Au fond ce n'était pas un euphémisme, Tommy avait véritablement l'impression d'avoir sa sœur aînée sur le dos à longueur de temps ... Là encore elle lui téléphonait, probablement pour lui reprocher quelque chose ou lui réclamer Moïra. Comme s'il avait une quelconque obligation concernant sa fille, il la laissait voir le reste des Warren parce qu'il le voulait bien, il estimait faire d'importants efforts à ce sujet, mais il n'y était en rien obligé et si un jour il décidait que ce ne serait plus le cas ... Alors ce ne serait plus le cas. Était-ce de sa faute à lui, si à trop vouloir étaler leur carrière professionnelle parfaite aucun de ses aînés n'avait songé à avoir ses propres enfants ? Le côté mère-la-morale de Beth le crispait toujours autant après une décennie entière à vivre sur un autre continent, et son cynisme ne le rendait que moyennement étonné de voir que Rebecca ne la portait toujours pas dans son cœur elle non plus. « Ça ne s’est jamais arrangé non. Et c’est pour le mieux. » Un fait qui semblait parfaitement lui convenir, à en croire son air satisfait. Tommy trouvait un peu étrange de continuer à nourrir une rancune datant du lycée sans nouveau fait - à sa connaissance du moins - mais il avait fini par renoncer à comprendre la rancune féminine. « Tu es parti combien de temps ? » avait-elle fini par questionner, et terminant son verre d'eau il avait répondu « Dix ans. Presque onze. » Et surtout il n'avait à la base pas prévenu de revenir ; Les choses n'auraient pas du se passer ainsi.
Dix ans c'était une éternité à bien y réfléchir, c'était plus de temps qu'il n'en fallait pour changer un homme - ou une femme - et c'était bien assez pour y repenser avec un certain recul. Rebecca, elle, semblait pourtant penser que ce n'était pas suffisant à en juger par le « Je t’ai connu au lycée, tout ce dont j’ai besoin de savoir c’est le niveau de sadisme. » qu'elle lui avait lancé en réponse. Est-ce qu'elle s'attendait véritablement à avoir en face d'elle le petit branleur de lycéen qu'il avait été ? Et elle, n'avait-elle pas évolué depuis ses "vingt ans et des poussières" ? « J'crois qu'il va falloir que tu me fasse confiance pour le reste. » Sourire narquois en prime, il ne fermait pas totalement la porte mais ne voulait pas non plus donner l'impression de boire ses paroles et ses propositions comme le dernier des influençables. Elle n'avait de toute manière pas eu le loisir de pousser plus loin la discussion puisque la poignée de la porte avait sorti Tommy de son insouciance mal placée et lui avait rappelé le pétrin dans lequel il serait si on le trouvait là un jour de fermeture, à se remplir l'estomac aux frais du patron.
Déguerpissant en vitesse après avoir vaguement effacé les traces de leur passage, entraînant Rebecca à sa suite, le brun avait traversé les cuisines pour emprunter la porte menant à l'arrière-cour. Là, cachés derrière une pile de caisses que personne n'avait jamais le courage de sortir et de trimballer sur le trottoir pour que la benne les ramasse enfin, Tommy n'en menait pas large et pourtant il trouvait encore le moyen de faire le malin, trouvant même à la situation quelque chose de divertissant. « Je ne peux pas dire le contraire. » avait d'ailleurs admis la blonde, sans qu'il ne puisse pourtant empêcher la question fatidique d'être enfin posée lorsqu'elle avait repris « Tu m’expliques où ta sortie de derrière ? » Grimaçant légèrement, Tommy avait d'une certaine manière senti l’étau se resserrer quelque peu autour de lui. Il aurait pu trouver une nouvelle pirouette et inventer une nouvelle excuse, mais la comédie avait probablement assez duré. Haussant les épaules, il avait tenté d'adopter un air détaché « J'ai peut-être "un peu" sur-vendu mon job dans ce restaurant. » Et sur-vendu surtout son droit à se trouver là aujourd'hui, malgré qu'il possède un jeu de clefs. Chuchotant toujours il avait repris « On s'en fiche, t'as l'estomac rempli, un peu d'adrénaline par-dessus ... J'vois pas ce qu'on peut espérer de plus. » Le regard jusque-là toujours braqué vers la porte, comme s'il craignait d'y voir surgir quelqu'un d'un instant à l'autre, il avait fini par baisser à nouveau les yeux vers Rebecca « Et je ne sais pas si tu aurais eu droit à autant de promiscuité avec Mister lapin. » Sourire narquois, à nouveau. Et par promiscuité il entendait par-là le fait que coincés entre ces caisses et ce mur, leur cachette encourageait fortement la proximité corporelle.
