Comme presque tous les jours, je me rendais au bureau à pied. Il était tôt, mais il faisait jour et l’air est toujours très agréable. Certes, perché sur mes talons, beaucoup de gens me demandent pourquoi je ne prends pas ma voiture ou un taxi pour me rendre au travail. Enfin, je ne côtois pas beaucoup de gens, c’est surtout ma jumelle qui m’embête avec ça. Mais pour dix minutes à pieds, je ne vais pas prendre un autre mode de transport, ce serait totalement inutile. Sauf que ce jour-là, j’aurais mieux fait d’écouter un peu ma sœur. Mais comment aurais-je pu deviner ? Ce monstre qui avait hanté ma vie et qui m’avait détruit mon enfance. Je ne peux toujours pas l’affronter, et je crois que je n’y arriverais jamais. Et de toute façon, à quoi bon, tant qu’il ne fait pas de mal à ma sœur, tout va bien. Il n’a plus personne à part elle, il va mourir dans sa solitude et c’est ce que je lui souhaite. J’ai évidemment des pensées bien plus impures, bien plus machiavéliques, mais je préfère les oublier, et quand je le vois de la sorte, je n’arrive seulement qu’à stresser. Je m’étais stoppée net dans mon avancée vers mon bureau, paniquée comme pas possible, jusqu’à ce que je me décide enfin à bouger mon cul pour tourner dans la rue qui se trouvait à peine quelques mètres derrière moi. Je me plaquais contre le mur pour qu’il ne me voie pas quand il passera. Mais est-ce qu’il ne m’avait pas déjà vu ? En y réfléchissant, je suis presque sûr qu’il a posé ses yeux vicelards sur moi, j’en ai des frissons rien qu’en l’imaginant alors que j’étais loin d’avoir froid. La peur me fit même lâcher quelques larmes. Je les essuyais rapidement, sentant mes jambes me lâchaient. Je me sens conne, tellement conne, pourquoi je n’ai pas pris ma voiture ? Voilà que je me déteste, je sais qu’il ne vit pas loin, j’aurais du me douter qu’il y avait toutes les chances pour que je le croise de nouveau. J’aimerais tellement être dans mon lit, pleurer sous ma couette toute la haine que je ressens pour lui.
La réunion d'Adriel s'était finie bien plus tôt que prévue et il avait donc pas mal de temps à tuer avant la prochaine. Il s'était donc proposé pour aller chercher du café pour tout le monde. Chose qui n'arrivait pas souvent, mais qui du coup avait plu à tout le monde. Il était donc parti à pied des locaux de l'entreprise. Une si belle journée comme celle-ci méritait un petit peu de marche à pied, ce n'était pas la peine de s'enfermer dans une voiture avec la climatisation. Surtout que le café n'était qu'à quelques centaines de mètres de la Infinity Tower. Il irait donc bien plus vite en marchant puisque comme ça il n'avait pas à affronter les embouteillages ni à se trouver une place pour se garer. Il était presque arrivé au café lorsqu'il vit Rebecca marchait dans la direction d'où il venait. En revanche, ce n'est pas vraiment ce qui l'étonna. Après tout, elle travaillait dans le quartier et même si Brisbane est une grande ville et que la probabilité de croiser quelqu'un que vous connaissez est faible, ce n'était certainement pas la première fois qu'ils se croisaient dans la rue à Pine Rivers. Ce qui le surprit par contre, c'est de la voir s'arrêter net, comme pétrifiée, comme si elle avait vus quelque chose qui l'a paralysait de peur. Pour Adriel, sa réaction était étrange. Il ne savait pas si elle l'avait vu, ni même si c'était lui qui avait causé cette réaction, surtout qu'elle n'était pas vraiment du genre à agir comme ça face à lui. Bien au contraire, elle l'a plutôt habitué à la confrontation, à ne pas réfléchir ni se soucier de qui était autour. La voir se stopper était donc la dernière chose à laquelle Adriel s'attendait. Enfin ça c'était avant qu'elle ne rebrousse chemin et tourne dans la première impasse. Là c'était vraiment la dernière chose à laquelle il s'attendait et la curiosité eu don de lui. Ni une ni deux il dépassa le café sans s'y arrêter pour tourner dans la même rue que la blonde. Elle était adossée au mur comme paniquée. "Tu me fuis maintenant ?" Lui dit-il, un moyen aussi de montrer sa présence au cas où elle ne l'aurait pas remarqué arriver. "Tu m'as pas habitué à ça. Je savais pas que je faisais si peur." Malheureusement pour lui, ce n'était peut-être pas la meilleure approche, surtout qu'il n'avait aucune preuve qu'il était la raison de cette drôle de réaction.
