James & Alissa I'd trade all my tomorrows for one single yesterday
P
lusieurs semaines ont passé depuis ma rencontre avec Ali – des jours que j’ai compté sur mes doigts en essayant de repousser son image de mon esprit. Son retour a bousculé toutes mes certitudes – toute cette vie que je tentais de rebâtir sur des bases plus saines est partie en fumé quand mon regard a croisé le sien. Je lui en ai voulu d’être revenue, de m’infliger ça et ce pendant des jours. J’aurais pu en pleurer – j’aurais dû sans doute mais les larmes étaient restées bloquées dans ma gorge comme retenues par une rancœur nouvelle que je m’étais découverte. Tant d’émotions que j’avais volontairement refoulées pendant toutes ses années et qui aujourd’hui explosaient en moi sans me laisser une chance de pouvoir les maitriser. Chaque lieu de cette ville était empli de souvenir qui me sautaient au visage à chaque fois que je posais mon regard sur un lieu où nous avions bâti des souvenirs ensemble. Ce banc sur lequel j’avais compris qu’elle n’était plus qu’une amie – ce parc du premier je t’aime – cette ruelle ou nous avions été surpris par la pluie… Tout me ramenait à elle – à nous – avec une telle force que je me demandais comment j’avais pu pendant ses dernières années refouler aussi profondément tout ça.
C’est un coup de tête absolu qui m’avait mené jusqu’au cinéma. Je ne l’avais pas prévu, je ne suis même pas sûr que j’en aie envie. J’avais congé et une fois Mathis dans sa poussette mes pas m’avaient mené jusqu’à la grande bâtisse. Je m’étais assis pendant longtemps devant sans savoir quoi faire. Une partie de moi était encore tellement en colère alors que l’autre aurait voulu tourner la page. Arrêter de nous tourmenter avec les histoires du passé. J’avais fait des rêves horribles ces derniers jours – j’avais beaucoup pensé à Ian aussi – à ce qu’il aurait pensé de mon attitude – de cette cruauté qui me ressemble si peux. De la peine que j’avais volontairement infligé à Ali – la regardant pleurer sans même avoir un geste pour elle. Ian m’aurait tarté pour moins que ça – il aurait su quoi dire – il aurait su quoi faire parce que c’était toujours le cas. Ian était le décisionnaire dans notre duo de frères. C’était lui qui prenait les devants – lui aussi qui payait le plus souvent les conséquences au prix fort et quand il m’avait quitté j’avais compris mon incapacité à gérer ma vie sans son avis – sans son regard avisé sur mes décisions.
« Bonjour. » « Bonjour, vous aimeriez voir un film ? » Je me racle la gorge sentant un certain malaise me saisir – il est encore temps de faire demi tour. Ou alors de prendre une place pour une film et de ne jamais tenter de la voir. « Je… En fait je cherche quelqu’un. Alissa Stone, est-ce que vous savez si elle travaille aujourd’hui ? » Je crois que je dois rougir un peu – en tout cas je ne doute pas que mon malaise est visible et contagieux apparemment. « On n’a pas de Stone ici. » Je hoche la tête prêt à repartir. C’est le destin voilà ce que je me dis. Peut-être qu’Alissa a fuit à nouveau – que ça n’était rien de plus qu’un nouveau mensonge. Qu’est ce que j’attendais de plus de sa part de toute façon ? « Attendez Alissa… Oui bien sur la nouvelle régisseuse générale Alissa Hudson ! » Je me sens blêmir cette fois. Ali est mariée… Mariée à un autre. Cette fois c’est définitif je dois faire demi tour. « Je vais l’appeler. » « Non, non laissez tomber je vais… » Pas le temps de finir ma phrase que déjà je la vois. « Et bien la voilà justement. » Mon regard croise le sien et je sens un frisson étrange me parcourir alors que mes mains se referment un peu trop fort sur la poussette. Elle arrive à ma hauteur et je ne peux rien dire. Je la regarde sans qu’aucun son ne sorte de ma bouche. « Je… Est-ce que Tagada est là. » Je remercie ce chien de me donner une excuse crédible à ma présence ici sans oser dire que je n’ai pas pensé de prime abord à lui quand je me suis présenté. « Enfin.. Salut…. » J’en perds même ma politesse. Mais j’imagine qu’elle et moi ne sommes plus à ça prêt après ce que nous nous sommes dit lors de notre dernière rencontre.
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James & Alissa
Vous m'envoyez ❛Alice, de l'autre côté du miroir❜ dès sa sortie sinon, je vous y fais passer au travers moi-même! hurlai-je à mon interlocuteur avant de lui raccrocher au nez. Diriger un cinéma n'est pas de tout repos, j'en ai fais la découverte il y a de ça plusieurs années mais reprendre la direction de celui de Westfield Chermside est une véritable plaie. A peine maintenu en vie par mon prédécesseur et faisant face à la féroce concurrence de l'Emerza, salle de spectacle gigantesque pour concerts musicaux, spectacles de rires, événements sportifs d'intérieur, comédies musicales, ou encore des représentations théâtrales.... J'ai de grands projets pour le faire revivre mais cela ne se fera pas du jour au lendemain malheureusement. Enfin. Je dirais plutôt heureusement. Cela me donne une raison de me lever le matin et de m'investir corps et âme dans le boulot, véritable échappatoire à ma triste existence. Waf, Waf! aboie Tagada, m'arrachant un sourire. Par moment, je me dis qu'il m'entend penser et essaie de me répondre. C'est niais, je le sais bien et pourtant, je m'y accroche. Ma vie est passé de catastrophique à apocalyptique au moment où j'ai regagné Brisbane en croisant James le jour même. On ne récolte que ce que l'on sème! Mon esprit est torturé depuis notre rencontre. Mes pensées sont tourmentées. Mon cœur est tenaillé. Les nuits sont courtes, pour ne pas dire inexistantes. Le sommeil est mauvais, les cycles trop courts et perturbés et cela a des répercutions physique. Migraine, fatigue, irritabilité... Un cocktail amer pour tous ceux qui travaillent à mes côtés. Je décroche à nouveau le téléphone et essaye d'appeler le standard. Tut. Tut. Tut. Tut. Ca sonne dans le vide, j'ai horreur de ça. Ça se tourne les pouces toute la journée mais ça ne répond jamais au téléphone... marmonnai-je à moi-même en exutoire tout en attrapant mon trousseau de clés. Waf! manifeste Tagada en comprenant que je me vais le laisser seul dans le bureau, me voyant main sur la porte. Je reviens vite Tagada. Aller, au panier! lui ordonnai-je après lui avoir câliné le crâne devant son air suppliant de m'accompagner. Je le laisse à contrecœur mais certains membres du personnel ne sont pas rassuré de voir un bouledogue se balader à mes côtés dans les couloirs. C'est pourtant le chien le plus adorable et gentil qui soit. Bon, j’admets que je passe mes journées à donner des ordres et que je ne suis pas facile à vivre, du coup, j'en ai entendu plusieurs nous surnommer Hadès et Cerbère l'autre jour... J'aimerais que tout ce passe bien, je sors Tagada le moins possible du bureau, le temps que tout le monde s'habitue à lui. Quasiment arrivée au standard, j'aperçois que tout le monde est à son poste, ce qui a tendance à m'échauffer les oreilles. Dans ce cas, pourquoi personne n'a décroché ce putain de téléphone? « Attendez Alissa… Oui bien sur la nouvelle régisseuse générale Alissa Hudson ! » Ah, ça parle de moi! Je décide de m'arrêter et d'écouter un peu ce qui se dit... D'ici je n'arrive pas à voir qui est le deuxième en face de la standardiste. Il faut vraiment que je me reprenne en main sinon ça ne va pas le faire... Mais pas tout de suite. Je décide d'aller affronter le regard des autres et reprend mon chemin jusqu'au standard qui n'est plus très loin. « Je vais l’appeler. » « Non, non laissez tomber je vais… » Nom de Dieu de putain de bordel de merde de saloperie de connard d'enculé de ta mère, comme dirait le Merovingien dans Matrix Reloaded. C'est James. Je dois me barrer le plus vite possible. « Et bien la voilà justement. » Et merde, grillée! J'étais déjà trop prêt d'eux mais pas assez pour remarquer la présence de la poussette. J'en déduis que Mathis l'accompagne. Nouveau coup dur. Je déglutis difficilement et tout mon corps est pris de picotement, comme si j'étais à deux doigts du malaise vagal ou de la mort subite. Le regard et le corps figé, je sens monter l'angoisse de cette rencontre, me reprenant en pleine figure le désastre de la précédente. « Je… Est-ce que Tagada est là. » Mon palpitant rate un mouvement et mon cœur se serre. Bien sûr que je n'aurais imaginé une seule seconde qu'il soit venu pour moi, pour me voir... Et pourtant, une minuscule partie de moi est déçue. Les quatre-vingt-dix-neuf pourcent restant sont réalistes, savaient et c'étaient préparé à ça. Et pourtant, tout le travail que j'ai fais sur moi-même s'envole, m'échappe et m'abandonne une fois à James. Je regrette instantanément d'avoir laissé Tagada dans le bureau, m'imaginant le scénario où j'aurais pu m'enfuir en courant en lui laissant notre chien, m'enfermer dans mon bureau et pleurer toutes les larmes de mon corps en attendant leurs retour. « Enfin.. Salut…. » Je suis tellement stressée, que je n'avais même noté cet oublie. Salut James... le saluai-je à mon tour en évitant soigneusement de regarder Mathis, ayant peur de fondre en larmes. Ce qui m'embête le plus, c'est que nous sommes sur mon lieu de travail entouré de mes nombreux collaborateurs et que je ne peux pas me permettre de perdre la face. Impossible pour moi de craquer ou de laisser éclater une dispute, dans le style de la dernière fois... Tu vas bien? lui demandai-je du même air détachée que précédemment, reportant sciemment la question au sujet de Tagada. J'ai fais savoir à tout le monde au bureau que j'étais à cheval sur la politesse. Par moment, lorsque certains viennent me poser des questions dans la précipitation ou dans l'urgence, je ne leur dit rien d'autre que bonjour en attendant que l'on me salue. J'appréhende de froisser James mais il faut absolument que je donne le change sur mon lieu de travail. Tagada est dans mon bureau... Tu voulais juste le voir ou bien le prendre un peu? lui demandai-je en faisant tout les efforts du monde pour être le plus détachée possible, sereine, maître de moi-même alors qu'à l'intérieur, c'est le bazar et le chaos. J'ai eu plusieurs semaines pour me préparer au fait que je lui laisserai Tagada, ça n'en reste pas moins très difficile mais je sais que je lui dois bien ça.
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« S
alut James... » Cette voix… ce ton.. Elle a beau être devant moi j’ai encore de la peine à y croire. Je ne reconnais plus dans cette voix celle qui me murmurait des mots doux à l’oreille ou qui me racontait des blagues d’enfants. Non, j’entends celle qui me parlait à l’enterrement de Ian, j’entend celle qui a dit mon nom de cette même façon, le soir où je l’ai trouvé dans les bras d’un autre et c’est un déchirement pour mon cœur. Je ne sais pas pourquoi le reste s’envole et seul le mauvais prend le dessus – comment mon esprit à fait pour tirer un trait sur tout ce qui était heureux dans notre relation mais c’est pourtant fait – je n’arrive pas à me souvenir des bons moment. Mais je voudrais que la rencontre ce passe mieux cette fois – j’ai eu le temps d’y repenser de regretter mon attitude aussi froide et cruelle de plus je sais que c’est le dernier endroit pour en parler. « Tu vas bien? » Je hoche la tête ne sachant trop ou poser mon regard – un peu mal à l’aise et encore plus quand sa collègue de travail nous fixe de cette façon. « Tagada est dans mon bureau... Tu voulais juste le voir ou bien le prendre un peu? » « Je… » Je n’y ai pas pensé… Je n’ai pas été jusqu’au bout de mon excuse comme si tout ça n’avait aucun sens pour moi. Ma présence dans ces locaux. Ma froideur avec elle – mon envie de revoir notre chien. Tout ça fait marcher mon cerveau au ralenti. « Je sais pas trop, je pensais aller au parc donc… » J’essaye de me fabriquer une bonne excuse. De prétendre que je suis bien là pour Tagada et rien d’autre. Tellement que je veux me convaincre moi même parce que sinon je ne comprends pas mon comportement. « Mais je peux commencer par le voir dans le bureau si c’est mieux pour toi… » Je me trouve très conciliant d’un coup mais j’ai l’impression que son attachement à notre chien n’est pas exactement sain et je n’ai pas non plus envie qu’elle nous fasse une crise de panique parce que je l’emmène dehors. « On pourrait peut-être… » J’hésite à dire là suite comme si je m’apprêtais à dire un gros mot. Regardant Alissa. Puis sa collègue. Puis à nouveau Alissa. « Discuter. » Je ne sais pas vraiment de quoi j’ai envie de discuter. Je ne sais pas non plus si c’est une bonne idée de discuter. La dernière fois ça n’a pas été une franche réussite et je ne peux pas dire que mon état d’esprit a vraiment changé depuis.