Ca m'avait fait un petit drôle d'effet d'être si proche de ma pire ennemie le temps d'un instant à travers un téléphone portable. Je ne pensais pas que je reverrais son prénom écrit. Je ne l'avais jamais croisé de nouveau depuis tout ce temps. Elle était simplement resté pour moi ce qu'elle a été au lycée, et je ne vois pas pourquoi et comment ça aurait pu évoluer. Je fus tout de même surprise que Tommy fut parti aussi longtemps loin d'ici. J'avais forcément suivi ma vie, mon chemin, sans me préoccuper de ce qu'était devenu le petit peuple de mon lycée. J'avais déjà subi ces gens là alors que j'aurais du être dans un de ces lycées prestigieux et chers. Je peux assurer que mon enfant aura ce droit, et ce mérite. Mais voilà que cette conversation fut balayer par des bruits d'intrusion dans le restaurant. Pas le temps de compter jusqu'à trois qu'on se retrouvait dans une sorte de remise sans issue de secours. Forcément, je n'étais pas ravie et je ne me priais pas pour le faire remarquer à mon kidnapper. Bon bien sûr que c'est un grand mot, mais là il ne m'inspirait déjà beaucoup moins de confiance. Mais en même temps je n'avais plus vraiment le choix que de lui faire confiance comme il le disait si bien. Bien qu'il m'avait dit ça juste avant que la personne débarque dans le resto. Je tombais un peu des nues quand il m'avoua en avoir trop rajouté sur son boulot. Pourquoi je me fais toujours avoir si facilement ? Après tout, il ne valait certainement pas mieux que ce monsieur lapin. Je le fixais, outrée par cet affront, outrée par le fait qu'il ose dire qu'on s'en fichait. Même si je préférais bien plus restée cachée ici avec lui, plutôt que de faire un séjour chez les flics. Mon casier compte rester vierge jusqu'à la fin de mes jours. J'ai horreur des mensonges. Lui disais-je un peu en sifflant comme un serpent et en lui lançant un regard plissé qui montrait bien que je n'étais pas contente. Mais je ne bougeais pas pour autant, je n'allais pas pour autant lui faire la guerre, parce que oui il avait rendu mine de rien, mon repas bien plus attrayant que le simple débile qui avait fait perdre mon temps. Il serait venu, il n'aurait pas eu le choix. Lui répondais-je en haussant un sourcil, parce que oui ce repas n'avait été que pour cette conclusion, je ne cherche clairement l'amour de ma vie, non, ni même un homme avec qui avoir une relation de plus d'une simple nuit.
Tommy aurait bien du se douter que les choses n'auraient pas pu se terminer autrement, il avait la poisse, c'était un fait établi et qui se vérifiait au jour le jour. Une chance sur dix que quelqu'un se pointe au restaurant un jour de fermeture, mais une chance sur dix c'était amplement suffisant, et outre le fait d'avoir du les pousser à détaler comme des lapins (toujours eux, décidément) le voilà aussi qui avait du avouer son léger manque d'honnêteté. La blonde, sans doute un peu vexée dans son ego qu'on se soit ainsi joué d'elle, lui avait offert un visage boudeur et fait savoir d'un ton sifflant « J'ai horreur des mensonges. » Loin de se laisser démonter par si peu, cependant, Tommy s'était contenté d'un sourire légèrement narquois, tout juste rendu plus prudent par l'idée qu'ils soient découverts « Moi qui pensais que tu aimais vivre dangereusement. » Il se moquait un peu, gentiment dirons-nous, tentant de lui faire voir le côté positif de la chose et de lui faire admettre qu'à défaut d'être de tout repos sa pause de midi aurait au moins eu le mérite de la sortir de sa zone de confort « Il serait venu, il n'aurait pas eu le choix. » Tiens donc, elle semblait bien sûre de ce qu'elle avançait, et si Tommy ne s'était pas retenu il aurait été tenté de lui faire remarquer qu'il avait en tout cas fait le choix de lui poser un lapin, et là-dessus il n'avait pas eu besoin qu'elle lui force la main.
