Souriant malicieusement, je regarde les pommettes de Joanne qui rosissent légèrement face à ces compliments que je trouve toujours le moyen de glisser dans mes phrases. L'effet est toujours le même, mais je ne m'en lasse absolument pas, bien au contraire. Je secoue négativement la tête quand la jeune femme me demande d'arrêter mes flatteries, lui lançant un « Jamais » bien déterminé. Elle est bien trop belle et parfaite à mes yeux pour que me passe de le lui dire, de voir ses yeux bleus pétiller un peu plus, son sourire nerveux et timide étirer sa bouche, ses joues porcelaine prendre un peu plus de couleur. Au moins, elle sait que le jour où ces compliments se feront plus rares, trop rares, c'est qu'elle aura des raisons de s'inquiéter de l'état de notre couple. Mais je doute que ce moment arrive un jour. Sur ce, je quitte la chambre avec mes fils dans les bras. Je ne sais pas s'il sent la balade qui se profile, mais il semble des plus ravis. Je l'allonge délicatement sur sa table à langer, bien calé afin qu'il ne tombe pas. Après quelques secondes de prospection dans les tiroirs de la petite commode qui contient déjà bien trop de petits vêtements de toutes les tailles, formes et couleurs, je tire deux habits que je lui présente. Sans trop savoir pourquoi. Je me dis qu'avoir de l’interaction avec mon fils, pour le peu de fois que cela m'est permis, est assez important. Alors j'en profite. « Bon, dis moi, tu es plutôt d'humeur pantalon ou salopette ? » Il ne comprend strictement rien, mais il gazouille et se met à rire. J'arque un sourcil, essaye de voir vers où se dirige son regard, quelle forme semble lui plaire autant. Ca sera salopette, sur une petite marinière, et avec un petit chapeau -ajouté au dernier moment après avoir constaté que le soleil brille particulièrement fort en ce jour sans nuages. Je me demande s'il existe des lunettes de soleil pour bébé de deux mois -et si nous en avons quelque part. Seigneur, il serait bien trop adorable ainsi. Le chapeau seul fera l'affaire, avec l'abat-jour de la poussette. Alors que j'entends le flux d'eau dans la salle de bains prendre fin, signe de Joanne a terminé de prendre sa douche, je dépose de gros baisers sur les joues de Daniel et le reprend dans mes bras. Paré pour l'aventure. « Ma foi, tu es au moins aussi beau que ton paternel. » Nous descendons au rez-de-chaussée. Ben et Milo, voyant le petit tout habillé, comprennent immédiatement que cela ne peut signifier qu'une chose : promenade. Ils aboient et sautillent de partout, surexcités. Je suis bien obligé de faire preuve de fermeté pour qu'ils me laissent en paix le temps de déployer la poussette et de placer le bébé à l'intérieur, bien attaché. En jetant un coup d'oeil à ses pieds, je m'aperçois qu'il a déjà réussi à se débarrasser d'une chaussette. Honnêtement, à quoi servent ces trucs ? Je lui retire la seconde, couvre ses pieds avec sa petite couverte, et me dit que cela suffira très bien. Au même moment, Joanne descend l'escalier, elle aussi prête à partir. Je lui souris et l'embrasse tendrement, reconnaissant la robe en question. Dans un premier temps, nous attachons les laisses autour du cou des chiens. Puis nous quittons la maison. « Valentino, alors ? » je demande en guidant la poussette sur le chemin vers le parc. La jeune femme m'explique que le rendez-vous a été fixé à la semaine prochaine, et qu'ils sont bien décidés à la rencontrer ainsi qu'à lui donner envie de signer. « J'espère bien qu'ils se plieront en quatre pour toi. » Et pas seulement en y mettant les formes, mais aussi dans le fond. Qu'ils ne lui feront pas perdre son temps, qu'ils l'écouteront et accepteront ses conditions. Je ne tiens pas spécialement à ce qu'elle s'engage sur cette voie, ni qu'elle choisisse cette marque plutôt qu'une autre. Mais quitte à se lancer, autant le faire bien. « Et pourquoi tu les as appelés, finalement ? » je demande afin d'en savoir plus sur les motivations de ma fiancée, toute la réflexion qui l'a menée à décrocher le téléphone pour accepter l'entretien qui lui était proposé. Tout comme je m'assurerai que les créateurs ne l'abusent pas de leur côté, je tiens à vérifier que Joanne va vers eux pour les bonnes raisons. Cela peut se mettre sur mon besoin de tout contrôler, ou, plutôt, sur mon besoin de la protéger, même d'elle-même. « Tu en sais un peu plus sur ce qu'ils aimeraient te proposer ? » j'ajoute, et cela, par pure curiosité.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