Je finis par la suivre jusque dans son bureau. Sur le chemin nous restons silencieux. Bien trop silencieux. Comme dans ces derniers mois de notre relation où le silence était pesant et toujours trop présent chez nous. « Donc… tu travailles ici ? » Merci Captain obvious… « C’est bien ? » Je sais que ça ne fait pas longtemps qu’elle est là et surtout que je parle juste pour combler le silence. Pour éviter d’aller dans les sujets qui fâchent. Ceux qui nous blessent tous les deux et que l’on n’est pas capable de surmonter pour le moment. Quand nous arrivons devant son bureau je me stoppe un moment… Je regarde cet endroit sans savoir si j’ai vraiment envie d’y rentrer. Sans savoir ce que je fais ici. Puis mon regard se pose sur Tagada et je retrouve le sourire alors que j’entends déjà mon fils gazouiller dans sa poussette. Je vais m’accroupir proche de mon chien pour lui grattouiller la tête. « Salut mon grand… » Il vient me léchouiller et je ris un peu lui grattant le ventre. « Remis de tes émotions ? » C’est sans doute la question que j’aurais du poser à Ali’, que j’aurais pu lui poser si les tensions n’étaient pas aussi palpables entre nous.
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James & Alissa
Je vais y arriver. Je vais tenir les coups. Je suis maître de mes émotions. Je suis une grande fille... Je tente tant bien que mal de me persuader que ce n'est rien d'insurmontable, que je peux y arriver après tout, James veux seulement voir Tagada. J'aurais tellement aimé que se soit pour moi mais je ne suis pas naïve à ce point, je ne sais que trop bien toutes les raisons qui rendent cela inconcevable. C'est déjà un miracle qu'il arrive à surmonter l'obstacle que je représente entre lui et Tagada. « Je sais pas trop, je pensais aller au parc donc… » Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer le magnifique tableau de James, Mathis et Tagada partageant un moment de complicité dans ce magnifique cadre verdoyant et printanier que représente une balade. Même s'il est dur de se dire que je dois y renoncer, je sais que Tagada en sera des plus heureux. Parfait! Il fait tellement beau que c'est dommage qu'il reste entre quatre murs... arrivai-je à répondre en souriant, m'efforçant de penser au seul bonheur de mon chien. Bon, j'avoue que savoir James heureux me fait sourire également. « Mais je peux commencer par le voir dans le bureau si c’est mieux pour toi… » Ah! Je ne l'ai pas vu venir ça. Ahem. Je cherche mes mots à toute vitesse et simule un raclement de gorge pour gagner quelques précieuses secondes. Heureusement, James reprend parole avant que je n'ai à le faire. « On pourrait peut-être… discuter. » C'est à ce moment là que je percute que nous sommes toujours devant la standardiste, qui nous observe comme si elle était devant l'un des films que l'on projet dans les salles qui nous entourent. Quelle plaie celle-là! Bien, suis-moi je t'en prie. lançai-je machinalement, en me persuadant que je m'adresse à un représentant ou bien un commerciale et non James. L'exercice est loin d'être évident, je ne sais même pas si j'arrive à donner le change mais je fais tout pour en tout cas. Ma concentration est telle qu'exceptionnellement, j'arrive à chasser souvenirs et remords de ce que nous étions. Enfin presque. Par mégarde, mon regard croise celui de Mathis et mon cœur est submergé de ce vague à l'âme que je tente de combattre. Comme s'il s'agissait d'un instinct de survie, je tourne les talons pour fuir l'adorable bouille d'amour d'un enfant qui me terrifie autant qu'il me brise le cœur. Je prête quand même l'oreille pour être certaine qu'ils me suivent jusqu'à mon bureau, il ne faudrait pas non plus que j'en oublie les bonnes manières ou que je les sème en route. Quoique, l'idée est tentante. Je fixe droit devant, éludant la silhouette de James et de la poussette en périphérie. « Donc… tu travailles ici ? » J'aurais du me douter que James briserai le silence pesant, mais pour le coup je suis plus qu'étonnée par la question. J'aime à croire qu'il est aussi tendu et gêné que moi ce qui me réconforte, m'aide à conserver un peu d'assurance. On va dire que j'essaie en tout cas! plaisantai-je sincèrement amusée sans pour autant me moquer. « C’est bien ? » Si on oublie que je galère à m'intégrer, que les caisses sont vides et que l'affaire se cassait déjà la gueule avant que j'arrive... J'adore ce que je fais, ça facilite les choses. Plus ou moins... Je ne t'ai même pas demandé d'ailleurs... Tu fais quoi maintenant? La dernière fois, la situation n'a pas permis que lui pose la question. Cette question qui me brûle depuis trois ans. De nombreux cauchemars m'ont hantés, l'imaginant de nouveau au front. Trois ans à me demander s'il était retourné en Afghanistan, s'il était sain et sauf. Aujourd'hui, en ayant conscience de l'existence de Mathis, je me dis qu'il s'est surement éloigné des lignes de combats... Je l'espère pour lui en tout cas.
Une fois la porte de mon bureau ouverte, Tagada se redresse dans son panier et frétille sur place. Heureusement que ce chien est bien dressé et qu'il attend le feu vert pour se ruer vers James. « Salut mon grand… » Feu vert intercepté dès que leurs regards se croisèrent. Les retrouvailles sont émouvantes, même Mathis y va de son petit gazouillis. Je profite de leur moment d'effusion pour lever les yeux aux ciels et passer mes index et majeurs de chaque côté de mes yeux pour stopper une larme. « Remis de tes émotions ? » Je sursaute, paniquée, avant de finalement me rendre compte que ce n'est absolument pas à moi que James s'adresse. J'ai l'impression d'être de trop dans la pièce, alors que je suis dans mon propre bureau. Bureau qui est sur le point de se transformer en salle de spectacle apparemment, lorsque j'aperçois la standardiste et le projectionniste essayer d'épier ce qui se passe. Je leur jette un regard noir et aussitôt, ils disparaissent l'air de rien. J'ai gagné un peu de répit mais ils risquent de revenir à la charge et je tiens absolument à garder mes soucis à James dans le domaine du privé. Je t'offre un café? proposai-je, histoire de l'inviter à s'asseoir et pouvoir fermer la porte, ce qui m'est impossible pour l'instant étant donné qu'il est accroupie dans le passage. J'ai aussi comme l'impression de rappeler que j'existe, quelque peu jalouse de toute l'attention dont Tagada a droit et dont je suis privée. Enfin, dont je me suis privée toute seule, c'est vrai... Je t'en prie, viens t'asseoir...
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ourquoi j’ai lancé cette idée de parler ? C’était idiot qu’est ce que je vais bien pouvoir dire maintenant ? Lui lancer des banalités pour tenter de cacher le malaise constant qui plane entre nous ? Lui parler de la pluie et du beau temps comme si ça avait la moindre importance alors qu’au fond de moi ma haine semble prête à tout moment à lâcher les portes pour tout déballer. C’est un jeu dangereux auquel je joue et dans lequel j’entraine Alissa sans vraiment lui laisser le choix. J’aurais pu attendre sagement à l’entrée qu’elle m’amène le chien – j’aurais pu aussi ne jamais venir – oublier cette histoire – oublier sa présence et continuer ma vie comme si notre rencontre n’avait jamais eu lieu. Peut-être que je m’en porterais mieux – que je n’aurais pas cette boule au ventre qui me tord les entrailles et me donne presque la nausée… Peut-être que j’aurais du me retenir… Et laisser le silence prendre la place. Toute la place. « On va dire que j'essaie en tout cas! » A une époque la réflexion m’aurait fait sourire – j’aurais peut-être même pu l’encourager mais aujourd’hui je restais de marbre – pas vraiment sur d’avoir posé cette question pour avoir une réponse au final. . « J'adore ce que je fais, ça facilite les choses. » « Tant mieux… » Je ne m’intéresserais pas plus – non pas que je veuille pas savoir mais la boule dans ma gorge semble m’empêcher d’articuler plus de mots pour le moment. « Je ne t'ai même pas demandé d'ailleurs... Tu fais quoi maintenant? » Quand est-ce qu’elle me l’aurait demandé de toute façon ? Entre deux déballages de haine ? Ou au milieu de ses larmes ? Je voudrais rétorquer que ça ne la concerne pas. Que plus rien de ma vie ne la concerne aujourd’hui mais pas ici – pas dans ses conditions et alors que c’est moi qui suis venu la trouver – ça serait cruel. « Je travaille à mi-temps comme agent de probation, mais j’ai eu quelque… Enfin disons que ma reconversion a pris du temps et depuis peu mon père m’a engagé dans la fondation. » Evidement Alissa connaît la fondation de mon père – elle y a même trainé quelques fois avec moi. Elle connaît l’histoire de cette endroit – de cette mère décédée dont je n’ai pas de souvenir mais qui a guidé la carrière de mon père – le poussant à consacrer sa vie à une association pour les gens atteint du cancer. Ceux qui comme lui – comme nous – comme ma mère ont à faire face à cette maladie destructrice. Elle connaît aussi mon attachement pour cette fondation – mon admiration pour mon père et le dévouement qu’il montre encore à ma mère de longues années après sa mort. Si elle vit pour moi c’est grâce aux souvenirs qu’il ne fait pas mourir. « Je crois qu’il aimerait que je reprenne le flambeau mais je doute d’avoir les épaules pour… » Et la passion nécessaire aussi. Mon père a voué sa vie à cette fondation parce qu’elle représentait ce qu’il avait de plus cher et qu’il avait perdu… Pour ma part je n’ai même pas de souvenir de ma mère. Je ne peux même pas vraiment dire qu’elle m’a manqué – je n’ai jamais vraiment pensé à ce qu’aurait pu être ma vie si ce cancer ne nous l’avait pas enlevée. Mais quand je pense à la peine de mon père je peux aujourd’hui la mettre en parallèle avec celle que j’ai ressenti pour le décès de Ian – et plus que jamais je suis en admiration devant la force de l’homme qui nous a élevé et la façon dont il est resté digne et fort.
Nous arrivons à son bureau et je salue Tagada comme il se doit heureux de revoir sa petit frimousse. « Je t'offre un café? » Je relève la tête comme étonné d’entendre sa voix mes mains quittant le pelage du chien pour me relever. « Je ne sais pas… » C’est sans doute une mauvaise idée et pourtant je suis son regard qui se pose sur la porte comme si elle n’attendait qu’une chose pourvoir la fermer. Et je comprends à quel point la situation peut-être délicate pour elle. « Enfin oui.. D’accord. » Je bouge la poussette pour la faire entrer alors qu’il me semble percevoir des regards curieux dans notre direction. « Je t'en prie, viens t’asseoir… » Je regarde la chaise qu’elle me montre, puis la porte – qui vient de se refermer derrière moi. « Je… ça va je suis bien débout. » L’ambivalence dont je fais preuve la perturbe je le vois bien et comment lui en vouloir – moi même je semble sur le qui-vive, comme si a tout moment je pouvais prendre la porte et fuir le plus loin possible d’ici. « C’est Mme Hudson donc maintenant… » Mais je suis con – vraiment con. Pourquoi ? Je m’étais promis pourtant de ne pas aborder le sujet. Persuadé que ça ne me faisait rien, que je m’en fichais. Elle semble vouloir dire quelque chose mais je la coupe avant qu’elle ne continue. « Non je… laisse tomber, je veux pas savoir… C’était idiot de ma part de venir je vais… Oublie pour le café je vais partir. » J’attrape la poussette en me dirigeant à nouveau vers la porte. « Je pensais que… je sais pas je pensais à rien j’avais juste envie de savoir… » La main sur la poignée je m’arrête – comme figé. Le temps semble suspendu et je ne reprends pas la parole pendant plusieurs secondes. Secondes de silence pendant lesquelles mon esprit bouillonne me suppliant de ne pas continuer alors que je sais pourtant les mots au bord de mes lèvres. « Je voulais savoir combien de fois… » Je me retourne vers elle un peu plus sur de moi cette fois. « Combien de fois tu m’as trompé ? » Je ne peux pas croire que j’ai été si aveugle à l’époque que je n’ai rien vu à ses trahisons. Je sais que la question est idiote parce que peu importe la réponse elle va me faire mal. « Mais ça n’est pas l’endroit… » Ni l’endroit ni le moment surement. « J’avais tant de questions… Pendant toutes ces années. Mais je ne suis pas sûr de vouloir les réponses au final. » Pas sur de savoir ce que ça pourrait m’amener. A part une douleur encore plus écrasante.