Le cœur battant, je priais de toutes mes forces pour que mon paternel ne me voit pas. J’aurais tellement voulu devenir invisible, microscopique, inexistante. Il n’y a que lui qui me fait cette horrible sensation de merde absolue. Oui je me sens tellement pitoyable, tellement faible, que je ne peux rien faire face à lui. Même ma sœur n’est toujours pas au courant de ce qu’il m’a fait subir. Je manque alors de faire une crise cardiaque quand une ombre apparut sur ma gauche. Je dévisageais la personne, persuadée que c’était mon géniteur, mais ce n’était personne d’autre que mon ancien camarade de classe que je n’apprécie guère. Mais pour l’heure, adieu la haine, il allait m’être d’une incroyable aide Cache-moi, vite ! Lui disais-je en attrapant le col de sa chemise, le bloquant contre le mur pour qu’il soit caché de la rue passante mais aussi pour qu’il puisse me cacher également. Heureusement il est bien plus grand que moi et massif, c’était tout ce dont il me fallait pour se sentir en sécurité de ce monstre. Bouge plus. Faut pas qu’il me voit. Lui demandais-je en quelque sorte, le souffle court, ayant tout de même la trouille que mon géniteur ne m’ait vu lui aussi. Je me rappelais alors qu’il m’avait demandé si je le fuyais. N’importe quoi, évidemment que lui, je m’y confronte pour le faire chier, mais mon père … C’est une bien autre histoire. Mais mes nerfs n’en peuvent plus, et je sens mon cœur se serrait d’une force que je ne pensais plus possible, jusqu’à en lâcher quelques larmes tellement j’avais mal. Et merde, voilà qu’il me voyait faible, c’est pas vrai. Vivement que mon père se barre de cette rue pour que je puisse filer en vitesse, loin d’ici, loin de mon ancien camarade.
Il s'attendait à ce qu'elle lui réponde. A ce qu'elle lui envoie une pique comme c'était dans son habitude. Comme ça l'avait toujours été. Adriel ne s'attendait pas à ce qu'elle l'attrape par le col pour lui demander de la cacher. Il pensait réellement que c'était une blague. Pour lui, elle était vraiment très imaginative et ne manquait pas de ressources pour pimenter les choses. Non, une bonne prise de tête en plein milieu d'une rue c'est complètement dépassé, plutôt prétendre avoir peur de quelque chose et se servir de lui comme bouclier humain dans une allée pour mieux lui cracher son venin après n'est-ce pas ? C'est ce qu'il pensait réellement. "Mais qu'est-ce tu fais ?" Lance t-il lorsqu'elle le tire par le col l'entraînant contre le mur. Il aurait pu résister, mais il est tellement surpris par le geste qu'il ne réalise pas vraiment. Il attend la blague, il attend une insulte, qu'elle se moque de lui, lui disant qu'elle l'a bien eu ou quelque chose du genre, lui disant qu'il est trop crédule et que c'est facile de le faire tourner en bourrique. Il s'attend à tout sauf à ce qu'elle lui demande de ne plus bouger, pour que "il" ne la voit pas. Il n'a absolument aucune idée de qui elle parle ni pourquoi elle dit ça et il est encore persuadé qu'elle se moque profondément de lui. "Tu délires ou quoi ?" demande t-il avant de réaliser que ce n'est peut-être pas une blague finalement et qu'elle est vraiment en train de se cacher de quelqu'un. Il voit sa détresse et voit même quelques larmes lui couler sur les joues. Il ne l'a jamais vue comme ça et il serait tenté de penser qu'elle fait semblant, que c'est une excellente actrice, mais ça lui semble bien trop réel pour être de la comédie. Elle a d'ailleurs passé l'âge de faire ce genre de blagues pour lui faire perdre son temps. Il se sent légèrement désemparé face aux larmes de son ancienne camarade de classe. Il ne l'avait jamais vue pleurer. Pour lui elle était insensible à tout, un véritable cœur de pierre. "Tu m'expliques ce qu'il vient de se passer là ? Car j'ai énormément de mal à comprendre." Demande t-il essayant tout de même d'être rassurant, ce qui n'est pas forcément dans sa première nature lorsqu'il s'agit de Rebecca.