L'avantage de Jamie, c'est qu'il avait beaucoup de goût. Il ne faisait pas partie de cette branche de pères incapable d'habiller décemment leur enfant. Non, avec lui, tout était merveilleusement bien choisi, accordé et adapté. Une chose en moins à s'inquiéter pour la jeune femme, qui fut totalement charmée par son fils portant cet adorable salopette. Il esquissa un large sourire et agitait ses bras d'excitation lorsque sa mère était à nouveau dans son champ de vision. Les chiens en laisse, la petite famille était prête à marcher un peu. Pendant ce temps, Joanne revint sur l'entretien qui avait été convenu. Elle acquiesça d'un signe de tête lorsqu'il parlait de Valentino. Joanne ne savait pas vraiment pourquoi elle avait accepté, tout était encore si flou. Le bel homme espérait qu'on se mette à genoux pour elle. "Ils ne m'ont pas beaucoup parlé de mannequinat en tant que tel. Enfin, pas de défilé, de choses dans le même esprit. Enfin, j'avais l'impression que la manière dont on m'en parlait, c'était pour être comme une ambassadrice, une égérie." Joanne ne s'y connaissait pas beaucoup dans ce domaine, et elle jonglait avec les mots, ne trouvant pas vraiment le bon terme. Alors elle en prononçait plusieurs, pour donner une vague idée de ce dont elle parlait. "Enfin, surtout que j'ai parlé à plusieurs personnes. Il y avait d'abord la standardiste, et dès qu'elle a entendu mon nom, elle a bafouillé et s'est précipitée pour transférer l'appel à la secrétaire, qui a fait pareil. Je suis finalement tombée sur un homme, mais j'ai oublié son nom. Tout s'est passé tellement vite." Elle s'exprimait aussi beaucoup avec ses mains, surtout lorsqu'elle cherchait ses mots et tentait de se faire comprendre. Elle soupira, persuadée que son discours n'avait aucun sens. Elle haussa les épaules. "J'ai envie d'y aller, mais j'avoue que c'est surtout par curiosité. Tu l'avais dit toi-même, pas vrai ? Que j'ai les cartes en main. J'aimerais voir ce qu'ils peuvent attendre de moi, pourquoi ils ont tellement voulu me voir." Ils arrivaient au parc. Joanne ôta la laisse des chiens afin qu'ils puissent un peu se défouler. Ils jouaient beaucoup ensemble, tous les deux. "Et d'un autre côté, je me dis que ce sont des choses que tu connais bien. Tu as grandi dans cet univers là et je me dis que si j'ai ne serait-ce qu'un aperçu, ça me ferait connaître une autre partie de ton monde à toi." Elle lui sourit tendrement. "Après, je n'attends rien de particulier, je ne sais tout simplement pas à quoi m'attendre. Je me dis que j'en tirerai forcément quelque chose, ça reste une expérience. Qu'il y ait une proposition de contrat ou non à la fin." Ils se promenaient aléatoirement, au gré de leur discussion. Daniel avait les yeux grand ouverts, regardant comme il pouvait le monde qui s'offrait à lui. Joanne se voyait déjà venir ici quand il sera un peu plus grand, pour jouer dans l'herbe avec les chiens et faire diverses activités à l'ombre d'un arbre. C'était toujours très calme par ici et on oubliait facilement que c'était au milieu d'une immense ville. "Qui ne tente rien n'a rien. Je me dis qu'il faut bien que je sorte un peu de mon trou pour voir comment les choses sont. Et je saurai si ça me plaît ou non. Ca m'évitera de me laisser bouffer par mes appréhensions et mes idées reçues." Ce qui était en soi, un bel élan venant de la jeune femme, qui avait plutôt la fâcheuse tendance à se morfondre et à