J’avais envie de rire, j’avais envie de dire des bêtises, de jouer avec le faible d’humour que j’ai. Avec lui. Et c’était bien la première en de nombreuses années que j’avais envie de faire ça en compagnie d’un homme, que je me sentais vraiment à l’aise. Tellement que je me moquais presque de moi-même, me trouvant ridicule de penser que je pouvais donner un tel privilège. A certaines personnes je trouve ça normal, mais avec lui, c’est différent. C’est alors que les plats étaient bien arrivés, qu’on commençait à manger et surtout on continuait la conversation mais sur le travail cette fois-ci. En même temps, parler peinture pour lui, c’est parler boulot également. Pourquoi ne pas changer d’équipe, ça, c’est une très bonne question Le problème c’est que mon équipe est fournie de bons éléments tout de même. Je ne peux pas juste les virer comme ça, il me faudrait une plus forte raison. Lui expliquais-je alors, surtout qu’il doit bien se douter que je dois être invivable avec eux. Mais il me demande ça par pure politesse, comme si j’étais une chef douce et généreuse. Loin de là, parce que si j’ai réussi à monter si haut en grade ce n’est pas grâce à ma gentillesse. Il ne me reste plus que choisir entre changer de comportement pour voir si ça change quelque chose dans leur performance, ou prendre des vacances. Oui, prendre des vacances, c’est la meilleure solution, pour sûr. La conversation s’était à peine calmée qu’il enchaîna sur un sujet assez délicat. Je me sentais légèrement honteuse. C’est pas vrai, que de nouvelles sensations qui ne me conviennent guère mais qui m’envahissent sans prévenir. Je respire profondément, mais sans que ce soit trop remarquable et essayais de garder mon sourire en coin Nulle part, l’homme parfait ne se trouve malheureusement pas à chaque coin de rue. Lui répondais-je pour être davantage sur la défensive plutôt qu’en victime. Je ne voulais pas qu’il voit que c’est le sujet le plus sensible de ma vie, que je souhaite au plus vite trouver un homme qui me conviendrait, même si c’est seulement pour une nuit. Certes, j’ai de plus en plus envie que ça soit lui, mais est-ce réellement une bonne idée ? Faudrait déjà que j’assume que Gabriel me plaise avant de pouvoir penser à cette hypothèse.

Le travail de Rebecca lui paraissait un peu compliqué. Diriger une équipe, pour sûr que ça ne serait jamais son truc à lui. Par contre, même en se doutant qu'elle était une chef avait sûrement un sacré caractère, il ne doutait pas de sa capacité à pouvoir être en haut de la pyramide en prenant des décisions importantes. Gabriel avait beaucoup de respect pour la jeune femme et ce qu'elle avait pu accomplir dans sa vie, comme quoi fille à papa ou non, on pouvait se forger un nom dans la société et quelque part que tout ce qu'elle montrait en public n'était qu'une façon de se protéger. Il n'y avait cas la voir sourire ce soir, il en souriait aussi mais il ne fit aucune remarque ayant un peu peur qu'elle puisse se braquer se fermant complètement à lui et ce n'était vraiment pas le but. Il acquiesça avant de lui répondre.

- Je vois, cela ne doit pas être toujours évidant de gérer une équipe mais je suis sûr que tu trouveras une solution. Trouve quelque chose qui les motivent et mets-les au défi, je suis persuadé que cela pourrait fonctionner mais en expérience je n'ai que ma propre motivation alors…

Gabriel laissa sa phrase en suspens affichant un léger sourire en coin puis il continua de manger dans ce restaurant qu'il connaissait si bien. Une seconde question lui revint en tête mais c'était plus pour plaisanter qu'autre chose car le jeune homme n'avait pas vraiment pris au sérieux le fait que Rebecca pouvait cherché « l'homme parfait » pour avoir un enfant. Tout était relatif et qu'est-ce la perfection dans notre monde ? Mais elle pouvait sûrement trouver un riche héritier mannequin en herbe, enfin si l'un de ses critères étaient la beauté pour l'hérédité ou quelque chose comme ça. Néanmoins, il avait pensé à une plaisanterie juste pour lui dire, je cherche l'homme parfait mais ce n'est pas toi. Et ça, il le savait mais sans tous ces petits défauts qu'il avait, il serait vraiment ennuyeux enfin c'est ce qu'il s'efforçait de dire à ses frères et sœurs lorsqu'ils se plaignaient tous de son comportement parfois un peu excessif. Il fit une légère moue avant de reprendre.

