlèverait. Sa chère et tendre Hannah, bien qu'enterrée sous un voile d'amertume, demeurait toujours là quelque part. Il la dévisageait discrètement en cherchant à se convaincre que celle qu'il avait aimée était toujours présente. Si cela n'avait pas été le cas, elle serait partie non? Pourquoi donc traîner le pas auprès de la vermine qu'il était supposé être. La trahison dans le monde des riches est le pire des pêchés. Vous pouvez aisément être infidèle, vous pouvez tricher aux cartes, vous saouler ou vous adonner aux vices de la chair sans le moindre scrupule! Mais n'allez jamais toucher aux caisses familiales, n'allez jamais mentir pour monter plus haut. L'argent est sacré dans ces sphères d'élite. Tout le monde magouille mais personne ne l'accepte. Tous font des tas de choses qui sont moralement inacceptables mais personne n'en endosse la responsabilité. Et quand vient un pauvre idiot et qu'il tombe dans ce gouffre tout préparé pour lui, cette belle tombe sociale dont personne n'est supposé ressortir, alors... plus de pardon pour lui. Ce bouc émissaire ce fut lui. Le comble c'était de savoir qu'il était à cent pour cent innocent. Coupable seulement d'être né dans la mauvaise famille. Coupable d'avoir voulu sauver son père en le mettant en contact avec celui qui allait le détruire. Celui-là même qui se trouvait être le père de la seule et unique femme de sa vie.
Et cette femme qu'il avait divinisée était froide, distante, elle le repoussait de par chaque parcelle de son être. Le sarcasme lui allait comme un gant. C'était une seconde nature pour elle. Lawrence se souvenait de la gamine de 16 ans qui s'offusquait des ironies de son amant. Il la voyait encore rougir lorsqu'il l'embrassait de manière bien trop osée en public. Et il se demandait à quel point aujourd'hui elle serait gênée s'il répétait la figure. Outrée. Elle serait outrée. Car leur passé appartenait au passé. Car leur amour n'était plus qu'une page d'un roman, une page qui avait été tournée. Mais il n'avait eu de cesse de la lire et la relire au cours des années. Il avait gardé la lettre d'Hannah, celle où elle détruisait tous ses espoirs. Tout ça pour être confronté aujourd'hui de nouveau à des mots froids et distants. Le temps n'avait rien effacé. Il avait sublimé les moments d'été, les moments qu'ils avaient aimés et ancré leur séparation, l'avait marquée dans le marbre. "What kind of heart do you have my dear? A lonely heart? Shared with no one?" Il ne la regardait pas. Elle s'était assise auprès de lui mais pourtant toutes les parcelles de leur corps révélaient un rejet total de l'autre. Ils se repoussaient alors même qu'ils se rapprochaient physiquement. Il regardait un point fixe cherchant à s'y perdre et à ne plus avoir à subir la présence encombrante d'Hannah. Elle était réellement là, auprès de lui et il se sentait suffoquer. Cette odeur, ce parfum... il n'avait pas besoin de poser ses yeux sur elle pour la sentir. Elle l'habitait depuis trop longtemps pour qu'il ait besoin d'un contact visuel. Hannah faisait partie de lui. Et il détestait qu'on réveille ce morceau de son être, il haissait d'avoir à y être confronté.
Elle avait tourné la page. Cela le blessait-il? Il ne s'attendait à rien de moins. Mais elle l'avait jugé selon les dires des journaux. Et ça... c'était horrible. Car il savait quelle image avait été donnée de lui dans les médias. Et il aurait voulu qu'elle se souvienne de lui comme de l'homme de 19 ans qu'elle avait connu. Ce jeune garçon plein d'espoirs, plein de rêves et de malice. Ce Lawrence qui se méfiait de la haute société mais qui en était une pièce essentielle. Une pièce du puzzle dont elle faisait elle aussi partie. C'était probablement là une des raisons qui le poussaient à vouloir laver son nom. Pas tant pour revenir dans ce monde de pervertis mais surtout pour se sentir encore appartenir à quelque chose qui les unissait. Et elle haussait la voix, elle se vexait de ce qu'elle pensait qu'il insinuait. Elle n'avait pas tort. Il était effectivement amer, très amer. Mais il ne lui reprochait pas ses origines. Il ne lui reprochait pas qui elle était. Il lui reprochait quoi au juste? Juste d'avoir allumé des sentiments en lui et de ne jamais lui avoir donné l'occasion de les éteindre. Elle avait ouvert les yeux du jeune Blake sur ce qu'était la vie, la vraie vie et avait tout anéanti sur son passage. Lawrence Blake avait disparu bien avant le scandale. Le Lawrence Blake d'avant Hannah ne se serait jamais laisser marcher sur les pieds comme il l'avait fait. Le Lawrence Blake de l'époque se serait battu et aurait détruit tous ceux qui avaient osé parler de lui comme d'un traître alors qu'il était le seul trahi de l'histoire. Mais ce Blake là n'existait plus. Elle l'avait réduit au silence. "So you do hate me." Il aurait voulu formuler sa phrase pour qu'elle sonne comme une question mais les mots étaient lourds. C'était une certitude pour lui, une confirmation qui venait le détruire encore un peu plus. Elle lui avait envoyé au visage qu'il était malvenu de sa part de l'agacer avec des critiques qu'elle avait déjà entendues mille fois et tout ce qu'il retenait c'était la nature de ses sentiments à son égard. Leur amour s'était transformé en haine. Vraiment? "What did I do to you to make you hate me Hannah, tell me." Il cessa de regarder l'horizon pour scruter ses mains dont les doigts se croisaient et se décroisaient lentement. "Shouldn't I be the one to hate you after all those years?" Il leva son visage d'un coup et planta ses yeux dans ceux de la femme qui était assise à ses côtés. Tels des lames portées à un assaillant passif, il la fusillait du regard mais d'une fusillade lente, amère. "And yet. I just can't hate you." C'était la vérité. Son corps se tordait, ses entrailles se mélangeaient dans un supplice sans nom et il aurait voulu la voir crier mais ce n'était pas de la haine. C'était de la rage. C'étaient des regrets. C'était une passion qui n'avait jamais fini de se consumer, de le consumer. Et s'il la haïssait c'était sans le vouloir, sans pouvoir faire autrement mais il savait que cette haine n'était pas saine. Ce n'était pas ainsi que l'on détestait les humains. Il la détestait comme on déteste un Dieu qui n'a pas écouté notre voeu le plus cher... avec une profonde déception dans l'âme. Mais sa foi... là était la question. Il luttait pour ne plus avoir la foi. Il ne voulait pas avoir foi en elle.
Qui allait finir par se brûler les ailes dans cette conversation ? Hannah ou Lawrence ? C’était difficile à dire car la brune sentait qu’ils vibraient encore à la même fréquence, un peu… un peu comme avant. Avant cet été fatidique où tout avait tout simplement basculé et qu’il avait été impossible de revenir en arrière. Le souvenir était amer et divin à la fois, oh si elle avait pu l’attraper. Le saisir avec ses deux mains et le garder tout contre lui pour le réchauffer et pour y puiser la force de se relever encore une fois. Elle pouvait encore se revoir à seize ans, si souriante et si innocente, prête à croire que le monde allait être à ses pieds. Le monde avait été à ses pieds, plusieurs fois, on lui avait tout donné, la gloire, la fortune, tout ce qui brillait et pourtant, ce n’était pas encore assez, pas assez pour que sur le visage d’Hannah apparaissent des vrais sourires et qu’elle révèle ce qu’elle savait vraiment. Peu de personnes le savait au final et peu pouvait comprendre qu’elle n’était rien qu’un oiseau enfermé dans une cage dorée. Elle avait appris à vivre avec les barreaux, elle avait appris à les considérer comme ses amis mais ce n’était pas une vie. Ce monde qu’elle maniait à la perfection, elle en était son esclave autant qu'elle en était sa maitresse. Lawrence ne savait pas, personne ne savait ce qu’elle donnerait pour être ordinaire et juste vivre de son art au jour le jour, rien d’autre que ça. Qu’on lui donne des livres, qu’on lui donne de la poésie à la place du vin, une ligne à délivrer à la place d’une cigarette, c’était bien pour ça qu’elle se trouvait dans ce musée, le moral au plus bas, cherchant quelque chose pour l’inspirer. Elle avait trouvé Lawrence, et comme à chaque fois qu’ils s’étaient croisés, tout semblait s’arrêter pour qu’ils puissent être ensemble, respirer ensemble et partager ce coeur qu’ils avaient déjà essayé de dévorer. « Sharing a heart ? I think it’s a bit too pricy even for me. » murmura Hannah avec un sourire aux lèvres, fixant toujours la toile en face d’elle, elle voyait les mèches brunes de Lawrence au coin de son oeil droit.