se laisser pourrir par sa pseudo paranoïa. "Et je sais que nous ne sommes pas dans le besoin, que tu continueras d'insister sur ce point. Mais nous sommes d'accord sur le fait que je ne reprenne pas avant un certain temps mon poste au musée, parce que je veux pouvoir être avec Daniel. Et que si nous avons la chance d'avoir plus tard d'autres enfants, je ne serai pas prête de reprendre ce poste avant très longtemps. Etre maman, je te jure que c'est le plus beau métier du monde. J'ai l'impression que ça fait de moi une femme accomplie. Je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde, mais tu sais très bien que c'est la chose qui m'est le plus chère, et c'est grâce à toi, grâce à nous. Mais j'ai l'impression que je dois apporter quelque chose de plus à la maison, que je dois y contribuer davantage, qu'il me manque quelque chose, et je n'arrive pas à savoir quoi. Alors je cherche où je le peux." dit-elle en haussant les épaules avec un sourire sincère. "Ou alors, c'est peut-être juste le fait qu'il me manque une alliance à mon doigt." ajouta-t-elle en riant ; hypothèse qui était on ne peut plus probable, d'ailleurs.
Comme je le pensais, il n'est pas question de placer Joanne sur le catwalk. Elle est bien trop petite pour cela, et toute sa beauté ne changera rien à ce standard du mètre soixante-dix. Mais surtout, elle a trop de charisme. L'on attend des mannequins qu'elle portent des vêtements et s'effacent dedans comme Largerfeld a su l'imposer à tous les défilés du monde. Des corps sans formes, des visages sans expression. Ma fiancée est bien loin de correspondre à ce genre de définition. Si elle doit travailler, c'est en effet en qualité d'égérie, d'ambassadrice. Pour faire de la photo, ou représenter la marque à des événements. Je ris légèrement en écoutant Joanne m'expliquer toute la panique qu'a créé son appel chez Valentino. « Il faudrait que tu essayes de retenir les noms, ou de les noter. Ca peut être très important, on ne sait jamais. » je glisse à la fin de sa phrase. Un simple conseil qui peut valoir cher. Il suffit souvent d'articuler un nom à la bonne personne pour que de nombreuses portes s'ouvrent. Une astuce de journaliste plus qu'autre chose, je pense. A mes yeux, la jeune femme fait le bon choix en se laissant une chance de se faire convaincre. Juste pour en savoir plus. Et même si cela n'aboutit pas, elle aura appris des choses qui peuvent se révéler précieuses et sortir enrichie d'une telle expérience. « Ca va améliorer tes talents de négociatrice. » dis-je en haussant les épaules, souriant avec amusement. Et si ses interlocuteurs savent utiliser les bons mots, en effet, elle comprendra peut-être ce qui plaît tant chez elle. Quoi que ce n'est pas faute de le lui répéter déjà tous les jours à la maison. Je suppose que cela a une autre valeur provenant d'étrangers. « Restes quand même sur tes gardes, d'accord ? » Je serai là pour veiller sur ses arrières, quoi qu'il arrive. Il faudra d'ailleurs que je puisse me libérer pour ce rendez-vous, si elle souhaite toujours que je sois là. C'est avec un sourire attendri que j'écoute Joanne m'explique qu'elle souhaite, elle aussi, poser sa pierre à notre édifice. Être actrice dans notre vie, et non plus simple spectatrice. Toutes les paroles sont si fortes de cohérence et de logique que je ne trouve pas de point sur lequel la reprendre pour la faire réfléchir à deux fois. Elle a visiblement eu le temps de faire tout le tour de la question. Je ris également quand elle rappelle qu'il manque une certaine alliance à son doigt. « C'est un détail qui peut se régler assez vite. » je réponds en haussant les épaules. Un rendez-vous à la mairie, deux témoins, et l'affaire serait réglée pour ce qui est de l'officiel et de l'administratif. Mais il est quand même mieux de faire les choses bien et d'y mettre la forme. « Tu sais que ton bien être est tout ce qui importe. Si tu penses que cette expérience est nécessaire et que