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James & Alissa
Cet endroit ne m'a jamais semblé aussi grand et vaste qu'en ces jours, qu'avec cette situation pour le moins gênante, déstabilisante et pesante. D'habitude, il ne me faut pas moins d'une à deux minutes pour aller du standard à mon bureau, pourtant, aujourd'hui cela semble prendre une éternité. Machinalement, James tente de briser le silence, surement pour apaiser l’insoutenable tension électrique et empêcher une explosion mais cela ne semble pas vraiment calmer les choses. Ca ne fait qu'augmenter mon mal être pour ma part, ce qui ne m'empêche pas de lui parler un peu de mon travail. « Tant mieux… » J’entends bien à son de sa voix qu'en fait, cela lui importe peu, peut-être même qu'il regrette d'avoir laissé sa politesse et sa bienséance avoir pris le dessus. J'encaisse malgré tout, déçue que nous ne puissions avoir une conversation normale et banale entre deux adultes. Il nous faut nous laisser le temps pour ça. Beaucoup de temps. Peut-être même que nous n'y arriverions jamais. Pourtant, je persiste malgré moi, par automatisme et certainement à tord mais j'ai besoin de savoir. « Je travaille à mi-temps comme agent de probation, mais j’ai eu quelque… » Un peu soulagée qu'il ne soit plus dans l'armée, je m'avoue inquiète de le savoir plus ou moins dans les forces de l'ordre. Je sais pertinemment qu'il a tout ce qu'il faut pour réussir et prendre soin de lui mais je n'ai jamais réussi à ne pas me faire de soucis pour lui. La fin de sa phrase manque, j'imagine le pire comme toujours mais me console puisqu'il est devant moi en un seul morceau, bien portant et vaillant. Enfin, sans compter le fait que je dois lui torturer l'esprit par ma simple présence. « Enfin disons que ma reconversion a pris du temps et depuis peu mon père m’a engagé dans la fondation. » Je souris, sachant cette activité moins risqué pour sa vie. Bien qu'au final, cela ne me conserve plus en rien, je n'ai pas mon mot à dire, encore moins mon opinion à partager à se sujet. Je ne prends pas de risque. Il doit être ravie que vous collaboriez tout les deux... Monsieur Beauregard Senior s'est toujours démené pour sa fondation et je me souviens qu'il avait toujours souhaité voir ses enfants lui donner un coup de main dans ce domaine. « Je crois qu’il aimerait que je reprenne le flambeau mais je doute d’avoir les épaules pour… » Son ton est assez fermé, je pense y voir une invitation à clore le sujet. Dans le doute, je garde la bouche fermée et me contente de hocher la tête, compatissante et amicale, tout en continuant de lutter pour ne pas montrer mon malaise.
Pressée d'être à l’abri des regards curieux qui déambule dans le couloir comme des vautours avide de scoop, je propose un café à James pour qu'il s'avance de l'encadrement de la porte, ce qui pourrait enfin me permettre de fermer la porte. « Je ne sais pas… » Je comprends pour ma proposition, il ne l'entend pas de la même oreille et pense peut-être que j'essaie de recréer un lien, d'agir comme si nous étions toujours ami... « Enfin oui.. D’accord. » Heureusement, je sais que son éducation et sa politesse prennent quelques fois le dessus. Dès qu'il s'avance, je referme la porte, en jetant un dernier regard noir aux fouineurs. A ton avis, c'est l'ex mari? Mais, et le gamin alors? Remarque, elle a l'air carriériste, autant elle a abandonné les deux d'un coup! Mince, elle nous regarde. Les fusillant sur place, je leur faire signe de déguerpir et ils s’exécutent sans plus tarder. De peur qu'ils ne reviennent quand j'aurais le dos tourné, je ferme la porte. Ce qui n'a l'air de faire l'affaire de James, qui refuse de prendre place sur la chaise. « Je… ça va je suis bien débout. » J'hausse les épaules, comprenant son choix et ne pouvant insister. Je me rapproche de ma machine à café, j'ai vraiment besoin d'une bonne dose de caféine. J'attrape deux tâches mais manque de laisser tomber quand James prend la parole. « C’est Mme Hudson donc maintenant… » Merde. Ma salive me reste en travers de la gorge, mon cœur rate un battement et mon souffle ce bloque. Mais comment...? Et là, le flash, la standardiste m'a encore appelé par mon nom d'épouse tout à l'heure, je l'ai bien entendu avant de me rendre compte qu'elle s'adressait à James. Je peux tout expliquer... répondais-je paniquée, comme si j'avais fais quelque chose de mal. Ma mâchoire se crispe, me demandant si je serais capable de la rouvrir pour répondre. « Non je… laisse tomber, je veux pas savoir… C’était idiot de ma part de venir je vais… Oublie pour le café je vais partir. » James s'apprête à partir, je le vois bien. Une partie de moi voudrait le retenir bien entendu mais vu le sujet épineux qu'il vient de mettre sur le tapis, je n'en ai pas la force. Rien de ce que je pourrais dire n'arrangerais les choses entre nous de toute façon. Je suis désolé... murmurai-je, quelque peu honteuse et perdue. Désolé pour le café, pour la situation gênante, la tournure des choses entre toi et moi, le mal que je t'ai fais, et toutes ses choses dont je n'ai pas fais l’apologie et dont tu attends surement les excuses. Je te regarde partir, presque soulagé et pourtant, tu reste planter là. Ou bien est-ce mon cerveau qui a fais un arrêt sur image? « Je pensais que… je sais pas je pensais à rien j’avais juste envie de savoir... Je voulais savoir combien de fois… Combien de fois tu m’as trompé ? » Double merde! Je baisse les yeux et prie pour être partout ailleurs qu'ici. Où sont les fouines comme on voudrait bien être dérangée pour une fois... Ecoute James... J'ai beau cherché mes mots, rien ne vient mais de toute façon, James reprend la parole et stoppe les choses de façon nette. « Mais ça n’est pas l’endroit… J’avais tant de questions… Pendant toutes ces années. Mais je ne suis pas sûr de vouloir les réponses au final. » Depuis qu'il est là en face de moi, je marche sur des œufs. Pire, je fais du somnambulisme sur un fil très fin au dessus d'un volcan. Je dois lutter contre tout ce chaud et tout ce froid que tu souffles, ne sachant jamais qu'elle facette de toi tu vas me montrer: neutre, distant, en colère, mitigé, je ne sais pas, je ne sais plus qui j'ai en face de moi. Je ne crois pas que la vérité nous libérera, bien contraire. Je jette un coup d’œil à Tagada, assis royalement face à la poussette de Mathis, ce qui a le don de me coller le cafard. Mais cette fois, je ne pleurerais pas. Je me le suis promis. Je soupire, un long et profond soupire. Je ne sais pas ce que tu veux entendre. Peut-être préférais-tu croire que je t'ai trompé pendant longtemps, que je ne suis qu'une garce sans cœur et qu'il te serait plus facile de m'oublier et de tirer un trait sur le passé. Malheureusement, cette discutions j'en ai besoin tout autant que toi et je n'ai pas envie de mentir alors j'espère que ça ira. Je relève enfin les yeux, cherche ton regard et y plonge fixement, le visage figé et froid. Une seule et unique fois. Avouai-je enfin, presque amèrement. Les remords, les regrets, tout me reviens en mémoire et de pleins fouets. Tout ce qui clochait entre nous avant notre rupture, les non-dits et les silences. Mais je t'en prie, prend la porte et va t'en, comme à chaque fois que nous avons un conflit à gérer! lançai-je sarcastique, me découvrant pour lui un reproche que je pensais moindre mais qui une fois sortie m'irrite la gorge. J'ai beaucoup de tords dans l'histoire, pourtant je lui en veux de s'être refermé sur lui-même à l'époque, en m'excluant de sa vie en quelques sortes. Tu as préféré jouer à l'autruche pendant des mois, faisant parfois même comme si je n'existais pas... Tu gardais tout pour toi, tu ne partageais plus rien et encore aujourd'hui, tu te défiles! Nous avions des problèmes, pire tu avais tes propres problèmes mais jamais ô grand jamais je ne pouvais mettre les sujets sur le tapis. Nos problèmes ont commencés quand c'est les tiens qui ont pris le dessus. Je ne me suis jamais sentie la force de t'en blâmer étant donné les atrocités de la guerre et le décès brutal de Ian mais... Mais aujourd'hui, j'ai foutu ma vie en l'air, je suis seule et mon boulot aura ma peau, tout ce que j'ai c'est de la peine et de la colère. Colère qui ne demande qu'à sortir, tentative vaine d'un cerveau désespéré qui pense sans doute pouvoir me soulager en te faisant souffrir, bien malgré moi. T'avais des questions? Pendant toutes ces années? Ah! un rire sarcastique m'échappe pendant que je lève les yeux au ciel. J'ai gardé le même numéro de téléphone pendant toutes ces années, tu aurais pu me les poser quand tu le voulais James! vociférai-je. Bien sûr, je comprends parfaitement qu'il n'ait jamais téléphoné même si j'ai passé un nombre incalculable de soirée, prostré dans mon lit en pleurant tout en guettant un appel qui n'est jamais arrivé. C'est totalement absurde de te faire se reproche, je l’admets mais ce sont mes nerfs qui parlent. Ils veulent se décompresser, se lâcher et se défouler.