Si elle fermait les yeux, elle pouvait se revoir en train d’embrasser ses lèvres là et passant ses mains dans ses cheveux à lui. Si elle jouait avec lui, Hannah ne savait pas vraiment dans quel état elle allait ressortir à la fin de la bataille. Peut-être qu’elle se fichait de savoir qui allait gagner et qu’elle voulait juste plonger la tête la première dans quelque chose de familier, de connu, de doux et de rassurant. Les bras de Lawrence l’avaient été, ils avaient été son havre de paix pendant deux long mois lourds et pesant, deux mois où rien ne lui avait paru plus important que de presser son corps contre celui de Lawrence, d’y vivre et d’y mourir. Il avait été le premier, peut-être qu’il serait le dernier qu’elle aimerait de cette façon. Il était le seul homme qui l’ai jamais entendu dire je t’aime, le seul. Même Jamie n’avait pas assez digne de cet honneur et peut-être qu’il ne le serait plus jamais. Sauf qu’Hannah et Lawrence avaient changé et que si elle se ruait dans ses bras, maintenant, au moment où elle était le plus vulnérable, qui savait vraiment ce qu’il allait advenir d’elle... Allait-elle brûler ? Allait-il la faire souffrir et se délecter d’avoir enfin l’ascendant sur elle? Impossible de le dire, elle ne connaissait pas cet homme, il n’avait plus dix neuf ans et elle n’en avait plus seize. Hannah eut un autre sourire alors qu’il se posait des questions, pourquoi était-il encore là s’il doutait encore, hmm… Pourquoi? « You should. » La brune se tourna entièrement vers lui cette fois-ci, ses yeux noisettes dans les siens beaucoup plus bleu. Il était beau, Hannah le remarqua aussitôt, il avait arrêté de se sentir désolé pour sa propre personne et il se tenait enfin droit, elle aimait bien sa coupe de cheveux et cet air insolent qu’il y avait dans ses vêtements qu’aucun Blake digne de ce nom n’aurait porté. « I’d probably hate myself if I were you. »
Déteste-moi, se dit aussitôt Hannah, elle voulait voir une émotion vive sur le visage de Lawrence, elle ne savait pas pourquoi mais c’était crucial. Adieu le pardon qu’il se montre enfin sous son vrai jour, qu’il ose crier, qu’il ose la remettre à sa place. Qu'on arrête de lui pardonner ses pêchés parce qu’elle était Hannah et que c’était normal et que tous admiraient sa confiance en elle-meme, elle en avait assez. Elle voulait le voir la détester, pour qu’elle ait une bonne raison de dire adieu au souvenir du garçon qu’elle avait aimé un jour. Adieu les souvenirs, c’était le présent, qu’ils se déchirent, qu’il soit un adversaire intéressant et qu’ils arrêtent de se morfondre sur leur sort. Elle en avait assez d’être triste et de se demander pourquoi elle ne pouvait s’adapter à personne. « I do hate you… In a way. We were kids back then but we couldn’t play like kids, could we ? We had to be adults. And you took everything. You took everything from the sixteen year old girl that I was, my body, my soul, my heart… You think that didn't affect me ? I was just a girl back then, and I could still feel you between my legs after you left, after you lied to me. » Ils savaient tous les deux que l’histoire ne s’était pas déroulée ainsi, qu'ils s’étaient donnés l’un à l’autre cet été là. Qu’elle avait pris son coeur et il avait pris le sien. Cela avait été un accord mutuel gravé dans la chair même d’Hannah avec les dents de Lawrence. Son absence avait donné naissance au mensonge et elle l’avait détesté pour ça, s’il voulait savoir, alors elle lui dirait pourquoi elle avait fuit… « So excuse me if I’m not that all excited to see you, in my world you don’t even exist… And yet you’re here. Even I can see the irony. Normal people would probably… forgive each other and move on, start fresh… » Hannah se pencha vers Lawrence, presque pour l’embrasser, presque pour lui pardonner dans un sens mais elle ne pouvait pas, elle ne pouvait même pas comme ça, même pas alors que son coeur saignait parce qu'un autre l’avait piétiné. Est-ce qu’elle allait faire payer Lawrence ? Probablement. Est-ce que c’était juste ? Hannah s’en moquait, il était là, avec son propre coeur en bannière, avec très certainement le nom d’Hannah toujours dessus alors elle allait en profiter. « I know we can’t. I know I can’t. » murmura t-elle au creux de son oreille à lui, Hannah s’éloigna lentement de lui, assez pour que son parfum se dépose sur la peau de Lawrence et assez que ses mèches brunes effleurent sa joue. « Maybe I was just a fool to love you. » lâcha Hannah, assénant un coup supplémentaire à son coeur en se redressant du divan.
Combien de femmes s'étaient cassé les dents en essayant de décongeler le coeur de Lawrence? Combien s'étaient retrouvées à la rue des sentiments lorsqu'il avait fait demi-tour au dernier moment, refusant de s'engager dans une relation digne de ce nom? Pouvait-il vraiment prétendre qu'il ne partageait pas la vision d'Hannah concernant le partage d'un coeur? Après tout, il s'était laissé aller à ce luxe autrefois et... y avait laissé bien trop de plumes. Des plumes qui semblaient voler autour d'eux aujourd'hui. Elles les rappelaient à d'autres temps, des temps où leur seule peur c'était de perdre l'autre sans vraiment imaginer que cela soit possible. Parce qu'après tout ils s'étaient tout de même jurés l'éternité. Mais savaient-ils seulement quel prix pouvait avoir ce genre de promesse? Imaginaient-ils tous les deux qu'ils resteraient suspendus dans un néant sentimental, un néant que seul l'autre pourrait troubler de temps en temps avec un souvenir ou un sourire un peu vague qu'ils s'adresseraient. Elle était le tumulte, elle était le chaos. Il l'avait aimée et aujourd'hui, il ne pouvait accepter de céder à sa requête. La détester? Comment? Et pourtant il était on ne peut plus blessé de n'avoir reçu aucune contradiction à ses affirmations. Elle, elle le détestait. Pour de funestes raisons qu'il ne voulait envisager. Il aurait pu lui crier qu'elle avait tort d'ainsi faire confiance à son père. Mais c'eut été un combat sans raison, sans fin. Il ne se voyait plus rien gagné de réel ici. Tout ce qui l'attendait c'étaient de nouvelles désillusions. Parce que c'était là la raison qui le poussait à ne pas la détester : il ne voulait pas toucher à l'image parfaite de la Hannah d'autrefois. Haïr celle du présent aurait comme atténué la force de celle du passé. Et pourtant les deux se nourrissaient l'une l'autre. Les deux avaient de l'influence sur lui. Il suffisait au Blake de constater à quel point il cherchait à éviter son regard. Il mettait toutes ses forces pour résister à l'envie de la dévisager, de la dévorer des yeux seulement... trop conscient que cela le brûlerait et qu'il risquerait indéniablement d'en vouloir plus. Voilà ce qui l'avait perdu. Il en avait toujours voulu plus avec elle. Elle était comme un puits sans fond qu'il désirait arpenter à tout jamais. Et au lieu de cela le fond s'était refermé sur lui, l'emprisonnant dans un gouffre d'espoirs sans lendemain. Privé de l'air extérieur, il avait appris à croire que seule celle qui avait eu l'audace de l'aimer autrefois était digne d'être aimée par lui. Parce que cet amour elle le lui avait retiré et c'est ainsi que tout avait commencé. L'histoire d'une triste déchéance, l'histoire banale d'un homme repoussé. Et pourtant il lisait en elle. Elle n'était plus tout à fait pareille mais il devinait encore certaines de ses émotions, certains de ses sursauts, et il avait le sentiment qu'elle n'était pas réellement neutre. Mais aurait-il pu croire que ce qu'ils avaient vécu avait été un simple "sens unique"? Si à l'époque il avait des périodes de doute à cause de la frénésie de leurs ébats, à cause de l'inconscience de la jeunesse... Il avait appris par après que ce qu'il avait ressenti avait été trop fort que pour être une histoire sans conséquence. Les idylles de jeunesse ne faisaient pas de mal si longtemps, ne faisaient pas long feu, elle s'éteignaient et ne laissaient que le souvenir d'un sourire. Or Hannah n'était pas un souvenir, elle avait toujours été plus. Et lorsqu'elle osa profaner ce qu'il avait de plus cher, le sang de Lawrence s'échauffa.