tu seras heureuse, alors tu peux foncer. » Je ne sais pas si ma bénédiction a la oindre valeur aux yeux de Joanne, mais je tiens à lui dire que je suis derrière elle quoi qu'elle fasse. Elle sera toujours celle que j'aime, et que je soutiens dans tout. Après quelques pas supplémentaires dans le parc, je réunis assez de courage pour reprendre la parole et confier à demi-mot les seules inquiétudes que j'ai, commençant par assurer mes arrières en demandant ; « Tu peux me promettre quelque chose ? » Lorsque je dis une telle chose, c'est que je suis sérieux. On ne peut plus sérieux. La jeune femme sait l'importance que j'attache aux promesses, et que les briser est hors de question. C'est le genre de trahison que je ne supporte pas. J'attends une vraie fidélité lorsque l'on me donne sa parole sur un sujet. Commencer de cette manière ne lui donne pas vraiment le choix, mais cela signifie clairement que ce qui suit me tient à coeur. « Si ça se concrétise, si tu décroches un contrat qui te plaît et que tu le signes, si tout ça marche bien pour toi... » Et il y a de grandes chances que ce soit le cas si jamais elle va de l'avant et s'engage dans cette voie. Je n'ai aucun doute à ce sujet. Je le sens. Plus qu'un pressentiment, une évidence. « Tes priorités ne changeront pas. Tu seras toujours ma femme avant d'être la leur, et ton métier sera toujours maman avant d'être modèle. » Joanne peut changer. Prendre confiance en elle, ce genre de choses. Mais pour moi, il est hors de question que sa famille soit un jour reléguée au second plan, qu'elle nous délaisse. Je me doute que cela n'est pas son genre, mais j'ai besoin d'avoir sa parole. « Et tu... Si c'est trop, si tu prends peur, tu m'en parleras. » Plutôt que de prendre la fuite de nouveau. Je ne sais pas si elle est vraiment assez forte pour tout ceci.
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Voilà qu'il lui donnait déjà des conseils alors qu'elle ne s'était engagée dans rien pour le moment. Néanmoins, Jamie s'était montré particulièrement attentif à son discours, sans l'interrompre une seule fois. Il pensait que ça lui permettait de progresser en matière de négociation. Elle n'avait pas vu le sourire amusé qu'il esquissait. "Tu parles." rétorqua-t-elle. "Déjà qu'à la base, je n'ai pas d'esprit de négociations." Elle haussa les épaules. "Je suppose que je ne ferai qu'écouter ce qu'ils veulent me dire, et que si quelque chose ne me convient pas, eh bien... Je verrai bien." dit-elle tout bas. Joanne n'avait pas ce répondant qui était nécessaire pour tout démarchage, elle n'avait pas vraiment de réparti, d'autant plus que c'était un monde qui lui était encore totalement inconnu. Pour que ça puisse être améliorer, il fallait déjà qu'il y ait un début de ce trait de personnalité. Et ça, Joanne ne l'avait pas, elle le savait très bien. Le verge négocier était bien méconnu de son vocabulaire personnel, d'ailleurs. Jamie ne cachait pas son côté protecteur, avec parfois une légère tendance à infantiliser sa belle. Elle restait fragile et particulièrement naïve, c'était certainement ce qui le poussait à l'être autant. Il devait savoir qu'elle était une cible facile. "Je ne sais pas si ça me rendra plus heureuse ou non, d'aller un peu découvrir tout ça. Je sais juste que je suis déjà heureuse en ayant trouver mon identité avec toi, et avec Daniel. Que je fasse partie de notre famille. J'aimerais juste y contribuer davantage aussi de mon côté, et ne pas être celle qui se repose sur ses lauriers alors que tu travailles dur à côté." Ca l'énervait un peu, de ne pas être capable de dire exactement ce qu'elle pensait. "Je sais qu'à tes yeux, rien n'est plus important qu'une mère auprès de son enfant, et je m'y exerce avec grand plaisir. Mais, je ne sais pas... J'ai juste l'impression que ce n'est pas assez, que je ne me donne pas assez pour toi et pour Daniel, pour nous. Il manque un truc, et je n'arrive pas à mettre la main dessus." Elle