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E
ncore une fois j’aurais du me taire parce que je me retrouve à regretter amèrement de me trouver face à elle – son regard se posant sur moi alors que je n’ai qu’une envie prendre la fuite. « Je peux tout expliquer… » Non je ne veux pas qu’elle m’explique – j’étais bien avant – ça m’allait de ne rien savoir de ne l’imaginer que loin – presque inexistante. A ce moment elle n’était plus vraiment une personne et je m’étais fait à l’idée. Mais maintenant qu’elle est devant moi en chair et en os – qu’elle se fait appeler Mme Hudson… alors tout est différent . « Je suis désolé… » Je n’écoute même plus – maintenant tout ce qui me vient en tête c’est cette idée de prendre la fuite. Tout en moi n’est plus qu’ambivalence et je me rends compte que ça doit être impossible à gérer pour Alissa cette façon dont je peux changer d’attitude en une fraction de seconde. Même moi j’ai de la peine à me suivre. Tantôt à vouloir fuir – puis parler – puis revenir si ce que j’ai dit. Rien n’a plus de sens. « Une seule et unique fois. » Ma main se resserre sur la poignée de la porte, je peux sentir mon cœur battre dans mon front tellement tout mes muscles sont crispés. Je ne dis rien – respire difficilement. Je ne sais pas si ça m’aide ou si ça me fait encore plus mal – je ne sais plus rien d’un coup que cette veine qui bat un peu trop fort et cette impression que ma tête pourrait exploser à tout moment. « Mais je t'en prie, prend la porte et va t'en, comme à chaque fois que nous avons un conflit à gérer! » Je me retourne cette fois – mon regard laissant exprimer mon incompréhension. J’en reste sans voix tant son ton me choque. Il me faut plusieurs secondes pour assimiler ses mots, les mettre les un derrière les autres et me convaincre qu’elle a bien osé dire ce que j’ai entendu… « Pardon ? » C’est une camera caché ? Une blague ? Je regarde autour de moi cherchant un indice mais rien. Rien qu’Alissa et cette colère naissante que je vois venir habiter ses traits et qui ne me plait pas. Pas du tout. « Tu as préféré jouer à l'autruche pendant des mois, faisant parfois même comme si je n'existais pas... Tu gardais tout pour toi, tu ne partageais plus rien et encore aujourd'hui, tu te défiles! » Je la trouve tellement gonflée – tellement hors propos que c’est tentant de juste quitter la pièce – mais ça serait lui donner raison je le sais bien . « T’es sûr de vouloir avoir cette conversation ici ? Maintenant ! Alors que tes collègues doivent avoir l’oreille collée à la porte ? » Je tente de ne pas m’énerver mais la couleur que prend ma main qui se resserre un peu plus fort a chaque seconde sur la poignée indique le contraire. « T’as vraiment envie qu’on parle de personne qui se défile ? » Parce qu’au dernière nouvelle c’est bien elle qui a quitté la ville sans un mot – sans une explication. « T'avais des questions? Pendant toutes ces années? Ah! » Son sarcasme me glace le sang – me ramenant à ces conversations qu’elle tentait d’avoir avec moi – à ces regards qu’elle posait sur moi à l’époque. Je n’ai aucune envie de revivre ça. Aucune envie qu’elle prenne ce petit air supérieur avec moi qu’elle me donne l’impression que c’est moi qui lui doit quelque chose. « J'ai gardé le même numéro de téléphone pendant toutes ces années, tu aurais pu me les poser quand tu le voulais James! » « T’as vraiment cru que j’allais t’appeler ? Pour te dire quoi ? Te forcer à me donner des informations que tu t’es bien gardée de vouloir partager ? Quémander des excuses que tu ne voulais pas me donner ? Je suis pas tombé aussi bas non… » C’est mon tour d’avoir un léger rire cynique. « Tu m’as trahi ! Et t’as même pas daigné essayer de te justifier ! Tu pouvais bien aller au diable pour moi. » C’est faux évidement – malgré ma rancoeur je n’ai jamais pu réellement lui vouloir de mal. Mais elle n’a pas à le savoir – c’elle tellement plus simple de juste la haïr. « T’aurais JAMAIS du revenir… » Je lâche la poignée cette fois me retournant vers elle avec beaucoup plus de colère dans les yeux qu’auparavant. Le fait qu’elle m’ait attaqué a fait s’envoler une certaine culpabilité chez moi. Elle veut la guerre elle l’aura. « Et pourquoi t’es la d’ailleurs ? T’as rien à faire ici ! Tu lui as dit à ton parfait petit mari ? Tu lui a dit que ton ex que tu avais salement trompé se trouvait dans cette ville ? » Je me rapproche encore un peu d’elle plantant mon regard dans le sien. « Qu’est ce que tu cherches ici ? » Elle me l’a déjà dit que c’était aussi sa ville – que je ne pouvais pas la mettre dehors mais j’ai beau chercher je ne comprends pas pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi ce retour.
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James & Alissa
'Cause you're hot then you're cold, you're yes then you're no, you're in then you're out, you're up then you're down, you're wrong when it's right, it's black and it's white, we fight, we break up... La bande son du moment tiens! Peut-être aurais-je même mieux fais de te laisser partir plutôt que de vouloir vider mon sac... Quoique j'avoue que laisser parler la colère au lieu de faire pleurer mes yeux, ça change pour une fois. J'en suis un peu soulagé, mais à quel prix? Te voila près à partir, pourtant, mes paroles te font revenir sur ton choix, sur tes pas. « Pardon ? » L'adrénaline et mon, comment dire, soudain excès de confiance, ne sont pas encore redescendus. Bien que je m’étonne moi-même, j'arque un sourcil provocateur et garde mon regard plongé dans le tiens, pleins de défis et légèrement accusateur. Je croise les bras, penche la tête et fais mine d'attendre, comme si je m’étais préparée à cette confrontation tout ce temps, alors que c'est faux bien-sûr mais j'ai ma fierté d'engagée sur ce coup, je ne peux pas revenir en arrière. . « T’es sûr de vouloir avoir cette conversation ici ? Maintenant ! Alors que tes collègues doivent avoir l’oreille collée à la porte ? » A vrai-dire, présenté comme ça, pas du tout mais si on n’arrache pas le pansement d'un coup sec, on le fera jamais. Ouais! scandai-je sur un ton hargneux. Bien que mon excès de confiance en prenne un coup, je ne laisse rien paraître, hausse à niveau les sourcils et me contente de hocher la tête, comme si j'étais trop furieuse pour répondre autre chose. Ce qui est un peu le cas aussi. « T’as vraiment envie qu’on parle de personne qui se défile ? » Je ne l'ai pas volée celle-là mais je n'en démords pas, je ne suis pas la seule à avoir commis des erreurs. Les miennes plus grosses ok, mais est-ce que ça efface vraiment les tiennes? Juste parce que j'ai été plus vilaine ou bien parce que j'ai été la dernière à agir? Et merde! Je soupire, faussement blasée. Tu tournes autour du pot là, on dirait vraiment que tu recommences... Tu te défiles! ripostai-je sournoisement. Je me doute que c'est uniquement jeter de l'huile sur le feu mais j'en suis à un stade où je n'ai plus vraiment le contrôle, il y a cette part de moi que j'ai longtemps fais taire qui ne demande qu'à se manifester. Tu me reproches exactement toutes les choses qui m'ont poussée à partir... Tu m'as poussée à partir James! Puisque nous nous sommes engagés sur ce chemin et qu'il est trop tard pour faire demi-tour, autant plonger dans la gueule du loup et attendre de se faire dévorer.
« T’as vraiment cru que j’allais t’appeler ? Pour te dire quoi ? Te forcer à me donner des informations que tu t’es bien gardée de vouloir partager ? Quémander des excuses que tu ne voulais pas me donner ? Je suis pas tombé aussi bas non… » Toutes ces fois où je t'ai cherché des excuses lorsque tu m'ignorais. Toutes ces fois où j'ai baissé les bras lorsque tu me rejetais. Toutes ces fois où j'ai du accepter de te voir souffrir sans que tu me laisses t'aider... Toutes ces fois où j'ai encaissé en silence pour qu'aujourd'hui, tu me reproches exactement la même chose! Pour ma part, c'est autre chose que d'être tombée! Je me suis carrément cassée la gueule, j'étais littéralement au fond du troue à continuer de creuser... Mais t'as rien vu, hein? D'abord cassante, ma dernière phrase est cependant presque triste, avec un goût d'amertume. Je repense à Ian, évidement et j'admets que c'était plus dur pour lui que pour moi mais je repense également à cet enfant que nous avons perdus même si en fait, je l'ai perdue seule, n'ayant même pas pu t'en informer. J'ai voulu être forte à l'époque pour ne rien laisser transparaître. Aujourd'hui, je me dis que tu aurais quand même pu remarquer quelque chose... Aujourd'hui je t'en veux. Trois ans plus tard. Trois ans trop tard. Mais aujourd'hui comme hier, tu ne comprendras pas, tu ne comprendrais pas, tu ne sais pas, tu ne sauras pas. La colère qui m'habite m'anime, me contrôle. Je ne suis que la marionnette d'émotions qui me dépassent. Je ne vois même pas vraiment. Tu n'es qu'une silhouette dans le sillage de ma hargne, tout comme c'est surement le cas pour toi. « Tu m’as trahi ! Et t’as même pas daigné essayer de te justifier ! Tu pouvais bien aller au diable pour moi. » Une silhouette certes, mais ta voix je ne la filtre pas et j'entends clairement la tempête que tu me prépares et les foudres que tu m'envoies me lacèrent chaque partie de mon corps. MAIS JE T'EMMERDE! hurlai-je, C'est toi-même qui m'a jeté dans les bras du diable... C'est évident que je mens, sauf que c'est si simple de te rejeter la faute maintenant que l'on se dispute. Je réalise que je t'ai infligé le même mal dont j'ai souffert alors qu'au départ, mon seul et unique but était de te préserver et t’apaiser tes peines. En baissant les bras et en quittant le navire, je pensais abandonner mon fardeau mais il n'a fait que trouver un nouvel hôte. Je t'ai laissé ce cadeau empoisonné, je ne le découvre que maintenant. « T’aurais JAMAIS du revenir… » Ton volte-face me prend par surprise et ta fluctuation de sonorité me fais sursauter. Instinctivement, je resserre mes bras déjà croisé contre ma poitrine et fais un pas en arrière lorsque tu fais un pas en avant. Je n'ai pas besoin de ta permission que je sache? J'essaie désespérément de rester aveuglée, à ne pas discerner ces émotions de haines qui doivent déformer ton visage. J'ai assez de forces pour supporter tes reproches et tes cris mais je ne supporterais de les lires dans tes yeux.
« Et pourquoi t’es la d’ailleurs ? T’as rien à faire ici ! Tu lui as dit à ton parfait petit mari ? Tu lui a dit que ton ex que tu avais salement trompé se trouvait dans cette ville ? » Un frisson me parcourt, je te découvre une part d'ombre que je ne soupçonnais pas l'existence. Tu refais un pas vers moi mais cette fois, je ne recule pas. Je suis en partie tétanisée mais je sais très bien que je ne suis pas en danger. Je n'ai pas peur. Mais je ne suis pas tranquille. Je sais qu'il n'y a que tes mots et tes regards qui me blesseront et jusque là j'encaisse. Tu m'imagine avec une vie lisse et parfaite quand la réalité est différente, si seulement. Parfait petit mari... L'image qui me vient en entendant ces mots et notre dernière rencontre, mélange de cris et de colère, à un niveau bien supérieur à maintenant. A la gifle insolente qui a ponctué notre divorce. Alors forcément, je grimace, je me fissure. Alors je recommence ce que je fais depuis le début, j'attaque plutôt que de me lamenter. Ouais, il veut savoir quand est-ce que vous nous invitez à dîner? Dit à ta femme de sortir l'argenterie surtout! Autant jouer la carte de la provocation. Ça te ferait bien trop plaisir de savoir que mon couple a capoté... Et puis, pourquoi je te le dirais de toute façon. « Qu’est ce que tu cherches ici ? » Bonne question... Je ne sais pas, je ne sais plus. Mais qu'est-ce que ça peut bien te faire? répondais-je du tac-au-tac alors que je n'avais pas la réponse de toute façon. Tu as ta famille, ta femme, ton fils, ton travail, t'as tout! Tous ce dont tout le monde rêve mais tu te prends la tête parce que je reviens en ville? MA ville, ok? En faisant la liste, quelque part j’énumérais tous ce que moi, je n'avais pas. Il se trouvait que tu avais cette chance, et ça, j'avoue que je crève de jalousie. De remords. De regrets. Mais Brisbane, ça a été chez moi et je veux que ça le redevienne. Y a suffisamment de place en ville pour qu'on cohabite sans même avoir besoin de se voir! J'en oublierais presque qu'à la base, on devait justement discuter d'un moyen pour s'échanger Tagada de temps à autre... Je jette un bref coup d’œil à mon chien mais je n'aime pas ce que je vois: recroquevillé, visiblement apeuré de nos hurlements, blottis près de la poussette de Mathis. Définitivement, j'aurais été une piètre mère si j'en avais eu l'occasion.
