J’avoue que je n’aurais pas pu rêver mieux comme soirée. C’est vrai, si j’étais rentrée à l’heure habituelle, j’aurais joué à la patate chaude sur mon canapé. J’aurais surement fait une ou deux parties de console avec Kyeran, puis j’aurais pris une douche, j’aurais avalé un semblant de dîner à la va-vite, j’aurais papoté avec Taylor ou avec Joy, puis je serais allée dormir. Tout ce qu’il y a de plus barbant en somme. Donc je dois bien admettre que la compagnie de Wyatt n’est pas des plus déplaisantes, accompagnée qui plus est par du whisky que je devine être un grand cru. Enfin, peut-on vraiment parler de cru avec du whisky? Je ne sais pas trop. Je me perds dans mes pensées en avalant quelques gorgées de mon verre avant de demander – sans vraiment avoir besoin de la permission de Wyatt cependant – si je peux me servir à nouveau. Je me meus alors, telle un serpent, en direction de la table basse, en prenant le grand soin d’onduler mon corps d’une manière assez équivoque. Du moins j’essaye. Je reprends alors position, verre en main et en bois une gorgée avant de lancer mon plus beau sourire au producteur. Il se décide à son tour de se resservir et je le regarde faire, satisfaite de le voir se décoincer. Quel changement radical depuis notre entrevue quelques minutes plus tôt, et je dois dire que ça ne me dérange pas, bien au contraire. Il se repositionne à son tour et vient passer son bras autour de moi, appuyé contre le fauteuil. Je ne sais pas ce que ce geste veut dire, mais je ne bronche pas. « Oh, pauvre princesse. Une vrai Cendrillon des temps modernes. » « N’importe quoi! » je pouffe en lui tapant légèrement l’avant-bras. Le regard rieur, il jette rapidement un coup d’oeil à sa montre. « Minuit approche, j’espère que tu profites bien de ta soirée. » Je tourne la tête encore un peu plus dans sa direction et il lève alors son verre pour le cogner contre le mien. Je lui lance un sourire. « Je passe une très bonne soirée en effet. » Je bois une nouvelle gorgée de mon whisky en ne le quittant pas des yeux. « Et elle serait vachement mieux avec un peu de musique, tu ne trouves pas? » Oui, car pour moi, danser est un exutoire, et c’est encore plus fun lorsque je suis accompagnée. Je regarde autour de moi, à la recherche d’une source qui pourrait satisfaire mon désir soudain. Je remarque une chaîne hi-fi, servant surement plus de décoration que de réelle distraction à Wyatt, et je fais alors jongler mon regard entre le producteur et la dite chaîne hi-fi, en battant des cils comme une ingénue.
Surréaliste. C’était probablement le mot qui qualifiait le mieux l’instant que Wyatt était en train de vivre. Mais comme il avait arrêté de se poser des questions il y a déjà un moment, ce n’était plus une réelle préoccupation. Il s’amusa du « N’importe quoi! » de Janis et fut à peine surpris de sa réaction. « Je passe une très bonne soirée en effet. » Et c’était bon à savoir. « Tu m’en vois ravi, le sentiment est partagé. » Et là il n’était pas moqueur mais honnête, entièrement. Il aurait pu rajouter qu’il ne s’y serait pas attendu à ce que Janis puisse être d’être présence aussi agréable mais c’était pas mal aussi de temps en temps de ne pas être sarcastique et mettre un peu de côté leurs premiers mots échangés pouvait être une bonne idée. « Et elle serait vachement mieux avec un peu de musique, tu ne trouves pas? » Un peu de musique ? Ah. Oui mais non. S’ils n’avaient probablement pas été discrets quand ils avaient