soupira, ne parvenant pas à ses fins. Il y eut une petite période de flottement avant que Jamie ne reprenne la parole, un peu à reculons. Et il parlait de promesse. Perplexe, la jeune femme fronça un petit peu les sourcils. Elle savait depuis toujours qu'il était loin de plaisanter avec les promesses et qu'il y attachait énormément de valeurs. Elle restait silencieuse, le temps qu'il exprime sa demande. Et ce n'était pas particulièrement facile à entendre. Joanne fit stopper subitement la promenade en maintenant le guidon de la poussette afin que Jamie s'arrête également. Le fixant droit dans les yeux, elle lui demanda. "Qu'est-ce que tu sous-entends ?" C'était presque blessant pour elle, finalement. C'était Joanne la première vouloir une famille, à porter un enfant. C'était une chose qu'elle chérirait à jamais et qui restait l'une de ses priorités, sinon elle aurait reconsidéré à reprendre le travail bien plus tôt. "Si tu me demandes ça, c'est que tu doutes de moi, pas vrai ? De ce qu'il peut advenir de moi, de ce que ça peut me faire devenir." Joanne cherchait des réponses dans la lueur de son regard, et elle en voulait rapidement. Elle n'allait pas revenir sur le fait d'avoir peur, parce qu'elle savait que c'était tout à fait possible que quelque chose finisse par la faire paniquer. Mais il y avait tout le reste de la promesse. "J'ai eu vent de ton ex-femme, du fait que tu lui aies permis d'avoir d'incroyables opportunités et qu'une fois qu'elle avait le monde à ses pieds et qu'elle te le devait, elle t'a abandonné." Elle se passait de dire toutes les autres choses que Victoria lui avait dit à son sujet. Sa voix restait douce, calme, et tendre. "Je ne suis pas Enora, Jamie." Pas une seule fois, elle ne fuyait son regard. "Je pensais que tu avais compris que ma famille restait prioritaire quand j'ai renoncé à mon métier pour pouvoir m'occuper de vous." Elle marqua une brève pause. "Un poste que j'ai du d'ailleurs renoncer définitivement parce que le musée a besoin de la totalité de son personnel présent pour préparer l'inauguration de la nouvelle salle d'exposition en octobre. Et comme mon congé reste à durée indéterminée, j'avais longuement discuter avec le directeur pour libérer le poste." Ainsi allait la vie.Elle comprenait la situation et ne tenait pas à bloquer ainsi le musée, et elle avait quitté son métier de conservatrice volontairement. Elle avait beau être la future femme d'un Lord, cela ne lui octroyait en aucun de bloquer un poste aussi longtemps qu'elle le voulait alors qu'il y avait des demandeurs. Et elle ne voulait pas que Jamie abuse de ses pouvoirs là-dessus, ça n'avait aucun intérêt. Elle haussa les épaules et sourit tristement. "J'aurai préféré t'en parler à un autre moment, dans d'autres circonstances, mais bon." Son rictus était désormais plus sincère. Joanne venait tout juste d'abandonner volontairement un travail qu'elle adorait plus que tout pour son fiancé et son fils. Elle se recentra sur le sujet de conversation principal. "Alors oui, je te promets que ma famille restera ma priorité en tout point, que je reste maman et épouse avant tout, et que je t'en parlerai si je trouve que la situation me dépasse." Elle quitta enfin son regard parce qu'elle n'en pouvait plus de le soutenir. Joanne prit la poussette afin de se promener avec à son tour, faisant ainsi réengager la marche pour tout le monde.