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J'
ai de la peine à croire qu’Alissa est entrain d’essayer de renverser la situation. De me faire passer pour le coupable en tout impunité. Si je prenais un moment pour y réfléchir – pour prendre du recule – je pourrais sans doute l’avouer moi aussi. Cette part de responsabilité énorme qui m’incombe. Mais le fait qu’elle me la jette à la figure ne me donne qu’une envie la réfuter. C’est elle qui a commis la trahison – la fuite. Et je refuse de me laisse traiter comme ça par un femme qui n’a même pas eu le courage de venir rompre comme il se doit. « Tu tournes autour du pot là, on dirait vraiment que tu recommences... Tu te défiles! » Je lève les yeux au ciel en commençant à me sentir vraiment agacé. « Je voudrais simplement éviter de créer un scandale sur ton lieu de travail… Mais tu as raison. Je devrais m’en moquer… » Si elle veut que je sois le méchant jusqu’au bout alors je peux l’être mais qu’elle ne vienne pas pleurer après. Pleurer que je ne suis plus le James qu’elle a connu – parce que c’est le cas. Plus jamais je ne serais cet homme et elle en est en partie la cause. « Tu me reproches exactement toutes les choses qui m'ont poussée à partir... Tu m'as poussée à partir James ! » Je lâche la poussette. Ca devrait me faire bien plus mal ce qu’elle me dit. Je devrais la ressentir cette culpabilité qui m’habite pourtant si souvent mais là rien. Rien que l’impression de me retrouver face à une totale étrangère. « La seule chose qui t’a poussé à partir c’est que je te surprenne en pleine action. Ne t’invente pas des excuses Alissa. » Je ne prétend pas qu’elle n’y a jamais pensé mais elle aurait pu partir bien avant et elle n’a rien fait. Elle m’a accompagné jusqu’à cet aéroport pour me faire repartir là où mon frère est mort. Si c’est de l’amour ça alors je n’en veux pas de son amour.
Je crois que c’est peut-être ce dont j’avais besoin. Voir sa haine a elle pour pouvoir riposter sans culpabilité Quand elle pleurait ça m’était beaucoup moins simple, plus douloureux mais à cet instant précis il ne semble plus y avoir aucune barrière entre nous. « Pour ma part, c'est autre chose que d'être tombée! Je me suis carrément cassée la gueule, j'étais littéralement au fond du troue à continuer de creuser... Mais t'as rien vu, hein? » Je secoue la tête agacé. Evidement que je l’ai vu. J’étais juste incapable de l’aider. Moi même je pouvais rien faire pour moi. Je me donnais l’impression d’être totalement mort – de ne plus être capable de rien ressentir que ce vide béant créé par la mort de Ian. « Qu’est ce que tu veux que je te dis Alissa… Tu veux que je te plaigne ? Pauvre de toi qui a du coucher avec un autre mec pour ne pas se sentir seule… Je pouvais pas t’aider Alissa ! Je pouvais rien pour toi ! » Et elle le sait très bien. Elle a beau m’en vouloir elle sait que j’étais totalement incapable de l’aider. Comme elle était impuissante face à ma douleur. « J’avais envie de crever ! Tous les jours à chaque minute j’avais envie d’y retourner et de prendre sa place ! Alors c’est sûr… Il y avait pas de place pour ta douleur dans la mienne… Je pouvais pas en supporter plus. » C’est une sorte d’excuse de ma part. Même si je ne le dis pas clairement et que ça sonne plus comme une façon de me trouver une bonne raison d’avoir été si insensible. Je m’en veux pour ça mais je suis aussi conscient que c’était le seul moyen pour moi de me protéger. Qu’en est-il d’elle et de sa trahison. « MAIS JE T'EMMERDE! C'est toi-même qui m'a jeté dans les bras du diable... » Elle hurle et je ne me laisse pas abattre pour autant. Je lui fais face. De plein front. « Crois ce qui te permet de dormir la nuit… » Pour ma part je ne vais pas rentrer dans son jeu. Peu importe ce qui l’a poussé au pire. C’est elle qui l’a commis. « T’aurais pu partir si c’était si horrible pour toi… Plutôt que de prétendre être là pour aller te consoler dans les bras d’un autre. Je t’ai JAMAIS demandé de rester. » Je voulais qu’elle parte, qu’elle retrouve sa liberté même. J’étais juste incapable de le dire à cette époque.
Et maintenant encore je voudrais qu’elle parte – qu’elle retourne d’où elle vient c’est trop demander ? « Je n'ai pas besoin de ta permission que je sache? » Ce petite air hautain c’est totalement insupportable. « Quoi qu’il en soit tu t’en es passé sans trop de soucis. » Comme la fois où elle est partie. Ce n’est pas pour autant que je dois faire semblant d’être heureux de la revoir. De savoir qu’elle est la avec son petit mari et qu’elle bosse à quelque pâté de maison de chez moi. « Ouais, il veut savoir quand est-ce que vous nous invitez à dîner? Dit à ta femme de sortir l'argenterie surtout! » Je continue de la regarder sourciller, sans un clignement qui pourrait lui laisser deviner que la fameuse femme en question a pris la fuite depuis des mois elle aussi – sans demander son reste. Et qu’Alissa est de toute évidence entrain de payer pour deux. « L’insolence ne te vas pas bien Alissa… » C’est tout ce que je trouve à lui répondre. Je n’ai pas envie de m’extasier sur une vie qui n’existe pas – celle d’une famille heureuse. Et encore moins envie qu’elle connaisse la stricte vérité. Je veux juste savoir ce qu’elle fait ici… Pourquoi revenir dans cette ville. « Mais qu'est-ce que ça peut bien te faire? Tu as ta famille, ta femme, ton fils, ton travail, t'as tout! Tous ce dont tout le monde rêve mais tu te prends la tête parce que je reviens en ville? MA ville, ok? » Elle a en partie raison… Pourquoi c’est si difficile pour moi de lui faire face à nouveau. Pourquoi ça me perturbe autant. « Je me fiche bien que ce soit ta ville ou la mienne… Je n’ai juste pas envie de vivre dans une ville ou je risque de tomber sur toi à chaque coin de rue. » Parce que ça fait mal… Trop mal. Mais elle ne semble pas le comprendre. « Y a suffisamment de place en ville pour qu'on cohabite sans même avoir besoin de se voir! » Je rigole un peu cette fois. Un rire cynique. « T’étais même pas là depuis un jour qu’on c’était déjà tombé dessus… Arrête de te voiler la face ! Je peux faire semblant de ne pas te voir quand je te croise dans la rue. Mais ça ne changera rien au fait que je te déteste et que je te préférais loin de moi… Très loin. » C’est tellement faux que ça me brule la gorge de le dire. Cette haine elle n’est vraie que dans mes mots – elle ne prend sens que quand je formule ces phrases incendiaires… Je suis son regard qui se pose sur notre chien apeuré. « Tant pis pour le chien… Garde le c’est mieux pour lui que d’avoir à encaisser ça à chaque fois qu’on se verra… » J’imagine qu’avec le temps pourtant on pourrait s’apaiser. Mais combien de temps…
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James & Alissa
Et voilà comment en cinq minutes, il m'est capable de pourrir les souvenirs de dix ans d'amitié dont trois ans d'amour. A chaque tirade, un souvenir s’entache. A chaque cri, un morceau de passé se transforme en horrible cicatrice. A chaque arrière-goût s'envole le meilleur. Hier je te chérissais, aujourd'hui, je me persuade du contraire et me comporte comme si je voulais que tu me détestes, sans vraiment être certaine si c'est ce que je veux... Maintenant que l'on a commencé à crever l'abcès, autant finir. Même si le prix à payer devient plus lourd à chaque seconde qui s'écoule. Il parait qu'il faut ce qu'il se faut, je sais juste que je dois avancer. Faire mon deuil. Celui de Ian. Le tien. L'enfant que l'on a perdu. Ceux que l’on n’aura jamais. Nous. Coûte que coûte. « Je voudrais simplement éviter de créer un scandale sur ton lieu de travail… Mais tu as raison. Je devrais m’en moquer… » Ton cynisme m'irrite. Je t'avais déjà vu comme ça, mais pas avec moi. Cette nouveauté me déconcentre mais je n'ai pas d'autres choix que de faire avec, mieux, je me calque sur cette voix. Oh arrête ton char... C'est toi qui est venu je te rappel, je n’endosserais pas le mauvais rôle pour le coup là! répondais-je sur la même intonation. C'est un peu tard pour se préoccuper d'être sur mon lieu de travail, les vautours ont déjà eu leur os à ronger par ta seule présence. Je sais que tu ne pensais pas à mal mais le mal est fait. Je ne t'en tiendrais pas rigueur, même si je veux insinuer le contraire. A la guerre comme à la guerre. Je ne veux pas vraiment me battre mais je ne veux pas non plus me laisser mourir, je veux survivre. Coûte que coûte. « La seule chose qui t’a poussé à partir c’est que je te surprenne en pleine action. Ne t’invente pas des excuses Alissa. » J'aurais pu rétablir la vérité il y a longtemps mais je n'ai pas saisis l'occasion. En pleine action... murmurerais-je contrariée en secouant la tête. J'étais face à deux options à l'époque, te rattraper, t'expliquer la situation, que ce n'était qu'un baiser qui ne signifiait rien et qu'il nous faudrait régler nos problèmes... La deuxième option était la fuite. J'ai fuie. Honteuse de savoir que même s'il n'y avait eu qu'un baiser, j'aurais surement été jusqu'au bout si tu n’étais pas arrivé. « Qu’est ce que tu veux que je te dis Alissa… Tu veux que je te plaigne ? Pauvre de toi qui a du coucher avec un autre mec pour ne pas se sentir seule… Je pouvais pas t’aider Alissa ! Je pouvais rien pour toi ! » La culpabilité reste la même, que j'ai fauté ou que j'étais sur le point de fauter. Elle n'a jamais vraiment disparue. Elle est lourde à porter, alors lorsqu'elle m'incombe avec un supplément que je n'ai pas mérité mais dont je me suis si longtemps laissé affublée, je menace de m'effondrer. Intérieurement. Aujourd'hui est l'heure de rétablir certaines choses. Elle est là, toute la considération que tu avais pour moi à l'époque? repris-je d'un ton plus grave, accusateur. Tu crois vraiment que j'ai couché avec lui en fait...? demandai-je apathique. Bien évidement, je me sais responsable de ce quiproquo. Toutefois, ça m'a fait mal d'être aussi vite condamnée. Sans plaidoirie, sans que l'on me demande des explications. Parfois j'oublie que je me suis enfuie aussi vite et je me demande ce qu'il se serait passé si nous nous étions expliqués à l'époque. Et très vite, je me chasse cette idée de la tête, pour éviter des souffrances inutiles. Le passé c'est le passé, je ne peux pas le changer.