Il déglutit lentement, incapable de parler tout de suite. La colère s’immisçait progressivement en lui et le ravageait. Si il avait contenu ce qu'il ressentait de négatif à son égard jusque là, c'était désormais fini. "How dare you? How dare you pretend that... I can't even say it. I, I, lied to you?" Il était tellement énervé que les mots qu'il cherchait ne venaient pas. Il n'arrivait pas à parler, il savait que s'il se précipitait, il perdrait son sang froid. Son ton froid n'en était cependant pas moins agressif. Mais si à l'intérieur il avait envie de crier, il demeurait très lucide. Elle le provoquait. Hannah avait toujours éprouvé un malin plaisir à jouer avec les gens qu'elle estimait en dessous d'elle. Avec tous quasi. Mais il avait été une exception et ne s'était donc jamais offusqué de son caractère princier. Il lui arrivait de taquiner Lawrence mais jamais de la sorte, jamais avec tant de mesquinerie. "Correct me if I'm wrong but when I was between your legs, as you say, you didn't ask me to stop, did you? Wait... I think you even asked for some more. Oh but I guess you just pretended to enjoy it for - what? - wait Oh yes, just for a whole summer!" Il était agacé et inconsciemment son ton montait. Elle jouait avec lui, c'était certain et pourtant il n'arrivait pas à calmer ses pensées. Alors qu'elle avait lâché ses absurdités, il avait attendu qu'elle finisse ses pensées. Mais il détestait écouter tout cela sans la contraindre à se taire. Elle avait été bien plus loin que jouer avec le feu, elle l'avait allumé et désormais semblait attendre qu'il se répande. Lawrence était un tempérament de feu. Un tempérament enfoui à cause des règles sociales, à cause de son éducation et ensuite à cause de la nécessité de se reconstruire sans faire de vagues. Pourtant le jeune Blake lorsqu'il traînait dans les quartiers mal fâmés de New-York, aimait se livrer à quelque baston pour le plaisir de se sentir homme. C'était une époque très lointaine et pourtant il ressentait la violence s'emparer de lui. "You know, you're like some curse. I said I didn't hate you and though... I don't like you either. What's this little game supposed to mean? Are you trying to proove something? If we can't get over it, if that's not what you want, then what do you want?" Il posa sa main sur le visage d'Hannah la contraignant à le regarder. Ce contact l'électrifia à nouveau et il pensa pendant une fraction de seconde à lui voler un baiser. La tension devint palpable autant de par son désir que de par sa rage devenue évidente. "Look at me when I talk to you Hannah. Don't avoid it as you always do when it gets too complicated." C'était exactement ce qu'il pensait. Elle ne pouvait supporter les pressions, elle ne pouvait supporter qu'on l'aime ou qu'on voit en elle. Et si cela arrivait, elle prenait la tangente avant que quelqu'un ne s'approche trop près d'elle. "Why don't you leave? If we can't work this out, if we can't start fresh... then what are we supposed to do? Hate is the only answer for you?" Il voyait tellement plus en elle qu'une femme à détester. Il aurait voulu exprimer sa rage tout autrement mais il ne pouvait céder. Car Hannah n'était plus la jeune fille innocente d'autrefois. Elle était une sensuelle tentatrice prête à tout pour détruire avant qu'on ne la détruise. Le "Maybe I was just a fool to love you." résonnait en lui. Il soupira en réalisant à quel point ce combat était vain. "Love is always tainted with madness. So yes you were a fool. But I wouldn't be surprised if this would have been the only thing real you've done in your life..." Il appuya sur le mot réel comme pour préciser qu'il savait que tout était superficiel dans sa vie. Il n'avait pas besoin de la côtoyer pour savoir qu'Hannah ne se laissait pas approcher. Il n'avait pas besoin de se tenir au courant pour savoir qu'elle n'était pas une femme comme les autres. Et il n'avait pas besoin qu'elle le lui dise pour savoir qu'elle l'avait aimé et que ça, ça avait été réel. "You know why I can't hate you? Because I loved you. And hating you would mean I belive it was fake and the Hannah I loved, the Hannah I touched, the one who touched me too, wasn't real. And belive me Hannah, you were real. Scared and scarying but real."
Elle l’avait fait. Très facilement même. Elle avait réussi à le mettre en colère et rien que pour ça, Hannah pouvait s’estimer fière. Enfin une émotion sur ce visage qui lui avait jadis appartenu, enfin quelque chose pour s’emparer de son coeur et le forcer à respirer difficilement et courber l’échine. Leur relation était compliquée et simple à la fois, ils venaient du même monde, avaient grandi de la même façon et ils avaient partagé les mêmes élans de rebellions, peut-être que si tout s’était bien passé, ils auraient fini par fuir ensemble, sans un sous, juste avec leur imagination et leur désir d’explorer le monde. Elle aurait pu devenir la Hannah Blake qu'il avait toujours voulue, insoumise et toujours inspirée et toujours là pour se blottir dans ses bras, le contenter, le faire rire et le faire sourire. Mais la jeune Hannah avait déjà pleuré, elle leur avait déjà interdit ce futur à tous les deux, déjà effacé ces possibilités avec sa dernière lettre. Dans un sens, elle les avait condamnés, elle les avait condamnés à ne jamais être en mesure de vivre correctement ou encore d’aimer correctement ou d’avancer sans être complètement bancal, parce qu’ils leur manquaient forcément une partie d’eux mêmes et une partie de leur coeur, ils ne pouvaient pas fonctionner ainsi. Hannah ne voyait pas de bague au doigt de Lawrence et il ne souriait pas comme le faisait souvent Jamie quand il était loin de Joanne et qu’il pensait à elle, lui aussi donc, son artiste, son loup solitaire, passait ses nuits et ses soirées seul. Lui aussi. Peut-être qu'il avait des cigarette comme amantes de la nuit et un verre de whisky comme conseiller, tout comme Hannah, ils étaient pareils, rongés jusqu’à la moelle par le souvenir d’un été où ils avaient été heureux. Où ils avaient été honnêtes à deux et que cela leur avait enfin rapporté quelque chose. Hannah pouvait cracher sur leurs souvenirs pour le provoquer, elle estimait qu’elle avait tous les droits, car c’était elle qui avait donné sa permission pour que tout ceci arrive. Elle avait le droit de le faire et la colère passait sur le visage de Lawrence à une vitesse folle.
Il força la jeune femme à le regarder et elle ne cilla point, son regard noisette dans ses yeux d’un bleu azur affolant. Lawrence était beau ainsi, fou, possédé même prêt à défendre leur été et celle qu'il avait aimée. C’était ce qu’Hannah voulait, désirait depuis le début, quelqu’un pour la voir telle qu’elle l’était réellement, quelqu’un pour voir toutes ses imperfections et quelqu’un qui ne partirait pas en courant en réalisant à quel point elle pouvait être faible parfois. Elle ne pouvait pas voler le rêve de Joanne pour toujours, Jamie avait dû retourner de là où il venait et elle devait désormais affronter les nuits seules, sans se laisser sombrer et en gardant la tête haute. Au moins, Hannah retombait bien dans les clichés, elle cherchait elle aussi quelque chose et quelqu’un. Elle était contente d’être tombée sur Lawrence aujourd’hui, pour lui rappeler qu’un jour elle avait été en vie et c’était toutes ses sensations qu’elle voulait retrouver en le provoquant de la sorte. Ce n’était pas rationnel mais elle s’en foutait, il était là, il était réel. Elle ne sourcilla pas, Hannah ne recula pas et elle posa, vorace, sa main droite sur le coeur du jeune homme, juste là sur son vêtement, presque pour s’assurer que son coeur battait bien encore là et qu’il battait bien de tous les sentiments qu’il avait pour elle.« It was not a game. It was real. » murmura Hannah, répondant aux accusations de Lawrence. Elle ne jouait pas, dans le fond même lorsqu’elle essayait, elle ne faisait pas complètement. « It was my heart, it was your heart and it was real, I’m sorry if you don’t see it that way, but it wasn’t a happy ending, we had a happy summer and then what ? What tell me Lawrence, tell me what you did. » Son index s’enfonça dans la peau du jeune homme, la douleur était bien superficielle mais elle voulait qu'il se rappelle, qu'il se souvienne de son regard triste ce dernier jour du mois d’Aout, des larmes qu’elle avait essuyées sur son visage avant de lui demander de ne pas lui dire au revoir.
Parce qu’au revoir avait une connotation négative et qu’Hannah détestait cela. Lawrence ne devait pas oublier ce qu'ils avaient traversé, elle avait versé de nombreuses larmes au nom de Lawrence Blake. Trop selon certain. « Then it was nothing but misery, and pain and sadness, and you did that, you hurt me, you hurt everything that was right. » Hannah en avait été malade pendant des jours après, elle refusait de manger et dès qu’on lui présentait de la nourriture, elle se précipitait vers la salle de bain, elle avait eu mal pendant des semaines, au creux de son ventre, dans son coeur. Tout ça pourquoi ? Eh bien qu'il recommence, elle était prête à se sentir de nouveau en vie, réelle, belle, aimée, désirée. Si ce n’était pas lui alors qui ? « And I’m not a ghost, I was here back then and I’m here right now and you can pretend all you want, we both know the only reason you are upset is because you still love me. » Lawrence employait le passé pour se protéger mais Hannah connaissait la vérité et elle connaissait les hommes. « I’ll prove it. I’ll prove it to you right now. » La fin de sa phrase n’avait été qu'un murmure, presque un voeu formulé pour celle ou celui qui voudrait bien écouter, il était là, Lawrence était là, alors ça serait lui. Et ce fut bien sur le col de son vêtement qu’Hannah tira pour se rapprocher de lui, sans une once d'hésitation, pour poser ses lèvres sur celle du Blake et l’embrasser. Pas un baiser timide non, pas quelque chose d’incertain non plus, Hannah était sûre d’elle et elle l’embrassa exactement de la même façon qu’il l'avait fait il y a quinze ans en arrière, dans ce bus miteux de Manhattan. Avec l'intention de le faire chavirer, de s'emparer de lui, de sa langue, de ses lèvres, de toute son âme.