- J'imagine. Pas facile de trouver quelqu'un de parfait de nos jours. Peut-être que tu trouveras en arrêtant de chercher.

C'était une façon de dire qu'elle devait peut-être lever le pied. Se laisser un peu aller et juste prendre quelques vacances même dans sa vie. Réaliser des folies, avoir quelques regrets mais aussi de se laisser surprendre par les autres. Sa vie avait l'air beaucoup trop orchestré, au point de ne jamais laisser le hasard décider pour elle.  

Gérer une équipe n’est pas évident non, mais c’est quelque chose qui me colle à la peau, que j’adore faire et je l’ai même commencé dès ma naissance avec ma sœur. Bon elle a été la première rebelle évidemment, mais je savais déjà que j’aimais ça. Mais faut dire que gérer mon équipe est quelque chose d’encore moins évident. J’écoutais alors Gabriel me proposait ses idées. Qu’en penser … Oui, les motiver, c’est ce que j’essaie sans arrêt de faire. Ma technique semble dépasser avec eux. Une nouvelle serait certainement bien plus la bienvenue. Il me fit de nouveau sourire alors qu’il me disait n’avoir aucune expérience vu qu’il était tout seul à devoir se motiver. Je m’en doutais bien Ce n’est pas plus mal, on est jamais mieux servi que par soi-même. Lui répondais-je alors. Parce que oui, je suis bien obligé de finir le travail de mes subordonnés quand ils sont incompétents et trop lents. Seulement je ne pouvais pas tout faire à leur place. Alors oui fallait que je décroche un peu, que je me recentre sur moi-même, peut-être était-ce tout simplement ça la réponse à mes attentes. Attentes qui étaient sûrement bien trop exigeantes en matière général mais surtout avec les hommes. Je suis bien consciente que l’homme parfait est dur à trouver, mais je ne souhaite simplement que l’homme avec des gênes tout à fait acceptable. Parfait est un bien grand mot j’en suis consciente, mais c’est pour me mettre une certaine barrière. Je suis bien consciente que l’homme parfait n’existe pas. Il faudrait qu’il le soit un maximum selon mes critères. Mais arrêter de chercher ? Ca, non, je ne pourrais jamais réellement réussir. A chaque homme que je rencontre, je l’analyse automatiquement et sais s’il pourrait convenir ou non. Même lorsque je ne pouvais pas avoir cet enfant que je désire tant, je le faisais. Alors arrêter du jour au lendemain me semble impossible. En attendant je ne pourrais m’arrêter de cherche que lorsque je l’aurais trouvé. J’ai absolument besoin de cet enfant. Lui répondais-je alors, ne voulant pas forcément le contredire, mais lui faire comprendre que son conseil ne pouvait pas s’appliquer à moi, malgré le fait qu’il soit certainement utile en d’autres circonstances. Je me rendais compte alors tout à coup que je m’étais un peu trop dévoilée. Je n’aurais pas du, je me sens un peu trop à l’aise, mais peu importe, ça ne change rien.

Rebecca avait bien raison sur le fait qu'on était toujours mieux servi par soi-même. Le jeune homme se souvenait de tous ces petits boulots qu'il avait pu faire, parfois certains en travail d'équipe et ce n'était vraiment pas son truc. Malgré ça, il se souvenait de quelques travaux qu'il avait pu faire à son école d'art en commun avec d'autres personnes. Pas motiver à la base, son professeur trouvait toujours quelque chose qui donnait finalement envie à Gabriel de travailler en groupe et pourtant ce n'était pas gagner d'avance. Alors peut-être que Rebecca pouvait faire pareil, trouver la petite étincelle en chacun d'eux et la mettre à profit.