Evidemment qu’il ne comprenait pas, évidemment qu’il se demandait si je n’avais pas fumé quelque chose. Mais là, dans la panique, je m’en fichais royalement, il allait me servir de couverture et je n’allais pas me gêner. Après tout c’est lui qui est venu à moi. Et je suppose qu’il se serait barré si je ne l’avais pas pris par surprise de la sorte. Mais mon rythme cardiaque ne baissait pas et je sentais la crise de panique montait peu à peu à une vitesse fulgurante. Il fallait sérieusement que je me calme, mais l’idée de cet homme qui m’a tant fait de mal … Je n’arrive pas à le supporter. J’essayais de respirer, gardant ma main horriblement accrochée au col de sa chemise, pour éviter qu’il ne pense à partir, et aussi simplement parce que j’étais incapable de bouger, je ne sais même pas comment je réussissais à respirer. Le temps passait et j’entendais enfin réellement ce que me disais mon ancien camarade de lycée. Evidemment qu’il avait du mal à comprendre, je le voyais rien que dans son regard. Il n’y a personne derrière toi ? Lui demandais-je encore en panique, mais avant même qu’il ne puisse se retourner, je le retenais Non, ne te retourne pas non ! Non je ne suis pas logique, je panique bien trop pour essayer de l’être. Je me rendais compte alors que je le maintenais depuis bien trop longtemps et bien trop fort Excuse-moi, je t’en rachèterais une autre. Oui j’évitais sa question, je ne voulais pas lui répondre, je ne voulais pas me dévoiler à lui. Et si je lui disais un petit bout de mon histoire, et s’il me posait davantage de question ? Non, je ne voulais pas risquer qu’il me voit aussi faible et fragile. Il fallait que je parte, allez, un peu de nerf. Mais malgré mon envie de partir, je n’arrivais pas à bouger le moindre petit doigt, je me sentais simplement trembler de tout mon corps.
Il aurait pu croire que c'était une blague, que dans quelques secondes un mec avec une caméra cachée allait sortir de derrière un poteau ou quelque chose du genre. Pour lui c'était du grand délire, il ne comprenait pas réellement ce qui lui arrivait. En même temps ça paraissait tellement improbable et tout était allé tellement vite qu'il n'avait pas eu le temps de réagir. Malheureusement ça avait l'air bien réel et plus les secondes avançaient plus il commençait à comprendre que c'était plus que sérieux. Que la détresse de la jeune femme était bien réelle et due à quelque chose ou quelqu'un qu'il n'avait pas vu. Lorsqu'elle lui demande s'il y a quelqu'un derrière lui, il n'a même pas le temps de se retourner qu'elle change déjà d'avis, lui disant de ne pas se retourner. "Faut savoir !" Lui lance t-il, toujours légèrement agacé par son attitude. Malgré le fait qu'il voit qu'elle ne va pas bien, il ne peut s'empêcher d'être agacé envers elle. Ils ne sont pas amis, loin de là et donc il n'est pas là pour la rassurer ou lui sécher ses larmes. Encore moins pour lui servir de bouclier humain sans aucune explication. Il décide tout de même de se retourner. Piqué par la curiosité et aussi ayant envie que cette situation se termine le plus vite possible. Il ne lui laisse pas le temps de réagir qu'il se retourne, jette un regard dans la direction dans laquelle il est arrivé et se tourne de nouveau vers Rebecca. "Bon il y a personne selon moi." Dit-il avant d'ajouter. "Mais ce serait peut-être plus simple que tu me dises qui tu cherches. Ou plutôt qui tu veux éviter." Oui, car si lui n'a vu personne de suspect, c'est peut-être parce qu'il ne sait pas de qui elle se cache. "J'ai pas besoin que tu m'en rachètes une." Lui répond-il. Il se fiche bien de sa chemise, s'en est qu'une parmi tant d'autre, surtout qu'il peut se rendre compte qu'elle dit simplement ça pour éviter la question qu'il venait de lui poser. Cependant, lui n'avait pas vraiment décidé d'en rester là. "Si tu veux que je t'aide, faut que tu m'en dises un peu plus, car là ça devient légèrement ridicule." Oui il propose son aide. Il ne sait pas réellement ce qui lui est passé par la tête de proposer quoi que ce soit, sans doute le fait de la voir si apeurée, si mal, il est comme déstabilisé de la voir comme ça.