Elle avait de la force. Elle était différente. Et pourtant Lawrence ne la voyait qu'à travers ce voile des souvenirs qu'il s'était lui-même construit. Parce que Hannah ne pourrait jamais être dénaturée dans son coeur. Il aurait voulu la remplacer qu'il n'y serait pas parvenu. Et malgré cela elle s'efforçait à altérer ce qu'ils avaient eu, ce qu'ils avaient vécu en lui reprochant mille et une choses qu'il ne pouvait accepter. Certes, Lawrence avait quitté Hannah cet été là. Mais jamais il n'avait envisagé que ce départ ait pu être une réelle catastrophe. Ils le savaient tous les deux qu'ils se lançaient dans une histoire compliquée. Trois ans de différence ce n'était rien dans le monde actuel mais à l'époque, à leurs âges respectifs, c'était très difficile à gérer. Parce qu'il ne vivait plus sur New-York et parce qu'elle ne pouvait pas venir avec lui à Harvard. Et pourtant il aurait aimé qu'elle le suive. Tout comme elle aurait souhaité qu'il reste. Il clignait des yeux maladroitement sans comprendre. Etait-elle sérieuse? Elle avait ce regard profond, intense et terrifiant qui le scrutait sans réserve. Oui elle était sérieuse. Jamais il n'avait imaginé qu'elle puisse penser qu'il était à la base de leur rupture. Il y réfléchit pendant un court instant et réalisa qu'elle n'avait que 16 ans. Evidemment qu'elle avait dû souffrir, évidemment que des lettres devaient sembler trop fades à côté de ce qu'ils avaient vécus... Mais il l'avait pensée plus mature, plus raisonnée. Il avait été certain qu'elle comprenait au fond d'elle qu'il devait partir, il devait poursuivre ses études. Comment aurait-il pu faire autrement? Si cet été là il s'était posé la question sans vraiment la considérer, aujourd'hui il était certain que rester à New-York aurait été totalement dénué de sens. Les amoures d'été n'étaient pas supposées freiner un homme et ses ambitions. Mais leur amour avait suffisamment de force que pour le faire se poser la question à l'époque. La demande d'Hannah et ses larmes à peine dissimulées l'avaient fait douter. Car il aurait pu rester à la NYU. Mais pour quoi faire? Pour être la risée de ses semblables? Pour que Hannah se lasse de lui en réalisant qu'il n'était qu'un pantin à ses commandes? Il ne pouvait pas rester, cela lui aurait été fatal. Quand son monde s'était effondré en 2006, il n'avait que l'université et son diplôme auquel se rattacher. Il avait failli perdre même cela mais il avait persévéré une fois en Australie pour obtenir ce qu'il avait mérité. Parce que pour ce diplôme il avait sacrifié une femme, une femme qu'il avait tant aimée. Il en riait parfois en pensant à quel point cela pouvait être insensé. Il avait 19 ans et leur amour s'était manifesté pendant deux longs mois seulement. Comment pouvait-il prétendre savoir ce que c'était que l'amour? Mais il regardait Hannah en ce moment et il savait qu'il ne s'était pas trompé. La peine qu'elle avait sur le visage, la rage qu'elle contenait encore en elle ne trompaient personne. Ils s'étaient aimés comme des fous furieux. Ils s'étaient aimés à s'en damner. Et c'était exactement ce qui c'était passé, ils s'étaient maudits à jamais d'un amour trop puissant pour être vécu ici bas. En y repensant, Lawrence réalisait qu'avec une démone divine pour maîtresse, il aurait dû s'attendre à ce qu'elle ne supporte pas qu'il la quitte. Mais il était jeune et naïf, et il pensait que l'éternité ne pouvait être que douce. Pas cruelle. Pas démentielle. Pas ça.
"I left, I surely did. So what? What was I supposed to do according to you? Stay and wait for you to leave me?" C'était cruel mais il pensait vraiment. S'il était resté, elle aurait fini par partir. Cependant ce n'était pas pour ça qu'il était parti. Et parler ainsi c'était mentir sur toute la souffrance qu'il avait ressentie en montant dans cette limousine qui devait le ramener dans le Massachusetts. La quitter cet été là avait été la chose la plus difficile qu'il avait eu à faire. Le scandale de son père n'avait pas été aussi horrible à subir en comparaison. Mais peut-être qu'après avoir appris à souffrir quand elle lui avait donné congé, il avait aussi appris à ne plus s'investir sentimentalement dans quoique ce soit. Pourtant ce drame l'avait aussi atteint mais il s'était montré fort et digne de ce nom dont son père voulait le désinvestir. Bizarrement c'était quand il se comportait pour la première fois comme un Blake qu'il était justement sur le point de ne plus en être un. Et là maintenant, il se demandait si Hannah aurait pu aimer un Lawrence sans son titre. Elle jouait en ce moment avec lui mais ce n'était qu'un jeu et il en avait parfaitement conscience. Il ne cherchait même pas à savoir si derrière les ironies et les regards pétillants se cachaient quelque vérité. Parce qu'il savait qu'elle était une Siede et qu'elle vouait un véritable culte à son papa chéri. Jamais elle ne ferait quelque chose de contraire à ce dernier sans avoir quelque chose de précis en tête. Il ne savait pas ce qui la motivait mais il savait qu'elle ne s'acoquinerait pas avec un homme sans nom, sans richesse, que son père avait détruit sans qu'elle n'ait une idée dans la tête. Probablement juste le désir de l'humilier. Comme s'il n'avait pas déjà eu sa dose dans le passé.
Elle pensait qu'il avait tout détruit et lui pensait qu'il avait la seule chose qui aurait pu maintenir leur couple dans le long terme. Elle pensait comme une gamine de 16 ans, c'était ainsi qu'il voyait les choses. Mais la gamine de 16 ans semblait assoiffée de tout autre chose que de paroles sans fin, sans but, sans connexion. Elle avait posé d'abord un doigt accusateur sur le torse de son bourreau avant de se rapprocher et de faire monter la tension. Bien qu'il semblait soudain comprendre qu'il pouvait la détester, il était dans un état d'attente insoutenable. Oserait-elle... Elle avait osé. Ses lèvres s'étaient emparées des siennes avec violence et bien qu'il était convaincu qu'il aurait dû s'y opposer, il lui rendit ce baiser cependant sans y mettre aucune passion. Parce qu'il avait attendu ce moment pendant des années. Il l'avait imaginé mais jamais n'avait cru qu'il pourrait arriver. Et il ne voulait se laisser ainsi manipuler. Il s'écarta du visage d'Hannah et se leva brusquement, agacé par le fait qu'il avait réagi bien trop lentement. Profitant malgré lui pendant quelques secondes de la harpie qui s'était déchaîné sur lui. "For God sakes Hannah! I'm not a toy! I'm not yours to be played!" Fulminant, il la regardait en luttant contre l'envie de partir en courant. "At that time I left, I admit it! I am the one who left. But it wasn't a break up. It was life going on. Was I supposed to stay and to be one of your little toys expecting for you to get bored of me? Oh come on, you perfectly know that the reason you loved me was the exact contrary. I wasn't impressed by the Queen Hannah, to me you were a total different kind of Queen." Il marque une pause en faisant demi-tour pour ne plus l'avoir dans son champ de vision. Parce que bien qu'il vient de la repousser, il ne peut chasser l'image de la Hannah adulte qui vient de se jeter sur lui avec cette force et cette sensualité inexplicable. Il craint que l'aimant Hannah ne force son champ magnétique à faire marche arrière. "The reason you loved me was that I wasn't a toy, I wasn't at your command. If I've been what you say I've been, well it was by choice. I didn't take your innocence away, I didn't play a game, we both were in the same ship. And the only reason you got in that ship with me was that I saw you as you were without caring about the one you tried to show to the world." Il se retourna à nouveau et la regarda avec moins de hargne mais toujours sur le qui-vive. "I was a boy back then. But I knew what I was doing. I picked you. And you picked me. And I didn't leave, I just chose to be me and not someone you would have ended despising in the end." Lawrence la regarde dans les yeux, terriblement las de cette dispute qu'il a menée depuis trop longtemps. Inconsciemment il avait presque ressenti que Hannah lui en voulait. Mais jamais il n'avait osé retourner auprès d'elle pour la provoquer et crever l'abcès. Parce qu'il avait trop de fierté pour cela. son orgueil l'avait empêché d'avoir un espoir d'être heureux. Mais ce dernier était aussi doté de raison: s'il s'était plié à retourner auprès d'elle, elle l'aurait chassé comme un goujat car Hannah était tombée amoureuse de ce Lawrence-là. Le fier, l'indomptable, le loup solitaire qui ne partageait pas sa haine du monde avec les autres êtres humains. Celui qui ne parlait qu'avec elle de tout ça. Celui qui s'était retrouvé terriblement seul quand elle lui avait tourné le dos. Celui qui depuis n'avait plus autorisé personne à savoir ce qu'il ressentait vraiment. A tel point qu'il n'avait réellement dit à personne qu'il était innocent. Rosalie s'en doutait, elle le savait même mais jamais il ne l'avait formulé dans des mots. Parce que les mots... appartenaient tous à Hannah. Parce qu'elle les avait souillés en lui demandant de ne plus lui en envoyer. Parce qu'il n'avait plus jamais senti le besoin de les déclamer ni eu la confiance nécessaire en quelqu'un. Elle l'avait cassé. Comme un jouet dont elle se serait débarrassé. Voilà la source de ses craintes et voilà pourquoi il fuyait malgré son objectif de destruction. Il aurait dû profiter du baiser, la laisser faire et ensuite continuer jusqu'à ce que ses faits remontent jusqu'à Nathan Siede. Mais il n'avait pas pu. Parce que les lèvres d'Hannah avaient un goût amer. Il ne voyait pas de future victoire, il ne voyait que la défaite et l'échec. Il posa ses yeux sur elle "Why the hell don't you understand that I chose you? Why do you act as if it was a game. You want to pretend I don't know you? Well, ok, do as you please. But after all these years, I'm sure I still know you better than anyone." Il se rapprocha d'elle en essayant de se persuader qu'il ne faisait qu'inverser les rôles et se mettre lui-même dans la peau de celui qui jouait un jeu. Il se disait qu'il ne faisait que mettre en place les pièces avant de faire tomber le domino bien plus tard. Et pourtant il voulait la secouer bien plus qu'il ne voulait détruire Nathan. Froidement il déclara "You think I still love you?" Il attrapa alors la nuque d'Hannah et l'embrassa comme il ne l'avait pas fait avant. Il laissa glisser sa langue dans la bouche de la jeune femme et força leurs visages à s'unir avec effusion. Ses doigts se glissaient dans ses cheveux bruns et il frémissait à ce contact délicieux. Hannah et lui étaient unis par cette passion sans nom que jamais il ne pourrait réellement nier. Et pourtant après s'être donné avec véhémence dans ce baiser, après avoir glissé sa main le long de sa gorge, mordu sa lèvre et épuisé son souffle, il s'arrêta pour répondre à la question qu'il avait posée. "Maybe I do. Maybe I don't. But nowadays, this doesn't matter anymore, does it?" Cherchait-il seulement à rendre Hannah plus vulnérable ou prenait-il réellement du plaisir dans cet échange? Il aurait voulu croire que ce n'était qu'un plan machiavélique pour atteindre celui qui lui avait ôté sa vie. Mais il avait pris trop de plaisir à savourer les lèvres de son unique amour. Et maintenant même, il risquait bien trop en cherchant à la raisonner, à mettre les points sur les i plutôt que de profiter des ouvertures qu'elle lui avait faites. Mais c'était plus fort que lui. Parce qu'une part de lui resterait toujours fidèle à ce qu'il était et à ce qu'ils avaient été, c'est à dire: deux morceaux d'une même personne.