A l'époque, nous étions mal tout les deux, très mal. Chacun à sa manière. Chacun avait ses raisons. Tout comme chacun à sa fierté et jette la pierre à l'autre. « J’avais envie de crever ! Tous les jours à chaque minute j’avais envie d’y retourner et de prendre sa place ! Alors c’est sûr… Il y avait pas de place pour ta douleur dans la mienne… Je pouvais pas en supporter plus. » Bien sûr, j'ai mal en entendant ça, mais la colère m'aveugle partiellement et une partie mon cerveaux refuse de traduire cette information à mon capitale sympathie. La nostalgie est prisonnière de ma rancœur. Ma compassion est bâillonnée par la discorde. Quand je t'écoute, j'ai l'impression de m'entendre. J'aurais donné ma vie contre celle de Ian. Pour toi. Mais ça ne marche pas comme ça. Je ne le sais que trop bien que tu ne pouvais pas en supporter d'avantage, c'est pour ça que je ne t'ai pas demandé ton soutient lorsque j'ai fais une fausse-couche. C'est de là que j'ai lâché prise, que je me suis noyée dans le chagrin. Je pensais avoir surmonté ça mais cela ne m'a jamais autant obsédé que depuis nos retrouvailles. C'est revenu me hanter. Mais je ne peux pas te le jeter en pleine gueule. Il n'y aurait rien de bon à remuer ce passé là. Je ne cherchais pas tant qu'une place pour ma douleur mais surtout une place pour apaiser la tienne... m'emportais-je en me rappelant le sentiment d'impuissance lorsque j'assistais à ta douleur d'autrefois et que tu me maintenais à l'écart. La paralysie dont j'ai fait preuve quand j'aurais eu besoin de toi à mon tour mais dont je n'ai pu me résoudre à te demander. « Crois ce qui te permet de dormir la nuit… » Trop aimable! répondais-je, à nouveau sarcastique, Je t'en ferais un bouquin, ta femme pourras t'en faire la lecture les soirs d'insomnies. Bizarrement, c'est surtout moi que je blesse avec cette réplique... « T’aurais pu partir si c’était si horrible pour toi… Plutôt que de prétendre être là pour aller te consoler dans les bras d’un autre. Je t’ai JAMAIS demandé de rester. » Je serre les dents. Je serre les poings. Je plisse les yeux. C'est ce qu'implique l'amour. Rester malgré tout. Rester sans que l'on ne le demande. Malgré tes sautes d'humeurs, ton irascibilité, tes contrariétés, tes répliques cinglantes et tout ce qui n'allait pas, il y avait de l'amour. Il y avait... A ce moment, je serais presque sujette à me laisser aller sur la vague de la nostalgie mais je suis instantanément remise à l'ordre par mes chimères. Mais je ne pense pas avoir besoin de rappeler que j'ai bel et bien fini par partir, de toute façon tu me le renvoie constamment au visage! continuai-je, impertinente et pleine d'arrogance, essayant de frapper là où ça fait mal, essayant de te renvoyer ta propre arme contre toi. Le serpent qui se mord la queue. « Quoi qu’il en soit tu t’en es passé sans trop de soucis. »
Qu'avons-nous fait de nous? Les rires, la proximité, la confiance, la tendresse et le reste, où sont-ils? Qu'en avons-nous fait? « L’insolence ne te vas pas bien Alissa… » Instinctivement, j'en viendrais presque à acquiescer, à baisser les yeux honteuses et te demander pardon mais je joue mon rôle jusqu'au bout et me contente de rester froide. Il y a bien longtemps que j'ai cessé d'essayer de te plaire de toute façon... Fais avec! Moi-même j'ai du mal, je ne sais pas comment tu fais pour me supporter ainsi. J'ai également de plus en plus de mal à m'imaginer rester à Brisbane. Tiens, je nous trouve enfin un point commun cher ami. « Je me fiche bien que ce soit ta ville ou la mienne… Je n’ai juste pas envie de vivre dans une ville ou je risque de tomber sur toi à chaque coin de rue. » Je revêts mon masque de la femme blasé sur qui tes réflexion glisse alors qu'en réalité je m'étiole encore un peu plus. Fais avec.. murmurais-je à nouveau, souhaitant donner l'impression que je m'en moque alors que je ne sais tout simplement pas quoi répondre à ce venin que tu cherches à me faire boire. Comme si on pouvait espérer cohabiter alors que cette rencontre vire à la catastrophe. « T’étais même pas là depuis un jour qu’on c’était déjà tombé dessus… Arrête de te voiler la face ! Je peux faire semblant de ne pas te voir quand je te croise dans la rue. Mais ça ne changera rien au fait que je te déteste et que je te préférais loin de moi… Très loin. » Tu m'anéantis. Tu me déchiquettes en milliers de petits morceaux. T'arrivais bien à m'ignorer quand on vivait ensemble, ne me fais pas l'audace de prétendre que tu ne peux pas réitérer ça maintenant qu'on est séparé et qu'on a refait nos vies... crachais-je en me brûlant la gorge, retournant moi-même le couteau dans la plaie, m'inventant par la même occasion une vie refaite qui n'existe pas. « Tant pis pour le chien… Garde le c’est mieux pour lui que d’avoir à encaisser ça à chaque fois qu’on se verra… » Me voilà face à un échec. Le but premier de cette conversation aurait pu se régler calmement et à l'amiable pour n'importe qui et très facilement pourtant, cela semble au delà de nos capacités. Je croyais que tu ne voulais plus me voir et voilà déjà que tu pense à notre prochaine rencontre? sarcasme, cynisme, mes vieux amis... Maintes fois j'aurais pu calmer le jeu pourtant, je ne fais que jeter de l'huile sur le feu. Jamais je n'aurais pensé qu'un jour que je chercherais autant le conflit avec toi mais me voilà prête à attaquer, à l’affût. Ou alors tu te défiles à nouveau? Alissa, faut vraiment que tu calmes ma grande... Je me découvre soudainement un côté masochiste visiblement...
James & Alissa I'd trade all my tomorrows for one single yesterday
J
e sais bien que ce soir je me détesterais d’avoir parlé de cette façon. De l’avoir laissé faire de moi cet homme que je ne reconnais pas. Je me détesterais de la haire autant – de lui porter autant d’importance alors que je prétends vouloir simplement qu’elle reparte d’où elle vient. « Oh arrête ton char... C'est toi qui est venu je te rappel, je n’endosserais pas le mauvais rôle pour le coup là! » Je secoue la tête agacé par ses propos qui n’ont pas de sens en plus de ça. « Je dois te rappeler que c’est toi qui m’a demandé de venir ici ? Personne ne t’obligeait à me filer l’adresse de ton travail. » Puis j’étais venu en pensant que nous pourrions simplement échanger le chien avec deux mots de pseudo politesse mais apparement les plaies sont bien trop profondes encore… Et pour ma part cette trahison avec mon ami est une plaie béante. « En pleine action… » Elle semble contrariée et ça m’agace encore plus. Je n’ai pas rêvé – je me souviens très bien de leurs corps à moitié nus et enlacés. Et si ils n’étaient pas encore entrain de s’emboiter l’un dans l’autre il ne fait aucun doute que ce n’était plus qu’une question de minutes. « Elle est là, toute la considération que tu avais pour moi à l’époque? » Elle commence à m’agacer sérieusement avec ses accusations à la con. « Je t’ai retrouvé à moitié à poil et sur lui entrain de l’embrasser à pleine bouche. Ca laisse peu de place à la considération ! » Je devais penser quoi ? Qu’elle avait trébuché et dans sa chute déchirée son chemisier pour se retrouver bouche contre bouche avec un de mes meilleurs amis ? Bizarrement ce n’était pas la première option qui m’était venue. « Tu crois vraiment que j'ai couché avec lui en fait…? » Je hoche la tête à l’affirmative. « Peu importe que tu aies été au bout ou non Alissa… Le problème n’est pas là de toute façon. » Et pourtant des problèmes nous en avons eu et plus d’une fois. Mais elle n’a rien arrangé en quittant la ville. « Le fait est que si tu n’étais pas coupable je ne vois pas pourquoi tu aurais pris la fuite… » Pour me fuir peut-être. Parce que j’étais devenu imbuvable. Mais qu’elle était trop lâche pour le faire sans trouver une bonne raison.
Nous replonger dans cette période de grande détresse semble aussi dur pour elle que pour moi. Et tous nos mots ne font qu’accentuer la douleur. « Je ne cherchais pas tant qu'une place pour ma douleur mais surtout une place pour apaiser la tienne… » Je me crispe un peu sous ses mots. Sentant qu’une partie de moi est entrain de lâcher – j’ai laissé tombé le mur de haine pour tenter de comprendre ses propos mais ils me blessent presque autant… Je baisse les yeux un moment avant de les relever et de lui répondre beaucoup plus calmement cette fois. « Mais tu ne pouvais pas… » Personne en pouvait m’apaiser pas même moi. C’était beaucoup trop vif et incompréhensible pour tout le monde. « Je devais m’aider tout seul… J’avais juste besoin de temps. J’essayais juste de passer le cap parce que c’était pas possible d’avancer à ce moment là… » J’avais même tenté ce retour foireux à l’armée. Je pensais vraiment que j’étais entrain de m’aider jusqu’à ce que je fasse demi tour… Et que je la retrouve avec mon ami. J’ai eu confirmation ce jour là qu’elle ne croyait plus en moi… Elle avait peut-être raison… Mais la façon de me le dire laisse tout de même à désirer. « Ca a pris tellement plus de temps que ça…. Aujourd’hui encore c’est… C’est une moitié de moi qui ne reviendra jamais ! » Je m’étonne de lui dire les choses de cette façon. Jamais je n’ai réussi à lui parler de ma douleur quand nous étions ensemble et maintenant je la lui balance au visage, comme si elle avait du la deviner… Elle aurait du partir avant – avant que tout ne s’écroule. « C'est ce qu'implique l'amour. Rester malgré tout. Rester sans que l'on ne le demande. Mais je ne pense pas avoir besoin de rappeler que j'ai bel et bien fini par partir, de toute façon tu me le renvoie constamment au visage! » Je plante mon regard dans le sien avec un touche de sarcasme et de déception. « Et bien de toute évidence tu ne m’aimais plus… » Elle c’était enfuie sans demander son reste. La vérité c’est que moi non plus je n’étais plus sûr de l’aimer… Pas à cause d’elle mais parce que je ne savais plus rien ressentir d’autre que ce trou immense dans ma poitrine.
Bordel ça fait mal… De mettre des mots sur cet amour qui fini… Ca fait tellement mal.
Nous ne sommes plus que l’ombre de ce que nous étions. Deux adultes fous d’amour, deux amis dont la complicité semblait incassable. J’avais tord de me sentir à l’abri de toute évidence. « Il y a bien longtemps que j'ai cessé d'essayer de te plaire de toute façon... Fais avec! » « Et bien tu réussi ton coup à merveille. » Je déteste la Alissa que j’ai devant moi. Et je ne la reconnais pas en plus de ça. Je ne sais pas si c’est moi qui ai crée cette femme mais elle n’est de toute évidence plus celle que j’ai aimé. « Fais avec… » C’est tout ce qu’elle sait me dire alors que je lui explique pourquoi je ne veux pas d’elle ici. Je n comprends pas son retour. Qui l’attend ici… Pourquoi… Pourquoi être revenue si ce n’est pour nous faire souffrir tous les deux. Pour m’étaler son bonheur avec son mari sous les yeux ? Ca serait d’une cruauté sans nom… « T'arrivais bien à m'ignorer quand on vivait ensemble, ne me fais pas l'audace de prétendre que tu ne peux pas réitérer ça maintenant qu'on est séparé et qu'on a refait nos vies… » Le coup qu’elle m’assigne est violent mais si proche de la réalité qu’il me laisse sans voix. « Les circonstances ont changé aujourd’hui… » Je n’ai plus envie de faire semblant. Pas envie de sentir mon estomac se tordre à chaque fois que je passerai à côté d’elle et que je prétendrais ne pas la connaître. « Je croyais que tu ne voulais plus me voir et voilà déjà que tu pense à notre prochaine rencontre? » Je plisse les yeux ne comprenant pas trop. Il me semble que ce n’est pas ce que je disais. « C’est bien ce que je dis… C’est bien mieux si il n’y a pas de prochaine rencontre. T’as sans doute raison… je suis très fort pour éviter les gens. Je n’aurais qu’à prétendre que tu n’existes pas si je te croise… » Je m’en sais tellement incapable pourtant que j’ai l’impression que dans ma bouche ses mots ne trouvent aucun sens. « Ou alors tu te défiles à nouveau? » J’ai l’impression qu’elle essaye de me piquer encore, mais je me sens à bout de force. Je n’ai plus envie de me battre. « T’as raison Alissa je me défile. Continue de prétendre que tout ça c’est de ma faute si tu le veux… Je crois qu’on connaît les deux la vérité au fond. » Je me rapproche de la porte sans pouvoir pour autant me résoudre à partir. La vérité on la connaît oui et moi aussi… Je sais qu’elle n’est pas la seule fautive…
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James & Alissa
Mon crâne est sur le point d'exploser, mon esprit fulmine, mon sang commencer à bouillir et mon cœur tonner. Pourtant, même si j'avoue que j'ai beaucoup de colère, il n'y a pas que ça, j'ai également beaucoup de peine et de chagrin. Mais je m'efforce de ne montrer que les émotions agressives, je n'ai pas envie de craquer et de m'effondrer sous le point des pleures comme la dernière fois... « Je dois te rappeler que c’est toi qui m’a demandé de venir ici ? Personne ne t’obligeait à me filer l’adresse de ton travail. » Mais ce n'est pas gagné. Les réponses viennent à me manquer à force. Je m'acharne à vouloir le dernier mot et à tenir tête cependant, c'était sans compter la ténacité de James. Bien sûr, il n'a pas tord. Tu as raison... marmonnais-je dents serrées, ne pouvant nier ma défaite. Nous avons nos propres points de vues, nous avons quelques peu vécus les choses différemment, nous avons tant de reproches l'un pour l'autre que nous aurons beaucoup de mal à régler l'intégralité de nos comptes. Nous n'arrivons qu'à nous blesser un peu plus à chaque parole. Nous jouons avec un boomerang, c'est donc tout naturellement que cela nous reviennent dans la tronche tôt ou tard, chacun son tour. « Je t’ai retrouvé à moitié à poil et sur lui entrain de l’embrasser à pleine bouche. Ca laisse peu de place à la considération ! Peu importe que tu aies été au bout ou non Alissa… Le problème n’est pas là de toute façon. Le fait est que si tu n’étais pas coupable je ne vois pas pourquoi tu aurais pris la fuite… » J’admets avoir du mal à affronter mon passé. Une part de moi l'assume tandis que l'autre n'accepte toujours pas. Je noie souvent ma conscience en me disant que j'étais moi aussi au plus bas, endeuillé de Ian, de ma part relation avec James et de notre bébé... Cela ne m'aide pas toujours pour autant à réussir à m'endormir le soir. C'est plus compliqué que ça... C'est très compliqué.... C'est... J'ai souvent pensé à me soulager de ce point sur mes épaules et parler à James de ma fausse-couche, espérant pouvoir enfin avancer par la suite mais cela ne serait-ce pas purement et simplement égoïste? Me décharger de ma peine et de mon chagrin, transférer la douleur d'une personne à une autre ne règle rien. Bien-sûr, ces dernières minutes, plus d'une fois j'aurais souhaité le faire souffrir mais pas comme ça, pas avec ça.