Dans cet état-là, je suis loin de penser de façon logique et sensée, donc forcément que je ne sais pas ce que je veux, j’ai vraiment la boule au ventre tellement j’angoisse. Je ne sais même pas comment mes jambes arrivent encore à supporter mon poids. Quand j’étais au lycée, je me sentais si invincible, j’étais habituée à cette horreur, malgré le fait qu’avec lui je n’étais toujours qu’une pauvre merde et que je n’avais pas beaucoup plus d’estime pour moi-même. Je me détestais de me laisser faire ainsi, mais j’arrivais à gérer mon angoisse. Pas comme aujourd’hui. Et j’étais tellement perdu, tellement mal que je n’avais même pas remarqué qu’il avait fini par se retourner. Je ne le compris qu’à ses paroles. Et il me soulagea d’un poids immense. Mais je me sentais toujours aussi fébrile. Je ne pouvais pas lui parler de ça, je n’en ai pas la force. Tout ce que je trouve à lui dire c’est que je vais lui racheter une chemise. C’est tellement dérisoire, surtout qu’il est riche, je le sais, tout comme moi, peu lui importe. Mais c’est le plus facile. Seulement il semblait décider à me tenir compagnie et je n’avais pas la force de l’envoyer chier, pas aujourd’hui, je me sens trop mal et trop seule pour ça. Ridicule, oui … Murmurais-je comme une réflexion faite à voix haute. Je relevais alors mon regard rempli de larmes vers lui, difficilement, et lui demandais C’était simplement pour introduire ta curiosité ou tu le pensais vraiment ? Tu serais prêt à m’aider ? Lui demandais-je, assez déconcertée. Tout comme lui à vrai dire, cela se voyait bien que je le déstabilisais avec mon histoire. Je ne lui avais pas posé cette question tant parce que j’avais besoin qu’il m’aide, mais pour savoir s’il était tout de même prêt à le faire.
Ridicule n'est peut-être pas le mot le plus approprié dans cette situation. C'est mal choisi, il ne veut pas la faire se sentir encore plus mal. Il voit son état. C'est assez choquant, il ne l'a jamais vue comme ça. Elle qui semblait toujours intouchable, presque insensible à ce qui l'entoure. La voir si faible, si fragile. Ca parait presque irréel. C'est pourquoi il est un peu maladroit avec ses mots. En aucun cas il ne veut la blesser. Il voit maintenant que ce n'est pas une plaisanterie, qu'elle ne joue pas la comédie et que c'est plus que sérieux. Malheureusement, il ne sait pas vraiment comment s'y prendre. Il n'a jamais été très tendre envers elle, d'ailleurs, elle n'a jamais été très tendre envers lui non plus. Il est tellement habitué à être sur la défensive vis-à-vis de Rebecca que ce n'est pas naturel pour lui d'être aimable, voire même gentil. Car oui c'est sûrement une des choses dont elle a le plus besoin à ce moment précis, quelqu'un de gentil. pas quelqu'un qui est prêt à lui envoyer une pique d'une seconde à l'autre. Lorsqu'il l'entend répéter ce mot, ridicule à voix basse, presque inaudible, il se sent un peu coupable, il s'en veut légèrement d'avoir dit ça. Ce n'était pas vraiment ce qu'il voulait dire par là. "C'est pas ce que je voulais dire." Lui dit-il simplement. Ce n'est pas très chaleureux, certes, mais ce n'est pas non plus glacial. Il essaye d'être aussi neutre que possible. Lorsqu'il la voit relever la tête vers lui, les yeux remplis de larmes il ne peut s'empêcher de se poser tout un tas de questions dans sa tête. Elle semble si vulnérable, aux antipodes de la Rebecca qu'il connaît depuis le lycée et qui faisait peur à plus d'une personne lorsqu'elle débarquait dans le couloir. Elle lui demande s'il pense vraiment ce qu'il vient de dire, s'il est réellement prêt à l'aider. Il n'attendait pas cette réaction. Il pensait sincèrement qu'elle allait l'envoyer bouler, lui dire qu'elle n'avait besoin de l'aide de personne et encore moins de son aide à lui. "Euh ... Oui." Dit-il ne sachant pas comment répondre. Il est sincère et il veut qu'elle le sache, même si ça peut lui paraître difficile à croire. Ce n'est pas simplement de la curiosité. "La vraie question c'est est-ce que tu me laisserais t'aider ?" Oui, car vouloir l'aider est une chose, qu'elle accepte en est une autre. "Je sais que c'est pas facile pour toi de me faire confiance, c'est pas facile pour moi de proposer ça non plus, mais t'as l'air d'en avoir besoin et je suis là donc voilà." Dit-il avant d'ajouter "Malgré tout ce que je peux penser de toi, je me vois mal te laisser comme ça."