Hannah ne savait même pas ce qu’elle cherchait dans ce baiser, à le rendre complètement fou ? À le réduire à rien ? Ou juste à se venger pour lui montrer qu’elle n’était plus cette fille de seize ans qui avait vu son amour naitre et mourir en un été. Non, elle n’avait plus seize ans, certains de ses rêves s’étaient réalisés et pourtant, elle n’avait pas parcouru le monde dans les bras de Lawrence et ils n’avaient pas fini par fuir pour être heureux, juste eux deux. Ils auraient pu, ils avaient été assez fou à une époque pour le faire, mais les années étaient tout simplement passées par là et ce n’était plus les rêves qui emplissaient le coeur d’Hannah. Mais rien d’autre que le désir de le voir courber l’échine et de le faire souffrir, elle l’avait aimé et dans un sens, elle l’aimait toujours. C’était injuste, elle avait sans doute besoin de récupérer la partie de son coeur qu’il lui avait volé et que le Lawrence de 19 ans avait toujours. Elle en avait besoin, à force de trop prêter son coeur et son corps à tous ses hommes, il ne lui restait plus rien, d’abord lui, ensuite Jamie, qui savait vraiment si une nuit elle n’allait pas juste finir par disparaitre. S’il ne restait plus rien d’elle, est-ce que quelqu’un allait s’inquiéter ? Est-ce que quelqu’un allait lever le petit doigt et remarquer qu’elle n’était plus là, qu’elle ne respirait plus et qu’elle ne se battait plus ? Hannah n’était même pas certaine d’avoir la réponse à cette question, elle n’était plus certaine de rien et c’était sans doute avec ce désespoir que ses lèvres avaient trouvé celles de Lawrence.
Rien d’autre que ça, elle était tellement vide. La brune était fatiguée, une partie d’elle voulait rendre les armes et lui dire que oui, peut-être qu’elle n’était qu’une sotte au final, peut-être qu’il avait toujours su et qu’il avait gagné. Elle voulait juste tout abandonner et se laisser aller dans ses bras pendant quelques secondes, pour y mourir un peu et voir ce qu’il adviendrait d’elle. Où était passé le Lawrence qui pouvait la protéger ? Qui avait juré de le faire pour tout une vie et pour toute une éternité, Hannah voulait ce Lawrence là, son âme et son coeur en avaient besoin pour être apaisé et pour cesser de se lamenter. Elle ferma les yeux alors qu’il s’écarta d’elle, excédé, énervé, elle ne recula même pas et lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle le regarda cracher son venin sans même s’en étonner. Non, les années étaient passés par là, elle ne pourrait pas retrouver son souvenir et lui non plus. Qu’ils cessent de s’y accrocher alors ? Hannah avait presque envie de pleurer face à cette tragédie qui s’étalait devant elle. Cette tragédie n’était rien d’autre que sa vie et elle devait l’accepter pour ce qu’elle était, sans essayait de se dérober à tout ça. C’était sa vie et il n’en faisait pas parti, un point final. Il avait été un garçon, amoureux d’une fille qu’il avait choisi envers et contre tous et ça Hannah pouvait le comprendre, elle l’avait vécu, elle avait été là, si seulement on avait pu la prévenir que cela allait être les plus beaux jours de sa vie, elle aurait préféré le savoir avant, pour mieux profiter des souvenirs et pour mieux se préparer pour les mauvais jours et pour le futur. Pour préparer au mieux son coeur.
Oui, elle l’aimait toujours, Hannah en était persuadée, elle le savait, elle le savait que les promesses qu’elle avait faites cet été ne s’effaceraient jamais, qu’elle ne pourrait pas aimer quelqu’un correctement tant qu’elle n’aurait pas tourné la page… tant qu’elle ne l’aurait pas complètement rayé de son existence. Mais comment faire ? Lawrence était ancré dans sa chair, dans sa peau, dans son corps, partout, absolument partout et maintenant qu’il l’embrassait encore pour répondre à la question empoisonnée qu’elle lui avait posée, elle ne pouvait s’empêcher de l’embrasser avec la même passion, son corps pressé contre lui. Quand leur deux corps parlaient, quand ils fonctionnaient ensemble, tout allait bien, personne n’était blessé, personne n’avait de regret, mais ce n’était pas non plus la réalité. La réalité, c’était ce regard qu’il lui adressait à présent, elle pouvait jouer avec lui autant qu’il voulait, eux seuls connaissaient la vérité. Hannah posa une main sur ses lèvres rougies, assez, elle voulait vraiment qu’il parte ou qu’il montre un signe de faiblesse, elle voulait voir qu’elle lui avait fait du mal à cette seconde précise. C’était lui qui gagnait la joute verbale et elle détestait ça.« Don’t kiss me like someone who has nothing to lose Lawrence, don’t. » murmura la brune, la main droite encore sur ses lèvres. Hannah regrettait presque de l’avoir embrassé, certaine que ses baisers à lui allaient le hanter pendant encore des jours. Elle ne savait plus si c’était ce qu’elle était venue chercher ou pas… Tout était si confus et en meme temps rien ne l’était. Elle devait… Elle devait lui faire mal pour oublier, n’est-ce pas ?
« You have everything to lose in this, you didn’t change that much, I know you, I still got your heart, it’s okay if you don’t want to admit it. You don’t have to say it out loud, it’s okay. I guess we can't undo the things we said that summer, and it’s okay, I don’t want to, you made me realize something very valuable today. » Le ton d’Hannah était beaucoup plus calme et posé qu’il y a quelques minutes, à croire qu’aucun baiser n’avait été échangé entre eux, mais si, ça c’était passé, elle ne l’avait pas rêvé et elle savait qu’il allait y penser lui aussi. Lui aussi allait y penser pendant des nuits. « I know the truth… Just like I know there’s no one in your life and there won’t be anyone in your life for a while. Tell me… Do you still think about me when you’re with another woman ? Can any of them compare to me ? » Ce n’était pas de la vanité, Hannah posait vraiment la question et elle voulait savoir ce qui l’avait poussé à faire ça, ce qui l’avait poussé à en vouloir plus, plus d’elle et plus d’eux dans le fond. « Tell me. Do you still think about me that way ? I bet you do, cause that’s the only thing you have right ? That summer ? Those memories, me moaning your name, again and again… Tell me. Tell me that you are fine with your life exactly the way it is right now, that you’re not missing me and I’ll go, I’ll leave you alone, I’ll go back to be just a memory for you. » La brune se rapprocha encore de lui, presque possédée par cette vérité qu’elle devait à tout prix obtenir et elle s’empara des mains du brun pour les poser sur sa taille, Hannah remarqua à peine les gens qui rentraient dans la salle à présent et qui devait les fixer comme deux bêtes de foire, elle s’en moquait, elle avait besoin de savoir. « Just tell me you don’t want me like that anymore and I’ll leave, you’ll have your precious Hannah back and not me. »
Il restait interdit. Lawrence avait été un jeune home plein de fougue dans sa jeunesse. Escalader des murs dans des quartiers mal fâmés c’était tout lui. Pourtant son statut de riche lui interdisait d’agir comme si rien de mal ne pouvait lui arriver. Mais il avait adoré braver les lois et montrer à ceux qui le croisaient, qu’il se fichait pas mal de ce qu’on pouvait penser de lui. Cependant tout cela n’était qu’une carapace, qu’une image. Derrière le nonchalant se trouvait aussi le peureux, le dompté, le garçon à qui l’on avait enseigné que la vie ne pouvait pas juste être faite de sourires et de plaisirs. Et pourtant malgré toutes les leçons de bonne conduite qu’il avait reçues, il avait pris un malin plaisir à en transgresser une bonne part. Mais dans l’ombre cela. Jamais il n’allait s’exposer comme un gamin à la presse ou aux medias. Jamais personne ne savait que dans les salons privés, le jeune qui embrassait lascivement une fille dans un coin de pénombre était un Blake pur sang. Cette fougue cependant s’était terrée derrière la carrure d’un homme d’ambition. Elle s’était surtout tue quand le Lawrence d’antan avait été mis à terre par une de ses plus grandes aventures interdites. Parce que nul n’est sans savoir qu’il est très mal vu d’ôter sa virginité à une fille de bonne famille. Parce que tous lui auraient jeté la pierre s’ils avaient appris qu’il avait martelé le corps d’une demoiselle de 16 ans avec des baisers et bien plus que cela. Elle avait été sa plus grande folie, sa plus jolie incartade. Mais aussi une de ses dernières. Cet été où il avait arpenté tout New-York pour le faire découvrir différemment à sa petite amie avait été un été bien trop heureux. Un été que seuls les romanciers un peu fous pouvaient imaginer. Et il l’avait vécu. A trois cent pour cent. Il avait senti sa main dans la sienne, il avait entendu son cœur battre sous ses tympans. Quel n’avait pas été son extase d’entendre ses battements s’accélérer alors qu’il avait la tête posée sur sa poitrine et que sa main s’aventurait entre ses jambes. Hannah avait été pour lui ce qu’une muse est au peintre qui attend qu’elle se présente : un fantasme que l’on ne peut imaginer rencontrer dans sa vie. Une sorte d’idéal que l’on ne peut atteindre mais qui nous fait rêver, qui nous fait avancer et qui nous inspire. Alors oui… oui, il était évident qu’il n’avait pu se détacher de ce doux rêve qu’ils avaient partagé ensemble.