effectué le chemin entre le toit de l’immeuble et son bureau, ce n’était pas une raison pour empirer les choses. Mais plus Wyatt regardait Janis et ses yeux de biches, plus il considérait l’option. Après tout, à l’heure qu’il était, il n’y avait plus à ABC que l’équipe de la nocturne à la radio, les personnes de la télé travaillant non loin de lui ne devaient plus être là. Ouais, c’était facile de s’en convaincre quand on était plus exactement sobre. « Damn, j’aurais dû le savoir que t’avais des yeux irrésistibles qui te permette de toujours obtenir ce que tu veux. » Et sans vouloir exagérer la chose pour pouvoir complimenter l’assistante de Jamie, ce qu’avançait le producteur était véridique. Janis était une belle femme, probablement capable de mettre n’importe quel homme à ses pieds. Ce n’était pas que ses yeux. Il y avait aussi le reste de son visage, sa magnifique chevelure blonde et ce qu’elle dégageait. Elle était impressionnante à sa façon mais ce soir, assise à ses côtés en train de l’amadouer pour avoir de la musique, Janis semblait plus accessible que jamais. Wyatt finit par se lever et se diriger vers la chaine hi-fi qu’il n’avait probablement jamais utilisée et dont il n’était pas sûr de comprendre l’existence ici. Il s’arrêta en chemin au niveau de sa veste dont il extirpa son téléphone afin de le connecter à sa chaine. Il resta un instant à réfléchir en observant les différents choix qui s’offraient à lui et finit par lancer sa playlist de musiques latines. Janis avait l’air bien trop en forme pour quelque chose de calme. Après avoir réglé le plus bas volume qui leur permettrait quand même de profiter de la musique, il rejoignit la blonde. Dans un geste faisant écho à celui effectué un peu plus tôt dans la soirée, il lui tendit sa main pour l’aider se relever. « Toute réclamation à propos du choix de musique pourra ne pas être faite au cours des instants à venir. A présent, permettez-moi, princesse, de vous inviter à danser. » Le rythme de salsa en fond sonore lui donnait déjà envie de se déhancher. Il n’y avait pas à dire, surréaliste était bien le mot à utiliser pour décrire la situation. Une fois Janis debout devant lui, Wyatt l’entraina à l’endroit de son bureau où il y avait le moins d’objets à détruire avec un mauvais geste (la taille de la pièce prenait enfin en utilité, c’était fantastique) et attrapa chacune de ses mains dans les siennes. « Laisse-toi faire. » Le producteur n’avait aucune idée des connaissances de l’assistante de Jamie en salsa mais du moment qu’elle arrivait à suivre le rythme, ils réussiraient à s’en sortir. Enfin, Wyatt commença à guider Janis à travers différentes passes, la laissant quelques temps toute seule avant de rattraper ses mains pour la faire tourner de nouveau. Ils n’étaient pas prêts de passer en spectacle, mais c’était indéniablement plaisant. Sur les dernières notes de la chanson, Wyatt termina avec un genou à terre et l’autre servant de support aux fesses de la blonde. « Ça va la tête ? C’est pas exactement la danse recommandée après quelques verres de whisky mais j’avais envie de te voir bouger. » Un reggeaton avait démarré sur la chaine hi-fi et une bachata bien plus tranquille allait sans doute suivre si il se souvenait bien de sa playlist. Mais ils pourraient tout aussi bien être en train d’écouter autre chose au cours des minutes à venir si Janis en avait l’envie. A ce stade de la soirée, Wyatt ne pouvait que céder facilement à ses requêtes.