Evidemment que oui il me trouvait ridicule, moi la grande Rebecca qui traumatisait tout le monde au lycée, qui ne faisait jamais laisser transparaitre la moindre émotion, du moins aucune qui s’apparente à de la faiblesse. Je gardais ça pour moi, dans mon lit chaque soir, quand je me sentais mal. Parce que oui je me sentais tellement souillée, même lorsque j’ai menacé mon père. Et cette sensation a perduré jusqu’à ce que j’ai réellement pu avoir du recul envers toute cette histoire, même s’il m’arrive parfois d’être sale, horriblement sale, et pas juste avec tous les partenaires sexuels que j’ai pu avoir. Ils m’ont aidé à oublier les atrocités de mon père, tout ce qui me donnait envie de vomir rien qu’en me regardant dans le miroir. Je ne me rappelle même plus combien de miroir j’ai du briser dans mon adolescence. Tout cela me remontait en mémoire rien qu’avec ce mot, rien qu’en apercevant de loin ce monstre qui me terrifie encore et me fait sentir plus bas que terre. Mais voilà que celui qui aurait du profiter de mon état, de ma faiblesse, me proposait de l’aide. Je rêvais très certainement. Je me rends bien compte que je ne la mérite pas, mais là je suis réellement dans tous mes états et je me vois mal refuser une offre si généreuse. Surement que je ne l’aurais jamais accepté s’il ne venait pas d’une riche famille, s’il n’avait pas réussi dans la vie. Je ne savais pas vraiment quoi lui répondre alors que des tonnes d’émotions m’envahissaient en même temps. Ce sera un sacrifice, mais oui, je veux bien que tu m’aides, j’ai besoin que tu m’aides. Oui c’est rabaissant de ma part d’avoir besoin d’aide, mais je n’arrivais plus à bouger, je me sentais pétrifiée comme jamais. S’il n’avait pas été là à ce moment-là, je serais certainement restée clouée ici jusqu’à ce que ma crise passe, et combien de temps elle risque de durer, je ne pouvais pas du tout le savoir. Mais avant que je m’écroule réellement par terre, il fallait faire quelque chose. Je respirais un bon coup et lui demandais Tu veux bien te retourner rapidement et voir si un homme, cheveux grisonnant, assez long, vêtu d’un costard de seconde zone, voire même de troisième, serait dans les parages ? Je le regardais, totalement perdue, totalement mal, espérant qu’il m’apporte une bonne nouvelle.
Il lui avait proposé de l'aide. C'était spontané, une réaction que n'importe quelle personne aurait eu dans une situation comme ça. Il n'y a pas moyen de passer outre. De faire comme si de rien était et de continuer sa journée sans que cela vous travaille l'esprit. Enfin, si, il y sûrement des gens qui ne seraient pas toucher de voir quelqu'un dans une telle détresse, il y a des crevards partout. Adriel en revanche, même s'il ne l'apprécie pas particulièrement, il ne peut être que touché de la voir comme ça. Faut dire, il avait déjà eu un peu pitié d'elle la dernière fois qu'ils s'étaient croisés à ce salon de vins. La voir si défaitiste avec une vision si peu optimiste des choses et de la vie, il avait eu pitié d'elle pour la première fois de sa vie et là ça ne faisait que confirmer les choses. Toute son attitude de femme sans coeur, insensible, ce n'est qu'une illusion et il n'en est rien du tout. Il est trop tard en plus pour faire marche arrière, trop tard pour lui dire que non finalement il n'a pas envie de l'aider qu'il fallait réfléchir avant d'être une vraie pimbêche au lycée. Il n'a plus qu'à faire ce qu'il a dit et le faire correctement. Elle accepte son aide. Si on lui avait dit quelques années auparavant qu'un jour Rebecca Priest accepterait son aide dans une ruelle, il aurait sans doute ris aux éclats à s'en donner un point de côté. Elle était honnête ça n'allait pas être facile, ils étaient tous les deux dans le même cas. Pour différentes raisons, certes, mais dans