Le baiser arraché violemment aux lèvres d’Hannah n’était qu’un écho de ce que tout son corps ressentait en la voyant. Il avait beau eu l’éviter des années durant, elle n’en avait pas pour autant moins habité toute sa personne. Elle était l’unique, l’éternelle. Il aurait voulu pouvoir résister mais c’était trop lui demander. Quel héroïnomane se retient devant la plus belle injection, la plus parfaite qui soit qu’on lui pose sur un plateau d’argent ? Parce qu’Hannah était resté sa came. Après tout ce temps, elle n’était pas sortie de son système. Tel un venin très profond cependant, elle avait contaminé toute son âme de sorte que jamais plus il ne puisse se laisser à profiter réellement de ce doux mélange de désir et de haine. Leurs lèvres s’étant séparées, elle en profitait maintenant pour en faire un usage qui lui était spécifique : elle attaquait. Elle attaquait pour provoquer la bête qu’elle venait de réveiller. S’il avait eu du bon sens, il aurait tourné les talons et serait parti loin d’elle au plus vite. Mais il n’en avait pas et s’en fichait. C’était presque trop heureux qu’il se laissait bercer par cette voix assassine qui profanait ses sentiments. « What else could I loose ? » Il avait déjà tout perdu. Elle, sa famille, sa réputation. Tout. « What else could you take from me ? » Sa fierté resterait toujours intacte. Parce qu’il savait qu’au fond seule une femme qui se trouvait au même point de désespoir que lui aurait pu l’embrasser comme elle l’avait fait. Et les mots qu’elle lui jetait au visage ne pouvaient être sans conséquences. Mais ils n’étaient pas à sens unique. « Really ? Then tell me dear dear you… What did you realize thanks to me ? » Son ton était froid, posé et surtout très sarcastique. Il prétendait se moquer de ce qu’elle pourrait bien inventer, de ce qu’elle pourrait bien dire alors qu’en vérité, il était pendu à ses lèvres. Il n’espérait pas qu’elle lui dise qu’elle réalisait qu’elle avait toujours été amoureuse et qu’elle l’était toujours. Il la connaissait trop bien pour cela. Mais il la connaissait. Et il savait que si elle parlait, ce n’était pas pour ne rien dire. Il y aurait un message derrière les mots. Il y aurait du Hannah crypté en dessous des futiles paroles. Il ne la regardait pas et pourtant tout son être était tourné vers elle. Ecarquillant les yeux, il les posa sur elle avec presque du mépris. Il voulut lui demander comment elle se permettait de dire cela mais il n’arrivait pas à parler. Il la dévisageait avec fureur tandis qu’elle continuait de souiller tout. Parce qu’elle sortait des oubliettes, elle sortait des cachots des sentiments qui n’étaient pas supposés ressurgir. « Stop that right now Hannah. » Mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle continuait sur ce ton de défi, calme et posé aussi. Elle lui disait des vérités avec tant d’assurance qu’on aurait pu penser qu’elle était en train de lire un livre. Un livre intitulé ‘Lawrence Blake et la tragédie de sa vie sentimentale’. Il sentait les mains d’Hannah s’ancrer sur lui et cela le brûlait d’une manière bien trop pressante que pour être uniquement ‘mal’. Il aimait ressentir cette torture infime et infâme. Parce qu’elle avait raison : Hannah avait occupé sa vie, ses journées ses nuits depuis cet été-là. Mais comment aurait-il pu la regarder droit dans les yeux et lui dire cela ? Pouvait-il seulement envisager de lui avouer à quel point elle avait envahi son cœur, son âme et son être et à quel point elle avait tout détruit sur son passage ? Restant sur place sans plus jamais réchauffer le cœur qu’elle hantait avec malice. Il prit le cou d’Hannah dans sa main, forçant ce visage qui se situait en dessous du sien à s’incliner légèrement en arrière pour qu’il puisse la regarder. « I’m gonna tell you everything you want Hannah. I’m gonna tell you anything you need to hear. But will it be enough to repair your damaged heart ? to repair you? » Il passa son pouce sur les lèvres de la brune tandis qu’il soutenait toujours sa tête dans le restant de sa main. « Do you think hearing me telling you I’ve been haunted by your sixteen years old body all these years will change anything about your life now ? » Il posait réellement la question. Qu’est-ce que cela lui apportait de savoir tout cela ? Qu’est-ce que cela lui apportait qu’il vienne confirmer ce qu’elle affirmait comme des certitudes ? « If you’re so damn sure of yourself, then why do you need me to tell you those things ? Is it only to show me you’ve won ? Or do you need me ? Do you need me to tell you that you were the only one who could ever break my heart. That since you no one had ever this right again because to break a heart you have to face a full one. Mine never got back from your assault. So no woman could ever hope I would love her the way I loved you. Is it enough ? Did you have what you needed ? » Il la fusillait malgré son ton lent et appuyé. Il rapprocha son visage du sien pour murmurer ce qui suivait, peu désireux que les gens qui se promenaient autour d’eux entendent ses confessions suivantes « Or do you also want to know that yes I was picturing you while I was with them ? Do you also want to hear that I remember the sound of your voice when they bored me with their own stupid moanings ? You want all that ? Ok Hannah, have it. Just have it. You have been unique. Have been... » Il s’interrompit. Il avait parlé au passé. C’était ça ce dont lui avait besoin. Lui signifier que même si elle l’avait marqué, elle n’était qu’une ombre du passé. Une ombre qui obscurcissait toute sa vie mais une ombre seulement. « Did you get what you want ? » Il n’avait pas bougé d’un pouce, leurs visages étaient presque collés l’un à l’autre et il prenait un malin plaisir à respirer la peau d’Hannah. A sentir sur son visage le souffle de celle qui autrefois haletait contre lui. « Because I didn’t. I never did. I thought I had your heart. But all you gave me… was an illusion. » Seulement une illusion d'éternité, pas la réelle éternité. Parce qu'il n'avait que son image pour se réconforter la nuit, pas Hannah.
S’il voulait qu’Hannah courbe l’échine, Hannah était disposée à le faire, pour lui donner ce qu’il voulait, pour lui donner la satisfaction d’avoir gagné. La brune se moquait bien de savoir qui allait gagner les petites batailles futiles comme aujourd’hui, elle avait déjà gagné la plus grande, celle qui concernait bien entendu le coeur de Lawrence... Elle pouvait le voir dans ses traits, dans la colère qu’il y avait sur son visage, la façon qu'il avait de serrer cette main sur son cou. Hannah ne chercha pas à se défaire de son emprise bien au contraire, elle se laissa faire, lui donnant un semblant de docilité, ne clignant absolument pas des yeux et le fixant. L’actrice aurait pu l’embrasser encore et encore juste pour le rassurer, juste pour le faire croire que la Hannah de leur été interdit existait encore, elle était une assez bonne actrice pour faire ça, et elle était une femme assez cruelle pour se livrer à ce genre de petits plaisirs. C’était bien pour ça qu’elle se contentait de passer d’un homme à un autre, ce n’était pas parce qu’aucun n’était digne de la rendre heureuse ou parce qu’elle était infecte ou quoi que ce soit, Hannah savait que si elle souhaitait ouvrir son coeur elle pouvait le faire à n’importe quel moment, ce n’était pas vraiment ça qui importait. Elle aimait le jeu, elle aimait la chasse, elle aimait se sentir belle et désirée et elle aimait la peur de l’inconnu plus que tout, c’était bien pour ça qu'il était amusant d’enfiler une énième robe de soirées pour avoir les mêmes conversations d’apparence ennuyeuse mais qui en disait tellement long sur ce que pensait vraiment les gens. Hannah était comme ça, bien sûr, il y avait toujours une adolescente de seize ans qui attendait d’être émerveillée qui sommeillait en elle, mais il y avait également la femme mure et insatiable qui se réveillait de temps à autre et qui cherchait quelqu'un comme compagnie. Elle aimait tout ça, elle se délectait de tout ça alors non, elle n’allait pas reculer, oui elle était désespérée mais Hannah restait Hannah avant toute chose.