Il a rapidement été évident que la vocation de Joanne état d'être mère, et cela s'est largement confirmé depuis la venue au monde de Daniel. C'était tout ce qui pouvait faire son bonheur. Elle aurait pu répéter cent fois que je lui suffisais, cela n'aurait pas rendu ce mensonge plus réel. Il lui fallait un petit être à aimer et à chérir, ce qu'elle fat à la perfection. C'est ce qu'elle est en son fort intérieur. Maintenant qu'elle a tout ceci, qu'elle est mère et amante à temps plein, il lui manque tout de même quelque chose. Une manière de contribuer à cette vie de famille à laquelle elle a toujours aspiré. Même si la jeune femme a bien du mal à expliquer son ressenti, je pense le comprendre parfaitement. Après tout, elle n'a jamais été à l'aise à l'idée que je sois celui qui paye tout, qui l'accueille dans sa maison, qui la couvre de cadeaux. « Tu fais déjà beaucoup, n'en doute pas. Ne prends pas ma charge de travail comme base de comparaison, ça serait bien trop injuste. » Être le pilier d'un foyer comme elle le fait est un travail important et épuisant en soi. Elle prend soin de ses deux hommes, et rien de plus ne lui est demandé. Sauf que pareil tableau semble sorti du manuel de la parfaite épouse des années cinquante, et que cela ne peut pas pleinement convenir à une demoiselle de notre temps, même quand sa famille est sa priorité. « Néanmoins, je comprends que tu veuilles faire plus. Je ne le trouve pas forcément nécessaire, mais c'est compréhensible. » Je suis sûrement le plus vieux jeu et traditionaliste de nous deux au final. Celui pour qui la maison est le royaume de la femme qui y élève les enfants, celle qui rend la famille heureuse et harmonieuse, tandis que l'homme prodigue le confort matériel. Mon père ne faisait pas parti des conservateurs les plus extrêmes pour rien. « Je tiens juste à ce que tu restes la maman épanouie que je connais aujourd'hui. » Du reste, elle peut bien faire ce qu'elle veut. Je ne tiens pas à ce qu'elle soit frustrée parce qu'elle ne peut pas faire plus pour sa famille. L'important, à mes yeux, est qu'elle n'oublie pas ses priorités. Une promesse que je lui demande de me faire et qui ne manque pas de la faire réagir. Je sursaute lorsqu'elle force l'arrêt de la poussette. Son regard me fait légèrement tressaillir. Je ne m'attendais absolument pas à ce qu'elle réponde de la sorte. « Rien du tout... » je réponds en osant à peine articuler mes mots. Du moins, je ne pensais pas à mal. Mais il est vrai que j'ai peur de vivre deux fois la même histoire, d'être à nouveau délaissé, laissé pour compte. Et au-delà de moi, bien pire, que notre foyer passe au second plan, qu'elle préfère l'amour d'un public plus grand à celui de sa famille. « Je... » Mon coeur accélère légèrement. Je ne trouve pas les mots pour me rattraper, et plus Joanne parle, plus je me sens coupable et honteux d'avoir demandé une chose pareille. Pourtant, si la dégradation de ma relation avec mon ex-femme lui a été contée -ce qui m'étonne sur le moment- elle devrait comprendre mes craintes. Mais elle n'est pas Enora, elle le souligne bien. « Je le sais, je... » Non, je n'ai rien à dire. C'était juste une demande idiote. Je m'enfonce un peu plus dans la culpabilité quand la jeune femme m'explique qu'elle a démissionné de son poste au musée. Je serre les dents, un brin agacé. Est-ce que c'est si mal d'avoir besoin d'être rassuré ? Finalement, elle formule cette promesse, qui n'a finalement plus vraiment de sens. « ...merci. » je souffle quand même avant que ma fiancée reprenne la marche. Je reste sur place quelques secondes, fourre mes mains dans mes poches puisqu'elles ne sont plus sur le guidon de la poussette, puis rattrape Joanne d'un pas rapide, le regard bas. « Je ne voulais pas être offensant. » dis-je en guide d'excuses. « Je le pensais quand je disais que je ne crois pas que tu sois du genre à changer à cause de tout ça. » Je le lui avais dit dans mon bureau, l'autre jour, et cela est vrai. Néanmoins, on ne peut jamais être complètement sûr de ce que ce genre d'expérience peut transformer chez quelqu'un. Enora avait une prédisposition à devenir ce qu'elle est devenue et que Joanne n'a pas. Cela n'empêche pas des dérives. « J'avais juste besoin de l'entendre. » je murmure, haussant les épaules. Ca me semble légitime. Je soupire de nouveau et n'ose plus rien dire pendant un moment, marchant machinalement à côté de la jeune femme. J'attends que les minutes estompent petit à petit le malaise. Mais un point me tracasse toujours. « Je me sens coupable que tu aies quitté le musée. » dis-je au bout d'un moment. C'est une décision logique et, il faut l'avouer, inévitable. Cela me rend quand même triste pour Joanne. J'ai l'impression de l'arracher à tout, et d'en faire vraiment ma captive. « C'est un travail que tu aimes tellement... » Cette fois, ses collègues auront de bonnes raison de réellement m'en vouloir de leur avoir pris Joanne. Définitivement.