Je ne sais pas ce qu’il me prend, mais j’ai une furieuse envie de danser. De me déhancher, d’échapper à ce quotidien devenu trop morne et un tant soit peu atténué par la présence agréable de Wyatt ce soir. Mais j’ai surtout envie de danser avec lui, c’est un peu comme ma manière de lui signifier que je commence à l’apprécier, que je passe un bon moment avec lui. Oui, je suis de celles qui pensent que la danse est un moyen de communication, si pas le plus direct et le plus honnête de tous. « Damn, j’aurais dû le savoir que t’avais des yeux irrésistibles qui te permettent de toujours obtenir ce que tu veux. » Je ne bouge pas, me contentant de continuer à le fixer en battant des cils. Mon visage n’est vraiment plus qu’à quelques centimètres du sien, et je me perds alors, baissant mes yeux vers ses lèvres et les remontant aussitôt. « Ca ne marche pas toujours, cela dit. » Le moment reste suspendu durant de longues secondes, des secondes interminables où nos regards ne peuvent se décrocher l’un de l’autre. Mais le producteur, surement beaucoup plus sage et réfléchi que moi, finit par se redresser et se dirige désormais vers la fameuse chaîne hi-fi. Il connecte cette dernière à son téléphone portable et revient près de moi pour me tendre une main assurée. « Toute réclamation à propos du choix de musique pourra ne pas être faite au cours des instants à venir. A présent, permettez-moi, princesse, de vous inviter à danser. » Je pouffe de rire et dépose ma main dans la sienne, me laissant entraîner par sa force impressionnante. Je laisse même échapper un léger « wouah » en manquant de tomber dans ses bras. Je parviens à me stabiliser et je suis alors Wyatt dans l’endroit de son bureau le plus propice à laisser nos corps s’exprimer. « Laisse-toi faire. » Il attrape ensuite mes deux mains et me guide légèrement au son du rythme latin de la musique. D’abord timide, je finis par me lâcher un peu plus par la suite et nous terminons notre première danse avec une acrobatie assez maîtrisée, où mon corps repose en équilibre sur le genou habile du producteur. « Ça va la tête ? C’est pas exactement la danse recommandée après quelques verres de whisky mais j’avais envie de te voir bouger. » Il m’aide à me relever et, un grand sourire aux lèvres, je m’exclame: « C’est parfait. » Nous continuons alors notre petit interlude pendant de longues minutes, d’abord sur un reggaeton endiablé, puis sur une bachata un peu plus technique. Je m’arrête alors, mes mains toujours dans les siennes. « Je peux choisir la prochaine? » Il opine de la tête, sans vraiment broncher, et je quitte alors ses mains pour m’emparer de son téléphone portable. Sur YouTube, je tape le nom de l’une des dernières chansons de Beyoncé, l’indétrônable selon moi. Sans vraiment prêter attention aux paroles, je me mets alors à danser sous le regard amusé de Wyatt. D’abord insouciante, je me transforme petit à petit en prédatrice, m’approchant dangereusement de lui. Je dépose mes mains sur ses épaules et me remue d’une manière assez sensuelle, avant qu’il n’attrape mes mains pour m’accompagner un peu plus conventionnellement. Mais je ne démords pas – surement à cause du whisky – et passe mes mains autour de son cou cette fois. Il rit alors, se laissant faire pour ne pas me contrarier sans doute. Je m’agite un peu plus contre lui, et lorsque la chanson se termine, je ne peux me retenir de plaquer mes lèvres contre les siennes. C’est comme l’apothéose de tout ceci, comme si au fond je voulais sceller ce moment suspendu dans le temps. Mais Wyatt ne semble pas de cet avis et me repousse avec une force déconcertante. Mais surtout décevante...