Le silence était de toute manière devenu de rigueur lorsque la porte arrière s'était ouverte, Rebecca autant que lui retenant leur respiration en observant depuis leur cachette la silhouette trapue du véritable maitre des lieux, cigarette coincée entre ses lèvres retroussées, et l'air légèrement contrarié. Il leur avait semblé que le temps où il avait grillé sa clope avait duré des heures, mais finalement l'homme avait tourné les talons et refermé la porte derrière lui, provoquant chez la blonde et le brun un léger soupir de soulagement « J'te propose pas de rentrer à nouveau pour prendre un dessert. » avait-il finalement ironisé à voix basse, avant d'enfin oser sortir de leur cachette et de la laisser en faire de même. « Mais il y a un café au bout de la rue, par contre. Je t'en offre un ? Pour me faire pardonner mon vilain mensonge. » Du moins vilain, c'était son point de vue à elle, lui continuant de penser qu'il n'y avait pas mort d'homme, et se contentait de ne pas se laisser démonter par son petit air pincé de femme bafouée. « Allez, fais pas cette tête ... tiens, j'te laisse me poser n'importe quelle question si ça te fait plaisir, et je promets de répondre avec honnêteté. Mais choisis bien, c'est une offre valable une seule fois. » Ce qui ne signifiait pas qu'il n'était jamais honnête le reste du temps, simplement sa capacité à enjoliver ou maquiller la vérité dépendait clairement de ce qu'il avait à cacher, ou de ce dont il avait honte. Son emploi actuel se rangeait juste définitivement dans cette catégorie.
Je n’avais pas pu m’empêcher de rouler des yeux quand il me fit sa petite remarque mesquine mais qui ne valait même pas la peine de répondre. A la place je lui confiais que si le lapin s’était pointé, il est évident qu’on aurait été bien plus proche qu’à l’instant même avec Tommy. Mais pas le temps d’en placer une autre que celui qui avait débarqué dans le restaurant quelques instants plus tôt, s’était décidé à venir fumer une cigarette juste à nos côtés. On n’était franchement pas si bien cachés que cela. J’avais l’impression qu’on allait se faire prendre d’une seconde à l’autre. Surtout qu’il prenait vraiment tout son temps pour la fumer cette fichue cigarette. J’osais à peine respirer et je ne bougeais vraiment plus d’un poil. Quand il sortit enfin, on respirait comme si on venait de sortir de l’eau, par soulagement. Assez stressant comme aventure. C’est mauvais pour les pores de la peau. Je sortais alors à mon tour de cette cachette qui avait bien fonctionné au final, alors que Tommy me faisait part qu’il préférait m’offrir un café ailleurs, plutôt qu’un dessert à l’intérieur. C’était évident. Je roulais de nouveau des yeux, exaspérée, ne comprenant pas comment j’avais réussi à me faire embarquer dans cette histoire avec ce menteur invétéré. Je n’ai rien de mieux à faire de toute façon. Lui répondais-je un peu blasée sur les bords. Je l’écoutais par la suite m’avouer qu’il ne faisait que mentir et qu’il était prêt à être honnête avec moi pour une seule question. Il était foutu. D’abord, sortons d’ici. Lui disais-je, n’étant plus du tout à l’aise avec cette effraction qui pouvait nous faire avoir une garde à vue et un casier judiciaire. La grande question du moment serait surtout de savoir comment on allait se débrouiller pour sortir de là.