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C'était le genre de malaise et de discussion qu'aucun des deux n'appréciait. Etre sur le fil du rasoir, peur que tout tourne au vinaigre. On voyait distinctement sur son visage que Jamie était plus que surpris de la réaction immédiate de sa fiancée. Pour elle, c'était quasiment légitime. Le pauvre était à cours de mots face au propos et se sentait certainement assez mal d'avoir ponctuer ses doutes par le biais de la promesse qu'il lui demandait de tenir. Ca avait un peu blessé et déçu Joanne, ce n'était vraiment pas agréable à entendre bien que ce n'était qu'une garantie de maintenir leur petite famille soudée et en sécurité. Elle comprenait qu'il ait de pareilles craintes vis-à-vis de sa propre expérience de vie. Mais la belle blonde avait bien du mal à être comparée à une mannequin opportuniste qui allait voir ailleurs dès qu'elle le pouvait derrière le dos de son prétendu époux. Cette pensée la dégoûtait. Jamie restait pris de court pendant un long moment, ne sachant plus vraiment où se mettre lorsqu'il avait réalisé qu'il avait touché un point sensible auprès de sa belle. Elle venait juste de lui révéler qu'elle avait du démissionner de son poste au musée. C'était certainement aussi pour ça, qu'elle cherchait ce petit truc qui lui manquait. Etre conservatrice était la seule chose qui la définissait et qui l'identifiait entre son divorce et la rencontre avec Jamie. C'était la seule chose qui la maintenait assez saine d'esprit et qui la faisait se lever toujours. Elle adorait ce métier, Jamie ne le savait que trop bien. Elle satisfaisait sa curiosité en matière d'Histoire à chaque nouvelle collection, cherchait les détails, découvrait de nouveaux secrets, les répertoriait. Il y avait entre ces murs tout ce dont elle avait besoin pour s'épanouir. Jamie avait aisément deviné cette passion le soir du gala où ils avaient pu se connaître un peu mieux. Joanne préférait reprendre la marche, histoire d'apaiser la légère tension qui s'était instaurée d'elle-même. Le bel Anglais restait un court instant en retrait avant de rapidement la rejoindre, les mains dans les poches. Il s'excusa d'avoir été offensant par le biais de la promesse qu'il lui avait demandé de tenir. Il reprenait les propos qu'il avait tenu quand elle était venue le voir par surprise au bureau. Il savait qu'il y avait de très faibles chances qu'elle change du tout au tout si elle venait à s'engager de cette voie. Mais il avait besoin d'entendre cette promesse malgré tout. Il doutait quand même, un peu. "Je comprends." dit-elle, tête baissée, sans la redresser. Il y avait encore un léger malaise qui traînait, mails il allait bien finir par se dissiper avec le temps qui s'écoulait. Néanmoins, Jamie était très agacée à l'idée qu'elle ait du renoncer à son poste. Il savait à quel point elle adorait ce métier. "Tu n'as pas à te sentir coupable." finit-elle par dire. Elle ne pouvait pas dire que ça ne lui faisait rien, c'était sûr que ce n'était pas facile de signer le papier. "Pour une fois, j'ai été capable de prendre une décision difficile par moi-même, et que je sais que c'est la bonne. Et c'était une évidence pour moi que je me consacre à ma famille, et le directeur l'avait bien comprit." Bien sûr qu'elle était triste, ça restait tout de même un sacrifice. "Et ça vaut le coup." dit-elle plus bas en constatant que Daniel commençait à s'assoupir. "Je ne dis pas que ça a été facile. Mais il fallait que je me rende à l'évidence que je n'aurai su palier