Qu’est-ce-qui se serait passé si Janis et Wyatt s’étaient rencontré dans un autre contexte ? Probablement pas la scène qui était en train de se dérouler devant les yeux du producteur, scène dont il était lui-même acteur, soi-dit en passant. Pour une fois, c’était lui qui était au cœur de l’action et non pas derrière une caméra surveiller tous les aspects de ce qu’il se passait. C’était probablement pour ça qu’il ne réalisait pas encore ce qu’il était en train de faire et ce vers quoi il allait. En tout cas, c’est ce qu’il pourra se dire quand il repensera à la soirée le lendemain ou dans quelques jours. Pas certain que cela soit suffisant mais dans l’instant présent, ce n’était pas dans ses préoccupations. Là il avait devant lui qui quitta un instant ses yeux du regard avant de lui répondre. « Ça ne marche pas toujours, cela dit. » Wyatt bloqua un instant sur ces paroles, incapable de quitter la blonde des yeux. Réalisant qu’elle n’allait pas en dire plus et qu’il n’avait rien à dire de son côté, il finit par se lever pour aller s’occuper de la musique tant attendue. Janis ne se fit pas prier pour se relever et le suivre jusqu’au centre de son bureau et enfin, ils purent commencer à danser. Janis l’assura de son état avec un « C’est parfait. » quand il lui demanda si elle n’avait pas mal à la tête et ils enchainèrent avec les deux chansons suivant de la playlist du producteur. Alors qu’elle avait encore ses mains dans les siennes, l’assistante s’était exprimée. « Je peux choisir la prochaine? » Wyatt répondit avec un geste de la tête en direction de la chaine hi-fi et un sourire aux lèvres. « Tout ce que tu veux, je t’ai dit. » Que ça ne fonctionne pas toujours ou non. Ça aussi c’était une réflexion à avoir à un autre moment. La musique débuta et Wyatt pu reconnaitre Beyoncé. Il serait incapable de vous donner le titre de la chanson parce que ce n’était pas franchement son type de musique mais écouter la radio lui apportait quand même un minimum de culture à ce niveau-là. Encore une fois, un débat pour un autre jour. Le producteur porta toute son attention sur Janis. Si les premiers mouvements de la jeune femme l’amusèrent tout d’abord, il se retrouva rapidement à réagir différemment, son cœur se faisant sentir battant un peu plus rapide que d’ordinaire. Quand l’assistante de Jamie vint déposer ses mains sur ses épaules, sa danse se fit encore plus sensuelle et c’était apparemment ce dont le cerveau de l’anglais avait besoin pour réagir un peu. Il attrapa alors les mains de Janis dans les siennes pour les éloigner un petit peu. Ils pouvaient terminer cette chanson et ensuite se séparer un peu les choses et recadrer les choses. Ouais, Wyatt avait envie d’y croire. Janis n’était pas du même avis et le producteur ne tarda pas à sentir les doigts de la blonde contre son coup. Probablement pour ne pas brusquer cette dernière –ce qui était honnêtement surprenant de sa part mais que vouliez-vous, il lui arrivait d’être un être humain décent–, il lâcha un rire, essayant peut-être aussi de se détendre en même temps, et laissa Janis continuer de danser. Et ça aurait pu bien se finir, honnêtement. Sauf qu’après les dernières notes de musique, Janis l’avait embrassé, confirmant la crainte que Wyatt avait commencé à avoir au cours des derniers instants. Le baiser ne dura pas et le producteur rejeta la jeune femme avec peut-être un peu plus de force que nécessaire. On accusera le bordel dans sa tête. « Je peux pas. Je… Je suis désolé. » Merde. Qu’est-ce-qu’il était censé dire exactement ? Pour une fois il n’en avait pas la foutue idée. La jeune femme ne réagit pas, probablement encore sous le choc de son rejet et Wyatt en profita pour se retourner et aller attraper le portable de la jeune femme. Une fois de nouveau à son niveau, il le lui tendit. « Tiens. Je suis désolé, Janis. J’aurais jamais dû… » Il soupira, il était ridicule. « Je pense qu’on devrait en rester là. » Il avait réussi prononcer ses paroles en regardant la blonde dans les yeux et ce n’était plus un sourire qu’il avait face à lui, loin de là. Toujours sans dire un mot, Janis récupéra son portable avant de lui mettre une claque et de tourner les talons, quittant ainsi son bureau. Le silence régnant à présent dans la pièce n’allait que parfaitement avec le sentiment que Wyatt ressentait et la légère chaleur sur sa joue. Par réflexe, le producteur porta sa main là où Janis était venue exprimer son mécontentement et il lâcha alors un long soupir. L’illusion que cette journée pouvait comporter quelque chose de positif et joliment se terminer avait été bien brève.
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