Si le petit démon sans cesse perché sur son épaule avait toujours permis à Tommy de ne pas s'affranchir de certains comportements humains, dont le côté un peu peste de Rebecca avait jadis fait partie, le dédain à peine dissimulé de la blonde à son égard maintenant qu'elle le savait moins bien loti qu'il ne l'avait prétendu quant à son emploi au sein de ce restaurant, soupirant avec dépit « Je n’ai rien de mieux à faire de toute façon. » comme si l'invitation ne lui semblait acceptable que par charité avait arraché au brun un rictus d'agacement lui aussi à peine dissimulé. « D’abord, sortons d’ici. » avait-elle finalement repris, Tommy au moins d'accord avec celle sur ce point, et sans doute moins inquiet concernant la manière dont ils allaient s'y prendre. Après quelques secondes de sécurité au cas où le chef cuistot reviendrait sur ses pas, Tommy avait entrainé Rebecca à sa suite hors de leur cachette, jetant un regard agacé au mégot écrasé par terre quand le reste du temps le grand manitou des cuisines ne cessait de les réprimander à propos des mégots qui trainaient dans l'arrière-cour. Demain il accuserait quelqu'un, le brun l'aurait parié. « J'espère que ces talons ne sont pas là pour t'empêcher de courir. Les jolies jambes deviennent totalement inutiles quand on ne sait pas tenir dessus. » Sans véritablement attendre une réponse de la part de la blonde, Tommy avait remonté la capuche de son propre blouson sur sa tête et saisi la main de la jeune femme pour l'entrainer hors de l'arrière-cour, leurs deux silhouettes passant brièvement devant l'une des fenêtres du restaurant et Tommy priant silencieusement pour que de l'autre côté l'homme n'ait pas choisi ce moment précis pour tourner la tête dans leur direction.
Une fois de retour dans la rue le barbu avait retrouvé un rythme de déplacement moins soutenu, mais attendu malgré tout qu'ils aient tourné le coin de la rue pour retrouver une démarche normale et relâcher son emprise sur le bras de Rebecca en ignorant le regard qu'elle ne manquerait pas de lui adresser, quel qu'il soit. D'un ton moqueur il avait finalement commenté « Bienvenue dans le monde imprévisible de la délinquance, jeune fille. » en trouvant soudainement à son interlocutrice un côté austère qui lui avait échappé pendant le repas. Austère, ce qui dans l'esprit de Tommy signifiait simplement que Rebecca ne semblait ni encline à faire véritablement œuvre de "délinquance" ni à faire quoi que ce soit d'ailleurs de nature à froisser sa robe, ruiner son brushing ou casser l'un de ses ongles si minutieusement manucuré. L'ironie c'était qu'elle possédait ce côté control freak que sa sœur Beth possédait elle aussi. Arrivés au café la brun avait laissé à la blonde le soin de choisir une table et de commander la première, après quoi il avait réclamé « Un café, avec un sucre. Non, deux sucres. » Alice avait raison, d'appeler cela une addiction, c'en était probablement une. Il finirait diabétique, probablement. Peu importe. Sans un mot il avait reporté son attention sur Rebecca tandis que le serveur repartait en quête de ce qu'ils venaient de commander. « C'était de la politesse, ce café. J'veux dire, t'as l'air d'avoir autant envie d'être là que moi quand je dois aller prendre le café chez ma sœur. » Est-ce qu'elle voyait où il voulait en venir ? Elle n'était pas obligée de rester, même cette fausse question qu'elle pouvait lui poser et pour laquelle il avait promis honnêteté n'était que de la poudre aux yeux, elle n'en avait rien à foutre d'apprendre quoi que ce soit sur lui, elle l'avait oublié jusqu'à aujourd'hui et il l'avait oubliée aussi. Les commandes étaient arrivées, et avec autant de nonchalance que s'il s'était trouvé seul à cette table Tommy avait porté sa tasse à ses lèvres sans rien dire.