Elle n’eut aucun sourire face aux mots de Lawrence, qui l’interrogeait sur la nature de sa requête, et pourquoi est-ce qu’elle voulait savoir, parce que c’était tout simplement ce que faisait toute muse pas vrai ? Elles continuaient d’hanter leur artiste pour toujours et ce même lorsque ces derniers manquaient perpétuellement d’inspiration, encore et toujours, pour les laisser mort, sans la moindre idée et sans absolument aucune once de gloire. Il était ironique de voir que Lawrence avait été jeté dans les ténèbres et que même de là, il trouvait un moyen de la détester, il ne la reniait pas mais… elle avait été unique. C’était tout ce dont Hannah avait besoin, pour vivre, pour fonctionner, savoir qu'un seul homme la trouvait unique, juste elle et pas une autre, juste un seul esprit hanté et enivré par sa propre personne, juste un seul c'était tout ce qu'elle voulait. « Yes. » articula la brune, Hannah s’accorda un léger sourire et posa sa main sur celle de Lawrence pour confirmer ce qu’elle venait de dire. « I did get exactly what I wanted. » Elle n’était pas certaine qu’il comprenne, ce n’était pas une histoire d’égo mal placé ou quoi que ce soit d’autre, premièrement, Hannah était humaine, elle était comme tout le monde, elle avait des jours où elle s’adorait et des jours où elle se détestait. C’était plus souvent le dernier cas, la confiance qu’Hannah affichait en permanence était juste quelque chose qu’elle avait appris à maitriser depuis son plus jeune âge, ça venait généralement avec les cours de bienséances chez tous les enfants de grandes fortunes. Il n’y avait que deux moyens de vivre quand on était une femme, lui avait souvent dit Audrey sa gouvernante, soit en s’écrasant, soit en se faisant respecter. Hannah, en tant que seule et unique héritière du clan Siede, avait très vite fait son choix et avait choisi de se faire respecter et de ne laisser personne lui marcher sur les pieds et encore moins un homme. Alors non, elle ne se contentait pas de s’agiter devant Lawrence pour rien et juste pour le faire souffrir un peu plus et remuer le couteau dans la plaie, mais elle était venue dans ce musée pour trouver de l’inspiration, et peut-être que, chose complètement ironique, c’était lui qui allait l’inspirer pour une fois et non l’inverse.
« I know that whatever happens, no matter what I do, there will still be someone to love me, and that someone is you. I’ll still exist, right there. In your heart. » Les mains d’Hannah finirent contre la poitrine de Lawrence encore une fois, tout près de ce coeur qu’elle savait être sien à tout jamais. Leur éternité ne s’était pas arrêté à ce seul été semblait-il, cela avait été plus que ça, plus que deux mois, ça avait été des années pour Lawrence et cela continuerait d'elle. Hannah n’avait pensé à lui que lors de très rares occasions et la plupart du temps c’était principalement lorsqu’elle n’arrivait pas à dormir et qu’elle se repassait sa vie en tête, elle l’avait déjà fait en étant dans les bras d’un autre, signe que ni le lieu ni la situation importait au final, si elle pensait à lui, elle pensait à lui, tout simplement. « So you can hate me all you want, nothing can change that. » Hannah haussa les épaules, parlant pour le coeur de Lawrence au final. « And it’s good actually, you want to know why ? » Il ne pouvait définitivement pas comprendre l'importance qu'aurait cette journée dans la vie d'Hannah en fin de compte, il fallait qu’elle lui explique, c’était trop beau et trop triste à la fois pour ne pas lui dire les choses telles qu'elles étaient. « Because you’re not the reason my heart is broken right now, it’s not you, there was ... there is another man and I was so caught up with everything that I almost said I love you to someone that wasn’t you, almost. And I know now, I love him, with everything that I have. » La brune ne disait pas le nom de Jamie et pourtant c’était la première fois qu'elle avouait vraiment ses sentiments pour l’autre brun à voix haute. On lui avait posé la questions à maintes reprises au cours des dernières semaines et mois, Kelya lui avait posé la question, Joanne aussi et également Jamie, qui était le premier concerné. Elle avait eu beau jouer les femmes fortes, faire comme si rien ne l’atteignait mais il fallait se rendre à l’évidence, elle était contente pour le couple que formait Joanne et Jamie, Hannah savait cependant qu’elle aurait pu le rendre heureuse, si on lui avait laissé plus de temps, s'ils avaient joué un peu plus...
Quoi qu’il en soit, cela aurait pu être parfait, et il avait fallu que Jamie lui fasse mal, que Lawrence réapparaisse dans sa vie pour qu’elle se rende compte de l’évidence. « You want to know what the best part is ? He doesn’t love me like that, he never will, he has someone else, but just because of you, just because of today, I know I can give my heart to someone else, because no matter what, you’ll be there. » Hannah le condamnait lui aussi à une vie de solitude rien qu'avec ces mots-là. « So thank you Lawrence, thank you... »
Elle reconnaissait avoir obtenu ce qu'elle voulait. Devait-il s'en étonner? Une part de lui était tout à fait consciente que plus jamais il n'aurait accès à la douce et tendre Hannah d'autrefois. Celle-là devait être morte en même temps que leur amour d'été. Et pourtant c'était cette Hannah là qu'il continuait d'aimer sans raison et avec une totale démesure. En dépit de ce que les convenances auraient voulu et en dépit de ce que toute personne saine d'esprit aurait fait. Oui, il aimait Hannah. Le souvenir d'Hannah. Parce qu'elle n'était plus réellement là. Il ne pouvait savoir par quels enfers elle était passée tout comme elle non plus ne pouvait s'imaginer quelle avait été la vie de Lawrence durant toutes ces années. Parce que oui, des années séparaient les deux adultes des amants qu'ils avaient été. Des années lourdes et amères. Des années où effectivement il avait enterré son coeur bien loin, le laissant aux soins d'une sorcière. Si lors de ses ébats avec d'autres femmes il lui arrivait de penser au regard pénétrant d'Hannah, il n'avait jamais envisagé que s'il la revoyait... elle changerait de visage. Désormais il ne verrait plus l'adolescente de 16 ans se tordre sous lui, désormais il ne s'agirait plus d'un souvenir pour le sortir de sa torpeur. Non, désormais Hannah était en train de se transformer en un fantasme. Un des plus irréels. Un à portée de main pourtant. Car elle avait posé ses lèvres sur lui sans qu'il n'y consente et quelques minutes après il avait fait de même avec elle. Le fantasme était probablement réalisable. Mais ce qui deviendrait sa divine torture des années futures serait de se savoir si proche de la réalisation, si près de la délivrance et de se la refuser. Parce qu'il venait d'ouvrir une autre porte. Celle où il découvrait une nouvelle Hannah. Non plus l'innocente qui apprenait de Lawrence comment résister à ses taquineries, non pas la majestueuse qui donnait des ordres à tout va sans se soucier des sentiments de ses sujets... non pas même l'indifférente qui aurait appris qu'un homme de son passé avait été rejeté de la société par la faute d'un Siede et qui serait restée de marbre... Non. Hannah la vile, la méprisante et cassante.
Il reçut le plus terrible des coups en l'entendant parler. Non contente de s'approprier le coeur de Lawrence, elle devait étendre son règne bien plus loin. Il l'écoutait parler, s'avancer toujours plus profondément dans une blessure qu'elle était en train de créer. Il ne savait pas où elle allait mais il voyait sans l'ombre d'un doute qu'elle, elle savait. Elle avait un but, une destination et rien ne l'arrêterait. C'est pourquoi il ne sourcilla pas. Il la laissa dire qu'elle avait sa place dans son coeur, il l'autorisa même à poser son doigt là où elle prétendait avoir un lieu de retraite assuré et patienta jusqu'à ce qu'elle daigne faire tomber le glaive qu'elle avait suspendu au dessus de sa tête depuis quelques minutes déjà. Elle lui demanda s'il voulait savoir pourquoi et il répondit morne et sans aucune envie de faire semblant "My answer doesn't matter, you'll tell me why anyway. Because you're dying to." Et elle confirma ce qu'il pensait en poursuivant dans sa lancée sans se soucier de ses envies. Il avait eu raison, elle cherchait à l'achever. Vicieusement. Il resta de marbre mais son regard s'assombrit avec force. Elle venait de dire à son premier amant qu'elle en avait eu un autre. Non. Pire. Elle venait de lui avouer à sa manière particulière qu'aujourd'hui, son coeur était ailleurs. Qu'elle souffrait tout comme lui avait pu souffrir mais à cause d'un autre homme. Elle avait commencé par l'obliger à affirmer qu'il l'aimait pour ensuite lui asséner ce coup fatal. Il la regardait avec autant d'admiration que de dégoût. La fille de 16 ans avait bien grandi. Elle avait fait son chemin et avait appris comment manier les mots, comment les utiliser et comment en faire des armes aiguisées. Il n'était plus le seul à maîtriser cet art aujourd'hui, elle avait rattrapé le maître. Et au vu de ce qu'elle venait de lui confesser, il se demandait même si elle ne l'avait pas dépassé. "She's a Siede, what did you expect?" Elle faisait honneur à sa famille. Il réprima l'envie de tourner les talons et de la laisser en plan. Mais c'eut été lui donner une bien trop grande satisfaction que de s'avouer ainsi vaincu. Pourtant il l'était, il était vaincu. Elle l'avait piégé et était parvenue à lui soutirer ce qu'elle voulait de lui. Et plus elle s'expliquait, plus il voyait à quel point elle s'était jouée de lui.