le même cas. Cela n'allait pas être facile. "Ok donc je vais t'aider. Je vois qu'on est d'accord sur le fait que ce sera pas forcément facile, mais si tu coopères je promets d'en faire de même." Dit-il. On aurait pu croire à un interrogatoire de police. Adriel ne s'était jamais retrouvé en garde à vue, mais il était certain que c'était le genre de choses qu'un flic aurait pu balancer à une petite frappe voulant jouer à Dieu. Après lui avoir interdit de se retourner tout à l'heure, elle lui demandait maintenant de regarder rapidement les gens passant dans la rue. Elle était plutôt précise sur le type de profil qu'il devait chercher et Adriel ne perdit donc pas de temps pour se retourner scanner la rue pendant quelques secondes avant de reporter son attention sur Rebecca. "Négatif." Dit-il avant d'ajouter. "Personne qui correspond à cette description, les seuls mecs avec les cheveux grisonnant que j'ai pu voir avaient tous des costumes faits sur mesure" Il ne remarqua pas tout de suite la mine désemparée de la jeune femme et lorsqu'il s'en rendit compte, il vint immédiatement poser une main sur son épaule pour la serrer gentiment, comme il aurait pu le faire à un de ses amis. "Ca va aller ?" lui demande t-il. "Tu veux pas plutôt qu'on aille s'asseoir dans le café juste à côté ?" Il est étonnement gentil avec elle et il n'avait pas spécialement à se forcer, ce qui le surpris mais il n'en pensa pas plus. Il avait envie de lui demander qui était cet homme qu'elle semblait tant craindre, mais il n'osa pas. Il ne voulait pas la rendre encore plus mal et ne voulait pas non plus ruiner le peu de confiance qu'elle pouvait avoir en lui.
Demander de l’aide, c’est comme me couper un bras. Ca fait mal, terriblement mal, mais là, je n’ai vraiment pas le choix, mon deuxième bras est en jeu. Comme quoi, mes pensées reflètent mon état à cet instant, totalement désemparé. Je suis tellement en stresse que je pense à des choses bizarres, illogiques, insensées. Et il fallait que je m’en sorte, rapidement. Une fois que j’aurais pu quitter cette rue, ça irait mieux déjà, encore plus quand cette horrible matinée sera passée. Impossible pour moi d’aller au travail à l’heure actuelle. Heureusement, mon ancien camarade de lycée voulut bien m’aider, même si pour lui également c’était un sacrifice. Je ne pouvais qu’acquiescer à sa requête. Je regardais faire Adriel, se retourner, espérant qu’il aille très vite pour repérer mon père, et finalement, le soulagement fit surface. Il n’était plus là. Enfin, j’eus un léger doute, et j’avais envie de lui faire remarquer que son avis, je ne voulais pas lui faire confiance, mais ça se voit qu’il s’y connait, ce serait de trop si je lui faisais cette remarque et il ne m’aiderait plus. Parce que même s’il m’avait bien informé que mon père n’était plus là, j’étais encore pétrifiée et je n’avais pas du tout l’envie de me retrouver toute seule, je serais incapable de bouger sinon. Je mordais la langue, je le regardais avec cette envie horrible de ne pas lui faire confiance avant de lui répondre Merci. Oui, c’était tout. Sauf qu’il posa sa main sur mon épaule et j’eus une sensation bizarre. Pourquoi faisait-il ça ? Mais qu’importe, il fallait qu’il m’aide. Il devait bien voir que je n’allais pas Je ne sais pas. Lui répondais-je tout en regardant mes jambes. Allaient-elles pouvoir se dégager de ce sol ? Je n’en savais rien, je ne savais même pas si mon cerveau allait avoir la force de leur indiquer la marche à suivre. Oui, n’allons pas loin, je ne sais même pas si je vais pouvoir marcher. Lui avouais-je, alors que ça me foutait mal encore d’avouer que j’étais faible, même si cette fois-ci, c’était physiquement. Comment devais-je faire à présent ? Je n’allais pas non plus lui donner la main pour marcher, non mais.