Nous avions tout deux souffert, bien trop souffert. Nous étions tous deux biens trop abîmés par la vie pour s'occuper du malheur de l'autre, même si ce n'en était pas l'intention qui manquait. Nous étions impuissants. « Mais tu ne pouvais pas… » Ces mots là, je me les suis répéter sans cesse. Je me blâmais de n'avoir rien fait, cela me torturer et me ronger de n'avoir pu apaiser James et aujourd'hui, j'en reste sans voix. Sous le choc, ma rancœur s'atténue, sans pour autant disparaître. James... Je ne trouve pas les mots. Instinctivement, j'amorce un pas en avant mais me ravive. J'aurais voulu le prendre dans mes bras, je ne sais pas trop pourquoi. Par habitude, par réflexe, par nostalgie, par compassion ou bien pour toutes ses raisons à la fois. « Je devais m’aider tout seul… J’avais juste besoin de temps. J’essayais juste de passer le cap parce que c’était pas possible d’avancer à ce moment là… » J'avais eu conscience de tout ça mais passer un temps, j'en avais fais abstraction, j'avais oublié. Ce rappel, pour la première fois sortis de la bouche de James, m'apparaissait plus clair qu'à l'époque, revenait me hanter et accentuer la culpabilité tout en ravivant le reste. « Ca a pris tellement plus de temps que ça…. Aujourd’hui encore c’est… C’est une moitié de moi qui ne reviendra jamais ! » Je comprenais si bien. Je baissais les yeux, désemparée et accablée. Je sais... Je le sais très bien, il en est de même pour moi mais j'ai pourtant fini par baissé les bras dans mes tentatives de consolations et de deuils mutuel. Puis j'ai fuis... « Et bien de toute évidence tu ne m’aimais plus… » J'ai fuis en ne laissant qu'une pagaille sans nom qui m'explosait à chaque fois un peu plus depuis que j'étais revenue. Il y a avait du vrai dans la phrase, tout comme il y avait du faux mais je comprenais le malentendu et ne pouvait l'en blâmer. J'avais l'impression que toi non plus... Ce reproche m'avait brûlé les lèvres les derniers mois que nous avions passé ensemble, ne réussissant jamais à le laisser sortir. Aujourd'hui, à ma plus grande surprise, ce reproche est un soupir. Pas de méchanceté. Un regret. Une souffrance. Dans un murmure, une lamentation.
Le mal que j'avais essayé de lui faire ne faisait que pour seule victime que moi-même. Ma maladresse me peinait et je réalisais que la colère qui m'habitait n'était pas exclusivement destinée à James. C'est à moi que j'en voulais. Je ne dirais pas non plus que je n'avais pas quelques griefs contre lui mais ils étaient moindres que je ne le pensais.« Et bien tu réussi ton coup à merveille. » Victoire amère. J'en oublierais presque que trois ans ont passés. Que j'aurais du passer à autres choses depuis bien longtemps. « Les circonstances ont changé aujourd’hui… » Cette sagesse m'agace autant qu'elle est évidente. Je me pince les lèvres, gêné, muette et interdite. « C’est bien ce que je dis… C’est bien mieux si il n’y a pas de prochaine rencontre. T’as sans doute raison… je suis très fort pour éviter les gens. Je n’aurais qu’à prétendre que tu n’existes pas si je te croise… » Victoire amère et douloureuse. Je ne fais qu'obtenir ce que je demandais. Je devrais être satisfaite. Je devrais jubiler. Au lieu de ça, je me sens vide. « T’as raison Alissa je me défile. Continue de prétendre que tout ça c’est de ma faute si tu le veux… Je crois qu’on connaît les deux la vérité au fond. » Je fixe la porte, comprenant le départ de James. Le temps s'arrête. Ou du moins, il ralentit. Mon cerveau m'envoie de nombreux signaux, la plus part contradictoire et je ne sais pas où donner de la tête. La vérité... La vérité... La vérité... Non. Deux fois non! soupirais-je, revenant à la réalité. Je n’ai pas raison. Mais toi non plus... Il y a tellement de choses que je t'ai pas dites! avouai-je, sans pour autant avoir l'intention de vider l'intégralité de mon sac et de continuer à taire certaines choses. Je suis désolé James... annonçais-je, fatiguée mais décidé à lui offrir les excuses qu'il aurait mérité. J'étais sincère même si je ne me sentais pas vraiment coupable. Du moins, pas l'entière culpabilité qu'il s'imaginait. Mais oui que j'étais coupable même si tout était compliqué, je réalisais que malgré tout ce qu'il s'était passé, même ce qu'il ignorait, j'étais coupable. J'ai agis comme la pire des salopes. Tu ne le méritais pas. Je ne te méritais pas... J'étais coupable évidement, cela m'aiderait peut-être à alléger mon fardeau même si je ne pouvais pas l'expier.
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« C'
est plus compliqué que ça... C'est très compliqué.... C’est… » Je ne prétendrais pas le contraire, tout ce que nous avons vécu jusque là pourrait se résumer par ce mot - compliqué. Et comme si ce n’était pas assez il semble qu’Alissa et moi soyons très bon pour rajouter des bâtons dans nos roues. Il me semble pourtant que le ton redescend, que l’on trouve une façon plus douce de se parler mais pas moins douloureuse. J’ai tellement de rancoeur en moi et cette impression qu’elle me bouffe de l’intérieur. Je pensais qu’en déverser une part sur Alissa m’aiderait mais ce n’est pas le cas, c’est toujours aussi présent, c’est peut-être même pire. Je comprends petit à petit comment j’ai réussi à détruire notre relation au point telle qu’Alissa avait cessé de me voir comme celui que j’étais - elle avait cessé de m’aimer. « J'avais l'impression que toi non plus… » Je baisse les yeux un peu honteux. Certaines vérités ne sont parfois pas bonne à dire mais elles existent pourtant. « Tu avais sans doute raison… » C’est si difficile à lui expliquer, comment lui dire que je ne pouvais plus l’aimer parce que je m’interdisais de ressentir quoi que ce soit, parce que ressentir c’était mourir et que je tentais vainement de rester en vie. C’était incompréhensible même pour moi qui l’avais vécu, mais je ne pouvais pas la laisser avec le poids de toute cette responsabilité. « J’en étais plus capable… Et je savais que je ne redeviendrais jamais l’homme dont tu étais tombée amoureuse… » Je n’avais pas eu tord sur ce point. Le James de cette époque avait disparu à tout jamais. Je ne pourrais plus retrouver cette insouciance ce rire tellement sincère. J’ai eu beau me reconstruire réapprendre à vivre, à apprécier les choses, à aimer, à partager… Une partie de moi a disparu… « Tu as sans doute eu raison de partir Alissa, t’aurais peut-être même du le faire avant… Mais pas de cette façon. » C’est cette trahison que je n’avais jamais accepté cette fuite sans un mot. Comme si je ne méritais rien de plus que ça après des années d’amour… Sur le moment je n’avais pourtant pas eu mal, j’étais totalement anesthésié, c’est plus tard que son manque c’est fait ressentir et alors il n’était plus question de retour en arrière. Alissa était partie depuis longtemps, elle avait fuit sans laisser de trace.
Cette rencontre est aussi douloureuse pour elle que pour moi et je sens qu’elle doit prendre fin - tout mon corps me crie de prendre la fuite avant de m’effondrer et c’est ce que je m’apprête à faire quand sa voix me retient. « Non. Deux fois non! » Je ne me retourne pas, pas sûr de vouloir entendre la suite, de déclencher une nouvelle conversation plaine de reproche et de haine. Je suis fatigué, je voudrais tout oublier, me lever demain et la savoir loin de cette ville à nouveau. « Je n’ai pas raison. Mais toi non plus... Il y a tellement de choses que je t'ai pas dites! » Cette fois je me retourne un peu interdit, pas sûr non plus de vouloir tout savoir, mais de toute évidence quelque chose lui brule la langue. « Et bien si ça doit-être notre dernière conversation tu ferrais bien de saisir l’occasion pour vider son sac. » Je m’attends à une ordre de reproches à ce qu’elle me jette à la figure toutes mes fautes sans me laisser le temps de les encaisser. Mais ce n’est pourtant pas ce qu’elle a en tête. « Je suis désolé James… » Pour la première fois depuis qu’elle est revenue ses mots semblent réellement me toucher, il me semble y lire de la sincérité et pas juste une femme qui dit ce qu’elle pense que je veux entendre. Je reste silencieux à la regarder me demandant si quelque chose va suivre. « J'ai agis comme la pire des salopes. Tu ne le méritais pas. Je ne te méritais pas… » Ces mots réveillent quelque chose en moi - moi qui pensait que c’était ce que je voulais, qu’elle avoue ses tords je me rends compte que ses excuses ne font que de me replonger dans mes propos erreurs. Je sens mon coeur se serrer, et les larmes me monter aux yeux. Je sais bien que ce qu’elle dit est faux, qu’elle a fait tellement pour moi et que je n’ai pas su l’aider… Qu’elle aussi a souffert et que j’ai refusé de le voir, de partager ma peine avec elle pour que nous la vivions ensemble et non séparés. « C’est tellement douloureux… » Je sens un première larme dégringoler sur ma joue, puis une deuxième. Je me rends compte que je n’ai jamais pleuré pour ça… Pour nous. Pour ce gâchis de notre relation. « Je pensais que nous deux c’était pour toujours… Je croyais qu’on pourrait tout surmonter Alissa… Et ça fait tellement mal de se tromper à ce point. » C’est tout aussi douloureux de la regarder avec cette haine alors que je l’ai tant aimé. Je sens que mes barrières sont entrain de lâcher… « Je suis désolé… » Mon regard dans le sien je lui offre des vrais excuses pour tout ce que je nous ai infligé… Je n’ai pas d’autres mots et je ne suis sans doute pas encore prêt à citer mes tords mais je sais que j’en ai eu… Que j’ai arrêté d’être la bonne personne pour elle un jour, que je suis devenu un bourreau et que j’ai détruit notre relation autant qu’elle. Tout mon corps tremble maintenant pris de léger sanglot, je voudrais fuir ne pas lui montrer cette facette mais mon corps ne m’obéit plus… Je suis figé.