Il n'y avait plus de retour possible. Sa décision fut prise en un battement de cils. Il la regardait et soudain il sut sans l'ombre d'un doute ce qu'il ferait. Abraham y trouverait son compte. Là où il avait longtemps hésité, ne sachant s'il devait se laisser emporter dans la colère... il venait d'y céder. Si jusqu'à présent il éprouvait des réticences à s'en prendre à Hannah, à faire d'elle un dommage collatéral, aujourd'hui... il la voyait presque comme sa cible principale. Si elle souffrait dans son processus de vengeance ce ne serait que du bonus. Parce que la vipère à qui il avait offert son coeur s'était dépéchée de le dévorrer sans aucune compassion, sans aucun égard pour l'homme qu'il était. Il s'était rappelé qu'elle était une Siede sans aucune difficulté mais voilà qu'elle venait d'éveiller bien pire en lui: le souvenir de ses propres origines, il était un Blake. Le fils d'un homme qui n'avait pas hésité à envoyer son gamin à l'abattoir pour se sauver lui et son entreprise. Avec du sang aussi noir dans les veines, il ne faisait aucun doute qu'il était capable de bien sombres prouesses lui aussi. Il n'allait donc pas partir, il n'allait pas capituler. Il allait faire mieux, il allait se battre sur un terrain où elle était d'habitude la maîtresse. Si elle avait retourné les mots contre lui, si elle avait utilisé ses armes pour le mettre à genou, il viendrait lui aussi la défaire dans son domaine. Une flamme toute nouvelle scintilla alors dans son regard: celle du défi. Pour amadouer Hannah il devrait utiliser milles ruses différentes et agir subtilement, très subtilement. Si sa première impulsion était de courber l'échine à sa dernière pique, il se ravisa tout de suite. S'il ne réagissait pas à l'affront qu'elle venait de lui faire, s'il la berçait de mièvreries maintenant, elle saurait que quelque chose n'est pas net. Après tout, tous les deux avaient beau se haïr à en mourir, ils se connaissaient mieux que personne. Sa seule solution était donc de montrer qu'elle l'avait blessé et de répliquer encore une fois, comme un soldat qui se défend alors qu'il est à terre. Il cherchait juste les mots qui auraient l'effet d'une grenade et non pas celui d'une épée cassée. "I would say you're welcome but I wouldn't mean it." L'avantage de ce jeu qu'il entamait était qu'il n'avait pas à prétendre quoique ce soit pour le moment. Il devait juste être lui-même, juste se comporter comme un Lawrence normal. Même si le vrai Lawrence, celui qu'elle avait tué des années auparavant, était en train de se tortiller au fond de son corps, de hurler de rage et de pleurer en même temps. "Though Hannah, I think you misunderstood me." Il leva les yeux pour les poser sur elle avec une force qu'il n'avait pas encore eue jusqu'à présent. Il regardait la démone sans peur, avec la certitude qu'il n'avait vraiment plus rien à perdre. Elle venait de lui dire qu'elle avait aimé, qu'elle aimait même, quelqu'un d'autre. Il avait secrètement espéré qu'elle serait détruite par leur rupture tout comme il l'avait été. Il avait espéré qu'elle ne pourrait jamais aimer quelqu'un d'autre à nouveau. Mais il réalisait maintenant à quel point il avait été imbécile. C'était elle qui était partie. Evidemment qu'elle était déterminée à refaire sa vie. Mais qu'elle vienne le lui dire, alors qu'elle venait tout juste de le forcer à admettre qu'elle serait toujours l'unique femme de son coeur... ça, ça c'était encore bien plus douloureux que d'être quitté. "I think I didn't want to see you all these years because somewhere deep inside, I knew you would do something like this. I knew you would try to spoil it all." Il regarda autour d'eux avant de continuer. "But you're wrong. Yes you can go, you can love whoever you want and you can be relieved to know that no matter what I will always love you." Il sourit à l'énonciation de ces derniers mots. "Funny how this doesn't really sound like the song uh?" Il reporta de nouveau son regard sur elle et sans exprimer le moindre sentiment au travers de cette fenêtre de l'âme, finit ce qu'il avait commencé "But you see, the one I loved, oh.. the one I love, forgive me, I forgot you just made me admit it still is true. So this one, you see, she's sixteen. She's young, she's fresh, she's stubborn, loving and many other things. But above everything, she isn't you. You're not her. Not anymore." Il sourit presque triomphalement. C'était bon de s'expliquer avec elle. Pas tant pour lui faire mal mais pour le plaisir de prendre son temps et de communiquer avec quelqu'un qui savait tout le poids que pouvaient avoir certains silences, certains regards. Autrefois il lui suffisait d'un regard pour savoir ce qu'elle voulait. Il lui suffisait d'un regard pour entendre Hannah s'exclamer "Lawrence stop it, you're so nasty..." avant qu'il ne l'embrase sous ses baisers. Tous les deux communiquaient autrement qu'avec les mots. Et pourtant il avait décidé de les utiliser jusqu'au bout, pour être sûr qu'il se faisait bien comprendre. "I cherish a souvenir, the memory of you. But now, the woman you've become... Well, let me tell you that I of course know that somewhere deep inside there must be some rests of the girl I once loved. But they faded away with time. Do you even know who you are today? I don't. But of one thing I'm sure. The one you've become, I don't love her." Il fit un pas vers elle. Il se rapprochait tout doucement de celle qu'il venait de transformer de prédatrice en proie. S'il était conscient du mal qu'il pouvait lui faire, il avait décidé de ne pas s'en occuper. Elle l'avait volontairement détruit et c'était à lui de lui prouver qu'il n'était pas sa chose. Il n'était pas un jeune garçon à sa merci qui attendrait qu'elle daigne vouloir de lui. Il ne lécherait pas les blessures que d'autres lui auraient infligées. Il fut de nouveau proche d'elle et malgré lui, son pouls s'accéléra. Mais cette fois il ne perdrait pas pied. Il chassa une mèche du visage d'Hannah tout en la dévisageant sans aucune gêne et avec une froideur nouvelle. "I may desire you. But this isn't what you need. You've got hundreds, what do I says, thousands of men on your feet. You don't need to be desired by me. You need to be loved. Because when you walked away, you lost this incredible feeling of relief, this peace in your heart. And I'm sorry to tell you that thinking this peace will come back now thanks to me, it is a lie." Il caressa tendrement et avec ironie la joue d'Hannah. "There's nothing left of us Hannah. Only my love for a young girl you decided to kill years ago. You could think I'm expecting to see her come back to life but that's where you made your biggest mistake. I may have been a romantic but I'm not a fool. I'm 34 years old and I've tasted life to its fullest. I'm not expecting anything and no... no Hannah, I have nothing to loose." Elle l'avait contredit à ce sujet mais il ne pouvait lui donner raison. Car elle venait de lui faire comprendre qu'il avait vraiment tout perdu. Il lui avait suffi de dire qu'elle en aimait un autre pour lui faire comprendre qu'il était désormais seul. Que pas même les auteurs de livre, pas mêmes les âmes torturées et les grands dramaturges ne voudraient d'eux... parce que leur amour ne pouvait ressusciter. Il en était certain. Il fit tomber sa main le long de son corps, l'obligeant à quitter le visage de la reine de glace. "I don't even have illusions to loose. You loved elsewhere so there really isn't anything more to loose my dear... you." ce dernier mot sortit de ses lèvres comme dans un murmure. C'était une appellation du passé. Et pourtant elle était sortie tout naturellement. Il se rassit à l'endroit où ils s'étaient embrassés et regarda le vide. Dans l'attente qu'elle parte. Saurait-il se rapprocher d'elle suffisamment que pour mener à bien son plan de vengeance? Il n'en savait rien. Il était épuisé. D'un épuisement lent et prenant, ce genre de nausée désagréable lorsque vous sentez que vous vous effondrez et que vous ne pouvez même pas vous laisser aller. Il devrait prendre son temps pour la faire souffrir comme elle l'avait fait avec lui. Et c'était une bataille où il perdrait des ailes. Il était déterminé à la mener mais il ne savait pas s'il s'en sortirait. C'était revigorant et désespérant en même temps. Tout ce qu'il savait en ce moment c'était qu'il avait beaucoup perdu. Il regrettait même d'avoir aimé tant le manque de ce sentiment pouvait être brûlant. A chaque regard qu'il posait sur elle, il voyait le contraste entre cette mine froide et brutale et celle de la Hannah qui le couvait d'amour. Ils n'avaient pas été un gentil couple bien heureux... Ils avaient été tout. L'air et le feu, la terre et l'eau. Ils avaient été magiques dans leur manière de s'exprimer sans parler et tragiques dans leur façon de s'aimer sans se le permettre. Et aujourd'hui, ils n'étaient plus que des épaves dont on se demandait si ils avaient vraiment pu être ravissants dans leurs heures de gloire. Cela semble inconcevable n'est-ce pas?