Le contrôle de soi, savoir passer outre ce qu'on pense de quelqu'un pour pouvoir faire quelque chose de bien. C'est quelque chose que Adriel a appris à faire très tôt lors de ses études et qu'il met en pratique quasiment tous les jours maintenant qu'il est à la tête de l'entreprise familiale. Car oui, il est malheureusement obligé par moment de traiter certains contrats avec des gens qu'il méprise totalement. En revanche, il se doit de rester professionnel et de ne rien laisser paraitre. C'était un peu la même chose avec Rebecca à l'heure actuelle. Il l'a toujours méprisée et ce depuis le lycée, c'est d'ailleurs un sentiment réciproque. Cependant, il est capable de passer outre pour l'aider. Parce qu'il se veut être un mec bien et que même s'il ne l'aime pas du tout, il est loin d'être quelqu'un de sans coeur. Il ne peut pas laisser les gens dans la merde, surtout s'il en est témoin. C'est plus fort que lui. Un simple merci. Ce n'était pas beaucoup, mais ça lui suffisait amplement. C'était bien plus qu'elle ne lui avait jamais donné de toute façon, il s'en contentait totalement et n'en attendait même pas tant. Il s'attendait plutôt à ce qu'elle l'envoie gentiment balader maintenant qu'il lui avait assuré qu'il n'y avait personne correspondant à la description qu'elle avait donnée, alors un merci, c'était énorme. "Vas falloir essayer de faire quelque chose." Lui répond-il lorsqu'elle lui répond qu'elle ne sait pas si ça va aller. Il ne veut pas la pousser non plus, mais il ne peut pas rester avec elle dans la ruelle toute la journée. "Le café est juste à l'angle, on a une vingtaine de pas à faire à tout casser." Ajoute t-il sans mentionner le fait qu'elle venait de dire qu'elle ne savait pas si elle allait pouvoir marcher. Il ne savait pas vraiment quoi faire. Ce n'était pas une de ses amies, il se voyait mal la prendre par le bras ou alors la taille pour l'aider, mais avait il réellement le choix ? Pas sûr. "Essaye de faire un pas." Lui demande t-il histoire de voir dans quel état elle se trouve réellement. "Si ça va pas je te retiendrai." Se contente t-il d'ajouter, pas vraiment sûr qu'elle accepte le contact, mais si elle ne pouvait pas marcher, de toute façon elle n'allait pas avoir le choix. "A moins que tu préfères que je te laisse là pendant que je vais chercher de l'aide, mais je sais pas, ce serait encore plus bizarre que moi te tenant par le bras." Continue t-il histoire de la convaincre de tenter de bouger.
Comment bouger alors que je suis pétrifiée sur place. Je me le demandais bien. Et Adriel qui voulait bien m’aider J’avais l’impression de me retrouver dans un monde parallèle et en même temps dans une réalité alternée où je serais encore cette petite gamine traumatisée. Techniquement, je pense que je le serais toujours, je serais toujours brisé à cause de ce monstre, qui heureusement, n’a pas réussi à gâcher ma vie. Il aurait pu, vraiment, mais j’ai été assez forte et assez chanceuse pour m’en sortir et partir dès mes 18 ans tout en ayant pu continuer à faire ce que je voulais. Ma sœur m’a beaucoup aidé, c’est vrai. Et j’aurais préféré que ça soit elle qui soit là à mes côtés, malgré le fait que je n’ai jamais pu lui dire ce que notre géniteur m’avait fait et que c’était pour ça que je ne pouvais plus le voir. Le café où il me proposait d’aller n’était pas loin, je le savais, je connais cet endroit, mais je ne peux m’empêcher de redouter un affrontement. Et s’il était dans ce café ? Je m’angoisse toute seule et certainement pour rien, et il fallait oui, que je fasse quelque chose. Mais me tenir à mon ancien camarade que je ne peux pas voir en peinture, est-ce possible ? Lui-même en doutait fortement. Je réfléchissais, j’essayais de me calmer pendant qu’il me proposait des solutions pour éviter de stagner ici. Non. Je peux y arriver. La volonté est parfois plus forte que le corps non ? Je respirais un bon coup, un deuxième, et au troisième je me lançais. Mes jambes tremblaient, je sentais que je pouvais m’évanouir d’un instant à l’autre et me rendais compte que ce n’était pas simplement mon angoisse qui me rendait malade. Je n’avais pas mangé ce matin, et mon hypoglycémie commençait à se manifester. Je n’ai pas très envie de toucher cet homme qui a si bien réussi grâce à sa bonne famille, mais s’il le fallait, je saurais le rattraper. En attendant, je commençais à marcher, doucement mais sûrement, en soufflant toujours autant et en relevant le regard. Mon cœur s’emballait de nouveau, mais il fallait que je passe ce stade, il le fallait pour continuer d’avancer et de vivre ma vie. Seulement au bout de quelques pas, alors qu’on s’engageait dans la rue principale, l’une de mes jambes vacilla et me fit perdre l’équilibre de l’autre côté d’Adriel. Je tendais direct ma main, espérant pouvoir l’attraper en pleine chute.