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James & Alissa
Je pensais porter les cicatrices de notre passé mais je me rends compte que je dois encore panser mes blessures. Nous ne nous aimions plus, nous nous étions étiolés puis brisés avant que le vent emporte nos cendres au loin. Je le savais. « Tu avais sans doute raison… » Mais lorsque cela sortit de la bouche de James, cela est aussi douloureux que la première fois où je l'ai compris il y a si longtemps. Jamais victoire ne fut aussi peu glorieuse et morose. « J’en étais plus capable… Et je savais que je ne redeviendrais jamais l’homme dont tu étais tombée amoureuse… » Je devais avouer qu'à l'époque, je pleurais la perte de Ian, ma fausse couche ainsi que l'ancien James. Ce nouveau James, je ne lui ai pas vraiment laissé sa chance, de toute façon il ne semblait pas vouloir de moi non plus... Il était trop froid, trop distant et parfois même acrimonieux. « Tu as sans doute eu raison de partir Alissa, t’aurais peut-être même du le faire avant… Mais pas de cette façon. » C'était à mon tour de baisser les yeux, indignée de mes propres choix. Je ne savais pas vraiment si je devais expliquer certaines choses qui m'étaient passées pas la tête et pourtant, j'en ressentais le besoin malgré le fait que je savais que cela pouvait être abrupt. J'ai pris peur quand parfois... Les mots ne semblaient pas pouvoir sortir et j'avais l'impression qu'ils s'apprêtaient à me brûler la gorge. Je marquais une pause, serrais les dents et retenaient quelques larmes avant d'avouer un ressentiment longtemps étouffé. Quand parfois, tu commençais à me rappeler mon père. La douleur et le chagrin avaient commencés à le changer à l'époque, à des moments, il était irritable. A d'autres, il était sur la défensive et je commençais doucement à sentir de l'animosité tapis dans son ombre. Cette part d'ombre chez lui m'effrayait, j'étais terrorisée à l'idée d'un jour la rencontrer quand je ne faisais que d'en entrevoir des prémices. Je ne savais que trop bien qu'il était très facile de glisser dans les méandres de l'agressivité. J'en savais James incapable néanmoins, à défaut, je ne savais rien de ce nouveau James et j'avais l'épouvante de ce que j'aurais pu découvrir. La fuite, aussi lâche soit-elle, est la seule chose dont j'ai eu la force. Continuer à me battre, était devenu trop rude.
Je n'ai pas envie que l'histoire se répète, que l'on se quitte sur des non-dits, le cœur lourd et la conscience accablée. Les rôles sont les mêmes, je reste figée à contempler le départ de James. Cette fois, je ne commets pas la même erreur. Quelque part, je me persuade que nous sommes trois ans plutôt, du moins j'aimerais m'en persuader. Les enjeux ne sont plus les mêmes, je n'ai plus de couple à sauver aujourd'hui, il ne reste que les erreurs à réparer. « Et bien si ça doit-être notre dernière conversation tu ferrais bien de saisir l’occasion pour vider son sac. » Lorsque James se retourne enfin, c'est dans ses yeux que je trouve enfin le courage d'expier une partie de mes fautes. Je fais face à certaines de mes erreurs et pour la première fois, je me sens quelque peu soulagée comme si les accepter les avaient allégés. Je faisais face et finalement, j'étais prête à affronter mon passé, mes démons, mes regrets ainsi qu'à assumer ma part de responsabilité. « C’est tellement douloureux… » Alors que je m'efforçais de garder la tête froide et de me contenir, quelle ne fut pas ma surprise de voir une larme défigurer le doux visage de James. Je sais... C'est un véritable calvaire pour moi aussi. Abasourdie, j'avais commencé à me préparer au fait qu'il allait partir mais il était toujours devant moi, ému et figé. Mon cœur se fendait devant ce spectacle déchirant. « Je pensais que nous deux c’était pour toujours… Je croyais qu’on pourrait tout surmonter Alissa… Et ça fait tellement mal de se tromper à ce point. » Les fissures de mon cœur me ravageaient, passant de picotements à des sensations de brûlure. Mes pensées étaient les mêmes. J'y entendais les espoirs passé du James que je connaissais et que j'aimais mais je devais faire face à notre échec. Force de constater que ces blessures faisaient partie de ce nouveau James, je me disais que c'était au moins le signe qu'une partie de lui avait survécu et qu'il ne s'était pas transformé en le monstre dont j'avais eu si peur qu'il devient. « Je suis désolé… » A mon tour, je laissais échapper quelques larmes que j'essuyais d'un geste rapide de la main et m'efforcer de ne pas craquer. Une nouvelle fois, de vieux instincts me saisissent et j'amorce un pas vers James, mécaniquement, je voudrais le prendre dans mes bras mais je me ravise encore une fois. A défaut, j'ébauche un semblant de pas une seconde fois, passe furtivement ma main sur son épaule avant de faire deux pas en arrière, comme pour réinstaurer un périmètre de sécurité entre nous. Cette caresse clandestine et fugace réveil tant de choses en moi que j'en retrouve une faible force pour esquisser un timide sourire qui doit fort ressembler à un rictus mais le cœur y est, puis finalement, s'efface en clin d’œil. Je baisse les yeux, encore, avant de reprendre. Je t'ai tenu à l'écart de certaines choses également... Il nous était impossible de surmonter ensemble les combats de l'autre alors que nous les ignorions, que nous nous les cachions... avouai-je péniblement en essuyant une nouvelle larme. Ses mots me revenaient de pleins fouets, que je devais vider mon sac, je les entendais encore et encore depuis tout à l'heure. James, je... Je me savais égoïste de vouloir le faire. Je me demandais souvent si je n'aurais pas du lui dire pourtant. Je ne savais même pas si cela me soulagerais ou me faire encore plus mal... Ça ne représente peut-être plus rien aujourd'hui... Ou bien ça te seras aussi douloureux que pour moi à l'époque mais... Mes yeux s'embuaient, retenant les larmes en otage, comme pour les retenir, le temps que ma bouche finisse d'extirper ce qu'elle avait si longtemps voulu partager. Il y a trois ans, je suis tombée... Enfin, j'étais... On a faillit être... bégayai-je, désarçonnée et inguérissable. Laisse tomber... C'est... Ce n'est plus important! mentis-je en me passant les mains aux bords des yeux pour les essuyer. Je n'y arrivais pas. Je ne savais pas pourquoi même si j'avais des soupçons. Je n'avais toujours pas fait mon deuil de cet enfant qui me hantait tout comme me hantait le fantôme de mon couple. J'espère simplement que tu es heureux maintenant, avec Mathis et sa maman... me contentai-je de rebondir, en posant mon regard sur cet enfant qui n'étais pas le mien dont j'avais fais tout les efforts possible jusqu'à lors pour me persuader qu'il n'était pas dans cette pièce avec nous... Ta femme a une chance incroyable d'être tombée sur toi... J'étais trop stupide, tu mérite mieux que ça.
James & Alissa I'd trade all my tomorrows for one single yesterday
C'
est sans doute bien plus utile qu’une psychanalyse, ce vidage de sac sans aucune retenue, se mélange de sensations qui me donnent envie de lui hurler dessus et en même temps de me rouler à ses pieds pour m’excuser. Tout n’est plus que confusion entre nous, une balle chaude que nous nous lançons l’un l’autre devenant tour à tour le bourreau et la victime sans pouvoir stopper l’échange pour nous stabiliser. Mon regard à même de la peine à soutenir le sien par moment tant l’intensité de cet instant est bouleversante. Je me rends compte qu’il nous est nécessaire même si j’ai souvent prié pour qu’il n’arrive jamais. Que jamais je n’ai à lui refaire face à nouveau. « J'ai pris peur quand parfois… » Le ton de sa voix me fait peur, tellement que je ne suis pas sûr de vouloir entendre la suite. Je reste pourtant silencieux en attentant de cette sentence qu’elle finit par prononcer. « Quand parfois, tu commençais à me rappeler mon père. » Les mots me sont douloureux, ce miroir sur mon passé. Sur celui que j’étais avec elle. « Je n’ai jamais voulu te faire de mal… » Et jamais je n’aurais osé lever la main sur elle j’espère qu’elle le sait, mais je l’ai sans doute blessé de bien d’autres moyens tout comme son père à pu le faire. « Je préférais mourir que de lever la main sur toi… Jamais… » Je sais que parfois les geste ne sont pas ceux qui font le plus mal mais je me serais toujours refusé à arriver à cette agressivité. C’est d’ailleurs peut-être la peur de celui que je pourrais être qui m’avait poussé à me retrancher dans ma solitude en l’empêchant de m’atteindre à nouveau. « La fuite, aussi lâche soit-elle, est la seule chose dont j'ai eu la force. Continuer à me battre, était devenu trop rude. » Au final il semblait aujourd’hui évident que nous n’étions rien de plus que deux âmes blessées… Que la force nous avait manqué pour continuer de devenir ceux que nous espérions être. Nous avions du tirer un trait sur tellement de chose, la première étant la famille que nous nous étions promis, l’amour que nous partagions si fort qu’il semblait impossible de le briser. Et pourtant... Preuve est qu’il était possible de tout détruire. Nous l’avons fait.
Finalement je ne peux retenir les larmes, celles que je n’ai jamais versées pour nous, comme si je m’y refusais. Comme si je refusais de donner à notre séparation cette importance alors pourtant qu’Alissa avait fait partie de ma vie depuis presque toujours. Son départ avait été une perte de plus dans ma vie, je n’avais plus eu de nouvelles comme une nouvelle mort à digéré alors que mon coeur se refusait à accepter plus de peine qu’il ne pouvait en contenir. Je ne peux pas dire que je n’avais jamais pensé à en finir avec ma vie mais la mort de mon frère m’en avait dissuadé, si j’avais encore la chance d’avoir une vie je devais en profiter. Je devais au moins essayer de la vivre pour lui - pour nous deux. Et la vie m’avait mené à ce moment de déchirure, deux âmes en pleures et incapables de se dire réellement les choses. De se pardonner l’un l’autre. Le contact d’Alissa est rapide presque trop, je me laisse apaiser par ce contact que j’avais presque oublié avant qu’il ne finisse. Le silence a pris place entre nous, parce que la peine semble envahir toute la pièce. « Je t'ai tenu à l'écart de certaines choses également... Il nous était impossible de surmonter ensemble les combats de l'autre alors que nous les ignorions, que nous nous les cachions… » Je sèche les larmes sur mes joues essayant de me reprendre. « Peut-être que les choses devaient se faire ainsi… Nous n’étions pas assez forts… » Assez forts pour se reposer l’un sur l’autre, pour continuer à nous aimer. Ce n’était peut-être pas assez et pourtant jamais je n’ai su aimé comme j’ai aimé Alissa.
« James, je... Ça ne représente peut-être plus rien aujourd'hui... Ou bien ça te seras aussi douloureux que pour moi à l'époque mais… » Mon coeur se ressert tout mon corps devenant plus rigide alors que j’attends le reste de la phrase, je ne sais pas à quoi m’attendre mais son regard triste ne me rassure pas. « Il y a trois ans, je suis tombée... Enfin, j'étais... On a faillit être… » Je fais un pas en arrière, j’ai peur de comprendre, peur de savoir ce qu’elle veut me dire, ce que j’aurais du deviner il y a bien des années. Peut-être même qu’une partie de moi là vu mais c’est refusé à l’accepter. Pourtant ses mots ne sortent pas et tant qu’elle ne l’a pas vraiment dit je peux continuer de prétendre que ça n’a jamais existé. C’est peut-être mon regard apeuré qui la stoppe, ou juste un instinct plus puissant. Mais la phrase ne sort pas. « Laisse tomber... C'est... Ce n'est plus important! » Je devrais me sentir rassuré mais non… Rien juste cette sensation qui ne s’en va pas. Celle que j’aurais du voir avant… que je ne peux plus fermer les yeux sur la vérité maintenant. « J'espère simplement que tu es heureux maintenant, avec Mathis et sa maman… Ta femme a une chance incroyable d'être tombée sur toi... J'étais trop stupide, tu mérite mieux que ça.» Ce nouveau mensonge que je l’ai laissé croire je ne peux plus revenir en arrière maintenant. Je regard mon fils avec une certaine tendresse lui aussi semble plus calme. « Je suis heureux… » C’est vrai, même si Mathis n’a pas de mère, si je l’élève seul il apporte une dose tellement énorme d’amour dans ma vie que pour une fois je peux le dire, je suis heureux. Ian me manque encore, tous les jours mais je peux vivre avec aujourd’hui. « Et toi ? » Il me semble lire la réponse dans ses yeux mais je ne me permets pas de relever ce regard, je n’en ai plus le droit aujourd’hui. Après sa réponse il y a un nouveau silence. Trop long, trop pesant et je finis par me rapprocher d’elle. Instinctivement ma main va se poser sur son joue, je reste comme ça un instant à la regarder, mon pouce caressant sa peau. « Dis le moi Alissa… Ca va aller. Dis moi ce que tu m’as caché. » Je sais qu’elle a ce gros secret à me relever. Je sais aussi que ça risque de faire mal. Mais elle et moi nous en avons sans doute besoin.