- Tu as bien raison. Mais quand quelque chose ne me plaît pas, je ne peux m'en prendre cas moi-même et personne ne vient me dire que je pourrais faire mieux la prochaine fois. Se convaincre tout seul, ce n'est parfois pas aussi facile qu'on le voudrait.

Gabriel fit une légère grimace en fronçant le nez tout en repensant à un amateur d'art qui avait descendu son travail il y a quelques semaines. Il avait mit des jours avant de se convaincre que son travail n'était pas « sans âme » pour reprendre ses propres mots. Ce genre de réflexion était toujours dur à encaisser. Il chassa cette pensée de sa tête tout en écoutant la jeune femme face à lui. Ça le fit sourire, car les critères de Rebecca étaient sûrement tous à la hausse et ça allait être difficile pour elle de trouver, l'homme idéal. Mais quelque part, Gabriel pensa que ce n'était pas plus mal et que ça lui laisserait un peu plus de temps pour être avec elle. Il n'allait pas s'en plaindre non plus.

- Alors je crois que je peux juste te souhaiter bonne chance. Je suis persuadé que tu trouveras. Tu as toujours obtenu tout ce que tu voulais.

Une fois que leur plat principal fut fini, le serveur retira leurs assiettes en apportant la carte des desserts. Tout un tas de gourmandises qui faisait toujours envie à Gabriel. Si ça ne tenait cas lui tous les repas se commenceraient par un dessert. Le sucre avait quelque chose de délicieux, tout autant que sa bouche sur la peau brûlante de Rebecca. Il pensait à tout autre chose là. Gabriel se mit à sourire sentant une légère gêne lui montait aux joues avant d'ajouter.

- Tu as fait ton choix sur un dessert ?  

Il ne pouvait que parfaitement comprendre le fait qu’on est jamais mieux servi que par soi-même, il travaille tout seul et n’a de compte à rendre à personne. C’est sûrement ce que je devrais faire, mais j’aurais bien trop peur de l’instabilité, même si en soit, j’ai ramassé assez d’argent pour monter ma propre boite. Mais c’est le genre de métier où il y a besoin d’une équipe malheureusement, alors je n’ai pas vraiment le choix, les jeux vidéo, c’est ma vie, et les concevoir encore plus, alors imaginer faire autre chose de ma vie, ça me donne des frissons. Mais c’est vrai que pour la motivation, la rapidité, rien ne vaut un petit chef pour vous motiver. Et c’est ce que je m’efforce de faire avec mon équipe. Mais ils s’en plaignent sans arrêt, surtout Khadji qui me tape sur le système, mais que je respecte pour son honnêteté. J’imagine bien. Lui répondais-je simplement, ne sachant pas que lui répondre d’autre à ce sujet. La vie d’artiste, ce n’est certainement pas pour moi, je pense que je serais très rapidement devenue folle. Mais ça semblait bien lui réussir pour sa part, et je trouvais que ça lui allait bien. Mais de là à dire qu’il serait l’homme idéal pour mon enfant ? … Ce n’est pas ça, je n’arrivais pas à penser de façon neutre et sérieuse, mes émotions interféraient et j’avais envie de dire que oui alors que je savais que non. Je sentais mon cœur s’emballait rien à qu’à cette pensée, c’est pitoyable. Je souriais simplement, sûrement bizarrement face à son calme face au sujet. Il n’y a que moi qui sentais bizarre ? Je me sentais tout à coup très stupide. Heureusement il me changea aussitôt les idées. Je regardais très rapidement la carte des desserts mais je n’en prenais jamais, ça n’a jamais été mon truc le sucre. Je prendrais un simple digestif, un Side Car. Lui répondais-je en refermant la carte. Rien n’était meilleur pour ma digestion qu’un verre d’alcool petit mais fort. Ca permettrait d’oublier un peu ces idées stupides que j’ai depuis le début de ce repas. Tu as prévu quoi après ce repas ? Lui demandais-je de façon un peu aguicheuse certes, mais au moins, je serais calée. Parce qu’il est hors de question qu’on ne finisse que par ce simple dessert. Ca ferait bien trop rendez-vous officiel.