Elle peut y arriver. Ou du moins c'est ce qu'elle lui dit. Adriel ne va pas chercher à la contredire sur ce point. Après tout, elle sait mieux que lui et dans le pire des cas, il a assez de force pour la retenir si besoin. Aller jusqu'au café ne devrait pas s'annoncer très dur. Gênant au pire pour elle peut-être vu l'état dans lequel elle se trouve et encore, Adriel en doute. Elle n'a pas l'air de se préoccuper de quoi que ce soit à l'heure actuelle. Ce qui est bien différent de la personne qu'elle est d'habitude, mais il se passera de la remarque pour aujourd'hui. "Ok alors allons-y." Dit-il l'invitant ainsi à faire un pas, comme pour tester la température de l'eau. Le pas test, si on peut dire ça comme ça. Si elle arrive à faire un pas, il tentera de lui en faire faire un autre, puis encore un autre et ainsi de suite. En revanche, si elle n'arrive pas à avancer, il sera contraint de l'aider, qu'elle le veuille ou non. Le premier pas est hésitant, il l'observe, ne la touchant pas et la laissant se débrouiller seule pour le moment. "Vas y continues comme ça." Dit-il. Il se veut encourageant, ne sachant pas réellement si cela lui apporte quoi que ce soit, mais c'est l'intention qui compte dirons nous et si ça peut lui donner un peu de courage pour faire un pas de plus alors l'essentiel est fait pour lui. Il marche à côté d'elle, prêt à la rattraper à la moindre perte d'équilibre. Il la voit souffler, comme quelqu'un qui vient de courir un marathon pour la première fois de sa vie. Bon l'image est peut-être poussée, mais l'idée y est. Lorsqu'elle perd l'équilibre il ne s'en rend pas tout de suite compte, il avait les yeux rivés sur la rue qu'ils allaient bientôt rejoindre. Cependant, il a de bons réflexes et en une seconde il la rattrape par le bras, lui évitant de peu une chute certaine. "C'est bon je te tiens." Ajoute t-il, la tenant fermement et lui laissant tout de même le temps de reprendre ses esprits. "Un dernier effort on y est presque." continue t-il en recommençant à avancer lentement en la tenant par le bras. Cette fois pas question de la laisser marcher seule, c'était un coup de chance qu'il ait réussi à la rattraper, ce n'était pas la peine de prendre de risques.
Heureusement pour moi Adriel eut de bons réflexes, et me rattrapa juste à temps. Une chance. Mais cette fois-ci, il était évident que je ne savais plus marcher toute seule. Déjà j’avais bien eu l’impression d’être un bébé qui apprend à marcher, surtout avec ses encouragements. Mais je n’avais rien dit, me concentrant davantage sur le fait de ne pas tomber. Ca n’avait pas manqué. Mais là, à son bras, j’allais au moins réussir à atteindre le café sans vaciller. Je ne me sentais pas mieux, seulement déjà un peu plus détendue et moins concentrée. Je n’étais pas sûre que je puisse aller bosser aujourd’hui, du repos était vital. Ou simplement un café et quelques gâteaux. Oui, je me devais de toute façon d’aller travailler, sinon ça allait encore me pénaliser si mon équipe n’est pas foutue de travailler sans mes coups de fouet. Merci. Disais-je à Adriel, tout de même, puisqu’il m’avait réceptionné alors qu’il aurait pu en profiter pour que j’ai enfin la pire honte de ma vie. Mais non, il était réglo et je ne voyais pas vraiment pourquoi. Je préférais laisser de côté cet élément. La hache de guerre était temporairement abaissée et j’en étais la première consciente et pour, surtout. Sinon je serais bel et bien resté des heures dans cette ruelle assez mal famée. Mais finalement, j’arrivais en entière jusqu’à ce fameux petit café. Heureusement, il n’était pas si bondé que ça et on put facilement se libérer l’un de l’autre pour savoir à l’une des petites tables libres. Je m’affalais doucement, gracieusement, mais bel et bien dans le fauteuil. C’est fou le bien que ça faisait. Mon regard se posa alors sur Adriel, un peu mal à l’aise de me retrouver assise en sa compagnie, comme notre hache de guerre n’était pas du tout mise à l’écart. Mais je pouvais bien la ranger encore pour quelques minutes je suppose. Je peux bien te payer un café pour te remercier je suppose. Lui disais-je en haussant les épaules.
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