En temps normal, jamais je n'aurais suivi même un comptable, même un type qui n'a qu'un emploi aussi banal et aussi pauvre. Je l'avais suivi simplement parce que mon égo en avait pris un coup avec l'autre crétin de lapin, et qu'au fond, j'étais intriguée de savoir ce qu'était devenu l'un de mes rares camarades de lycée que je respectais et considérais à l'époque. Faut dire aussi que lorsque j'étais au lycée, j'étais loin d'être riche comme aujourd'hui, et la richesse n'avait aucune signification pour moi. Tommy avait une valeur ajoutée pour moi et peu importe qu'il soit riche ou non. Pas comme Adriel qui avait davantage était une menace pour moi. Non, Tommy m'avait aidé avec sa sœur et je ne pouvais décemment pas oublié ça. Seulement voilà, il m'avait menti, et ça, c'est bien quelque chose que je ne supportais pas. Je sentais bien que mon nouveau ton et attitude ne lui plaisait guère. Mais il l'avait cherché. Surtout quand il critiqua ouvertement ma tenue et mes jambes. Je lui lançais alors un regard de feu, et voilà qu'il attrapait mon bras. Mais je ne me laissais pas faire. Pas tout de suite du moins. Je retirais rapidement mes hauts talons et les prenaient dans ma main de libre et répondais au brun Mes talons sont là en cas d'agression. Lui répondais-je avec le beau sous-entendu qu'il n'avait pas à m'embêter et que dans tous les cas, je pouvais parfaitement me défendre. Mon battement de cœur s'accéléra alors considérablement quand on commençait à traverser le restaurant pour retrouver la sortie. Heureusement que j'avais enlevé mes chaussures. Sinon, il nous aurait direct entendu. Je remettais alors mes talons une fois qu'il m'eut lâché le bras, une fois hors de danger. Voilà qu'il m'emmerdait encore. Je ne préférais pas répliquer face à sa remarque qui m'exaspérait plus qu'autre chose et le suivais. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi je faisais ça, je n'avais pas besoin de ça pour me détendre après pareille adrénaline. Mais j'avais besoin d'un verre, alors autant en profiter Un dirty martini. Commandais-je alors qu'il se commandait simplement un café bien trop sucré. Peu m'importe. Je me met alors à la dévisager, comme si je n'avais que ça à faire. Et voilà qu'il me virait presque du lieu avec ses paroles. Il n'allait pas s'en sortir aussi facilement Alors autant faire que je ne m'ennuie pas Mr Le Délinquant spécialisé ! Je t'en prie, montre moi tes talents ! Le défiais-je alors. Aucune idée s'il allait vraiment relever le défi, mais je sais qu'à l'époque du lycée, des conneries, on en a faite, et des blagues aussi. La plus drôle avait bien sûr était avec sa sœur.
Qu'on se le dise, Tommy n'avait aucune intention de s'attarder dans le coin plus que de raison, à la fois parce que la survie de son emploi en dépendait, et parce qu'il voyait suffisamment ces lieux le reste de la semaine pour ne pas vouloir se les imposer plus que de raison lors de ses jours de repos. Qu'ils déguerpissent en vitesse devenait donc primordial, et si le brun s'était permis une réflexion narquoise à propos de la paire de stilettos de Rebecca c'était avant tout pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas en position de traînasser. « Mes talons sont là en cas d'agression. » avait-elle alors rétorqué, pince sans rire, Tommy quelque part persuadé qu'elle était totalement le genre de femme capable de mettre sa menace à exécution si la situation l'exigeait. Sans juger toutefois utile de surenchérir il s'était contenté d'ouvrir la marche, jetant parfois un coup d'oeil à gauche ou à droite comme pour être certain de ne pas croiser à nouveau leur visiteur, et les amenant jusqu'au café-bar au coin de la rue. Cédant sans grande surprise à l'appel du sucre, le café n'étant presque qu'une excuse, Tommy avait écouté la blonde commander « Un dirty martini. » sans pouvoir s'empêcher de remarquer intérieurement que pour certains il ne semblait donc jamais trop tôt pour l'alcool. « Alors autant faire que je ne m'ennuie pas Mr Le Délinquant spécialisé ! Je t'en prie, montre moi tes talents ! » Elle n'imaginait sans doute même pas à quel point, dieu sait qu'elle ne le prendrait pas autant à la rigolade si elle connaissait le passé judiciaire du brun. « Pour un peu je te soupçonnerai presque de vouloir m'attirer des ennuis. » avait-il alors fait remarquer, un sourire légèrement narquois venant étirer ses lèvres. « J'espère que tu n'as pas subitement décidé de me ranger dans le même sac que ma très chère soeur ... ce