les deux, et il faut que je m'occupe de vous, de nous." C'était ça, sa priorité, maintenant que tout dans leur vie de couple allait, que la vie familiale se portait à merveille. les chiens couraient dans tous les sens dans le parc, jouant sans cesse ensemble. Peut-être que sa démission était l'une des explications de ce petit manque qu'elle ressentait en elle, elle ne le savait pas vraiment. Mais depuis les bancs de la faculté, ce métier était tout tracé dans son identité, elle avait simplement pris la décision de privilégier son rôle de maman, qui lui était indéniablement plus important. "Il faudra juste un peu de temps pour que je m'y fasse, mais ça va aller." finit-elle par dire, avec un sourire sincère, redressant enfin un peu sa tête.
Je rends son sourire à Joanne, sincèrement désolé tout de même. Je n'aurais jamais pensé qu'elle se retrouve obligée de quitter son poste au musée, malgré sa longue absence, et pourtant, il faut se rendre à l'évidence, aussi triste cela soit-il. C'était la seule chose à faire. Mon regard fait comprendre que je suis fier de son dévouement, mais je n'ose pas articuler un mot, de peur de tourner le couteau dans la plaie. La situation ne semble pas facile à digérer pour la jeune femme qui doit tirer un trait, provisoire je l'espère, sur un métier qu'elle adore depuis de longues années. Un autre travail demande toute son attention, et entre les deux, elle a fait son choix. Ma culpabilité est toujours là, elle le restera quelques jours sûrement. Il est assez difficile pour moi de ne pas me souvenir de tous les pics sarcastiques qui m'ont été adressés depuis que je connais Joanne concernant le fait que je la monopolise et la vole au musée. Au final, ces remarques s'avèrent vraies. Un peu comme cette histoire de syndrome de Stockholm, dans le fond. Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il y avait à coup sûr d'autres solutions plutôt que la démission pure et simple, mais je ne sais as lesquelles. Travailler deux ou trois jours par semaine par exemple. Rien qui ne convienne à tout le monde en réalité : ni au musée, ni à Joanne, ni à Daniel. Je passe un bras autour des épaules de ma fiancée comme pour la réconforter, et l'encourager un peu. C'était une bonne décision. Peut-être pourra-t-elle reprendre ce travail dans quelques temps, même si cela se compte en années, même si cela doit être dans un autre musée. Et s'ils sont trop frileux pour embaucher une femme ayant pris une longue pause dans sa carrière pour se consacrer à ses enfants, comme cela est souvent le cas, elle pourra certainement postuler quelque part pour devenir professeur. Elle trouvera bien un moyen de renouer avec sa passion un jour. Après tout, elle ne sera pas maman à plein temps pour toujours. Mais nous n'en sommes pas là. Je dépose un baiser sur sa tempe, et nous poursuivons ainsi la promenade pendant une bonne demi-heure. Daniel s'est endormi, bercé par la poussette qui poursuit sur le chemin de terre qui arpente le parc. L'ambiance se détend progressivement, jusqu'à retrouver toute sa légèreté. Lorsque le soleil atteint son zénith, nous décidons de rentrer. J'appelle Ben et Milo qui se sont progressivement éloignés de nous pour jouer avec d'autres chiens. Ils quittent leurs compagnons à contre coeur pour revenir à mes pieds. Le temps d'effectuer le chemin de retour, je leur lance régulièrement leur balle et suis attentif à ce qu'ils reviennent toujours me la rendre dans la main sans s'aventurer trop loin. C'est à la sortie du parc que j'attache leur laisse autour de leur cou, et noue celles-ci au guidon de la poussette. Je prends ensuite la relève de Joanne, dont les bras commencent à fatiguer, sur le chemin de la maison. Une fois rentrés, la jeune mère s'occupe immédiatement de mettre le petit dans son berceau tandis que je ferme la porte derrière-nous, sur notre tranquille petite bulle qui n'a guère besoin des interférences du monde extérieur. Pas pour ce week-end.