Gabriel laissa le sujet « travail » de coté voyant bien que ça n'était pas le sujet favoris de Rebecca. Même s'il se sentait à l'aise en présence de la jeune femme c'était tout de même difficile de pouvoir trouver un sujet à aborder où ils auraient tous les deux des points communs. Ils étaient très différents, elle était même la personne qui représentait son opposé exact, du moins, c'est ce que pensait Gabriel. Ça ne le dérangeait pas bien au contraire, ça le sortait d'une certaine monotonie qu'il pouvait avoir parfois en présence d'autres artistes par exemple. Il adorait parlé d'art mais il arrivait parfois qu'il en avait marre. Tout ça pour dire qu'il ne s'était encore jamais lassé de la présence de Rebecca, il appréciait même les petits piques qu'elle lui lançait maintenant qu'il était beaucoup moins sensible à ce genre « d'attaques ». Il acquiesça lorsqu'elle parla de prendre un digestif mais c'était hors de question pour lui qu'il sorte de ce restaurant s'en prendre un dessert. Il tourna son regard vers le serveur qui venait d'arriver à leur table.

- Ce sera un digestif, un side car pour mademoiselle Priest et une mousse au chocolat pour moi, merci.

Tout en souriant, le serveur récupéra les cartes et fila directement en cuisine tandis que l'attention de Gabriel se reporta sur Rebecca. Cette question qu'elle lui posait, elle pouvait être pleine de sous entendus ou alors elle le testait. Pour tout dire, il n'avait pas vraiment réfléchis pour ce qui viendrait après la soirée puisqu'il n'était même pas sûr qu'elle accepte de dîner avec lui ce soir. Un fin sourire se dessina aux coins de ses lèvres avant qu'il ne réponde.

- Et bien, je comptais te raccompagner chez toi comme un parfait gentleman.

Ils auraient très bien pu faire autre chose mais n'importe quoi après ce repas aurait été mit direct dans la catégorie des rendez-vous galant et comme ce n'était pas le cas, du moins, ils essayaient de s'en convaincre tous les deux, il valait mieux que le repas se termine sur une pointe de galanterie.

Un digestif, il n’y a rien de mieux qu’un digestif acide et amer. Bon le Side Car n’est pas si amer que ça, je trouve même qu’il a un délicieux arrière-goût, certainement du au Cointreau. Je pourrais facilement en boire tous les jours. Mais même si c’est bien moins sucré que les desserts sucrés en général, il va de soit que ce n’est pas bon pour la santé. J’ai un peu trop abusé de l’alcool dans mes jeunes années, quand je me croyais stérile, que je me suis faite abandonnée par l’homme que je pensais parfait et idéal pour moi. Fallait croire que non, qu’aucun homme n’est assez bien pour moi. Ils ne me supportent pas, je le sais parfaitement. J’essaie simplement de me remonter le moral comme je peux, alors que je sais parfaitement la vérité. Et quand je suis avec Gabriel, j’arrive à y penser clairement. Mais bien vite, mon mur, ma carapace d’acier se reforme et j’en oublie presque ce que je ressens réellement. Tout comme en ce moment avec lui. Je lui demandais ce qu’il comptait faire par la suite, et j’agissais comme une vraie chaudasse, alors qu’au fond, je voulais juste un vrai rendez-vous, dans les règles de l’art. Et bizarrement, je tombais bien de haut quand il me disait ce que je voulais entendre, au plus profond de moi. Ca me faisait horriblement du bien, tellement que je n’aurais pas pensé ça possible. Je me suis même mise à sourire bêtement. Quelle fille serait heureuse qu’un homme la raccompagne simplement chez elle sans rien de plus ? J’ai vraiment quelque chose qui déconne. Nos desserts finirent par arriver avant que je ne puisse répondre au beau brun Ca me va parfaitement. Pourquoi aurais-je insisté alors que je sais parfaitement que c’est ce que je voulais. Pour la première fois depuis bien des années, je me découvrais de nouveau.