serait mal me connaître. » Et là dessus non plus elle n'imaginait assurément pas à quel point. Tommy était la représentation la plus effective du fait que l'on ne choisissait pas sa famille, et se contentait de la subir, avec plus ou moins de difficulté. « Et ceci étant dit ... j'ai passé l'âge de me faire avoir par le coup du "cap ou pas cap". » Interrompus par l'arrivée de leurs commandes respectives, le brun avait adressé un merci à la serveuse avant de boire une gorgée de café, dont le sucre avait instantanément eu pour effet de détendre un peu ses muscles. « Rentrer par effraction dans un restaurant et voler de la nourriture n'était pas suffisamment convainquant ? » D'autant plus qu'elle l'avait laissé faire tout le sale boulot, au sens propre comme au sens figuré ... ses mains sentaient le saumon. A nouveau interrompus par la sonnerie du téléphone de Tommy, ce dernier avait constaté que dans la précipitation il avait loupé un deuxième appel de sa sœur aînée ... Ce qui en faisait désormais trois. Un peu trop pour un simple appel de courtoisie, se disait-il, aussi avait-il fini par décrocher, son regard posé sur Rebecca mais donnant pourtant l'impression de voir au travers plutôt que de la voir elle « Qu'est-ce que je peux faire pour toi, soeurette ? » Le ton moqueur, c'était cadeau. « Ça va, ça va ... je viens. Donne moi une petite demi-heure, j'suis pas dans le quartier. Rebecca te passe le bonjour. » L'air moqueur, maintenant, était dirigé vers la blonde, tandis qu'à l'autre bout du fil Beth ne comprenait pas de quoi il parlait « Laisse tomber, je t'expliquerai. » Ou pas. Raccrochant finalement, Tommy avait avalé d'une traine ce qui lui restait de café, grimaçant tandis que la boisson échaudait un peu trop sa trachée. « Le devoir m'appelle, ma bonté me perdra. » Se levant, il avait fouillé dans la poche de son blouson à la recherche du billet de dix dollars qu'il savait traîner au fond. Largement de quoi payer leurs consommations à tous les deux. « A un de ces jours, peut-être. » Ou peut-être pas, difficile de savoir, Brisbane était une grande ville, et leurs années de lycée bien loin désormais ... mais qui sait.
Il est vrai que Tommy avait déjà pas mal risqué sa peau, ou plutôt son boulot pour que je me permette de lui proposer un autre défi. Ce n’était plus de notre âge de se chercher tout le temps, de faire en sorte de déterminer qui était le plus peureux. Mais c’est une époque qui doit me manquer quelque part, j’ai toujours aimé défier les gens ou même ma propre personne. Voilà pourquoi aussi très certainement je continue de jouer à des jeux vidéo, encore à mon âge. En même temps, je travaille dans ce milieu, ce serait compliqué si je n’y jouais plus. Toujours est-il que ce n’était plus le délire de Tommy, il avait grandi et c’était tout à fait normal. Non pas que je voulais lui attirer des ennuis mais il est vrai que j’aime bien faire flipper les autres, les mettre en danger. C’est bien ce qu’il y a de plus passionnant je trouve. Mais tout le monde n’a pas le même délire que moi. Je ne pouvais pas l’en blâmer. Je parus très certainement déçu, mais à la place, je me concentrais sur mon Martini. Je regardais en face de moi, me retrouvant à fixer un homme qui semblait bien dans mes critères, quand je fus distraite par la sonnerie de téléphone de mon ancien camarade. C’était encore sa sœur. Ma mâchoire se serra rapidement et je ne pus m’empêcher de vouloir écraser le téléphone. Non, je ne dirais pas que c’est de la haine, c’est mon ennemie, ma rivale et je ne peux simplement pas la supporter. Je retourne le regard vers mon nouvel intéressé en attendant que Tommy termine sa conversation. Qui ne dura pas très longtemps au final. Mais mon regard se reposa sur Tommy qui se voulait tueur à nouveau, mais à son attention à lui. Certainement pas que je lui passe le bonjour. Mais je comprenais vite où il voulait en venir. Mon regard se transforma rapidement en sourire sadique. Mais elle n’avait pas du comprendre. Peu importe. Elle avait réussi à réquisitionner son frère. Et moi qui n’avais toujours pas terminer mon verre. Ce n’était guère un souci, j’allais pouvoir m’occuper autrement. A un de ces jours. Lui répondais-je poliment avec un signe de tête et un sourire en coin. Au moins, une chose est sûre, je ne m’étais guère ennuyée, et ce rendez-vous que j’avais à la base prévu, était devenu bien meilleur, contre toute attente. Peut-être allais-je pouvoir continuer sur un rendez-vous bien plus décisif …